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La chronique de Philippe Mousket

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par Thibault Montbazet
Université Paris-IV Sorbonne - Master dà¢â‚¬â„¢histoire médiévale 2011
  

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2) Le prologue et les raisons invoquées

Nous avons déjà pu citer abondamment le prologue 3 qui, même si structuré par des topoi, renseigne souvent dans les oeuvres médiévales sur les raisons d'écriture. L'auteur se place en effet sous une autorité, dont le choix n'est pas anodin, ou parfois plus franchement sous un patronage. Puis il évoque lui-même ce qui l'a poussé à écrire.

1 Cité par A. Gourevitch, op. cit., p. 129.

2 B. Guenée, Histoire...op. cit., p. 321.

3 Voir en annexe 2 pour le texte intégral du prologue, p. 129.

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Chez Mousket, on a vu le rôle qu'il endosse de médiateur entre la source et le public, se contentant de traduire sans rien omettre ni ajouter. Cette source est constituée des « livres des anchiiens » (v. 7) de l'abbaye de Saint-Denis. Le choix de Saint-Denis est important. Il atteste d'abord de la volonté de Philippe Mousket de se placer dans une tradition idéologique particulière, celle des Capétiens ; en outre, il montre qu'au XIIIème siècle, même le plus au Nord du royaume de France, l'abbaye de Saint-Denis apparaît comme le réservoir mémoriel par excellence, l'autorité sous laquelle l'historien peut trouver refuge. La mention d'un patronage aurait pu être utile. Mais Mousket affirme que c'est « Sans proiières et sans coumans » (v. 12) qu'il s'est mis au travail. L'idée est cependant intéressante : c'est en pur amateur qu'il écrit, ce qui l'éloigne d'une influence idéologique nette, littérateur indépendant choisissant de rimer une histoire qui, selon lui, ne le fut jamais. Que le chroniqueur mette en avant la traduction et la rime atteste bien de la revendication d'un certain public. Il s'agit pour lui d'élargir l'histoire savante, érudite et latine à un public francophone, sensible aux codes de la littérature épique et courtoise. Cette volonté didactique est affichée par l'idée, courante dans les prologues, que celui qui sait ne doit pas cacher sa science afin d'édifier ses lecteurs :

Car ki bien set si doit bien dire, Et des biens à ramentevoir

Conquiert on proaice et savoir1.

Edification parce que l'histoire est, on l'a dit, école de vie. Elle « Tiesmougne les maus et les biens » (v. 8) et apprend par l'exemple. Elle est aussi mémoire, et Mousket insiste sur l'importance de la transmission dans un monde où :

Ne de biel conte ne d'estore Ne set nus mais faire mémore2.

Philippe Mousket n'oublie pas son public. L'histoire c'est aussi des histoires, « bieles » de surcroît. Il se désole qu'aujourd'hui on ne paye plus les conteurs et que :

1 Reiffenberg, op. cit., v. 16-18.

2 Ibid., v. 36-37.

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Poi de gent est ki voille oïr Son n'estore pour resgoïr1

C'est ici que le choix de la rime prend tout son sens : il s'agit de mêler l'Histoire, leçon de vie, exemple, récit du passé, aux histoires, rêveries littéraires et fantasmes de trouvères. Que l'historien médiéval soit guidé, plus que l'historien moderne, dans son écriture par la volonté de démontrer, dénoncer ou avaliser une réalité, c'est certain. Mais il faut se garder à l'inverse de réduire l'action d'écriture à des stratégies purement politiques et rationnelles. Mousket, si des convictions que l'on cherchera plus loin à dégager ont assurément nourries l'écriture de sa chronique, revendique lui-même un rôle de conteur désintéressé. Il écrit, on l'a souligné plus haut, pour resgoïr2. C'est ce que du reste revendiquent d'autres historiens : Quintilien affirme le rôle de distraction et de divertissement du récit historique ; on a également évoqué plus haut Lambert d'Ardres décrivant Arnould de Guisnes se faisant lire des histoires du passé pour l'amuser et compenser ses échecs. A tout le moins l'importance donnée à l'édification dans son oeuvre visait-elle à proposer un miroir moral à ses contemporains. Etait-ce pour autant le résultat d'un réel constat de la décrépitude des moeurs et la volonté d'y apporter un remède ? Cette perspective n'a sans doute pas été définie strictement au préalable par une ligne et un programme cadres, mais se révéle au fur et à mesure comme grille de lecture de l'histoire : morale et divertissement charriaient en eux-mêmes leurs propres critères de vraisemblance, tordant la réalité dans le sens qui les arrangeait. En somme faut-il plus relever des paradigmes, que des opinions.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus