B. La Banque Mondiale et
les conditionnalités micro-économiques et sectorielles
La Banque s'occupe donc principalement des conditions
micro-économiques et sectorielles dans les programmes. Le FMI ayant
tissé le cadre macro-économique et même un peu plus
parfois, la Banque superpose sa conditionalité sur ses
thèmes de compétences. Les conditions imposées par la
Banque sont plus nombreuses et plus spécifiques car elles couvrent un
à un l'ensemble des secteurs de compétence. Outre les
thèmes de compétences «partagées» vues
précédemment, on trouve entre autres62(*) :
· La décentralisation et le développement
local c'est à dire le transfert d'autorité et de
responsabilités de fonctions publiques, de l'administration centrale,
vers les organisations gouvernementales subordonnées ou quasi autonomes
et/ou vers le secteur privé. On en trouve plusieurs types dont la
décentralisation politique, administrative, la décentralisation
des finances et la décentralisation du marché.
· Le développement du secteur privé est
pris en compte par la Banque au travers de l'amélioration de
l'environnement économique, la gestion et la réforme
d'entreprises, l'accès aux capitaux internationaux et le
développement de l'infrastructure.
· Le développement rural et agricole qui
comprend, entre autres, la gestion des ressources naturelles, la
compétitivité du secteur, l'autosuffisance, ou encore
l'infrastructure rurale.
· Le secteur de l'électricité et autres
énergies par biais de la dérégulation des marchés,
l'amélioration des économies d'énergies et le
développement d'énergies renouvelables.
· La gestion et réforme de l'éducation
pour assurer une éducation plus large à moindres coûts par
le biais de la décentralisation et de l'implication du secteur
privé.
· La gouvernance et gestion du secteur public
· La promotion des marchés de capitaux,
· La protection sociale avec une attention
particulière pour la pauvreté, l'éducation, la
santé, l'emploi et le milieu rural.
· La gestion des terres et de l'immobilier
· Les transports (en tant qu'infrastructure pour le
commerce)
· Les réformes sectorielles et cross-sectorielles
· La participation des ONG et de la
société civile
Ceci n'est qu'un petit aperçu de l'étendu de
l'action de la Banque. Mais il prouve déjà la portée
immense du champ de la conditionnalité. Certains auteurs comme
Loxley63(*) la
considèrent même comme plus pénétrante,
envahissante, et soutenable sur le long terme que celle du FMI en raison de son
enracinement dans les structures socio-économiques du pays.
Afin de mieux appréhender la conditionnalité de
la Banque, il faudrait se pencher sur un contrat de prêt. Seulement, ces
documents étant pour la plupart secrets, il semble plus facile de se
servir des documents des pays comme les lettres de politique de
développement ou comme ici un document intérimaire de
stratégie de réduction de la pauvreté64(*) auxquels il est fait
référence dans les véritables contrats
DOCUMENT INTÉRIMAIRE DE STRATÉGIE DE
RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ PRÉPARÉ PAR LE
GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DE GUINÉE
Matrice des stratégies et politiques de
réduction de la pauvreté (document reproduit
partiellement)
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OBJECTIF GENERAL
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OBJECTIFS DETAILLES
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STRATEGIES /
ACTIVITES
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INDICATEURS
ET BUTS
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Politique budgétaire
|
Améliorer la gestion
des finances
publiques
|
Amélioration du niveau des recettes,
en
particulier les recettes non
minières
Améliorer l'efficience de
l'allocation
des ressources publiques
Assurer la discipline
budgétaire
Renforcer le cadre de contrôle
des
dépenses
Améliorer l'efficacité et la
compétitivité de la passation des marchés
|
Améliorer l'administration de l'impôt en
restructurant les services fiscaux de Conakry et de l'intérieur /
Renforcer la gestion de la TVA en particulier par le transfert
systématique des informations de la DND à la DNI.
Contrôler plus efficacement le recouvrement de
l'impôt par la mise en place d'indicateurs et
d'incitations pour les agents de recouvrement.
Améliorer le recouvrement des recettes douanières
par (i) le renforcement de la coordination entre les
services des Douanes et la SGS, (ii) le redéploiement et
formation du personnel, et (iii) la réduction et le renforcement du
suivi des exonérations.
Renforcer le cadre de dépense à moyen terme (CDMT)
en mettant l'accent sur : (i) la mise à jour régulière des
stratégies et des objectifs sectoriels, (ii) le renforcement de la
capacité d'exécution et de suivi du CDMT, (iii) la décent.
de la gestion des ressources
budgétaires, et (iv) l'application à tous les
secteurs.
Produire les données détaillées sur l'impact
desnouveaux projets sur les dépenses récurrentes.
Améliorer les prévisions à moyen terme des
dépenses et allocations intersectorielles en assurant la
compatibilité avec le cadrage macro-économique.
Produire pour chaque exercice des comptes
budgétaires définitifs vérifiés (loi
de règlement) au plus tard dans les 6 mois suivant la fin de
l'exercice.
Mettre en place une base de données sur les coûts
unitaires pour les catégories courantes de matériels et de
travaux.
Renforcer la préparation, l'exécution et le suivi
des projets.
Adopter un nouveau système pour la gestion des
contributions locales relatives aux projets financés par l'IDA. / Faire
préparer des audits indépendants des passations de marché
de chaque ministère sectoriel.
Suivre les dépassements de délai au stade de la
signature des marchés et des paiements y afférents.
Appliquer les procédures budgétaires et
réglementaires et harmoniser textes y afférent
Réorganiser la Direction nationale du Trésor.
|
Réaliser un excédent brut intérieur de 3% du
PIB en 2002
Faire passer les recettes non minières de
l'équivalent de 7,8% en 99 à 10% en 2002
|
Développement rural
|
1. Améliorer
l'alimentation et la
sécurité alimentaire.
2. Augmenter les
revenus des
populations en milieu
rural
|
Agriculture
Augmenter la production et la productivité
agricole et permettre la
transformation et la
commercialisation
des produits
|
Promotion de techniques améliorées de production et
de conservation.
Développement des infrastructures de base : transport,
eau, etc.
Amélioration du cadre institutionnel juridique et
réglementaire : code foncier et domanial, en
particulier, améliorer l'accès à la terre
des groupes défavorisés ou fragilisés.
Augmenter l'accès au micro- crédit.
Protection de l'environnement et gestion rationnelle et durable
des ressources naturelles : réglementation, amélioration des
connaissances (ex : foyers améliorés).
Renforcement de l'organisation paysanne pour consolider les
capacités des agriculteurs.
|
Taux de croissance du PIB agricole de 10% par an en 2010.
Taux d'accroissement des rendements et des récoltes des
différentes cultures.
Quantité de calories disponibles
par habitant.
Volume d'importations de riz.
Superficie mise en défense.
Nombre de groupements créés et
encadrés.
|
|
Pêche
1. Maximiser les
bénéfices
économiques de l'exploitation
rationnelle des ressources halieutiques et aquacoles
et augmenter la production
piscicole
2. Augmentation des revenus des pêcheurs et
création d'emplois
|
Participation des communautés (création et soutien
comités de développement des débarcadères),
Amélioration des installations (débarcadères
et pistes rurales).
Approvisionnement en équipement (moteurs, filets
pièces détachées) grâce à la réduction
des taxes à l'importation du matériel de pêche et à
des avantages fiscaux.
Traitement et mise en valeur des produits.
Facilitation de l'accès au crédit.
Protection des ressources halieutiques et exploitation
rationnelle et durable des ressources.
Appui à la pêche artisanale.
Gestion rationnelle de la flotte industrielle
Gestion des pêcheries continentales
Promotion de la crevetticulture
Gestion des ressources humaines
|
Taux de croissance du PIB du
sous- secteur.
Consommation annuelle par
habitant de 13 kg en 1997 à 17 kg en 2007.
Quantité de poisson capturé.
Recettes d'exportation tirées des produits de la mer.
Le nombre d'emplois créés et le revenu
distribué
|
Secteur minier
|
Accélérer la
croissance
économique par
l'exploitation du
potentiel minier du
pays.
|
1. Réduire les charges et
améliorer
la compétitivité du
secteur
2. Promouvoir les investissements
privés et mieux valoriser les
produits du secteur
|
Poursuivre les plans de réduction des coûts pour
CBG, Friguia et SBK,.
Adopter les nouvelles mesures de restructuration pour SBK.
Réduire la part de l'Etat dans le capital de Friguia et/
ou recourir à une concession privée.
Promulguer les décrets d'application qui permettront
d'harmoniser les dispositions du code minier avec celles des autres textes
législatifs.
Améliorer le dispositif institutionnel et mettre en place
une politique de développement intégré en vue de la
transformation de la bauxite en aluminium.
Associer le secteur privé à la gestion des services
géologiques, et restructurer ces services.
|
Taux de croissance du secteur
(en % par an)
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CDMT et Secteurs prioritaires
|
Augmenter l'impact
des dépenses
publiques sur la
réduction de la
pauvreté grâce à une
meilleure allocation
des ressources.
|
1. Améliorer l'efficience de
l'allocation
des ressources publiques.
2. Amélioration de la qualité des
prestations par les services publics
3. Renforcer la transparence dans la gestion des
dépenses
|
Renforcer le cadre de dépense à moyen terme(CDMT)
en mettant l'accent sur la mise à jour
Revue des stratégies et des objectifs sectoriels,
amélioration des prévisions à moyen terme des
dépenses, allocations prioritaires des dépenses, renforcement de
la capacité d'exécution et de suivi du CDMT ,
Adoption du CDMT par tous les secteurs.
Renforcer les ressources humaines et le cadre institutionnel pour
améliorer la prestation du service public.
Améliorer la communication entre prestataires et
bénéficiaires des services.
Mettre en place des systèmes d'incitation
appropriés et axés sur les résultats et instituer les
sanctions.
Adopter un système d'audit des marchés publics et
des projets d'investissement
Elaborer et diffuser les indicateurs de performance
Elaborer les lois de règlement sur base annuelle pour
revue par l'Assemblée
|
Part du budget alloué aux
secteurs prioritaires
Part des dépenses de réduction
de la pauvreté / total dépenses
Part des dépenses allouées aux
structures déconcentrées
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On peut donc supposer qu'une partie des mesures
proposées ici par le gouvernement de Guinée (en collaboration
avec les services de la Banque bien évidemment) seront reprises par la
Banque Mondiale sous forme de conditionnalité que ce soit en tant
qu'indicateurs intermédiaires ou finaux, d'intrants ou d'extrants, dans
le contrats de prêt.
Les institutions de Bretton Woods ont donc tenté de
séparer leurs domaine d'intervention au sein de l'ajustement structurel.
Cependant, cette dichotomie macro-économie/micro-économie reste
artificielle car elle en tient pas compte des vastes interactions entre les
deux niveaux ou même de l'existence d'un niveau
méso-économique. Si la double conditionnalité, dans sa
forme juridique, a réussi à assurer une cohérence des
méthodes, elle a ,par contre, été à l'origine
d'incohérences et de chevauchements en tant qu'instrument de politique
économique. Cela s'explique notamment par le déséquilibre
de la relation entre les deux institutions. Et ce dernier est la
conséquence directe de la réorientation du Fonds vers
l'assistance financière au développement consécutive
à la crise monétaire et économique des années
70.
Il reste maintenant à analyser la cohérence
externe de la double conditionnalité.
* 62 Site de la Banque
Mondiale, Secteurs et Thèmes,
http://www.banquemondiale.org/secteurs.htm
* 63 Scandinavian Institute
of African Studies, The IMF and the World Bank in Africa : conditionality,
impact, and alternatives, Almquist & Wiksell International, Stockholm,
1987, p 15
* 64 Reproduction partielle de
la matrice des stratégies de « Guinea: Interim Poverty
Reduction Strategy Paper »,
http://poverty.worldbank.org/files/guinea_iprsp_fr.pdf,
28/08/01
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