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Quelques éléments théorique et empiriques sur la vision des techniques et des sciences d'étudiants de L3 en cursus scolaire scientifique et non scientifique

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par Yannick RIVERA
Université de Grenoble - Sciences de l'éducations - Master 1 2006
  

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UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE

UFR SCIENCES DE L' HOMME ET DE LA SOCIETE (SHS)

QUELQUES ELEMENTS THEORIQUES ET EMPIRIQUES

SUR LA VISION DES TECHNIQUES ET DES SCIENCES

D' ETUDIANTS DE L3 EN CURSUS SCOLAIRE

SCIENTIFIQUE ET NON SCIENTIFIQUE

Mémoire de Master 1ère année

Mention Sciences de l'éducation

Présenté par Yannick Rivera

Sous la direction de Christian Depret

Année universitaire 2006/2007

Se sentir étranger à tout, voilà l'excès de la solitude.

André Suarès

Table des matièresI

ntroduction 7

P

ARTIE 1: DES VISIONS DE LA TECHNIQUE 10

La technique chez les Grecs 10

Tekhnè et poïésis 10

La technique volée aux dieux 10

La grandeur de l'homme: acquérir de multiples techniques 11

La technique et l'outil 12

L'outil, libérateur de la parole et créateur de l'homo faber 12

Machines et outils techniques 13

L'imposition d'un rythme autonome 14

De l'organisation sociale 14

Technique et culture 15

Des savoirs faire traditionnels 16

Gérer efficacement la politique 17

Religion et progrès technique 18

Un système décisionnel technique 20

Rationalisation scientifique 20

Une société technico-scientifique 22

P

ARTIE 2: UNE AUTONOMIE SCIENCES-TECHNIQUES EN QUESTION 24

Du lien entre science et technique 24

Contraction de sens entre science et technique 24

Les origines de la science 25

Le néologisme « techno-science » 26

Une séparation bien réelle à conserver 27

Une opposition partielle entre sciences et technique 28

Glisser vers l'appel à l'autorité 28

Du savoir universel à l'effet local 29

P

ARTIE 3: L' UTILISATION DE L' ARTEFACT 31

De l'artefact à l'instrument 31

La notion de représentations pour l'action 31

La notion de genèse instrumentale 33

Le rapport de l'individu à l'instrument 34

L'artefact: une boite noire pour l'utilisateur 34

L' oubli des techniques 37

Problématique 38

P

ARTIE 4: RECUEIL DES DONNEES ET DISCUSSION 40

Méthodologie et matériel 41

Objectifs généraux 41

Le questionnaire 41

Détail et construction des variables 44

Type d'étude universitaire (VI) 45

Type de bac (VI) 46

Parcours scolaire (VI) 47

L'échantillon étudié 47

Tableaux de données 48

Tri à plat 48

Tableaux croisés 49

Discussion 49

En résumé 58

Profils des étudiants en fonction du parcours scolaire 60

C

onclusions et ouvertures 61

B

ibliographie 64

A

NNEXES 1

Annexe1: Questionnaire 1

Annexe 2: Tri à plat 6

Annexe 3: Tableaux croisés 9

Annexe 4: Présentation et comparaisons des graphiques 12

Annexe 5 : Khi deux 16

Introduction

Deux grands types d'approches peuvent être décrit pour parler de la technique. Une première approche ontologique, liée à l'évolution, qui fournit le concept clé d'une technologie rationaliste et étudie ses propriétés générales. Conçue comme concept transcendantal, elle trace le cadre de la connaissance possible de l'objet technique. Pour elle, c'est à l'intérieur des limites d'une essence technique qu'il est possible de parler de progrès (Guchet, 2005). Nous nous attarderons à dresser un panorama large de certaines approches anthropologiques de la technique au travers d'auteurs comme, Heidegger, Arendt, Stiegler, Simondon, Leroi-gourhan ou encore Habermas. La multiplication des artefacts alentours est constitutif de notre culture et implique un projet. Mais la technique ne s'arrête pas aux artefacts physiques, elle peut être corporelle ou intellectuelle et engendre une organisation sociale en faisant évoluer nos routines et nos manières de vivre.

Une seconde approche descriptive des systèmes techniques est présente dans la littérature, regroupant les théories de l'innovation et les efforts pour montrer des lois objectives d'organisation et de transformation des systèmes techniques. Cette approche, très déterministe, invite à s'adapter à l'inéluctable avancée technique, à accompagner sa progression, elle ne sera pas développer dans ce mémoire.

Comment est perçue la technique, et quels rapports les étudiants entretiennent ils avec elle? Si il existe un croisement entre leurs perceptions des techniques et des sciences et leurs manières de concevoir l'organisation sociale, qu'est ce qui participe à forger leurs différents points de vue?

Quelques visions de la technique et de son implication dans la société seront approchées dans la première partie de ce mémoire. Pour Heidegger (1954), la technique constitue, en son essence, un mode de dévoilement de l'état dans lequel l'homme est immergé dès sa naissance. L'auteur allemand identifie deux sortes de technique. La technè antique qui laisse venir tranquillement ce qui apparaît, comme la coupe d'argent qui est conduite de la non-présence à la présence par le travail de l'artisan, et la technique moderne qui provoque la nature, qui en extrait et accumule l'énergie disponible. Marcuse oppose à cette vision de la technique l'expression d'un projet de rationalité historiquement daté, c'est à dire comme quelque chose qui peut être dépassé historiquement. Nous nous arrêterons ici à définir la technique comme étant l'ensemble des procédés et des moyens jugés efficaces pour obtenir un résultat désiré.

Depuis l'avènement du progrès technique, les croyances théologiques sont remplacées par les croyances sociales et politiques (Stiegler 2004). Aujourd'hui sciences et techniques peuvent être analysées comme des instruments de légitimation utilisées par le pouvoir afin de générer des règles et des habitudes de vie. Cette relation entre science et société est développée par Habermas (1963) qui critique sa tournure technocratique. L'avenir se dessine alors avec, à l'horizon, un monde rationnel scientifique et une maîtrise technique totale.

Sciences techniques et société entretiennent une relation confuse qui provient de leur histoire respective. Les premières sciences contemplatives furent dénuées de l'apport de la technique. Le lien qui les unies l'une à l'autre aujourd'hui n'est apparu que tardivement (Séris, 2000), lors de la révolution scientifique du XVIIème sciecle. A partir de ce moment là, la mathématisation des phénomènes impliquera des mesures et donc une approche technique. Nous discuterons des troubles engendrés par un tel recouvrement dans la deuxième partie du mémoire tentera de positionner techniques et sciences l'une par rapport à l'autre et donc de différencier leurs champs d'applications.

Les théories anthropologiques de la technique méritent d'être alimentées par des paradigmes annexes comme celui de l'utilisation de l'artefact. Dans la troisième partie nous nous appuierons sur les travaux de Rabardel (1995) afin de détailler plusieurs notions. Les représentations pour l'action que possède le sujet lors de l'utilisation d'un instrument le guide et l'oriente lors de l'activité. En parallèle, certaines représentations et utilisations d'artefacts montrent une part de superstition et de méconnaissance des systèmes employés, selon Norman (1983). Dès lors l'artefact peut être vu comme une boite noire pour l'utilisateur, créant une interface entre le savoir universel, crée scientifiquement, et l'effet local recherché par la technique. Cette approche du rapport entre l'individu et l'objet technique engage une genèse instrumentale transformatrice du sujet et de l'artefact.

Stiegler (2004) montre dans une dynamique différente comment les phénomènes d'instrumentation, transformateurs du sujet, génèrent une désindividuation lorsqu'ils sont reproduits à l'échelle planétaire. Dans cette perspective, une étude de certaines représentations des techniques et des sciences chez les étudiants pourrait nous renseigner sur certains de leurs jugements déclarés ainsi que sur leur rapport aux techniques. La dernière partie propose une étude quantitative tentant de mettre en avant trois dimensions de leurs représentations. Nous mesurerons les différences de choix individuels exprimés en fonction des techniques qui sont disponibles dans les situations proposées. Ensuite nous comparerons les prises de position des étudiants, par rapport aux sciences, lors de décisions à caractère social. Et enfin nous tenterons de voir les connaissances qu'ils déclarent avoir autour de la méthode scientifique et de l'autonomie des champs scientifiques et techniques. Nous étudierons la corrélation entre les réponses des étudiants et leur parcours scolaire où nous différencierons des profils scientifiques et des profils non scientifiques.

PARTIE 1: DES VISIONS DE LA TECHNIQUE
La technique chez les Grecs

Tekhnè et poïésis

La poïésis désigne le travail de l'artisan et de l'artiste, une action qui transforme et continue le monde. La poïésis est à la fois, l'activité libre de l'être humain et la création. Platon la définie comme « Cause qui, quelle que soit la chose considérée, fait passer celle-ci du non-être à l'être  [...] les travaux qui dépendent d'une technè, quelle qu'elle soit, sont des poïésis et leurs producteurs sont tous les poètes1(*) » (Platon, 205 b).

Tekhnè désigne tout savoir-faire traditionnel permettant d'obtenir à volonté un résultat donné. La technique comprenait avant le XVIIIémé siècle, à la fois les pratiques utilitaires2(*) et les beaux-arts. Depuis cette date, les beaux-arts désignent la recherche d'une expérience esthétique. Le domaine où le faire humain est créateur est la tekhnè. « La tekhnè en général ou bien imite la physis ou bien effectue ce que la nature est dans l'impossibilité d'accomplir » (Platon, a 15-17). Elle prend son origine chez les Anciens, elle est le feux volé aux dieux dans un mythe d' Épiméthée et de Prométhée.

La technique volée aux dieux

L' homme est un être technicien. Dans un mythe rapporté par Platon (Protagoras, 320d-322b) , la technique est le don du titan Prométhée3(*) à l'humanité, afin de la secourir de son originelle déficience face aux périls naturels. Car, dans son étourderie, Épiméthée4(*), que son frère Prométhée avait autorisé à distribuer toutes les qualités aux créatures appelées à l'existence, avait oublié l'homme. Dépourvu de toute arme et de toute protection naturelle, l'homme nu aurait été promis à une destruction assurée, si Prométhée ne l'avait sauvé en dérobant aux dieux le feu de la technique et les «sciences propres à conserver sa vie » (Platon, 321b). La technique est donc, dans ce mythe rapporté par Platon, ce par quoi l'homme se maintient dans l'existence et s'adapte à un environnement hostile. Elle le sauve de son originelle impuissance, elle lui permet de se procurer des ressources pour vivre (Platon, ibid.).

La grandeur de l'homme: acquérir de multiples techniques

Aristote dans « Les Parties des animaux » (687 b) conteste l'enracinement de l'impuissance et le dénuement originel de l'homme. Ce serait à l'être capable d'acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l'outil de loin le plus utile, la main. « Aussi, ceux qui disent que l'homme n'est pas bien constitué et qu'il est le moins bien partagé des animaux [...] sont dans l'erreur. Car les autres animaux n'ont chacun qu'un seul moyen de défense et il ne leur est pas possible de le changer pour faire n'importe quoi d'autre, et ne doivent jamais déposer l'armure qu'ils ont autour de leur corps ni changer l'arme qu'ils ont reçue en partage. » (Aristote, 687 b, pp. 136-137 ).

Il voit l'origine de la technique dans la puissance de l'homme. En effet, l'homme dispose originellement d'une infinité d'outils grâce à la polyvalence de sa main. La main-outils s'adapte à l'intelligence supérieure de l'homme, elle permet de répondre à de multiples circonstances. L'homme est « l'être capable d'acquérir le plus grand nombre de techniques » (Aristote, 687b, p136) par le couplage de sa main et de son intelligence supérieure, c'est ce qui fait de lui, pour Aristote, un être supérieur. La technique est un moyen d'utiliser la nature et de dépasser sa propre condition.

La technique et l'outil

L'outil, libérateur de la parole et créateur de l'homo faber

Si certains animaux sont utilisateurs d'outils, seul l'homme est véritablement un fabricant d'outils. Des primates manifestent certes quelques compétences fabricatrices, mais elles sont sans commune mesure avec celles de l'homme. Les paléontologues parlent donc de l'homo faber5(*) et considèrent l'usage et la conception de l'outil comme un critère de l'humanité en ce sens que concevoir intentionnellement un outil implique d'anticiper mentalement son utilisation, de déterminer sa forme et son matériau. Leroi-gourhan postule qu'« il y a possibilité de langage à partir du moment où la préhistoire livre des outils, puisque outils et langage sont liés neurologiquement et puisque l'un et l'autre sont indissociables de la structure sociale de l'humanité » (Leroi-gourhan, 1943, p.103). B. Stiegler (1994) avance que la faible spécialisation initiale de l'homme va petit à petit se transformer en multi-spécialisation à travers la prothétisation de toutes ses fonctions que vont apporter les outils.

Bergson (1907) affirme en ce sens que l' homo faber a précédé l' homo sapiens6(*). L'intelligence est originellement technicienne, elle est l'aptitude à fabriquer des outils. Selon lui, l'évolution de la vie délaisse chez l'homme l'instinct au profit de l'intelligence. Or cette intelligence, avant tout vouée à se saisir de la matière et de la manipuler, est essentiellement fabricatrice. C'est pourquoi homo faber précède homo sapiens. Cette faculté à construire et imaginer des outils caractérise l'Homme plus que tout autre caractéristique physiologique ou intellectuelle. Il est possible que plus tard, la machine à vapeur serve à marquer un age, comme la pierre taillée ou le bronze. L'auteur rappelle « qu'aujourd'hui encore notre vie sociale gravite autour de la fabrication et de l'utilisation d'instruments artificiels, que les inventions qui jalonnent la route du progrès en ont aussi tracé la direction » ( p 138). L'intelligence est vue dans ce contexte comme la démarche originelle de fabriquer des objets artificiels, et plus particulièrement, des outils à faire des outils.

L'auteur montre une relation intime entre l'activité technique et la réflexion théorique. Si la technique procède par détours pour transformer la nature, elle témoigne de la faculté qu'a l'intelligence humaine de prendre un certain recul par rapport à la réalité. l'homme est capable de se représenter le monde dans lequel il évolue, tandis que l'animal serait seulement présent à la nature, capable de moindres représentations.

Pour Otlet (1934), l'outil fondamental de l'homme est le document en ce qu'il lui permet de se constituer une mémoire sociale par la conservation de traces organisées. Le tournant historique actuel emprunté par l'humanité serait dû pour l'auteur à l'accroissement de la masse de donnée acquise. Pour l'auteur, il faut inventer de nouveaux instruments pour les simplifier, les condenser ou jamais l'intelligence ne saura, ni surmonter les difficultés qui l'accablent, ni réaliser les progrès qu'elle entrevoit et auxquels elle aspire.

Machines et outils techniques

Notons la différence entre l'outil et la machine. L'outil est le prolongement du corps (il lui est adapté) et de l'énergie physique. C'est un objet fabriqué (la pierre taillée, le marteau-piqueur...) qui sert à transformer un donné initial. La machine est un dispositif mécanique permettant de transformer l'énergie reçue en une autre plus appropriée en vue d'un effet donné (par exemple, la poulie et l'ordinateur). Dans cette conception, un outil peut être une machine. Ils témoignent tous deux d'un geste efficace et lui permettent de s'extérioriser (Leroi-Gourhan, 1943). Ce qui les différencie est l'utilisation que l'on fait alors de cette machine-outil. La grande différence de la machine avec l'outil ne réside pas dans sa complexité, mais dans son degré d'indépendance par rapport à l'utilisateur, c'est-à-dire d'automatisme. Lewis Mumford (1950) rappel que l'outil sert à manipuler et la machine à automatiser. Elle utilise généralement pour cela d'autres formes d'énergie que la force musculaire. Par son automatisme, et à la différence de l'outil, il est vrai que la machine ne prolonge pas le rapport de l'homme au monde mais tend à s'y substituer.

Pour beaucoup d'objet cette classification n'est pas strict et permet de classer certains artefacts dans l'une et l'autre catégorie. L'ordinateur cité plus haut peut se concevoir comme une machine en substituant l'homme à son rapport au monde et en tant que hautement automatisé. Mais il est aussi un outil dans le sens ou il prolonge bien, dans une certaine utilisation, les mains de celui qui écrit, tout comme l'aurait fait le stylo avec la complicité de l'énergie physique humaine.

L'imposition d'un rythme autonome

Selon Hannah Arendt (1968), le passage de l'outil à la machine est d'une grande signification dans les productions industrielles : désormais, le corps devient dépendant de ce qu'il utilise, et plus précisément du rythme autonome qui lui est imposé. Le progrès technique ne va pas ici sans une certaine aliénation de l'ouvrier opérateur, à travers la soumission de son corps. Les machines sont aujourd'hui une condition de notre existence, aussi importante que les outils ont pu l'être pour le développement de l'homme. « Tandis que les outils d'artisanat à toutes les phases du processus de l'oeuvre restent les serviteurs de la main, les machines exigent que le travailleur les serve et qu'il adapte le rythme naturel de son corps à leur mouvement mécanique. » (Hannah Arendt, 1968, p. 165). L'auteur précise que cela ne veut pas dire que les hommes en tant que tels s'adaptent ou s'asservissent à leurs machines, mais que pendant toute la durée du travail à la machine, le processus mécanique remplace le rythme du corps humain.

Ici l'outil, en étant un prolongement de la main, reste une amélioration des capacités humaines. Il ne pourra ni la remplacer, ni la guider. Alors que la machine, même très simple, guide le travail, et peu même le remplacer. On a dit plus haut que la machine tendait à se substituer à l'homme lui-même. Soulignons que cette tendance a sa limite, dans la mesure où toute machine reste dépendante de l'homme dans sa conception, sa fabrication et sa réparation.

De l'organisation sociale

Mais la technique ne se limite pas nécessairement à la production d'objets, elle n'est pas seulement instrumentale. Elle peut aussi bien être corporelle7(*) qu'intellectuelle8(*). Elle sera vu ici comme l'ensemble des procédés et des moyens jugés efficaces pour obtenir un résultat désiré.

Technique et culture

De prime abord, l'homme semble être le seul responsable de l'usage qu'il fait d'une machine, qui n'est qu'un moyen. Herbert Marcuse (1968) conteste cette croyance : l'invasion généralisée de toute la culture par la technique n'est pas sans effets politiques. La technique va jusqu'à changer nos modes de consommation et nos habitudes de vie. Ces choix ne sont alors plus à l'origine d'une réflexion politique et encore moins d'un choix réfléchie mais procèdent d'un engrenage amorcer par la technique. Elle devient alors transformatrice de notre culture, de nos moeurs et influence jusqu'à notre organisation social.

« L'a priori technologique est un a priori politique dans la mesure où la transformation de la nature entraîne celle de l'homme, et dans la mesure où les "créations faites par l'homme" proviennent d'un ensemble social, et où elles y retournent. On peut toujours dire que le machinisme de l'univers technologique est "en tant que tel" indifférent aux fins politiques -- il peut révolutionner ou il peut retarder une société.

Herbert Marcuse, « L'Homme unidimensionnel » (1964), Éd. de Minuit, 1968, p.177.

Beaucoup d'objets techniques peuvent servir en temps de paix ou en temps de guerre de façon indifférenciée. C'est l'utilisateur et non la technique qui impose l'utilité des artefacts dans le milieu social. Cependant, quand la technique devient la « forme universelle de la production matérielle, elle circonscrit une culture tout entière ; elle projette une totalité historique -- un "monde". » (Herbert Marcuse, 1964, p177)

Les artefacts ne sont pas seulement des moyens individuels, ils sont porteurs de partage et de division du travail, ils ont une signification incorporée dans une pratique sociale.

Des savoirs faire traditionnels

L'anticipation ou le projet présent en toute technique impliquent un dépassement du présent immédiat. Le détour technique, le décalage temporelle qu'il implique, c'est la temporalité entre le besoin (ou le désir) et sa satisfaction. Fabriqués ou conçus en vue de la tâche à accomplir, les outils et les techniques sont aussi conservés une fois cette tâche accomplie ; ils sont perfectionnés et transmis aux générations suivantes. Les techniques sont donc inscrites dans l'histoire et la culture. Marcel Mauss (1936, p. 371) «appelle technique un acte traditionnel efficace. [...] Il n'y a pas de technique et pas de transmission, s'il n'y a pas de tradition.».

De même, la technique suppose le travail, activité astreignante faite en vue d'une autre par laquelle on opère une action de transformation des biens initiaux. Rabardel (1995, p23) nous rappel qu' « une technique n'existe que lorsqu'elle est pratiquée, c'est-à-dire lorsqu'elle passe par quelqu'un qui, l'ayant apprise ou inventée, la met en oeuvre de façon efficace.»

La technique, qui concourt à cette transformation, est donc une médiation entre l'homme et la nature. Transmise sous forme de savoirs traditionnels, elle à permis la création, la particularisations des cultures et des peuples. Elle est encore de nos jour un facteur de discrimination entre puissances étatiques qui, revendiquent la maîtrise des certaines techniques et en font un instrument de domination commerciale ou guerrière. De la maîtrise de l'acier trempé aux machines à tisser et plus actuellement au nucléaire, les peuples n'ont eu cesse depuis les débuts des civilisations de se démarquer par les techniques qu'ils avaient développer.

Notons par ailleurs que si une technique est par définition transmissible, les modes de transmission des objets techniques différent profondément des modes de transmission des techniques subjectives : on hérite d'un objet technique comme d'un bien, on apprend les techniques subjectives par imitation, par essai et erreur, c'est-à-dire toujours avec quelqu'un qui maîtrise une technique et qui l'enseigne à quelqu'un qui ne la maîtrise pas encore. Puisque tous les objets techniques supposent des savoir-faire et des techniques invisibles, il est possible d'hériter d'objets techniques qu'on ne saura pas utiliser faute de savoir comment le faire. Ainsi, les Gallo-romains avaient créent des machines comme la faucheuse et la moissonneuse qui cesseront d'être employées au Moyen-Age. Cela se produit parce que les modes de transmission des objets technique n'est pas le même que celui des savoir-faire et des techniques invisibles : leur apprentissage exige des conditions politiques, sociales et même culturelles qui ne sont pas toujours réalisées.

Gérer efficacement la politique

De toutes les techniques maîtrisées par l'homme, la plus importante est l'organisation sociale elle-même, l'appareil le plus puissant jamais créé par l'homme est le réseau réglé des rapports sociaux.

Bien sur, ceci implique l'institution, et l'institution est beaucoup plus et autre chose que la technique mais elle contient indissociablement la technique sociale c'est à dire la rationalisation des relations entre les hommes telle qu'elle est constituée par la société9(*). Aucune société ne serait possible sans cette technique d'organisation sociale. C'est en ce sens, comme faisant partie d'un tout non dépassable, que l'on peut expliquer l'irréversibilité des choix qu'engendre les techniques.

Elles sont profondément ancrées dans nos routines, nos méthodes et dans la totalité de nos installations. Si il est possible de choisir entre plusieurs techniques de production d'énergie, par exemple centrales thermiques, hydrolique ou nucléaire, il est impossible de choisir l'ensemble des techniques utilisées tant elles sont incorporées à nos façons d'agir, nos savoirs faire. Elles engagent aussi des porteurs humains, de la dextérité manuelle et intellectuelle de million d'hommes, elles ont comme ont commence à le savoir des effets massifs que rien ni personnes ne contrôle tout à fait. « Neutralité et liberté de choix, dans ces conditions, n'ont aucun sens ; une telle liberté n'existerait que dans le cas d'une révolution totale, sans précédent dans l'histoire, où la société se poserait explicitement la question de la transformation consciente de sa technologie » (Cornélius Castoriadis, http://www.universalis-edu.com, consulté le 02/01/2007).

Selon Hans Jonas (1979) , aucune éthique du passé n'est plus à la mesure des irréversibles menaces de la technique contemporaine. Pour notre civilisation technologique, Jonas met en garde contre l'irréversibilité crée par la technique. Cette irréversibilité n'est pas uniquement écologique, elle s'affirme aussi dans les modes d'organisation et de gestion des hommes entre eux ainsi que dans les savoirs faire accumulés. «La soumission de la nature destinée au bonheur humain a entraîné par la démesure de son succès [...] le plus grand défi pour l'être humain que son faire ait jamais entraîné ». (Hans Jonas, 1979, pp13).

Le mythe de Prométhée nous enseigne déjà que la technique est une transgression par rapport aux Dieux. En exploitant les espoirs qu'elle suscite et les peurs qu'elle ravive, l'opinion publique a souvent tendance à mythifier la technique ainsi que la science qui l'accompagne10(*). Prométhée, Pandore et Frankenstein accompagnent nos représentations de la science et des techniques. Ce qui désormais caractérise la technique, ce n'est pas son état, mais son évolution. D'où l'intérêt de connaître ses lois et de savoir comment elle se développe. Son développement est il dû au hasard, à sa rationalité propre ou à des agents socio-économiques?

Religion et progrès technique

Pour Bernard Stiegler (2004), la dérive des croyances religieuses vers le progrès technique date des lumières puis de la révolution française. Il y a eu transformation des croyances religieuses en croyances politique et sociales, c'est à dire en croyance dans le progrès. Ce fut la fin du discours de l'être, c'est à dire du discours « onto-théologico-politique » (B. Stiegler, 2004, p91 ) qui constituait les ordres sociaux11(*) et la confrontation à une expérience du devenir comme discours d'émancipation, de transformation du monde. Si ce discours à posé le problème du devenir humains et à pu permettre la libération des pensées hors du champs théologique, il a aujourd'hui un effet déshumanisant en imposant le rythme des productions techniques aux rythmes mondial. Il s'opère une unification des moeurs, des cultures et des consommation qui implique une désindividuation de chacun.

Le processus d'individuation (Simondon, 1989) est le processus de formation et de particularisation de l'individu; plus spécialement de l'individu psychologique comme être distinct de l'ensemble, de la psychologie collective. L'individuation est donc un processus de différentiation qui a pour but de développer la personnalité individuelle.

L'individuation d'un sujet est un processus dans une relation avec un environnement social et technique qui lui préexiste, elle mène donc toujours à une individuation collective. Bernard Stiegler (1993) a étendu le concept de Simondon pour donner à la technique un rôle plus important en tant qu'environnement de l'individuation. C'est dans ce sens que nous l'entendrons désormais.

Comme l'explique Stiegler, la perte d'identité générée par la mondialisation et la synchronisation des consommations peut être ramené à la conséquence de la sur-utilisation normée des objets techniques souffrant du marketing :

«L'évolution incessante des technologies, hyperdiachronique en cela (leur obsolescence toujours accélérée), a pour résultat tout à fait paradoxal que les sociétés et les individus qui les composent régressent à leur stades les plus archaïques, et s'y rétractent dans un état d'hypersynchronisation grégaire, où ils se désindividuent. Leur diachronicité n'est plus définie que par les objets, et ceux ci supportent des usages dont les modèles comportementaux sont formalisés et standardisés par le marketing, tandis que leur obsolescence ne permet pas que le temps transforme ses usages en pratiques.»

B. Stiegler (1994), « Mécréance et discrédit - 1. La décadence des démocraties industrielles », éd Galilée, pp 72-73.

La fin du discours de l'être d'un point de vue théologique marque l'apogée de la science et du lien nouveau quelle entretient avec la technologie. Le progrès technique entraîne, « sous la pression des investissements de capitaux, dans une sélection selon des possibles tronqués, qui suivent les impératifs de développement, c'est à dire soumis à l'hégémonie des critères de subsistance.» (B. Stiegler, 2004, p92). Ce devenir humain, appelé progrès technique, marque selon l'auteur, le glissement des croyances théologiques vers un avenir scientifico-technicisé.

Ici l'emprise directive du système de gouvernance de notre société n'est pas vu verticalement, comme imposant une pression au dessus de l'être, mais horizontalement, constitutif du sujet même. Le pouvoir n'est plus vu comme massif, répressif et extérieur au sujet, mais comme partie intégrante de sa constitution et intérieur à lui même. La désindividuation entraînée par un système technocratique en est le symptôme le plus marquant.

Un système décisionnel technique

Rationalisation scientifique

Habermas (1963) étudie les rapports entre la politique, la science et l'opinion publique dans le capitalisme avancé. Il met en relief l'idéologie technocratique oeuvrant pour la substitution progressive de techniques issues du monde mécaniste et marchand, à l'action démocratique des citoyens.

Le mot citoyen vient du latin civis qui signifie « celui qui a droit de cité ». Historiquement, un citoyen est un membre d'une cité-Etat grecque, disposant du droit de suffrage dans les assemblées publiques. Il participe aux décisions de la cité relatives aux lois, à la guerre, à la justice, à l'administration12(*). De nos jours, un citoyen est une personne qui relève de la protection et de l'autorité d'un Etat, dont il est un ressortissant. Ce mot est intimement lié à la démocratie puisque être citoyen implique que l'on fasse partie d'un corps politique, un État, et que l'on ait dans ce corps politique des droits et des devoirs.

La notion de citoyen repose donc à la fois sur la responsabilité individuelle et l'intérêt collectif. Et c'est précisément l'enjeu qui nous préoccupe ici dans le cadre des représentations des techniques et des sciences qu'entretiennent les étudiants. Les compétences du citoyen s'exercent dans un cadre géographiquement défini. Or aujourd'hui, cette notion de territoire tend à devenir plus floue.

Habermas s'interroge sur les conséquences que peut avoir la rationalité scientifique et sur la manière dont les individus, en tant que citoyens, se représentent la société dans laquelle ils vivent. Il questionne aussi les répercutions de cette rationalisation sur le fonctionnement de la démocratie, cela dans un monde ou l'information est devenue elle-même un produit de la technique. Il entend réconcilier la démocratie et la technique, et restaurer le dialogue entre ces deux mondes.

Remettre la technique et la science aux services des citoyens, afin qu'elles ne soient plus un instrument de domination en éclairant les rapports qu'il existe entre les évolutions du système social et les rapports à la technique entretenu par les politiques.

« Le progrès quasi autonome de la science et de la technique dont dépend effectivement la variable la plus importante du système, à savoir la croissance économique, fait [...] figure de variable indépendante. Il en résulte une perspective selon laquelle l'évolution du système social paraît être déterminée par la logique du progrès scientifique et technique. La dynamique immanente à ce progrès semble produire des contraintes objectives auxquelles doit se conformer une politique répondant à des besoins fonctionnels. »

Jurgen Habermas, « La Technique et la Science comme idéologie » (1963), trad. J.-R. Ladmiral, Éd. Gallimard, 1973, p45

Mais l'effet inverse se produit aussi une fois que cette illusion s'est implantée. On évoque le rôle de la science et de la technique pour « expliquer et légitimer les raisons pour lesquelles, dans les sociétés modernes, un processus de formation démocratique de la volonté politique concernant les questions de la pratique "doit" nécessairement perdre toute fonction [...]. » (p 45). Ces procédés de décisions doivent alors céder la place aux décisions de nature plébiscitaire et de stratégie politique. C'est la thèse de la technocratie, et le discours scientifique en a développé la théorie sous différentes versions.

C'est la mise en avant d'un complexe technique-industrie-armée-administration intégré avec un processus de feed-back généralisé, que l'auteur compare à un système de vases communicants. C'est ainsi que sciences et techniques deviennent premières force productrices dans nos sociétés actuelles. On peut donc prévoir que de plus en plus il reviendra au complexe scientifique (et technique) un primat fonctionnel au sein de notre société dans son ensemble. Cette thèse de la technocratie pénètre en tant qu'idéologie dans la conscience de chacun et impose son pouvoir de légitimation des politiques. La croyance dans les techniques et particulièrement dans le progrès technique s'est ajouté aux stimulis comme le vote, la consommation et les loisirs en guise de guides de comportements sociaux.

Une société technico-scientifique

La rationalité croissante de la société est liée à l'institutionnalisation du progrès scientifique et technique. La maîtrise de la nature et la productivité toujours croissante assurent aux individus des conditions d'existences toujours plus confortables. Désormais, les sciences et techniques ne servent plus à une critique des légitimations des décisions étatiques, mais deviennent elles même des principes de légitimation. Ce sont à leur tour les sciences et les techniques qui assument aujourd'hui la fonction de donner sa légitimation au pouvoir. Le progrès technique est vu comme la clé de la compétitivité économique. En transformant les conditions de marché, la technologie remet sans cesse en cause les situations établies, et permet à ceux qui sont en avance de détenir un avantage compétitif qui justifie les choix de société. Habermas incrimine la rationalité instrumentale qui modifie le travail et toute l'organisation sociale, du transport à l'éducation en passant par l'urbanisme et la communication.

« Il y a dés lors la naissance de l'infrastructure d'une société contrainte à la modernisation. Les visions du monde traditionnel perdent leurs puissances et leur validité 1°/en tant que mythe, religion, croyances et traditions indiscutables, elles sont transformées en 2°/ éthiques et croyances subjectives qui assurent le caractère obligatoire privé des orientations modernes par rapport aux valeurs. Enfin, elles sont remaniées, réinterprétées et deviennent 3°/ des constructions ayant une double fonction: à la fois critique de la tradition et réorganisation des contenus de cette tradition, devenus ainsi disponibles, d'après les principes du droit formel et de l'échange des équivalents. »

Jurgen Habermas, « La Technique et la Science comme idéologie » (1963), trad. J.-R. Ladmiral, Éd. Gallimard, 1973, pp33-34

Dans cette vision, les idéologies remplacent les légitimations traditionnelles en et s'autos-justifient en se revendiquant de la science. Cette justification permet, sous couvert scientifique, de se présenter comme critique de l'idéologie alors qu'elle en est une elle même. La technique engendre une organisation sociale, il est maintenant avéré qu'elle favorise la technicisation de nos modes de sociétés. il reste à savoir comment l'homme réagit face à de tels objets techniques qu'il n'a pas toujours contribué à construire et qui lui sont imposés comme étant les choix les plus rationnels, les plus scientifique.

Ainsi, pour Herbert Marcuse (1964), les techniques sont une forme de domination de l'homme rendu possible par l'aliénation à des besoins superflus où la société industrielle contemporaine tend au totalitarisme : c'est-à-dire une uniformisation économique et technique non-terroriste qui fonctionne en manipulant les besoins au nom d'un faux intérêt général. Les théories de Heidegger fournissent aussi de nombreux éléments dans ce cadre : il parle d'arraisonnement (Gestell) systématique de la nature et de l'homme par la technique moderne. La technologie impose intrinsèquement une organisation rationnelle de toute action dans laquelle elle intervient. « L'homme subit le contrôle, la demande et l'injonction d'une puissance qui se manifeste dans l'essence de la technique et qu'il ne domine pas lui-même. » (Heidegger, 1977, p50)

La création de savoir par des institutions d'experts peut isoler ce savoir du groupe société. Le rapport entre l'institution scientifique, créatrice de savoir, et la société apparaît être à la fois créateur et modificateur de lien social (Lyotard, 1979). La construction de ces relations relève d'un réel choix politique. Le présupposé de cette approche de l'auteur est que « tout atome social peut acquérir la compétence scientifique » (ibid.). Cette interrogation des changements de société créés par l'agglomération technique-science s'inscrit dans un paradigme de recherche en pleine évolution qui tentent de réduire, ou du moins d'interroger l'espace entre science et société.

PARTIE 2: UNE AUTONOMIE SCIENCES-TECHNIQUES EN QUESTION

Du lien entre science et technique

Contraction de sens entre science et technique

La technique et la science se distinguent mal. Une des preuves de cette confusion est l'invention du terme « techno-science » qui tente de désigner le complexe des techniques et des sciences qui contrôle et commande la cohérence de la recherche et du développement. C'est un complexe scientifico-technique et industriel qui à une réalité sociologique, politique et économique. Il est peu de découvertes scientifiques qui ne se monnaient par des applications techniques immédiates et parfois spectaculaires. J.P. Séris (2000) évoque ce lien distendu, rendu inconnu entre l'épistèmé contemplative Grecque et la technè utilitaire, active et débrouillarde que nous connaissons. Entre technique et science, « parle t'on de parenté, de symbiose, de parasitisme, de collusion, de confusion, de couplage, de feed-back? »

La technique désigne dans la langue commune l'activité de recherche et d'invention que l'on élabore autour des procédés opérants13(*), elle leur donne vie, les anime et les transforme. Elle les englobe donc et renvoi aussi bien aux artefacts construits par l'homme qu'aux savoirs faire qu'il élabore.

H. Marcuse, cité par Habermas (1963), présente la technique comme un projet socio-historique. Il se projette en elle ce qu'une société intentionne de faire des hommes et des choses. Habermas complète que ce projet se rapporte à l'espèce humaine dans son ensemble et non pas à quelque chose qui puisse être dépasser historiquement. Autrement dit, pour Habermas, cette rationalisation technico-scientifique ne peut pas être ramené à une intention moderne mais prend ses sources dans les origines et le développement de l'espèce humaine.

Les origines de la science

Les débuts de la science se firent sans la technique (Jean-Pierre Séris, 2000). Au regard des origines de sa naissance, la science est pure théoria14(*) ce qui la rend donc anti-technicienne. Au XVII ème ont parle de la révolution scientifique, avènement d'une science aux attitudes et aux intention impliquant fortement la technique. Cette vision proche de celle de Descartes fait passer de la scientia comptemplativa à la scientia activa afin que les homme se rendent « comme maîtres et possesseurs de la nature » (René Descartes, 1637). A partir de là un équilibrage entre observation, expérimentation et démonstration est à trouver. Expérimentation et démonstration se conjuguent afin de donner son caractère à la science opérative15(*). Mesure et mathématisation du phénomène sont inséparable et vont désormais de pair. L'articulation nouvelle science-technique trouve là sa raison d'être.

Habermas (1963) avance que la science moderne se déploie dans la perspective transcendantale16(*) de la possibilité de disposer techniquement des choses. C'est pour l'auteur un projet de l'espèce humaine dans son ensemble et non d'une époque particulière. Les appareils de la technologie font partie de l'organisme humain, comme la coquille au mollusque, pour reprendre les termes d' Habermas. Au regard de ce motif culturel majeur, pourquoi la convergence de l'entreprise technique et de l'aventure scientifique est-elle ressentie par les contemporains comme une atteinte à la liberté, une servitude et non une promesse de maîtrise?

D'abord, l'amalgame des complexes militaro-industriel, de la technique et de la science, c'est cette concrétion qui semble gérer, selon des règles propres les idéologies de recherche actuelles. Ensuite, la rapidité de transformation et l'efficacité de cette association à de quoi intimider depuis qu'elle a montrer de quoi elle était capable: destruction à grande échelles, armes incontrôlées, transformation irréversible de notre environnement de vie.

Le néologisme « techno-science »

Le néologisme techno-science (Gilbert Hottois, 2004) désigne l'interconnexion d'une technique dépendante de ses garants théoriques et d'une science assujettie à un arsenal instrumental. Le mixte révélé par ce terme, fait suite à une rationalisation décrié par Weber depuis les début du capitalisme. Techno-science met en avant que la technique n'est pas dérivée de la théorie ou de la science par une application plus ou moins lointaine, extérieure, terre à terre, mais qu'elles agissent simultanément et poursuivent les même but. G. Hottois met l'accent aussi sur ce que suggère ce terme par l'ordre des mots accolés comme signifiant aussi que la science est devenue le moyen de la technique. Comme si la technique était en amont et en aval de la science mais aussi au coeur même de la science, celle ci se projette et s'absorbe dans la technique.

Cette quasi personnification de la technique réactive les thèmes de la connaissance désintéressée et respectueuse de son objet et celui de la technique qui à la fois altère et affecte aussi bien l'ordre des choses que le technicien lui même.

Mais si on considère la technologie vis à vis de la science, une nouvelle dynamique apparaît. Appliquant les théories scientifiques, utilisant donc des concepts abstraits, invisibles, elle permet de construire des objets empiriques inédits dans la nature. La technologie se distingue, dit Bachelard (1934), de la technique par cette puissance créative, cette capacité à faire autre chose. Cette capacité de novation vient de l'autonomie de l'esprit scientifique. De là vient sa fécondité, que fige la répétition du monde empirique donné. De plus, cette liberté n'est pas une négligence du monde physique, puisqu'au contraire, la technologie montre qu'elle peut se concrétiser dans des faits. Les valeurs rationnelles, c'est-à-dire les systèmes théoriques ne sont donc pas détachés du monde empirique. Ce monde est simplement celui qui peut être produit après coup par la théorie. La réalisation finale, empirique, apparaît alors comme une concrétisation des valeurs rationnelles, antérieures à l'action.

Une séparation bien réelle à conserver

Toutefois les acquisitions techniques n'ayant eu besoin d'aucune sciences sont légions. C'est souvent après coup, que l'on découvre qu'une technique est susceptible de théorisation. Cette technique sans la science se caractérise, comme nous venons de le voir, par son aspect incroyablement stationnaire.

Ce fut le cas, par exemple, des hybridations de céréales maîtrisées depuis longtemps par des civilisations, des lunettes d'approche et du microscope simple. Mais depuis le XVIII ème siècle, les exemples de techniques pures se raréfient, ou sont en voie de disparition. Depuis cette époque, la mesure et le calcul, sont pour la technique le moyen d'utiliser directement des connaissances scientifiques.

Aujourd'hui un deuxième age apparaît, celui des sciences appliquées, des sciences industrielles, c'est celui d'une science acquérant l'intelligence des phénomènes et des processus naturels ou techniques. C'est la mobilisation du savoir scientifique à des fins pratiques concrètes, il s'agit de connaître pour agir ou pour produire. Ce qu'on attend de la science aujourd'hui ce sont de nouvelles techniques.

Depuis la seconde guerre mondiale, recherche scientifique et recherche technologiques font l'objet d'une même politique économique. Économie de guerre, politique d'armement et concurrence économique ont fait entrer cette agglomération dans les méthodes et les moeurs.

Si techniques et sciences ont croisées leurs stratégies, y a t'il encore lieu de les distinguer? Telle qu'elle est aujourd'hui, la technique est indispensable aux sciences, et forte de leurs concours, sans s'identifier à elles, elle peut prendre conscience d'elle même comme volonté et pensée. Volonté technique puisque son histoire et son devenir sont rationnels et par ce que située à son véritable niveau elle doit laisser aux agents économiques et politiques de décision toute leurs responsabilité (J.P. Séris, 2000). L'engrenage et la sur-enchère des techniques auquel nous assistons constitue le progrès technique, forme dynamique des savoirs crées.

Une opposition partielle entre sciences et technique

Pour les économistes J. Blanchet et L. Hottlet, « l'ancien séjour symbolique de l'homme dans le monde est impossible » (J. Blanchet et L. Hottlet, 1999, p46). Le monde apparaît aux auteurs comme désenchanté par la rationalisation des techniques et l'explicitation apporté par la science. Sous ce point de vue, il existe une « altérité profonde et irréductible entre la technique et le symbolique »(Ibid. p47) , comme si l'objet technique, conjointement produit avec les sciences, permettait de rationaliser le monde alentours. L'utilisateur des techniques serait donc plus à même de rationaliser le monde, de le désenchanter, de le connaître.

Dans un contexte où le développement de nouvelles techniques semble mené par des préoccupations socio-économiques, et où le renouvellement perpétuel des objets ne permet pas leur appropriation, rien ne semble moins sure. Si la science crée du savoir on peut se demander si la technique crée, chez certains utilisateurs, de la superstition ou de la rationalisation. La multiplication des interfaces techniques entre le monde naturel et l'homme ne permet pas de saisir tout les tenants et les aboutissants des savoirs ayant permis de les développer.

Le monde technologique nous entoure de plus en plus d'objets que nous ne saisissons peut être pas. Dans ces conditions il semble difficile d'affirmer que le monde est désenchanté par les techniques sans se poser la question de l'appropriation des techniques.

Glisser vers l'appel à l'autorité

La dérive du mot « technique » vers le terme abusif « technologique » est révélatrice de la rationalisation scientifique de la technique que l'on met en avant dans nos sociétés. L'utilisation nouvelle de ce terme est concomitante à l'ouverture du marché mondial aux productions industrialo-technico-scientifique (J.P. Séris, 2000). Si la science est aujourd'hui le symbole de la rationalité croissante de notre société, elle influence le champ alentour de la technique qui profite de son aura de légitimité pour se transformer alors en technologique. Ce mot, issu de l'anglicisme technologic, engage avec lui tout le complexe technico-scientifique sous la pression du marketing industriel afin d'ajuster les besoins et les ventes à la nouvelle offre produite par l'innovation technologique. Ces produits, présentés comme autant de révolutions techniques incessantes, peuvent détourner l'utilisateur de leurs fonctionnements et l'orienter vers le besoin crée.

Mais la technique est autre chose que la science et sa légitimité est toute autre. Les méthodes scientifiques veulent permettre la construction de savoirs à travers la science qui s'impose comme rationalisation du monde. L'objet technique, jouit de cette image rationnelle et forte, de réflexion humaine, de construction et d'avancée scientifique. Cette perméabilité dans les champs de la science et de la technique se fait entre autres au travers du sophisme d'appel à l'autorité. « L'appel à l'autorité invoque, à l'appui d'une conclusion, le fait qu'elle soit partagée par une personne ou une institution qui dispose d'une position d'autorité. » (Ringuet J.N., 2007). Ici la science ne joue pas uniquement un rôle d'argumentation de la technique mais peut imposer une légitimation dans les construits sociaux en dehors de son domaine d'activité.

Cet appel à l'autorité peut empêcher tout esprit critique ainsi qu'une certaine autonomie intellectuelle.

Du savoir universel à l'effet local

La rationalisation croissante de la société (J. Habermas, 1973) a mené les sciences et les techniques à légitimer le pouvoir et paradoxalement l'objet technique peut imposer de vivre dans un environnement de plus en plus étranger, embarquant une pléthore de concepts inconnus pour certains d'entre nous. Pourtant, la légitimité sociale attribuée aux objets techniques - certains diront technologique - paraît parfois sans faille même si l'instrument nous est totalement étranger. Notre environnement s'habille de plus en plus d'objets techniques destinés à la maîtrise toujours plus poussée du naturel.

Rogalsky (1988) montre comment des élèves ont tendance à attribuer à la machine les mêmes connaissances et compétences que les leurs propres. Ce défaut de représentation les gène dans leur tâche et insiste sur les défauts de représentation du monde matériel. Ces élèves vouent à la machine des caractéristiques mystiques, quasi personnologiques. La représentation anthropomorphique qu'ils se font des objets techniques est éloignée de leurs vraies caractéristiques.

La diffusion d'objets techniques à grande échelle, imposée par le système économique actuel, en plus de synchroniser les envies et les modes de vie à l'échelle mondiale (B. Stiegler, 2004) oblige à vivre dans un monde de plus en plus inconnu. Ce monde renferme une série croissante d'objets opaques; semblables à des boites noires; dont on ne saisit parfois que les effets et rarement les concepts scientifiques sous-jacents.

La finalité d'une technique est d'être opérante, elle n'a nul besoin d'une compréhension des phénomènes qui la composent pour faire valoir sa validité. Mais il se trouve que d'une certaine manière elle va à l'encontre du principe même de la science - la création de savoir - par l'imposition d'artefacts véhiculant une grande quantité d'inconnu pour l'utilisateur. Ici, le logos, construit par le doute méthodique cartésien, ce voit opposer à la technique. Si le doute est un conseil de précaution dans l'usage de la raison, la technique, elle se contente d'être opérante.

Nous avons évoqué le lien science-technique et montré comment chacune accroît son domaine de maîtrise par le renforcement de l'autre. Il est important de préciser que pour l'utilisateur des techniques une part de mystification du monde est rarement inévitable à cause de la compréhension partielle des causes qui régissent ses actions. Ici la science et la technique peuvent être discutées d'un point de vue antinomique, la première éclairant le monde du naturel, la seconde créant un environnement complexe, étranger et souvent camouflé.

PARTIE 3: L' UTILISATION DE L' ARTEFACT

Après ce tour d'horizon de différentes implications de la technique d'un point de vue anthropologique, il convient d'en préciser leurs utilisations. L'utilisation de l'artefact technique, qui peut être physique ou cognitif, demande de se représenter la situation d'application afin de parvenir au but fixé. Cette représentation pour l'action est à l'origine de toutes utilisations de la technique, elle guide et oriente le sujet lors de l'action.

De l'artefact à l'instrument

La notion de représentations pour l'action

Nous utiliserons ici, en suivant la définition de Rabardel, le terme d'instrument pour « désigner l'artefact en situation, inscrit dans un usage, dans un rapport instrumental à l'action du sujet, en tant que moyen de celle-ci » (Rabardel, 1995, p49)

Les caractéristiques essentielles des représentations opératives d'un artefact sont en premier lieu leur finalisation par rapport à l'action et plus généralement à l'activité du sujet. Elles ont des fonctions d'orientation et de guidage de l'action. Leur caractère laconique ne représente que certains aspects de la situation afin de conserver un fonctionnement cognitif économe. Elle ne vise pas la complétude, au contraire, elle propose une « déformation fonctionnelle » (Rabardel, 1995, p118). Le rôle de ses représentation n'est pas d'être fidèle au représenté, mais de sélectionner les points informant en fonction de la tâche.

La façon d'appréhender une tâches impliquant un artefact dépend grandement de la conceptualisation de la situation. En interagissant avec l'environnement et avec l'instrument, il se forme chez l'utilisateur un modèle mental (Norman, 1983) idiosyncrasique, c'est à dire, une représentation personnelle, de lui même et de l'objet qu'il manipule. Ces modèles servent à prévoir et à comprendre la situation.

Selon Norman (1983) ses modèles mentaux sont évolutifs et sont construit lors de l'utilisation de l'artefact, même si ils ne sont pas techniquement précis, la plupart du temps ils doivent être fonctionnels. Au travers de l'interaction avec l'objet, l'utilisateur se formule une représentation du système et la modifie au cours des utilisations afin d'obtenir un résultat convenable pour lui même. Ces modèles dépendent donc de la connaissance du sujet sur le système, des expériences préliminaires et de la structure cognitive du traitement de l'information.

L'auteur précise quelques propriétés des modèles mentaux. Il les présente comme étant incomplets et instables de par les oublis des parties non utilisées fréquemment, sans frontières fermes afin de permettre leur utilisation pour des système jugés identiques et comportant jusqu'à une part de superstition. Cette constitution non scientifique de la représentation mentale du fonctionnement et de l'utilisation de l'artefact permet à l'utilisateur une économie cognitive lors de la réactualisation du modèle. Ces modèle sont simples, courts et visent à réduire la complexité des situations et à simplifier les règles de traitement.

Le plus souvent les utilisateurs se montrent incertains de leurs connaissances du système si on leur demandes une explicitation, même lorsqu'elles sont complètes et justes. Les modèles mentaux comprennent aussi des aspects d'incertitudes de la connaissance qui viennent d'être exprimés. Ainsi, une personne peut inclure dans son modèle des connaissances à la validité douteuse. Même si quelques unes de ses connaissances sont caractérisées comme superstitieuses par un observateur extérieur, elles font office de règle de procédure fréquente malgré leur manque de rationalité.

Ces doutes et ces superstitions gouvernent en partie le comportement du sujet. Ce phénomène est particulièrement observé pour des personnes qui ont eu des expériences avec nombres de systèmes très similaire, mais chacun comportant des ensembles de principes de fonctionnement légèrement différent. Lorsqu'un utilisateur attribue consciemment ses actions à la superstition, il fait état des limitations de ses propres représentations du système.

Cette dimension superstitieuse permet un « état de calme et de satisfaction que l'on ne veux pas abandonner ni changer » (P. Blackburn, 1992, p56). Elle servirait à sortir du doute, qui procure irritation, malaise et mécontentement, pour rentrer dans la croyance et la mise en cohérence du monde non résolu.

L'examen critique de ces croyances reste difficile tant certaines sont intégrées à nos mécanismes de pensée (P. Blackburn, 1992) et font office d'heuristiques de jugement. Cette dissimulation est uniquement possible pour les croyances de peu de valeur. Rabardel fait « l'hypothèse que ces caractéristiques tiennent aussi à ce que les représentations, en tant que modèles mentaux, ne peuvent pas et même ne doivent pas refléter toutes les propriétés susceptibles d'être pertinentes pour l'action » (Rabardel 1995 p 128). La représentation en quelque sorte devrait être incomplète, floue et incertaine pour laisser la place nécessaire à la mise en oeuvre des mécanismes de gestion de la singularité.

Rabardel (1995) rappelle que la construction de la représentation participe de la genèse instrumentale, lors de l'utilisation d'un artefact, il y a émergence de représentations circonstancielles locales et particularisées.

La notion de genèse instrumentale

Les genèses instrumentales (Rabardel, 1995) proviennent du double processus d'instrumentalisation et d'instrumentation. En voici les définitions:


·les processus d'instrumentalisation sont dirigés [du sujet] vers l'artefact : sélection, regroupement, production et institution de fonctions, détournements, attribution de propriétés, transformation de l'artefact, de sa structure, de son fonctionnement etc... Jusqu'à la production intégrale de l'artefact par le sujet;


·les processus d'instrumentation sont relatifs au sujet : à l'émergence et à l'évolution des schèmes d'utilisation et d'action instrumentée : leur constitution, leur évolution par accommodation, coordination, et assimilation réciproque, l'assimilation d'artefacts nouveaux à des schèmes déjà constitués etc...

Rabardel, P. « Les Hommes et les technologies une approche cognitive des instruments contemporains. » 1995. Paris : Université de Paris 8 pp 5-6

Le sujet est à l'origine de ces deux processus, mais ils se distinguent toutefois par l'orientation de l'activité. Le processus d'instrumentation est tournée vers le sujet lui-même alors que le processus d'instrumentalisation, est orienté vers l'artefact. Nous rappelons ici que l'instrument est vu comme ayant une composante artefactuelle et une composante humaine liée aux schèmes de l'utilisateur.

Ainsi les détournements et les attributions de propriétés lors de l'utilisation des objets peuvent être réinterprétés en terme d'activité du sujet. Le processus d'instrumentalisation qui s'opère à chaque utilisation d'un artefact dépend des connaissances du sujet et va lui permettre de construire ses représentations.

Dans ce processus d'instrumentalisation, l'écart entre le prévu, lors de la construction de l'objet, et le réel lors de l'utilisation des artefacts s'appelle concept de « catachrèse » (Rabardel, 1995, p99). Il a, dans le domaine technique, une connotation plutôt négative. L'existence des catachrèses peut aussi témoigner selon Rabardel (1995) de choix du sujet afin d'arriver, par des moyens adaptés, aux buts qu'il poursuit en élaborant un nouvel instrument destiné à être inséré dans son activité.

Ces détournements ne sont pas tous volontaires, il peuvent montrer une faculté d'adaptation du sujet, et peuvent être parfois dangereux si le sujet n'as pas une connaissance suffisante du système.

Le rapport de l'individu à l'instrument

L'artefact: une boite noire pour l'utilisateur

L'utilisation d'un artefact embarque toute une série de théories scientifiques ou d'expériences préalables qui ont servie à le construire. Ces théories et ces expériences sont de natures différentes suivant l'objet ou l'outil, il est évident que l'arc, l'ordinateur, ou l'organisation sociale ne supportent pas la même charge de principes sous-jacents. Il convient de rappeler que chaque utilisation d'artefact présuppose une quantité de théorie plus ou moins visible par l'utilisateur. L'action de l'objet et l'activité menée par l'utilisateur viennent en fin de course, après les phases de construction et éventuellement de recherche en laboratoire.

L'instrument est une théorie matérialisée (Gaston Bachelard, 1934), il émane de lui toute une série de concepts et de principes scientifiques précédant l'activité empirique. Ces théories peuvent paraître anecdotiques à l'utilisateur de l'artefact pour qui seule compte l'efficience locale de l'objet. Richard (1983), rappelle que lorsqu'un sujet apprend à utiliser un appareil, son objectif est en premier lieu de trouver une procédure pour atteindre le résultat qui l'intéresse. Ce n'est que s'il lui est impossible de réussir sans comprendre, qu'il s'intéresse au fonctionnement. Pour Simondon (1969), le sens de l'objet technique est son fonctionnement. Il défini l'objet technique comme le rapport entre le vivant et le milieu naturel.

De la même manière, la démonstration technique se résigne à ne présenter l'objet qu'en situation de fonctionnement, la preuve de la technique se fait par son application à l'environnement adéquate, prévue dans le projet initial de sa construction, et avec peu de prises en considération de ses concepts scientifiques fondateurs. Dans cette conception de la technique l'artefact constitue une boite noire où gisent les concepts scientifiques inhérents à sa genèse. L'utilisateur n'a que peu d'intérêts à être renseigné sur ses principes fondateurs durant une utilisation normale de l'objet -même il peut être amené à se questionner sur sa conception lors de problèmes d'utilisation.

Si l'artefact est considéré, lors de son utilisation, comme une boite noire entre l'effet souhaité et les phénomènes à l'origine de la transformation, alors l'utilisateur n'a accès qu'aux conséquences sans pouvoir questionner les différents processus intermédiaires. Cette métaphore de la boite noire est particulièrement identifiable en informatique. Si l'interface graphique me propose de vider la corbeille, il est impossible de connaître les technologies opérantes à l'intérieur de la machine. Seule la métaphore au vidage est accessible à l'utilisateur afin de faciliter l'utilisation de l'artefact.

L'insuffisance de transparence du système peut se révéler perturbatrice en empêchant les opérateurs de faire les tests expérimentaux nécessaires au contrôle des hypothèses issues de l'observation. « Les représentations des opérateurs prennent alors la forme d'attentes floues gérées par des précautions multiples et, parfois même, des rites. » (Rabardel, 1995, p150).

Si l'utilisateur reste éloigné de l'avancée des savoirs crées par la science, enfermé dans les effets locaux des objets, alors il ne peut pas atteindre les origines du phénomène et se construire une conceptualisation de l'instrument. Ces hypothèses non évaluées peuvent constituer des croyances en voie d'être adoptées. Même si elles ne sont pas justifiées rationnellement, elles fournissent une certaine quiétude à l'utilisateur.

Cette interface que crée l'objet lui même entre les savoirs en amont de l'objet et les effets en aval peut empêcher tout utilisateur de techniques de rationaliser et de comprendre son environnement proche. Suivant cette approche, la production et l'utilisation d'objets techniques, dont la représentation comporterait des dimensions superstitieuses, créerait non pas une compréhension du monde comme le fait la science, mais véhiculerait une méconnaissance de l'environnement.

Cette méconnaissance de ce qui nous entours irait de paire, paradoxalement, avec l'augmentation des affordances17(*) fournis par l'environnement.

Une transparence dans la conception de l'artefact permettrait à l'opérateur d'ancrer ses représentations sur des invariants fiables permettant une utilisation expérimentale de l'instrument. L'opérateur pourrait alors utiliser les informations pour les confronter à une variété de situations et élaborer des règles. Par opposition à la boite noire, cette conception anthropocentrique de la technique est nommée « métaphore de la boite de verre » (Rabardel, 1995, p146).

L' oubli des techniques

L'environnement technique et l'accroissement du nombre des artefacts qui nous entourent, vont de paire, paradoxalement, avec un phénomène que nous rapprocherons de celui de l'oubli . Cette forme d'oubli peut être déclinée suivant trois niveaux (Guchet, 2005) :

Tout d'abord il convient de rappeler que l' appropriation réussie d'un objet passe par cette phase d'oubli. Pour pouvoir travailler avec un outil, il faut que celui ci soit considéré comme le prolongement de l'organe biologique. Il faut que cet outil devienne invisible, transparent à l'utilisateur selon Heidegger (1954). Cette acquisition de la transparence peut permettre de distinguer les utilisateurs novices des experts. Prenons l'exemple de la conduite automobile, à un expert, la voiture paraîtra totalement invisible, le levier de vitesse et l'accélérateur lui permettent de changer de régime comme si il s'agissait du prolongement de ses propres organes, de ses propres capacités. Dans le cas d'une utilisation par un novice, le système automobile peut sembler tout à fait étranger. Heidegger rappel que c'est lorsqu'il est hors d'usage que le marteau apparaît comme un objet, lorsque l'on tente de planter un clou, il serait pour nous comme invisible. Nous avons détaillé plus haut une partie de ces genèses instrumentales au sens de Rabardel.

Une seconde forme d'oubli découle du système technique dans lequel est inséré l'objet. Pour poursuivre l'exemple de l'automobile, l'infrastructure qui découle de cet objet est totalement oubliée par l'utilisateur. En effet, lorsque je roule, je ne me représente pas les différents réseaux dans lesquels est insérée l'auto. Les réseaux routiers ou d'approvisionnement par exemple, ainsi que les technologies des machines-outils ayant servie à façonner la voiture, sont parties intégrantes de l' infrastructure qui lui permet de fonctionner. Si la technique est efficiente, ces infrastructures sont invisibles à l'utilisateur, mais lors de problèmes d'utilisations, ces infrastructures sont interrogées afin de découvrir la panne ou le mauvais fonctionnement. Comme nous l'avons vu plus haut dans le chapitre intitulé « Gérer efficacement la politique », Castoriadis et Jonas, mettent en avant certaines caractéristiques de ce système global que crée la technique et qui reste invisible à l'utilisateur.

Une troisième forme d'oubli semble encore être attachée à la technique : celle de ses origines. Le passé des techniques est inatteignable pour les utilisateurs si cette technique a réussi à s'imposer socialement (Guchet, 2005). L'appropriation sociale, en plus de rendre l'objet pour ainsi dire transparent, efface sont passé par la même occasion. La sociologie des sciences et des techniques nous a appris que l'origine d'une innovation technique doit toujours être recherchée dans une controverse qui met aux prises plusieurs acteurs. « Or, et c'est le point important, une fois la controverse stabilisée et si l'innovation est un succès, un récit d'allure évolutionniste finit par recouvrir la réalité conflictuelle; [...] comme si la controverse n'avait pas eu lieu. » (Guchet, 2005, p15). Cet oubli est vu par l'auteur comme un moment essentiel du processus d'innovation technique. Le changement technique acquière son effectivité social au moment où l'objet est la cible de récits secondaires, souvent éloignés de la réalité.

Problématique

La question de la désindividuation posée par Stiegler (1994) et les mécanismes technocratiques de l'organisation sociale présentés par Habermas (1963) posent le problème des représentations des techniques et des sciences chez les individus. Elles influencent l'utilisateur lui même, par des mécanismes de genèse instrumentale, ainsi que son rapport à l'environnement et peuvent imposer un certain appel à l'autorité. Ces phénomènes de mutation de notre rapport à la technique apparaissent corrélativement à l'augmentation des affordances produites par la diversification des instruments disponibles.

Le progrès technique génère-t'il des croyances et/ou des représentations symboliques à travers l'utilisation et le fonctionnement des objets qui nous entourent? Est-il créateur d'enchantement du monde au contraire de la science qui cherche à l'expliciter? Nous tenterons de répondre à ces question en différenciant deux groupes d'étudiants par leur cursus scolaire afin de savoir si la formation initiale des étudiants est un facteur qui change leur rapport au monde en modifiant leurs représentations des techniques et des sciences.

A la suite de la présentation théorique développée jusqu'ici, nous soumettons l'hypothèse que les représentations que les étudiants se font des techniques et des sciences peuvent être différenciées en fonction de leur parcours scolaire.

Ses représentations seront analysées au regard des dimensions suivantes:

? Choix des techniques disponibles dans l'environnement qui augmentent les affordance permises en fonction de l'individu et de la situation.

Indicateurs du questionnaire 402a; 402b; 402c

? Appel à l'autorité subit lors de prise de décisions à caractère social

Indicateurs du questionnaire VOSTS 40211 (Vision technocratique du fonctionnement de la société) ; 40413 (Utilité sociale des techniques)

? Connaissance des sciences et des techniques.

Indicateurs du questionnaire VOSTS 90611 (Connaissance de la méthode scientifique), 10431 (Distinction de l'autonomie des champs des sciences et des techniques)

PARTIE 4: RECUEIL DES DONNEES ET DISCUSSION

Établir le modèle mental d'un sujet et les représentations qu'il se fait des techniques est très complexe. Le modèle conceptuel d'un système technique est atteignable car il est celui du concepteur de l'artefact. Il est en partie décrit dans des manuels techniques, son élaboration constituerait les propriétés réelles du modèle du système technique. Les propriétés formelles du modèle portent, elles, sur la représentation idiosyncrasique du sujet et c'est ceci que nous interrogerons modestement dans cette étude. Mais ceci demande d'éviter plusieurs piège et d'être conscient des limites de l'étude.

En demandant à un sujet « pourquoi » il agit en situation, il donnera une réponse au questionneur même si il n'a pas de priorité dans l'action. Il y aura dès lors création d'une explication de l'activité décontextualisée qui peut être fausse. Afin d'éviter ce biais, nous avons choisit, pour faire nos observations, un protocole par questionnaire. Même si ces protocoles sont incomplets, il peuvent être informant. Nous avons tenté de limiter les erreurs en choisissant des questions présentant une grande modalité de réponses étayées portant plus sur une question de type « comment ». Les variables dépendantes ont aussi été multipliées, sept au total, afin de mesurer plusieurs dimensions des représentations disponibles. Néanmoins, nous restons conscients que le sujet aura la possibilité de répondre autre chose que ce qu'il pense ou aurait fait dans une situation différente. Malgré toutes ces précautions, la structure des croyances d'une personne reste peu disponible à l'inspection, surtout si ces croyances sont de nature procédurale.

Méthodologie et matériel

Objectifs généraux

Cette recherche a pour objectif de documenter les représentations d'individus estudiantins sur les techniques. Elle a été réalisée auprès de 92 étudiants en dernière année de Licence du campus de Grenoble Université. L'enquête quantitative a pour objectifs de comparer deux groupes d'étudiants différenciés par leur parcours scolaire.

Ces prises de positions des étudiants sont analysées suivant l'émergence de dimensions ayant attrait aux appels à l'autorité lors de prises de décisions à caractère social, aux choix d'utilisations de technologies et aux connaissances évoquées de ce que sont les techniques et les sciences.

Le questionnaire

La base de notre étude18(*) repose sur le questionnaire fermé à réponse unique « Views on science, technology and society » (VOSTS) qui a été élaboré par Glen S. Aikenhead et collaborateurs de l'Université de la Saskatchewan (Canada) à la suite d'une vaste étude pancanadienne. Au cours de celle-ci, plus de 10 800 étudiants et étudiantes, originaires de toutes les régions du Canada, ont été invités à s'exprimer par écrit sur des questions relatives aux rapports entre la science, la technologie et la société. L'analyse de leurs discours a permis de dégager des lignes de pensée communes qui constituent autant de points de vue sur le sujet et qui sont transcrites dans ce questionnaire.

Par la suite, une centaine d'étudiants et d'étudiantes ont été interrogés de façon individuelle sur le sujet. Il a été ainsi observé que, pour la plupart d'entre eux, il était plus facile d'exprimer leurs points de vue en effectuant un choix parmi les positions des étudiants déjà répertoriées, qu'en écrivant un court texte. Un questionnaire a donc été élaboré à partir des divers points de vues recueillis. Ce questionnaire est de conception singulière, puisque des étudiantes et des étudiants canadiens ont contribué, d'une certaine manière, à sa fabrication. Il représente essentiellement un répertoire de leurs idées classées de façon logique.

Sous sa forme intégrale, ce questionnaire fermé comporte une centaine de questions. Nous en avons sélectionnés, traduits et adaptés quatre qui portent plus précisément sur les hypothèses que nous désirons explorer. Trois questions ont été créés pour le test (402 a,b,c) et sont insérées parmi ce questionnaire afin de mesurer les choix des étudiants lors d'une utilisation possible des techniques à disposition. Rappelons cependant, comme Aikenhead (1989) le mentionne, que l'influence de la formulation des questions VOSTS sur les choix de réponses des étudiants reste une limite reconnue de ce type d'outil. Ici, les choix de réponses très étayées améliorent la qualité du questionnaire mais interdisent de ce fait, certaines populations. En effet, les items étant construits suite à une étude exploratoire auprès de plusieurs milliers d'étudiants canadiens de grade 12 (Aikenhead, 1992) il est nécessaire, afin de conserver une certaine validité dans la méthode, de proposer les items à une population similaire.

Une série de variables contrôles (VC) à été ajoutée au questionnaire en plus de celles que nous souhaitons tester (Parcours scolaire scientifiques V.s. Parcours scolaire non scientifiques). Ces informations complémentaires demandées au questionné permettrons de révéler d'éventuels effets croisés. En effet, il faut s'assurer que les différences mesurées entre les deux variables indépendantes ne proviennent pas d'autres variables qu'il convient alors de tester.

Nous avons ici choisi de compléter le questionnaire par des renseignements sur des critères d'âge, de sexe et de niveau maximum d'étude déjà atteint. La VC Profession et Catégorie Socioprofessionnelle19(*) (PCS) du chef de famille classe la population selon une synthèse de la profession (ou de l'ancienne profession), de la position hiérarchique et du statut (salarié ou non).

Les variables indépendantes (VI) « type de série de baccalauréat suivi » et « type d'études universitaires » permettrons de construire la variable « parcours scolaire » comme précisé plus loin.

Les questions fermées sont celles qui se prêtent le mieux au dépouillement et à l'analyse statistique : les réponses étant prévues, il ne peut y avoir aucune ambiguïté dans celles ci. Mais un des risques de ce type de question est de dicter la réponse de l'individu : celui-ci peut avoir tendance à choisir la modalité qui lui semble la plus conforme à l'attente des réalisateurs de l'enquête et non pas celle qui est la plus proche de ce qu'il pense. C'est pourquoi une mention à été ajoutée en début de questionnaire afin de préciser qu'il s'agissait d'un recueil de points de vue et qu'aucune réponse ne constituait un meilleur choix qu'une autre. Ceci dans le but de déculpabiliser le questionné et de le mettre à l'aise devant les choix proposés.

Les items de réponse comme « Je ne comprends pas. », « Je ne m'y connais pas suffisamment sur le sujet pour répondre. », et « Aucun de ces énoncés ne correspond à mon véritable point de vue. » on été ajoutés systématiquement à la fin de chaque question afin de permettre une latitude de réponses suffisante pour correspondre aux avis des questionnés. Toutefois, ils donnent la possibilité à la personne interrogée d'éviter toute question qui risquerait de l'engager un peu trop.

Nous avons choisi de limiter la longueur de notre questionnaire afin de limiter l'agacement ou le désintérêt du questionné. Un biais reconnu des questionnaires fermés est celui de l'attirance pour les réponses situées en début de la liste des choix multiples: les individus ont souvent le sentiment que la réponse classée première dans la liste est la meilleure réponse. Il conviendra de contrôler cet effet lors du dépouillement des résultats.

Une présentation compliquée et des termes difficiles à comprendre peuvent entraîner le rejet du questionnaire. Ainsi, des questions ont étés actualisées afin de limiter l'effet de rejet dû à la complexité de ce dernier. Les questions les plus courtes, présentant le moins de modalités de réponses, ont été placées au début afin de faire rentrer la personne interrogée harmonieusement dans le questionnaire et d'éviter le rejet.

Lors du pré-test, nous avons vérifié que les termes utilisés étaient facilement compréhensibles et sans ambiguïté, que l'ordre des questions ne suscitait aucune des réactions de déformation possible et que la forme des questions utilisées permettait de recueillir les informations souhaitées.

Les textes d'introduction et de liaison semblent suffisamment efficaces pour guider l'utilisateur dans le renseignement de l'étude. Nous avons tenu à préciser le caractère non diagnostique de l'étude dans ces textes introductifs afin de limiter la pression évaluative exercée sur les répondants. Le but étant de réduire les menaces stéréotypiques (Monteil & Huguet, 1991) ressentis par les populations supposant être les moins à même de répondre. Nous avons tenté par là de limiter l'effet de comparaison sociale, qui inciterait les répondants, se positionnant comme étant les moins à même de se prononcer, à répondre dans les questions de type « ne sais pas » ou « ne connais pas assez le sujet pour répondre ». Sortir de la notion de jugement par l'intermédiaire d'une phrase d'introduction au questionnaire pour entrer dans une formule de collecte des opinions devrait permettre de limiter, au moins partiellement, ce biais de mesure.

Détail et construction des variables

5 Variables contrôles (VC):

1. Le genre: 2 modalités (Homme ; Femme)

2. L'age: 5 modalités (par tranche d'age en an 18-24 ; 25-34 ; 35-49 ; 50-64 ; 65+ )

3. Le niveau d'étude universitaire: 6 modalités (l1 ; l2 ; l3 ; m1 ; m2 ; doct ;)

4. La profession du chef de famille: 24 modalités INSEE.

5. Les études universitaires précédentes: 2 modalités (oui ; non)

3 Variables Indépendantes (VI):

1. La discipline des études actuellement suivis: question ouverte ramenée à 2 modalités (Scientifique ; non scientifique)

2. La série du baccalauréat: 7 modalités (S ; L ; ES ; TMD ; Hôtellerie ; STG; autres Bac Tech)

3. Type de parcours scolaire

7 Variables Dépendantes (VD)

1. 402a: Choix déplacé des possibilités techniques offertes: 4 modalités

2. 402b: Choix judicieux des possibilités techniques offertes: 5 modalités

3. 402c: Choix limite des possibilités techniques offertes: 5 modalités

4. 40211:Vision technocratique du fonctionnement de la société: 10 modalités

5. 40413: Utilité sociale des techniques: 8 modalités

6. 90611: Connaissance de la méthode scientifique: 13 modalités

7. 10431: Distinction de l'autonomie des champs des sciences et des techniques: 8 modalités

Type d'étude universitaire (VI)

Une première variable « Type d'étude universitaire » à été créée afin de rendre compte des choix des étudiants en fonction de leur parcours universitaire. Pour ce faire, nous avons codé la variable indépendante à réponse ouverte « Discipline des études actuellement suivies » en deux modalités: « Études Universitaires Scientifique » et « Études Universitaires non scientifique ».

