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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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Annexe n°4

Index des sigles

CECEF Conseil d'Églises chrétiennes en France

CESEDA Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

CFCM Conseil français du culte musulman

CGT Confédération générale du travail

CIMADE Service oecuménique d'entraide

COMECE Commission des épiscopats de la communauté européenne

CPE Contrat première embauche

CRIF Conseil représentatif des institutions juives de France

DOM  Département d'outre-mer

FN  Front national

FO Force ouvrière

GISTI Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés

INSEE  Institut national de la statistique et des études économiques

LDH Ligue des Droits de l'Homme

LMSI Les mots sont important (collectif)

MRAP Mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples

MST Maladie sexuellement transmissible

PCF  Parti communiste français

PRG  Parti radical de gauche

PS  Parti socialiste

RESF Réseau éducation sans frontière

RPR  Rassemblement pour la France

SMIC  Salaire minimum interprofessionnel de croissance

SOFRES Société française d'études par sondages

TOM  Territoire d'outre-mer

UDF  Union démocratique française

UMP  Union pour un Mouvement Populaire

UNEF Union nationale des étudiants de France

Annexe n°5

Extraits de la présentation du projet de loi par Mr Nicolas Sarkozy, Ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, depuis cinq semaines, le projet de loi relatif à l'immigration et l'intégration est entre vos mains. Je voudrais vous dire dans quel état d'esprit j'aborde la discussion qui s'ouvre aujourd'hui devant la représentation nationale.

Ma conviction est que, dans une démocratie moderne, l'immigration n'est pas un sujet tabou. Dans tous les pays d'Europe, l'immigration est considérée pour ce qu'elle est : un sujet de société, une question politique majeure, engageant l'avenir d'une nation. Dans toutes les démocraties, il est permis d'en débattre, sans avoir à s'excuser d'un débat extrêmement nécessaire. Et, par-dessus tout, dans toutes les démocraties d'Europe, il est permis d'agir, en ne craignant pas, s'il le faut, de remettre plusieurs fois l'ouvrage sur le métier.

Ainsi, le gouvernement socialiste de Tony Blair a réformé à quatre reprises la législation britannique sur l'asile et l'immigration, sans qu'on ait dit pour autant que la Grande-Bretagne n'était plus une démocratie. L'Espagne a changé trois fois sa loi sur l'asile et sur l'immigration depuis 2000, et il ne serait venu à l'idée de personne de dire que l'Espagne n'était plus une démocratie. Une profonde réforme du système allemand, conçue par le gouvernement socialiste et vert de M. Schröder, est entrée en vigueur le 1er janvier 2005.

Dans ces grands pays européens, la réforme de l'immigration a donné lieu à une confrontation de projets, à un vrai débat d'idées, à la fois passionné et rationnel : un débat pleinement démocratique et politique. Ce débat sur l'immigration, je veux qu'il ait aussi lieu dans notre pays, car les Français l'attendent, ils l'exigent.

Et quand les partis républicains n'ont pas le courage, à gauche comme à droite, de s'occuper d'un sujet qui est au coeur des préoccupations des Français, il ne faut pas se plaindre que les extrêmes prennent la place qu'ils ont désertée. Voilà la réalité politique de notre pays depuis des décennies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les Français nous demandent de regarder cette réalité en face. Jamais le fossé n'a été aussi grand entre le discours de certaines élites et la réalité, telle qu'elle est perçue par nos compatriotes.

Selon un sondage de la SOFRES publié par Le Monde en décembre 2005, 63 % des Français estiment qu'il y a trop d'immigrés en France. Parmi ces 63 % de Français, 50 % sont des électeurs de gauche. Plutôt que de leur reprocher de penser ce qu'ils pensent, il me semble plus utile d'essayer de comprendre pourquoi ils pensent ainsi et de leur apporter des réponses.

Je suis convaincu que l'immense majorité de nos compatriotes n'est ni raciste ni xénophobe, qu'ils exècrent le racisme et la xénophobie. Mais reconnaissons les choses telles qu'elles sont : pour beaucoup de Français, l'immigration est une source d'inquiétude qu'il nous faut prendre en compte. Ils y voient une menace pour leur sécurité, leur emploi, leur mode de vie. Les Français qui pensent de la sorte sont aussi respectables que les autres. Il faut comprendre les attentes de cette majorité silencieuse, pour qui l'immigration est d'abord une réalité quotidienne.

Nos compatriotes savent que l'immigration présente d'immenses avantages pour la vie de la cité. Dans l'échange avec le migrant, il y a l'apprentissage de la diversité, le goût de la différence, le sens de la tolérance.

Il y a le meilleur. Mais il y a aussi le pire, produit par trente années d'une immigration non gérée : les cités ghettos, les squats qui brûlent, les phénomènes de bandes et les violences urbaines. Ne pas tenir compte de cette réalité, c'est accepter que l'extrême droite soit dans notre pays depuis vingt-cinq ans à un niveau qu'aucun autre pays démocratique ne connaît. C'est une question posée à toute la représentation nationale.

Les Français savent que les violences qui ont éclaté dans nos banlieues à l'automne dernier ne sont pas sans rapport avec l'échec consternant de la politique d'immigration et d'intégration.

Cet échec se traduit par une réalité douloureuse : des enfants nés en France se sentent moins français que leurs grands-parents qui étaient pourtant étrangers.

Cette réalité, nous devons la regarder en face et en tirer toutes les conséquences.

Notre système d'intégration ne fonctionne plus !

La vérité, c'est que les vingt-sept nuits d'émeutes, que nous avons subies en octobre et novembre, sont directement le produit de la panne de notre système d'intégration, qui n'intègre plus personne !

La vérité, c'est que les étrangers les plus récemment arrivés dans notre pays sont les premières victimes de notre incapacité collective à maîtriser l'immigration. Je pense, bien sûr, aux incendies dramatiques des 25 et 29 août 2005, à Paris, qui ont causé la mort de vingt-quatre personnes originaires d'Afrique. Je garde en mémoire, alors que j'étais aux côtés du maire et des élus de Paris, ces enfants allongés sur des civières, que nous pensions endormis alors qu'ils étaient morts, asphyxiés, tués par la misère.

Personne, sur aucun banc de cette assemblée, ne peut considérer que ces squats, où s'entassent des malheureux sans avenir à qui l'on a fait croire qu'ils auraient un logement et un travail, témoignent d'un système d'intégration qui fonctionne. Nous refusons des gens pour qui nous avons un travail, mais nous acceptons des malheureux pour lesquels nous n'avons ni logement ni travail et qui terminent dans des squats qui prennent feu au mois d'août dans la capitale de la France.

Voilà la réalité et elle n'est glorieuse pour personne !

La vérité, c'est que des familles entières d'immigrés sont hébergées dans des taudis et que leurs enfants, qui ne peuvent faire leurs devoirs scolaires dans des logements trop exigus, sont bien souvent laissés à eux-mêmes dans la rue.

Face à cette réalité, les Français ne supportent plus les oppositions politiques frontales qui n'ont aucun sens sur un sujet de cette importance et de cette complexité.

Les Français refusent d'être prisonniers de deux extrémismes : l'immigration zéro d'un côté, l'immigration totale de l'autre.

L'immigration zéro est un mythe dangereux. Je rejette de la manière la plus nette le poncif habituel des mouvements d'extrême droite selon lesquels il existerait des cultures "impossibles à intégrer" et qui prêchent le concept totalement mensonger de l'immigration zéro qui est contraire à l'histoire de la France, à son identité, à ses traditions. D'ailleurs, au cours l'histoire, si certaines sociétés se sont effondrées, c'est davantage en raison de la consanguinité, du repliement et de la fermeture que de l'ouverture et de la politique de la main tendue. L'immigration zéro n'est en aucune manière et d'aucune façon la politique que je vous propose au nom du gouvernement de la France. La France n'a pas vocation à être repliée sur elle-même, derrière on ne sait quelle ligne Maginot ! La consanguinité serait synonyme de déclin national.

Mais pas plus que l'intolérance des partisans de l'immigration zéro, je n'accepte l'autre extrémisme. Je ne crois pas que les hommes soient interchangeables, que les frontières soient illégitimes, et que l'on puisse faire table rase de son passé et de sa culture.

Je refuse, avec la plus grande fermeté, les opérations globales de régularisations d'étrangers sans papiers, comme les gouvernements de François Mitterrand et Lionel Jospin les ont pratiquées en 1981, 1990 et 1997. En dix ans, nous avons connu trois opérations de régularisations qui ont abouti au désastre que nous connaissons aujourd'hui. Ce n'était donc pas la solution au problème de la France !

Ces opérations de régularisations massives sont très dangereuses, car elles ont un effet d'appel d'air. Le migrant régularisé fait venir sa famille. Il indique à ses amis, dans son village, que l'émigration vers la France est possible. Des filières se créent. Et, dans les pays d'origine, le signal est bien reçu : la frontière est ouverte ! L'incarnation de cette absence de conviction et de politique a été Sangatte, qui a abouti à un déferlement de misère dans le Calaisis, misère à laquelle nous avons dû mettre un terme.

Les Espagnols le savent bien, qui ont régularisé 570 000 clandestins au premier semestre 2005. Cela n'a fait qu'encourager les milliers de malheureux migrants africains qui traversent le Sahara dans l'espoir d'obtenir des papiers en Espagne, avant de se heurter aux barbelés scandaleux de Ceuta et Mellila. La régularisation générale suscite la migration clandestine. Voilà la réalité à laquelle nous sommes confrontés ! Les Italiens le savent, eux aussi, qui régularisent tous les deux ou trois ans des centaines de milliers de personnes. Mais il en entre toujours plus. Et il faut donc régulariser davantage !

Ne nous y trompons pas : les régularisations décidées en France ont beaucoup contribué à la confusion et au désordre. Renouer avec ces pratiques fragiliserait considérablement notre pacte social. J'ai été heureux d'entendre un homme de la qualité de M. Strauss-Kahn répondre à l'irresponsabilité de M. Fabius qui appelait à la régularisation générale.

La France est trop fragile pour subir cette épreuve. Cela ne signifie pas que je sois hostile à toute régularisation, et j'y reviendrai au cours de nos débats. Mais je refuse, avec une totale détermination, les fausses solutions dictées par le simplisme et par l'aveuglement.

Pour la première fois sous la Ve République, un ministre est responsable de l'ensemble des questions de l'immigration. Chargé de coordonner les différentes administrations compétentes dans ce domaine - intérieur, affaires étrangères, affaires sociales -, j'ai pu préparer, depuis juin dernier, le texte qui vous est soumis aujourd'hui.

J'ai la conviction que c'est un texte équilibré. Il est ferme à l'endroit de ceux qui ne respecteront pas les règles. Il est juste à l'égard des personnes qui demandent à venir en France en suivant les règles d'admission que nous fixons pour tous.

Nous devons avoir l'exigence de justice.

Par ailleurs, les dispositions concernant le séjour des étrangers malades ne doivent pas être remises en cause. Je n'accepterai aucun amendement qui modifierait sur ce point la législation équilibrée qui est aujourd'hui la nôtre, même si j'aurai l'occasion d'expliquer qu'il nous appartient, sans changer la loi, de lutter contre certaines fraudes particulièrement choquantes.

La meilleure preuve de l'équilibre du projet de loi, me semble-t-il, est qu'il fait l'objet d'attaques virulentes aussi bien de la part de l'extrême droite, qui m'accuse de laxisme, que de certaines franges de la gauche, qui m'accusent de xénophobie.

D'une certaine manière, je me félicite de ces critiques.

Elles indiquent, à n'en point douter, que la voie médiane a été trouvée.

Depuis quatre ans, le Gouvernement s'est efforcé de redresser la barre d'un navire à la dérive.

En mai 2002, la situation que j'ai trouvée était dramatique. La gestion hasardeuse de l'immigration faisait des ravages. Les demandes d'asile avaient quadruplé en cinq ans : 20 000 en 1997, 82 000 en 2002. La zone d'attente de Roissy débordait de tous les côtés. Le hangar de Sangatte se présentait, dans toute l'Europe, comme le symbole honteux du chaos migratoire français. Et aucun ministre des gouvernements socialistes n'avait jugé utile de rendre visite aux malheureux de Sangatte ! Quant aux flux d'immigration régulière, ils s'étaient accrus d'un tiers en cinq ans : 120 000 en 1997, 160 000 en 2002.

En votant la loi du 26 novembre 2003, vous avez donné au Gouvernement de nouveaux outils de lutte contre l'immigration irrégulière. Je n'en ferai pas aujourd'hui le bilan, car vous le connaissez.

[...]

L'immigration « pour motif familial » occupe une place très importante dans les flux migratoires.

