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Les comportements des élèves du lycée technique de Ouagadougou face au dépistage VIH volontaire

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par Pascal Louis Germain COMPAORE
Université de Ouagadougou - Maà®trise de sociologie 2006
  

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CHAPITRE IV Les déterminants au dépistage et leurs influences

Le choix de comportement développé par nos enquêtés peut être rendu compréhensible par la mise en évidence de déterminants dont la vulnérabilité de l'élève et les interactions favorables dans le cadre familial ou celui des pairs.

IV-1-La vulnérabilité

La biographie sexuelle, vulnérable ou non vulnérable par la présence ou l'absence de rapports sexuels protégés ou non protégés influence le choix de comportement.

1V-1-1- Les influences de la biographie sexuelle non vulnérable

L'absence de tout rapport sexuel dans la biographie sexuelle peut rendre la nécessité du dépistage injustifiable à cause de la très forte connotation sexuelle de l'infection. En effet, parmi les élèves qui n'ont pas fait le test de dépistage, comme le rapporte Ahmed (Président du cercle de relais sida au LTO), «il y en a qui disent carrément qu'ils ont un comportement normal, ils n'ont pas à s'en faire. Ce qui est sûr ils savent qu'ils ne sont pas atteints ; et ils ne sont pas atteints parce qu'ils n'ont pas eu d'approches sexuelles. Donc ça fait qu'ils préfèrent ne même pas venir. »

Ce discours, rapporté, est effectivement celui que présentent certains réticents dont la biographie sexuelle est vierge de tout rapport sexuel. C'est cela qui est clairement exprimé par Carine (18 ans, protestante, 1ère G2, réticente) qui bannit toute possibilité de contamination par la voie sexuelle :

« Dès le début, j'ai été catégorique. Je lui [son amoureux] ai dit ce que j'avais choisi comme méthode pour éviter... c'est pas seulement pour éviter le sida et les IST ! Je pense qu'en faisant cela [rapport sexuel] avant le mariage, cela va porter atteinte à ma paix intérieure. Donc, on ne parle même pas de ça. C'est à bannir. Je suis sûre à 99% que je ne suis pas atteinte. »

Il apparaît alors qu'une fois la principale voie d'infection bannie, le risque comme probabilité d'infection en fonction de la vulnérabilité sexuelle, est quasiment nul. Une «légitime assurance » certaine contre le VHI est alors développée, rendant du même coup le dépistage sans nécessité : en effet, pourquoi chercher à connaître sa sérologie si «l'on sait » déjà qu'on n'est pas infecté ? C'est alors que le but proposé par le dépistage devient nul.

La réduction de l'infection au seul aspect sexuel de la transmission peut donc développer un refus du dépistage. La nature de ce refus est une altérité négative consistant ici à se disculper. C'est ainsi que Carine (18 ans, protestante, 1ère G2, réticente) poursuit en ces termes :

« En tout cas, ce qui est sûr je ne me soupçonne pas (rire). Je veux dire que je n'ai rien fait qui puisse me donner le sida. Donc, je ne me soupçonne pas d'avoir le sida. C'est pour cela que je ne suis pas allée faire. »

En se réfugiant derrière cette altérité négative `de refus', en fait, le contentement n'est pas uniquement de se «blanchir » mais aussi et surtout de culpabiliser la sexualité de «l'autre » :

« Tu sais ce que tu as fait avant d'aller faire le dépistage. Donc moi je sais ce que j'ai fait ; je ne suis pas pressé d'aller faire le dépistage »,

insinue Bernard (18 ans, protestant, 1ère E, réticent).

« L'autre », celui qui accepte de se faire dépister, c'est alors celui qui reconnaîtrait sa vulnérabilité par la sexualité. Ce témoignage de Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie, adhérent) confirme cette altérité négative présente chez les réticents immaculés de rapport sexuel :

« A voir la manière dont le gars il explique les choses, que lui il n'est pas une personne qui drague les filles, qui a des rapports sexuels avec des filles, lui il n'a jamais des rapports sexuels avec des filles... Il veut faire comprendre seulement que lui il n'a pas de rapports avec les filles donc il ne peut pas être atteint. »

L'absence de rapport sexuel dans la biographie sexuelle est un déterminant au dépistage sous-tendu par une altérité négative qui accuse la sexualité de l'autre comme la justification de son adhésion au dépistage.

Mais le cas inverse peut se produire. En effet, si la biographie sexuelle vierge peut entraîner le refus, elle peut être à l'origine aussi d'un comportement d'acceptation du dépistage. Ce cas est le plus observé parmi les adhérents. Ce comportement d'adhésion se trouve également soutenu par une altérité négative dont l'expression est l'envers de l'altérité négative conduisant au refus. Alexis (22 ans, catholique, 2ème année comptabilité, adhérent) en donne l'essence par ce propos :

« J'étais confiant. Je ne peux pas dire à 100% mais j'étais sûr que j'étais séronégatif. Là où je pouvais douter, c'était concernant les objets souillés ;mais sinon, jusqu'à présent je n'ai pas encore connu de rapports sexuels. Ce qui me mettait en confiance, qui me poussait en tout cas à faire le dépistage. »

L'altérité négative d'adhésion confère donc la même «légitime assurance » contre l'infection. L'absence de vulnérabilité sexuelle inhibe aussi presque

totalement le risque et tout comme dans le cas de refus, l'altérité négative d'adhésion accuse également «l'autre » d'être vulnérable sur le plan sexuel et donc ayant une raison nécessaire de refus :

« Moi j'ai fait mon test ! moi j'ai pas peur là. ! C'est parce que tu sais que tu as fait quelque chose que tu as peur. Il y a des élèves qui ont refusé de faire » ,

accuse clairement Assita (20 ans, musulmane, terminale E, adhérente) .

` Je suis confiant', `je n'ai rien fait', `je n'ai rien à me reprocher', `mon coeur est blanc' sont autant d'expressions d'accusation qui se relèvent dans les deux cas de l'altérité négative. Il se crée alors comme un paradoxe de l'altérité négative :dans le cas de refus, l'altérité négative consiste en ceci : « ceux qui vont faire le dépistage ont un motif de doute qui est leur vulnérabilité sexuelle. Je n'ai pas eu de relations sexuelles, donc je ne vois pas pour quelle raison je ferai le dépistage » ; au contraire, l'altérité négative d'adhésion affirme ceci : « Il n'y a pas de raison que je refuse le dépistage puisque je n'ai pas eu de relations sexuelles. Ceux qui refusent le test se reprochent leur vie sexuelle ».

En réalité, ce qui apparaît comme un paradoxe ne l'est pas. Il s'agit plutôt de l'expression unique et totale de l'accusation (II-2-2). Comme on peut le constater, l'accusation de déviance sexuelle apparaît clairement et de façon réciproque entre élèves adhérents et élèves réticents. Ce qui nous permet de conclure de façon réaliste que l'accusation spontanée de la sexualité de «l'autre », perçue par les élèves et mise en oeuvre par eux également, est le reflet exact de la perception populaire prégnante dans la société.

En dernière analyse, nous constatons que parmi les élèves qui présentent une biographie sexuelle non vulnérable, les adhérents au dépistage ont un âge oscillant entre 18 ans et 22 ans avec toutefois une concentration de l'âge entre 20 et 22 ans. En observant l'âge de la minorité non vulnérable réticente au dépistage, il varie entre 17 ans et 21 ans avec une concentration entre 18 ans et 19 ans. La tendance globale est donc que les adhérents non vulnérables sont plus âgés que les réticents. L'altérité négative caractérisant le refus se lie donc beaucoup plus à la jeunesse des enquêtés. Au contraire, l'altérité négative caractéristique de l'acceptation semble plus le comportement des plus âgés.

1V-1-2- Les influences de la biographie sexuelle vulnérable

La vulnérabilité sur le plan sexuel ôte à l'élève la «légitime assurance » contre le VIH au contraire des cas précédents. La perte de cette «légitime assurance » se comprend aisément, la voie sexuelle se présentant comme le principal mode de transmission. Le risque prend ici une valeur probable non

nulle, peu élevée ou élevée ; et plus le risque sera évalué grand moins l'élève vulnérable se sent assuré.

A ce titre, le cas d'Amadé (19 ans, musulman, 1ère G2, réticent) illustre à souhait cette influence de la vulnérabilité. Il a déjà eu des relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires :

« Parfois c'est dans les show comme ça, moi je suis un jeune, je m'intéresse au show. Donc parfois dans ça, c'est des amies du quartier, on se rencontre, on échange, on finit par s'engager dans la chose. Elles n'ont jamais dit qu'elles auraient dû avoir des relations sans être protégées mais moi particulièrement ça me venait instinctivement comme ça d'avoir des relations [sexuelles] non protégées. Mais maintenant, j'ai vraiment pris position pour ne pas risquer »,

raconte-t-il.

L'influence de cette vulnérabilité due au multipartenariat sexuel, et aggravée par la non protection des rapports sexuels se fait sans appel pour Amadé qui poursuit :

« C'était la peur. Je me disais que je n'allais même pas faire le test jusqu'en ce moment. Le fait d'avoir eu des rapports sexuels parfois protégés, parfois non protégés, il y avait la crainte, la peur même tout en sachant que c'est une maladie fatale. »

Ce même cas est celui d' Awa (19 ans, musulmane, terminale G1, réticente). Elle a eu son premier rapport sexuel à 17 ans et a déjà connu deux partenaires sexuels et avec le dernier, la protection n'a pas été observée. Elle confie :

« Je ne suis pas confiant. J'ai eu une aventure non protégée avec quelqu'un qui n'est pas vraiment du tout conseillé. Je parle parce que j'ai appris que la personne n'était pas... C'est quelqu'un qui n'est pas du tout tranquille, qui a beaucoup de relations avec les filles ; le genre de pas du tout conscient pour ne pas dire dangereux. »

La vulnérabilité sexuelle ne met donc pas l'élève dans une position d'être motivé de faire le test VIH car le risque prend une valeur probable élevée. C'est ce que ce témoignage d'Alexis (22 ans, catholique, 2ème année comptabilité, adhérent) achève de convaincre :

« Par exemple l'année passée, parmi mes amis, certains ont refusé de faire le test soi-disant qu'ils avaient eu des comportements à risque et cela ça ne les mettait pas dans une position d'être motivés de faire le test. Le plus souvent, ce sont des rapports sexuels non protégés et avec des personnes que ces personnes considèrent douteuses. »

La présence de la vulnérabilité sexuelle peut conduire au refus du dépistage. L'élève perd la « légitime assurance» conférée par la non vulnérabilité sexuelle. Mais, en dépit de leur vulnérabilité sexuelle, certains enquêtés ont accepté le dépistage.

Ces cas observés ne sont pas nombreux. En outre, d'une part il s'agit d'élèves ayant bénéficier d'interactions favorables et d'autre part, il s'agit tous de rapports sexuels protégés qui n'enlèvent donc pas totalement à l'élève sa «légitime assurance » contre le VIH. La valeur probable du risque dans ce cas est peu élevée. Le dépistage fonctionne alors comme un moyen de recouvrer sa «légitime assurance» en éliminant un doute minimal, jugé quelconque. Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1, adhérente) confie à ce sujet :

« Il n'y a pas ce jour-là où on a fait [des rapports sexuels] sans préservatif »,

et elle poursuit :

« Chaque jour on voit à la télé, dans ce pays, il y a tant de séropositifs, partout on parle de sida ; je me suis dit pourquoi ne pas aller faire ton test pour voir ce que ça va donner parce que on n'en sait jamais. J'ai fait et puis je suis séronégative, donc ça me permet de positionner sur quelque chose de précis. »

On peut aisément remarquer qu'elle voulait se rassurer en éliminant définitivement tout doute sur la question de son statut sérologique. C'est ce même besoin d'extirper le doute qui a conduit aussi Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème année CAS, adhérente) au dépistage :

« En fait, je me suis dis : même si je me protège, peut-être que j'ai pu l'avoir comme ça. Donc ça fait que je voulais être sûre de moi. »,

déclare-t-elle.

La vulnérabilité due aux rapports sexuels non protégés peut influencer négativement et conduire au refus du test. Le risque est évalué élevé par le sujet qui s'exclut de ce fait de l'aire de toute assurance. Mais en situation de risque évalué peu élevé, (situation de moindre vulnérabilité évidemment) l'acceptation du dépistage apparaît comme une réassurance.

En examinant le comportement des élèves vulnérables en fonction de leur âge et de leur sexe, les tendances observées sont inverses aux cas des élèves non vulnérables. En effet, les expériences vulnérables apparaissent plus dans la biographie sexuelle des filles que des garçons. Concernant l'âge, celui des réticents vulnérables varie de 18 ans à 22 ans avec une concentration entre 19 ans et 21 ans alors que l'âge des adhérents vulnérables court entre 18 ans et 20 ans. En situation de vulnérabilité, les plus jeunes adhèrent alors que les plus âgés refusent le dépistage.

Les facteurs favorisant cette vulnérabilité sont multiples et divers. Les espaces sociaux des rencontres entre filles et garçons sont préférentiellement le lycée et le quartier sans un marquage de disjonction entre ces deux espaces car les

réseaux de sociabilité les lient. C'est cet emboîtement des espaces de rencontres que livre le discours de Djénabou (20 ans, musulmane, 2ème CAS, adhérente) qui a rencontré son amoureux par l'entremise du frère de celui-ci qui fréquentait la même classe qu'elle:

« On s'est rencontré dans le quartier! Je faisais la même classe que son petit frère, donc je partais chez eux, chez son petit frère quoi! Là il m'a vue... c'est comme ça.. »

Les circonstances prisées par les élèves pour leurs expériences amoureuses sont les sorties en boîte de nuit, aux projections cinématographiques, et les nuits culturelles des lycées. Valérie (18 ans, catholique, 1ère G1, adhérente) rapporte:

« On est sorti, on est parti à la projection cinématographique de notre école; et on est allé en boîte tout dernièrement le 27 [avril 2005] à côté »

Par rapport à l'origine sociale des élèves vulnérables, nous ne pouvons qu'affirmer prudemment qu'elle peut constituer un facteur déterminant de vulnérabilité; en effet, le multipartenariat sexuel tout comme la non protection des rapports sexuels sont des comportements présents aussi bien chez des élèves d'origine sociale assez aisée que chez des élèves d'origine sociale moins aisée. En revanche, l'origine sociale assez aisée détermine chez les garçons le choix de l'espace où ont lieu les rapports sexuels. Issouf par exemple habite à la cité AN III mais pour ces expériences sexuelles, il les vit chez ses amis qui ont leurs chambres à l'extérieur du bâtiment des parents.

. « Moi je suis à la cité AN III. Là-bas, bon! Dans les immeubles, pour amener une fille à l'intérieur, c'est un peu compliquer »

. « Rarement [les rapports sexuels] en famille! De fois chez des copains, des amis qui habitent en famille mais leurs chambres se trouvent un peu à l'écart des parents quoi! »

. « ça se passe la plupart du temps la nuit. On sort du maquis et puis on revient là-bas. Ça fait que les parents sont couchés, soit peut-être ils ont voyagé. Ça fait que les parents ne sont jamais au courant. » Issouf (20 ans, musulman, terminale E, adhérents)

De même, Osée habitant la cité 1200 logements à vécu sa première expérience sexuelle chez un de ses amis dont la chambre est extérieure au bâtiment des parents:

. « Il se trouvait que bon! jusqu'à, c'est l'année passée seulement que j'ai eu ma propre chambre. Donc, je n'avais pas de chambre, au fait ma chambre était à l'intérieur de la grande maison! Donc pour passer avec une fille la nuit et puis entrer, ç'allait être trop dur. Donc je suis allé chez un ami (...)qui a une chambre à l'extérieur. »

A parler proprement de l'utilisation du préservatif, il y a chez certains élèves une persistance de comportements sexuels (rapports sexuels) sans protection. C'est par exemple le cas d' Awa qui a déjà eu plusieurs rapports sexuels sans protection:

. «Bon! Quelquefois, quelquefois mais bon! Une fois en passant quoi! Mais c'est arrivé, c'est ... c'est pas arrivé volontairement. C'est arrivé comme ça seulement quoi! Ça n'a pas dépassé deux à trois fois. » ( Awa, 19 ans, musulmane, terminale G1, réticente)

reconnaît-elle.

Cependant, d'autres semblent catégoriques sur la question et n'envisagent pas des relations sexuelles non protégées. Natacha affirme qu'elle romprait sa relation amoureuse si l'utilisation du préservatif n'en est pas le " credo". Elle confie:

. « Il n'a pas intérêt à se plaindre hein! [d'utiliser le préservatif] Mon type, tu te plains on se laisse hein! Moi je ne vais pas risquer ma vie : on se connaît à peine 9 mois, on ne peut pas se permettre de faire des choses comme ça [rapports sexuels non protégés] . » (Natacha, 20ans, catholique, terminale G1, réticente)

Toutefois nous pouvons penser, en ce qui la concerne, que sa prise de position catégorique s'affaiblira avec le temps en fonction de l'accroissement de son sentiment amoureux ( KOUAMA Théodore : 2002). Effectivement, la raison qu'elle avance pour son comportement d'utilisation stricte du préservatif semble se fonder sur le temps (connaissance à peine de son partenaire) qui n'implique pas la connaissance de l'état sérologique.

Le multipartenariat sexuel et les rapports sexuels non protégés sont des comportements qui persistent chez certains élèves d'où leur plus grande vulnérabilité face au VIH/SIDA qui les conduit au refus du dépistage.

1V-2- Les interactions influentes

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo