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La cohérence de la double conditionnalité des institutions de Bretton Woods

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par Cédric LAVERIE
Université Paris X - D.E.A. de Droit des Relations Economiques Internationales et Communautaires 2001
  

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B. Vers un principe d'ingérence pour le développement ?

La notion devoir d'ingérence est apparue à la fin des années 80 sous la plume de Mario Bettati et de Bernard Kouchner145(*) et s'appliquait uniquement au domaine humanitaire pour les pays sortant d'une catastrophe naturelle ou en guerre. Cette notion semble bien entendu contraire au principe de souveraineté. Mais le droit international évolue et a commencé à tenir compte de cette possibilité d'intervention dans des cas extrêmes de détresse des populations. Des exemples146(*) de cette avancée sont la résolution 688 de l'ONU qui insiste « pour que l'Irak permette un accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance » ou encore l'arrêt de la CIJ dans l'affaire du Nicaragua qui énonce que « la fourniture d'aide strictement humanitaire à des personnes ou à des forces se trouvant dans un autre pays ... ne saurait être considérée comme une intervention illicite ». Cependant, le principe n'est pas accepté par tous. De nombreux pays refusent encore cette idée d'intervention humanitaire et veulent continuer a se référer à la Charte des Nations-Unies uniquement, sentiment qui a été renforcé par la récente intervention humanitaire au Kosovo147(*).

Néanmoins, parmi les pays occidentaux, « la formule a vite fait recette, particulièrement avec l'avènement d'un nouvel ordre mondial sensé replacer au premier rang des priorités des valeurs comme la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de la personne humaine148(*) ». Ces valeurs ressemblent étrangement à celles que les institutions de Bretton Woods commencent à intégrer dans leurs programmes. On peut donc se demander si, au delà de leur inclusion comme critère d `éligibilité à l'assistance financière que l'on a vu précédemment, le FMI et la Banque ne vont pas se servir de cette notion de devoir d'ingérence pour justifier leur action future pour les pays en développement. L'arrivée de la bonne gouvernance dans la rhétorique des institutions de Bretton Woods conjuguée à la demande pressante des organisations des droits de l'homme pour que le FMI et la Banque prenne en compte les droits de l'homme dans leurs programmes fait que l'utilisation d'un droit d'ingérence pour le développement ne semble pas exclu. La bonne gouvernance qui est déjà intégrée dans la double conditionnalité pourrait s'étendre et dépasser alors la limite actuelle de sa justification économique. On se trouverait alors dans un cadre où les institutions de Bretton Woods aurait un contrôle complet sur la sphère politique, sociale et culturelle. La progression des idées de conditionnalité sociale ou démocratique ne fait que renforcer la probabilité de cette nouvelle tendance. De plus, l'opposition entre la souveraineté et l'ingérence ne fait que renforcer l'intérêt de ce principe pour les institutions de Bretton Woods pour qui, selon le dogme du consensus de Washington, la souveraineté de l'Etat représente un frein au développement. Le développement ne passe plus par l'Etat mais par les « droits » des populations et leur défense. Cette théorie est défendue par le prix Nobel d'économie Amartya Sen149(*).

Malgré l'attrait évident de cette théorie au niveau de la prise en compte des droits politiques, sociaux et culturels des populations, elle présente le même risque de dérapage que l'ingérence humanitaire. Tous deux peuvent apparaître comme une simple couverture à des formes cyniques de volonté hégémonique. Le risque le plus grand de la part des institutions de Bretton Woods (comme de la part de l'OTAN pour l'ingérence humanitaire) serait l'utilisation de ce concept contre la souveraineté dans son sens politique c'est à dire contre la nation et la politique en tant que tels et cela au profit du marché. Cela ne résoudrait en rien le problème du développement ou plus généralement les problèmes contre les quels est censé lutter ce devoir d'ingérence. La souveraineté de l'Etat n'est pas un concept dépassé même si il a beaucoup souffert depuis la deuxième guerre mondiale. Mais comme Hannah Arendt150(*) le rappelle, ce n'est pas l'Etat-nation qui est à l'origine des guerres et des haines mais au contraire le dépérissement de cet Etat-nation et la diminution de sa sphère d'influence au profit d'intérêts privés. Il ne faudrait donc pas que ce droit d'ingérence ne soit que le prétexte à une opération idéologique visant dessaisissement du citoyen de ses droits politiques fondamentaux au profit de la régulation économique.

Le droit d'ingérence pour le développement et ses corollaires que sont les conditionnalités sociales ou démocratiques pose donc de larges problèmes au niveau du respect de la souveraineté tant dans sa conception juridique que politique. Le même problème se pose pour l'introduction d'une clause sociale à l'OMC. Il reste à voir comment les institutions de Bretton Woods vont gérer cette nouvelle tendance et comment l'ONU va tenter de délimiter la portée de ces nouveaux principes.

* 145 M. Bettati and B. Kouchner (eds.), Le devoir d'ingérence, Denoël, Paris, 1987, 300 p

* 146 Exemples cités dans P. Dailler et A. Pellet, Droit International Public (Nguyen Quoc Dinh), LGDJ, Paris, 1999, p 445

* 147 Voir N. Chomsky, Le nouvel humanisme militaire, Editions Page deux, Lausanne, 2000, 293p

* 148 O. Corten, « Les ambiguïtés du droit d'ingérence humanitaire », http://www.unesco.org/courier/1999_08/fr/ethique/txt1.htm, 15/09/2001

* 149 A. Sen, Development as freedom, Oford University Press, Oxford, 1999, 366p

* 150 H. Arendt, The origins of totalitarism, World Publishing Company, Cleveland, 1962, 520 p.

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