Près de la moitié des cartes de séjour sont délivrées à ce titre - 82 000 en 2005. Chez nos partenaires européens, le niveau de l'immigration familiale est bien inférieur : 66 000 en Allemagne, qui compte 20 millions d'habitants de plus que nous, et 35 000 en Grande-Bretagne, qui a le même nombre d'habitants que nous.

Que l'on me comprenne bien : je ne dis pas qu'un immigré ne doit pas avoir le droit de faire venir sa famille en France.

Je suis trop attaché à notre tradition humaniste.

Je suis trop attaché au principe constitutionnel de protection de la vie familiale. Je suis trop respectueux de nos engagements européens. D'ailleurs, l'idée ne viendrait à personne de contester à un père le droit de vivre avec sa femme et ses enfants.

Mais je voudrais que les choses soient claires : c'est au pouvoir politique, au Gouvernement et au législateur, de définir dans quelles conditions s'applique en France le droit à la vie privée et familiale. Il ne saurait y avoir, pour toutes les familles de par le monde, un droit absolu et inconditionnel à s'installer en France sans aucun projet d'intégration, sans aucun travail, sans logement digne et sans perspective.

La répartition des flux migratoires est d'autant plus illogique en France que l'immigration pour motif de travail reste à un niveau marginal : 11 500 cartes de séjour ont été délivrées à ce titre en 2005, ce qui signifie que nous ne sommes pas capables d'accueillir des migrants pourvus d'un emploi et contribuant à la croissance.

Nous sommes en réalité plongés dans un système totalement paradoxal depuis trente ans. Au prétexte de protéger l'emploi national, on a verrouillé, par un système de contrôles a priori, effectués par l'administration du travail, l'introduction en France d'étrangers pourvus d'un emploi. Et, dans le même temps, contre toute logique, on laisse entrer dans notre pays un flux croissant d'immigration familiale qui déséquilibre fortement le marché du travail en faisant venir des étrangers, la plupart du temps très peu qualifiés et peu intégrés. C'est le contraire de ce qu'il convient de faire : on ferme la porte à ceux qui ont un travail, alors qu'on l'ouvre à ceux qui n'ont ni travail ni formation ni perspective.

Ce système est absurde. C'est là, je crois, une source essentielle du malaise français. Toute notre ambition doit être d'en sortir au plus vite.

Il faut donc transformer profondément la politique d'immigration. Je n'ai pas peur de le dire à ceux qui me font le reproche de venir une deuxième fois devant le Parlement pour présenter un projet de loi : j'ai bien conscience que la loi de 2003 n'a été que la première étape de la transformation de notre politique d'immigration.

[...]

Il ne s'agit donc pas pour nous de transposer en France un exemple étranger, mais de définir ensemble un nouveau modèle français de l'immigration. Je vous propose de le faire en partant de trois principes fondamentaux : l'immigration choisie, l'affirmation d'un lien entre intégration et immigration, et le co-développement.

Le premier principe est celui de l'immigration choisie.

Je revendique cette expression qui n'est pas la mienne, mais celle qu'a retenue la Commission européenne de Bruxelles, qui recommande à tous les États membres d'adopter une même politique de l'immigration fondée sur l'immigration choisie.

Ceux qui combattent ce terme ne peuvent pas se prétendre européens puisque c'est précisément cette politique que préconise la Commission.

Ma conviction est que, comme toutes les grandes démocraties du monde, la France doit pouvoir choisir non seulement le nombre des migrants qu'elle accueille, mais aussi les objectifs et les conditions dans lesquels elle le fait.

L'immigration choisie est le contraire de l'absence d'immigration. C'est aussi le contraire de l'immigration subie - subie par les Français et par des migrants qui ne trouvent en France que l'échec. Elle crée d'abord la possibilité pour l'État de fixer des objectifs quantifiés d'immigration afin de déterminer la composition des flux migratoires, dans l'intérêt de la France comme dans celui des pays d'origine.

Mais l'immigration choisie, c'est aussi le refus de la fatalité et la volonté déterminée de lier l'immigration aux capacités d'accueil de notre pays.

C'est un système dont les règles sont claires et prévisibles, pour les Français comme pour les migrants. C'est un système où le candidat à l'immigration en France doit être autorisé à venir s'y installer avant son entrée sur notre territoire. Rien de plus logique à cela : pour venir s'installer en France, pour venir y étudier, y travailler ou rejoindre sa famille, il faut que la République soit d'accord et qu'elle signifie clairement au migrant, dans son pays, qu'elle est prête à l'accueillir.

Il ne s'agit donc pas d'un système élitiste qui n'accepterait en France que des étrangers extrêmement qualifiés. C'est une immigration régulée, d'autant mieux acceptée par nos compatriotes qu'ils auront conscience de sa contribution positive à la vie de notre nation.

Et cette immigration ne sera réussie, en vérité, que si les immigrés parviennent à s'intégrer à la société qui les accueille.

D'où le deuxième principe de cette réforme : l'affirmation d'un lien étroit entre l'intégration et l'immigration.

Je veux rompre, à cet égard, avec des décennies de faux-semblants.

Des experts, ou prétendus tels, osent encore affirmer que les questions d'immigration et d'intégration doivent être dissociées. Pour ne pas stigmatiser les nouveaux arrivants, nous dit-on, il importerait de ne pas les considérer comme des migrants et de les prendre en compte, au mieux, dans le cadre de la politique de la ville.

Cela n'a aucun sens. Et cela explique d'ailleurs pourquoi la politique de la ville a connu son lot d'échecs. Ma philosophie est tout autre : pour moi, il ne fait aucun doute que l'immigration et l'intégration sont deux enjeux étroitement imbriqués. Et cela, pour une raison évidente : faire entrer en France un grand nombre de migrants sans se donner les moyens de les accueillir et d'organiser leur insertion dans la société française conduit à des situations explosives.

L'intégration est un processus long, complexe et coûteux, qui met en jeu les équilibres de notre pacte social. Ce que nous voulons, c'est obliger les étrangers qui veulent s'installer durablement ou définitivement en France à faire les efforts indispensables pour s'intégrer.

Il n'y a pas que la société qui accueille, qui doive faire des efforts. Celui qui veut être intégré doit aussi se donner du mal pour être accepté.

Je pose la question : comment pourrait-on espérer s'intégrer en France sans parler un mot de français ? Comment, dans de telles conditions, trouver un travail, organiser une vie sociale ou élever ses enfants ? C'est impossible, bien entendu.

Désormais, pour obtenir un droit au séjour durable, il faudra manifester sa volonté de s'intégrer en faisant l'effort nécessaire pour apprendre notre langue. Si l'on n'apprend pas le français, on n'a pas vocation à rester durablement sur le territoire de la République française.

Il faudra aussi - c'est bien le moins - s'engager à respecter les lois et les valeurs de la République. Si on ne le veut pas, on n'a pas vocation à être accueilli et à demeurer en France.

Et il faudra respecter cet engagement, car, si les étrangers ont des droits, ils ont aussi des devoirs.

Le premier d'entre eux est d'aimer le pays qui les accueille et de respecter ses valeurs et ses lois. Sinon, rien n'oblige celui qui n'aime pas notre pays, qui ne respecte pas ses lois et qui n'apprécie pas ses valeurs à y demeurer !

Le moins qu'on puisse demander à quelqu'un qui veut être accueilli en France, c'est d'aimer la France et de la respecter.

Annexe n°6

Extrait d'une question préalable au débat déposée par le Parti socialiste

M. Serge Blisko. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, mes chers collègues, c'est avec un sentiment de tristesse et d'angoisse que je tiens ce projet de loi entre mes mains. L'objet de la question préalable est de savoir s'il y a lieu de délibérer, comment et sur quoi. Je vais tout de suite vous livrer ma conclusion : mieux vaudrait rejeter ce projet de loi d'emblée tant celui-ci fait appel à des analyses fausses et repose sur une idéologie pour le moins troublante. Je vais essayer de vous en convaincre.

Ce projet de loi est d'abord fait pour servir vos intérêts électoraux en instrumentalisant l'immigration, qui n'est pas une problématique facile, nous le savons tous.

Je pourrais vous reprocher aussi votre manque d'imagination, y compris dans les slogans. Il y a dix jours M. Sarkozy déclarait : « si certains n'aiment pas la France, qu'ils ne se gênent pas pour la quitter ».

M. Bernard Roman. Scandaleux !

M. Serge Blisko. Ce n'est que la traduction de la formule de la vieille droite réactionnaire américaine : « America : love it or leave it ».

Vous n'avez rien inventé. Mais vous avez commencé à attiser la xénophobie et à développer le mythe récurrent de l'étranger délinquant, fraudeur, voire criminel. Or il n'y a rien de pire dans ce domaine que de jouer sur les fantasmes et les peurs. Nous le savons assez : depuis vingt ans, le débat politique est empoisonné par cette question. Toutefois, ce projet de loi marque un changement radical dans la perception de l'immigration et des immigrés.

Le problème, monsieur le ministre, c'est que ce n'est pas seulement une carrière ou un score dans les sondages qui sont en jeu aujourd'hui, mais la vie de milliers de personnes. Ce texte, en tout point déshumanisant, condamne des familles entières à l'instabilité, à la précarité, à la clandestinité. Il ne répond en rien à la problématique extrêmement complexe des flux migratoires. Il entend traiter un stock, gonflé de façon imaginaire, mais sa seule efficacité sera d'augmenter le nombre des situations humaines intolérables.

Ce projet de loi se caractérise d'abord par une obsession du chiffre. Il ne résulte pas d'un travail sérieux : ni bilan, ni mise en perspective, ni écoute des différents acteurs alors qu'il s'agit d'un domaine très controversé où les chiffres diffèrent selon les instituts et centres d'études, si sérieux soient-ils. Mais je crains que le seul calcul qui prévale ici soit le calcul électoral.

Vous adoptez une méthode comptable en considérant les immigrés sous le seul angle de leur utilité économique et sociale, en les classant en catégories statistiques. Vous croyez convaincre par ces chiffres et ces classifications mais ceux-ci ne peuvent cacher l'absence d'humanité de vos objectifs.

Le calcul politique prévaut. Sans attendre l'application intégrale de votre première loi du 26 novembre 2003 et sans en tirer un premier bilan, vous nous soumettez un nouveau texte. Mais nous n'avons pas trouvé d'explication convaincante à cette soixante et onzième révision de l'ordonnance de 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers, à laquelle vous mêlez, de façon inappropriée, le droit d'asile. Permettez-nous dès lors de nous interroger sur l'opportunité de votre démarche.

L'élaboration de votre projet s'est caractérisée par l'absence de consultation préalable des organisations syndicales, alors que les conditions de l'immigration liée au travail sont profondément modifiées. Le ministère des affaires sociales, premier concerné, en particulier par la réforme des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, n'a, quant à lui, eu son mot à dire que bien tardivement.

Vous n'avez pas consulté non plus la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH. Dois-je ici vous rappeler l'engagement qu'a pris le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le 3 octobre 2002, de saisir cette commission de tous les projets du Gouvernement dès lors qu'ils auraient une incidence directe sur les droits fondamentaux que les citoyens se sont vu reconnaître par les lois et par les traités internationaux ratifiés par la France ? En 2003, cette instance avait d'ailleurs dû s'autosaisir. Elle indiquait dans son avis du 15 mai de la même année : « l'on ne saurait borner la politique d'immigration à sa seule dimension policière tant il est vrai que le développement des flux migratoires est dans la nature d'un monde de plus en plus globalisé. La Commission s'interroge sur la pertinence d'une approche qui tiendrait pour acquise la liberté des échanges commerciaux, financiers et de l'information, tout en astreignant les hommes à résidence dans leurs propres pays. » Elle avait aussi relevé une « suspicion trop fréquente à l'égard des étrangers ainsi qu'un manque de moyens administratifs particulièrement criant ». On ne saurait mieux dire. Depuis 2003, je le crains, rien n'a changé.

Vous êtes pressés, trop pressés. Le projet de loi présenté ici ne tient pas compte non plus des recommandations du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine. Et pour cause, me direz-vous, ce rapport n'est paru que le 7 avril 2006 alors que votre projet de loi a été déposé le 29 mars.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Eh oui !

M. Serge Blisko. Mais n'aurait-il pas été plus prudent et plus respectueux pour le Parlement d'attendre les conclusions des sénateurs avant de légiférer ?

M. le rapporteur a pour sa part beaucoup consulté les associations et les organisations syndicales, je le reconnais volontiers, ...

M. Thierry Mariani, rapporteur. Merci !

M. Serge Blisko. ...mais le projet a été très peu modifié.

Alors même que l'immigration est une question difficile, nécessitant un réel débat, vous avez ignoré tous les avis. Loin du dialogue ou du réalisme, vous avez refusé délibérément de prendre en compte les avis et les conclusions d'instances légitimes qui, depuis vingt ans, tentent de nous éclairer dans ce débat.

L'immigration est vue à travers le prisme comptable. Depuis 2003, vous dites que les chiffres s'améliorent en citant, par exemple, l'augmentation des reconduites à la frontière. Mais nous savons bien que ces chiffres sont spécieux. Ces reconduites s'effectuent en majorité dans deux ou trois départements d'outre-mer ou collectivités, comme Mayotte. De plus, le problème ne se résout pas en mettant toujours plus de personnes dans les avions pour les renvoyer dans leur pays d'origine.

Je vais donner un exemple pour illustrer la détestable méthode Sarkozy, qui consiste à lancer dans la presse des chiffres avant même qu'ils ne soient vérifiés pour finalement taire pudiquement la suite des événements, en particulier lorsque ces chiffres sont infirmés.

M. Sarkozy a ainsi annoncé en novembre 2005, au moment des émeutes urbaines, que 120 étrangers, en situation régulière ou non, devaient être condamnés pour violence et faire l'objet sans délai de mesures d'expulsion.

M. Bernard Roman. Il n'y en avait qu'un !

M. Serge Blisko. En réalité, ces 120 personnes citées étaient interpellées et non condamnées. Et finalement, sept jeunes sont concernés dont un seul est expulsé.

M. Bernard Roman. Il faudra que le Gouvernement donne des explications à ce sujet !

M. Serge Blisko. Encore une fois, il s'agit d'un effet d'annonce sans suite. Heureusement d'ailleurs, car voir cent vingt jeunes chassés de notre pays aurait été insupportable. Voilà la démonstration que la réalité est très différente des chiffres que vous annoncez.

De la même manière, nous n'avons aucune idée de ce qu'est la fameuse pression migratoire. Vous annoncez entre 200 000 et 400 000 étrangers en situation irrégulière...

M. René Dosière. Ce qui ne représente que 0,5 % de la population !

M. Serge Blisko. ...en vous hâtant d'ajouter que notre pays n'a pas les moyens de les supporter. Mais dois-je vous faire remarquer que ces chiffres ne recouvrent pas des situations de grande clandestinité ? La plupart du temps, il s'agit de personnes que l'administration tarde à convoquer alors que leurs papiers ont expiré. Elles se retrouvent dans une situation irrégulière alors qu'elles n'ont absolument rien fait d'irrégulier.

M. Bernard Roman. Oui, nous les voyons dans nos permanences.

M. Serge Blisko. Dans notre pays, la proportion d'immigrés en France reste stable depuis près de trente ans et s'établit entre 6 et 7 % de la population alors même que l'on nous parle de pression migratoire accrue, d'afflux et même d'invasion.

Nous avons procédé à des consultations auprès des syndicats et des associations, notamment le collectif « Non à l'immigration jetable ». Et il faut bien voir que derrière ces chiffres, il y a des situations humaines concrètes : des individus vont devoir remplir des objectifs quantitatifs pluriannuels déterminés par le Gouvernement. L'illogisme est criant. Les individus ne sont pas des pions, on ne peut pas les faire entrer, en poussant, en bourrant, en rabotant les coins, dans vos cases fixées en fonction d'opportunités politiques et d'échéances électorales. La réalité n'a rien à voir avec vos objectifs politiques ou les problèmes d'image de telle ou telle personnalité.

Vous bafouez les principes républicains. En multipliant les obstacles, vous niez le droit qu'ont les membres d'une famille de pouvoir vivre ensemble, droit protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Car derrière le terme de regroupement familial, il faut voir le mal-vivre de familles séparées, d'enfants privés de leur père et de leur mère. Vous déstabilisez la famille, cellule de base de la société, particulièrement pour les populations les plus fragiles. Vous rendez plus précaires encore des situations déjà difficiles et vous exposez à la marginalité des enfants déracinés.

M. Bernard Roman. Très juste !

M. Serge Blisko. Je pense à ces jeunes mineurs que nous parrainons grâce au réseau « Éducation sans frontières ». En plein milieu d'une année scolaire, ils encourent le risque d'être expulsés de notre pays, alors même qu'ils sont entourés d'amis et soutenus par des professeurs, exemples même d'insertion par l'école, quel que soit leur niveau. Et ce n'est pas une description mélodramatique, mais la triste réalité de ce pays.

M. Bernard Roman. C'est scandaleux !

M. Serge Blisko. Les églises chrétiennes ont considéré qu'en attaquant frontalement l'immigration familiale, en la désignant comme une immigration subie, vous faites le malheur de ces familles et vous bafouez les principes républicains et humanistes que nous devrions, je crois, tous partager.

Votre obsession de la catégorisation transpire de ce texte. Les étrangers classés dans la catégorie « stagiaires » ou « étudiants » seront ainsi assez bons pour bénéficier de la carte « compétences et talents ». Derrière cette catégorisation se cache une hiérarchisation inacceptable et absurde. Car dans cette fuite en avant, vous allez finir par vous embourber dans vos propres contradictions.

Vous tentez de concilier les phobies traditionnelles de l'extrême droite et un point de vue moderniste, libéral au sens économique du terme, qui tendrait à répondre aux besoins de main-d'oeuvre des entreprises françaises. Pensez-vous réellement qu'en donnant l'image d'une France refermée sur elle-même, soupçonneuse et pleine d'embûches administratives, vous allez faire de notre pays un pôle d'attractivité pour les compétences et les talents ? Soyez assurés que les étrangers talentueux choisiront une autre destination, plus sympathique et riante, lorsqu'ils verront ce que sera devenue la France si votre projet de loi est adopté. Et votre intention affichée de recruter les meilleurs éléments n'y fera rien. Ils préféreront partir au Canada plutôt qu'en France.

En outre, le système que vous mettez en place est totalement stupide. Je lisais aujourd'hui la liste des professions ouvertes aux ressortissants des nouveaux pays d'Europe de l'Est qui, depuis hier, peuvent entrer sans grande restriction - et c'est heureux - dans notre pays. On y trouve à la fois des ingénieurs atomistes, des médecins de haut niveau mais aussi des laveurs de carreaux.

M. Jean-Pierre Brard. Pour laver les carreaux de l'UMP !

M. Christian Vanneste. Monsieur Brard, votre niveau baisse d'heure en heure ! Et il n'était déjà pas très élevé !

M. Jean-Pierre Brard. Et vous, monsieur Vanneste, vous avez la vue qui baisse !

M. Serge Blisko. Or, vu le nombre de tours de bureaux qui se construisent ici ou là, nous aurons besoin demain de laveurs de carreaux. Allez-vous réellement délivrer une carte « compétences et talents » à un laveur de carreaux venu d'outre-mer ? Heureusement que le ridicule ne tue pas !

Autre question : que fait-on des compétences et talents déjà en France, ceux qui ne trouvent pas leur place, ceux qui ont le droit d'être médecin dans nos hôpitaux mais qui n'ont pas le droit de s'installer dans la rue à côté de l'hôpital, même avec un diplôme français, simplement parce qu'ils sont étrangers ? Va-t-on leur dire qu'ils sont compétents, mais sans talents puisque peu payés, qu'ils sont utiles mais qu'ils n'ont pas droit à la carte « compétences et talents » car ils sont arrivés sur notre territoire avant la promulgation de cette loi ?

M. Bernard Roman. Très bonne question !

M. Serge Blisko. On se retrouvera avec des personnes compétentes et talentueuses avec des statuts différents suivant leur date d'entrée sur notre territoire. Voilà qui est pernicieux et inégalitaire.

Cet utilitarisme sans principes est une idéologie dangereuse qui ne répond en rien à la problématique mondiale de l'immigration.

On joue sur des peurs, des fantasmes. Délinquant, criminel, bénéficiaire frauduleux des prestations sociales : telle est l'image de l'immigré que vous véhiculez. En particulier, vous ne faites toujours pas de distinction entre demandeur d'asile et immigré. Faut-il vous rappeler que le droit d'asile est reconnu par la Constitution et la convention de Genève du 28 juillet 1951 et qu'en aucun cas ce droit imprescriptible ne doit être soumis à des aléas de crédits, de coûts ou amendé dans une perspective sécuritaire et répressive, ce qui n'empêche pas, comme le disait M. Mariani, de traiter plus rapidement et avec plus d'humanité les demandeurs d'asile pour qu'ils soient fixés sur leur sort dans des conditions convenables ?

Arrêtons aussi de penser que nous sommes menacés par une invasion de demandeurs d'asile puisque leur nombre ne cesse de diminuer dans notre pays. Les statistiques montrent qu'ils étaient 60 000 l'année dernière. Il faut savoir que des pays bien plus pauvres et bien plus en difficulté que le nôtre accueillent la majorité des 17 millions de réfugiés et demandeurs d'asile du monde. 60 % des 17 millions de réfugiés relevant du HCR ont trouvé asile en Afrique ou en Asie. Avec un ratio de 0,8 demandeur d'asile pour mille habitants, la France se place au dixième rang européen des pays d'accueil. Où est l'invasion, où est la menace ? Rien de tout cela : pas d'afflux massif de demandeurs d'asile, pas de fraudeurs, simplement des gens qui fuient une situation difficile, des réfugiés politiques, et dont les dossiers sont examinés en toute sévérité par l'OFPRA et la commission des recours des réfugiés.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Et en toute honnêteté !

M. Serge Blisko. Effectivement, lorsqu'ils accordent des moyens suffisants à chaque dossier. Mais ne mettez pas la pression sur l'OFPRA pour qu'il fasse du chiffre !

Cessez de stigmatiser et de renforcer le mythe des étrangers profiteurs d'une France trop généreuse, d'abord parce que sa générosité mériterait d'être reconsidérée, ensuite parce qu'un tel discours ne peut provoquer que haine et incompréhension. Je le répète, monsieur le rapporteur, ce texte ne marque pas un équilibre entre les utopistes, les angéliques, ceux qui laisseraient entrer tout le monde et l'extrême droite, mais se rapproche terriblement des incompréhensions et des ferments de haine que lance l'extrême droite.

J'en viens maintenant à la politique d'intégration telle que vous la définissez. Vous insistez, à juste titre, sur la nécessaire intégration, sur la meilleure intégration possible des étrangers en France, mais je crains que cette disposition ne cache un autre dessein.

Avant tout, je rappelle que le contrat d'accueil et d'intégration souffre de nombreuses lacunes, notamment le nombre insuffisant de plates-formes et leur manque de moyens. En commission, vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que chaque département ou presque disposait d'une plate-forme d'accueil et d'intégration. Je n'en suis pas sûr.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Chaque région !

M. Serge Blisko. En Lorraine, par exemple, il n'y a que deux plates-formes, à Metz et à Épinal, puisque Nancy n'en a pas. En tout cas, comme vous nous l'avez dit en commission des lois, il est très difficile de demander à quelqu'un qui travaille toute la journée de faire cinquante ou soixante kilomètres le soir pour venir apprendre le français. Beaucoup abandonnent, non par mauvaise volonté, mais tout simplement par manque de moyens.

Nous ne croirons à ce que vous appelez une politique volontariste d'intégration que le jour où vous y consacrerez plus de moyens, lorsque ce ne sera plus quelque chose que vous agiterez de temps en temps.

Vous fermez la porte à des voies naturelles d'intégration, en remettant en cause la carte de résident de dix ans et, plus encore, en supprimant la régularisation après dix ans passés sur le territoire français. L'argument que vous invoquez pour la supprimer me paraît parfaitement démagogique. Vous prétendez que ce n'est pas parce qu'on a été irréguliers pendant dix ans qu'on devrait être pardonnés la onzième année et qu'on aurait tout à coup des droits. La situation est complexe, elle évolue. Il ne s'agit pas d'un crime. Dix ans, c'est tout de même quelque chose dans un processus d'intégration. Après tout ce temps, allez-vous dire à quelqu'un qui est restée en France, a fondé une famille et commencé à travailler qu'il n'aura jamais de papiers vu qu'il est entré sur notre territoire de manière irrégulière ? Vous les condamnez à perpétuité, à la clandestinité, à l'irrégularité, à des comportements frauduleux et déviants, et avec eux leur descendance.

M. Bernard Roman. Tout à fait !

M. Serge Blisko. Comme l'a excellemment démontré tout à l'heure M. Roman, vous les vouez à une situation que le père spirituel de M. Sarkozy a mise en place depuis maintenant une vingtaine d'années, je veux parler des « ni-ni » de M. Pasqua : ni expulsables, ni régularisables, c'est-à-dire une masse de femmes, d'enfants, de jeunes et d'adultes. Dès lors, on aboutit à des problèmes qui nous poursuivront encore pendant des dizaines d'années parce qu'ils ne partiront pas puisqu'ils sont intégrés de facto à la France.

M. Christian Vanneste. Selon vous, parce qu'ils ont enfreint la loi pendant dix ans, ils sont intégrés ?

M. Serge Blisko. De la même manière, vous condamnez les personnes qui n'ont pas les bons papiers au bon moment - je n'aime pas le terme de sans-papiers -

M. Jérôme Rivière. C'est de la dialectique !

M. Serge Blisko. ...à la précarité, au travail clandestin, à un logement indigne, aux marchands de sommeil, à une existence de fantômes dans nos villes.

M. Christian Vanneste. À quoi sert-il de faire une loi ?

M. Bernard Roman. Monsieur Vanneste, avez-vous déjà vu les files d'attente dans les préfectures ? On n'a pas les moyens de les recevoir !

M. Jean-Pierre Brard. Souvenez-vous de vos grands-parents, mesdames, messieurs du groupe UMP !

Mme Arlette Franco. Justement !

M. Jean-Pierre Brard. Vous les reniez !

M. Serge Blisko. M. Sarkozy parlait cet après-midi avec beaucoup d'émotion des incendies d'août 2005. Mais on est toujours dans la même situation. Récemment, dans le 13e arrondissement dont je suis maire, la préfecture de police a procédé à l'expulsion d'un immeuble qu'elle avait longtemps refusé de reconnaître comme insalubre. Croyez-vous qu'il y avait une solution de relogement ? Savez-vous où ils sont ? Ils campent dans le jardin d'à côté. Rien n'a été prévu !

Annexe n°7

Extrait d'une intervention de Jérôme Rivière (UMP)

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jérôme Rivière.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Enfin un orateur modéré ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Rivière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hors de tout contexte politique, le texte qui nous est proposé pourrait laisser croire que notre pays vit des moments paisibles, dans un contexte économique de forte croissance, et que, tranquillement, nous allons discuter pour décider des flux migratoires dont le pays aurait besoin. Hélas ! Comme l'a rappelé Nicolas Sarkozy hier après-midi, la France est en crise.

M. Patrick Braouezec. Et la crise du Gouvernement ?

M. Jérôme Rivière. Une crise d'identité grave et longue : trente années de repentance et de masochisme soixante-huitard ont étouffé toute fierté, toute conviction sereine d'être nous-mêmes.

M. Jean-Pierre Brard. Selon vous, monsieur Rivière, il n'y aurait pas de crise sociale ?

M. Jérôme Rivière. Et pourtant, à l'heure de la mondialisation, les cultures, les racines, les appartenances sereines et fortes sont les meilleurs remparts contre le racisme. Un pays qui n'est pas sûr de son identité ne peut pas s'ouvrir aux autres sans peur.

M. Christian Vanneste. Très juste ! C'est Claude Lévi-Strauss qui le dit !

M. Jérôme Rivière. Mais j'ajouterai, monsieur le ministre, que quelle que soit la force morale d'un pays, il existe un seuil d'immigration à partir duquel un pays se regarde dans le miroir sans se reconnaître.

M. Jean-Pierre Brard. Si c'est vous qu'il y voit, il est évident qu'il ne se reconnaîtra pas !

M. Jérôme Rivière. Ce seuil est aujourd'hui largement atteint en France.

Les Français, jamais consultés sur cette immigration de peuplement - car c'est bien ainsi qu'il faut l'appeler -, subissent ces changements avec surprise et sans y adhérer aucunement. Leur colère ne manquera pas d'éclater un jour ou l'autre.

La France est, depuis plus de mille ans, un pays d'héritage judéo-chrétien. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or, chaque année, les dizaines de milliers de demandeurs d'asile, qui pour la plupart s'évaporent dans la nature, et les 130 000 arrivées régulières, fondées pour l'essentiel sur le regroupement familial ou sur un lien de famille avec des Français - les étrangers naturalisés qui vont chercher leur épouse dans leur pays d'origine -, sans parler des clandestins toujours plus nombreux, sont pour l'immense majorité d'entre eux d'origine musulmane et viennent modifier profondément la nature de notre société. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Entendre cela à l'Assemblée nationale ! C'est une honte !

M. Gérard Charasse. Incroyable !

M. Bernard Roman. La République est laïque !

M. Jérôme Rivière. Pour parler d'intégration, il faudra bien un jour évoquer sereinement cet état de fait. Mais les effets directs de l'islam sur la société restent inexplicablement tabous. Au rebours des endormeurs médiatiques et des donneurs de leçons, toujours nombreux sur les bans de la gauche,...

M. Jean-Pierre Brard. En l'occurrence, c'est vous qui prétendez donner des leçons !

M. Jérôme Rivière. ...je suis persuadé que cette situation préoccupe gravement nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Brard. C'est du Barrès, moins la culture !

M. Jérôme Rivière. Leurs craintes concernent la place de l'islam à l'école, dans les administrations, mais aussi sa conquête de la rue et de la vie de tous les jours. La plupart des décideurs y font référence à la marge, sans aucune mise en perspective. Depuis trop longtemps, les responsables politiques agissent comme si la vague migratoire extra-européenne ne remettait pas brutalement en question le destin même et l'identité pluriséculaire de notre pays.

M. Patrick Braouezec. « L'identité pluriséculaire », rien que ça !

M. Jérôme Rivière. Aussi, monsieur le ministre, face à cette crise, nous devons aller plus loin.

Je comprends vos intentions lorsque vous parlez d'immigration « choisie », mais cette notion s'apparente, à mes yeux, à une sorte de tri sélectif par lequel nous priverions les pays d'origine de leurs élites, les maintenant dans une situation où l'émigration est une absolue nécessité. De plus, la question des étrangers que nous n'aurons pas choisis mais qui continueront de choisir la France restera pendante.

Pour favoriser l'intégration, vous évoquez la discrimination positive, qui permettra d'exiger la représentation des minorités dans l'entreprise ou les médias, alors même qu'il reste interdit en France de demander, à l'occasion des recensements, l'origine ethnique ou la religion des personnes interrogées.

M. Jean-Pierre Brard. Il ne manquerait plus que ça !

M. Jérôme Rivière. La polygamie est interdite en France, mais largement pratiquée, et payée par nos impôts.

M. Jean-Pierre Brard. Le Pen n'a pas besoin de siéger ici : il est représenté par ses adeptes !

M. Christian Vanneste. Staline l'est bien, lui !

M. Jérôme Rivière. Nos concitoyens savent tout cela et il nous faut, comme le disait hier Claude Goasguen, en finir avec toutes les hypocrisies.

Aussi proposerai-je des amendements pour que le Parlement français marque une réserve d'interprétation sur l'article 8 de la CEDH, amendements qui sont dans l'esprit du texte qui avait été présenté au Conseil d'État. Cet article 8 constitue en effet un véritable tunnel pour l'immigration en permettant de s'affranchir des contraintes de notre législation.

Deux blocs coexistent au sein du Conseil de l'Europe. Il y a celui des pays de l'ouest de l'Union Européenne, dont les systèmes économiques et sociaux exercent sur les ressortissants des pays les moins favorisés un effet d'attraction immense, justifiant à lui seul un projet migratoire. Et puis il y a un deuxième bloc, constitué des pays dont les populations voient dans l'émigration un objectif prioritaire.

Les membres du Conseil signataires de la CEDH ne peuvent donc pas avoir de vision commune sur les problèmes migratoires. Et je souffre de recevoir, à la Cour de Strasbourg, des leçons en matière de respect des droits de l'homme de la part de juges issus des systèmes ukrainien, azéri, turc ou géorgien, pour ne citer que quelques pays signataires.

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. C'est scandaleux !

M. Bernard Roman. À quand l'étoile jaune ?

M. Jean-Pierre Brard. C'est du Gobineau !

M. Jérôme Rivière. Enfin, il est indispensable de modifier les règles pour l'accès aux soins gratuits. Le critère de risque vital doit donc formellement devenir un critère auquel s'ajoute l'immédiateté. La France, dont le système de santé occupe la première place du classement mondial de l'OMS et garantit la gratuité de l'ensemble des soins médicaux aussi bien aux étrangers admis au séjour pour soins qu'à ceux qui sont en situation irrégulière, exerce sur les ressortissants des pays moins favorisés un effet d'attraction immense, justifiant à lui seul un projet migratoire. Cela doit être encadré avec la plus grande rigueur.

M. Jean-Pierre Brard. Malheureusement, certaines maladies sont incurables...

Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Rivière.

M. Jérôme Rivière. Notre société change, et c'est bien ainsi. Qu'elle s'enrichisse des apports de ceux qui souhaitent vivre chez nous et que nous acceptons librement. Mais il ne faut pas oublier que vivre avec nous, c'est aussi vivre comme nous. Le premier devoir des immigrés est de respecter la culture du pays qui les accueille. Ce n'est pas négociable.

Mme la présidente. Veuillez terminer, monsieur Rivière.

M. Jérôme Rivière. Je conclus, madame la présidente.

Les Français ne nous écoutent plus : ils l'ont montré en 2002, en 2004 et en 2005.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ça, c'est incontestable !

M. Jérôme Rivière. Continuons à nous excuser d'être nous-mêmes, marquons une hésitation à l'occasion de nos débats, et ils nous le montreront à nouveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Jérôme Gobineau !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Annexe n°8

Extrait du message d'ouverture du Président de l'Assemblée générale de la Fédération protestante de France (12 mars 2006)

Pasteur Jean-Arnold de Clermont


« Ce sont les mêmes remarques que me suggère le rapport de la « commission mondiale sur les migrations internationales » rendu public en octobre 2005 par les Nations unies. Son grand mérite est de proposer un regard global sur les 200 millions de migrants, soit environ 3% de la population mondiale, et d'y voir un facteur clé pour la prospérité y compris des pays industrialisés, et comme un facteur de développement et de stabilité pour les pays de migrations. Le rapport aborde avec lucidité la difficile question des migrations irrégulières ; sans nier le droit des Etats à déterminer qui peut entrer et demeurer sur leur territoire, il souligne leur responsabilité et leur obligation à protéger le droit des migrants. Il les engage à coopérer activement entre eux afin que leurs efforts ne mettent pas en danger les droits humains, notamment le droit des réfugiés à demander l'asile. Je vous invite à la lecture et à l'étude de ce rapport. A plus forte raison quand un nouveau projet de loi propose sous un titre trompeur, l'immigration choisie, c'est-à-dire choisie non par les migrants mais par notre pays en fonction de ses seuls besoins en main d'oeuvre qualifiée ou non. Je cite ce commentaire de la Nouvelle République (quotidien algérien d'information) : «Quand Nicolas Sarkozy soutient que « la France ne peut pas rester à l'écart des flux mondiaux de l'intelligence et des compétences» on se demande quand même s'il parle bien d'êtres humains ou de marchandises utiles au bon fonctionnement de l'entreprise France... En clair, ce ne sont plus les problèmes d'intégration qui dictent en priorité la politique migratoire, mais la compétition internationale, l'avenir des sociétés françaises. Pour ce qui est d'accueillir «la misère du monde» ne serait-ce que la partie que lui imposent ses idéaux fondateurs et sa prospérité relative, la France, «Terre d'asile» et «pays des droits de l'homme», se déclare aux abonnés absents. Des pays du tiers-monde, elle prendra seulement les «talents et compétences», s'appliquant à refouler les sans-grade, à l'instar notamment des Etats-Unis, du Canada ou de la Suisse. En creux, derrière l'opposition entre immigration «choisie» et «immigration subie», les immigrés d'hier et d'aujourd'hui comprendront aussi qu'ils sont et ont été «inutiles», un fardeau pour le pays d'accueil. » . Le jugement est peut être sommaire, mais la Cimade le dit pareillement : « Ce projet évacue l'être humain pour ne voir que la main d'oeuvre ». Il nous faudra apporter un autre regard sur ce sujet qui, n'en doutons pas, prendra dans les semaines et les mois à venir une place importante dans les débats publics.

En partant de ces deux rapports incontestables dans leur indépendance à l'égard des positions politiques dans notre pays, j'essaie de vous dire combien nous avons à jouer un rôle lui aussi indépendant des affrontements politiques parce qu'il placera au coeur du débat les personnes concernées, la volonté de chercher des solutions raisonnables et concertées, le refus de nous laisser guider par nos peurs. Nos Eglises et Associations ont ainsi à rendre le témoignage d'une participation à la vie publique, où elles ont à faire entendre leur spécificité ».

Annexe n°9

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