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Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à  l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique


par Grégory Ode
Université de Paris I Panthéon - Sorbonne - Master d'économie 2005
  

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La monnaie appréhendée comme une composante centrale de la réalité socialement construite : saisir l'argent comme une institution impliquant croyance et dont la pérennité repose sur un lien social de confiance

La monnaie se veut être un rouage économique essentiel permettant d'organiser efficacement les échanges au sein des sociétés marchandes. A ce titre, elle assure un certain nombre fonctions qui lui sont traditionnellement associées. Mais, sans valeur intrinsèque, la monnaie moderne ne peut remplir ces fonctions que si elle est unanimement acceptée, ou légitimée, par l'ensemble des membres de la société. De ce fait, comprendre sa nature en tant qu'artifice implique d'outrepasser l'économique, et, de se pencher sur les phénomènes de croyance et de confiance qui la fondent.

I. La monnaie : institution centrale des sociétés modernes

La théorie économique standard admet que la monnaie constitue un « instrument » très utile à l'économie de marché, sans même s'interroger de manière in extenso sur la façon dont elle parvient à assumer les missions pour lesquelles elle a été créée. De la sorte, elle évince de son discours toute problématique ayant trait à la nature de la monnaie, si particulière. C'est pour cette raison qu'on ne peut élaborer une réflexion profonde de la monnaie sans s'écarter de la théorie économique dominante, ni sortir de la sphère économique. Alors seulement, à ces conditions, peut émerger une analyse exhaustive de la monnaie, appréhendée comme une institution fondamentale des sociétés modernes.

A. La nécessité de dépasser l'économique pour comprendre l'essence de la monnaie

L'approche fonctionnaliste de la monnaie, qui sera définie et commentée plus loin dans la réflexion, ne dit rien sur la nature de la monnaie. Or, cette dernière n'est pas un fait évident qui relève de l'innée. C'est pourquoi, une réflexion essentialiste de la monnaie qui tenterait d'en saisir la nature impose de se distancier de la théorie économique dominante et de franchir les limites de l'économique.

Les formes actuelles de la monnaie : la thèse de la dématérialisation

Selon la thèse de la dématérialisation, qui se fonde sur l'approche fonctionnaliste de la monnaie6(*) et les contraintes liées à un système de troc, avant de s'abstraire progressivement, la monnaie a d'abord été constituée par des biens ou des produits faisant l'objet d'importants courants d'échange et pouvant, de ce fait, être aisément négociés. Les premières monnaies ont ainsi été constituées d'objets qui tiraient leur valeur de leur emploi sous forme de marchandises. En d'autres termes, les premières monnaies possédaient une valeur intrinsèque. Le fait qu'elles étaient reconnues et acceptées par tous, ou presque, provenait de leur utilité sociale. Généralement, ces premières monnaies étaient de conservation facile. Les plus connues de ces « monnaies-marchandises » furent les bestiaux en Grèce et Rome, les morues séchées à Terre-Neuve, les blocs de thé au Tibet, les coquillages, le sel en barres, etc.

Ce faisant, on peut estimer que la première étape d'abstraction significative de la monnaie se réalisa lorsque les métaux dits précieux, essentiellement l'or et l'argent, qui, par leurs qualités7(*), constituèrent les premières monnaies sans véritable valeur intrinsèque. En effet, si ces métaux ont, certes, la particularité d'être rares ou difficilement accessibles, ils ne possèdent pas en soi une utilité sociale directe. En revanche, les monnaies-marchandises susmentionnées détenaient par elles-mêmes une utilité directe reconnue en ce qu'elles répondaient à la satisfaction de besoins humains. Autrement dit, l'or ou l'argent ne possèdent pas en eux-mêmes la propriété de liquidité, c'est-à-dire la caractéristique d'être, sans conteste, acceptés par les autres membres de la société. Ils ont acquis cette propriété ex post, de manière détournée, ce qui relève d'un choix de société8(*). En outre, les métaux précieux ont subi de nombreuses modifications dans leur utilisation comme monnaie. D'abord, à Babylone et en Egypte, l'or et l'argent circulaient sous forme de lingots, sans poids déterminé. Il fallait alors mesurer le poids du métal et estimer sa pureté lors de chaque transaction : c'est la monnaie pesée. Puis, vers 800 avant J.-C., les lingots prirent un poids et une forme déterminés et affinés, donnant naissance aux pièces métalliques : c'est la monnaie comptée. Quelques siècles plus tard, durant l'Antiquité, les pièces furent frappées par les autorités religieuses qui garantissaient de la sorte la valeur de l'argent9(*), c'est-à-dire le titre et le poids du métal que les pièces contenaient : c'est la monnaie frappée. Après plusieurs siècles d'évolution, le système du bimétallisme or et argent, remplacé en France par un système de monométallisme or à partir de 1876, constituèrent les derniers régimes officiels de monnaie métallique.

Ceci étant, à en suivre la thèse de la dématérialisation, la monnaie métallique a donné naissance, indirectement et de manière progressive, à la « monnaie-papier », forme de référence de la monnaie actuelle. Dès l'Antiquité, puis au Moyen Age, des particuliers prirent l'habitude de déposer de l'or et de l'argent auprès de banquiers qui leur remettaient en contrepartie un certificat constatant le dépôt de métal précieux. Toutefois, ce « billet » ne constituait pas une nouvelle forme de monnaie qui s'ajoutait à la monnaie métallique ; la transmission d'un certificat d'un individu à un autre correspondait juste à un transfert de métal précieux. L'étape suivante consista dans la création du billet de banque, conçu à la suite d'une initiative du banquier suédois Palmstruck qui fonda la Banque de Stockholm au XVIIème siècle. Constatant que les porteurs de billets ne venaient pas tous en même temps demander le remboursement en métal de leurs billets, Palmstruck estima que sa banque pouvait, en prenant peu de risques, émettre un nombre de billets supérieur à celui correspondant au montant total des dépôts de métal précieux. A partir de ce moment là, les billets de banque constituaient une monnaie parallèle à la monnaie métallique ; cette émission de billets n'entraînait pas le retrait de la circulation monétaire d'une quantité équivalente de métal précieux. L'abstraction monétaire se réalisait un peu plus, sans pour autant dématérialiser la monnaie significativement dans la mesure où l'existence des billets de banque reposait sur la possibilité pour tout porteur de billets d'en demander le remboursement en métal précieux.

Ce n'est que quelques siècles plus tard que le billet de banque inconvertible s'instaura. Née de circonstances exceptionnelles, l'inconvertibilité du billet de banque en métal précieux est, peu à peu, devenue la règle dans les économies modernes. C'est ainsi qu'à l'occasion de certains événements graves, guerres notamment, pour éviter des retraits massifs qui auraient mis en faillite les banques, les pouvoirs publics sont intervenus en décrétant le cours forcé des billets. Une telle décision avait pour effet de supprimer la possibilité pour les détenteurs de billets de banque d'en demander le remboursement en or, ce qui dispensait les banques de l'obligation d'assurer la convertibilité des billets en métal précieux. Il est à noter, néanmoins, que le cours forcé ne devait être que provisoire, la convertibilité du billet devant être rétablie aussitôt la période de crise terminée. Mais, à la suite de la crise économique de 1929, les pays se heurtèrent à de graves problèmes monétaires et le cours forcé devint progressivement définitif dans tous les pays10(*). Actuellement, le billet est donc totalement inconvertible. Déconnecté de toute garantie matérielle, la monnaie-papier ne tire sa valeur que du seul fait qu'elle est reconnue et acceptée par tous les agents économiques comme moyen de paiement. La valeur de la monnaie moderne est donc directement tributaire des jugements11(*) des acteurs sociaux à son égard.

D'autres formes de monnaie existent sans avoir pour autant une existence autonome vis-à-vis de la monnaie fiduciaire. C'est notamment le cas de la monnaie scripturale, qui permet d'effectuer des règlements par de simples jeux d'écriture, dans des comptes de dépôts à vue. En outre, la monnaie scripturale n'a pas pour seul effet de remplacer une quantité équivalente de monnaie-papier ; elle donne également la possibilité d'accroître la quantité de monnaie présente au sein de l'économie par le biais d'opérations de crédit. Représentant environ 80% de la monnaie actuelle, la monnaie scripturale reste néanmoins attachée à la monnaie fiduciaire12(*) ; c'est la raison pour laquelle la monnaie-papier sera considérée dans ce mémoire comme la forme référentielle de la monnaie moderne.

* 6 L'approche fonctionnaliste de la monnaie sera présentée ultérieurement.

* 7 Les quatre qualités traditionnellement attachées aux métaux précieux, en tant que monnaie, sont : la divisibilité (possibilité d'obtenir des éléments de dimension voulue), l'inaltérabilité (peuvent être stockés sans dommages matériels), la malléabilité (peuvent recevoir l'empreinte d'un symbole monétaire) et l'importante valeur sous un faible volume.

* 8 Ce point de la réflexion où l'or et l'argent apparaissent comme des monnaies instituées sera approfondi plus loin (voir p. 24).

* 9 Le fait que ce soit les autorités religieuses qui garantissaient la valeur des pièces s'explique par l'aura sociale dont bénéficiaient ces autorités à une époque où la religion tenait une place prépondérante dans la société.

* 10 La France prononça l'inconvertibilité de sa monnaie en 1936.

* 11 Croyance et confiance au premier chef.

* 12 La monnaie scripturale n'a pas d'existence autonome par rapport à la monnaie fiduciaire en ce qu'elle peut à tout moment être convertie en billets ou pièces.

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