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Rwanda, un génocide colonial, politique et médiatique

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par Mathieu OLIVIER
Université Paris 1 - La Sorbonne - Master de Relations Internationales et Action à là¢â‚¬â„¢Etranger 2013
  

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Ethnisme, héritage colonial à la base de la vision moderne. Construction du Rwanda indépendant

Bien que l'étude porte principalement sur l'analyse du traitement médiatique, il est illusoire de chercher à le comprendre sans analyser plus profondément le contexte. Le clivage ethnique qui a mené au génocide est hérité du colonialisme. Ce dernier n'est pourtant pas l'unique responsable. Il a fallu qu'un certain nombre de facteurs contribuent à maintenir cette vision raciale au delà de l'indépendance du pays.

Il faut alors dissocier, sans pour autant les délier, les influences internes et externes qui ont poussé le Rwanda à se construire autour d'une catégorisation ethnique de la société. Cette explication est indispensable afin de saisir le tenants et les aboutissants du problème rwandais. Les médias français ne se sont pas faits le relais d'un colonialisme ancien mais ont continué d'interpréter, on le verra plus tard, les événements de cette façon. Pour une raison simple, c'est également de cette façon que les ont analysés les hommes politiques et notamment la cellule africaine de l'Elysée, mise en place, dans un premier temps, autour du fils du président, Jean-Christophe Mitterrand.

La décolonisation et la « révolution »

Penchons-nous toutefois sur le caractère interne de la question. Le maintien du clivage Hutu/Tutsi n'était pas inéluctable, explique Jean-Pierre Chrétien. « L'effondrement de l'ancien régime monarchique et le départ des colonisateurs auraient pu s'accompagner, au moins quelques années après la Révolution, de l'abolition de ces marquages raciaux d'un autre âge. La IIe République les a au contraire consolidés (...) en les reproduisant dans les nouvelles générations, dans l'esprit et dans la vie professionnelle de la jeunesse. »1(*)4

L'instrumentalisation politique d'un clivage ethnique fantasmé et hérité de la colonisation devient donc une hypothèse tout à fait pertinente pour expliquer la construction de l'état rwandais à partir de la décolonisation et de l'indépendance le 1er juillet 1962. L'ethnisme devient, des années 60 au génocide de 1994, de plus en plus présent dans les discours des acteurs politiques du pays. Il devient la « référence fondatrice du régime ».

Une fois encore, cependant, il est essentiel d'analyser l'action des colonisateurs, belges en l'occurrence. A la fin des années 50, l'élite rwandaise, Tutsi pour la plupart -puisque, on l'a vu, les Européens donnaient jusqu'alors prédominance aux Tutsi -, acquiert des velléités d'indépendance. Sentant le vent tourner, les Belges décident donc de changer de stratégie. Ils mettent en avant la soi-disant origine étrangère des Tutsi et l'exploitation des Hutu par ces derniers, qu'ils avaient pourtant eux-mêmes contribué à renforcer.

C'est le début du renversement. De 1959 à 1962, des massacres de Tutsi vont avoir lieu, sans que les autorités coloniales belges interviennent. Ceux-ci vont mener, avec l'appui également de l'Eglise catholique, à la révolution, au renversement de la monarchie puis à l'indépendance. Le Rwanda indépendant est donc né dans le sang des massacres de Tutsi, qui vont d'ailleurs se poursuivre, notamment en 1963. A l'époque déjà, certains observateurs parlaient d'actes génocidaires.

« Désigner un bouc émissaire, en l'occurrence la population civile Tutsi, est éminemment politique. C'est une vieille recette usée jusqu'à la corde par les populismes et les fascismes européens. Les deux républiques hutu successives, la première dominée par des Hutu du centre, la seconde par des Hutu du nord, se sont largement servies de cette « arme de manipulation massive ».1(*)5

En effet, pour les gouvernements des deux républiques, la manoeuvre avait deux avantages. D'abord, elle permettait d'occulter les véritables problèmes sociaux du pays, voire de les imputer à une population. Le gouvernement ne peut donc être tenu pour responsable. Ensuite, elle permet de susciter l'adhésion d'une certaine partie de la population. Nombre d'intellectuels Hutu notamment ont ainsi profité de l'éviction de Tutsi pour monter en grade. Ils deviennent par la même occasion un soutien au régime.

« La vision racialiste des colonisateurs a fini par être totalement intégrée par les intellectuels rwandais et certainement beaucoup moins par le menu peuple. Si les dirigeants pouvaient organiser périodiquement des séries de pogromes antitutsi en exacerbant la haine ethnique, c'est parce que nombre d'intellectuels Hutu l'acceptaient et trouvaient là le moyen d'entretenir leur conviction et leur bonne conscience. Ce sont en effet ces intellectuels qui bénéficiaient de l'exclusion des Tutsi de la compétition pour les postes administratifs. »15

Le processus de construction de l'état rwandais, au début des années 60, n'a donc pas fait suite à un rejet du clivage imposé par les colonisations successives. L'indépendance a au contraire cristallisé cette différenciation, en l'inversant totalement. Ainsi, « le paradoxe du « 1789 rwandais » est d'avoir consolidé ces « ordres » en permutant leurs indices de valeur, au lieu de les abolir. »1(*)6 Ce qui ressurgit évidemment dans les discours des leaders politiques, censés s'émanciper de la colonisation.

Alors même que le pays tente de liquider l'héritage colonial, il se construit sur l'un de ces legs les plus prégnants. « Grégoire Kayibanda, leader de cette révolution, ne cachait pas que son objectif était de « restituer le pays à ses propriétaires, les Bahutu, les Tutsis étant considérés comme des « envahisseurs » étrangers dans leur propre pays, au même titre que les colons européens. »1(*)7

Pour Kigali, dès l'indépendance, et à la suite de la dernière vision belge, il a fallu consolider le régime autour d'un axe : l'agression extérieure permanente. On a ainsi assisté à des massacres tout au long des années soixante, que le régime qualifiait de « revanche » tout comme certains observateurs européens. La « conscientisation » Hutu est manipulée non comme une défense sociale, mais comme une façon de mobiliser les masses sur la référence fondatrice d'un régime politique.

* 14 Jean-Pierre Chrétien, Le défi de l'ethnisme, Karthala, 1998

* 15 Jean-Paul Gouteux, spécialiste de la question rwandaise, dans un entretien accordé au journal The Dominion (Annexe 2)

* 16 Jean-Pierre Chrétien, Le défi de l'ethnisme, Karthala, 1998

* 17 Jean-Pierre Chrétien, Le défi de l'ethnisme, Karthala, 1998

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry