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Patrimoine hanséatique et emergence d'une région baltique : Brème, Gdańsk et Riga

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par Nicolas Escach
Ecole Normale Supérieure - Master STADE 2001
  

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2. Les représentations des acteurs publics et la Hanse

2.1 Les élus des institutions de la « Nouvelle Hanse » ou la suprématie du mythe

Ces élus défendent le plus souvent les réseaux construits sur un passé hanséatique. Ils sont adjoints au maire, chargés des relations internationales, membres des offices de tourisme ou élus travaillant pour l'agence marketing de la ville, pour le département de la culture ou du développement. Parfois, les maires eux même s'engagent dans la voie de ces réseaux. Ces élus peuvent en être eux-mêmes membres ou participer une fois par an aux « Journées de la Hanse ».

Afin de déterminer la position des élus soutenant les mouvements de la « Nouvelle Hanse »81 dans les villes de Brème, Gdansk et Riga, l'étude des discours des délégués de chaque ville au cours des « Journées de la Hanse » organisées par la « Hanse des Temps Nouveaux82 en 1997 à Gdansk et en

81 A prendre ici au sens large

82 Cette organisation Die Hanse der Neuzeit consiste en une communauté formée de 100 villes hanséatiques.

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2001 à Riga a été pour nous un outil précieux. Au cours de ces journées, les élus de ces villes mettent en scène l'idée d'une Hanse nouvelle. Riga et Gdansk participaient à ces journées mais pas Brème qui fait partie de peu de réseaux de coopération baltique.

Le discours de ces acteurs, utilisant la Hanse, cherche souvent à mettre en avant l'intérêt de la coopération à l'échelle régionale, de l'échange de compétence entre les pays les plus avancés (Scandinavie, Allemagne) et les nouveaux pays émergents (pays baltes, Pologne) afin de faire face à des défis à des échelles plus petites : la construction européenne et la mondialisation.

L'entrée de pays comme la Pologne ou les pays baltes dans l'Union Européenne et dans la mondialisation, ce qui suppose d'être capable d'attirer les flux et les investisseurs, n'est pas naturelle et a besoin d'être justifiée. La Lettonie par exemple, après la transition de 1990, a subi une importante crise financière (Wulff, Kerner, 1994). La devise nationale (Lats) connut une forte inflation qui perdure jusqu'à aujourd'hui (16.8% en 2008)83. Le pays a du faire face à une minorité russophone qu'elle a privée de ses droits de citoyenneté. En conséquence de cette privation, pour faire valoir leurs intérêts, certains russes ont été amenés à recourir à la corruption. Ces éléments, ajoutés à 45 ans de communisme expliquent l'image instable que dégagent ces pays aujourd'hui encore. Mais ce besoin de créer des contacts avec l'Ouest par la Hanse vient aussi de deux autres éléments : d'abord, l'impression d'avoir été détournés d'une Europe à laquelle ils avaient toujours appartenu et, ensuite, la peur de revoir après 1990 les autorités russes revenir (Jacob, 2004). Ainsi, les pays de l'ancien bloc de l'Est voulurent tisser des liens très étroits avec l'Ouest pour que leur crainte ne se réalise pas. La deuxième raison est la peur de rester une périphérie dans l'Europe qu'ils veulent rejoindre et le besoin de montrer à l'Europe la particularité et la spécificité de la Baltique en créant une entité régionale qui compte d'où l'initiative finlandaise de la « dimension septentrionale » (Blanc-Noël, 2002)

Le premier défi que doit affronter une partie non négligeable de la Baltique est donc la construction européenne. Celle-ci suppose un respect des règles de cohérence et de cohésion de l'UE. « La déclaration de Gdansk »84, montre comment ce défi peut être assumé par la construction régionale : « Les différences économiques mais aussi sociales entre les villes de l'Est, du centre et de l'Ouest de l'Europe sont encore très grandes. Afin d'abattre ces différences, de la force et du temps sont nécessaires. Pour réduire cet espace-temps, la Hanse doit, pas seulement en capital, investir dans la Hanse et en premier lieu dans le savoir et l'expérience » (...) les villes historiquement hanséatiques démontrent par là leur disposition à participer activement aux mesures prises par leurs gouvernements pour créer les possibilités les plus rapides à une intégration dans l'Union

Chaque année, l'ensemble des villes se réunit pour les « Journées de la Hanse» (ce qui fait référence aux anciens rassemblements des villes de la Hanse historique). Cette rencontre est l'occasion pour les délégués de chaque ville de siéger en assemblée plénière. Mais c'est aussi une véritable fête populaire.

83 Article du Monde « Les pays baltes font le deuil de leur " miracle économique " », Le Monde, Mardi 22 Avril 2008.

84 Document produit pour les « Journées de la Hanse » de Gdansk et signé par toutes les villes en 1997

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Européenne. »85. La Hanse n'offre pas seulement des moyens de rejoindre l'Europe mais également une légitimité à rentrer dans l'Europe. Il s'agit de rappeler l'esprit de la Hanse, sa vocation à la liberté, au capitalisme ou à la démocratie puis d'effectuer un transfert passé-avenir : puisque ces villes ont un passé riche en valeurs, elles peuvent mobiliser ces mêmes valeurs dans l'avenir. Ainsi les acteurs insistent sur le caractère européen de la Hanse à l'époque comme en témoigne la brochure-programme du Millenium de Gdansk : « Danzig, une ville tolérante et ouverte, développa une atmosphère particulière issue de la civilisation Ouest-Européenne qui s'est formée sous l'influence de différents éléments économiques, de moeurs et de tendances culturelles provenant de plusieurs nationalités et religions. Ici, se rencontrèrent et habitèrent des Allemands, des Hollandais, des Anglais, des Scandinaves et des Français ». L'idée que la Hanse serait un modèle pour l'Europe est même développée dans la littérature : Hartmut Schwerdtfeger s'interroge sur la Hanse comme Europe du Moyen-âge86 alors que Albert d'Haenens voit dans la Hanse un véritable moteur pour l'Europe : « Le monde de la Hanse est un des premiers prolongements de l'Occident (...) Les mémoires hanséatiques constituent une part indispensable à l'accomplissement des projets européens. Car, les projets fondateurs pour aboutir ont besoin de visées mobilisatrices. (...) C'est cela l'objet de ce livre : évoquer en quoi l'entreprise hanséatique est constitutive de l'originaire européen ; re-susciter, en somme, de quoi enraciner le projet occidental »87.

Dès lors, les acteurs mettent en avant le caractère central de leur ville à l'époque du Moyen âge. Gdansk et Riga, accueillant diverses influences, au croisement des routes hanséatiques, étaient au coeur de l'Europe. Par cette même transposition passé/futur, les villes hanséatiques deviennent centrales dans les échanges actuels. Il est ainsi possible de rapprocher deux phrases du discours d'ouverture des « Journées de la Hanse » de Riga mené par G.Bojars : « Au Moyen âge, avec l'aide de la ligue hanséatique, Riga devint une métropole régionale pour le commerce (...) Au vu de son importance politique, Riga est à n'en pas douter la ville leader des pays baltes »88 La tradition de tolérance de ces villes rassure les investisseurs et leur titre de métropole, dotée d'une situation centrale, les attire : la Hanse devient ressource dans une stratégie métropolitaine. Gdansk met aussi en avant cet objectif

85 Die Danziger Erklärung : « Die Wirtschafltichen und auch sozialen Unterschiede zwischen den Städten Ost-Mittel und Westeuropas sind noch sehr gross. Zum Abbau dieser Unterschiede sind viel Kraft und auch Zeit notwendig. Um diesen Zeitraum abzukürzen, sollte die Hanse nicht nur Kapital sondern auch und in erster Linie Wissen und Erfahrung in die Hanse investieren». (...) «Die historischen Hansestädte erklären in diesem Sinne ihre Bereitschaft zur aktieven Teilnahme an den Massnahmen der Regierung ihrer jeweiligen Länder zur Schaffung beschleunigter Möglichkeiten für die Aufnahme in die Europäische Union».

86 SCHWERDTFEGER, H. (2004), Op.Cit., pp.123, « Hat Brüssel als politisches Zentrum der Europaïschen Union etwas gemeinsam mit Lübeck, dem Machtzentrum der mittelarterlichen Städtegemeinschaft der Hanse?», « Est-ce que Bruxelles comme centre politique de l'Union Européenne a quelque chose en commun avec Lübeck, le centre de la communauté des villes médiévales hanséatiques ?»

87 D'HAENENS, A. (1984), L'Europe de la Mer du Nord et de la Baltique. Le monde de la Hanse, Paris, Albin Michel, pp 419-420.

88 SPARITIS. O., (dir), (2001), Conference of the XXI International Hanseatic Days, Riga, pp.9 : «Since the 13th century, the city of Riga has been a signifiant centre for the integration of the Baltic countries in the economic, political and cultural processes of Europe» (...) «For its political significance Riga undoubtedly is the leading city of the Baltic States».

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comme en témoigne le discours de Jolanta Murawska, membre du comité de pilotage ou Präsidium en 1997 : « Le business, aujourd'hui, n'est pas motivé par des considérations sentimentales ou historiques. Le sentiment ne peut être qu'un argument supplémentaire quand se présente un choix entre des offres équivalentes et des contractants équivalents. C'est vital donc, surtout dans des pays postcommunistes de créer une sorte d'environnement propice au business qui pourra servir à encourager les partenaires étrangers. Cela servirait l'intérêt des villes hanséatiques (...) qui ont toujours des difficultés considérables à trouver des investisseurs. Des partenaires de l'Ouest y trouveront des bénéfices en augmentant leurs projets d'expansion dans de nouveaux marchés, dans les futurs pays de l'UE ».89 Le contexte de globalisation revient très souvent dans les textes des élus de la « Nouvelle Hanse ». Lydia Coudroy de Lille montre avec l'exemple de £ód· comment la ville dans un contexte métropolitain cherche à retrouver ou reconstruire une identité capable d'être mobilisée ensuite comme ressource territoriale spécifique par les acteurs (Coudroy de Lille, 2005). Dans le monde instable de la globalisation, en somme, seule la constitution d'une société politique solide peut résister aux influences néfastes et transformer les flux de circulation en atouts économiques et culturels. La capacité d'autodéfense des sociétés métropolitaines est essentielle. Or cette capacité dépend de la force de leurs iconographies (Prévélakis, 1999). L'iconographie territoriale étant pour Jean Gottmann l'ensemble des symboles, des représentations, qui unissent un peuple et conduisent à la définition d'un territoire, étatique ou autre (Gottmann, 2007).

Deux questions viennent immédiatement à l'esprit au regard de ces définitions : comment les villes de Riga et de Gdansk peuvent trouver cette « spécificité » dont parle Lydia Coudroy de Lille dans une patrimonialisation de la Hanse commune à toutes les villes de la Baltique ? La ressource n'a-t-elle pas besoin d'être complétée (l'Art nouveau à Riga, l'Universum à Brème, Solidarnooeæ à Gdansk) ? Pour justifier l'entrée commune dans l'UE, certes, un projet commun régional est compréhensible mais dans un univers mondialisé ?

Pourtant, le principe de la « Nouvelle Hanse » est bien de monter en commun une forme d'univers culturel propre à attirer les investisseurs pour résister ensemble à la mondialisation. C'est autour de ce thème que se centre par exemple toute la communication du « Hanse Parliament » qui sur ses outils de communication montre comment l'échange de compétence et l'union font la force dans un contexte mondialisé. Ce travail de mise en valeur d'un univers culturel à des fins économiques dans un univers globalisé est bien celui des agences marketing des villes.

89 Discours de Jolanta Murawska realisé lors de l'ouverture des jours de la Hanse de Gdansk le 26 Juin 1997, prêté par Jolanta Murawska elle-même et intitulé : « The opportunities for working together within the Framework of the Hanseatic League » : « Business today is not motivated by sentimental or historical considerations. Sentiment can only be seen as an additional argument when it comes to a choice between equivalent offers and contractors. It is vital therefore, especially in postcommunist countries, to create the kind of business environment which will be effective in encouraging foreign partners. This will serve the interests of those Hanseatic towns» (...) «which still have considerable difficulty in finding investors. Western partners would also benefit by increasing their prospects for expansion into new markets in the future EU countries»

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