INTRODUCTION
Le commerce international a une importance stratégique
dans le fonctionnement de l'économie mondiale et porte sur un volume de
transactions de plus en plus élevé. Selon le rapport sur «
le commerce mondial » de l'Organisation Mondiale du Commerce, la valeur
des échanges internationaux de marchandises dans le monde en 2002
atteignait 6 240 milliards de dollars pour les exportations1.
Lorsque les relations d'affaires internationales sont
coûteuses et aléatoires, il y aura certainement des litiges
naissant de leur rapport contractuel. Si le conflit ne met en cause que deux
partenaires commerciaux, il paraît assez simple pour le juge saisi de
trancher l'affaire en cause. Mais, en réalité, sur la
scène internationale, plusieurs opérateurs économiques,
souvent, coopèrent entre eux pour réaliser une opération
économique internationale. Tant que chacun est lié par un
contrat, cette coopération forme un groupe ou une chaîne de
contrats qui sert à atteindre un objectif économique
déterminé. A titre d'exemple, dans l'opération de
sous-traitance internationale, le groupe de contrats se compose de deux
contrats : l'un passé par le maître d'ouvrage et l'entrepreneur
principal et l'autre conclu par ce dernier et le sous-traitant. Supposons que
le sous-traitant n'a pas bien exécuté ses obligations, et que le
maître d'ouvrage intentait une action en responsabilité contre
celui-ci, le juge saisi face à des difficultés quant à la
détermination des régimes applicables à une telle action
directe. A priori, il doit qualifier si cette action est contractuelle ou
délictuelle.
Les groupes de contrats internationaux peuvent être
analysés comme une succession de contrats débordant le cadre des
frontières nationales. La plupart des droits, trop attachés au
principe de l'effet relatif des contrats, refusent d'admettre la
réalité de groupes de contrats. Notons qu'il n'y a que le droit
français, belge et luxembourgeois qui reconnaît une chaîne
de contrat. En droit français, une action directe d'un
sous-acquéreur contre un fabricant est qualifiée de
contractuelle. Pourtant, les autres systèmes juridiques dans la
communauté internationale
1 OMC, Rapport sur le commerce mondial, 2003,
p. 13
qualifient une telle action de délictuelle.
En l'absence de reconnaissance d'une chaîne de contrats,
le sous-acquéreur agit contre le cocontractant immédiat,
c'est-à-dire le vendeur intermédiaire. Le vendeur fabricant
n'échappe pas à toute responsabilité, puisqu'il fera, le
plus souvent, l'objet d'une action récursoire ou d'une demande en
intervention de la part du débiteur intermédiaire. Ces actions
contractuelles ne suscitent pas de difficultés particulières en
droit international : l'action contre le vendeur intermédiaire
relève de la loi du contrat conclu entre ce dernier et le
sous-acquéreur ; l'action récursoire relève de la loi du
contrat qui lie le vendeur intermédiaire au fabricant2.
Si l'on reconnaît, au contraire, l'existence d'une
chaîne de contrats, le sous- acquéreur peut exercer une action
directe à l'encontre du fabricant, contractant extrême de la
chaîne. Une telle action donne au demandeur un intérêt
majeur de pouvoir engager la responsabilité du défendeur sur le
plan contractuel et non sur le plan délictuel. Ces deux qualifications
produisent des conséquences juridiques importantes puisque la
responsabilité contractuelle peut être engagée du seul fait
de l'inexécution d'une obligation contractuelle, alors que la
responsabilité délictuelle suppose, en principe, l'existence et
la preuve d'une faute. D'ailleurs, les clauses limitatives de
responsabilité ou attributives de juridiction ne sont opposables que
dans le cadre d'une action contractuelle. Ainsi, par cette extension du contrat
initial de la chaîne en faveur du titulaire de l'action, on
confère à ce dernier la possibilité d'agir contre le
contractant responsable, et parfois le plus solvable.
Lorsque le juge français est saisi par une action
directe à caractère international, il devra alors, afin de
vérifier s'il est compétent pour connaître l'affaire,
déterminer la juridiction compétente (chapitre I) en
l'espèce. S'il se déclare compétent, il doit ensuite
déterminer le système juridique applicable à cette action
directe (chapitre II).
2 Cass. 1ère civ, 4 oct. 1989 : D.
1990, p. 266, obs. B. Audit; Rev. crit. DIP 1990, p. 316, note P.
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