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Eléments pour une clinique différentielle de l'anorexie à travers le stade du miroir

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par Serafino Malaguarnera
Université Libre de Bruxelles - DEA en Sciences Psychologiques et de l'Education 2006
  

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4. Les apports psychanalytiques

Considérer l'anorexie mentale comme un symptôme ou comme une structure spécifique est une question qui a été au centre des débats sur la place de l'anorexie mentale dans la psychopathologie et dans la nosographie psychiatrique. Dans un premier temps, l'anorexie a été assimilée à l'hystérie, c'est-à-dire à une structure névrotique, et à la dépression mélancolique. Quelques décennies après, elle a été considérée comme une manifestation d'une structure psychotique. Après le tournant des années soixante, lorsque de nouvelles catégories nosographiques deviennent de plus en plus d'actualité, elle a été rapprochée tantôt à une structure borderline tantôt à une structure narcissique. Dans cette même période, un courant autonome progressivement dominant fait de l'anorexie une structure autonome bien individualisée dans le champ psychopathologique et psychiatrique. Plus récemment, plusieurs auteurs ont mis en évidence la dimension addictive de l'anorexie conduisant certains auteurs à l'intégrer dans le vaste champ des toxicomanies. Nous allons repasser maintenant dans les détails la plupart de ces différentes positions autour de l'anorexie considérée comme un symptôme se situant dans de contextes psychopathologiques divers ou comme une structure spécifique.

Nous voudrions souligner que l'énorme quantité de travaux concernant l'anorexie rend difficile une présentation précise. En raison des multiples références et des différents niveaux où elles se situent, une présentation sous la forme de regroupements rigides s'avère peu aisée.

4.1. L'anorexie au regard de l'hystérie

Dans la clinique de l'anorexie, l'hystérie avait déjà été évoquée dans les descriptions de Gull, Lasègue, Charcot, Déjerine et Janet. Mais il revient à Freud d'avoir rattaché d'une façon déterminante l'anorexie à l'hystérie. Dès 1893, il prend position sur la signification de l'anorexie mentale dans différentes études clinique38(*). Au départ, il souligne surtout l'aspect dépressif qui sera repris par de nombreux auteurs. Par la suite, dans une lignée de compréhension basée sur l'hystérie, Freud considère le symptôme anorexique comme un symptôme de conversion qui serait provoqué par le refoulement de l'érotisme oral. Le dégoût envers les aliments serait une défense destinée à faire obstacle aux pulsions sexuelles. Les travaux d'Abraham sur le sadisme oral apportent de nouveaux éléments aux interprétations psychanalytiques sur l'anorexie. Selon cet auteur, au niveau du stade oral cannibalique, l'activité sexuelle serait fusionnée avec l'ingestion alimentaire. L'anorexie serait un combat contre la sexualité devenue un repas dégoûtant à la suite du refoulement du sadisme oral. Entre les deux guerres, l'influence des théories de Freud et d'Abraham se retrouvent dans la plupart des recherches psychanalytiques. En 1929, Maria Oberholzer présente devant la Société suisse de Psychanalyse39(*) un compte rendu de traitement par la psychanalyse d'une patiente atteinte d'anorexie mentale. C'est la cas d'une fillette de 13 ans, tombé à 33 kg, qui refusait de manger parce que la nourriture la dégoûtait et qui vomissait continuellement. Le texte publié en 1940 par Waller, Kaufman et Deutsch40(*) représente le point culminant de ces interprétations considérant l'anorexie sur le modèle de l'hystérie comme un combat contre la sexualité consécutif au refoulement du sadisme oral.

Dans les années cinquante, J. Lacan situe la problématique de l'anorexie au niveau de la dialectique des premiers échanges entre le bébé et la mère. Dans les premiers moments de sa vie, le nouveau-né émet des cris pour que la mère puisse satisfaire son besoin. En lui répondant, l'adulte transforme le cri en appel qui devient une première forme d'engagement aussi bien dans la parole que dans l'ordre symbolique, et qui sera aussi le prototype de toute demande. Pour obtenir la satisfaction de ses besoins, le bébé va s'adresser à la mère en modulant progressivement les appels qui se transformeront en demandes articulées grâce au langage. Ainsi, le besoin entre dans le cycle des échanges entre la demande de l'enfant et la réponse de la mère. Dans cette dialectique d'échange, la réponse de la mère est vécue par l'enfant comme un don et comme une preuve d'amour. En réponse à la demande, la mère ne donne pas seulement ce qu'elle a, notamment le lait, mais aussi ce qu'elle n'a pas, à savoir l'amour. A partir de cette dialectique, l'enfant peut aussi bien expliciter une demande non pas pour voir apparaître l'objet dans sa matérialité mais pour renouveler la preuve d'amour. La demande d'une satisfaction d'un besoin se transforme ainsi en une demande d'amour. Au quotidien, il est facile d'observer le plaisir qu'un enfant éprouve en répétant une demande sans pour autant s'attendre à une réponse matérielle. En répétant la demande, l'enfant ne vise pas l'objet mais le rien qui lui permet de renouveler la demande d'amour. Il est donc important que la mère n'écrase pas la demande de l'enfant mais qu'elle maintienne un certain écart entre le besoin et la demande. C'est grâce, en effet, à cet écart que l'enfant accède au désir. Quant à l'anorexie, le symptôme serait une réaction à ce rien attendu qui est comblé par un objet de satisfaction. Ainsi, l'anorexique refuserait l'objet de satisfaction du besoin, à savoir l'aliment, pour rechercher ce rien. En raison de ce processus, Lacan définit le symptôme de l'anorexie non pas comme « ne pas manger », mais comme « manger rien ». Selon Bidaud41(*), en plaçant le sujet dans l'histoire du désir et dans la relation à l'Autre, Lacan apporte des éléments essentiels quant à l'aliénation dont souffre l'anorexique.

En 2000, T. Vincent42(*) considère l'anorexie comme une nouvelle forme de manifestation de l'hystérie qui avait tant monopolisé l'attention des psychiatres du XIXème siècle. Cet auteur reprend la distinction entre désir et besoin, introduite par J. Lacan, pour expliquer la problématique de l'anorexie. Dans une société marquée par la pousse à la consommation, la facilité d'obtenir la satisfaction du besoin mettrait en péril la dimension du désir. L'anorexique s'engagerait dans un combat contre cet écrasement du désir, de plus en plus présent dans notre société, en refusant un objet du besoin tel que l'aliment. Par ce refus, l'anorexique affirmerait l'importance du manque dans l'économie du désir et le sacrifice exercé sur son propre corps serait une tentative d'inscrire le manque qui pourrait relancer le désir.

* 38 Freud S. (1892) « Un caso di guarigione ipnotica » in : Opere 1886 - 1895, e altri scritti. Torino : Bollati Boringhieri, 1989; (1892-1895) Etudes sur l'hystérie. Paris : PUF, 1967 ; Freud S. (1905) Trois essais sur la théorie de la sexualité. Paris : Gallimard, 1987.

* 39 Oberholzer M. «  Aus der Analyse eines dreizehnjaehrigen Maedchens ». Schweiz. Arch. Neurol. Psychiat., 1930, 26, p. 287-292.

* 40 Waller J.V., Kaufman R.M. et Deutsch F. « Anorexia nervosa: A psychosomatic entity ». Psychosom. Med., 1940, 2, p. 3-16.

* 41 Bidaud E. Anorexie mentale, ascèse, mystique. Une approche psychanalytique. Paris : Denoël, 1997.

* 42 Vincent T. (2000). L'anorexie. Paris : Odil Jacob, 2006.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand