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Le projet de la "mini-entreprise" répond t-il aux attentes, en termes d'apprentissage, pour ce type de public

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par Michel IGNASIAK
Université de Nancy 2 - Formation Continue - "TFA" Titre de Formateur d'Adultes "DTSU" Diplôme deTechnicien Supèrieur Universitaire 2009
  

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9.2 Le projet reste trop scolaire et prend trop de temps sur le parcours du stagiaire

Lorsque j'ai interrogé le responsable de la CCI, celui-ci semble parfaitement conscient des soucis d'organisation, tant pour les stagiaires que pour la formatrice. Il met en avant que ce projet est lourd et prend du temps à la formatrice et sur le parcours du stagiaire.

CCI : « il y a la mise en oeuvre, il faut pouvoir, articuler ce projet là, avec le dispositif, c'est-à-dire dans le parcours de formation du stagiaire, mais cela pose des problèmes en termes de timing, parce que, parce que, euhhh, c'est un projet qui prend énormément de temps, énormément de temps sur les heures du stagiaire, ça prend énormément de temps pour le formateur référent ». L 66-70

En effet, le temps est compté selon le responsable de la CCI, mais il me semble que le responsable éprouve des difficultés à parler du temps et de la mise en oeuvre, car aucune analyse de ce projet n'a été réalisée au préalable.

Tandis que la formatrice m'explique que ce qui pollue l'organisation et la mise en oeuvre du projet, c'est encore une fois toute la masse administrative car ce n'est pas concret pour les stagiaires de l'E2C, elle dénonce le fait que les stagiaires ne veulent plus faire comme à l'école.

Formatrice : « ...La masse administrative, par exemple, c'est difficile pour eux car ce n'est pas du concret. Ils savent qu'il faut passer par là, que c'est une étape obligatoire de la mini, mais le faire c'est autre chose, ça fait appel pour eux quand même à quelque chose encore de très scolaire finalement, hein ! Et ça, ils ne veulent plus de ça. Ils veulent tout de suite être dans le concret donc toutes ces phases administratives qui sont indispensables mais qui sont longues, elles sont difficiles à faire pour eux » L22-28

Finalement tous les stagiaires le disent : « c'est trop long et pas concret ». Ils considèrent l'administratif comme un poids et non concret dans ce projet. Ils voudraient passer directement à la fabrication du produit.

DA : « euhhh ben c'est pas comme quand on, enfin tant qui y a pas, tant quand fait pas le produit, c'est pas concret pour moi et aussi pour les autres enfin ouais c'est s'qu'on s'dit tous parce que euhh, beaucoup de monde le dit. C'est trop long, faut vraiment y croire, c'est ça l'truc. En plus le truc c'est que on gère pas vraiment euhhh de toute façon on peut pas sinon on se casse la binette ». L51-54

Le PDG dénonce également cette charge de travail qu'est l'administratif. Néanmoins il considère que pour lui ce n'est pas trop grave car il n'a pas beaucoup de papiers à faire. Or, c'est tout simplement qu'il ne lit pas vraiment les étapes et se repose sur les formateurs. A chaque fois que je lui demande s'il a fait le point sur ces étapes il me dit « non » mais qu'il allait le faire.

PDG : « C'est le papier, c'est la paperasse j'crois c'est pour n'importe quelle entreprise j'crois que c'est les papiers. Moi ch'sais qu'en tant que PDG dans la mini-entreprise j'ai pas tellement de papier à effectuer, mais j'vois par exemple le service administratif, que c'est vachement important quoi. Quand je vois le travail qui donne quoi ». L39-42

En même temps, la formatrice m'explique que les stagiaires de l'E2C ne sont pas comme des élèves en classe et qu'ils n'ont pas les mêmes rythmes et les mêmes méthodes de travail. Et cela représente un frein pour la mise en oeuvre.

Formatrice : « j'pense que ils n'y mettent pas l'investissement que quelqu'un qui est déjà dans un processus scolaire, qui est déjà dans un dispositif d'apprentissage quotidien, ils ont déjà des méthodes de travail, des habitudes de travail, des habitudes d'être dans des cours de 8h du matin à 18h, ces choses-là, nous, on les a pas ici, nos jeunes ici ne les ont pas. C'est aussi pour ça qu'ils sont là d'ailleurs et, ça pour eux c'est difficile ». L28-33

Puis elle pense que les stagiaires ne se sont pas approprié le projet, car ils n'ont pas compris.

Formatrice : «  alors moi je pense qu'ils ne se sont pas appropriés du tout le projet comme ça. Je pense que y eu donc la réunion d'informations qu'on leur a donné ici et les informations que j'ai eu moi, en amont, par le réseau sur la mini-entreprise. Y a eu ensuite la réunion avec la responsable qui fait partie « d'entreprendre pour apprendre » qui est venue expliquer réellement le fonctionnement de la mini, tous les enjeux etc aux jeunes et ensuite, c'est seulement à partir de ce moment-là qu'on a démarré la mini. Je ne suis pas certaine qu'ils se sont réellement appropriés le projet à proprement dit, je veux dire, l'histoire des étapes ils l'ont découverte au fur et à mesure du déroulement de la mini. Ils n'ont pas compris au moment où on leur a expliqué la mini, je pense, ils n'ont pas compris ça ».L43-51

La responsable EPA considère que les difficultés se retrouvent également dans les zones prioritaires, mais finalement elle reconnait que ce n'est pas la même approche avec les E2C

EPA : « On le retrouve, mais dans une moindre mesure, c'est vrai que cela se retrouve dans les zones prioritaires où les élèves sont à la limite du décrochage, mais,.........blanc, c'est vrai qu'ils ont, euhhh, entre parenthèse, la chance d'avoir toute l'année pour réaliser ce projet, tandis que les E2C, avec le système d'entrée et de sortie permanente, leur stage en entreprise qui dure 3 semaines, euhhh, c'est pas euhhh, comment dire, c'est pas la même approche. En fait, on ne peut pas vraiment comparer ».L114-119

Je comprends désormais cet état de stress que j'ai ressenti lorsque j'ai rencontré la formatrice pour la première fois. Les étapes obligatoires du projet, me semble-t-il, relèvent plus du « déclaratif » que du « procédural » et ne conviennent pas aux stagiaires de l'E2C qui veulent du concret. Or, sans connaissance déclarative, le projet ne peut pas se faire. De plus, on voit bien que la formatrice s'inquiète de la mise en oeuvre du projet, elle observe ces jeunes se « dépatouiller » comme ils peuvent avec leurs stages, les cours et les étapes du projet qui finalement perturbent tout le monde. Ils veulent du concret tout de suite. La formatrice se trouve coincée entre l'institution qui lui demande de porter le projet au bout, et les apprenants qui finalement ont des difficultés à mettre en oeuvre la mini-entreprise. Je constate que les stages en entreprise, les cours, le projet mettent les apprenants en surcharge cognitive et la formatrice dans une angoisse permanente. Alors, il est difficile pour elle de ne pas faire à la place des apprenants. Car elle n'a rien demandée. C'est pour elle « du travail en plus » me dit-elle.

Formatrice : « Donc ça pose des difficultés de gestion de planning, c'est autant de temps passée là que l'on ne passe pas ailleurs, hein. Le travail de formateur, c'est un travail où l'on nous demande déjà beaucoup de choses, beaucoup de choses, et on a déjà du mal à faire toutes ces choses là dans notre temps impartie Alors euhh quelque chose qui prend autant de temps. Qui n'est certainement pas le cas dans un collège ou un lycée hein. A mon avis, les mini entrepreneurs sont beaucoup plus autonomes, parce qu'ils ne sont pas dans le même mode de fonctionnement ». L291-298

Le responsable de la CCI se rend bien compte que les difficultés sont énormes. Avant de parler d'apprentissage, il y a un travail d'adaptation au projet me dit-il.

CCI : « le fait qu'on soit contraint sur une démarche pédagogique qui soit très ficelée, ça nécessite de s'adapter d'abord à la méthodo proposée, ensuite de la réadapter, donc, il y a tout un travail par rapport à ça, et ensuite de la mettre en oeuvre c'est aussi un gros boulot pour le formateur ». L73-76

Sauf que la formatrice ne peut pas tout faire comme elle le dit plus haut. J'ai l'impression que le projet ressemble à une « patate chaude ». Chacun donne sa vision et chacun doit se débrouiller avec. De plus, la responsable EPA pense, outre que l'alternance pose problème dans la mise en oeuvre du projet, mais que les stagiaires ont également des problèmes d'égo et donc l'organisation s'en fait ressentir :

EPA : « Moi ce que j'ai pu voir dans les autres E2C, c'est qu'il y a un gros problème d'égo de la part de certains stagiaires. Quand l'un propose une idée et que l'autre n'est pas d'accord, euhhh, et ben voilà, euhh le stagiaire dit j'arrête le projet, euhh, ils le sentent à chaque fois comme une agression, le fait que les autres ne valident pas, ça crée des conflits entre eux. Voilà, euhh il y a vraiment une crainte de la part de certains de se faire rejeter par le groupe, alors certains préfèrent quitter avant de se faire rejeter par le groupe. Et donc j'ai des groupes comme ça, qui se sont amenuisés comme une peau de chagrin à une vitesse grand V. Un autre groupe, par exemple, s'est complètement dissous, parce qu'une partie du groupe voulait imposer une idée de produit, du coup le reste du groupe a abandonné le projet. J'avais beau leur dire qu'il ne fallait pas prendre cela comme une agression, mais rien n'y faisait, mais voilà, ils le vivent comme une agression personnelle et c'est vrai qu'il y a beaucoup de paramètres comme ça qu'il faut gérer »L88-99

Ces remarques montrent bien finalement que ce projet n'a pas été réfléchi, c'est un projet dans la théorie, mais pas dans la pratique, en ce qui concerne les E2C. Il est difficile pour les apprenants, et ce dans ces conditions, de mettre le projet en oeuvre et de se l'approprier. Les obstacles que sont les stages en entreprise, les cours au Centre et le projet trop lourd à gérer, font que ce projet est un calvaire pour chacun d'entre eux. Certes, ils se sont portés volontaires pour ce projet mais il ne provient pas d'un besoin32(*) identifié « Le projet lui-même est le résultat d'un besoin, d'un désir, c'est-à-dire d'un intérêt mais aussi d'une confiance en soi et dans les autres », ils n'ont pas mesuré l'investissement qu'ils allaient devoir faire. Ils ont pris cela comme une activité de plus, et non pas comme un réel apprentissage. Or, l'institution n'a pas tenu compte des conditions dans lesquelles les apprenants pouvaient réaliser ce projet. Pourtant, elle en était consciente, car l'E2C a un fonctionnement très réglé avec des objectifs quantifiés et temporels pour le parcours des stagiaires, et qui ne laisse pas beaucoup de place pour un projet de ce type. (Voir contexte). De plus, le fait que la masse administrative, qui plus est, est compliquée pour les stagiaires, pollue le projet, montre également que l'institution n'a pas tenu compte des pré-requis. Face à ces difficultés, je ressens une démotivation de la part des stagiaires. A partir de ces entretiens, je me demande, comment les apprenants peuvent apprendre ? Et qu'apprennent-ils vraiment ? Quels sens donnent-ils à ce projet qui se veut comme une situation de travail formatrice? Dans l'ouvrage : « Pédagogie de l'alternance »33(*) les auteurs nous disent à propos du sens : « qu'il y a trois conditions majeures à l'attribution du sens »: 

« Voir le résultat de son action comme contribution à la procédure globale »

« Etre reconnu comme appartenant à l'entreprise (au projet)

« L'intérêt intrinsèque du travail »

* 32. Extrait du magasine de science humaine hors série n°12 page 41Thème : Apprendre à apprendre.

* 33 Pédagogie de l'alternance. 1999. page 70HACHETTE éducation 95 pages

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci