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L'Etat de droit: entre la domination et la rationalité communicationelle

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par Raphaël BAZEBIZONZA
Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius de Kimwenza - Maîtrise 2007
  

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CHAPITRE III : POUR UN ETAT DE DROIT

Le débat engagé avec Herbert Marcuse a mis en évidence une des caractéristiques essentielles de la pensée proprement politique de J. Habermas. Après avoir été identifiée et admise comme fait politique, la domination s'est finalement révélée être pour lui la figure d'un dérèglement, d'une distorsion dont l'émancipation demeure un enjeu à assumer, un défi à relever. La domination serait comme le pendant négatif d'un modèle idéal d'activité politique : l'action communicationnelle exempte de domination.

Eclairée par une étude historique, la réflexion politique de Habermas se trouvait engagée sur une nouvelle voie. Au-delà des aléas affectant la pureté de l'espace public et de l'opinion qui s'y exprime ou s'y manifeste, c'est le jeu entre une communication libérée idéale et l'Etat de droit à transformer qui apparaît au premier plan. L'interrogation va alors porter sur le poids et la place de ce concept ou de cette catégorie d'Etat de droit. Cette pensée passe, avant tout, pour Habermas, par l'élucidation du rapport entre le politique et le social. En effet, une théorie qui entend prendre pour objet la pratique humaine dans son ensemble doit se prémunir contre la tentation idéaliste qui la porte à négliger la confrontation avec les faits. L'exigence première serait donc de tenir ensemble, dans une réflexion politique, le contenu empirique des sciences sociales et le contenu théorique de la tradition philosophique. Cette exigence est le sens que prend pour lui le terme critique.

En partant de cette critique, nous nous proposons d'examiner les concepts de l'Etat de droit et de la démocratie, de manière à mieux appréhender les conditions principielles d'un Etat de droit, à savoir : le principe de légitimité démocratique, la politique délibérative, le principe de discussion et la démocratisation des discussions.

III.0. Le politique et le social

L'originalité du paradigme habermassien réside en ceci que Habermas renonce d'emblée à l'idée que le moteur de l'histoire, la quête de l'émancipation, serait le fait d'une classe sociale appropriée que sa situation d'opprimée placerait nécessairement du côté de la vérité pratique90(*). Habermas ne pense pas le mouvement de l'histoire selon une téléologie, comme s'il devait s'achever un jour, mais comme un mouvement permanent tirant sa dynamique de cet antagonisme dont est porteur le concept même de Bürger qui signifie en même temps bourgeois et citoyen. Nous le voyons clairement, Habermas renonce de façon catégorique au « sujet de l'histoire » pour comprendre l'histoire de la société moderne bourgeoise comme un processus alterne-interne d'auto-émancipation et d'auto-aliénation. Au fond, Habermas ne subsume plus le politique sous le social, il les unit indissolublement. Dans ce sens, la démocratie idéale ne se trouve plus dans un avenir faussement supposé meilleur dont la réalisation reviendrait à une fraction de l'humanité, elle est posée avec l'idée même de démocratie qui se suffit à elle-même. On ne peut donc plus séparer le politique et le social. Ils doivent simplement être discernés comme deux ailes toujours à l'oeuvre et simultanément présentes dans la réalité même de toute société démocratique. De fait, les mouvements sociaux sont donc pensés comme l'expression de crises politiques, et seules des solutions politiques peuvent résoudre les problèmes soulevés par les mouvements sociaux ; le politique est dans le social comme sa contre-factualité.

Comme on ne peut définir la démocratie comme « bourgeoise » par essence - la démocratie est démocratie, elle peut être plus ou moins formelle ou plus ou moins concrète, mais cela ne touche pas à sa définition -, le paradigme de Habermas décline également l'idée d'une science qui serait bourgeoise. Parce que, tout simplement, les sciences peuvent être détournées de leur intérêt pratique par d'autres intérêts, comme l'idéal démocratique peut être détourné et aliéné de la société démocratique. En fin de compte, il est clair que quand Habermas oppose à la « scientificisation » de la politique - au sens de la domination - la « politisation » de la science - au sens de l'émancipation -, il y a plus pour lui qu'un simple parallèle entre science et démocratie modernes ; elles doivent obéir au même intérêt pratique qu'il revient à l'autoréflexion de dégager et de faire valoir. C'est là aussi une originalité du paradigme habermassien. Mais allons à l'essentiel de notre questionnement. Que pouvons-nous entendre par Etat de droit ?

* 90 Son recours immédiat à l' « idéalisation » de la démocratie comme critère de la conscience politique démarque, d'entrée de jeu, Habermas de l'hégélianisme des anciens Francfortois pour le placer dans la sphère d'aspiration du kantisme.

Il demeure que sa conception jeune-hégélienne de la critique comme articulation habile et toujours précaire de la théorie et de la pratique fera qu'il gardera toujours ses distances par rapport à la déduction transcendantale - ce en quoi il s'oppose donc clairement à Appel.

Un passage de son « Compte-rendu bibliographique [...] sur le marxisme » (dans Théorie et pratique, Op. cit., p. 207-208) est à cet égard très éclairant et pour ainsi dire programmatique : « Kant [...] récuse que nous puissions prédire l'histoire. Car ce n'est selon lui possible que si « celui qui prédit prépare et accomplit lui-même les événements qu'il annonce ». Kant et Marx en concluent d'un commun accord qu'il sera impossible à la théorie pure de déterminer le sens de l'histoire tant que l'humanité, comme espèce, ne fera pas volontairement et consciemment son histoire ; c'est plutôt à la raison pratique qu'il revient de le fonder. Mais tandis que pour Kant la raison pratique ne fournit à l'activité morale de l'individu que des idées régulatrices et qu'il n'est donc possible de penser le sens de l'histoire que comme Idée sans qu'il présente pour autant quelque certitude pour la théorie de l'histoire, Marx établit cette certitude en posant que le sens de l'histoire peut être connu par la théorie dans la mesure où les hommes travaillent à le produire et à l'accomplir pratiquement. S'opposant à Hegel, Kant et Marx récusent l'un et l'autre qu'ils puissent connaître le dessein de la nature ou de la Providence par un recours transcendantal à la logique de quelque sujet que ce soit. Kant en reste à ce projet expérimental qu'est l'Idée d'une société cosmopolite, idée régulatrice dont il ne fait pas le présupposé de la connaissance de l'histoire réelle dans son ensemble. Marx, en revanche, fait de la volonté d'accomplir l'histoire la condition de possibilité de sa connaissance. Le sens du processus effectif de l'histoire se manifeste dans la mesure où ce qui est saisi comme le sens, dérivé par la « raison pratique », de ce qui, confronté aux contradictions de la situation sociale et de son histoire, doit être autrement, et dans la mesure où la théorie examine les présupposés de sa réalisation pratique. »

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand