2.2.1.2 Les relations montagnes/climat
Les montagnes influent beaucoup sur le climat de l'Afrique de
l'Est, car c'est grâce à leur présence que « cette
zone doit d'échapper pour partie à ce qui aurait pu être
une malédiction climatique et ce qui est en tout cas l'une des plus
remarquables anomalies apparentes à la surface du globe. »
(Brunet R. et all., 1994)
A part la proximité immédiate de la côte
en effet, les autres régions les moins élevées sont en
général subarides, voire désertiques, à des
latitudes imprévues. L'exemple est celui du Sud de la Somalie, où
l'agriculture n'est possible que dans la zone d'inondation des fleuves, alors
que ladite région se trouve à la même latitude que le
Gabon. L'autre exemple est celui de Garissa au Kenya, une région
située sous l'équateur mais qui ne reçoit en moyenne que
350 mm de pluies par an.
Cette anomalie est due au fait que, balayée par
d'importants mouvements rapides et alternés de moussons allant de la mer
Rouge à Madagascar en été austral, avec retour vers
l'Arabie en été boréal, l'Afrique de l'Est est soumise
à des flux médiocrement humides et de surcroît peu
perturbés, ce qui crée des conditions
météorologiques moins favorables dans les zones les plus basses
de la côte.
Parmi les rares occasions de pluie, R. Brunet et all. (op.
cit.) estiment que la plus fréquente est la rencontre de reliefs et
l'ascension des masses d'air qu'elle provoque, d'où l'importance du
système de rift valleys dans la région. Ici, ce n'est pas
l'altitude absolue qui importe, mais la dénivellation. Les hautes
surfaces planes n'échappent à l'aridité que vers
l'intérieur, à proximité du lac Victoria, et cela sous
l'effet de l'air humide en provenance du bassin congolais ou dans le Sud du
Soudan. Le même air provoque aussi de très fortes pluies sur les
hautes terres de l'Ouest éthiopien, versant « au vent
» contrastant avec le versant « sous le vent » du
Tigré et du Wello, à l'Est, terre d'élection des
sécheresses et des famines.
De même, hors d'atteinte de l'air congolais, le centre
de la Tanzanie, aux alentours de 1000 m, est traversé par une diagonale
aride où la pluviométrie est inférieure à 750 m, la
situation ne change qu'au Sud du pays où l'on retrouve des pluies
moyennes annuelles conformes au modèle tropical soudanien qu'illustre
l'Afrique de l'Ouest.
Les pluies orographiques sont fréquentes aussi tout au
long de la rift valley occidentale, du Nord de l'Ouganda au Sud de la Tanzanie
en passant par le Mont Ruwenzori, la chaîne volcanique des Birunga, la
crête Congo-Nil et le Mont Rungwe, où les précipitations
moyennes annuelles passent de plus de 2000 mm au sommet des hautes terres
à plus ou moins 1500 mm sur les plateaux intérieurs, puis
à moins de 1000 mm en général sur les basses terres
orientales comme c'est le cas au Rwanda comme au Burundi voisin.
En somme, il faut retenir que lorsque le relief
s'élève, les facettes climatiques et, avec elles, la
végétation se diversifie à l'extrême selon
l'altitude et l'exposition. L'exemple du Kilimandjaro est le plus parlant
puisqu'il ne tombe que 457 mm de pluie à 600 m d'altitude, ensuite la
moyenne augmente pour atteindre 2900 mm à 1400 m, pour enfin descendre
à 650mm à 3800 mm et tomber à 15 mm sur le sommet (Brunet
R. et all., idem).
Ainsi, les régions de montagnes est-africaines
constituent donc une mosaïque d'écosystème qui fait la
différence en Afrique et même dans le monde entier. En fonction
d'altitude en effet, on voit l'étagement de la végétation:
aux steppes ou aux savanes succède, vers 1600m, la forêt à
pedocarpus, aux arbres de taille médiocre, couverts
d'épiphytes; à partir de 2700 m, une forêt de
hagenia est envahie, voire remplacée, par des formations de
bambous, qui cèdent la place, au-delà de 3000 m, à des
landes de bruyères puis à la prairie alpine, avec ses peuplements
caractéristiques de séneçons et de lobélies
géants (Battistini, R., op. cit.; Brunet R. et all., idem; Bart F.,
2001).
C'est grâce d'ailleurs à ce paysage d'altitude,
au climat agréable et une biodiversité extraordinaire, que les
Européens décidèrent, dès le début de leur
colonisation, de protéger les zones les plus élevées de
cette partie de l'Afrique à l'instar de la chaîne volcanique des
Birunga au Rwanda, de la forêt tropicale d'altitude de Kibira au Burundi,
de la chaîne de Ngorongoro en Tanzanie, du Mont Elgon au Kenya, du Mont
Ruwenzori en Ouganda et bien d'autres.
A l'heure actuelle, ces zones d'altitude
bénéficient des statuts de protection de tout genre et attirent
les touristes du monde entier. A part ce statut de conservation et le
développement de l'industrie touristique qui en découle, il faut
noter également le contact assez impressionnant entre les
sociétés paysannes et les zones de hautes terres de cette
région, ce qui a entraîné les densités les plus
élevées de l'Afrique grâce bien sûr aux conditions
climatiques favorables.
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