Populations et aires protégées en Afrique de l'Est( Télécharger le fichier original )par Gaspard RWANYIZIRI Université Michel de Montaigne-Bordeaux III - DEA Géographie 2002 |
Source: Nduwayezu J.D (1990); Imbs F.(1997), Nos estimations D'après ce tableau, on constate que la superficie totale des aires protégées du pays est réduite de moitié, 206.000 ha en 2002 contre 402.000 ha en janvier 1994, ce qui pousse les associations de protection de la nature à s'investir davantage dans le pays afin que ces mesures soient rigoureusement respectées. Notons que c'est grâce à leur pressing que les éleveurs du gros bétail avaient quitté le Parc National de l'Akagera entre 1998 et l'an 2000 et que le nom de ce dernier apparaît encore sur la carte rwandaise. Carte n° 5: Situation actuelle des aires protégées au Rwanda Tableau n°III: Les partenaires en coopération avec les principaux parcs nationaux du Rwanda
Source: -Twarabemenye E.; Karibana, M. (op. cit.) - Sournia G. (op. cit.) A travers ce tableau, on constate que le Parc National des Volcans et celui de Nyungwe ont plus de partenaires que celui de l'Akagera suite sans doute aux intérêts scientifiques que représentent les deux parcs. En effet, le premier abrite les derniers spécimens des Gorilles des montagnes, tandis que l'autre est considérée comme la plus vaste forêt primaire d'altitude de toute l'Afrique. 1.1.2 Mars 1981: date de création des premiers parcs nationaux au BurundiComme nous l'avons signalé précédemment, le Burundi est l'un des rares pays africains où aucun parc national n'a été établi durant l'époque coloniale alors que toutes les forêts sont devenues réserves officielles sous l'autorité coloniale belge en 1933. C'est sans doute sous la pression des ONG protectrices de la nature qu'un décret-loi du 3 mars 1981, portant création des parcs nationaux et des réserves naturelles, fut mis en place. Il concerne la législation relative aux espaces protégés du pays. Parmi les parcs nationaux créés, nous allons nous intéresser sur le Parc national de Ruvubu (Ruvubu signifiant la rivière aux hippopotames) situé à l'Est du pays puisque sa création fut à l'origine de l'expulsion des paysans agri-éleveurs de la région. En effet, « implanté dans une région agropastorale mise en valeur depuis déjà longtemps par des familles paysannes autochtones ou immigrées » (Cochet H., 2001), ce parc a été créé ainsi dans une zone où l' « aspect naturel et sauvage» recherché par les écologistes avait disparu sauf les rives de la rivière Ruvubu et quelques savanes boisées à caractère ponctuel. De ce fait, la mise en défens de cette grande vallée (43.630 ha) a exigé l'expulsion de plus de 3.000 familles paysannes, ce qui a entraîné dans la suite une sérieuse crise alimentaire au sein des familles déplacées. H. Cochet (op. cit.) précise en outre qu'en 1986 le même scénario s'est produit lors de la création de la Réserve naturelle forestière de Rumonge (sur les versants surplombant le lac Tanganyika) où les populations ont été également chassées de leurs terres sans qu'il y ait indemnisations financières ou projets de réinstallation. Par ailleurs, le même auteur souligne que la création de la Réserve de Vyanda en 1991 existe encore sur papier suite à une opposition farouche de la part des populations locales, soutenue sans doute par l'arrivée du multipartisme dans le pays au début des années 1990, puis par les événements sanglants que connaît le pays depuis 1993. Il faut dire, à l'instar de H. Cochet (idem), que la protection de l'environnement dans ce pays « a été assise sur une conception particulière de l'écologie par laquelle les paysans sont désignés comme les principaux coupables de dégradation de l'environnement. » Dans ce contexte, la protection de l'environnement pourrait être qualifiée de « répressive et mise en place contre les intérêts des paysans. » Aujourd'hui, la gestion de ces zones ainsi que la création et/ou l'aménagement d'autres sont placés sous la responsabilité de l'Institut National pour l'Environnement et la Conservation de la Nature (INECN), organisme intervenant sous l'autorité directe du Ministère de l'Equipement, du Tourisme et de l'Environnement. Au niveau international, le Burundi est signataire de la Convention africaine d'Alger, la Convention du patrimoine mondial (UNESCO) et celle de Washington (CITES). Il faut noter que les principales zones protégées au Burundi sont au nombre de deux, toutes créées en 1981 (elles existaient avant comme réserves officielles): le Parc National de Ruvubu ( 43.630km2), qui s'étire du Centre vers le Nord Nord-Est, le long de la rivière Ruvubu et le Parc National de Kibira (40.000km2) au Nord-Ouest du pays. Ce dernier parc est dominé par une forêt tropicale et prolonge le Parc National de Nyungwe (l'ex- Forêt naturelle du même nom) au Rwanda. 1.2 L'émergence des politiques différentes en Afrique orientale ex-anglaiseA l'instar de beaucoup d'autres fonctionnements politiques et sociaux de l'Afrique orientale ex-anglaise, la politique de conservation est aussi profondément marquée par le leg colonial et elle s'est élaborée en continuité avec cet héritage. Tout commence assez vite au lendemain de l'indépendance de trois Etats au moment où les Britanniques parvenaient à redynamiser leur Communauté Economique Est-africaine faute de pouvoir créer, en raison des protestations africaines, une fédération politique qu'auraient voulu dominer les Anglais du Kenya. Il est normal que grâce à celle-ci, la machine anglaise continuait à marcher sans beaucoup de difficultés. Cependant, ce poids des Anglais ne sera malheureusement que de courte durée car, au début des années 70, on verra monter l'influence des partis nationalistes, et surtout les divergences politiques entre le Kenya libéral, la Tanzanie socialiste, plus orientée vers la ligne de front australe contre l'Apartheid, et l'Ouganda en proie à l'anarchie depuis la venue au pouvoir du dictateur Idi Amin Dada; ce qui a entraîné la disparition de la communauté en 1977 et par voie de conséquence de la quasi-disparition de l'influence anglaise sur certains Etats. Mais parallèlement à ce changement politique, l'influence environnementale liée à la théorie de la tragédie des communaux gagnaient de plus en plus le terrain. 1.2.1 Opposition entre la politique libérale kenyane et le socialisme tanzanienSi de sérieuses oppositions caractérisent les politiques kenyanes et tanzaniennes de conservation dès le début des années 70 suite aux idéologies politiques assez différentes, il faut noter cependant que l'héritage colonial caractérisé par la création des aires protégées en excluant les populations autochtones a été bien assumé dans les deux pays. Signalons en effet que cette opposition résidait à la volonté de Nyerere de centrer le développement sur la paysannerie tanzanienne tout en se débarrassant de toute ingérence idéologique de l'occident, alors que les autorités kenyanes, elles, avaient ouvert leur développement vers l'économie de marché, ce qui signifie qu'elles pouvaient bénéficier des investissements de l'occident. Coté kenyan, la politique de conservation au lendemain de l'indépendance a été caractérisée par le durcissement des projets d'exclusion des peuples Maasai suite aux différentes décisions prises par le gouvernement kenyan au détriment de leurs droits fonciers. Ceci commence dans les années 1970 (et même avant) au moment où l'Etat décida d'étendre les parcs nationaux d'une part, puis de créer des proriétés privées sous forme de « group ranches » sur les zones de parcours de Maasai d'autre part. Cette réforme foncière a permis au gouvernement en place de définir en sa faveur une gestion des espaces protégés du pays tout en excluant les populations locales. Ceci parce que dans la nouvelle loi (en rapport avec la mise en place des Group-Ranches) « on ne mentionnait nulle part la relation qui devait unir les pasteurs, les animaux sauvages et les zones protégées. » (Péron X., 1995) Ce qui voulait dire que les autochtones étaient déjà exclus de ces terres nouvellement conservées. En plus, en ce qui concerne les rapports rédigés sur la mise en place de ces Group-Ranches, les experts nationaux1 insistaient, eux aussi, sur la nécessité de généraliser le concept de parc national en réclamant même leur agrandissement au détriment des populations locales. C'est ainsi que la mise en pratique de cette loi des Group-Ranches entraîna la nouvelle expulsion des Maasai autour de la Réserve de Maasai- Mara, ce qui a permis dans la suite d'agrandir sa superficie. Dans le même ordre d'idées et en vue d'affaiblir leur résistance, la réserve d'Amboseli est devenue parc national en 1977. Il faut noter que d'autres espaces protégés avaient été créés dans des circonstances similaires à l'instar de « Ruma National Park » en1966, le « Lake Nakuru National Park » en 1970, et dernièrement en 1995 le « Longonot national Park » (Dufour, C., 2001). Aujourd'hui, les aires protégées kenyanes sont divisées en trois parties: d'abord les Parcs Nationaux ( réservés au seul usage touristique) qui couvrent 25.624 km2 dont 21.000 1 A majorité d'ethnie Kikuyu au pouvoir et qui s'opposaient à la vie pastorale des Maasai Carte n° 6: Parcs et réserves du Kenya km2 pour le seul Parc National de Tsavo (Est et Ouest); ensuite les Réserves Nationales (National Reserves), espaces pouvant faire objet d'une exploitation par l'homme à condition qu'elle ne mette pas en péril l'équilibre écologique. Elles couvrent 17.221km2 de la superficie nationale. Enfin, les Réserves de la biosphère (Biosphere Reserve), qui s'appliquent à 7.965 km2 de la superficie nationale incluant parfois parc ou réserve. Il s'agit en général des sites à grand intérêt scientifique placés sous l'égide de l'UNESCO. Tous statuts confondus, ces espaces couvrent 44.359 km2, soit 7,6 % de la superficie totale du pays (Grignon, F. et Prunier G., op. cit.). Ils sont sous le contrôle du Ministère ayant l'Environnement et les Ressources Naturelles dans ses attributions et sont gérés soit par le « Kenya Wildlife Service: KWS », un organisme para-étatique semi-autonome créé en 1989 et qui s'occupe de tout ce qui est parc national plus quelques réserves, soit par les « Conseils Régionaux (County Council) » pour la plupart des réserves. Il faut noter que le KWS est surveillé de près par une multitude d'associations de protection de la nature, comme le W.W.F., l'UICN et autres, qui ont en général leur bureau régional à Nairobi. Cependant, malgré ce potentiel touristique énorme, certains analystes font constater que la « manne » que procure le tourisme du pays est mal répartie entre les différents acteurs de la conservation. En effet, les bénéfices de cette activité ne sont pas bien utilisés « comme en témoignent l'état des pistes à l'intérieur des zones protégées ou bien la difficile survie des communautés vivant en bordure des sanctuaires. » (Dufour C., op. cit.) C'est ainsi que la politique de gestion de ces espaces a pris une autre orientation, depuis 1993, en se dirigeant, comme nous le verrons dans les chapitres suivants, vers les intérêts du développement local. Comme nous l'avons déjà expliqué, cette politique de protection de la nature au détriment des intérêts de la population locale constitue pour le gouvernement kenyan un enjeu qui est à la fois économique et politique. D'une part l'entrée des devises dans la caisse de l'Etat lui permet de résoudre certains problèmes financiers qui ne manquent pas dans les pays du Sud, et d'autre part, le contrôle de l'espace habité par les Maasai en créant les espaces protégés est une bonne stratégie car il permet de diminuer le nombre de leur bétail et par voie de conséquence de réduire à néant leur principale source de résistance. En ce qui concerne la politique post-coloniale de protection de la nature en Tanzanie, il faut dire que le gouvernement de Julius Nyerere, qui avait affiché au début un programme anticonservationniste dans le pays, a finalement bien suivi la politique laissée par les Britanniques, « se montrant même, à bien des égards plus royaliste que le roi, moins par démagogie qu'au nom des chiffres: la Tanzanie est une nation pauvre et l'indépendance politique et économique souhaitée par le Président passe par la rentabilisation des rares atouts qu'elle possède; on attend du tourisme qu'il finance le développement. » Baroin C.; Constantin F., op. cit.) Pour mettre en pratique ce programme et afin surtout d'éviter que la gestion des zones protégées soit aux mains des seuls étrangers, à la différence du Kenya voisin, le nouveau gouvernement a créé un collège de formation spécialisée dans la conservation. Construit à Mweka, au pied du Kilimandjaro, toit de l'Afrique et symbole de l'indépendance tanzanienne « Uhuru », ce collège est devenu désormais l'un des fers de lance de l'industrie touristique du pays. créées durant l'époque coloniale. C'est notamment la création des Parcs de Ruala et Mikumi en 1964, le Parc de Gombe en 1968, celui de Tarangire en1 971, les Parcs de Kilimandjaro et de Katavi respectivement en 1973 et en 1974 ou tout simplement le Parc national d'Arusha créé sur des terres qui appartenaient depuis plusieurs années aux communautés blanches avant l'indépendance. Parallèlement, de nouvelles réserves de chasse sont établies, comme la Réserve de Maswa au Sud-Ouest du grand Serengeti, ou les réserves de Rungwa et de Kisigo en bordure du parc de Rwaha, etc. Pour ce qui est de la situation des Maasai, il faut dire qu'elle n'est pas bonne parce que la perte de leurs territoires de parcours va en s'aggravant, « avec d'abord la transformation de la réserve de chasse de Tarangire en parc, puis en 1974, au sein du site de Ngorongoro avec l'interdiction d'utiliser pâturages, salines et points d'eau dans les cratères de Ngorongoro, d'Empakai, et d'Olmoti. » (Baroin C. et Constantin F., op. cit.) A partir de là, le calvaire des Maasai s'enchaîne puisqu'ils ont été contraints d'aller exploiter des terres hostiles à leur activité pastorale ou de se contenter de leurs petites parcelles situées au bord des aires protégées. En peu de mots, les autorités tanzaniennes ont tout fait pour que les Maasai s'éloignent de bonnes terres du pays car leur activité est en opposition au principal objectif du Président Julius Nyerere, à savoir « centrer le développement du pays » sur les activités agricoles et non sur l'élevage traditionnel comme celui des Maasai, jugé par les autorités tanzaniennes comme improductif. En vue d'écarter ces populations, le gouvernement tanzanien a mis en place dès 1975 une politique de création des villages permanents « livestock development villages », ce qui a permis de privatiser toutes les terres qui appartenaient aux Maasai en les transformant en group-ranches. Face à cette nouvelle problématique, les spécialistes de la conservation dans le pays affirment que cette politique des autorités tanzaniennes est totalement différente de celle de leurs anciens maîtres. En effet, « alors que les Anglais avaient toléré la présence des pasteurs dans les sanctuaires tant qu'ils demeuraient en leur état de '' sauvagerie primitive'', comme survivance remarquable des temps édéniques. », les nouvelles autorités tanzaniennes ont, quant à elles, un projet de les « civiliser » afin d'éviter qu'ils présentent aux yeux des étrangers une mauvaise image d'un pays pauvre. Ce qui n'est pas le cas au Kenya voisin, là où la civilisation des peuples Maasai est une idée qui remonte du temps de la colonisation. A l'heure actuelle, on remarque que le gouvernement tanzanien commence à prendre au sérieux le problème des Maasai. En effet, depuis les années 80, les projets d'expropriation nécessitent désormais des compensations financières. En outre, l'analyse de ce problème à l'échelle internationale commence à attirer l'attention de beaucoup d'acteurs nationaux et internationaux, d'où quelques tentatives des projets de conservation qui font appel à la participation de ces populations longtemps exclues de leurs terres ancestrales. Tout en ignorant les problèmes de manque de terres de la population expulsée lors de la création des aires protégées, à majorité d'ethnie Maasai, la Tanzanie compte aujourd'hui 39 espaces protégés, toutes catégories confondues, soit 14,6% de la superficie nationale (World Bank, 2001) La gestion de ces espaces et de la faune est centralisée au Secrétariat d'Etat de la vie sauvage (Wildlife Division, Ministry of Lands, Natural Ressources and Tourism) dont dépendent le TANAPA ( Tanzania National Parks) qui gère plus spécialement les parcs et la NCAA( Ngorongoro Conservation Area Authority) qui gère le site protégé de Ngorongoro. 1.2.2 Antagonismes politico-ethniques et crise de la politique de conservation en OugandaL'évolution actuelle des aires protégées en ex-communauté est-africaine anglaise découle de l'héritage laissé par les colons britanniques dans ce domaine. Nous venons de voir en effet comment les nouveaux dirigeants kenyans et tanzaniens ont été de « bons élèves » de leurs maîtres colonisateurs en renforçant la politique coloniale d'exclusion des populations autochtones en faveur de la création des sanctuaires d'animaux sauvages. Pour ce qui est de l'Ouganda voisin, cette leçon a été aussi bien suivie, voire même réussie malgré les antagonismes politiques et ethniques qui ont ravagé le pays pendant 14 ans de dictatures militaires et de guerres civiles (1972-1986). Durant cette période, toutes les politiques de développement ont été paralysées, y compris celle de conservation de la nature, de façon que cette dernière ait traversé une crise redoutable puisque d'une part les aires protégées constituaient des bastions des groupes armés, et que d'autre part tout le système administratif était devenu inefficace pour pouvoir assurer la protection des aires protégées. Malgré cette crise des années 70-début 80, la paix retrouvée en 1986 a fait redémarrer le système en procédant à la création de nouveaux parcs et réserves analogues mais toujours au détriment des populations locales. C'est ainsi qu'en dépit de la situation effroyable qu'ont vécu les Iks dans les années 60, après leur exclusion de la vallée de Kidepo, afin d'y créer un parc national du même nom (ce qui a d'ailleurs entraîné la décadence de leur société), les nouveaux dirigeants ougandais ont imité ce scénario colonial en 1992. A cette époque en effet, ils ont procédé à la création d'un corridor pour les éléphants entre le Parc National de la Reine Elisabeth (Queen Elisabeth National Park) au Sud-Ouest et la Réserve forestière de Kabale au Sud. Ce travail s'est traduit par l'expulsion par l'armée, sans préavis, de 30.000 paysans agriculteurs, assortie de meurtres, pillages, destruction de cultures et de cheptel dans le cadre d'un projet financé par la Banque Mondiale et la Communauté Européenne (Rossi G., 2000). Le but de ce gros travail était, selon Feeney ( repris par G. Rossi, 2000), de permettre aux éléphants de Kabale d'être à nouveau libres ! A part cette opération, « douloureuse » pour les paysans chassés de leurs terres mais « couronnée de succès » selon le rapport officiel de la CEE (l'actuelle Union européenne), l'organisme qui l'a financée, la politique post-coloniale de conservation en Ouganda a aussi été caractérisée par la création de nouveaux espaces protégés. A l'heure actuelle, ce pays compte 37 aires protégées au total soit 7,9 % du territoire national (World Bank, 2001). Malgré ce taux élevé des espaces protégés par rapport à la superficie nationale, on remarque que le tourisme n'y est pas développé, comme c'est le cas au Kenya ou moins encore en Tanzanie, suite aux différentes raisons qu'on a déjà évoquées. Après cette étude de l'évolution historique et géographique des espaces protégés dans chaque pays de l'Afrique orientale, un tableau récapitulatif de leur situation actuelle nous semble très utile. Tableau n° IV: Situation actuelle des aires protégées en Afrique orientale
Sources : - Banque Mondiale et all.
(1997) - Nos estimations En définitive, on peut dire que l'Afrique de l'Est, région agricole à plus de 80% de sa population, occupe une place importante (en matière de protection de la nature) dans le monde. Mais comme nous l'avons vu précédemment, le développement des aires protégées dans cette région s'est accompagné, depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours, par une fracture socio-spatiale par excellence, ce qui est d'ailleurs à la base de certains problèmes de survie pour les populations chassées de leurs terres. En dehors de cela, la pression démographique constitue un autre danger à la survie des espaces protégés est- africains, plus particulièrement ceux situés dans les zones très peuplées. Chapitre IILES ENJEUX DE LA POLITIQUE DE CONSERVATION EN AFRIQUE ORIENTALEDepuis la création des aires protégées en Afrique de l'Est, celles-ci font face à trois grands défis économiques. D'abord, les bénéfices qu'elles procurent sont rarement reconnus, de sorte qu'il est difficile pour les responsables de déterminer un bon équilibre entre les coûts et les revenus. En plus, ces responsables sont incapables d'expliquer comment l'augmentation des investissements en matière de conservation pourrait entraîner un accroissement des avantages pour les populations vivant autour des espaces protégés et pour les autres habitants du pays. Ensuite, la répartition des bénéfices est en général une question particulièrement importante qui n'est pas prise en compte par les modèles actuels de gestion de ces espaces. Enfin, un fort accroissement des investissements dans les zones protégées, venus en général de l'extérieur, n'est utile que s'il s'inscrit dans un ensemble de mesures de développement local, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Face à ces défis, on remarque qu'il y a une dichotomie entre les intérêts de l'Etat, soutenu aveuglement par les ONG de protection de la nature, et ceux des populations locales victimes de la politique de création des espaces protégés; ce qui nous amène à étudier les avantages et les défis de ces zones en Afrique orientale. 2.1 Importance des aires protégées dans la vie socio-économiqueQuand on aborde le sujet de savoir l'impact lié à la gestion des espaces protégés dans la vie socio-économique d'un pays ou d'une région, certains pensent (et c'est vrai) immédiatement aux avantages liés au tourisme, mais aussi aux changements sociaux qui peuvent avoir lieu au sein des populations de ce pays ou de cette région suite aux contacts permanents avec les étrangers. Par ailleurs, d'autres avantages (indirects cette fois-ci) peuvent être évoqués. C'est notamment le cas de la lutte contre l'érosion dans les zones montagneuses ( le cas du Rwanda et du Burundi), permise par le maintien des forêts d'altitude, l'éducation et la recherche dans le domaine de l'environnement, de la biologie, etc., et enfin les valeurs esthétiques et culturelles que représentent les différents sites touristiques aux yeux des populations locales. En ce qui concerne notre travail, nos allons nous intéresser sur les bénéfices directs, c'est-àdire le tourisme et aux motivations d'ordre social liées à la création des aires protégées. 2.1.1 Le développement du tourisme lié aux aires protégéesPour P. Dabrowski (1994), « la conservation de la nature et le tourisme, au sens où nous les entendons aujourd'hui, remontent à la première moitié du 19ème siècle et se sont développés dans une large mesure en parallèle. » Le même auteur précise que leur origine commune était liée aux sentiments que les personnes pouvaient ressentir à l'égard de la nature sauvage puisque celle-ci devenait de plus en plus un lieu privilégié pour certaines activités récréatives. Depuis lors, la nature est devenue une valeur en soi et la recherche du contact avec celle-ci une des causes du développement du tourisme. A l'heure actuelle, le tourisme est considéré comme l'un des secteurs économiques les plus puissants au monde et dont la croissance est la plus spectaculaire durant ces dernières décennies. « Les recettes qui en sont tirées sont passées de 18 milliards de $ en 1970, à plus de 100 en 1980, et atteignaient près de 350 milliards en 1993. La part de cette activité dans le commerce mondial est aussi en constante progression, et atteignait près de 8,5 % en 1992. Les entrées de touristes dans les pays d'arrivée sont, eux, passés de 166 millions en 1970 à plus de 500 millions en 1993. » (UNESCO, 1994) Au regard de toutes ces statistiques, on est tenté de savoir ce que c'est le tourisme et à quoi ressembleraient les ressources touristiques d'un pays donné. Le « tourisme » peut, en peu de mots, être défini comme « l'ensemble des relations et des faits constitués par le déplacement et le séjour des personnes hors de leur horizon habituel pour autant que ce déplacement et ce séjour soient réalisés comme une activité de loisir et de consommation. » Le tourisme est donc l'une des activités du loisir (fin de semaines, longs congés, fêtes, vacances, loisirs artistiques, sportifs, etc.) Les « ressources touristiques », quant à elles, constituent « l'ensemble des éléments à mettre en oeuvre pour développer le tourisme: aménagement des sites touristiques, infrastructures d'accueil, agences de voyages, réseaux et moyens de transports, bureaux d'information de publicité et de propagande, réglementation, définition des circuits touristiques, activités culturelles et folkloriques, personnel d'hôtels et de gestion des potentialités. » (Nduwayezu J.D., 1990) Un « touriste » est défini enfin comme un voyageur qui réside dans un pays autre que celui dans lequel il est habituellement hôte et cela pour une période minimum de 24 heures. En somme, le tourisme est couramment considéré comme l'un des secteurs les plus susceptibles de contribuer au développement d'un pays, ce qui nous amène à étudier son évolution en Afrique orientale tout en considérant les atouts et les défis de chaque pays, mais aussi leurs différences en matière d'orientation des politiques de son développement. Il faut noter que nous allons nous consacrer sur le tourisme lié aux zones protégées terrestres (Parcs nationaux et réserves de faune). 2.1.1.1 Potentialités et supériorité de l'industrie touristique kenyaneLe Kenya est devenu un grand pays touristique grâce à deux pôles d'attraction: la côte et ses plages de part et d'autre de Mombasa et les parcs nationaux ou réserves analogues dans les hautes terres et les savanes de l'intérieur. Au cours de ce travail, nous allons nous intéresser seulement au tourisme qui se fait dans les aires protégées terrestres de ce deuxième pôle d'attraction. Le développement de cette industrie s'explique, d'une part par la variété et la beauté des paysages de ce pays, et surtout par la richesse de la faune de grands animaux que l'on peut venir observer dans un grand nombre de parcs et réserves (une cinquante environ sur 8 % de la superficie totale du pays), et d'autre part par la politique libérale choisie par ce pays, qui lui permet de bénéficier, depuis l'indépendance, de gros investissements de l'occident développé. L'historique de l'évolution touristique commence réellement au lendemain de la seconde guerre, en 1948, au moment où les trois territoires est-africains alors sous la couronne britannique (Kenya, Ouganda et Tanganyika), se partagèrent les différents services. Ceux-ci furent essentiels pour le fondement de l'industrie touristique car ils regroupaient toutes les infrastructures de base pour le transport des touristes, comme la Société Est-africaine des chemins de fer et des transports maritimes, la Société Est-africaine des transports aériens, celle des Postes et Télécommunications, de l'Immigration et des douanes. De surcroît, les autorités coloniales s'attachèrent à mettre en place des mesures législatives de gestion des aires protégées et du tourisme (Dufour C., op. cit.). Dans les années 50, trente à quarante mille visiteurs se rendirent par an au Kenya. Ce chiffre était en général lié aux changements qui s'effectuaient en Europe occidentale en matière du travail. En effet, les conditions du travail (la législation) commençaient à s'améliorer de telle sorte que les droits et les intérêts des travailleurs étaient de plus en plus reconnus et protégés. C'est ainsi qu'à travers l'Organisation International du Travail, une grande partie de la communauté des travailleurs accéda aux congés payés et au droit de se déplacer vers les pays du Sud, surtout vers leurs colonies. Mais il faut préciser ici que ce privilège ne concernait bien sûr que quelques familles aisées comme c'est le cas même aujourd'hui pour ce qui est du tourisme à l'étranger1. Après l'indépendance, la situation est devenue très favorable car le nombre de touristes s'élevait de 61.352 à 117. 000 en 1967. Depuis les années 1970 jusqu'à nos jours, les aires protégées kenyanes ont connu un flux de mouvements touristiques sans précédent. Comme conséquence, le nombre des touristes est passé de 421.000 en 1976 à 804.000 en 1991. Ce qui est énorme par rapport à ce qui se passe dans les autres pays de l'Afrique orientale où les problèmes d'insécurité ou d'orientations économiques mal choisies entravent le développement de ce secteur. Par ailleurs, il faut signaler que l'époque de l'indépendance s'est caractérisée aussi par la croissance du nombre d'infrastructures d'accueil. En effet, 5.840 lits étaient recensés en 1963 contre 42.000 lits en 1988. Ce qui montre que le dispositif hôtelier devient de plus en plus puissant au fur et à mesure que le pays se dote d'autres moyens pour attirer le plus grand nombre de touristes. On pense ici à la construction des routes, l'amélioration de la sécurité dans les parcs, la création des agences de tourisme, etc. Tous ces efforts ont fini par payer parce que le tourisme représente la première source de devises du pays, avant le thé et le café, et que son évolution reste satisfaisante depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours, même si les professionnels du tourisme affirment que les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis commencent à freiner le déplacement des occidentaux vers les pays du Sud au profit du tourisme de proximité, c'est-à-dire à l'intérieur du pays ou dans les pays voisins. 1 Tourisme à l'étranger= tourisme à l'extérieur du pays par opposition au tourisme de proximité Tableau n° V: L'évolution du tourisme international au Kenya (1946-1991)
Source: Wildlife conservation and tourisme in Kenya; D. Musili Nyeki, Nairobi, 1999 ( repris par C. Dufour, op. cit.) En outre, il participait à hauteur de 3,1 % du PIB du pays en 1979 et 4,1 % en 1984; sans oublier le nombre de personnes qui travaillent dans le secteur touristique (agences de voyages, restaurants et hôtels,...). En 1977 par exemple, il était estimé à 62.600 et en 1990 ce nombre dépassait 100.000 personnes. Aujourd'hui, on recense plus de 200.000 salariés qui travaillent dans l'industrie touristique kenyane. Comme nous l'avons signalé au début, ce succès est lié, d'une part à une relative réussite libérale de développement depuis l'indépendance, et d'autre part à une stabilité politique qu'a connu ce pays par rapport aux pays voisins, sauf la Tanzanie, malgré les problèmes rencontrés ces dernières années par le régime du Président Arap Moi tels les revendications démocratiques au début des années 1990, la crise de la croissance économique de ces dernières années, les élections tronquées à plusieurs reprises selon les partis d'opposition, conflits ethniques, etc. Malgré ces petits problèmes, le Kenya est aujourd'hui considéré comme le pays préféré par les touristes étrangers même s'il doit faire face, dans les jours à venir, à concurrence farouche du tourisme tanzanien en pleine résurrection. Mais il faut signaler que ce succès a été atteint au prix des populations locales, chassées de leurs terres lors de la création des aires protégées, ce qui est à la base de l'éclatement de certains problèmes fonciers dans le pays. 2.1.1.2 La relève du tourisme tanzanienLe paysage tanzanien, rappelons-le, est d'une beauté extraordinaire. Le volcan aux neiges éternelles, le Kilimandjaro, est un atout touristique de 5895 m de hauteur; sans oublier la présence d'autres sommets plus importants (Mont Méru, Cratère de Ngorongoro) auxquels il faut associer les plus grands lacs de la région à savoir Tanganyika, Victoria et Malawi. En plus, le pays dispose des ressources naturelles (surtout la faune sauvage) assez exceptionnelles dont le célèbre Parc National du Serengeti (14.763 Km2) au Nord et dans le Sud, la Réserve de chasse de Selous (43.000 km2). Toutes ces potentialités touristiques montrent que le tourisme pourrait être le secteur de tête en ce qui concerne l'économie du pays. Et pourtant, l'exploitation de cet incroyable potentiel ne fait que sérieusement démarrer suite à une prise de conscience assez tardive, consécutivement à la déclaration du Président Nyerere, en 1967, qui préconisait une politique de socialisme et d'autosuffisance pour réussir son développement, politique baptisée Ujamaa1. Depuis cette date, tous les choix qui ont présidé à la mise en oeuvre d'une politique de conservation néo-coloniale devraient se débarrasser de toute ingérence occidentale, idéologique en particulier; comme conséquences, le pays s'est privé de tout investissement en provenance de l'occident. Au départ, ce choix semble satisfaisant puisque la fréquentation touristique des zones protégées augmente de 11 % par an entre 1969 et 1976. Puis, les recettes se stabilisent un peu avant de baisser ensuite jusqu'en 1986, de telle sorte qu'à fin des années 80, le secteur touristique tanzanien tenait une place médiocre (seulement 2 % du PIB). La stagnation de ce secteur durant les années Nyerere s'explique par son souci d'éviter selon lui, « la pollution idéologique apportée par ces ? hordes barbares ? occidentales » (Baroin C.; Constantin F., op. cit.), mais aussi par son incapacité à réaliser son développement parce que sans aide ou investissement des pays riches, la Tanzanie ne parvient pas à faire face à la concurrence farouche du Kenya qui, en phase avec l'économie capitaliste du monde occidental, développe un tourisme de qualité par rapport à ses concurrents directs de l'Afrique orientale en matière de gestion des réserves de faune sauvage. Les nouvelles tendances économiques affichées par les autorités tanzaniennes qui se confirment après le départ de Nyerere en retraite au milieu des années 1980 entraînent un changement d'orientation très net en ce qui concerne la politique du tourisme dans le pays. Ce changement est à associer aussi avec le début des réformes économiques entreprises dans les années 1986-1987 dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel négocié entre l'Etat tanzanien et les institutions de Bretton Woods. Au début des années 90, le nombre de touristes a augmenté petit à petit grâce à cette ouverture vers l'extérieur, de nouveaux hôtels se sont implantés, des lodges et camps de toile luxueux se sont augmentés à l'intérieur des aires protégées, etc. Outre le bénéfice accru pour l'Etat, l'augmentation de nombre de visiteurs, 351.000 visiteurs en 1998 contre 100.000 en 1987, a des répercussions positives sur l'emploi (services, artisanat local, etc.). La Tanzanie semble vouloir donc suivre la voie empruntée il y a longtemps par le Kenya et la superficie de ses sanctuaires est telle qu'elle peut développer un tourisme efficace et lucratif semblable à celui de son voisin Kenya. 1 Le principe étant de « Compter sur ses propres forces: self reliance »
2.1.1.3 Conflits armés comme bases du
fléchissement du secteur
|
Année |
Population |
Densité physiologique (18.740km2) |
Terre arable par habitant en are |
1950 |
1.954.870 |
104 |
- |
1960 |
2.694.990 |
144 |
- |
1964 |
- |
- |
54 |
1970 |
3.756.607 |
200 |
47 |
1976 |
- |
- |
39 |
1978 |
4.831.522 |
263 |
37 |
1982 |
- |
- |
34 |
1987 |
- |
- |
28 |
1991 |
7.155.391 |
382 |
- |
2000 |
8.109.754 |
433 |
- |
2002 |
- |
- |
23 |
2005 |
9.446.559 |
504 |
- |
2013 |
12.059.889 |
644 |
15 |
Source: - Nduwayezu, J. D. (op. cit.)
- MINEFINECO: Direction des statistiques (2001) - Projections
En ce qui concerne le Burundi, la situation est presque semblable à celle du Rwanda car, selon J. E. Bidou (op. cit.), le paysan burundais vivait, en 1988, sur une Exploitation Agricole Familiale de O, 71 ares, soit cinq fois plus petite que le minimum vital de 1952, c'est-à-dire 3,5ha. Avec un taux de croissance qui se stabilise autour de 3% depuis 1990 (Thibon C, op. cit.), la taille moyenne de l'Exploitation Agricole Familiale sera encore plus petite dans les années à venir.
Cette situation reste préoccupante de telle manière qu'en l'absence de mouvements d'émigration de grande envergure ou des processus d'urbanisation1 ou tout simplement l'ouverture à d'autres activités (non agricoles bien sûr), le doublement de la population aura pour corollaire une densification extrême du milieu rural qui, à son tour, engendrera de fortes perturbations sur l'environnement et le mode d'organisation de l'espace.
En vue de satisfaire à ses besoins, la population procède à l'intensification de l'agriculture. L'utilisation du sol et sa conservation, l'activité agricole, base de l'économie des deux pays sont grandement affectés. Les exploitations agricoles familiales sont devenues de plus en plus petites. La pression sur les parcs nationaux, les réserves naturelles, les milieux marécageux ou les espaces boisés est très grande.
Face à cette forte demande de nouvelles terres à cultiver, une conclusion peut être tirée: la logique de la « bonne adéquation ressources-populations » qui est recherchée dans tous les plans de développement est remise en cause dans les deux pays. Ceci a (ou aura) sans doute un impact sur la politique de conservation dans les deux pays étant donné qu'il sera finalement impossible de continuer à geler de grands espaces destinés à la protection de la nature alors que les populations riveraines de ces espaces n'ont pas de terres à exploiter.
Le Rwanda, avec sa densité moyenne dépassant 300 habitants/ km2 et où toutes les collines sont cultivées jusqu'au sommet, est l'exemple typique de ce qui risque d'être la situation de plusieurs régions d'Afrique dans les années à venir.
Pour bien analyser cette problématique, nous avons préféré étudier deux types de cas, l'un ancien, l'autre nouveau, afin de mieux cerner l'emprise de la pression démographique sur la souveraineté des aires protégées dans un pays densément peuplé de cette partie de l'Afrique, c'est-à-dire le Rwanda.
Créé en 1925 par l'administration coloniale belge, le Parc National des Birunga (ou des Volcans) est la partie rwandaise de l'ancien Parc Albert d'avant l'indépendance qui s'étendait sur le Rwanda et le Congo, au pied des volcans Sabyinyo, Gahinga et Muhabura. C'est une zone de terres volcaniques extrêmement fertiles mais dotée, malheureusement, d'un hydrographique pauvre à cause de son substrat volcanique (Jost C., 1987).
Depuis sa mise en réserve, ce parc a constamment été la cible des activités de défrichement à la recherche de nouvelles terres agricoles. Cette pratique avait pris une grande ampleur dans les années 1950 au moment où un vaste réseau d'adduction d'eau fut réalisé par
1 Un processus que les deux pays ignorent depuis un certain temps
le Fonds du Bien-être Indigène (F.B.I.) dans cette région mieux réputée pour sa fertilité mais dépourvue de ressources aquifères par excellence.
Dès cette époque, plus précisément au début des années 60, l'occupation accélérée de cette région devint spectaculaire suite à l'installation d'un paysannat, à vocation pyrèthricole, dans les communes limitrophes du Parc à savoir Kinigi, Mukingo et Nkuli dans la préfecture de Ruhengeri, puis Mutura dans la préfecture de Gisenyi. La forêt qui couvrait originellement environ 34.000 ha en 1958 recula à un rythme de 5 % annuellement, perdant ainsi entre 17.470 et 18.000 ha jusqu'en 1973. En juin 1973, date de la création de l'Office Rwandais du Tourisme et des Parcs Nationaux, les mesures draconiennes furent prises par le gouvernement pour protéger le parc mais le rythme des défrichements quoique ralenti, n'a pas empêché que la forêt détruite entre 1973 et 1975 ait été d'environ 1000 ha.
Malgré le défrichement partiel de la région au cours de la période d'après le génocide jusqu'au retour massif des nouveaux réfugiés, en novembre 1996, le piémont de la chaîne volcanique enregistre aujourd'hui des densités brutes supérieures à 400 habitants/km2 et le grignotage du parc est peut-être, loin d'être terminé étant donné que toute la population riveraine de ce parc est employée dans l'agriculture et que pire encore, l'exploitation agricole familiale dans la région est inférieure à 0,39 ha comme le révèle l'enquête menée par le Ministère de l'agriculture à la fin des années 80. C'est d'ailleurs dans ce genre de situations qu'on serait même tenté de dire que les agressions des agriculteurs contre les aires protégées sont légitimes.
Lors de sa première protection officielle en 1933, la Forêt naturelle de Gishwati, 280km2 dans les années 70, avait comme principal objectif d'être une « réserve naturelle ». Mais au fur des années cet objectif a été sérieusement compromis suite aux agressions continues des agriculteurs et des éleveurs.
La régression de cette forêt se justifie d'abord par le fait qu'elle soit située dans une région très densément peuplée. En effet, tous les districts (anciennes communes) qui lui sont riverains ont une densité brute supérieure à 400 habitants/ km2 à l'exception du seul district de Rutsiro de l'actuelle préfecture de Kibuye au Sud avec moins de 400 habitants/ km2 (Twarabamenye, E.; Marara K., 1997).
En plus, il faut dire que certaines activités, à la limite ou à l'intérieur de la réserve, ont réveillé les convoitises des agriculteurs de la région. C'est le cas d'une amputation officielle d'une grande portion de son flanc Est, effectuée dans les années 70. Il faut noter ensuite, le projet G.B.K1 de la Banque Mondiale qui a mené quatre actions successives: déboisement et déssouchage d'un espace considérable à l'intérieur de la forêt, pour la culture de pommes de terre sur le sol ainsi libéré, plantation de Kikuyu grass ensuite sur le même sol, cette fois destiné à l'élevage bovin et enfin plantation de résineux sur les bords des endroits déboisés. C'est d'ailleurs à partir de ce moment que les incursions de la houe dans la forêt se sont montrées de plus en plus dévastatrices.
1 Projet G.B.K: Gishwati-Butare-Kigali (zones d'intervention du projet)
Enfin, la dernière phase, sans doute la plus fatale, est celle du rapatriement des anciens réfugiés de 1959, en 1994, qui a été l'occasion de faire d'une partie de cette forêt un site officiellement habité (voir figure n° 1). L'Etat ayant ouvert la vanne du coté de Kijote (ancienne commune de Nkuli, préfecture de Ruhengeri), la population a profité de la brèche pour déboiser massivement de sorte qu'à présent on peut dire de la forêt de Gishwati ce que l'on a dit de la forêt de Mukura.
Au début de cette décision massive, les autorités locales n'ont pas du tout songé sur les destructions massives qu'allait entraîner cette déforestation sur des sols forestiers, peu épais, installé sur du granite et des pentes raides. Les effets sont venus quelques années après, plus précisément l'an dernier (octobre-novembre) et même cette année (mois de mai) où on a assisté à des glissements de terrain sur de vastes étendues, entraînant beaucoup de morts dans la région: 4 personnes en novembre 2001 et plus de 20 personnes au mois d'avril dernier, sans oublier les cultures de pomme de terres inondées et même des maisons endommagées (voir les figures n° 1 et 2).
Figure n°1: Agglomération (Umudugudu) de Kijote au pied du flanc Nord de la forêt de Gishwati
Figure n° 2: Glissement de terrain sur le flanc Nord de la Forêt naturelle de Gishwati (novembre 2001)
En somme, on peu dire que la pression démographique, de plus en plus croissante dans les pays d'Afrique des hautes terres, est considérée comme l'un des dangers qui risquent de compromettre l'avenir des espaces protégés. Avec plus de 300 habitants/ km2, et où toutes les collines sont cultivées jusqu'au sommet, le Rwanda, l'un des pays densément peuplés de cette zone, offre un bel exemple de ce qui risque de se reproduire partout ailleurs.
Parmi les plus grands défis auxquels les gestionnaires des espaces protégés tropicaux sont (ou seront) obligés à relever, celui de la survie des populations victimes de la création de ces espaces figure sans doute au premier plan. En ce qui concerne l'Afrique orientale, le cas des peuples Maasai du Kenya et/ou de la Tanzanie, celui des Batwa forestiers du Rwanda et du Burundi ou celui des Iks du Nord de l'Ouganda sont des « cas d'école » et de bons exemples de ce qui est l'une des conséquences dramatiques de la politique coloniale et post- coloniale de protection de la faune sauvage dans ces pays.
Pour G. Sournia (op. cit.), on parle de sentiment de dépossession politique au moment où « les intérêts et les aspirations de toute une partie de la société ne sont pas pris en compte, dans la mesure où les espaces protégés ont été mis en place de façon de plus ou moins autoritaire, tant au cours de la période coloniale qu'au cours de la période post-coloniale et souvent avec l'intervention des forces armées ou des autorités assimilées. »
C'est exactement ce qui se passe durant plus d'un siècle sur les territoires kenyans et tanzaniens occupés par les Maasai. En effet, depuis la veille du 20ème siècle jusqu'à nos jours, les Maasai sont passés d'une situation de « culturellement dominants à celle moins enviable de dominés » (Péron X., 1994), par le fait qu'ils soient privés de leurs terres, donc atteints dans leur mode de vie.
Dans cette logique d'exclusion au Kenya, les autorités coloniales ont donné la priorité à la création des grandes concessions de terres destinées d'abord aux colons anglais, puis à la création et à l'extension des espacés protégés. Ce qui est pire c'est que le gouvernement indépendant n'a fait que maintenir, voire renforcer ces décisions, de telle sorte que les forces de l'ordre étaient (sont) de temps en temps utilisés en vue de déloger les pasteurs Maasai.
Sur le territoire tanzanien, la politique d'exclusion a été bien exécutée mais quelques années plus tard par rapport au Kenya voisin. En effet, il faudra attendre la fin de la première guerre mondiale pour voir s'installer les premières grandes concessions européennes (constituées au détriment des terres de parcours Maasai) aux pieds du Kilimandjaro et du Mont Méru. Ce qu'il faut signaler c'est que toutes les politiques de réforme foncière dans ces deux pays ont été prises unilatéralement par les autorités politiques sans tenir compte des intérêts du peuple Maasai.
Pour ce qui est du sentiment de dépossession territoriale, il faut dire que ce dernier constitue une conséquence directe du précédent. En effet, il est manifesté par « les déguerpissements des populations qui, là aussi, se sont pratiqué de façon violente; départ compliqué par le fait qu'il s'agit pour ces habitants d'un déracinement, d'une coupure définitive avec leur milieu socio-économique et écologique dans lequel ils vivaient. » (Sournia G., op. cit.)
C'est aussi ce que représente exactement l'histoire de la dépossession territoriale du peuple Maasai au Kenya et en Tanzanie. En réalité, selon S., Pomel (2001)1, le territoire occupé par les Maasai (ou « Maasailand ») aurait connu son agrandissement dans les années 1880 avant d'être divisé en deux territoires par la frontière entre l'Afrique orientale dominée par les Allemands et l'Afrique orientale des Britanniques. Depuis l'arrivée des Européens jusqu'à nos jours, ce peuple n'a pas cessé d'être victime des différentes politiques appliquées à leur égard.
Coté kenyan, il faut rappeler que l'histoire commence très tôt au moment où les Maasai commençaient, dès les années 1908, à se heurter sur les haies des grandes plantations de sisal (au pied du Kilimanjaro) appartenant aux européens. Ils étaient soumis également, depuis 1906, aux restrictions des droits de résidence et d'usage suite à la création de la première réserve de faune du territoire, la Southern Game Reserve.
Dans les années qui ont suivi l'indépendance, les autorités nouvelles kenyanes ont encouragé la délimitation de propriétés foncières privées, ce qui est en opposition totale avec la conception Maasai qui dit que « nul n'est propriétaire de l'herbe », et le développement d'une politique d'intensification et de commercialisation du bétail. De nombreuses propriétés (d'environ 10km) furent dès lors enregistrées au nom de Maasai, mais elles étaient hostiles à l'élevage traditionnel. Un grand nombre de ces Maasai passèrent leurs propriétés à des cultivateurs venus d'autres régions, acceptant ainsi de perdre leurs droits permanents sur leurs meilleures terres de pâturages de saison sèche. Mais le pire leur arriva quelques années plus tard au moment où il y a eu l'émergence du système de Group- Ranches dans le pays. Dès lors, la parcellisation de ces derniers a eu comme conséquences le contrôle et la limitation de l'activité pastorale des Maasai (qualifiée par les autorités d'inefficace) sur le territoire kenyan.
Coté tanzanien, il faut dire que juste après la première guerre mondiale, au pied du Kilimandjaro tout comme autour du Meru, existaient déjà de grands domaines européens constitués au détriment des aires de parcours Maasai dans la plaine ou sur la frontière entre les deux massifs montagneux. En 1929, la zone de Serengeti-Ngorongoro devenait une réserve de chasse sur 22.860 km, puis un parc en 1951.
Ce grignotage du territoire septentrional a eu une influence jusqu'au Kilimandjaro où, en même temps, à cause des estates du versant Ouest, leurs possibilités de transhumance vers les pâturages de haute montagne étaient bloquées. Cette tendance s'est poursuivie jusqu'aujourd'hui, mais on notera finalement que l'année 1975 aura été fatale pour eux car, avec la politique Ujamaa, des Group-Ranches ont sans doute été un autre moyen de les priver leurs terres de parcours.
1 Notes de cours de DEA (2001)
Notons enfin que cette restriction progressive des aires de parcours des pasteurs Maasai dans les dernières décennies a suscité des transformations de systèmes de production pastorale des deux côtés de la frontière. Des formes d'intensification ont permis à certains de s'enrichir, mais pour d'autres, la contraction territoriale a été un facteur d'abandon de l'élevage et/ou de départ vers la ville.
C'est à cause d'ailleurs de ce manque du territoire que s'affiche, dans la suite, le sentiment de dépossession économique chez les populations victimes de ces politiques de création des zones protégées. Pour G. Sournia (op. cit.), ce sentiment se manifeste quand un groupe social ainsi concerné va être fragilisé par son expulsion et par le non-accès aux ressources qui, jusqu'alors, étaient vitales pour lui; ce qui est difficile à digérer parce que ce groupe a le sentiment, qu'après son départ les investissements viendront en abondance sur le territoire qui était le sien.
L'exemple des Maasai en explique davantage car l'éviction de leur activité pastorale a été suivie par le développement d'une agriculture irriguée sur le piedmont du Kilimandjaro. Ces nouvelles terres, acquises au détriment des parcours Maasai, sont cultivées par les habitants allochtones tels que les Kenyans (Kikuyu et autres) venus des régions surpeuplées (hautes terres centrales, rift valley, etc.) ainsi que les tanzaniens originaires d'autres régions du pays.
Grosso modo, les Maasai se sont vus écartés de bonnes terres du Kilimandjaro, leur ancien territoire riche en différentes ressources (pâturages pendant la saison sèche, abreuvoirs, etc.) Aujourd'hui, « ils ne sont sans doute plus nombreux à en gravir les pentes avec leurs troupeaux » étant donné qu'un cordon presque continu de grandes fermes se prolonge à l'Ouest par une paysannerie d'agriculteurs (la ceinture café-banane); au Nord de grands espaces de forêts le long de la frontière constituent un autre obstacle. Par contre, entre les deux ceintures se trouve un espace prévu pour que les éléphants du Parc national d'Amboseli puissent circuler librement entre plaine et montagne (Pomel S., 2001).
Les Maasai sont donc confinés dans les régions inhospitalières et, selon S. Pomel, « le Kilimandjaro ne voudrait plus d'eux que si ce n'est comme un éventuel premier plan d'une carte postale ! » Mais visiblement cette expulsion est liée aux différentes décisions qui ont été prises par les autorités coloniales et post-coloniales depuis le début du 20ème siècle et non le rejet du milieu naturel comme on pourrait le croire.
Les conséquences qui découlent de ce rejet sont bien sûr assez nombreuses mais la plus importante est que, dépossédés de leurs terres et plus encore étant incapables de s'adapter à l'agriculture, les Maasai se rendent dans les villes où « il est malheureusement le plus courant de les voir vêtus de jeans et de baskets errer dans les rues de Nairobi à la recherche d'un touriste à qui vendre quelques objets artisanaux soi-disant traditionnels... »
(Dufour C., op. cit.).
C'est d'ailleurs à travers cette errance dans la ville qu'on remarque facilement combien de fois les Maasai ont été culturellement dépossédés, c'est-à-dire acculturés par rapport aux valeurs traditionnelles qui étaient les leurs. Cette dépossession culturelle est liée, d'une part, à l'intégration plus ou moins heureuse au développement touristique qui entraîne de réels problèmes d'acculturation parce que ces populations se contentent de quelques petits avantages liés au tourisme (par exemple l'emploi des jeunes Maasai dans les services touristiques tanzaniens: rangers, guides, lodges) et au peu d'argent qu'elles tirent de la vente
des produits traditionnels et oublient carrément le territoire perdu et surtout l'avenir des membres de leurs familles qui restent aux alentours des espaces protégés. D'autre part, elle est liée au développement de réflexes individualistes en vue d'accéder aux autres possibilités offertes par les changements liés à la création d'une zone protégée.
La conséquence est que tout cela influe sur le mode d'organisation sociale du groupe qui, depuis longtemps, a été caractérisé par l'esprit d'entraide, mais aussi sur les rites sociaux. Dans ce dernier cas, il faut dire que la réduction des troupeaux de vaches a contribué à la désorganisation du processus habituel du mariage selon lequel un homme qui voulait se marier devait avoir suffisamment de bêtes pour faire les cadeaux demandés par le père de sa fiancée, en vue, non seulement de payer la dot mais aussi de contribuer à la constitution d'un troupeau destiné à sa future épouse (Dufour C, op. cit.).
Face à tous ces sentiments de dépossession, on comprend aujourd'hui à quel point la terre est, pour ces populations expulsées un enjeu d'une grande importance car il met en danger leur vie quotidienne. Des réactions sont bien sûr assez vives, allant de l'incompréhension à l'acte criminel. Réactions d'autant plus violentes que les populations exclues se sentent totalement exclues de la gestion des espaces protégés qui constituaient, il y a encore peu, leurs anciens territoires, leurs espaces de vie.
Comme nous l'avons vu précédemment le peuple « Iks » est un petit groupe de chasseurs isolés dans les hautes terres du Nord-Est de l'Ouganda, entre la chaîne de montagne qui sépare ce pays du Kenya et le Mont Murungolé sur le flanc oriental duquel se trouve le parc national de Kidepo où ils ont été chassés par l'administration coloniale anglaise dans les années 60 (Turnbull C, op. cit. ; Tamisier J C, op. cit.).
Avant leur expulsion, la vallée de Kidepo (au pied du Morungolé), était leur principal territoire de chasse et de cueillette, s'étendant sur quelques centaines de Km2 et presque entièrement enclos par Morungolé au Sud et à l'Est, les montagnes Didanga au Nord et les montagnes Niangéa à l'Ouest. C. Turnbull (idem) précise que ces populations sont les meilleurs conservateurs sachant exactement ce qu'ils peuvent consommer, où, et à quel moment. Selon le même auteur, le chasseur « Ik » pense peu au lendemain car il est toujours assuré de trouver sa subsistance au jour le jour dans un territoire qu'il connaît mieux que personne, et qu'il n'essaie pas de dominer. Pour cette société, rappelons-le, le fait de tuer est toujours considéré comme un crime, comme une sorte de péché contre la loi de Dieu et ils ne le font qu'après avoir effectué de longues distances de migrations afin que les troupeaux d'animaux puissent se reconstituer.
Tout cela explique que l'environnement est invariablement l'élément central qui lie les individus les uns aux autres au sein de cette société, ce qui leur donne un sentiment d'identité commune; c'est donc le pivot autour duquel tourne la vie de tous. Ceci est vrai dans le sens que l'environnement fournit ce qui est nécessaire pour ce peuple: nourriture, abri, vêtements; et souvent, on lui attribue une espèce d'existence spirituelle.
Malheureusement cette harmonie n'a pas trop duré parce que depuis 1962, à la veille
de l'indépendance ougandaise, les Iks se sont vus privés de leur territoire d'approvisionnement en gibier, la vallée de Kidepo, par la décision de création du parc national qui porte le même nom. Dès lors, ils ont été transformés en agriculteurs sédentaires mais l'adaptation à ce nouveau mode de vie, dans un environnement de sécheresses fréquentes, a été extrêmement très précaire.
Cette déconnexion du milieu de vie a eu bien sûr des conséquences graves sur l'organisation de la société Iks parce que cette vallée était en même temps un territoire où ils pouvaient trouver facilement de quoi manger mais aussi celui sur lequel ils avaient construit leurs huttes, d'où l'arrivée de la famine au sein de toute la société, de telle sorte qu'en 1964, l'année où l'ethnologue anglais Colin Turnbull les rencontra, ladite société lui paraissait en pleine décomposition.
Dans son célèbre ouvrage «The mountain People », publié en 1972 (traduit en français en 1987), les Iks sont décrits « comme un peuple sans sentiments ni liens sociaux, chez qui l'individualisme et la cruauté gratuite se sont d'abord imposés comme moyen de survivre à la famille, puis sont devenus un mode d'être habituel. »
Chez les Iks toujours, les enfants volent la nourriture jusque dans la bouche de leurs vieux parents, et pire encore, les mères se réjouissent de ce que leur enfant tombe entre les griffes d'un léopard ! Tout ceci montre que cette société vivait (ou vit) une situation matérielle, alimentaire et culturelle exceptionnellement pénible.
Au regard de cette situation inexplicable, les réactions de la part des Iks n'étaient pas nombreuses, sauf quelques actions de braconnage, parce que le Parc de Kidepo était sous la surveillance policière. Mais ce qui est sûr c'est que ce peuple était mécontent de ce qui s'est passé, la preuve est la photo prise par C. Turnbull selon laquelle un groupe d'hommes est assis ensemble entrain de regarder leur ancien territoire, devenu parc national, et selon l'auteur, ils se demandaient si réellement les animaux devaient être préservés alors qu'il y a des hommes qui mouraient de faim. Mais concrètement il faut penser aux différentes réactions traduites par les actes de braconnage qu'ils opéraient sur leur ancien territoire même si cela était en général l'affaire des responsables du parc. Au fait, il semblerait que les policiers sympathisaient assez souvent avec les Iks et qu'ils leur arrivaient de profiter de leur braconnage comme c'est le cas dans la plupart des espaces protégés de l'Afrique orientale.
Après l'étude de Colin Turnbull, il y a plus de trente ans, la communauté internationale commence à s'intéresser à leur mode de vie et surtout à leurs problèmes de survie. C'est dans ce cadre qu'un projet de biodiversité transfrontalier (financé par le PNUD) tente aujourd'hui de les associer à certains travaux de gestion des réserves forestières de la région. Un geste à louer parce ce projet prévoit d'entamer quelques contrats sociaux que pourront bénéficier ces populations (écoles, eau potable, etc.).
A l'heure actuelle, il existe plusieurs dommages anthropiques ou non, qui perturbent directement ou indirectement l'équilibre écologique des zones concernées par la mise en réserve. Parmi les plus dangereux, nous allons voir d'abord ceux qui sont liés à la surpopulation des animaux sauvages à l'intérieur des espaces protégés, puis ceux causés par le tourisme intensif.
L'élimination quasi-totale des animaux (surtout les éléphants), à l'extérieur des parcs, liée à la mise en culture ou à d'autres modifications anthropiques des territoires dans lesquels ils migraient autrefois, provoque leur concentration dans les zones protégées où ils dégradent la couverture végétale, surtout les arbres pour les éléphants, pendant la saison sèche en dévorant leur écorce et leur feuillage.
Aujourd'hui, certains chercheurs craignent que la prolifération des éléphants dans certains parcs et réserves kenyans ou tanzaniens puisse devenir dangereuse pour la végétation arbustive. Dans certains endroits, ces éléphants sont parfois considérés comme responsables de la transformation de la brousse arbustive en savane herbeuse, ce qui n'est pas bon pour certains animaux, comme les girafes, qui aiment brouter des arbres de 6 m de haut.
Dans le Parc national d'Amboseli par exemple, A. Huetz de Lemps (op. cit.) précise que de vastes étendues sont pratiquement privées d'arbres et que les acacias (acacia xanthophloe) n'existent plus. Les éléphants, en surnombre, qui restent dans ce parc doivent se contenter de brouter des herbes de plus en plus petites. Il en est de même pour la Réserve de Maasai-Mara là où les éléphants, réfugiés du Parc national de Serengeti suite aux activités de braconnage, ont entraîné une diminution assez remarquable de la flore et de la faune associées aux milieux boisés. A contrario, les chercheurs affirment que la même époque s'est caractérisée par un enrichissement de la flore et de la faune associée aux milieux herbeux.
Un autre cas des effets nuisibles liés à une très forte densification d'éléphants émane des résultats d'une étude menée au début des années 70 dans le Parc de Tsavo (Dufour C., op. cit.). Sur ce point, l'auteur affirme que « l'impact des éléphants sur les surfaces boisées a conduit au déclin des habitats favorables à d'autres herbivores-girafes, koudous, rhinocéros noirs- ainsi qu 'à de nombreuses espèces d'oiseaux et d'insectes forestiers. Lorsque la population d'éléphants a brutalement chuté de 40.000 à 6.000 individus du fait du braconnage et de la sécheresse, les autres espèces ont commencé à se rétablir. »
Pour éviter cette dégradation de l'écosystème, à cause de la surpopulation des éléphants, certains pays de l'Afrique australe, comme l'Afrique du Sud et le Zimbabwe, proposent la révision de la Conférence de Washington (CITES) de 1989 (interdisant le commerce international de l'ivoire) en réclamant l'autorisation du nouveau commerce de l'ivoire. Or, le Kenya fait partie des pays qui rejettent cette proposition.
A part les dégâts causés par les éléphants à l'intérieur ou en dehors des parcs est- africains, il faut aussi signaler qu'il y a d'autres espèces qui font la même chose. C'est le cas des Babouins (Papio olivaceus) qu'on observe dans certains parcs est-africains, comme le Parc National de l'Akagera, par suite de la quasi-absence de leur principal prédateur naturel, le léopard.
A l'heure actuelle, un des plus grands dangers auxquels les aires protégées se trouvent souvent confrontés tient à l'érosion humaine consécutive à l'afflux de touristes. Dans bien des pays, et en particulier dans ceux de l'Afrique de l'Est, l'accès aux espaces protégés n'est plus sévèrement réglementé. En conséquence, ils reçoivent chaque année un nombre de visiteurs qui est très élevé quelquefois par rapport à leur capacité d'accueil. Ce qui n'est pas du tout mauvais pour leurs gestionnaires puisque ces derniers ne visent que les intérêts lucratifs. Par contre, certains d'entre eux ne parviennent pas à réaliser les conséquences de cet afflux des touristes sur le milieu naturel, alors que des études menées dans ce domaine révèlent qu'une fréquentation trop forte entraîne la dégradation de l'écosystème à l'intérieur des espaces protégés. Voilà pourquoi on accuse souvent les défenseurs de la nature d'être des extrémistes, de faire obstacle au progrès, de nuire au bien-être des communautés locales et de vouloir créer ou organiser des aires protégées pour l'usage exclusif des scientifiques ou des fortunés.
En faisant une étude sur le cas des parcs et réserves du Kenya, pays est-africain qui tient le record du nombre de touristes enregistrés annuellement (plus d'un million ces dernières), A. Huetz de Lemps (op. cit.) et C., Dufour (op. cit.) dégagent quelques voies par lesquelles une nuée de touristes entraîne la dégradation du milieu écologique à l'intérieur des espaces protégés kenyans les plus visités.
En premier lieu, C., Dufour évoque le cas d'une dégradation liée à la circulation des automobiles dans les parcs et réserves kenyans. Bien que strictement réglementée en effet, cette circulation se fasse au moyen de minibus ou de 4x4 qui, sensés suivre les mêmes chemins, provoquent une érosion des sols suite au passage répété des véhicules très chargés et trop nombreux, surtout en période pluvieuse. Par conséquent, la strate herbacée y est écrasée et finit par disparaître (voir figures n° 4 et 5).
Figure n° 4: Minibus en promenade dans la Réserve de Maasai-Mara. Au premier plan, des traces d'érosion légère et au second plan, attroupement de plusieurs véhicules
(Photo prise par Céline Dufour, 2001)
Figure n°5: Erosion du couvert
végétal sur des pistes lanières par les roues
des
véhicules à l'intérieur de la Réserve de
Maasai-Mara
(Photo prise par Céline Dufour, 2001)
A part cette photo qui illustre la situation qui prévaut à l'intérieur de la Réserve de Maasai-mara, A. Huetz de Lemps (op. cit.), quant à lui, parle des effets négatifs d'une fréquentation touristique excessive qui se fait dans le Parc national d'Amboseli. Selon lui, ce
parc « est envahi par les Européens qui viennent du littoral: les minibus sont plus nombreux que les éléphants et le parc a tendance à se transformer en zoo. Par leurs parcours incessants le long des pistes, les minibus contribuent à fragiliser un milieu déjà menacé par les remontées salines et l'extension des zones montagneuses. »
En deuxième lieu, les deux auteurs évoquent la pratique du « hors-piste » à MaasaiMara, un geste qui est néfaste suite à ses effets négatifs sur la couverture végétale, mais considéré comme utile afin de donner du plaisir aux touristes, car il permet de voir de plus près les animaux, surtout dans la Réserve de Maasai-Mara, où l'étendue du territoire (son immensité) le permet sans beaucoup de difficultés.
Enfin, une autre zone en danger est celle des nappes aquifères qui, situées en dessous des lodges construits sur pilotis (tree-lodges), reçoivent des eaux usées en provenance de ces lodges, ce qui est très dangereux pour la vie des animaux qui y viennent encore en masse pour boire de l'eau.
Dans tous les cas, il faut dire que le développement du tourisme à grande échelle produit tôt ou tard un conflit aigu entre les exigences de la protection de la nature et l'industrie touristique. En effet, on a constaté que les nombreux cas de dégradation du milieu naturel dus au développement du tourisme intensif amènent souvent ceux qui sont liés professionnellement ou sentimentalement à la protection de la nature à adopter des attitudes restrictives ou complètement négatives, allant parfois jusqu'à l'expulsion des touristes des zones protégées. Devant cette attitude, des réactions de vengeance de la part de ceux qui visent les intérêts lucratifs pourraient être nombreuses.
Pour trouver une solution, ou moins un élément modérateur dans le conflit ci-haut cité, les spécialistes de la conservation ont mis en place le concept de « tourisme écologique », c'est-à-dire par définition le « tourisme qui doit apporter à toutes les parties concernées [associations de protection de la nature, populations locales, industrie touristique] les satisfactions qu'elles attendent, en évitant les effets dommageables pour le milieu naturel. »
(Dabrowaski P., op. cit.)
Pour y arriver, il faut que ces dernières fassent preuve de beaucoup de bonne volonté et échangent des informations exactes. D'une part, les défenseurs de la nature doivent comprendre qu'il est impossible d'exclure le tourisme parce que ce dernier est source de richesses pour le pays, et d'autre part, les autorités chargées de la protection de la nature doivent prendre en considération les aspects écologiques dans l'aménagement d'une région en fixant d'abord des normes pour un usage durable des ressources naturelles, puis en estimant la capacité touristique d'une région. Ce qui n'est pas facile pour les pays du Sud parce que cet aménagement exige des études environnementales, économiques et sociales très poussées.
En définitive, on peut dire que la politique de conservation en Afrique orientale a des avantages et des inconvénients. Parmi ses avantages, la promotion du tourisme dans la région est sans doute l'une de ses mérites même si la manne qu'il procure n'arrive pas aux populations locales. Par contre, elle est à la base de certains conflits fonciers qu'on trouve en Afrique orientale ex-anglaise. De surcroît, elle est aujourd'hui confrontée à beaucoup de défis, comme le problème de pression démographique, celui de la dégradation du milieu écologique suite, d'une part, aux dommages causés par la surpopulation de certaines espèces animales et végétales, et d'autre part, à cause du tourisme intensif.
Conclusion de la deuxième partie
La politique de conservation dans les Etats nouvellement indépendants de l'Afrique orientale a connu, dès le début des années 1970, des orientations différentes suite aux sensibilités politiques qui étaient au pouvoir à l'époque.
Après à peu près quatre décennies de leur action, le bilan reste aujourd'hui « mitigé » car, au-delà de quelques avantages économiques qui permettent aux différents gouvernements d'obtenir des devises, le coté humain reste catastrophique. En effet, l'avenir de populations expulsées de leurs terres reste incertain, sans oublier que les bénéfices tirés dans l'industrie touristique n'arrivent pas à tout le monde.
Face à tous ces problèmes, les spécialistes de la conservation se sont aperçus que cette situation allait à l'encontre des objectifs recherchés, ce qui a poussé les associations de protection de la nature d'élaborer de nouvelles stratégies en la matière. L'objectif premier étant celui de trouver le moyen de préserver la beauté des paysages, de même que les écosystèmes et la diversité biologique, tout en assurant que les aires protégées contribuent le plus possible au bien-être des populations locales.
Depuis la création des parcs et réserves en Afrique orientale au début du 20ème siècle, la politique coloniale et post-coloniale dans ce domaine a été caractérisée par le rejet de la société pour deux principales raisons: d'une part c'est l'expulsion des populations locales qui accompagne leur création, et d'autre part c'est que les bénéfices que procure le tourisme n'atteignent pas ces populations comme en témoigne la difficile survie des communautés vivant en bordure de ces espaces.
Face à ce problème, les solutions récentes convergent sur un même point: « trouver le moyen de préserver la nature tout en s'assurant que cette dernière contribue au bien-être des populations locales. » Nous allons donc nous attacher dans cette partie à faire le point sur l'état d'avancement et les réformes à faire afin que les aires protégées de l'Afrique orientale puissent être à la base du développement local.
Après plus d'un demi-siècle d'une politique répressive au détriment des populations locales, les professionnels de la conservation ont finalement pris conscience qu'une meilleure politique dans ce domaine serait celle qui s'adapte à une société en pleine évolution, c'est-àdire une politique qui veille au respect des besoins et des droits des populations vivant à l'intérieur ou aux alentours des aires protégées. Bref, elle doit essayer de faire correspondre les objectifs de conservation à ceux de développement de la société.
Pour passer de l'ancienne gestion des parcs et réserves (inspirée en premier lieu par les concepts de l'écologie classique) à la forme actuelle de gestion de ces espaces, nous allons voir comment les conservationnistes se sont appuyés sur les sciences sociales, y compris la géographie, en vue de faire entrer la « valeur humaine » dans la nouvelle politique de conservation.
Depuis plusieurs années, l' « écologie » a été considérée comme une science qui pouvait justifier les principes occidentaux de « séparation conceptuelle ancienne entre l'homme et la nature, entre la civilisation et la nature à l'état sauvage. » (Colchester M. (1996) A cette époque, les occidentaux considéraient la nature sauvage comme un lieu habité par les mauvais esprits et dont la conquête saisonnière (à travers la chasse) était seule activité qui pouvait s'y faire. En dehors de la chasse, cette nature sauvage était interdite à toute autre activité humaine.
En s'inspirant de cette logique liée à la culture occidentale traditionnelle, les scientifiques (surtout les écologistes) d'alors ont constaté que « la meilleure façon de protéger la nature consistait à séparer encore plus nettement l'homme de la nature et donc de créer les espaces naturels à l'état sauvage », un principe qui allait totalement à l'encontre des intérêts des populations locales puisque l'angle sous lequel ces écologistes envisagent la nature faisait allusion à leur expulsion. Les exemples sont nombreux mais celui de l'expulsion des Indiens Shoshone, Crow et Brackfoot, lors de la création de Yellowstone, est le plus significatif car il marque le début de l'élaboration des lois qui devaient dans la suite définir les caractéristiques essentielles du premier parc moderne au monde.
Depuis lors, la notion de « parc national » s'est étendue dans tous les continents et, avec elle, le principe préalable selon lequel, « pour être conservée, la nature doit être écartée des actions de l'homme. » Dans un document publié dans les années 1960 lors du 2ème congrès mondial des parcs nationaux, l'UICN abondera dans le même sens en définissant un parc national comme « une zone relativement étendue, où un ou plusieurs écosystèmes n'ont pas
été sensiblement altérés par l'exploitation de l'occupation humaine; où les espèces végétales et animales, les sites géomorphologiques et les habitats présentent un intérêt spécial du point de vue de la science, de l'enseignement ou de la recréation; ou bien où il existe un paysage de grande beauté. » (Colchester M., 1994)
Pour faire respecter ces nouvelles règles, l'UICN a fait appel aux plus hautes autorités des pays du Sud à adopter des mesures visant à prévenir et à éliminer le plus rapidement possible l'exploitation et l'occupation humaines et à imposer le respect des caractéristiques écologiques et autres qui déterminent une zone protégée. Ce qui a été vite fait (ou refait) puisque grâce à des campagnes menées par les associations de protection de la nature ou leurs interlocuteurs, plusieurs lois ont été votées à l'encontre, non seulement de la conception de la nature qu'ont bon nombre de populations autochtones, mais aussi à l'encontre du droit international par exemple les conventions 107 et 169 de l'Organisation Internationale du Travail.
Ces deux conventions stipulent en effet que les populations autochtones ont des droits reconnus tels que le « droit à la propriété collective de leurs terres ancestrales; à l'aménagement de leurs ressources naturelles sur leurs territoires, à l'exercice de leurs droits coutumiers et à être représentés par leurs propres institutions. » En outre, ces deux conventions ajoutent que ces populations ne peuvent pas être expulsées de leurs terres sauf dans des situations convaincantes. Là aussi, elles précisent que les concernés doivent être indemnisés en terres pour la perte de leurs territoires. Cependant, il a été constaté que ces droits ont été sérieusement négligés et violés par les projets de protection de la nature et mis en oeuvre par les Etats indépendants. Rappelons que ces derniers cèdent facilement, par le biais de l'aide financière, aux pressions des conservationnistes, ce qui a comme conséquence le refus systématique des droits fonciers des peuples autochtones.
En Afrique de l'Est, il faut rappeler que deux cas de ce genre de choses se sont produits, et restent des références de ce qui se passe (ou s'est passé) dans cette région. Le premier concerne l'expulsion des éleveurs autochtones Maasai dans le Parc national de Serengeti, l'oeuvre du professeur Bernard Garzimek qui a réussi à convaincre l'opinion internationale afin que cette dernière fasse pression au gouvernement tanzanien. Dans ses déclarations, il affirme qu'« parc national doit rester à l'état sauvage primitif pour être efficace. Aucun humain, pas même les populations locales, ne doit vivre dans ses limites. » Aujourd'hui, cette expulsion a entraîné de graves difficultés au sein de ces populations puisque ces derniers ont vu leurs droits d'accès aux ressources limités.
L'autre exemple est celui du calvaire des Batwa forestiers du Rwanda qui, en dehors de la loi du 26 avril 1974 relative aux modalités de leur expulsion dans les zones de marges du pays, ont subi, dès le début des années 1980, des effets de la campagne menée contre eux par la naturaliste américaine Dian Fossey dans le Parc National des Volcans. C'est d'ailleurs ce qu'affirme elle-même dans son ouvrage paru en 1984: « dans le Parc des Volcans, je découvris des Batwa... C'était des chasseurs... Ils récoltaient le miel sauvage. Leurs méfaits devaient avoir par la suite des répercussions notables sur mes activités. » (Fossey D., 1984; cité par J.B. Mbuzehose, 1999)
Par la suite, les Batwa furent exclus du parc pour laisser la liberté à ce chercheur. Après avoir contribué à la mise hors jeu des usagers locaux de la forêt, D. Fossey ne s'inquiétait d'ailleurs pas de l'avenir des Batwa qui ont vécu depuis des milliers d'années et qui étaient poussés dans la galère à cause des principes de l'écologie classique. Cependant, il
sied de signaler qu'il existe des autres exemples où des conservationnistes ou naturalistes sont sympathiques auprès des populations locales. C'est l'exemple de Jane Goodall de «Fundation Roots and Shoots » qui organise, de temps en temps, des journées de reforestation avec les écoliers tanzaniens dans la Réserve de Gombe en Tanzanie et leur explique l'importance de son travail et la pertinence de la conservation de la biodiversité (Baroin C., Constantin F., op. cit.).
Grâce à ces deux exemples, on constate que l' « approche écologiste classique » a donc tendance à renforcer les divisions existentes entre les communautés autochtones et les autorités administratives en aggravant l'aliénation et les conflits, au lieu d'envisager des solutions durables. A partir de là, les inconvénients peuvent être lourds pour la politique de conservation car la résistance des populations locales aux espaces protégés imposés se manifeste la plupart des fois par des actions ignobles telles que les feux de brousse, l'abattage des animaux sauvages ou le défrichement des forêts; d'où certains professionnels de la conservation se demandent si, à long terme, cette approche dure de la conservation de la nature atteint ses objectifs. Le plus souvent non, affirment les mêmes experts.
Selon toujours ces derniers, elle finit au contraire par renforcer un conflit social et politique qui entraîne, comme nous venons de le voir, une dégradation de l'environnement sans toutefois atteindre des objectifs des intérêts de la communauté internationale pour la conservation. Néanmoins, affirment-ils, l'Etat ne saurait être perdant étant donné que, même si les objectifs de conservation ne sont pas atteints, il peut réussir à accroître par la force sa capacité de gouverner, et par-là de contrôler les populations de son territoire comme on l'a vu pour le cas du Kenya.
Face à cette nouvelle problématique, les spécialistes de la conservation essaient depuis peu de trouver des approches plus appropriées qui prennent suffisamment en compte les besoins et les intérêts des populations locales afin d'éviter le pire. C'est ainsi que l'une des résolutions du 3ème congrès des parcs nationaux, à Bali (Indonésie) en 1982, s'est penchée sur l'aide à apporter aux populations locales concernées par la mise en place des aires protégées. On pensait spécialement à des mesures compensatoires fondées sur les pertes d'usage subies par ces populations et la création, au niveau du pays, des projets à caractère de développement local.
Dix ans plus tard, en 1992 à Caracas (Venezuela), le 4ème congrès des parcs nationaux abondait dans le même sens en se penchant également sur cette nouvelle initiative en matière de conservation. L'un des sujets abordés lors de ce congrès consistait à chercher les voies et les moyens par lesquels les espaces protégés peuvent satisfaire aux besoins des populations locales. Il s'agissait de donner aux espaces protégés un rôle imminent en matière de promotion de la société. Pour y arriver, seule l'approche qui s'appuie sur la meilleure connaissance des sociétés locales est jugée plus efficace contrairement à la politique planifiée longtemps menée par les experts venus de l'extérieur.
Connue depuis longtemps pour son efficacité dans des projets de développement à caractère rural, cette approche a eu des succès suite à l'échec cuisant de la démarche classique de développement par « transfert de technologie » et « planification centralisée » dans les
pays du Sud. Au départ, comme l'affirme F. Busson (1999), les ONG, plus proches des populations cibles et travaillant sur de petits espaces, furent les premières à essayer de mettre au profit des méthodes plus réalistes, basées sur un meilleur contact avec le monde rural et les besoins des populations locales. Dans la suite, ce sont les grands organismes (Banque Mondiale, FAO, etc.) qui empruntèrent ce chemin. Mais après quelques années de travail, ces derniers constatèrent que leurs projets eurent peu de réussites. La principale raison avancée était que les concernés, les populations locales notamment, n'avaient pas été considérés comme des acteurs capables de faire quelque chose, mais comme de « simples bénéficiaires passifs. » Ce qui constitue selon les spécialistes du développement, la marque d'une approche « de haut en bas » et non participative comme on pouvait le croire.
Face à ces échecs, les agents de développement ont pris conscience que la prise en compte des savoirs-faire des acteurs locaux est un atout majeur pour réussir son projet en milieu rural. Ceci leur a conduit à l'élaboration des méthodes d'évaluation plus efficaces où les populations locales participent non seulement aux actions de développement mais aussi aux travaux de conception, d'instruction et d'exécution de leurs projets. Parmi les nouvelles méthodes d'évaluation adoptées, on peut citer le « Rapid Rural Appraisal: RRA » (ou le « Diagnostic Rural Rapide ») issu de deux constatations importantes selon lesquelles « les études exhaustives sont trop longues et comportent trop d'informations sans valeur » d'une part, et que « les études préalables classiques sont souvent faites trop rapidement et de façon trop sectorielle » d'autre part (Busson F., op. cit.). Par contre, la RRA est une méthode conduite dans un temps limité, mais par des équipes pluridisciplinaires (géographes, économistes, anthropologues, historiens, etc.) avec une large possibilité d'échanger les idées.
Par ailleurs, le même auteur précise que l'intérêt d'impliquer plus directement les populations locales aux actions de développement est apparu au début des années 1980, année où est alors développée la méthode de « Participatory Rural Appraisal: PRA » (ou le «Diagnostic Rural Participatif. ») Cette méthode consiste d'une part à informer les populations bénéficiaires du démarrage des projets, des objectifs qu'ils poursuivent et de la manière dont elles doivent intervenir, d'autre part à connaître les populations, le milieu, le contexte de leur organisation et l'évolution socio-économique en vue de rechercher les solutions appropriées (Bationo B., 1998). La différence entre les deux méthodes d'évaluation repose sur l'attitude de l'enquêteur, qui cherche plus à « identifier les capacités des populations locales que d'en tirer de simples informations. » Il faut noter que ces méthodes sont souvent utilisées par des organisations de protection de la nature dans des enquêtes qui précèdent la création d'un projet intégré de conservation et de développement comme c'est le cas du WWF avant le financement du projet d'intégration des populations Dayak en Indonésie au début des années 1990 (Chartier D.; Sellato B., 1998).
L'autre méthode qui s'appuie sur les capacités des paysans avant de créer un projet dans la région est la « Méthode Accélérée de Recherche Participative: MARP. » Plus récente dans les projets de développement à caractère rural, cette méthode crée une sorte de convivialité entre les initiateurs du projet et les bénéficiaires. Elle permet ainsi à tous les acteurs de se rencontrer, de se connaître les uns les autres afin d'identifier ensemble des objectifs où chacun a son rôle à jouer. Son objectif est donc d'assurer une étude presque complète de l'environnement dans lequel va s'insérer le projet, puis de relever les différents problèmes existants et leurs probables solutions. Chaque séance est clôturée par un repas d'ensemble là où le monde d'en haut (les initiateurs du projet) et celui d'en bas (les populations locales) profitent de cette grosse occasion (ce repas) pour discuter en long et en large sur les thèmes non évoqués lors de la séance de travail. Cette méthode est aujourd'hui
préférée par les organisations non gouvernementales américaines dans le cadre des programmes de lutte contre la pauvreté dans les pays de l'Afrique de l'Est comme le Rwanda et l'Ouganda.
Cependant, il faut reconnaître que ces nouvelles méthodes se heurtent, elles aussi, à certains obstacles au niveau de leur mise en pratique. Le premier obstacle est dû au fait que les souhaits des paysans sont souvent variés selon les besoins de chacun, ce qui est difficile (pour les bailleurs de fonds) de satisfaire à leurs besoins ou de les combiner par thèmes selon les objectifs du projet. L'autre obstacle est enfin lié aux initiateurs du projet qui orientent de leurs manières les souhaits des populations tout en considérant les consignes d'une vision mondialiste prédéterminée des problèmes du développement et de la gestion des milieux ainsi que les moyens d'y répondre (Rossi G., 2000), ce qui compromet ainsi les objectifs principaux de ces méthodes.
De toutes les façons, l'approche participative, parfois qualifiée de néo-populiste, est aujourd'hui la seule méthode qui est efficace pour étudier les relations entre les populations et les aires protégées dans un contexte actuel de « développement durable. »
Les années 1980 marquent le début d'une phase importante en matière de gestion des aires protégées. C'est la période au cours de laquelle les professionnels de la conservation acceptent publiquement d'associer les populations locales à la gestion des parcs et réserves analogues en mettant l'accent un peu plus sur l'intérêt économique (au profit des populations locales) que sur les bénéfices éthiques et/ou écologiques.
Comme nous l'avons vu au départ, les premiers espaces protégés des pays du Sud furent mis en place dans le but de préserver une nature sauvage où peuvent se faire des activités récréatives telle que la chasse d'une part, puis de protéger les ressources naturelles (faune et flore) qui étaient en voie de « dilapidation » d'autre part. A cette époque, toute exploitation humaine était interdite sur le territoire protégé. Comme la plupart de ces espaces étaient habités, les mesures de protection ont été accompagnées par l'expulsion des populations autochtones et la mise en place d'un dispositif de sécurité très efficace en vue d'empêcher à ces populations d'exercer leurs activités à l'intérieur des zones protégées. Ceci s'est traduit sur le terrain par plusieurs gestes conflictuels entre les gardes des parcs et les populations riveraines de ces espaces.
Après plus d'un demi-siècle de mésentente entre les populations locales et les pouvoirs publics, les résultats ont été jugés médiocres de tous les côtés. D'une part il faut dire que les mesures de sécurité prises par les Etats et les ONG de protection de la nature n'ont pas empêché l'augmentation des actes de braconnage à l'intérieur des aires protégées suite aux mécontentements des populations chassées de leurs terres ou aux opérations menées par les réseaux de trafiquants de l'ivoire ou des animaux vivants. D'autre part, la situation des populations vivant en bordure des aires protégées est devenue de plus en plus inquiétante.
Face à cette ambivalence, quelques études visant à associer les populations locales ont été menées dès la fin des années 1960. On peut citer en premier lieu le concept de « réserve de la biosphère » présenté en 1970 par l'UNESCO. Inscrit dans un long programme destiné à faire l'interaction entre les activités de l'Homme et la Biosphère (Man and Biosphere: MAB), ce concept avait le principal objectif d'associer au sein d'une même zone protégée le processus de développement et la politique de conservation. Cette phase est considérée comme la première en ce qui concerne les changements de la politique de conservation en faveur des populations locales.
Sur le terrain, une « réserve de la biosphère » est divisée en plusieurs zonages qui constituent des sous-réserves. A chacune des sous-réserves correspond une activité particulière. Parmi les activités privilégiées on peut citer le tourisme, la recherche, l'éducation-formation, la recherche expérimentale, l'utilisation traditionnelle, etc.(voir figure n° 6)
Figure n°6: Schéma d'une réserve de biosphère
Il faut noter que la partie centrale est consacrée à la conservation intégrale, encerclée par une zone de tampon dans laquelle sont permises certaines activités humaines, elle-même encerclée par une zone de transition où se déroule les activités de développement. A l'heure où nous sommes, les professionnels de la conservation se réjouissent des résultats atteints en matière des zones protégées considérées comme des réserves de la biosphère pour deux principales raisons: d'une part on a enregistré une nette diminution des opérations de braconnage ou feux de brousse grâce à l'intervention des populations locales, et ceci contrairement à ce qui se passe ailleurs là où la conservation classique s'impose encore; d'autre part les populations locales gagnent un peu d'argent suite aux revenus tirés dans le tourisme.
Outre le concept de réserve de la biosphère, la prise en compte d'intérêts des populations locales a pris une autre ampleur au début des années 80 au moment où le processus d'associer la conservation et le développement a été repris par les principales organisations de conservation dans le monde (l'UICN, le WWF et le PNUE) dans leur programme intitulé « Nouvelle stratégie mondiale de la conservation. » Dans ce document, ces organisations se donnent l'objectif principal de créer et de financer les « Projets Intégrés de conservation et de Développement » en vue de venir en aide aux populations riveraines des aires protégées à sortir de la pauvreté. En effet, elles estiment que l'éradication de la pauvreté aux alentours de ces espaces est l'une des facteurs importants qui pourraient ralentir la surexploitation des ressources à l'intérieur des aires protégées.
Cependant, même si ce type de projets semble être le meilleur en matière du bien-être des populations locales, il faut signaler que sa validité n'est pas partagée par tous les spécialistes et professionnels de la conservation. En effet, certains critiquent sèchement l'idée d'associer les populations locales à la gestion des espaces protégés. L'une des raisons avancées est que le fait de concentrer les projets de développement aux alentours des aires protégées risque de « créer une zone d'attraction et de front pionnier pour les nouvelles populations en quête des meilleures conditions de vie », et au bout du compte une pression sans précédent sur ces espaces. En abondant dans le même sens, G. Davies (1998) affirme que cette décision permettrait de « revoir à la baisse les objectifs généraux de protection de 10 % des principaux biomes mondiaux, en y incluant les paysages en gestion durable. » Par contre, d'autres auteurs remettent en cause l'idée de maintenir des zones protégées qui excluent les activités humaines compte tenu des conséquences que cela pourrait engendrer ultérieurement.
Ces différentes critiques (surtout les premières) ont conduit les spécialistes de la conservation à revoir les principes de la politique de conservation participative. Parmi les modifications apportées, on note l'instauration du concept de « zones -tampons. » L'intérêt principal de ces dernières est qu' « une zone à fort potentiel biologique, et ayant un statut de protection contraignant ne soit pas en contact avec une zone fortement anthropisée où les activités sont peu contrôlées. » (UICN, 1990 repris par F. Busson, op. cit.) Là aussi, sont nées des contradictions entre les auteurs en ce qui concerne la question de savoir si la zone tampon doit être à l'intérieur ou à l'extérieur de l'espace protégé. Sur ce point, les écologistes radicaux préconisent qu'il vaudrait mieux étendre la zone de contrôle autour du parc, et former ainsi une zone tampon. Ce qui ne serait pas facile à réaliser suite à une éventuelle résistance farouche des populations locales consécutivement à leur ancienne expulsion. Au contraire, d'autres écologistes (plus modérés) trouvent que cette zone peut constituer une sorte de ceinture à l'intérieur d'une zone protégée à l'instar de ce qui est prévu dans le cas d'une réserve de la biosphère (voir figure n° 6). Ce qui est facilement réalisable mais avec beaucoup de risques sur le terrain suite aux effets négatifs en provenance des activités de développement.
Que ce soit la première ou la seconde position, le but essentiel de cette zone tampon est de pouvoir éviter les effets négatifs des activités des différents acteurs de développement sur la partie principale de l'espace protégé. En vue de résoudre ce problème, l'UICN a établi en 1990 quatre zones dont les définitions répondent plus ou moins aux attentes de tous les acteurs des aires protégées, à savoir:
- les zones tampons forestières: forêts exploitées pour les bois de chauffe ou de construction, en dehors des zones protégées mais sur le domaine public;
- les zones-tampons économiques: zones créées pour réduire la nécessité de prélever des ressources dans les zones protégées;
- les zones-tampons d'exploitation traditionnelle à l'intérieur des aires protégées, là où l'exclusion des populations n'est pas envisageable;
- et barrière physique: quand l'espace manque pour créer une zone tampon (UICN, 1992 repris par F. Busson, op. cit.).
Malgré cet apport de l'UICN, les résultats de ce concept semblent aujourd'hui mitigés. Parmi les raisons avancées de cet échec, on évoque le manque de cohérences entre le discours officiel diffusé par les ONG de protection de la nature et les actions sur le terrain. En effet, on vient de constater que certaines de ces ONG participent beaucoup plus à la médiatisation d'un discours de « conservation participative » auquel il donne force par leur présence virtuelle auprès des populations locales plutôt qu'à mettre en pratique ce discours. Parmi les ONG qui sont montrées du doigt, on cite en premier lieu le WWF, un acteur incontournable dans ce domaine à travers le monde entier mais dont les résultats laissent à désirer. Comme l'ont fait constater D. Chartier et B. Sellato (1998) lors d'une étude menée auprès d'un projet d'intégration des populations Dayak en Indonésie, cet organisme a ignoré les travaux des chercheurs de terrain dans le but de maintenir les mesures de conservation dans le pays.
Enfin, dans la logique toujours d'associer les populations locales à la gestion des parcs et réserves, les innovations ne manquent pas. Les dernières sont celles qui définissent les nouvelles formes d'aires protégées en mettant l'accent sur les bénéfices économiques que l'exploitation de la grande faune sauvage peut apporter aux populations locales. En contrepartie, ces dernières doivent être impliquées davantage dans le contrôle anti-braconnage en vue d'améliorer les conditions écologiques des espaces protégés. Pour E. Rodary (1994), c'est tout le champ de la conservation qui cette fois-ci se trouve intégré dans l'univers social, comme « moyen de développement économique, mais surtout comme dynamique d'une socialisation politique des régions riveraines des aires protégées. » L'exemple des programmes CAMPFIRE au Zimbabwe et ADMADE en Zambie en sont les tentatives les plus connues.
En somme, il faut dire que l'avènement d'une politique de la conservation par la participation locale au milieu des années 80 a favorisé une articulation profonde entre le développement et la conservation de la nature. En effet, on constate que la politique de conservation s'ouvre petit à petit aux problèmes socio-politiques d'aménagement du territoire pour empêcher les critiques très sévères à son encontre, et qu'il essaie de se repositionner dans une perspective de « développement durable. » Malheureusement, ce passage important d'une « conservation classique » à « une conservation participative » reste ponctuel dans le monde entier suite, d'une part à une résistance farouche des mouvements écologistes, et d'autre part à cause des législations nationales de certains pays qui ne tolèrent pas l'exercice des activités humaines à l'intérieur des zones protégées. Pour ce qui est de l'Afrique orientale, la situation s'améliore petit à petit suite aux expériences empruntées en Afrique australe notamment en Zambie et au Zimbabwe. Avant de voir l'état d'avancement de cette politique en Afrique orientale, nous allons d'abord jeter un coup d'oeil sur les expériences de l'Afrique australe dans ce domaine.
Comme nous l'avons vu dans les pages précédentes, le milieu des années 80 est l'époque qui marque le vrai début de la participation des populations locales dans la gestion des aires protégées dans les deux pays de l'Afrique australe, à savoir la Zambie et le Zimbabwe. Quelle que soit sa forme, cette participation locale, à travers des projets de conservation participative, se situe dans l'optique d'une rencontre entre deux mondes longtemps séparés par le pouvoir colonial anglais et les nouveaux Etats indépendants: un secteur de la conservation jusque-là isolé et une société locale principalement agricole (Rodary E., op. cit.).
Selon le même auteur, cette nouvelle donne en matière de conservation lui paraît comme un processus important, car elle introduit une exigence de protection de la nature dans la vie socio-économique et politique des populations vivant aux alentours des aires protégées. A ce titre, affirme-t-il, « on peut qualifier cette nouvelle conservation de ?territoriale?, au sens où un territoire est un espace approprié socialement, à l'inverse d'une conservation ?spatiale? qui délimitait une zone en interdisant l'occupation humaine. »
En Zambie, ce déplacement volontaire du champ de la conservation d'une position isolée vers la société locale est pris en compte suite à une étude du Département des parcs nationaux et de la faune, financée par la « New York Zoological Society », sur les populations d'éléphants. Cette étude insistait sur la nécessité d'une implication des populations locales pour limiter le braconnage. C'est à la suite de cette initiative qu'un colloque sera organisé par l'Agence norvégienne de développement et le gouvernement zambien en vue d'élaborer les programmes. Au Zimbabwe, ce sont également les services du Département des parcs nationaux et de la gestion de la faune qui, profitant d'une politique générale de décentralisation pour préserver la gestion de la faune, proposent en 1986 le projet CAMPFIRE.
Avec 20 parcs nationaux et 36 zones de gestion du gibier (soit 30% de la superficie totale du pays) gérés tous par le Service des Parcs nationaux et de la vie sauvage (Sournia G., op. cit.), la Zambie est actuellement l'un des grands pays du continent africain pour la valeur de ses ressources naturelles (la faune sauvage en particulier). Mais comme nous l'avons vu précédemment, la création de ces espaces a été caractérisée par l'expulsion des populations autochtones et les conflits qui en ont résulté se sont traduits par une utilisation abusive de ces ressources.
Ainsi, le braconnage s'appuyant en partie sur les populations riveraines des aires protégées a conduit à la disparition de certaines espèces comme le Rhinocéros noir dans le pays, sans oublier le nombre excessif d'éléphants disparus entre 1976 et 1986 (une dizaine chaque jour) et les grandes Antilopes abattues chaque jour en vue d'approvisionner les villes en viande de gibier. En fin de compte, les services chargés de la conservation dans le pays estimaient que l'équivalent de 500 millions de $ avaient été ainsi prélevés entre 1970 et 1985 sans aucun profit pour l'Etat ni pour les populations locales qui, bien que complices, ne reçoivent que la part très réduite avec tous les risques d'être réprimés par les forces de l'ordre anti-braconnage dans la région (Sournia G., idem).
Face à cette multiplication d'échecs de la part des associations de la nature et du gouvernement zambien en matière de protection de la faune sauvage, ces derniers ont pris conscience (lors des ateliers organisés au début des années 1980) que tous ces échecs étaient dus au fait que le système en place niait toute implication des populations locales dans la gestion des ressources naturelles concernées. En d'autres termes, les recettes engendrées par la faune étaient versées à la caisse de l'Etat qui n'en redonnait qu'une très faible partie au Service chargé de la gestion de la faune. En outre, l'augmentation de la population et les pressions de plus en plus fortes qu'elle exerçait sur le milieu et ses ressources allaient mettre en évidence l'inadaptation de ce système.
Pour faire face à ces difficultés, les mêmes ateliers formulèrent un certain nombre de recommandations dont les trois plus importantes furent les suivantes: d'abord, la création d'un fonds de reversement pour la conservation de la vie sauvage, ledit fonds qui devait être administré par le service chargé de la faune avec la collaboration des populations élues par les villageois; ensuite, la préparation d'une structure d'implication des populations rurales dans l'administration de ce fonds par l'intermédiaire de représentants traditionnels et élus; enfin, la mise en chantier d'un projet intégré de valorisation durable des ressources naturelles (Rodary E., op. cit.; Sournia G., op. cit.).
D'après ces auteurs, la mise en application de ces recommandations allait se faire en trois étapes importantes. En premier lieu, on a créé un projet dans la zone de Lupanda « Lupanda Project. » Le but de ce projet était de tester la possibilité d'associer les populations locales aux activités de conservation et d'utilisation de la faune locale. Une importance fondamentale était accordée à la préoccupation socio-économique des villages riverains de la zone afin d'essayer d'identifier les voies d'une réconciliation des intérêts de la conservation avec ceux des destructeurs potentiels, c'est-à-dire les habitants de cette même zone.
Dès lors, le projet se concentre d'abord sur un programme de rentabilisation des espèces animales dont les effectifs étaient en surnombre (les hippopotames par exemple), ensuite sur la recherche d'emploi des populations locales, et enfin sur la vente aux enchères des territoires de chasse dont 40% furent reversées aux populations locales afin que ces dernières puissent créer leurs propres projets. Il faut noter que cette bonne initiative a rencontré beaucoup de succès auprès des communautés locales associées.
La deuxième étape fut celle de la création, en 1983, du Fonds de Reversement pour la conservation de la vie sauvage dont l'objectif principal était de « permettre au Service des Parcs et de la Vie Sauvage de fonctionner sans trop avoir à dépendre des seuls fonds consentis par l'autorité centrale. » 75 % de ce fonds devaient être réservés à la zone de production; 25 % restants étant répartis en deux destinations: 10 % pour la promotion du tourisme au niveau national et 15 % pour les frais de fonctionnement du Service des Parcs et de la vie sauvage. Après quelques années de fonctionnement, 90 % des revenus du Fonds étaient générés par les taxes d'abattage et les loyers d'admonition; l'essentiel des produits offerts par les sociétés de chasse se concentrant sur les Félins et les Buffles (Sournia G., op. cit.; Rodary E., op. cit.).
Enfin, la dernière étape fut celle de la mise en place d'un dispositif administratif de gestion connu aujourd'hui sous l'appellation du programme ADMADE (Administrative Management Design). Agréé officiellement en 1987 par le gouvernement zambien, ce
programme a comme principale tâche de préserver des animaux sauvages en périphérie des espaces protégés par la mise en place des mesures efficaces de gestion et de protection. Pour y arriver, quatre objectifs spécifiques ont été visés. Il s'agit d'abord de créer un réseau de zones tampons autour des aires protégées en vue d'éviter la dégradation de la réserve centrale; ensuite c'est la création d'un comité de gestion destiné à garantir aux populations locales les bénéfices tirés dans la faune sauvage; puis la mise en place d'un service chargé d'assurer de bonnes relations entre les responsables du projet et les populations locales; et enfin le programme se propose de garantir à l'Etat zambien de pratiquer une politique de conservation durable du milieu naturel protégé en vue d'assurer des revenus en devises.
Comme ce programme regroupe 10 zones de gestion de la faune sauvage, l'objectif primordial du projet est de faire en sorte que chaque zone soit en mesure de gagner beaucoup de revenus pour les populations qui l'habitent. Etant donné que les 10 zones de gestion ne disposent pas les mêmes richesses en animaux sauvages, les responsables du projet ont instauré un système d'entraide où les zones riches, et par conséquent capables de s'autofinancer, contribuent au financement de leurs voisines moins riches grâce à un fonds spécial créé à cet effet.
En ce qui concerne les structures administratives du projet, il faut signaler que les populations locales sont bien représentées, ce qui leur donne du poids en matière de prise de décision. Chaque zone comprend d'abord des unités de gestion qui représentent le Service des parcs dans la région; ensuite il y a le Conseil du District local (Local District Council) composé des représentants de l'Etat et ceux des populations, et enfin viennent les élus locaux qui sont des représentants des circonscriptions traditionnelles de chaque zone. Dans ce système, on constate que les populations son impliquées à l'administration et à la gestion de la faune sauvage grâce à cette responsabilité qu'elles assument.
Pour ce qui est des retombées socio-économiques du programme, les responsables du projet estiment que: « ...nous procurons du travail à la population locale. Au lieu d'émigrer vers les villes, les jeunes, hommes et femmes ont la faculté de rester dans leur région d'origine et d'y gagner leur vie en participant à la conservation de la faune. Hier encore, rien n'était possible, mais la tendance s'est inversée et aujourd'hui l'avenir nous appartient. » (Rodary E., op. cit.)
Sur le terrain, les succès du projet s'inscrivent dans l'aménagement des infrastructures à caractère communautaire comme des écoles, des dispensaires, des moulins, etc. Les auteurs affirment d'ailleurs que les revenus engendrés par les activités liées à la gestion de la faune sauvage et alloués à l'exécution de ce type d'infrastructures sont supérieurs à toute autre subvention publique ( dans ce domaine) dans les zones concernées par le programme. En outre, toutes les utilisations possibles des animaux abattus sont exploitées: la viande est vendue et/ou consommée fraîche, fumée ou séchée; la peau sert à la confection de chaussures et les semelles sont souvent faites à base de peaux d'hippopotames; les dents entrent dans la fabrication de bijoux. La graisse, les sabots, les os sont transformés en savon et en colle; les os servent aussi comme engrais pour les cultures potagères qui sont ensuite consommées dans les campements de safaris (Sournia G., op. cit.).
Sur le plan écologique, il faut signaler que le braconnage est partout en forte diminution même si certains estiment que cette régression doit être replacée dans le contexte de l'interdiction du commerce international de l'ivoire, et que par conséquent il serait difficile d'évaluer le rôle exact du programme ADMADE dans cette diminution. En dehors de cela, les
gardes locaux renseignent les chasseurs sur la présence du gibier recherché dans le secteur qui les concerne; ils accompagnent le safari et s'assurent de la conformité des abattages enregistrés par rapport au cahier de charges initial. Notons que ces gardes sont sélectionnés parmi les populations locales par les chefs des villages.
De toutes les façons, il faut avouer que la conception du programme est jugée comme un fait original car tout part de la population d'en bas pour remonter vers le décideur politique d'en haut. Ce qui est intéressant, c'est que l'on peut prendre ce type d'aménagement comme potentiellement unificateur à l'échelle d'une communauté locale travaillant ensemble, ce qui peut compenser les lacunes du gouvernement zambien dans le domaine du développement rural et par voie de conséquence appuyer la politique de conservation dans la région.
Le Zimbabwe est sans doute l'un des Etats promoteurs de la politique participative de gestion de la faune sauvage en Afrique. Cette bonne initiative est l'oeuvre de deux chercheurs américains (Massman et Dassmann) qui, dès les années 60, démontrèrent qu'une utilisation bien réfléchie des espèces animales (encore abondantes à cette époque) était plus rentable que l'élevage des bovins dans le pays.
Cette logique sera vite comprise puisque quelques années plus tard, en 1975, le pays s'est doté d'une législation en faveur du commerce des produits dérivés de la faune sauvage. Dès lors, cette nouvelle activité est devenue le point d'attraction de tous les investisseurs zimbabwéens (surtout les Blancs) qui avaient les moyens suffisants pour s'acheter un permis de chasse alors que les populations autochtones (dépourvues d'argent) se livraient de temps en temps aux activités de braconnage. Cette commercialisation a eu dans la suite deux conséquences dans le pays: d'abord l'abandon de l'élevage dans le milieu rural, puis le développement du réseau des trafiquants de l'ivoire, d'où une diminution épouvantable du nombre d'éléphants entre 1975 et 1986.
Cependant, l'année la plus connue de ce pays dans le domaine de gestion participative de la faune sauvage reste 1987 (sept ans après l'indépendance obtenue en 1980) au moment où les populations locales accèdent, elles aussi, aux ressources du pays. Dès cette époque, la faune sauvage est devenue une ressource à part entière pour le développement des populations locales suite aux avantages socio-économiques engendrés par la ressource en question. A l'échelle nationale, l'utilisation de cette ressource est devenue une industrie de premier plan pour l'économie du pays grâce aux exportations de la viande animale et autres produits issus de la faune sauvage. Sur ce, les économistes zimbabwéens abondent dans le même sens en affirmant qu'entre 1986 et 1996, cette industrie a rapporté environ trois fois plus que les exportations de viande bovine ( Sournia G., op. cit.; Rodary E., op. cit.).
Mais le plus grand succès en matière de conservation participative est que les autorités du pays ont pu expliquer le concept d'utilisation rationnelle de la faune sauvage dans les zones communales en le considérant comme un choix potentiel et utile pour le développement de ces zones rurales. Ce qui nous pousse à étudier en long et en large l'origine, les succès et les échecs du Projet CAMPFIRE (Communal Areas Management Program for Indigenous Ressources) dans ce pays.
Comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents, le Projet CAMPFIRE constitue un cas d'école en matière de conservation participative au Zimbabwe depuis les années 1980, même si d'autres projets tels que l' « Opération WINDFALL: Wildlife Industries for All » existaient depuis 1978. Il faut souligner que ladite opération est le résultat d'une action extraordinaire qui date de 1964 dans la région de Chérisa (Nord-Ouest du Zimbabwe) là où la viande produite à la suite de l'abattage d'animaux sauvages pour les besoins du contrôle et de l'étude de la mouche tsé-tsé était distribuée aux populations locales. S'inspirant de ses résultats satisfaisants dans la région, cette action a pris, dès 1978, une forme plus organisée connue sous le nom de l'opération WINDFALL. Quelques années plus tard, en 1981, l'opération WINDFALL sera à son tour, le point de départ de la mise en place du projet CAMPFIRE.
Par ailleurs, tel que nous le connaissons actuellement, ce projet est l'oeuvre du ministère zimbabwéen ayant la gestion des ressources naturelles dans ses attributions qui a voulu agrandir le principe de la libre utilisation des ressources naturelles aux terres communales marginales à faible potentiel agricole. Il faisait allusion ici aux terres de la vallée du Zambèze qui étaient envahies par les mouches tsé-tsé, et où la gestion de la faune sauvage apparaissait comme l'une des meilleures solutions possibles d'utilisation des sols (Ballan C., 1998).
Depuis 1981, le projet possède une structure administrative chargée d'assurer la bonne marche de la conservation et de l'exploitation rationnelle des ressources naturelles au sein des différents districts. Cette structure est composée par les principaux acteurs de la politique de la conservation dans le pays. D'abord les ONG de protection de la nature (considérées comme des acteurs internationaux) qui sont représentées sur le terrain par les experts dans le domaine de développement rural, de socio-économie et de gestion de la faune sauvage. Le rôle de ces ONG est de donner des conseils utiles, de financer certains projets et surtout de veiller à ce qu'i n'y ait pas l'utilisation exagérée des ressources disponibles. Ensuite vient l'acteur-Etat, représenté par le Département des Parcs nationaux. Opérant à l'échelle nationale, son rôle primordial est de faire respecter la loi selon les schémas de gestion en vigueur. Enfin viennent les acteurs locaux, représentés par le Conseil de District et les autorités des différentes circonscriptions dudit district.
De 1981 à 1987, l'objectif principal de CAMPFIRE était essentiellement fondé la valorisation de la grande faune sauvage en zones rurales mais les populations autochtones des zones rurales n'avaient pas le droit d'exploiter directement cette ressource. Depuis 1987, ces populations sont désormais autorisées d'exploiter les ressources à l'intérieur de leurs districts mais selon les quotas de prélèvement établis par le Conseil du district et le Département des Parcs dans la région. Pour éviter qu'il y ait excès d'exploitation, le Département des Parcs organise chaque année des comptages d'animaux sauvages sur les zones communales et établit des quotas d'exploitation en consultation avec les populations rurales et leurs représentants (Kleitz G., 1998)
Au cours de ces dernières années, les principales activités du Projet CAMPFIRE se résument en quatre principales suivantes. Il y a d'abord la chasse pratiquée par les populations locales de chaque Canton (Ward). Dans ce contexte, les chasseurs locaux, regroupés souvent en association, doivent avoir un permis de chasse accordé par les responsables du District local. Ensuite il y a le prélèvement d'animaux sauvages pour la production de viande. Les quotas de prélèvement sont fixés ici pour certaines espèces encore en abondance comme l'impala, le buffle ou l'éléphant. L'objectif de ce prélèvement est de permettre aux paysans
d'avoir de la viande à bas prix. Il faut noter que les opérations de prélèvement se font aux moyens modernes, d'où elles restent le monopole des grandes sociétés qui assurent la chasse sportive. Les restes des animaux abattus (carcasses, peaux, têtes, etc.) sont mis en valeur selon les méthodes qui ont été mises en place (Murombedzi J.C., 1994; Sournia G., op. cit.).
La troisième activité est en rapport avec la chasse sportive ou tout simplement le « tourisme cynégétique. » Elle reste le monopole des grandes sociétés de safaris qui opèrent chaque fois dans plusieurs pays de l'Afrique australe. Les quotas de chasse sont fixés par le Département des Parcs nationaux et 30 % des recettes plus les taxes d'abattage reviennent au District local. Enfin, l'autre activité qui préoccupe le Projet CAMPFIRE est celle de contrôler des animaux qui occasionnent des dégâts importants aux cultures des villageois. Les animaux concernés sont les éléphants et les buffles qui, dans certains villages, détruisent plus du quart des récoltes annuelles des foyers comme c'est le cas dans le District de Guruve située dans la vallée du Zambèze (Kleitz G., 1998).
Pour ce qui est des résultats de ce projet, ils sont en général satisfaisants même si les statistiques sont différentes selon les auteurs et les zones étudiées. En faisant une étude sur le District de Guruve, G. Kleitz (1998) a constaté que les revenus des paysans sont faibles par rapport à ce que gagnent les compagnies de chasse sportive. En plus, les recettes dépendent entièrement de la qualité des cantons comme territoire de chasse, c'est-à-dire de la présence ou non de la faune abondante. Sur une moyenne de 8 ans, il a trouvé par exemple que le revenu varie entre 10 000 FF (1 530 euros) pour 3 000 familles à 300 000 FF (46 530 euros)1 pour 160 familles, ainsi que 26 Kg de viande (de buffles ou d'éléphants) par famille. Ce qui n'est pas du tout beaucoup au regard des dégâts causés par ces animaux. Par ailleurs, le même auteur affirme que ce déficit est compensé par la chasse illégale. En effet, les productions de viande de brousse procurent aux populations locales un revenu annuel par famille variant entre 288 FF (44,3 euros) et 520 FF (80 euros). De surcroît, cette chasse illégale contribue à la ration individuelle de protéines animales pour ces populations.
Sur le plan écologique, tous les auteurs qui ont travaillé sur le projet CAMPFIRE affirment que les résultats sont excellents. Les raisons de ce succès sont attribuées aux changements d'attitudes des populations locales vis-à-vis de la faune sauvage. Considérée avant les années 1980 comme une menace de taille à leur développement à cause de leur expulsion lors de la création des premiers sanctuaires d'animaux sauvages, cette ressource est aujourd'hui perçue comme une propriété qu'il faut gérer jalousement suite aux avantages socio-économiques qu'elle procure, d'où elles se sentent de plus en plus responsables de sa protection. Sur le terrain, cette prise de conscience se manifeste par les accusations répétées contre les organisations des braconniers et souvent par l'organisation des opérations contre ces malfaiteurs.
En faisant un commentaire sur la situation écologique du District de Guruve, G. Kleitz (idem) explique que la faune sauvage de sa zone d'étude a connu une croissance de 20 % depuis le début des années 1980. « Plus de 1700 éléphants, 6000 buffles, tous les grands prédateurs et des populations importantes de grandes antilopes de l'Afrique australe vivent dans ces zones. » L'auteur ne cache même pas ses émotions en disant que « l'objectif de la biodiversité animale en dehors des zones protégées est en voie d'être atteint » compte tenu d'un nombre extraordinaire d'animaux recensés dans sa zone d'étude.
1 10 FF= 6,5 euros (dans ce travail)
Malgré ces réalisations, des critiques à l'égard des projets CAMPFIRE et ADMADE ne manquent pas. En effet, certains disent que les programmes de ce genre (conservation participative) profitent encore principalement à certains professionnels de la conservation, c'est-à-dire les chasseurs internationaux et les agences de safaris. Sur les revenus tirés de la faune par exemple, ils disent que seuls 40 % sont destinés aux programmes CAMPFIRE et ADMADE, le reste étant gardé par ces compagnies. En abondant dans le même sens, G. Kleitz (op. cit.) ajoute que les bénéfices économiques importants du Projet CAMPFIRE reviennent à ceux qui mettent en oeuvre le programme dans le pays et qui, par conséquent, ont la parole. Il s'agit ici des opérateurs de safaris, les gouvernements locaux qui vendent les admonitions, les élus et chefs locaux. En outre, l'auteur signale que ce programme permet aux ONG de conservation de la nature de capter des financements internationaux grâce aux discours qui sont souvent accompagnés par des résultats mitigés.
Face à ces critiques, certains auteurs craignent que la politique de la conservation dans les deux pays puisse être remise en cause. Ce qui n'est pas le cas puisque, accompagnée d'un argument socio-économique au profit des populations autochtones, cette nouvelle approche renforce au contraire le mouvement conservationniste. En plus, cette approche va plus loin parce qu'elle « se place comme un élément indispensable dans son acceptation la plus aboutie », c'est-à-dire le développement durable; un concept à la une, car il touche l'intérêt mondialiste là où «l'intégration des questions environnementales dans la problématique de développement oblige à concilier la sphère économique avec la sphère du vivant. » (Rodary E., op. cit.)
C'est d'ailleurs par cette réussite dans le domaine de la conservation participative que l'Afrique australe est aujourd'hui considérée comme précurseur et spécialiste compétent dans les politiques de gestion durable de la faune sauvage à l'échelle continentale. S'inspirant de ces expériences, les autres pays de l'Afrique sont entrain d'adopter ce système grâce aux appuis financiers des grandes organisations de protection de la nature et autres instances internationales dans ce domaine. Ce qui nous pousse à étudier l'état d'avancement de ce processus dans les pays de l'Afrique de l'Est.
L'initiative de la politique de conservation participative en Afrique orientale date de plus de 10 ans. Elle est liée au fait que le monde de la conservation est aujourd'hui conscient que la préservation des ressources naturelles ne saurait se passer d'une participation des populations vivant en bordure des espaces protégés. Cette prise de conscience et de changements d'attitude en faveur de la conservation rationnelle des ressources naturelles est le résultat des expériences qui ont été faites dans les pays d'Afrique australe grâce au soutien financier des Anglo-saxons et des Scandinaves. Dans la suite, des projets de ce genre ont été étendus progressivement dans les pays anglophones de l'Afrique de l'Est en commençant bien sûr par le Kenya, pays phare en matière de conservation dans la région, puis par la Tanzanie, et très récemment par l'Ouganda.
Au Kenya, cette prise de conscience concerne les acteurs politiques (gouvernement, fonctionnaires locaux, élus locaux) et les conservationnistes, représentés comme il se doit par une multitude d'ONG de protection de la nature (en particulier le WWF dont le siège se
trouve à Nairobi1). Grâce aux financements de ces organisations notamment la Banque mondiale et le WWF, cette nouvelle politique de conservation s'oriente de deux façons vers les populations locales. En premier par la sensibilisation des populations riveraines des aires protégées dans des centres éducatifs créés pour cette circonstance et gérés par le Kenya Wildlife Service (KWS). Cette sensibilisation concerne également des écoliers au moyen des voyages-études à l'intérieur des parcs. Et enfin, grâce à l'arbitrage du KWS, un programme de distribution des revenus tirés dans le tourisme est en cours. Les bénéficiaires sont les populations locales qui exploitent les terres collectives (group ranches) jouxtant les aires protégées.
Par ailleurs, le KWS a adopté, depuis 1993, une politique de « récolte » de gibier dans les réserves où certains animaux sont en surnombre. Ceci permet aux paysans de bénéficier à bas prix une ration en viande animale comme c'est le cas en Zambie et au Zimbabwe. En plus, un projet du commerce de la viande et des peaux dans les grandes villes (et si possible vers l'extérieur) devrait voir le jour très prochainement comme le font constater F. Grignon et G. Prunier (op. cit.). Ces auteurs affirment que le KWS envisage le « rétablissement de la chasse sportive dont les bénéfices sont, trois à quatre fois supérieurs au tourisme photographique pour un impact moindre sur le milieu. » Enfin, le KWS encourage les associations des populations locales en qui concerne la promotion du tourisme local. Ceci se fait en général au bord des aires protégées les plus visitées (la Réserve de Maasai-Mara ou le Parc national d'Amboseli) où ces populations tirent certains bénéfices liés au tourisme, ainsi qu'un plan sélectif du gibier dont la viande est distribuée dans les écoles les plus proches.
Pour les spécialistes de la conservation, les changements qui s'opèrent dans la biosphère d'Amboseli constituent un bel exemple de ce qui pourrait être l'une des solutions aux différents conflits auxquels sont confrontés les gestionnaires des aires protégées. Cette réserve se trouve en effet à la frontière entre le Kenya et la République-Unie de Tanzanie, dans une zone semi-aride connue pour la diversité et l'abondance de sa faune sauvage. Sa superficie est d'environ 300.000 ha, bien que le chiffre exact reste à déterminer étant donné que la réserve doit inclure tous les pâturages parcourus par la faune migratrice en provenance du Parc national de Serengeti en Tanzanie (Hadley M., 1994).
Selon le même auteur, la zone centrale de cette réserve est constituée par le Parc National d'Amboseli (39.200 ha), avec des zones tampons et des zones de transition, qui constituent ensemble ce que l'on appelle les « zones de dispersion », qui sont entre les mains des pasteurs Maasai locaux de la communauté Mbilikani. Depuis les années 1970 jusqu'au début des années 90, suite à l'accroissement de la population humaine (les Maasai) et animale, les conflits liés à l'utilisation des ressources, ainsi que la concurrence entre le bétail et la faune sauvage pour l'eau, l'herbe, et l'hostilité des Maasai à l'égard de la faune sauvage, avaient pris une grande ampleur. Mais la création du K.W.S., dans les années 1990, a sauvé la situation. Parmi les nouveautés introduites par cet organe, il faut citer le partage des revenus tirés des droits d'entrée dans le parc avec la population locale vivant à la périphérie du même parc.
En 1993, la part qui revenait à la population locale, et qui représentait 25 % des droits d'entrée dans les parcs, lui était versée sous forme de services communautaires (écoles, dispensaires, eau et bains pour le bétail). En dehors de cela, il faut rappeler que ladite
1 Avant les années 1990, le WWF partageait le même siège avec l'UICN à Gland (Suisse)
population tire les bénéfices de son village culturel, de la rente locative d'un champ pour touristes, ainsi que d'un plan de prélèvement sélectif du gibier dont la viande est distribuée dans les écoles les plus proches comme nous l'avons vu en haut.
En ce qui concerne les retombées écologiques liées à cette nouvelle politique, les professionnels de la conservation dans le pays se réjouissent du progrès atteint en la matière. En effet, on constate ces dernières années une forte réduction des actes d'hostilité des Maasai à l'égard des animaux sauvages; ce qui donne l'espoir que cette politique de gestion des ressources naturelles en associant les populations locales pourrait aboutir à des résultats satisfaisants. Ainsi, après des années d'errance, le gouvernement kenyan semble choisir la voie d'une politique cohérente inspirée des expériences menées depuis longtemps dans les pays d'Afrique australe, à savoir le Zimbabwe et la Zambie, même si beaucoup de choses reste à faire en ce qui concerne l'intégration des populations chassées de leurs terres lors de la création de ces sanctuaires.
Pour ce qui est de la Tanzanie, il sied de signaler que des efforts en faveur des communautés locales sont là mais qu'ils sont encore très lents par rapport à ce qui se passe au Kenya voisin. Ils sont la simple conséquence d'une prise de conscience de la part des conservationnistes tanzaniens, mais surtout occidentaux opérant dans le pays, qu'une gestion efficace des espaces protégés passe nécessairement par une participation des populations locales. L'exemple à l'appui est celui de l'extraordinaire réussite de la protection des derniers rhinocéros résidant au fond du cratère de Ngorongoro qui dépend en grande partie de la présence de quelques communautés Maasai qui peuvent aider à localiser, voire à capter les braconniers avant qu'ils ne pénètrent dans le cratère.
A partir de cet exemple, plusieurs associations de protection de la nature collaborent aujourd'hui avec les autorités tanzaniennes en vue d'établir des programmes de conservation participative (Community Conservation Program). Pour C. Baroin et F. Constantin (op. cit.), l'expérience de ce programme a été faite dans la Réserve de Selous au Sud du pays là où les populations locales, en collaboration avec les gestionnaires de cette réserve ont mis en place un projet de gestion de la faune sauvage. L'objectif de ce projet est donc d'assurer la protection des villages contre certains animaux destructeurs de cultures ( buffles ou éléphants) ou prédateurs du bétail ou d'hommes (les lions par exemple) en abattant certains d'entre eux d'une part; puis d'assurer une ration alimentaire en viande animale et un revenu monétaire au moyen des ventes de toutes sortes de produits (peaux, carcasses, viandes, etc.) à l'instar de ce qui se passe en Afrique australe d'autre part.
Comme principales conséquences de ces projets dans le pays, les experts affirment qu'il y aura d'abord une nette régression des tensions conflictuelles qui existent depuis l'époque coloniale entre les populations locales et les gestionnaires des aires protégées. Ensuite ces projets seront une grosse occasion de responsabiliser ces populations au travers les structures administratives de base dont elles sont responsables mais aussi suite aux différents avantages liés à la gestion de la faune sauvage sur leur territoire. Cette motivation les poussera sans doute à mener quelques opérations contre les malfaiteurs, d'où l'augmentation des animaux sauvages dans la région.
En ce qui concerne les résultats qui ont été atteints dans ces dix dernières années, les mêmes experts estiment qu'il est encore très tôt pour donner le bilan mais que le pays est dans le bon chemin compte tenu des progrès réalisés par le sanctuaire de Ngorongoro dans ce domaine. En effet, ce sanctuaire est exemplaire sur tout le territoire tanzanien puisqu'il
génère des revenus sans cesse croissants depuis 1990, ce qui donne beaucoup d'espoirs aux conservationnistes du pays. Cependant, les observateurs affirment que les présupposés bénéficiaires de ces projets (les Maasai chassés de leurs terres lors de la création de ces espaces) ne gagnent presque rien malgré leur bonne volonté de participation. Comme nous l'avons vu en haut, la principale cause de cette incohérence est due au fait que les initiateurs de tels projets (les ONG de conservation) les élaborent en mettant en avant les intérêts de la conservation. Ce qui bloque le plus souvent le développement socio-économique de la région concernée.
En faisant une étude sur le cas de la Tanzanie, C. Baroin et F. Constantin (op. cit.) ont constaté que ces projets mènent les opérations de vaccination du bétail des Maasai contre la peste bovine et la pleuropneumonie en partie pour éviter la contamination des herbivores sauvages (buffles et gnous en particulier) alors que rien n'est fait pour éradiquer la maladie de la theilériose chez le cheptel domestique ou tout simplement pour combattre la malnutrition dont souffrent de nombreux enfants Maasai. En peu de mots, les deux auteurs ont pu remarquer que les problèmes des populations locales en Tanzanie ne suscitent l'attention des conservationnistes que dans la mesure où leur mécontentement pourrait menacer l'existence des zones protégées, comme c'est le cas durant ces dernières années.
Pour ce qui est de l'Ouganda, l'autre pays de l'ancienne communauté est-africaine britannique, il faut rappeler que l'interminable guerre civile (1972-1986 en Ouganda, 1990- 1994 au Rwanda et depuis 1996 en République Démocratique du Congo) et l'insurrection persistante dans le Nord sont les deux causes principales du retard de ce pays en matière de conservation associant les populations locales. Mais les conservationnistes restent optimistes suite à un projet de conservation et d'écotourisme qui vient à peine d'être lancé dans la Réserve forestière de Budongo au Nord-Ouest du pays. D'après les consultants de l'Union Européenne (organisme qui a financé le projet) dans la région, ce projet permettrait, d'une part au pays de gagner des recettes en accueillant des visiteurs passionnés par le milieu forestier, et d'autre part aux communautés locales de bénéficier quelques avantages (chasse, cueillette, etc.) de la forêt ( www.newafrica.com, 2002).
En outre, deux exercices de planification forestière participative sont prévus sur le territoire ougandais dans le cadre du « Projet de biodiversité transfrontalier ». Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, ces projets permettront aux communautés locales, à l'instar des Iks du Nord-Est du pays, de bénéficier de quelques avantages du projet comme l'eau salubre et surtout d'exercer certaines activités à l'intérieur des forêts protégées comme c'était le cas avant leur classement.
En ce qui concerne le Rwanda et le Burundi, cette nouvelle politique de conservation participative est loin d'être adoptée. Au lieu même d'y penser, les autorités des deux pays procèdent au renforcement des systèmes de protection des anciennes aires protégées, soit en transformant les anciennes réserves forestières en parcs nationaux, comme c'est le cas depuis le mois d'Avril 2001 pour l'ancienne réserve naturelle de Nyungwe au Rwanda; soit en clôturant de nouveau les anciens parcs nationaux. De toutes les façons, ces nouvelles mesures s'avèrent aujourd'hui très archaïques en matière de conservation durable des ressources au regard des changements qui s'opèrent dans les pays les plus réputés en la matière comme le Kenya ou la Tanzanie. Au contraire, elles accentuent les conflits entre les populations locales et les gardes de ces espaces.
Au Rwanda par exemple, I. Ndahimana (2001) souligne l'ampleur du conflit qui oppose depuis 1997 les éleveurs aux gardes locaux aux alentours du Parc National de l'Akagera. D'après ses recherches, ce combat aboutit souvent à des pertes des vies humaines tant du côté des éleveurs que du côté des gardes. Quoique la culpabilité revienne souvent aux éleveurs qui ne respectent pas les lois régissant les parcs et les réserves naturelles au Rwanda, il convient de signaler que le gouvernement rwandais est dans l'obligation d'adapter ses lois aux nouvelles politiques de conservation en cours afin de résoudre les problèmes de ce genre sur son territoire.
Ainsi, comme le montrent des projets réalisés au Kenya et en Tanzanie, moins encore en Ouganda, on constate que la politique de conservation reste un enjeu économique et, de ce simple fait, ne rime pas nécessairement avec une utilisation sage, en termes à la fois écologique et sociologique, des ressources. Après des années d'errance, les anciennes colonies de l'Afrique orientale anglaise, le Kenya à la tête, sont aujourd'hui dans la bonne voie d'une politique cohérente de conservation suivant les expériences menées depuis les années 1980 dans les pays d'Afrique australe. A contrario les cas du Rwanda et du Burundi sont très inquiétants. Au lieu d'adopter la politique de conservation en associant les populations locales, les deux pays sont entrain de renforcer les mesures d'exclusion en créant de nouveaux parcs. Ce qui comporte beaucoup de risques au point de vue socio-économique des populations expulsées de leurs terres.
En définitive, nous venons de voir que depuis la fin de l'époque où seule « l'écologie classique » était considérée comme la principale approche de la politique de conservation (avant les années 1970), il y a eu beaucoup de changements dans ce domaine. L'un des changements majeurs concerne le mariage entre le développement et la politique de conservation qui a donné naissance aux fameux Projets Intégrés de Développement et de Conservation (PIDC). Le but primordial de ces projets, grâce à l'approche participative, est de faire en sorte que les populations locales tirent le maximum de profit dans les aires protégées qui les entourent. Plusieurs expériences ont été réalisées en Afrique australe avec les programmes CAMPFIRE (Zimbabwe) et ADMADE (Zambie) mais beaucoup reste à faire compte tenu des pays qui ignorent encore les résultats de ces expériences en Afrique de l'Est.
Depuis que le concept d'aires protégées existe dans sa forme actuelle, on constate que ses principaux objectifs restent presque les mêmes; ce qu'on essaie d'ajouter au cours de ces dernières années, c'est l'élément de « développement local » en mettant un accent particulier sur les droits et les intérêts socio-économiques des populations autochtones1 et ceux des populations riveraines des espaces protégés.
Depuis les années 1970, l'intégration de ces populations se fait au travers des projets
d' « écodéveloppement », un concept cher aux conservationnistes puisque l'intégration en question leur apparaît, d'une part comme une « nécessité » (dans le but d'éviter que la pauvreté de ces populations n'entraîne pas la dégradation des aires protégées), et d'autre part comme une « opportunité » (en vue de capter des fonds internationaux pour le fonctionnement de leurs projets) (Castellanet C., 1998). Coté acteur-Etat, ces projets sont également considérés comme bénéfiques parce que le tourisme est partout en plein essor. Quant à acteurs locaux, les résultats de ces projets ne sont pas du tout satisfaisants même si des différences subsistent entre les pays.
Face à ces résultats «mitigés » de cette politique de conservation participative, les deux grandes organisations de protection de la nature, l'UICN et le WWF, ont publié un document2 dans lequel on trouve les nouvelles bases conceptuelles préconisées pour les aires protégées de ce nouveau siècle. Comme nous allons le voir dans les paragraphes suivants, ces nouvelles stratégies tiennent compte des intérêts de tous les acteurs en jeu en essayant de relever les défis enregistrés par les Projets Intégrés de Conservation et de Développement durant les deux dernières décennies d'opération.
Outre la préoccupation des questions d'environnement global dans le monde, les nouvelles bases conceptuelles des aires protégées prévues pour le 21ème siècle s'appuient sur l'amélioration des méthodes d'intervention des différents acteurs dans le processus de gestion durable et de participation locale. Dans ce contexte, la nécessité de renforcer les politiques institutionnelles à tous les niveaux (local, national et régional) est considérée comme le pilier de ces nouvelles stratégies.
1 C'est-à-dire tous groupes dont la caractéristique principale est leur mode de subsistance désormais marginal (Chartier D. et Sellato B., op. cit.)
2 WWF/IUCN (1998) Protected Areas for a new millenium. WWF/IUCN, Gland/Suisse.
Depuis le lancement des PICD dans les régions riveraines des espaces protégés, il y a un peu plus de 20 ans, les conservationnistes croyaient que les populations vivant aux alentours de ces espaces devaient tirer assez de bénéfices pour améliorer leurs modes de vie, ce qui dans la suite allait changer positivement leurs mentalités à l'égard des initiatives de conservation. Cette idée était sage mais sans résultats escomptés comme allait le prouver une première évaluation de ces projets au début des années 1990 (Colchester M., 1998).
Au début de cette dernière décennie, les PICD ont intégré des questions environnementales dans leurs préoccupations en vue de renforcer leurs capacités de participation dans le milieu rural. L'analyse de cette deuxième série de projets a montré que les résultats n'étaient pas à la hauteur des objectifs fixés au départ suite au manque de lien suffisant entre la conservation et le développement. Parmi les raisons de cet échec, les professionnels de la conservation évoquent d'abord le rôle des ONG de protection de la nature comme nous l'avons vu précédemment, puis le manque de cadre institutionnel entre les principaux acteurs de la politique de conservation comme c'est le cas au Zimbabwe et/ou en Zambie. Les enseignements tirés de ces échecs ont montré la nécessité d'améliorer les politiques institutionnelles entre les principaux acteurs de la conservation participative en mettant un accent particulier sur le renforcement des possibilités de participation des communautés locales. Les « Projets des aires protégées transfrontalières » sont donc des PICD de troisième génération en vue de corriger certaines imperfections du passé ( Godwin P., 2001).
Selon le même auteur, ces projets consistent à effacer non seulement des clôtures physiques qui divisent les parcs nationaux et les exploitations privées des populations locales à l'intérieur du même pays, mais surtout de gommer des frontières géographiques entre deux pays pour donner naissance à des « zones transfrontalières protégées », appelées aussi « Parcs de la paix ». Leur but, pour reprendre l'argumentation développée à la fin des années 1990 par la Banque Mondiale, est d'associer les populations locales à la protection de l'environnement. Il s'agit, selon la même organisation, de « montrer aux communautés vivant à coté des aires protégées que la vie sauvage peut leur fournir des revenus, et d'atténuer ainsi le ressentiment que beaucoup de personnes éprouvent en se voyant interdire de cultiver la terre. » Au-delà, beaucoup espèrent promouvoir une « culture de la paix » dans les pays de l'Afrique orientale (et ailleurs) dévastés par les conflits politiques et ethniques.
Ouvert en l'an 2000 ( 12 mai), le « Kgalagali » est le premier parc naturel transfrontalier du genre. Il réunit le Parc national Gemsbok, au Botswana, à celui du Kalahari Gemsbok, en Afrique du Sud. A l'heure actuelle, les initiateurs de ce projet dont le milliardaire sud-africain Anton Rupert (homme d'affaires et président de la section nationale du WWF sud-africain) estiment que cette fusion n'a pas posé beaucoup de problèmes, les deux parcs n'étant séparés que par le lit asséché d'une rivière sans clôture. Après cette réalisation, considérée par les professionnels de la conservation comme la première du 21ème en la matière, les deux pays se sont mis d'accord pour gérer la réserve comme une seule entité écologique, et les visiteurs qui entrent dans un parc peuvent passer librement dans l'autre et revenir, ce qui accroît la fréquentation et la rentabilité de chacun des deux pays.
Ailleurs, les efforts des initiateurs de tels projets portent aujourd'hui sur les tentatives d'unification au sein de la communauté des Etats de l'Afrique australe de plusieurs catégories d'aires protégées (parcs, réserves de chasse, réserves forestières, terres communautaires, etc.).
La première tentative réunira le Parc national Kruger (en République Sud-Africaine), le Parc national de Gonarezhou (au Zimbabwe), et Coutada 16, un immense ensemble de terres nationalisées dans la province de Gaza au Mozambique. A terme de ce projet, elle formera le noyau d'une vaste zone protégée à usage mixte couvrant près de 155.000 Km2. Rappelons que d'autres projets de ce genre sont prévus dans tous les pays de l'Afrique australe dans le cadre de la Communauté de Développement de l'Afrique Australe (SADC: Southern African Development Community).
Coté humain, les initiateurs du projet affirment que la composante humaine est la clé de la réussite finale des projets d'implantation de réserves naturelles transfrontalières. Dans ce domaine, ils comptent beaucoup sur l'expérience du Zimbabwe avec son projet CAMPFIRE pour mettre les choses en ordre. Comme nous l'avons vu dans les pages précédentes, CAMPFIRE est le premier projet qui a véritablement pris en compte deux grands constats (plus ou moins ignorés jusque-là) en matière de conservation. Le premier est que l'essentiel de la faune sauvage du pays vit actuellement en dehors des réserves de chasse sans beaucoup de difficultés. Le second est que les populations locales tirent directement des profits économiques de cette faune selon le plan qu'elles élaborent elles-mêmes. Ceci diminue les risques de braconnage puisque ces populations se sentent comme les premiers gestionnaires de cette ressource. C'est grâce à cette expérience zimbabwéenne que les initiateurs du projet sont aujourd'hui conscients que les populations locales doivent être les premiers bénéficiaires des emplois qui seront créés par la nouvelle réserve. De surcroît, plusieurs infrastructures (énergie, routes, etc.) sont prévues pour ces populations.
Pour ce qui est de l'intégration régionale, l'intérêt de ce type de projets est de mettre en place une politique de conservation qui repose sur l'entente entre les Etats dans la mesure où certaines zones protégées sont contiguës de part et d'autre d'une frontière internationale. Or, il a été constaté que cette coopération n'existe pas ou du moins existe sur papier. L'exemple typique est celui des trois parcs nationaux situés entre le Rwanda, l'Ouganda et la République Démocratique du Congo, à savoir respectivement le Parc National des Volcans, celui de Virunga et Queen Elisabeth, pour lesquels chaque pays assure la sécurité de son aire territoriale sans toutefois se soucier de ce qui se passe de l'autre côté de la frontière. Les conséquences qui en découlent sont bien sûr nombreuses en commençant par les activités de braconnage dont le contrôle reste très difficile, sans oublier aussi les tensions liées aux mouvements armés dont le refuge reste toujours les zones protégées de la région.
Dans ce contexte, l'apport des projets du genre sera d'une grande importance en vue d'éviter toutes ces difficultés. Cependant, des incertitudes demeurent quant à la réussite de ces projets. En effet, certains disent que l'idée même des « parcs de la paix » dépend de la stabilité politique dans une région géographique donnée. Ce qui n'est pas le cas pour le moment si l'on regarde par exemple ce qui se passe au Zimbabwe ou pire encore dans la région des Grands Lacs. De toutes les façons, le projet est déjà lancé et son aire d'influence a tendance à déborder les limites habituelles de l'Afrique australe.
En Afrique orientale par exemple, un « Projet de biodiversité transfrontalier » vient d'être lancé. Financé par le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) par le biais du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), et mis en oeuvre par la FAO et les gouvernements du Kenya, de l'Ouganda et de la Tanzanie, ce projet a pour objectif de « réduire la perte de biodiversité dans les sites transfrontaliers en Afrique de l'Est. » (Rodgers W A.; Persha L.; Nabanyumya R. Et Mupada E., 2002)
Selon ces auteurs, la philosophie du projet est de « travailler à tous les niveaux décisionnels d'utilisation des ressources, du ménage (sensibilisation, autres solutions) au village (arrêtés, pression des pairs, marchés), au District (directives d'utilisation des terres, programmes de financement) et à l'échelon national (politiques et législation). » Les activités centrales du projet sont la mise au point de plans de gestion participative et la promotion d'une cogestion par le gouvernement et les communautés pour conserver les ressources forestières et les utiliser dans une optique durable. Les populations sont considérées ici comme une partie intégrante de la solution au problème. Etant donné que les problèmes, les intérêts et les solutions potentielles diffèrent d'un site à l'autre, les solutions doivent être propres au site, même si l'on peut utiliser des cadres de base pour orienter les actions dans l'ensemble des sites.
Il faut noter que ledit projet repose sur quatre sites d'écosystèmes transfrontaliers de la région (voir la carte n° 8), mais nous allons nous intéresser, au cours de ce travail, sur le site du Nord-Est de l'Ouganda, à la frontière kenyane, là où nous trouvons un « Projet de gestion traditionnelle des ressources naturelles par la communauté Iks du District de Karamoja. » L'encadrement des Iks a soulagé beaucoup de personnes (y compris les conservationnistes) puisqu'ils avaient été victimes, depuis 1962, de la politique coloniale et post-coloniale de conservation dans la région. De surcroît, cette communauté a été choisie par les conservationnistes pour la simple raison qu'elle a fait preuve de grandes connaissances sur les ressources forestières et la gestion de ces ressources par rapport aux autres principaux groupes ethniques du District de Karamoja, à savoir les Karimojong, les Tipes, les Dodos et les Pokos.
En effet, le rapport d'évaluation qui a précédé le projet révèle que les Iks sont les seuls peuples dans la région qui, à la fois dépendent de la forêt pour survivre (sécurité, terres agricoles, eau et revenus) mais aussi qui reconnaissent les dangers qui pèsent sur cette ressource (coupe excessive d'arbres, surpâturage, feux de brousse, etc.). Cette prise de conscience les oblige ainsi à mieux préserver la ressource en question depuis plusieurs années. En abondant dans le même sens, les responsables du Parc national de Kidepo ont tous reconnu que les pratiques des Iks ne perturbent pas la forêt puisqu'ils se contentent de petites activités qui ne causent pas beaucoup de dégâts. Au contraire, ils se préoccupent des feux de brousse allumés dans le milieu environnant par les envahisseurs Turkana et Dodos, qui détruisent leurs moyens d'existence. C'était d'ailleurs pour cette raison que l'idée de participer aux interventions et aux partenariats externes comme le « Projet de biodiversité transfrontalier » les intéresse davantage.
A l'heure actuelle, les Iks ont démarré les activités par les petits travaux qui consistent à tracer et à dégager les bordures de la Réserve forestière Timu avec un minimum d'apports du projet. Chaque groupement d'habitants a pris possession des portions de lisière les plus proches et les membres de ce village s'occupent des arbres témoins plantés par le projet le long de la frontière, les arrosent et les couvrent de paillis durant la saison sèche. En contrepartie, le projet, bénéficiant de fonds supplémentaires du PNUD, a fourni des éoliennes en bordure de la réserve pour pomper l'eau de nouveaux puits, car les Iks devaient souvent parcourir des kilomètres pour aller chercher de l'eau. Les professionnels de la conservation dans la région espèrent que cette première mesure devrait enclencher d'autres contrats sociaux pour la conservation des forêts y compris la prévention des feux et les signalements d'utilisation illicite.
Carte n° 8: Les quatre sites transfrontaliers du Projet « Réduire la perte de biodiversité » en Afrique orientale anglophone
En somme, il faut dire que les Projets Intégrés de Développement et de Conservation de troisième génération, c'est-à-dire les « Zones protégées transfrontalières », donnent l'espoir des changements sociaux qui se produiront dans l'avenir en matière de conservation. Comme le cas des Iks de Nord-Est de l'Ouganda l'illustre, les populations locales ne seront plus considérées comme les bénéficiaires passifs comme l'avaient été dans le passé, mais comme les acteurs ruraux actifs, c'est-à-dire capables de prendre les différentes décisions en matière de gestion des ressources naturelles se trouvant sur leur territoire.
Le problème qui se pose aujourd'hui est que certains gouvernements ne sont pas disposés à céder la propriété de ces ressources à ces populations suite en général à l'ingérence des ONG de protection de la nature qui souhaitent, jusqu'à présent, conserver la quasi-totalité des espaces protégés tel que c'était le cas avant les années 1970. Cela se fait en général dans les pays où, d'une part les gouvernements en place n'ont pas les moyens financiers pour faire démarrer ces projets, et d'autre part là où les revendications des populations locales sont complètement anéanties par les pouvoirs publics. Toutefois, certains gouvernements commencent à reconnaître que les communautés voisines des parcs et réserves ne peuvent être exclues de l'utilisation ou de la région de ces derniers, ce qui nous amène à focaliser notre thème suivant sur la responsabilité de ces populations dans cette nouvelle stratégie de conservation.
Comme nous l'avons vu dans les paragraphes précédents, la politique de conservation associant les populations locales remonte dans les années 70 avec le lancement du programme MAB et le concept de la réserve de la biosphère. Une décennie après, au début des années 80, les grandes organisations de protection de la nature (UICN, WWF, PNUE) ont commencé à se préoccuper des populations autochtones à travers le document intitulé « stratégie mondiale de la conservation. » Dès lors, ces organisations ont reconnu pour la première fois que la politique de conservation n'était plus considérée comme extérieure aux problèmes de développement économique, mais qu'ils pouvaient aller ensemble en vue d'éradiquer la pauvreté aux alentours des aires protégées mais surtout d'assurer la gestion durable de ces espaces.
Les premières tentatives de Projets Intégrés de Conservation et de Développement ont échoué pour deux principales raisons: d'une part c'est que les logiques paysannes traditionnelles1 sont contradictoires avec les logiques de développement basé sur le progrès économique adapté au modèle occidental; et d'autre part c'est que les initiateurs des projets (ONG de protection de la nature) ignorent les savoirs-faire et le rôle institutionnel traditionnel des communautés locales au profit de l'acteur-Etat. Ainsi, ces populations étaient considérées comme passives dans la conception des projets, et dans une moindre mesure comme des acteurs qui assistent aux décisions prises par les autres acteurs sans qu'il y ait la moindre participation de leur part (Bationo B., 1998).
Face à de multiples échecs de ces projets, les spécialistes en la matière trouvent qu'il doit y avoir de sérieuses révisions au niveau des démarches de développement à utiliser. C'est ainsi qu'ils trouvent par exemple qu'il ne s'agit plus de convaincre les populations locales du
bien-fondé de la démarche, mais d'établir cette fois-ci des formules de conservation où ces populations sont invitées à participer pleinement à la cogestion, c'est-à-dire où elles reçoivent en contrepartie des avantages adéquats ou des revenus les incitant à conserver les ressources. Ainsi, outre la sensibilisation des populations sur les avantages de l'utilisation durable des ressources, notamment la conservation, l'élaboration d'incitations doit impliquer une confiance consolidée et le renforcement des capacités financières et institutionnelles de gestion de ces espaces.
Par ailleurs, dans les zones encore habitées par des populations autochtones, la réussite des initiatives de conservation participative nécessite une « reconnaissance des droits de ces peuples à posséder et contrôler leurs territoires; à être associés d'emblée à la planification; à la reconnaissance des institutions représentatives autochtones; à la mise au point de mécanismes veillant à assurer la participation des secteurs marginaux de manière à ne pas compromettre la prise traditionnelle de décision; à des contrats qui définissent clairement les obligations mutuelles; et à une formation multiculturelles propre à sensibiliser toutes les parties intéressées. » (Colchester M., 1996)
Le même auteur fait constater qu'il faut mettre au point une nouvelle catégorie d'aires protégées puisqu'il a été indiqué qu'aucune des catégories existantes (de l'UICN) n'est fondée sur ces principes (voir annexe n° 1). De surcroît, ajoute-il, très peu de pays ont une législation nationale permettant l'exercice de ces droits à l'intérieur des aires protégées. En peu de mots, des modifications urgentes sont nécessaires à tous les niveaux pour permettre l'application de ces nouveaux principes de gestion. Pour faire face à ce défi, et à la suite des préoccupations croissantes manifestées par les organisations de populations autochtones au sujet des exigences écologistes, le WWF a récemment élaboré une nouvelle politique des peuples autochtones. Celle-ci est fondée sur une acceptation des droits des peuples autochtones tels qu'ils sont exprimés dans le droit international ancien et nouveau, notamment leur droit à l'autodétermination, à la propriété et à l'administration de leurs territoires, à l'auto- identification et à la propriété intellectuelle.
A propos de ce projet, ladite organisation déclare qu'elle va s'efforcer « d'établir un partenariat avec les peuples autochtones si ceux-ci manifestent le désir de conserver la diversité biologique et acceptent la limitation des activités humaines nécessaires pour parvenir à une utilisation durable. » (Colchester M., idem) Mais ce projet commence à poser déjà des difficultés liées à son adaptation sur le terrain puisque beaucoup de personnes ne comprennent pas la façon dont elles doivent réglementer les activités humaines à l'intérieur des aires protégées tout en permettant aux populations locales de satisfaire à leurs besoins de subsistance, car toute gestion efficace nécessite des procédures coercitives d'application des réglementations convenues. Les expériences actuelles montrent d'ailleurs que la plupart de ces ONG privilégient d'abord les intérêts de la conservation au détriment du progrès socio- économique des populations autochtones, ce qui fait échouer les PICD dans plusieurs pays
(Chartier D.; Sellato B., op. Cit.)
En outre, certains auteurs, à l'instar de G. Rossi (2000), trouvent que ce projet s'inscrit dans le cadre de cette fameuse logique de « politique d'ingérence écologique » longtemps menée par les associations de protection de la nature (d'origine occidentale) dans les pays du Sud. En abondant dans le même sens, d'autres trouvent que ce concept actuel médiatisé « des capacités autochtones et des connaissances locales » qui doivent être reconnues, « respectées, enregistrées, perfectionnées, le cas échéant utilisées », est une façon qu'utilisent ces ONG
pour légitimer leurs pratiques dans le monde entier en vue surtout de bénéficier des capitaux de financements (Chartier D.; Sellato B., op. cit.).
En définitive, il est clair que ce projet est à l'encontre de la logique de la « politique de conservation participative digne de son nom », parce que d'une part, il refuse le plein droit aux populations locales de s'impliquer librement dans la gestion des ressources naturelles (qu'elles ont pourtant su gérer depuis des millénaires); et que d'autre part, il s'inspire de cette politique d'ingérence qui, depuis l'époque de l'indépendance, a caractérisé les relations Nord- Sud. C'est par ce fait que certains professionnels de la conservation craignent de retomber dans les schémas classiques de planification (là où les populations locales étaient toujours considérées comme des acteurs passifs) en préconisant des réformes administratives dans chaque pays. Ces nouvelles structures administratives s'appuieraient sur la politique généralisée de décentralisation dans les pays du Sud suivant le modèle de ce qui a été fait par les programmes ADMADE et CAMPFIRE en Afrique australe.
Parmi les réformes administratives à faire en vue de faciliter la mise en oeuvre de la politique de conservation associant les populations locales, le principe de « décentralisation » est à l'honneur à cause de son principal avantage de donner la parole au monde d'en bas, c'est-à-dire les paysans. Théoriquement, certains auteurs dont R. Passet (1994, repris par F. Busson, op. cit.) fondent aujourd'hui ce principe sur une perspective systémique du fonctionnement des sociétés. Selon cet auteur, le « dynamisme d'un système repose sur l'activité des sous-systèmes qui le composent, pour autant que celle-ci ne mette pas en cause les finalités d'un niveau d'organisation supérieur. » Dans cette logique, il est tout à fait normal que toute décision devrait être prise au niveau, et par le niveau où elle développe ses conséquences. Ce qui explique bel et bien le mode de fonctionnement des systèmes administratifs décentralisés et comment ces derniers faciliteraient l'intégration des populations au processus de gestion des aires protégées.
C'est d'ailleurs sur ce point que l'expérience des programmes ADMADE (Zambie) et CAMPFIRE (Zimbabwe) semble particulièrement convaincante et enrichissante en la matière, même si certains leur reprochent d'une certaine dépendance vis-à-vis de leurs Etats respectifs. En effet, il se pourrait que les deux Etats s'ingèrent davantage dans les affaires internes de ces programmes, ce qui ne serait pas intéressant puisque les décisions prises par les communautés locales n'auraient pas de poids comme il le faudrait. Mais au moins une chose est sûre dans ces pays: la décentralisation du pouvoir est une chose au moins comprise et son influence est très grande en faveur du monde d'en bas, c'est-à-dire les populations locales.
Ainsi, pour la bonne marche de cette structuration, il faudrait que toutes les initiatives de gestion de l'espace protégé naissent des acteurs de terrain, à savoir les communautés locales. Quant à l'Etat, son rôle doit être celui de canaliser ces initiatives dans l'axe de la conservation et de la protection. On espère que les fameux Programmes d'Ajustement Structurel (dans leur volet politique de décentralisation) qui sont en cours dans les pays du Sud pourront servir de bases en matière de réaménagement des aires protégées de ces pays même si leurs résultats actuels laissent à désirer. De surcroît, on espère que la récente création
de l' « Union africaine » sera une sorte d'impulsion pour la mise en place de cette politique de décentralisation dans tous les Etats du continent.
Comme nous l'avons vu précédemment, les gestionnaires des aires protégées dans les pays du Sud ont depuis longtemps fait savoir que les rentrées financières directes (le tourisme en particulier) ne sont pas à mesure d'équilibrer les coûts dépensés lors de l'entretien de ces espaces. De surcroît, il a été aussi constaté que le maintien de ces espaces reste aujourd'hui l'affaire qui concerne beaucoup plus les Etats du Nord que ceux du Sud.
Partant de ce dernier constat, les bailleurs de fonds sont aujourd'hui persuadés que ce schéma classique des relations Nord/Sud va en l'encontre du contexte socio-économique et environnemental actuel de « développement durable » puisqu'ils considèrent que « tout projet sous financement international doit avoir une durée limitée » afin finalement d'être pris (au bout de quelques années) en charge par l'Etat bénéficiaire, c'est-à-dire sur le territoire duquel le projet est localisé.
En réalité, cette logique est parfaitement convaincante dans le cadre d'une action de développement en long terme telle que les projets de conservation participative, mais le problème est de savoir si certains gouvernements du Sud seront capables de prendre durablement le relais de ces projets compte tenu des autres exigences économiques auxquelles ils sont confrontés. Pour éviter ce déséquilibre, certaines mesures doivent être prises au Nord comme au Sud.
D'une part, tous les gouvernements du Sud doivent désormais adopter de nouvelles stratégies en matière de conservation, c'est-à-dire en reconnaissant officiellement que les populations riveraines des aires protégées doivent être les premiers bénéficiaires de ces espaces, c'est-à-dire en développant les projets de conservation participative où ces populations sont invitées à jouer un rôle de premier plan. En outre, ils doivent renoncer à cette mauvaise habitude de compter sur les aides en provenance de l'extérieur. Au contraire, des projets locaux de conservation participative doivent être financièrement soutenus (dans la mesure du possible bien sûr).
D'autre part, puisque nous savons que les principaux bénéficiaires des parcs et réserves analogues sont plutôt les personnes du monde occidental, à la recherche du « Jardin d'Eden » qu'elles ont perdu chez elles, et les tours opérateurs (tours operators), d'origine occidentale en général, qui sont capables de transformer ces espaces en produits rentables, il convient que les gouvernements du Nord puissent continuer, tout en rompant avec leur politique d'ingérence, à apporter leur soutien financier et matériel (là où le besoin se fait sérieusement sentir) afin que le patrimoine faunistique et floristique dans les pays du Sud soit protégé le plus longtemps possible et bénéfique au profit des populations locales.
En somme, on peut dire que les nouvelles bases conceptuelles prévues pour les aires protégées du 21ème siècle sont considérées comme des objectifs supplémentaires qui viennent renforcer les progrès atteints jusqu'à présent dans le domaine de la conservation. Leur but ultime est celui de développer le pays en commençant par les populations vivant aux alentours des aires protégées.
L'objet de ces considérations et perspectives est qu'elles vont nous conduire à formuler un certain nombre d'observations et de critiques de ce qui a été fait jusqu'à présent et de ce qui reste à faire dans le domaine de la conservation en Afrique orientale. En outre, elles peuvent constituer autant de conclusions sur ce travail et/ou de perspectives de ce que nous projetons faire dans nos recherches ultérieures (travail de thèse).
Comme nous l'avons vu précédemment, la période coloniale en Afrique orientale anglaise (ou anglophone) a été caractérisée par une scission délibérée des populations locales de l'utilisation juridique ou de l'accès aux zones abritant la faune sauvage, au profit des politiques de création des aires protégées. Une grande partie de réserves de la faune sauvage de la région était classée avant l'époque des indépendances.
Après ces indépendances, la plupart des nouveaux gouvernements n'ont pas interrompu les pratiques coloniales, créant d'autres aires protégées et excluant des populations plus nombreuses. Le cas des peuples Maasai du Kenya et de la Tanzanie est sans doute le plus connu dans le champ de la conservation en Afrique de l'Est. Mais petit à petit, et plus récemment d'ailleurs, des changements sont intervenus en matière de conservation, avec l'apparition d'une approche participative où les populations locales sont désormais considérées en même temps comme des acteurs et des bénéficiaires de développement, et non plus comme de simples observateurs-perturbateurs de la nature.
Cette évolution dans les politiques de conservation a démarré lentement en Afrique de l'Est en s'inspirant beaucoup de l'expérience de l'Afrique australe des années 80, même si la première expérience de ce genre est antérieure à cette date. En effet, la première du genre en Afrique de l'Est fut conduite par la FAO et le PNUD, au cours des années 70, dans le District de Kaliado au Sud de Nairobi. Selon G. Sournia (op. cit.), l'objectif de ce projet était de produire de la viande à partir de populations d'animaux sauvages; une moyenne journalière de 40 à 50 Gnous étaient abattus et leurs carcasses étaient traitées dans un abattoir de brousse; les deux tonnes de viande quotidiennement produites étaient vendues (sous contrôle vétérinaire) à une douzaine de boucheries de la capitale kenyane, située à une centaine de Kms. Les possibilités d'exportation furent un moment envisagées, tout d'ailleurs comme la mise en conserve, mais l'infrastructure à mettre en place était bien importante en comparaison avec des revenus possibles.
Le projet fonctionnait sans beaucoup de difficultés mais des raisons variées mirent un terme à son développement au bout de quelques années. Toutefois, cette expérience (malgré son arrêt prématuré) fut approfondie dans une optique plus commerciale par un fermier privé qui produisit de la viande d'animaux sauvages dans son ranch de la rivière Athi. La difficulté principale pour ce fermier fut, au départ, de créer un marché pour le produit. Mais finalement les boucheries et les hôtels de la capitale kenyane devinrent peu à peu des clients réguliers et la demande ne cessa de croître.
Au début des années 80, la crédibilité de cette production était établie. Tout d'abord, seule la viande fraîche était commercialisée, mais des problèmes de qualité apparurent; la production de viande et de saucissons se substituèrent peu à peu à la viande fraîche.
Aujourd'hui, la majeure partie de la production est transformée sous forme de viande séchée afin de supprimer le problème de la conservation.
Bien que cette expérience ne fasse pas sortir clairement l'intérêt que pouvaient bénéficier les populations locales au sein de cette entreprise, elle a néanmoins inspiré la plupart des projets de conservation participative liés à l'utilisation rationnelle de la faune sauvage dans le pays. Depuis 1990, le KWS permet le prélèvement sélectif de la faune surnuméraire dans plusieurs réserves et s'attache actuellement à mettre en place un système assez solide pour la commercialisation de la viande et des peaux en provenance de ces réserves.
En dehors de cela, il faut rappeler que cet organisme envisage d'entreprendre les activités de la chasse sportive, jusqu'à-là abandonnée pour des raisons de braconnage exagéré et de corruption, afin d'augmenter les revenus puisque ces activités procurent des bénéfices qui sont nettement supérieurs à ceux du tourisme photographique. De surcroît, grâce au KWS, quelques expériences associatives se sont mises en place sur des terres communautaires situées en bordure des sanctuaires-vedettes comme le Parc national d'Amboseli ou la Réserve de Maasai-Mara, en vue de développer le tourisme dans ces zones.
Cependant, malgré toutes ces initiatives en faveur des populations locales, la situation de quelques 800.000 Maasai vivant sur le territoire kenyan reste précaire. En effet, privés d'une bonne partie de leurs terrains de parcours par les colons anglais au profit des parcs et réserves, les Maasai ne sont pas les premiers bénéficiaires de ce nouveau système en place comme en témoigne le nombre de jeunes Maasai qui vagabonde dans les rues des grandes villes kenyanes. A l'heure actuelle, plusieurs auteurs font constater que les Maasai sont considérés comme les mal-aimés du Kenya puisqu'ils sont toujours exclus dans les parcs et réserves et qu'ils ne peuvent y pénétrer que sous certaines conditions, par exemple pour faire boire leurs bêtes à quelques points d'eau.
Par contre, les « troupeaux Maasai subissent, dans leurs pâturages, la concurrence des herbivores sauvages venus des Parcs », explique A. Huetz de Lemps (op. cit.); ce qui accentue le conflit qui date de plusieurs années entre les Maasai et les gardes de ces espaces parce que ces derniers voient d'un mauvais oeil l'accès des troupeaux Maasai dans les aires protégées. Or, l'un des meilleurs moyens d'éviter de graves conflits serait d'associer ces éleveurs (sans aucun prétexte) à la gestion de ces espaces comme c'est le cas autour du Parc d'Amboseli ou aux environs de la Réserve de Maasai-Mara, même si là aussi des progrès restent à faire. En outre, une meilleure reconnaissance de leurs droits à la propriété, à la citoyenneté, et à l'épanouissement serait une bonne chose pour la survie de ces peuples, et surtout pour l'avenir de la faune sauvage dans le pays.
En bref, il faut dire que le Kenya est aujourd'hui l'un des pays-vedettes dans le développement du tourisme lié à la faune sauvage suite à ses potentialités touristiques assez exceptionnelles. Mais pour que cette industrie puisse durer, il faut une seule chose très importante: il est impératif d'impliquer parallèlement les populations locales (surtout les Maasai) et de n'avancer aucun prétexte pour que celles-ci aient un rôle significatif à jouer, et un profit réel à tirer des initiatives relevant du tourisme durable.
En ce qui concerne la Tanzanie, l'autre pays qui regorge des ressources naturelles exceptionnelles dans le région, il sied de rappeler que la fin de la politique « Ujamaa » est considérée comme un phénomène majeur pour les nouvelles autorités tanzaniennes. En effet,
avec l'ouverture politique et économique de ce pays sur le monde occidental, la situation dans le domaine de conservation ne cesse de s'améliorer. Les autorités en place pensent que les sanctuaires et le gibier vont enfin payer leur part dans la construction du pays grâce aux différentes aides en provenances de l'occident.
Tout comme à l'époque coloniale, mais peut être de façon plus nuancée, reste posé le problème du véritable partage des bénéfices tirés des ressources naturelles avec les communautés locales, à majorité d'ethnie Maasai, qui en ont été pourtant les vrais gestionnaires durant de nombreux siècles et qui maintenant n'en subissent que les inconvénients. Mais comme nous l'avons vu précédemment, des programmes de conservation associant les populations locales sont déjà là même si les efforts de leur exécution restent très timides par rapport à ce qui se passe en Afrique australe.
Après plus de 15 ans de la politique « Ujamaa » du Président Nyerere et ses conséquences dans le domaine de la conservation, il est aujourd'hui nécessaire que le gouvernement tanzanien profite de la politique de décentralisation (dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel) en cours dans le pays depuis plus d'une dizaine d'années, afin d'appliquer ces nouveaux programmes en matière de conservation participative. En outre, il doit s'intégrer parfaitement, à travers les « Projets de biodiversité transfrontaliers » ou « Parcs de la paix » dans la région (que ce soit au Kenya ou en Zambie) en vue de bien faire participer les populations locales, surtout les quelques 1.200.000 Maasai que comptent le pays, à la gestion durable des ressources naturelles (en particulier la faune sauvage) que regorge le pays. C'est à travers de cette politique de conservation participative que prendront fin certains conflits qui opposent les populations locales aux gardiens à l'intérieur et/ou autour des parcs et réserves de la Tanzanie.
Côté ougandais, il faut dire qu'après plusieurs années de cauchemar, le pays semble retrouve le bon chemin. Des projets de conservation participative sont déjà sur place, grâce à l'influence de l'extérieur (comme c'est d'ailleurs le cas du Kenya et de la Tanzanie), mais il faut que le gouvernement ougandais s'investisse davantage dans ces projets. Il doit d'abord miser sur la politique régionale de conservation en essayant de coopérer étroitement avec les pays voisins (ce qui n'est pas le cas aujourd'hui), notamment le Rwanda et le Congo- Kinshasa, sans oublier le Soudan au Nord, afin que la sécurité des aires protégées contiguës entre l'un ou l'autre des pays ci-haut cités soit assurée. Cela reste une condition sine qua non pour l'arrivée massive des touristes.
Ensuite, il doit essayer de résoudre durablement le problème des peuples Iks situés au Nord-Est du pays (autour du Parc National de Kidepo), sans oublier celui de quelques 30.000 paysans déplacés lors de la création du corridor des éléphants entre le Parc national de la Reine Elisabeth et la Réserve de Kabale à la fin des années 1980. Si le premier semble trouver une issue étant donné qu'un projet de biodiversité transfrontalier commence à s'occuper de ces populations dans les forêts situées en dehors du parc, il semblerait que le second est loin d'être résolu. Or, ces populations sont en danger puisque, privées de leurs terres d'exploitation agricole, elles n'ont plus d'autres moyens d'assurer leur survie. Ce qui n'est pas bon ni pour ces populations ni pour les aires protégées car les menaces qui pèsent sur ces dernières vont absolument augmenter.
les années 80 en Afrique australe, mais qu'un grand pas reste à franchir. En effet, aussi longtemps que les populations locales chassées de leurs terres (depuis le début du 20ème siècle) ne seront pas véritablement associées à la politique de conservation pour en tirer profit, tous les projets seront voués à l'échec et le fameux « développement durable » tant chanté par les organisations de tout genre ne sera pas atteint.
Comme nous l'avons vu dans les pages précédentes, la « pression démographique » apparaît à première vue comme la première menace qui pèse lourdement sur la politique de conservation au Rwanda et au Burundi. En effet, dans un contexte actuel de « forte pression foncière », certains auteurs affirment que cette explosion démographique aurait déclenché un déséquilibre population nationale/ressources disponibles qui serait à son tour à l'origine de la diminution de l'Exploitation Agricole Familiale et de tous les maux qui s'abattent sur ces deux pays depuis deux à trois dernières décennies comme « la mise en culture de terrains à forte pente et l'aggravation des phénomènes d'érosion, une baisse généralisée de la fertilité et une chute des rendements, la généralisation du sous-emploi à la campagne, etc. » (Cochet H., 2001)
En outre, ajoutent-ils, cette « contrainte démographique » serait l'une des causes directes des conflits interethniques qui secouent les deux pays depuis 1988 et 1990, respectivement pour le Burundi et le Rwanda. Une hypothèse à ne pas affirmer ou infirmer au hasard mais dont il faut prendre avec un maximum de sérieux. Par contre, d'autres auteurs estiment que le poids démographique aurait constitué un facteur stimulant en matière d'innovations agricoles et de lutte contre la dégradation des sols dans les années 1980, une décennie au cours de laquelle les décideurs politiques (y compris les agents de développement) des deux pays avaient fondé leurs discours socio-économiques sur le « problème démographique »1.
Que ce soit les premiers (s'inspirant de la théorie néo-malthusienne) ou les seconds (s'inspirant de la théorie anti-malthusienne), il faut signaler que le problème de la pression démographique existe dans les deux pays, qu'il est réel et menaçant, et que, d'une façon ou d'une autre, remet en cause la politique de conservation répressive menée par les différents gouvernements qui se sont succédés au pouvoir depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si dans les prochaines décennies les deux Etats seront capables de résister à une pression paysanne de plus en plus croissante autour des espaces protégés. Certainement non. La décision « sage » prise par les autorités rwandaises d'amputer les 2/3 du Parc national de l'Akagera en vue de réinstaller les réfugiés de 1959 venus d'Ouganda en est la preuve. De surcroît, le défrichement « désordonné » de la quasi- totalité de la Réserve naturelle de Gishwati (sous les yeux des autorités locales) dans le but de réinstaller les anciens réfugiés venus du Nord-Kivu (RDC) en est l'autre témoignage. Et ce n'est pas fini puisque d'autres agressions clandestines subsistent autour des aires protégées du pays malgré le contrôle assez délicat des ONG de protection de la nature et de certains pays occidentaux2 qui financent les projets de clôture de ces espaces.
1 Aujourd'hui tous discours politiques sont fondés sur la recherche de « l'unité et la réconciliation » suite aux événements douloureux qu'ont traversé les deux pays
2 Coopération allemande (GTZ) et la Coopération belge
Pour ce qui est du Burundi, les autorités en place continuent de geler plus de 3 % du territoire national en zones protégées mais les agressions ne tarderont pas à se manifester puisque ces espaces sont souvent localisés dans des zones densément peuplées du pays. Le cas le plus probable est celui de la Réserve de Rumonge créée très récemment dans l'une des régions les plus peuplées du pays, à savoir les bas versants de Mumirwa. A part cela, les professionnels de la conservation dans le pays craignent aujourd'hui le retour possible (si on parvient à mettre en oeuvre les accords signés dernièrement à Arusha) des réfugiés de 1972 et 1993 dans le pays. Une cause noble qui pousserait les autorités burundaises à sacrifier les quelques 40.000 hectares du Parc national de Ruvubu en vue de réinstaller ces réfugiés.
En dehors de cette croissance démographique sans précédent, la politique de conservation dans les deux pays est confrontée au problème des acteurs locaux (les Batwa forestiers en particulier) qui, depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours, subissent les conséquences de la création des aires protégées sur leurs territoires. A l'heure où nous sommes, la médiatisation des discours sur les raisons d'être des parcs nationaux et réserves analogues, accompagnée d'aide financière massive pour la protection de la faune et de la flore dans les deux pays, a brisé la logique des autorités locales en matière de prise de décisions vis-à-vis de ce problème. Les responsables de ces pays se trouvent donc dans l'impossibilité de mettre en oeuvre une politique de gestion des aires protégées qui concilie en même temps les intérêts touristiques de l'acteur-Etat, ceux de conservation intégrale des ONG de protection de la nature et les intérêts vitaux des acteurs locaux comme c'est le cas en Zambie et au Zimbabwe.
Coté rwandais, plusieurs tentatives de recherche de solutions à ce problème ont conduit à l'avancée de plusieurs hypothèses de solutions dont trois logiques dominent le débat des responsables du pays depuis le début des années 1980 (Mbuzehose J.B., op. cit.). La première logique épouse la politique, jusqu'à présent, pratiquée par l'Etat, à savoir le « conservationnisme radical » qui s'appuie sur les principes de l'écologie classique tel que nous les avons vus précédemment, mais surtout aux arguments qui traitent les zones protégées comme « patrimoine planétaire, générateurs de revenus pour le pays et qu'elles constituent aussi un héritage qu'il faudra léguer à nos descendants. » Il faut noter que cette position radicale de la conservation a longtemps bénéficié l'appui politique des anciens décideurs de la 2ème République suite aux différentes raisons ci-haut mentionnées.
Sur le terrain, les conséquences de cette position ont été nombreuses tant sur le plan humain qu'écologique. Outre le calvaire des Batwa forestiers dont la vie ne cesse de se dégrader aux alentours de certaines aires protégées, il faut noter également la disparition tragique de la naturaliste américaine Dian Fossey suite à un assassinat organisé par un des réseaux maffieux de la région des Grands lacs qui était intéressé par la capture des jeunes Gorilles dans le Parc national des Volcans. En effet, prônant l'approche du conservationnisme radical dans ce parc depuis le début des années 80 en vue de protéger les Gorilles de montagne, ce chercheur a eu beaucoup d'influence auprès des autorités du pays, ce qui a entraîné l'expulsion des Batwa forestiers de la forêt.
Malheureusement, cette expulsion des acteurs locaux n'a pas contribué à l'éradication du problème de braconnage dans le parc tel que Dian Fossey l'espérait, au contraire les gestionnaires du parc affirment qu'elle l'a rendu sophistiqué à cause non seulement de la participation des autorités locales corrompues, mais aussi suite mécontentement des paysans qui, dès son arrivée, ne pouvaient plus continuer leurs activités traditionnelles à l'intérieur du parc. Bref, nous sommes convaincus que si les populations locales avaient été associées à la
gestion du Parc National des Volcans, le drame qui s'est produit n'aurait pu avoir lieu, et les Batwa forestiers auraient pu contribuer aux opérations de repérage des braconniers.
Justement, la deuxième logique qui était préconisée par les autorités rwandaises en vue de résoudre le problème des Batwa forestiers était celle de la « gestion forestière participative ou foresterie sociale. » Tout en écartant l'idéologie radicale qui exclue tout dialogue avec les acteurs forestiers et qui ne tient pas compte des réalités locales, cette logique s'acharne pour l'octroi en faveur des Batwa forestiers un espace de survie et demande l'ouverture saisonnière des parcs aux populations pour la plantation des arbres et la coupe du bois sec seulement. En outre, elle précise que les agents de développement doivent respecter le mode de vie des Batwa, leur tradition et leur rythme de développement, sans toutefois essayer de les convertir par force en agriculteurs sédentaires. Aussi, remet-elle en cause le décret-loi ci-haut signalé qui ne tient pas en compte du rôle social de la forêt en milieu rural, et qui minimise certaines activités des populations vivant de la forêt.
Cependant, il convient de mentionner que tous ces souhaits sont malheureusement restés lettre morte puisque la situation socio-économique des Batwa forestiers continue de se dégrader comme en témoigne la pérennisation de la malnutrition chez les enfants Batwa et l'augmentation de leur taux de mortalité dans les zones environnant la Forêt naturelle de Gishwati et le Parc National des Volcans (Mbuzehose J.B., op. cit.). Ce qui montre que les professionnels de la politique de conservation, sans oublier les décideurs politiques qui les facilitent la tâche, peuvent se tromper pour une longue durée en se cramponnant sur leur politique d'exclusion au lieu d'adopter les démarches entreprises par les pays de l'Afrique australe.
Enfin, la dernière logique est celle d'orienter la politique de conservation vers le « le productivisme agricole. » Comme l'explique toujours J.B. Mbuzehose, cette logique était inscrite dans le cadre de la mise en application des résultats de la recherche agrosociologique du PNAP (Programme National pour l'Amélioration de la Pomme de terre) dans les zones de marge du Nord-Ouest du pays. Au départ, l'objectif de ce programme était de rentabiliser la forêt de Gishwati au profit des paysans mais malheureusement il fut dévié vers le profit de gros producteurs de la région notamment les hauts responsables du pays. Cette expropriation forcée (sous la houlette de l'Etat) eut comme conséquence l'expulsion des Batwa qui vivaient dans cette forêt, sans oublier les paysans riverains qui y faisaient paître leur bétail pendant la saison sèche.
Ceci explique d'ailleurs les difficultés d'obtention (pour les paysans d'en bas) des parcelles destinées à l'agriculture ou à l'élevage dans les zones de marge soumises au défrichement sous l'autorité de l'Etat. Il faut noter que cette tendance existe même aujourd'hui dans la mesure où on remarque que certaines personnalités (ou leurs proches) disposent de grandes propriétés foncières, souvent clôturées, au milieu des petits lopins de terres des paysans d'en bas. Cela concerne les régions récemment défrichées comme l'Umutara ou encore la Réserve de Gishwati. Ce constat pourrait d'ailleurs servir d'exemple à toutes les personnes qui, depuis un bout de temps, préconisent la suppression des aires protégées comme l'une des meilleures solutions au problème de surpeuplement dans le pays.
Au final, on peut se poser la question de savoir pourquoi la mise en oeuvre de cette logique productiviste ne permettait pas (ou ne permet pas) aux populations déplacées de leurs terres (les Batwa forestiers en particulier) d'obtenir des parcelles dans les zones protégées soumises au défrichement sous l'ordre de l'Etat. La réponse à cette question nécessite une
étude approfondie de l'évolution des milieux ruraux qui environnent les aires protégées du pays (depuis l'époque coloniale jusqu'à nos jours), ce qui nous pousse à envisager cette étude pour nos recherches ultérieures.
En ce qui concerne la situation des populations expulsées de leurs terres au Burundi, il faut signaler que le gouvernement burundais semble ignorer le problème de quelques 3000 familles déplacées lors de la création en 1983 du Parc national de Ruvubu ou celui des populations chassées de leurs terres lors de la récente création des Réserves naturelles de Rumonge et Vyanda. Comme nous l'avons dit en haut, le problème qui préoccupe les autorités burundaises pour le moment est la recherche des devises à travers le développement du tourisme lié à la faune sauvage, peu importe donc les dégâts matériels ou humains que cela peut entraîner. En faisant une enquête d'estimation du coût qu'a représenté la création du Parc national de Ruvubu par exemple, J. Rwubatsebabiri (1994, repris par H. Cochet, op. cit.) a fait constater que les coûts étaient énormes.
En effet, réalisée sur une période de 20 ans (1983-2002), le calcul faisait apparaître un coût de quelque 80 milliards de francs burundais constants de 1993, soit l'équivalent d'environ 400 millions de dollars américains. Il faut noter que cette estimation tenait compte « des investissements réalisés, des coûts de fonctionnements, et surtout du coût de renoncement des terrains, à savoir la production agricole et pastorale à laquelle le pays renonça du fait de l'affectation de cet espace au parc. » (Cochet H., idem) Or, l'auteur fait savoir que les 50 000 hectares qui furent réservés au Parc national de Ruvubu auraient pu dans le meilleur des cas réinstaller plus de 10.000 familles de nouveaux migrants en provenance des régions plus densément peuplées du pays comme les collines du Buyenzi (coté Centre-Nord) ou les Versants du Mumirwa qui surplombent la capitale de Bujumbura.
Comme les autorités en place n'envisagent pas une solution durable ni en faveur des populations des régions surpeuplées ni pour les populations chassées de leurs terres, préférant au contraire les intérêts liés au développement de l'écotourisme, H. Cochet se contente de proposer une solution radicale selon laquelle l'Etat burundais doit mettre un terme aux différentes expropriations et mises en défens des terres paysannes, puis de « restituer à l'agriculture et à l'élevage les milliers d'hectares qui lui ont été retirés dans le cadre de la politique de ?protection de l'environnement?, en particulier ceux du Parc national de Ruvubu, ceux des Réserves de Vyanda et de Rumonge, ainsi que les espaces stérilisés par des ?boisements de protection? inefficaces. » Ce qui n'est pas facile bien sûr à réaliser compte tenu des enjeux actuels du capital foncier dans ce pays, d'où d'autres solutions plus modérées et raisonnables seraient les meilleures.
En ce qui nous concerne, nous trouvons que les problèmes fonciers (dans le cadre de la politique de conservation) au Burundi (comme au Rwanda d'ailleurs) méritent une attention particulière dans ce sens que seule la politique coercitive actuelle risque de compromettre l'avenir de ces espaces. Ainsi, nous proposons que la nouvelle approche de conservation participative, appuyée par les ONG de protection de la nature sous la volonté et la bénédiction des gouvernements en place, soit considérée comme la meilleure solution aux deux problèmes qui pèsent lourdement sur la politique de conservation dans les deux pays, à savoir la pression démographique et la précarité des modes de vie des populations déplacées de leurs terres lors de la création des espaces protégés.
ces espaces. Il est temps donc de tirer la sonnette d'alarme envers les autorités rwandaises et burundaises, plus spécialement aux professionnels de la conservation dans ces deux pays, de bien vouloir entreprendre la politique de conservation participative en s'inspirant de ce qui a été fait dans les autres pays notamment ceux de l'Afrique australe. Nous savons qu'il n'est pas du tout facile de les convaincre puisqu'ils agissent sous la pression des lobbies internationaux mais nous espérons que la logique finira par l'emporter.
En définitive, il faut dire que l'Afrique orientale francophone reste toujours en retrait par rapport aux progrès réalisés par les pays de l'Afrique orientale, et surtout ceux de l'Afrique australe, en matière d'intégration des populations locales à la gestion des aires protégées. A l'heure actuelle, la mise en pratique de cette politique risque de se heurter à la rigidité législative en place dans les deux pays puisque les parcs et réserves sont classés parmi les capteurs de devises octroyées par les donateurs du Nord pour la promotion du tourisme et la protection des animaux: une manne venue du ciel pour ces pays dans la mesure où leur principale priorité est aujourd'hui de combler le trou budgétaire occasionné par la diminution (liée au contexte régional assez difficile) des entrées en devises étrangères.
De quoi qu'il en soit, cette logique n'arrange pas grand chose pour les deux gouvernements. Au contraire, la situation des aires protégées risque de se détériorer parce que les populations déplacées lors (de leur création) se sentiront toujours menacées par la loi de leur mise en place, d'où la multiplication des actes de vengeance à l'égard de ces espaces. Il est grand temps donc que les deux pays puissent revoir leur politique en matière de conservation, en s'inspirant des expériences d'ailleurs, afin d'intégrer ces populations. C'est de là que se développera sans doute une politique de conservation qui s'attache, non seulement, aux intérêts de l'Etat et/ou de quelques notables d'en haut, mais qui s'attachera aussi à ceux du monde d'en bas, à savoir les populations vivant aux alentours des aires protégées.
Conclusion de la troisième partie
A la fin de cette dernière partie, nous pouvons dire que depuis la fin de l'époque où les principes de « l'écologie classique » dominaient encore la politique de conservation dans le monde (avant les années 1970), le champ conservationniste a connu beaucoup de changements en faveur du bien-être de l'humanité. L'un des changements qui a marqué les années 1970-80 est en rapport avec la mise en oeuvre des projets d'écodéveloppement connus sous le nom de Projets Intégrés de Conservation et de Développement (PICD) de première et de deuxième génération. Le but primordial de ces projets, grâce à l'approche participative, était de faire associer les populations locales à la gestion des aires protégées. Plusieurs expériences réalisées par les ONG de protection de la nature ont toutes vouées à l'échec parce que ces organisations considéraient les populations locales comme les acteurs passifs. Au contraire, les programmes CAMPFIRE (Zimbabwe) et ADMADE (Zambie) ont connu des succès suite aux structures mises en place en faveur des populations locales. C'est pour cette raison que les grandes organisations de protection de la nature dans le monde ont proposée de nouvelles stratégies pour les aires protégées du le 21ème siècle.
Ainsi, en dehors des objectifs habituels impliquant les populations locales à la gestion des aires protégées, ces organisations vont soutenir financièrement l'initiative prônant la promotion de l'éthique de la paix à travers la création des zones protégées transfrontalières. Un objectif très intéressant compte tenu du nombre de conflits qu'on trouve dans les pays de l'Afrique orientale et partout ailleurs en Afrique, mais difficile à réaliser suite au manque de prise de conscience des autorités de certains pays comme c'est le cas au Rwanda et au Burundi où les efforts de faire participer les populations locales à la gestion des aires protégées sont très timides contrairement à ce qui se passe dans les Etats de l'Afrique orientale ex-anglaise.
A la fin de ce travail, il convient d'évaluer le résultat de notre démarche en fonction des hypothèses émises au départ. Au-delà de quelques considérations générales (acquis historiques et théoriques) qui, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, justifient les relations « homme/nature » en général, ce travail avait comme ultime tâche de mettre en exergue l'impact de la politique coloniale et post-coloniale de conservation sur la gestion du territoire et de ses ressources par les sociétés en Afrique de l'Est. Sur ce, un accent particulier a été mis sur la gestion des ressources naturelles connues sous l'appellation actuelle d' « aires protégées terrestres » c'est-à-dire les parcs nationaux et les réserves analogues.
Tout au long de ce travail, nous avons donc vu que les pays de l'Afrique orientale, à l'instar de tous les pays du Sud, avaient hérité des colonisateurs européens, un mode dit « moderne » de gestion des ressources naturelles en remplacement au mode de gestion dit « traditionnel » des populations indigènes. Sur le terrain, cette innovation en matière de gestion des ressources naturelles s'est traduit par la création d'un réseau extraordinaire des parcs nationaux et réserves analogues à vocation essentiellement de conservation de la faune et de la flore. Outre la préservation des espèces animales et végétales qui, selon les autorités coloniales, étaient menacées par les activités indigènes, ces espaces ont été créés dans le but de répondre à des besoins récréatifs (chasse sportive), esthétiques (photographie animalière, décoration des maisons coloniales) et scientifiques (recherche pharmacologique). Bref, il fallait assurer leur protection en vue d'utilisation durable des ressources qu'ils regorgeaient. Mais au fond, l'objectif était simple: « créer le jardin d'Eden » qu'ils ont perdu chez eux suite au développement de l'industrialisation.
Comme le système de protection qui a été mis en place était semblable à celui des Américains tel que formalisé lors de la création de Yellowstone en 1872, puis répandu, dès le début du 1 9ème siècle, dans le monde entier à travers la colonisation européenne, cette création a entraîné progressivement l'expulsion des populations autochtones qui habitaient « les zones les plus étrangères aux conceptions occidentales de gestion de l'espace » 1 comme les pasteurs nomades ou les chasseurs de forêts (Rodary E., op. cit.). Etaient donc concernés les pasteurs Maasai du Kenya et de la Tanzanie, les chasseurs-cueilleurs Iks du Nord-Est de l'Ouganda, les Batwa forestiers du Rwanda et du Burundi, sans oublier bien sûr les autres acteurs locaux qui exploitaient les différentes zones mises en défens. Les systèmes législatifs et juridiques sont alors mis en place pour la protection des zones protégées.
Dès l'avènement des indépendances, les autorités des Etats indépendants ont pris les choses en mains en gardant le système de protection laissé par leurs anciens maîtres, car la pratique était jugée économiquement rentable et politiquement efficace suite, d'une part au développement de l'industrie touristique depuis les années 1960, et d'autre part au contrôle de toutes les populations du pays. C'est ainsi que tous les pays (chacun selon les potentialités touristiques dont il dispose) ont compris que l'aménagement des zones touristiques pouvait être l'un des piliers de l'économie nationale. L'accent a été mis sur la création des réserves de chasse (Game reserves) et le développement de la photographie animalière. Pour y arriver, les espaces protégés existants ont fait d'abord l'objet d'une protection assez sévère grâce au renforcement de la législation en la matière, puis les gouvernements en place ont procédé à la
création d'autres sanctuaires d'animaux dans leurs pays respectifs. Ceci a eu comme conséquence la nouvelle expulsion (souvent musclée) des populations locales. Les aires protégées avaient ainsi une dimension de plus en plus économique (au profit du seul acteurEtat) qui laissait peu de place aux considérations strictement écologiques des conservationnistes classiques.
Sur le côté humain, les apports sociaux étaient médiocres compte tenu de la situation dans laquelle vivaient les populations chassées de leurs terres ou celle des populations qui vivaient aux alentours des espaces protégés où le problème de manque de terres cultivables devenait de plus en plus cruel. Cette dépossession territoriale a entraîné une certaine désarticulation des systèmes socio-économiques des communautés autochtones ci-haut mentionnées en les exposant aux problèmes de vulnérabilité. En signe de mécontentement, ces populations se livraient de temps en temps aux actes de vengeance (braconnage, défrichement des forêts, les feux de brousse, etc.) aux conséquences écologiques énormes. Il faut noter ici que la période des années 1970-1980 a été caractérisée par une diminution épouvantable de certaines espèces animales (éléphants et rhinocéros en particulier) dans plusieurs parcs est-africains suite à une implication soutenue des populations locales aux actes de braconnage.
Par ailleurs, depuis les années 1990, sous l'influence des résultats satisfaisants des programmes CAMPFIRE (Zimbabwe) et ADMADE (Zambie) en matière de gestion participative de la faune sauvage, les pays de l'Afrique orientale, le Kenya à la tête, ont désormais compris qu'une bonne gestion des ressources naturelles ne pouvait se passer de la participation des communautés vivant aux alentours des espaces protégés. Soutenue financièrement en général par les pays riches anglo-saxons, cette nouvelle approche semble aujourd'hui donner un nouveau souffle à la politique de conservation dans ces pays en désamorçant des critiques parfois assez sévères à son encontre.
Cependant, les professionnels de la conservation dans ces pays affirment que les résultats de la politique en question laissent à désirer compte tenu de la misère dans laquelle vivent les populations riveraines des espaces protégés1. De surcroît, un grand écart existe entre les pays de l'Afrique orientale ex-anglaise où les efforts d'intégration des communautés rurales sont en cours depuis plus d'une dizaine d'années ( avec une légère supériorité de la politique kenyane sur les politiques tanzaniennes et ougandaises)2 et ceux de l'Afrique orientale ex-belge où la politique répressive excluant les populations locales à l'accès à certaines ressources est toujours à l'honneur comme en témoigne la récente transformation de la Réserve naturelle de Nyungwe (Rwanda) en parc national.
Quel que soit le résultat au point de vue socio-économique, il faut reconnaître que l'avènement de la politique de conservation intégrée en Afrique orientale ex-anglaise marque le bouleversement d'une organisation spatiale héritée de plusieurs années d'une politique répressive des autorités coloniales et post-coloniales, où la gestion des aires protégées était essentiellement une affaire entre l'acteur-Etat et les ONG de conservation de la nature alors que les populations locales ( les Maasai du Kenya et de la Tanzanie ou les Iks de l'Ouganda en particulier) se mordaient les doigts aux alentours des espaces protégés. A l'heure actuelle, un compromis semble être trouvé suite à cette prise en compte des intérêts des acteurs locaux
1 L'échec de cette politique est lié au fait que les ONG de protection de la nature pensent d'abord en termes de conservation avant de songer aux problèmes socio-économiques des paysans
2 La politique tanzanienne subit encore les séquelles de la politique « ujamaa » des années 1970-1980 tandis que la politique ougandaise, quant à elle, subit les séquelles des guerres interminables de la période 1972-1986.
au travers des différents projets intégrés de conservation et de développement mais beaucoup restent à faire pour qu'il ait une meilleure intégration de ces populations à l'instar de ce qui se passe en Zambie et au Zimbabwe. Parmi les réformes à faire, il faudra songer à la responsabilisation de ces communautés afin qu'elles aient une prise de conscience de la politique de conservation en cours. Pour y arriver, la politique administrative de décentralisation est la seule solution.
Pour ce qui est de l'Afrique orientale ex-belge, il faut dire que les efforts de participation locale à la gestion des aires protégées semblent inexistants au Rwanda tout comme au Burundi malgré la bonne volonté des nouveaux décideurs politiques au Rwanda depuis leur arrivée au pouvoir en 1994. A part l'amputation des 2/3 du Parc national de l'Akagera (y compris l'ancien domaine de chasse du Mutara)1 en 1995 dans le but de réinstaller les anciens réfugiés de 1959 venus d'Ouganda, on constate que la recherche des solutions alternatives aux problèmes des populations riveraines des aires protégées (les Batwa forestiers en particulier) se heurte à la rigidité législative nationale en faveur à la fois des intérêts économiques et écologiques de l'Etat et des ONG de protection de la nature puisque les aires protégées sont classées parmi les capteurs de devises octroyées par les pays occidentaux pour la promotion de la biodiversité (Mbuzehose J.B., op. cit.).
Dans ce contexte, Il faut rappeler que ce sont les intérêts des populations locales qui en souffrent puisque les autorités du pays prennent ces populations comme des braconniers qui peuvent d'un moment à l'autre freiner l'arrivée massive des touristes étrangers. C'est ainsi qu'elles procèdent à de nouvelles expulsions en vue d'éviter qu'il y ait des risques de faillite de l'industrie touristique du pays alors qu'elle constitue le troisième secteur pourvoyeur de devises étrangères (après le café et le thé) malgré son fléchissement actuel lié aux événements de 1994. Cependant, il est temps que les nouveaux décideurs du pays mettent les pendules à l'heure en adoptant de nouvelles approches qui prônent la prise en compte des intérêts des populations locales. Ce serait une décision « très amère » pour eux, mais « très sage » pour l'avenir de la politique de conservation dans le pays car elle permettrait à la fois de diminuer relativement la pauvreté des populations vivant aux alentours des aires protégées mais aussi de diminuer les dangers qui pèsent actuellement sur ces espaces comme le problème de pression démographique et les actes de vengeance à l'égard de la politique de conservation.
En ce qui concerne le Burundi, il faut dire que la politique en vigueur dans le pays n'est pas du tout favorable au bien-être des populations chassées de leurs terres lors de la récente création du Parc national de Ruvubu et les Réserves de Rumonge et de Vyanda. Comme leurs homologues rwandaises, les autorités burundaises sont aussi préoccupées en premier lieu par les intérêts liés au développement du tourisme dans le pays, sans se soucier aux problèmes auxquels sont confrontées ces populations. Or, il semble que l'ère de la politique coercitive en matière de conservation est entrain de prendre fin compte tenu de nouveaux changements qui s'affichent actuellement en Afrique australe et moins encore en Afrique orientale ex-anglaise en faveur d'une approche participative. Ce qui nous pousse à inviter les autorités de ce pays à faire la même chose afin qu'il y ait une gestion durable de peu de ressources dont le pays dispose. Une tâche qui sera difficile à réaliser parce que le pays est aujourd'hui confronté aux problèmes de conflits qui pourraient entraver toutes initiatives
1 Une décision qui n'a pas plu du tout les ONG de protection de la nature et certains pays occidentaux
de développement surtout que les aires protégées constituent les lieux de refuge des assaillants qui attaquent sporadiquement les zones habitées2 notamment la ville de Bujumbura.
A la fin de cette conclusion, l'on peut se pose la question de savoir si la politique de conservation participative est réellement plus efficace que la politique coercitive longtemps menée par les pouvoirs publics en Afrique de l'Est. La réponse est certainement oui, mais dans la mesure où cette participation locale permet aux acteurs locaux d'être considérés à la fois comme les gestionnaires et les bénéficiaires des ressources disponibles. Cependant, il faut reconnaître que seule la gestion participative ne suffit pas pour résoudre les problèmes liés à la politique de conservation en Afrique orientale notamment la pauvreté des populations vivant aux alentours des aires protégées. Elle nécessite, pour atteindre ses objectifs, un soutien important en provenance des autres secteurs de l'économie nationale. « Tant que persistera en effet la pauvreté, la gestion participative ne pourra que difficilement atteindre ses objectifs qui sont à la fois de préserver les ressources naturelles des aires protégées et de répondre aux besoins socio-économiques des populations riveraines. » (Zakane V., 1998)
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V. Sites consultés
www.ouganda.fr.st ( site du tourisme en Ouganda)
www.dree.org/ouganda/default.html ( site de l'expansion économique en Ouganda) www.sauvages-espaces.com ( site des espaces abritant les animaux sauvages au Kenya et Tanzanie)
www.grandslacs.net (Réseau documentaire international sur la région des grands lacs africains: Rwanda, Burundi, Kivu de la R.D.C.)
www.panda.org (site de la Commission mondiale des aires protégées/Union mondiale pour la nature)
www.menv.gouv.qc.ca [ site du gouvernement canadien (Québec) en rapport avec les aires protégées et leurs catégories]
www.kenyaweb.com ( site du gouvernement kenyan)
www.newafrica. Com (informations sur l'Afrique orientale et australe)