Les mathématiques ont été classées dans les études Universitaires scientifiques. En effet nous nous écartons de la vision de Popper qui ne reconnaît pas les mathématiques et la logique comme des sciences. Elles sont des constructions déductives sur des bases axiomatiques qu'elles choisissent arbitrairement et donc s'écartent, selon l'auteur, de la base des sciences qui est vu comme une observation du monde. Il ne s'agit pas de trancher dans ce mémoire si les mathématiques sont créées, comme l'art, ou découvertes, comme la science. Nous nous référerons, afin de recouvrir, au moins partiellement, sciences et mathématiques, à la construction de l'esprit, du raisonnement et à l'approche de la résolution de problèmes. C'est par ces invariants, que proposent conjointement mathématiques et sciences, que nous les rapprochons.

L'esprit scientifique (Bachelard, 1934) est sollicité lorsqu'il s'agit de penser ces données, d'en tirer des lois générales. Mais il se manifeste vraiment comme activité intellectuelle lorsqu'il va s'attacher à intégrer les faits dans des systèmes théoriques permettant la déduction. Ainsi, l'esprit scientifique, qui cherche la systématisation, et qui ne rejette pas sa nature théoricienne n'a plus pour point de départ uniquement l'observation empirique, mais aussi l'hypothèse théorique. Les situations de résolution de problèmes sont particulièrement présentes en sciences, dans les études techniques et en mathématique, cette différentiation nous servira de base de séparation entre études scientifiques/techniques et non scientifique.

Après l 'étude des différents programmes, la distinction s'est faite comme suit:

 

« Études Universitaires Scientifique »

« Études Universitaires non scientifique »

Modalités évoquées lors de la question ouverte :

SVT, Mathématique; Biologie-informatique; physique; physique-chimie;

Musicologie; Droit trilingue; LEA; aménagement du territoire; histoire de l'art.

Type de bac (VI)

Une seconde variable « Type de bac » à été créée afin de réduire les modalités de réponses en deux catégories. Il s'agit ici de rendre compte des études pré-universitaires ayant un caractère technique et scientifique saillant. Cette prédominance, malgré les différences entres les filière du secondaire, est valable au moins en terme d'heure de matières scolaire à forte dominante scientifique ou technique que les élèves suivent en classe de terminale. Ce distinguo est fait en fonction des heures imposées dans chaque série du baccalauréat par les décrets du Bulletin Officiel de l'Education Nationale20(*). Les baccalauréats des séries S, STL et STI proposent aux élèves un nombre d'heures en enseignement scientifique (plus de dix heures par semaine) et en travaux personnels encadrés largement supérieurs aux séries L et ES qui en ont au maximum deux par semaine suivant les options.

La distinction s'est faite comme suit:

 

Bac S ou Bac techniques 

Bac non S ou non Technique

Modalités exprimées

S, STL, STI

L; ES

Parcours scolaire (VI)

Une variable composite « Parcours scolaire » à été créée à partir des deux variables précédentes « Type d'étude universitaire » et « Type de bac ». Elle reflète le parcours scolaire de l'étudiant depuis sont baccalauréat jusqu'à sa troisième année de Licence. La variable propose quatre modalités qui rendent compte du parcours des étudiants du lycée à la Licence. Seul les modalités « Parcours scientifique » et « Parcours non scientifique » ont été retenue. La modalité « parcours hybride » à été rejetée pour l'étude.

 

Bac S ou techniques

Bac non S ou non Technique

Études Universitaires Scientifique

Étudiants en « Parcours scolaire Scientifique » (EPS)

Parcours hybride

Études Universitaires non Scientifique

Parcours hybride

Étudiants en « Parcours non scientifique » (EPNS)

L'échantillon étudié

Pour cette enquête quantitative, des étudiants de troisième année de Licence en cursus Européen LMD semblent convenir aux pré-requis socioculturels nécessaire à la passation du questionnaire VOSTS.

Les sujets ont répondus seuls au questionnaire. Ce choix d'un questionnaire auto administré permet au sujet de répondre en ayant lu l'ensemble des questions. Il peut répondre dans l'ordre qu'il souhaite ou revenir sur ses réponses précédentes. La particularité du test VOSTS étant de proposer des modalités de réponses nombreuses21(*) et complexes, il exige cette liberté de passation.

L'enquête est menée sur le campus de Grenoble Université du 16/04/07 au 30/04/07 dans les halls des bâtiments Stendhal et D.S.U. Les conditions de passation ne sont pas standardisées, c'est à dire qu'elles ne sont pas reproduites de la même manière. Les données ainsi recueillis ont fait l'objet d'un codage et le traitement à été réalisé via le tableur Excel et le logiciel XL-STAT. Plusieurs croisements des variables sont effectués afin de repérer statistiquement certains effets sur les réponses aux VD du questionnaire. Tous les questionnaires sont numérotés et consignés afin de faciliter le traitement et de permettre la vérification des saisies. Après le codage et l'enregistrement des données, un tirage au hasard de 10% des copies à été réalisé afin d'effectuer une comparaison avec les saisies initiales. Aucune anomalie n'a été repérée.

Tableaux de données

Le seuil de significativité des différents test est choisi à 95%. Une comparaison des effectifs est effectuée selon un test de Khi2. La condition de validité de ce test sera choisis suivant les conditions: 80% des classes doivent avoir une valeur théorique supérieure ou égal à 5; et aucune ne doit posséder une valeur théorique nulle.

Tri à plat

Voire annexe 2: tri à plat. Ils sont présentés de façon ordonnée dans l'ordre du questionnaire. Cette première présentation des résultats permet une lecture flottante nécessaire à une vision globale de l'enquête.

Tableaux croisés

Les VI sont présentées en colonnes dans l'annexe3: Tableaux croisés.

Discussion

L'étude des réponses renseigne non pas l'attitude, mais le jugement des individus sur la valeur locale des techniques. Il reflète, pour les trois premières questions, le champ de validité du choix d'une technique.

Ces questions (402a,b,c) ont pour objectif de mesurer les choix des étudiants en fonction du porte feuille d'affordances qui leur est disponible dans la situation décrite.

L'item 402a révèle que les Étudiants avec un Parcours scolaire Non Scientifique (EPNS) utilisent des moyens techniques développés pour la réalisation d'une tâche qui ne nécessite pas obligatoirement l'aide d'un support extérieur. Ils sont 47% à utiliser une source d'information externe (modalités A et B) contre 31% des Étudiants ayant suivit un Parcours scolaire Scientifique (EPS). Cette différence de répartition entre EPS et EPNS n'est pas significative (Khi222(*)= 2,09, ddl=2) si l'on compare le regroupement des modalités A et B avec les modalités C et D.

63% des EPS choisissent d'utiliser des techniques personnelles d'estimation et de prévision contre 50% des EPNS.

L'item 402b en regroupant les modalités A et B (non recours à la technologie) ainsi que les modalités D et E (recours à la technologie), ne montre pas de différence significative de répartition entre EPS et EPNS (Khi2= 0,052, ddl=2). 56% des répondants choisissent la modalité E préconisant une utilisation des techniques afin de faciliter le travail de l'artisan.

L'item 402c présente un effet entre le parcours scolaire et le choix d'utilisation des techniques.

La modalité B laisse le choix des techniques au conducteur alors que la modalité E préconise une utilisation la plus fréquente possible du pilotage automatique. Ici, les EPS choisissent une utilisation modérée des techniques extérieures laissant le libre choix de l'utilisation de l'aide technique au savoir faire du conducteur. Les EPS font une différence entre une situation nécessitant l'aide d'un outil technique après évaluation de la situation (modalité B) et une utilisation régulière et aveugle des techniques (modalité E). Les EPNS ne distinguent pas cette notion du jugement en fonction de la situation et répondent massivement (71%) de façon non différenciée entre les deux modalités. La différence entre les EPNS et les EPS est significative (Khi2= 13,6 ; ddl=4). Elle est essentiellement due aux modalités B et E comme précisé dans le tableau de Khi2 par case ci après.

Il convient toutefois de modérer cette conclusion en croisant ces résultats avec l'effet du sexe sur les réponses comme ci dessous :

Tableau croisé 402C X Sexe:

La différence est significative (Khi2= 16,34 ; ddl = 4) sur l'ensemble des lignes et des colonnes. La distribution de la modalité E est intéressante.

Selon le tableau ci dessus, l'écart obtenu précédemment à la modalité E est dû, non pas au parcours scolaire, mais au sexe des répondants.

En résumé, il y a une différence de jugement déclarée entre les EPS et les EPNS en fonction des affordances disponibles au sein de l'environnement. Les EPS déclarent choisir en fonction de la situation (modalité B uniquement) et les filles interrogées ont tendance à déclarer une utilisation plus fréquente de la technique dans la situation proposée (modalité E).

Il est impossible de dire à ce niveau de l'étude, si cette différence de choix en fonction de la situation provient d'une confiance plus prononcée des EPNS dans les techniques nous entourant ou, si cela provient du fait que les affordances fournies par l'environnement n'apparaissent pas disponibles aux EPNS.

En effet, un environnement identique fournit des affordances différentes pour des individus différents. Les écarts de réponses constatés entre les individus peuvent être dus soit à un choix différent dans un éventail identique d'affordances disponibles en situation, soit à un choix différent parmi des éventails différents et propre aux EPS et aux EPNS.

L'item VOSTS 40211 se rapporte à l'appel à l'autorité subit/effectué lors de prises de décisions à caractère social. Son objectif est de refléter la vision technocratique du fonctionnement de la société qu'entretiennent les étudiants.

Les trois premières modalités correspondent à la définition de la technocratie présentée par Habermas dans la première partie. L'indicateur C en propose une vision qui laisse les choix de société aux mains des ingénieurs et des scientifiques mais qui propose aussi une consultation du public. Les EPS répondent à 53% dans ces trois items contre 32% pour les EPNS. Les EPNS répondent avec un étalement plus important que celui des EPS à cette question. Toutes les modalités ont reçues des réponses de la part des EPNS alors que pour les EPS 69% des réponses sont concentrées dans les modalités C et D qui impliquent au minimum une prise de décision en fonction des ingénieurs.

En opérant un regroupement des modalités qui tiennent compte au minimum de l'avis des ingénieurs, nous observons une différence significative entre EPS et EPNS (Khi2= 9,1 ; ddl=2)

Pour les EPS interrogés, une concentration de réponses entre les modalités A (3%), B(9%), C (41%) et D (28%) scinde la population en deux groupes, un adhérent à une vision technocratique à minima de la gestion de la société (modalité C) et un second adhérent à une prise de décision tenant compte équitablement des avis du publique et des experts (modalité D). Les modalités refusant les prises de décisions des experts (E, F, G) totalisent 15% des réponses toutes catégories confondues.

Seulement 10% des réponses globales sont données dans les modalités A et B qui accentuent le poids des scientifiques et des ingénieurs dans les prises de décision à caractère social. Ainsi, les réponses se concentrent globalement sur une modalité souple de la vision technocratique (C = 29%) et une vision de prises de décisions conjointes (D = 23%).

Il faut toutefois noter les scores élevés des réponses des EPNS pour les modalités I (17%) et J (13%) où ils expriment ne pas s'y connaître suffisamment sur le sujet pour répondre ou bien ne pas pouvoir choisir une réponse correspondant à leurs opinions. Cette inflation des réponses dans les deux dernières modalités de la question est hautement significative par rapport aux réponses des EPS (Khi2= 9,1 ; ddl=2). Ce phénomène, sera commenté plus bas, lorsqu'il se reproduira à l'item 90611.

L'item 40413 interroge la vision de l'utilité sociale des techniques perçues par les répondants. Une grande disparité de réponse entre les deux groupes est visible sur la modalité C.

Nous observons un effet entre les choix de réponses et le parcours scolaire des étudiants. La modalité C propose une réponse impliquant un choix des technologies disponibles dans la résolution de problèmes sociaux alors que les modalités D et E séparent le champ social et le champ scientifique lors de la résolution de problèmes sociaux (Khi2=9,35, ddl=3).

Cette différence de réponse en fonction du parcours scolaire reflète les précédentes observations effectuées pour les EPS, à l'item 402c, en soulignant la notion de choix lors de l'utilisation des techniques. Ce choix s'opère donc, suivant cet item, en fonction des techniques disponibles, mais aussi en fonction des situations d'application des techniques.

Pour les EPNS, l'observation du choix d'une utilisation récurrente des techniques que nous avions faite à l'item 402c est ici modérée : il ne recouvre pas le domaine social. Une séparation des techniques et des décisions dans les domaines sociaux avait déjà été observé à l'item 40211 par le rejet massif des modalités A et B.

31% des répondants ont choisis la modalité B (item 40413) qui allie bénéfices et inconvénients des techniques au sein du champ social. Dans cette modalité, l'utilisation de nouvelles technologies apporte des solutions à plusieurs problèmes sociaux, mais elles peuvent aussi contribuer à en créer.

L'item 90611 présente les connaissances de la méthode scientifique que déclarent les répondants. La réponse G est choisis par 27% des répondants sans différence significative entre les EPS et les EPNS.

Cette réponse met bien en avant l'ordre d'une démarche d'investigation scientifique, même si elle néglige le poids de la théorie.

32% des EPNS jugent ne pas connaître assez cette méthode afin de répondre à la question contre 6% des EPS. Cette différence très marquée des réponses de non engagement indique une grande frilosité des EPNS à s'engager sur des réponses à caractère spécifiquement scientifique (Khi2= 6,391 ; ddl=2). Les modalité K et L proposent une réponses de type « ne comprend » ou « ne connais le sujet », leur distribution est significativement différente entre EPS et EPNS. Comme détaillé dans le tableau des Khi2 par case.

Cette crainte de jugement, pourtant réduite par les phrases d'introductions au questionnaire, subsiste encore chez les EPNS pour un répondant sur 3. Et ceci en dépit du fait que la question ne porte pas sur un contenu particulier et que les réponses ne soient pas sanctionnées par un diagnostique mais présentées comme une récolte de point de vue. Qu'est ce qui pousse alors les EPNS à répondre par un aveu de non implication ? On pourrait traduire par là une certaine crainte de positionnement sur un sujet qui semble ne pas leur appartenir. Désautels et Larochelle (1993) insistent sur une forme d'autorité des enseignements des sciences qui pousse jusque dans la soumission les individus n'estimant pas avoir fait les études nécessaires pour répondre. L'enseignement de la méthode d'investigation scientifique n'est pas uniquement le sujet des études de terminale et universitaires, mais débute dés le cycle trois de l'école primaire23(*). C'est pourquoi une telle différence de réponse semble refléter un certain penchant pour les EPNS à subir un effet de l'appel à l'autorité qui pourrait être exercé par les systèmes d'enseignement et de construction des savoirs scientifiques.

En cycle trois, « l'enseignement des sciences et de la technologie à l'école vise à la construction d'une représentation rationnelle de la matière et du vivant par l'observation, puis l'analyse raisonnée de phénomènes qui suscitent la curiosité des élèves. Il prépare ces derniers à s'orienter plus librement dans des sociétés où les objets techniques jouent un rôle majeur et à reconnaître les bienfaits que nous devons à la science. » (BO-EN, op. cit.). Pour ce qui est de l'enseignement au collège, l'Académie des Sciences propose24(*), à l'image de ce qui à été pratiqué à l'école, une proportion raisonnable de temps qui doit être consacrée à du travail en groupe pour mettre en place une réelle démarche d'investigation et d'expérimentation. Ainsi armés, les élèves n'ayant pas fait de série de baccalauréat scientifique ni d'études universitaires scientifiques (EPNS) ne devraient pas se sentir démunis devant une telle question. Elle pourrait être vue de façon aussi banale que celle sur les méthodes de lecture ou de dessin par exemple.

Si les textes introductifs du questionnaire ont sorti les répondants d'une certaine vision diagnostique de la tâche et qu'ils ont suivi une formation au primaire et au collège présentant les sciences comme émanantes de questionnements et d'observations, on est en droit de se demander ce qui influence une telle disparité de réponses entre EPS et EPNS. Autrement dit, qu'est ce qui influence les EPNS à se juger comme faible connaisseur de la méthode scientifique alors même que leur formation en primaire et au collège leur permettrait de répondre?

Les réponses collectées dans les 4 dernières VD vont dans ce sens: 79% des réponses données dans la modalité « ne connaît pas suffisamment pour répondre» sont dues aux réponses des EPNS sans différence de sexe significative (Khi2 = 0,81, ddl=1). En somme, ces élèves se jugent moins capables de répondre à un questionnaire d'opinion sur les sciences et les techniques alors que les thèmes abordés n'impliquent aucun contenu scientifique mais uniquement des opinions de citoyens.

Nous nous interrogeons aussi sur la notion de devoir « reconnaître les bienfaits que nous devons à la science » présente dans les programmes de primaire cités plus haut. Comment permettre à un individu de « s'orienter plus librement dans des sociétés » par la découverte du questionnement scientifique pour ensuite l'obliger à « reconnaître les bienfaits que nous devons à la science »? Le libre arbitre semble bien vite balayé et la notion de vérification d'hypothèse effacée des apprentissages. Si de telles notions idéologiques vis à vis de la science semblent inscrites au sein des programmes d'enseignement il n'est pas étonnant alors de voir resurgir de tels comportements de soumission chez certains étudiants. Cet aspect des résultats ne sera pas plus développé ici car il nous engage sur une sociologie des sciences, qui, abordée sous un angle épistémologique, dépasse le cadre théorique que nous avons développé précédemment.

L'item 10431 met en avant l'autonomie des champs des sciences et des techniques. Au vue de notre approche théorique, la modalité B semble le mieux refléter les interactions science - technique. C'est la réponse la plus choisit avec 53% des EPS et 36% des EPNS. Au seuil de signification Alpha=0,050 on ne peut pas rejeter l'hypothèse nulle d'indépendance entre les lignes et les colonnes, autrement dit, la dépendance entre les lignes et les colonnes n'est pas significative.

En résumé

La variable du parcours scolaire permet de différencier certaines dimensions des représentations que ce font les étudiants interrogés de L3 des sciences et des techniques. Le faible nombre des EPNS questionnés et le grand nombre de modalités des questions a empêché une étude statistique large car les règles de l'application du Khi2 n'étaient pas respectées. Une étude de comparaison modalité par modalité, n'a pu être menée ici à cause du faible nombre de répondants dans la modalité EPNS. Malgré ce biais, certaines conclusions ont été faites au niveau des distinctions entre EPS et EPNS après avoir opéré certains regroupements.

Ces distinctions sont faites au niveau de :

1. L'affordance de l'environnement perçu par les étudiants interrogés où nous avons montré que les EPS font une différence entre une situation nécessitant l'aide d'un outil technique, après évaluation de la situation et une utilisation régulière et aveugle des techniques. Les filles semblent moins distinguer cette notion de jugement en fonction de la situation et répondent massivement, de façon non différenciée, entre les deux modalités B et E (item 402c).

2. L' appel à l'autorité subit lors de prise de décision à caractère social. Les réponses se concentrent sur une modalité souple de la vision technocratique (40211 C = 29%) et une vision de prises de décisions conjointe (40211 D = 23%) entre experts et citoyens. Les EPS donnent une plus grande confiance aux avis et aux décisions des ingénieurs que les EPNS. L'item 40413 présente une différence de réponse en fonction du parcours scolaire et reflète les précédentes observations effectuées pour les EPS, à l'item 402c en soulignant la notion de choix lors de l'utilisation des techniques. Ce choix s'opère donc, suivant les réponses à cet item, en fonction des techniques disponibles, mais aussi en fonction des situations d'applications des techniques.

3. De la connaissance de ce que sont les sciences et les techniques. 32% des EPNS jugent ne pas connaître assez cette méthode afin de répondre à la question contre 6% des EPS. 79% des réponses données dans la modalité « ne connaît pas suffisamment pour répondre » des 4 dernières VD sont dues aux réponses des EPNS sans différence de sexe significative (Khi2 = 0,81, ddl=1). Nous y avons développé une vision de l'appel à l'autorité subit par les sujets et ouvert la piste d'une transmission/création de ce sophisme par les systèmes éducatifs. L'autonomie des techniques face à la science semble perçue par une majorité des questionnés avec 53% des EPS et 36% des EPNS.

Profils des étudiants en fonction du parcours scolaire

Les deux tableaux présentés ci dessous rappellent les différences significatives observées en fonction des deux modalités de la VI « Parcours scolaire » (EPS Vs EPNS) et des différentes VD.

 

Item 402C

Item 40211

Item 40413

Item 90611

EPS

Déclarent plus choisir une technique en fonction de la situation.

Portent plus leurs réponses vers, au minimum, une prise de décision en fonction des ingénieurs et/ou scientifiques.

Répondent plus en fonction d'une utilisation jugée « à bon escient » des techniques.

 

EPNS

 

Déclarent plus ne pas s'y connaître suffisamment pour répondre, ne pas pouvoir répondre ou ne pas comprendre.

 

Déclarent plus ne pas s'y connaître suffisamment pour répondre ou ne pas comprendre.

 

Item 402C

Filles

Déclarent plus choisir une utilisation fréquente afin d'avoir un maximum d'aide et limiter les difficultés.

Conclusions et ouvertures

S'il est difficile de donner une définition claire à la culture scientifique et technique, il est possible de différencier certaines représentations déclarées par les étudiants. La connaissance de ce qu'est la démarche scientifique et de l'apport des techniques dans notre société reste au coeur des enjeux sociaux actuels. L'influence d'une approche rationnelle et scientifique du monde peut apparaître antagoniste à l'utilisation des techniques qui nous entourent. En effet si le progrès technique propose de nouveaux outils afin d'appréhender le monde alentour, la question de l'appropriation technique reste entière. Les flux technologiques semblent constamment renouveler les repères des utilisateurs et créer ainsi une part de mystification du monde. L'étude de la mesure de cette évolution des connaissances et des méconnaissances des utilisateurs en action n'a pas pu être menée dans le cadre de ce mémoire. Selon Rabardel (1995), le phénomène de genèses instrumentales transforme l'instrument ainsi que l'utilisateur, dès lors, il convient de se questionner sur les changements que cela implique dans notre société.

Nous avons différencié les élèves interrogés par le type de cursus scolaire qu'ils poursuivaient. La difficulté de généralisation d'une telle étude réside dans le fait que l'on se confronte à une mosaïque complexe où les attitudes, les connaissances et les domaines d'intérêts ne peuvent se ramener à une valeur moyenne. L'étude des résultats nous permet de dresser toutefois un profil succinct des étudiants interrogés. Il a été vu que les EPS, dans le cadre de l'étude, montrent une plus grande prise en considération de la situation lors de l'utilisation d'une technique. Ce recul et cette prise en compte des paramètres de la situation montrent une évaluation des affordances, disponibles ou choisies, différentes de celle des EPNS.

Les EPNS montrent une grande frilosité à exprimer une opinion sur des thèmes scientifiques, pourtant sans contenu, nécessitant une vision citoyenne de la régulation des décisions sociales. La vision technocratique qu'ils entretiennent sur les questions d'ordre social pourrait refléter l'appel à l'autorité qu'ils déclarent subir aussi aussi plus que les EPS.

Ces différences de représentation que nous avons tenté de mettre en avant peuvent révéler une individuation face à la technique différente entre les deux groupes. Nous avons tenté de voir si le type d'études suivies influençait le rapport à l'environnement au travers des représentations de la technique. Il semblerait que les cursus scolaires scientifiques permettent une plus grande individuation des individus vis à vis de la technique et des sciences que les cursus dit non scientifiques. C'est à dire que l'individu établirait différemment sa place dans le monde technique. Une nouvelle possibilité lui serait permise : celle d'être moins sujet aux pressions de son environnement.

Face à la recrudescence des objets techniques et des questions scientifiques qui nous entourent et impliquent des choix de société, un tel enjeu n'est pas à négliger. Une désindividuation, due aux représentations des sciences et des techniques, va à l'encontre d'une production d'élèves possédant et utilisant des outils intellectuels leur permettant l'insertion équilibrée dans le groupe société. Les systèmes d'enseignement et de formation ainsi que les institutions créatrices de savoirs ont un rôle à jouer dans ces processus d'émancipation. Cette différence de représentation que ce font les élèves interrogés, nous paraît pouvoir être à l'origine d'une séparation dominés/dominants influençant des choix et des visions de la société.

La responsabilité de cette vision libérale de l'individu face aux techniques et aux sciences s'articule autour de la notion de construction de l'esprit scientifique chez les individus. Il représente plus une méthode de réflexion et une approche de l'environnement, que des connaissances déclaratives. Persister, entre autres, dans la poursuite de la spectacularisation festive des sciences et dans l'animation de débats qui n'ont aucune vocation sociopolitique, puisqu'ils sont déconnectés des décisions, peut donner une vision décalée de la science et induit des représentations biaisées. Quels autres moyens peuvent être mis en place afin de limiter ces biais de représentations perceptibles chez certains individus?

L'impact des sciences, des priorités publiques et privées de recherche et des technologies sur la vie des sociétés, fait qu'il ne peut plus y avoir de démocratie, sans une nouvelle aptitude des citoyens à orienter les choix scientifiques et technologiques qui sont faits par les pouvoirs publics, les laboratoires et les entreprises. L'approche citoyenne se définit alors comme la mise en aptitude des citoyens à procéder collectivement à ces choix. On parle aussi d'approche citoyenne pour caractériser des procédures et des méthodes de coproduction de connaissances, de technologies et de solutions à des problèmes concrets associant des mouvements de la société civile avec des institutions scientifiques.

L'objet technique n'est objet de connaissance que lorsqu'il est restitué dans le processus de sa genèse. La compréhension de l'objet industriel ne peut se faire qu'en l'insérant dans le courant évolutif qui l'a produit. Il est impossible de produire une connaissance de l'objet technique, si on le coupe de sa genèse. L'objet d'étude de la technologie (au sens du logos), ce n'est pas l'objet isolé, mais l'objet restitué dans le processus de sa genèse, c'est à dire la genèse technique et sociétale, non l'objet lui même. L'objet technique n'est pas a-temporel, il est ancré dans le temps, pour le comprendre il est nécessaire de le placer dans le cours de son évolution passée et présente. Montrer qu'il relève de choix construits et partagés afin de sortir des croyances et d'une imposition pour entrer dans un processus d'appropriation et d'individuation des sujets.

L'application de prothèses produites par la technique entraîne cette perte d'individuation qui va crescendo depuis l'industrialisation de la science et l'extension permanente des réseaux de diffusion. Loin de vouloir dénoncer une sur-industrialisation de la société, nous avons souhaité questionner son évolution afin de se l'approprier et de s'y adapter.

Ne pas opposer les sciences et les techniques mais continuer de les distinguer afin de maintenir les enjeux d'émancipation sous-jacents à l'apprentissage de l'esprit scientifique.

Ces questionnements, liants sciences et sociétés, sont portés par un grand nombre d'associations émergeantes, comme par exemple, Sciences Citoyenne présidée par J. Testard ou encore Ars Industrialis présidée par B. Stiegler. Elles poussent à la reconnaissance de mouvements civils questionnant le rapport des sciences à la démocratie. En termes économiques, il s'agit pour ces mouvements de passer d'une logique de l'offre à une logique de la demande, c'est à dire éveiller à la curiosité et donner un appui massif aux dynamiques sociétales afin qu'elles puissent s'approprier certaines questions au coeur du fonctionnement démocratique.

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24/05/2007

Errata

Page

Ligne

Au lieu de

Lire

5

12

discution

discussion

9

4

Stieggler

Stiegler

19

5

différentiation

différenciation

50

dernière

B et C

B et E

51

5

est pas significative

est significative

53

9

intérrogés

interrogés

54

9

modalité

modalités

60

dernière

limite

limiter

ANNEXES

Annexe1: Questionnaire

Ce questionnaire a pour objectif de compléter une étude de Master1 Sciences de l'éducation sur le thème sciences, techniques et société. Merci de répondre à l'ensemble des questions posées.

? Vous êtes: ? Un homme ? Une femme

? Vous avez entre: ? 18-24 ans ? 25-34 ans ? 35-49 ans ? 50-64 ans ?+65ans ? Autre, (précisez): ______

? Études en cours: (L1, L2, L3, M1, M2, Doctorat) :_______

Discipline:_________________________________________________________

Avez vous suivi une autre formation universitaire? ? Oui ? Non

Si oui, quel niveau et quelle discipline?_________________________________

? De quelle série du baccalauréat êtes vous diplômé?

? S ? L ? ES ? Hôtellerie ? T.M.D. ? Toutes autres séries de bac technique Autre (précisez):________

? Profession du chef de famille (Indiquez celle de l'un de vos parents):

? 51 Employés de la fonction publique

? 54 Employés administratifs d'entreprise

? 55 Employés de commerce

? 56 Personnels des services directs aux

particuliers

? 61 Ouvriers qualifiés

? 66 Ouvriers non qualifiés

? 69 Ouvriers agricoles

? 71 Anciens agriculteurs exploitants

? 72 Anciens artisans, commerçants, chefs

d'entreprise

? 73 Anciens cadres

? 76 Anciens employés et ouvriers

? 81 Chômeurs n'ayant jamais travaillé

? 82 Inactifs divers (autres que retraités)

? 10 Agriculteurs exploitants

? 21 Artisans

? 22 Commerçants et assimilés

? 23 Chefs d'entreprise de 10 salariés ou plus

? 31 Professions libérales et assimilés

? 32 Cadres de la fonction publique,

professions intellectuelles et artistiques

? 36 Cadres d'entreprise

? 41 Professions intermédiaires de l'enseignement,

de la santé, de la fonction publique et assimilés

? 46 Professions intermédiaires administratives

et commerciales des entreprises

? 47 Techniciens

? 48 Contremaîtres, agents de maîtrise

La suite de ce questionnaire est une compilation de réponses souvent évoquées par les étudiants. Lisez l'énoncé de la question et interrogez vous sur votre propre point de vue. Ensuite, choisissez l'énoncé qui correspond le mieux à votre réponse. Aucune des propositions n'est juste ou fausse, il s'agit seulement d'entendre votre opinion.402a: Avant de sortir de chez lui, Monsieur Martin souhaite savoir si il doit prendre un parapluie pour la matinée. Il se renseigne sur le temps qu'il fait.

Entourez l'énoncé qui exprime le mieux votre position personnelle:

Dans ce cas, il est préférable de se renseigner sur la météo:

A. Par un site internet, un journal spécialisé ou tout autre système utilisant des mesures scientifiques.

B. Par un site internet ou un journal habituel.

C. En regardant le ciel par la fenêtre.

D. Aucun de ces énoncés ne correspond à mon véritable point de vue.

402b: Les artisans ayant des travaux pénibles ont parfois recours à des aides technologiques afin de faciliter leurs tâches.

Entourez l'énoncé qui exprime le mieux votre position personnelle:

A. L'utilisation de technologies diminue la qualité du travail. Les artisans ne devraient pas y avoir recours.

B. L'utilisation de technologies diminue la qualité du travail, mais certains travaux obligent les artisans à y avoir recours.

C. L'augmentation des fonctionnalités automatiques des outils technologiques empêche l'artisanat. Il faut interdire leur utilisation par des artisans.

D. L'utilisation de technologies ne diminue pas la qualité du travail mais n'est d'aucune aide pour les artisans. On ne devrait pas y avoir recours.

E. L'utilisation de technologies ne diminue pas la qualité du travail et aide l'artisan dans sa tâche. Il doit y avoir recours.

F. Aucun de ces énoncés ne correspond à mon véritable point de vue.

402c: Lors d'une manoeuvre délicate de leur véhicule certains conducteurs de train ne branchent pas le système de pilotage assisté qui leur est préconisé.

Entourez l'énoncé qui exprime le mieux votre position personnelle:

A. Ils ont raison, mieux vaut avoir un contrôle directe sur le train et évincer toute utilisation de technologies.

B. Ils doivent choisir le pilotage manuel car ils connaissent bien leur métier et choisissent si il ont besoin ou non du pilotage assisté.

C. Mieux vaut qu'ils se fient à leurs propres sens, les technologies ne sont jamais sûres.

D. C'est une erreur, il faut se fier aux technologies disponibles aussi souvent que possible, si un problème arrivait, ce serait de leur faute.

E. Ils devraient utiliser le pilotage assisté le plus possible afin d'avoir un maximum d'aide pour limiter les difficultés.

F. Aucun de ces énoncés ne correspond à mon véritable point de vue.

40211: Les scientifiques et les ingénieurs devraient être les seuls à décider de quels types de solutions scientifiques et techniques la France devrait utiliser dans le futur.

Entourez l'énoncé qui exprime le mieux votre position personnelle:

Les scientifiques et les ingénieurs devraient décider

A. Parce qu'ils ont la formation qui leurs permettent une meilleure compréhension des finalités.

B. Parce qu'ils ont la connaissance et peuvent prendre de meilleurs décisions que le gouvernement et les compagnies privées, les deux aillant des intérêts à défendre.

C. Par ce qu'ils ont la formation qui leur permettent une meilleure compréhension des finalités, mais le public devrait être impliqué, informé ou consulté.

D. Pour ce qui concerne notre société; la décision devrait être prise en tenant compte des points de vues des scientifiques et des ingénieurs, ainsi que de celui du public informé.

E. Le gouvernement devrait décider par ce que les finalités sont politiques; mais les scientifiques et les ingénieurs devraient donner leur avis.

F. Le public devrait décider parce que les finalités affectent tout le monde; mais les scientifiques et les ingénieurs devraient donner leur avis.

G. Le publique devrait décider parce qu'ils se doivent de vérifier les décisions scientifiques. Les scientifiques et les ingénieurs ont des vues étroites et idéalistes sur les finalités et ceci porte à conséquence.

H. Je ne comprends pas.

I. Je ne m'y connais pas suffisamment sur le sujet pour répondre.

J. Aucun de ces énoncés ne correspond à mon véritable point de vue.

40413: L'utilisation de nouvelles technologies contribue grandement à résoudre les problèmes sociaux.

Entourez l'énoncé qui exprime le mieux votre position personnelle:

A. L'utilisation de nouvelles technologies peut certainement contribuer à résoudre certains problèmes. On pourrait tirer parti des nouvelles idées en science et des nouvelles inventions en technologie pour en solutionner certains.

B. L'utilisation de nouvelles technologies apporte des solutions à plusieurs problèmes sociaux, mais elles peuvent aussi contribuer à en créer.

C. La question n'est pas de savoir si l'utilisation de nouvelles technologies peut contribuer à résoudre ces problèmes, mais de savoir si les gens utilisent la technologie à bon escient.

D. Il n'est pas évident que l'utilisation de nouvelles technologies puissent être d'un grand secours pour résoudre les problèmes sociaux. Les problèmes sociaux relèvent de la nature humaine et ils ont peu de rapport avec la science et la technologie.

E. L'utilisation de nouvelles technologies ne fait qu'accentuer les problèmes sociaux. Mais c'est le prix du progrès dans ces domaines.

F. Je ne comprends pas.

G. Je ne m'y connais pas suffisamment sur le sujet pour répondre.

H. Aucun de ces énoncés ne correspond à mon véritable point de vue.90611: Lorsque les scientifiques font de la recherche, on dit qu'ils suivent la méthode scientifique. La méthode scientifique c'est:

Entourez l'énoncé qui exprime le mieux votre position personnelle:

A. l'ensemble des méthodes ou des techniques de laboratoire, lesquelles sont écrites la plupart du temps dans un cahier de laboratoire par un scientifique.

B. noter avec soin ses résultats de recherche.

C. contrôler minutieusement les variables en jeu dans une expérience de manière à ne laisser aucune place à l'interprétation.

D. un moyen efficace de rechercher des faits, des théories ou des hypothèses.

E. faire essai sur essai afin de prouver, hors de tout doute, la véracité ou la fausseté d'une chose.

F. imaginer d'abord une théorie et concevoir ensuite une expérience pour la prouver.

G. se questionner, faire des hypothèses, recueillir des données et tirer des conclusions.

H. une méthode logique et très reconnue de résolution de problèmes.

I. une attitude qui sert de guide dans le travail scientifique.

J. Si l'on prend en considération ce que les scientifiques font de nos jours, il n'y a pas à proprement parler de méthode scientifique.

K. Je ne comprends pas.

L. Je ne m'y connais pas suffisamment sur le sujet pour répondre.

M. Aucun de ces énoncés ne correspond à mon véritable point de vue.

10431: La technologie peut compter sur son propre ensemble de connaissances. Il y a peu de développements technologiques qui dérivent directement de découvertes effectuées en science.

Entourez l'énoncé qui exprime le mieux votre position personnelle:

A. La technologie progresse principalement par elle-même. Elle n'a pas nécessairement besoin des découvertes scientifiques.

B. La technologie progresse en s'appuyant à la fois sur son propre ensemble de connaissances et sur les découvertes scientifiques.

C. Les scientifiques et les technologues s'appuient sur le même ensemble de connaissances parce que la science et la technologie sont similaires.

Tout développement technologique s'appuie sur une découverte scientifique:

D. car on trouve toujours un usage pour les découvertes scientifiques, qu'il s'agisse de développements technologiques ou d'autres usages scientifiques.

E. car la science fournit l'information de base et les nouvelles idées pour la technologie.

F. Je ne comprends pas.

G. Je ne connais pas suffisamment le sujet pour effectuer un choix.

H. Aucun de ces énoncés ne correspond à l'essentiel de mon point de vue.

Annexe 2: Tri à plat

Annexe 3: Tableaux croisés

Les valeurs des tableaux sont celles des pourcentages en ligne calculés sur 92 observations

Les valeurs entre parenthèses sont les nombres d'observation de chaque modalité.

 

Les modalités n'apparaissant pas sont celles qui ont un score de 0 quelque soit la VI

EPS = Étudiants en Parcours Scientifique

 
 
 
 

EPNS = Étudiants en parcours Non Scientifique

 
 
 
 

Parcours scolaire x Choix déplacé des techniques disponibles

 
 
 

Indicateur numéro 402a

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire/Choix déplacé des techniques disponibles

A

B

C

D

TOTAL

 
 

EPS

9,40%

21,90%

62,50%

6,30%

100% (32)

 
 

EPNS

20,00%

26,70%

50,00%

3,30%

100% (60)

 
 

TOTAL

16,30%

25%

54%

4%

100% (92)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire x Choix judicieux des techniques disponibles

 
 
 

Indicateur numéro 402b

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire/Choix judicieux des techniques disponibles

A

B

C

D

E

F

TOTAL

EPS

0,00%

21,90%

0,00%

3,10%

53,10%

21,90%

100%

EPNS

6,70%

15,00%

0,00%

0,00%

58,30%

20,00%

100%

TOTAL

4,3

17,4

0

1,1

56,5

20,7

100% (92)

 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire x Choix limite des techniques disponibles

 
 
 

Indicateur numéro 402c

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire/Choix limite des techniques disponibles

A

B

C

D

E

F

TOTAL

EPS

0,00%

53,10%

12,50%

9,40%

18,80%

6,30%

100%

EPNS

8,30%

36,70%

0,00%

5,00%

35,00%

15,00%

100%

TOTAL

5,4

42,4

4,3

6,5

29,3

1,2

100% (92)

 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire x Vision technocratique

 
 
 
 
 

Indicateur VOSTS 40211

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire/Vision technocratique

A

B

C

D

E

F

G

EPS

3,10%

9,40%

40,60%

28,10%

3,10%

3,10%

6,30%

EPNS

3,30%

5,00%

23,30%

20,00%

3,30%

11,70%

1,70%

TOTAL

3,3

6,5

29,3

22,8

3,3

8,7

3,3

 
 
 
 

H

I

J

TOTAL

 
 
 
 

0,00%

6,30%

0,00%

100%

 
 
 
 

1,70%

16,70%

13,30%

100%

 
 
 
 

1,1

1,3

8,7

100% (92)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire x Utilité sociale des techniques

 
 
 
 

Indicateur VOSTS 40413

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire/Utilité sociale des techniques

A

B

C

D

E

F

G

EPS

6,30%

34,40%

37,50%

18,80%

0,00%

0,00%

0,00%

EPNS

3,30%

28,30%

16,70%

31,70%

3,30%

6,70%

3,30%

TOTAL

4,3

30,4

23,9

27,2

2,2

4,3

2,2

 
 
 
 
 
 

H

TOTAL

 
 
 
 
 
 

3,10%

100%

 
 
 
 
 
 

6,70%

100%

 
 
 
 
 
 

5,4

100% (92)

 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire x Connaissance de la méthode scientifique

 
 
 

Indicateur VOSTS 90611

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire/Connaissance de la méthode scientifique

A

B

C

D

E

F

G

EPS

0,00%

3,10%

12,50%

6,30%

15,60%

6,30%

28,10%

EPNS

5,00%

0,00%

6,70%

8,30%

10,00%

1,70%

26,70%

TOTAL

3,3

1,1

8,7

7,6

12

3,3

27,2

 

H

I

J

K

L

M

TOTAL

 

3,10%

6,30%

0,00%

3,10%

6,30%

9,40%

100%

 

0,00%

0,00%

1,70%

1,70%

31,70%

6,70%

100%

 

1,1

2,2

1,1

2,2

22,8

7,6

100% (92)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire x Autonomie science-technique

 
 
 
 

Indicateur VOSTS 10431

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Parcours scolaire/Autonomie science-technique

A

B

C

D

E

F

G

EPS

0,00%

53,10%

12,50%

9,40%

12,50%

3,10%

9,40%

EPNS

0,00%

36,70%

6,70%

15,00%

10,00%

3,30%

26,70%

TOTAL

0

42,4

8,7

13,3

10,9

3,3

20,7

 
 
 
 
 
 

H

TOTAL

 
 
 
 
 
 

0,00%

100%

 
 
 
 
 
 

1,70%

100%

 
 
 
 
 
 

1,10%

100% (92)

Annexe 4: Présentation et comparaisons des graphiques

La comparaison des graphiques se fait en ligne.

La colonne de gauche représente le pourcentage de réponse en fonction de chaque modalité

La colonne de droite représente le croisement des réponses avec la distinction de cursus

scolaire.

EPS = Étudiants en Parcours Scientifique

 

EPNS = Étudiants en parcours Non Scientifique

 

Colonne tout individu confondu. (%)

Colonne des données croisées (cursus scolaire)

 
 

Annexe 5 : Khi deux

* 1 Poète est pris ici dans le sens de créateurs

* 2 Les métiers, les habiletés

* 3 Celui qui réfléchit à l'avance

* 4 Celui qui réfléchie après coup

* 5 Homme fabricant

* 6 Homme savant

* 7 i.e. les usages du corps

* 8 i.e. les méthodes de pensée

* 9 Ensemble des individus entre lesquels existent des rapports durables et organisés, le plus souvent établis en institutions et garantis par des sanctions; milieu humain par rapport aux individus, ensemble des forces du milieu agissant sur les individus (Le petit Robert)

* 10 C.f. Partie 2

* 11 noblesse, clergé, état

* 12 Ce terme a été réactualisé pendant la Révolution française où le terme « citoyen » a été réutilisé par opposition au « sujet » pour établir l'égalité de statut entre les hommes.

* 13 Activité humaine transformant un élément de départ et présentant un élément de sortie différent. Méthode employée pour parvenir à un certain résultat. (Le petit Robert)

* 14 Contemplation désintéressée d'idéalité et d'essence

* 15 i.e. instrumentale et expérimentale

* 16 Chez Kant: Qui constitue ou exprime une condition a priori de l'expérience. Esthétique transcendantale. Idéalisme transcendantal. (Le petit Robert)

* 17 Une affordance est une action potentielle qu'il est possible de faire dans un environnement (Ohlmann, 2006). Elles dépendent des propriétés physiques de l'environnement, du sujet qui s'y réfère et de la situation. A titre de rappel il convient ici de faire la distinction entre affordance et vicariance. Un objet est vu comme une collection d'affordances (pour un individu et une situation donné) et les individus agiraient selon plusieurs éléments comme les stratégies ou les processus organisés en vicariances. L'affordance réfère aux objets alors que la vicariance renvoie à l'individu. L'action correspond donc à la mise en correspondance des vicariances disponibles chez l'individu et des affordances permises par l'environnement en fonction de l'individu et de la situation.

* 18 Voire le questionnaire en annexe 1

* 19 PCS agrégées 2003 Niveau 2 contenant 24 postes décrits par l'INSEE.

* 20 Voir en particulier le BO n°29 du 27 juillet 2000

* 21 Jusqu'à 8 choix possibles

* 22 Les tableaux de Khi deux sont présentés en annexe 5

* 23 BO de l'Education Nationale Hors série n°1 du 14 février 2002.

* 24 In « L'enseignement scientifique et technique dans la scolarité obligatoire : école et collège »,2004






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry