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Les indiens mapuches dans les médias au Chili : du mythe du barbare à  l'activisme identitaire transnational

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par Erika Antoine
Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence - Diplôme en Sciences Politiques spécialisé en Information & Communication 2006
  

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Section 2- Responsabilisation de la « Société du spectacle »

La société du spectacle, pour paraphraser Guy Debord144, se sent à son tour investie d'un rôle de porte-voix de mouvements sociaux, ou tout du moins d'ambassadeur. Dans le cas des Mapuches, les artistes, se produisant au Chili ou dans le monde, ont la possibilité de sensibiliser une vaste audience à la question des peuples indigènes et peuvent organiser grâce à leur notoriété des évènements culturels informatifs divers.

Si les exemples ne manquent pas là encore, nous aborderons deux domaines précis, celui de la musique et du cinéma. Pour le premier, un exemple chilien et un exemple international permettront d'expliquer la nature de cette musique politique et revendicatrice. Pour le second, nous verrons comment l'impact des images permet de lutter contre les clichés véhiculés notamment par la presse traditionnelle et l'ignorance de la société en général en ce qui concerne la culture mapuche.

§1- La musique : une revendication identitaire et politique

A- Le collectif de hip-hop : Kolectivo We Newen

144 DEBORD Guy, La Société du Spectacle, Paris, Buchet-chastel, 1967, Gallimard, 1971.

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Le Kolectivo We Newen, qui signifie en mapudungun « collectif nouvelle force », se définit comme une « proposition artistique-politique qui oeuvre à la diffusion de la demande politique et idéologique mapuche à travers l'art ».

Ce collectif de hip-hop est composé de cinq personnes originaires de la IXe région du Chili. Il constitue une plateforme de création mettant en coopération d'autres ensembles artistiques. L'objectif central est d'obtenir un territoire plus vaste pour les Mapuches grâce à la diffusion de la demande politique et idéologique-politique à travers l'art.

Dans un article d'Azkintuwe du 26 octobre 2006, Daniel Estrada revient sur l'oeuvre politique du collectif qui prône à travers son premier album le renforcement de l'identité de leur région d'origine, la IX région. « Ils n'aiment pas être qualifiés d'indigènes, mais ils luttent grâce à l'art pour l'autodétermination de leur peuple. Ils ne parlent pas tous couramment la langue des Mapuches, mais ils cherchent à conserver la culture de cette nation ».

Amateurs de hip-hop et poésie, les membres du collectif ont sorti un album intitulé We Newen chant et poésie mapuche du XXIe siècle. L'un d'entre eux, Marima, explique « Nous avons tous vu dans le hip-hop une façon de pouvoir exprimer nos expériences, parler de thèmes transcendantaux, mais le plus important ce que nous concevons cela comme un outil politique ». Il rajoute ensuite « Lorsque nous parlons de `mapuchiser' le hip-hop et la poésie nous faisons référence à leur incorporation à notre culture. Dans les deux expressions artistiques nous mettons en lumière nos luttes personnelles et collectives ».

Dans ce cas, il est possible de parler d'ethno-poésie et d'ethno-hip-hop comme le propose l'un des chanteurs. Les cibles de leurs critiques sont clairement exprimées, ils ne s'attaquent pas à l'ensemble de la société chilienne mais aux « politiques répressives, terroristes, racistes, assimilatrices et ethnocidaires du gouvernement chilien ».

Aujourd'hui finalement, la musique traditionnelle mapuche synonyme de rites ancestraux se partage la nouvelle scène musicale avec des groupes et des musiciens de rock, de punk et de nombreux mélanges.

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Pochette de couverture du premier album du Kolectivo We Newen

B- Sergent Garcia et le Kolektivox

Dans le monde de la musique, le chanteur et compositeur né à Cuba, Sergent Garcia incarne autrement la figure de l'artiste engagé dans la résolution du conflit mapuche. A l'occasion du nouvel an Mapuche en juin 2004, il a donné un concert à Paris pour le soutien de la communauté mapuche. Cet évènement a été co-organisé par la FIDH, les mouvements Kolektivox, Sin Fronteras et Sauvage production. L'organisation Kolectivok est créée en 1999 face au constat de censure exercée au Chili contre toute information juste de la situation des Mapuches. C'est pourquoi les fondateurs de ce mouvement décident de sensibiliser les médias et la société civile européenne sur la culture mapuche en général et sur les violations commises à l'encontre de la communauté.

Cet évènement est réalisé pendant quatre jours dans l'idée de sensibiliser l'opinion publique parisienne et française. Un grand rassemblement devant l'ambassade du Chili de Paris s'est tenu le 24 juin contre la répression politique au Chili et pour la libération de tous les prisonniers politiques.

La communauté des Mapuches CISMAPU appelle au regroupement et au concert de la sorte « l'Etat chilien n'a pas réussi à faire passer sous silence les multiples violations

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des droits des indigènes qu'il a commis en complicité avec de grandes multinationales. Depuis plusieurs années maintenant, les Mapuches ont recours à des organismes internationaux tels que l'Organisation des Etats d'Amériques (OEA) ou l'Organisation des Nations Unies pour réclamer une justice que le "Chili démocratique" actuel refuse de leur rendre ».

Afin de donner du poids à de tels évènements, les diverses organisations font appel à des musiciens tels que Sergent Garcia qui, sur leur simple nom, mobilise déjà un grand nombre de fans ou de curieux. C'est un moyen aujourd'hui répandu pour sensibiliser un public à une cause a priori très éloignée des préoccupations quotidiennes du public. La radio Chango a effectué un reportage sur le concert en proposant des extraits de concerts, des interviews de la FIDH, de Kolectivox, de Sergent Garcia et beaucoup d'autres.

Le 29 juin 2006, une conférence de presse s'est tenue à la maison de radio France à Paris en présence de Maria-Cristina Painemal-Painemal, la porte-parole du peuple Mapuche - werken-, Luis Guillermo Perez, secrétaire général de la FIDH et Sergent Garcia. A l'occasion de la publication en français d'un rapport145 de la mission d'enquête de la FIDH sur les droits du peuple mapuche au Chili, le Kolektivox et la FIDH ont invité les divers représentants des médias européens et américains a assisté à cette conférence.

Sergent Garcia a permis d'apporter son image et sa notoriété pour le moins nationale à la lutte pour les Mapuches. Puis sur le forum de son site officiel, le chanteur invite personnellement les internautes et les fans à signer la pétition de soutien pour les Mapuches disponible sur le site de la FIDH.

Il pousse ces lecteurs à réagir : « C'est le lien vers la FIDH où vous trouverez une pétition de soutien au peuple mapuche. Avec l'asso Kolektivox, la Fidh et une représentante des Mapuches présente en France actuellement avec un message de ses ancêtres... Les Mapuches sont expropriés de leurs terres ancestrales par des multinationales européennes dont le but n'est que le profit et l'exploitation des richesses du sol sans jamais se soucier des peuples, de leurs traditions et leurs cultures. Signez la pétition à l'adresse suivante : http://www.fidh.org/article.php3?id_article=3422 ».

145 L'autre transition chilienne : Les droits du peuple Mapuche, politique pénale et mobilisation sociale dans un Etat démocratique.

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En allant sur la page indiquée, l'internaute constate que la liste de membres de la société du spectacle à avoir signé est longue. Nombreux sont ceux qui ont été sensibilisés par le sujet et apportent un crédit supplémentaire à la pétition -qui prend une dimension internationale- : Bernard Giraudeau (comédien), Danielle Mitterrand (Présidente de France Libertés), Denez Prigent (chanteur), Grand corps malade (slameur), Jack Lang (député), Oscar Castro (metteur en scène), Osvaldo Torres (compositeur), Serge Orru (président du Festival du vent), Sergent Garcia (chanteur), Tignous (dessinateur), Tryo (musiciens), Victoria Abril (actrice) ...

§2- Cinéma et documentaires : les porte-parole de l'image

Le nombre de documentaires réalisés au sujet des Mapuches est élevé. La spécificité culturelle de la communauté mais surtout les enjeux politiques liés à leurs revendications motivent divers cinéastes à réaliser des reportages au sujet des Mapuches. Nous traiterons de deux exemples de documentaires, le premier est une production chilienne le second et espagnol et a connu un éclairage mondial.

A- El Despojo : le « document-documentaire » chilien

Ce documentaire s'intitule Uxuf Xipay El Despojo ce titre en espagnol et en mapudungun signifie le dépouillement et fait référence directe à l'incorporation des terres ancestrales du peuple mapuche par l'Etat chilien. Il est produit par Italo Retamal de la société de production Ceibo Produccion et dédié à la mémoire d'Alex Lemún, le jeune garçon mapuche blessé par les forces de l'ordre en 2002, mort en martyre.

Dauno Tótoro, dans une interview accordée à Ana Muga pour le numéro 1187 du journal el Siglo le 9 avril 2004, revient sur les objectifs visés par le documentaire. « C'est un documentaire, dans le sens d'un oeuvre audiovisuelle destinée à un large public, pour être idéalement exhibés dans les moyens de communication de masse mais c'est aussi un document dans le sens où son intention est différente de celle du documentaire, puisqu'il est réalisé pour perdurer et ne pas se cantonner à l'actualité. Il cherche à atteindre une qualité analytique [...] pour être utilisé comme un instrument d'étude ».

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Dans ce sens, le documentaire s'adresse autant à la communauté mapuche qu'aux Chiliens, car ce document-documentaire « rompt avec les stéréotypes implantés par les moyens de communication de masse, avec cette guerre médiatique contre l'organisation du peuple mapuche ». Ce documentaire est présenté par l'équipe de professionnels comme un moyen pédagogique pour mettre la lumière sur les véritables relations historiques entre le peuple mapuche et l'Etat chilien, sur la relation de dépouillement, de négation.

Dans un article paru dans el Punto Final, Dauno Tótoro revient sur le rôle didactique de la production audiovisuelle dans la transmission de l'information juste et vraie car il affirme qu'il y a « une stigmatisation profonde du mouvement mapuche, une tergiversation de ses aspirations. C'est pourquoi il est extrêmement important d'aller aux origines du conflit et tenter d'en faire une analyse globale [...] pour comprendre pourquoi nous sommes dans une telle situation aujourd'hui »146.

Les deux protagonistes du documentaire, José Llanquileo et José Huenchunao, sont des prisonniers politiques mapuche que le réalisateur a approchés. Dans le documentaire, ils condamnent sans appel des moyens de communication chiliens et le « préjudice médiatique qui les avait déjà condamné » avant même la sentence du tribunal. Ils continuent en expliquant que « le Mercurio et d'autres médias de presse les ont déjà condamnés pour «association illicite terroriste» ce qui signifie entre 10 et 25 ans de prison, même s'ils sont werken dans leurs villages »147. L'équipe du Despojo tente donc, à sa manière, d'apporter un nouvel angle d'analyse du conflit mapuche en donnant la parole aux principaux protagonistes de cette folle course médiatique c'est-à-dire les Mapuches eux-mêmes, relégués par les grands groupes de presse au rôle de coupable muet incapables de se défendre et de communiquer. Un documentaire de la sorte offre un autre vecteur de communication pour la communauté mapuche.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery