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Le corps mis en scène dans une médiation théâtrale

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par Farida Amiou
Université Paris Denis Diderot, Paris VII - Master 1 de psychologie 2007
  

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II) Réflexion théorique sur Martine :

2.1) « Voyage d'une adolescente dans la crypte maternelle » :

-2.1.1) Adolescence et puberté :

L'adolescence, jusqu'au milieu de 20ème siècle était plus une donnée sociologique que psychologique. En effet, celle-ci représentait le passage de l'enfance à l'âge adulte par des rites de passage, mais surtout par l'acquisition d'attributs sexuels rendant la procréation possible ; même si dès 1885, le psychanalyste S.Freud commence à aborder cette question. Cette année là, S.Freud décrit la puberté comme un temps d'après coup, idée qu'il va affiner en 1905 dans « Les Trois Essaies sur la Théorie Sexuelle » en situant le début de la sexualité dans la prime enfance.

L'avènement de la puberté inaugure les transformations menant à la vie sexuelle infantile à la vie sexuelle adulte, sous sa forme définitive. A l'adolescence se construit le psychisme adulte définitif à partir d'une réécriture du vécu infantile. Cette période oblige le sujet à surmonter les résurgences du complexe OEdipien infantile18(*).

L'adolescence, vient après le complexe d'OEdipe : second temps d'organisation et de transformation faisant évoluer la sexualité infantile vers une sexualité adulte « définitive et normale », ceci avec l'arrivée de la puberté (Freud 1905).

La puberté, appelée aussi : phase génitale, de par la maturation des organes génitaux, impacte d'une façon certaine sur l'organisation psychique de l'adolescent, tant dans son mode relationnel aux autres que dans l'établissement de sa future personnalité.

Ce qui se manifeste psychiquement en premier lieu est le passage de la pulsion sexuelle infantile auto-érotique à la pulsion sexuelle adulte tournée vers l'objet. Les pulsions partielles infantiles se regroupent sous le spectre de la génitalité pour satisfaire le choix d'un objet dans un but de procréation. Selon Freud, ce choix est préparé dès l'enfance et ceci en trois temps : celui de la petite enfance, de l'enfance et de la période de latence puis, de la puberté.

S.Freud, par ses écrits, ouvre la voie à la théorisation sur l'adolescence et c'est Peter Blos, psychanalyste, qui fut le premier à publier une théorie dès 1962, en s'inspirant des ses écrits. Pour lui, la période de l'adolescence représente le deuxième processus d'individuation durant lequel le jeune intègre sa sexualité d'adulte.

P.Blos, parle d'un second processus de séparation individuation, où se répète le premier, mais d'une façon un peu différente puisque cette fois-ci : il ne s'agit pas de remplacer la mère réelle, par un objet symbolique, maitrisable par la pensée, mais de par de nouvelles représentations non parentales, des objets totalement nouveaux. Généralement l'adolescent y parvient par une série d'expérimentations avec de nouveaux objets non pas intérieur, mais extérieur, c'est en recourant à un groupe de copains ou aux aventures amoureuses que petit à petit, il va investir des objets qualitativement différents des parents dans la réalité, pour créer dans un temps second une centralité d'investissement psychique sur les objets non parentaux.

L'investissement des ces nouveaux objets, autres que parentaux, permet à l'adolescent de se dégager de la problématique incestueuse et infantile, d'un mode trop puérile de relation à l'objet.

Pour Anna Freud, il n'y a pas d'adolescence sans qu'il y soit à un moment donné, l'expression de quelque chose de pathologique, et d'anormal.

L'adolescence serait un moment où il y aurait une sorte d'appétence, pour mettre en scène un mélange de symptômes appartenant souvent à des registres et à des domaines nosographiques et nosologiques différents, comme si on essayait différents costumes, différentes identités. Souvent cela passe par une sorte d'auto caricature du côté pathologique, comme si l'adolescent mettait en scène un personnage qui renvoyait au miroir, aux membres de sa famille.

Au moment de l'adolescence, ce n'est pas tellement la question pulsionnelle qui est centrale mais la question d'un deuil à faire à la fois d'un soi-même infantile, d'un soi même enfant, ludique, avec une virtualité à la fois masculine et féminine, une créativité liée aux pulsions partielles donc un deuil narcissique à faire. En même temps il y a un deuil des premiers objets essentiellement parentaux, plus exactement de la façon dont ils ont été investis. L'adolescent s'ouvre d'une façon nouvelle au monde pour accéder à ces identifications oedipiennes adultes requises par la culture, par la civilisation, par son propre surmoi, ses propres idéaux.

L'intérêt de cette notion de cassure chez Laufer, c'est qu'elle applique le schéma freudien classique du développement de l'enfant en utilisant les phases orales, anale, sadique, génitale et le complexe d'Oedipe infantile, la phase de latence, en faisant fonctionner cela pour des pathologies graves de l'adolescence, dont on dirait a priori qu'il s'agit plutôt d'éclosion et des débuts de psychoses.

La notion de cassure, révèle un refus chez l'adolescent d'intégrer psychiquement ce passage à l'âge adulte. Cette cassure peut être le résultat d'un non intégration d'une représentation de soi comme homme ou femme (identité génitale).

-2.1.2) Le Corps adolescent : mue, fonction et place :

A l'adolescence, le corps est remanié malgré lui et c'est à ce moment là que les troubles sont apparus chez Martine.

Martine, de par ses symptômes vient interroger ce que le corps détient comme vérité sur les premiers liens à l'objet : la mère. Mauses et Eglée Laufer19(*) expliquent que le retour aux origines est indispensable pour comprendre la relation affective qu'a eue la mère avec le corps de son enfant. A voir comment Martine à du mal à se départir de sa mère, et comment son corps en raconte l'histoire, il questionne sur comment ont pu se dérouler les premières expériences psychosensorielle censé offrir une représentation psychique du corps du bébé, dont un schéma des limites de celui-ci. Ces limites permettent au bébé d'avoir une identité propres et différenciée de celle de la mère et du reste du monde20(*) .

X.Gasmann20(*) interpelle la position sociétale centrée sur le corps visible où nous pouvons lire les variations induites par la puberté. Ce centrage  suffit-il à considérer les transformations internes, psychiques chez le sujet adolescent ?

La société façonne et investit le corps, par la mode, les tendances et l'adolescent se prête volontiers à ce conditionnement. Sans doute parce que celui-ci lui accorde une certaine sécurité identitaire familière et reconnue, alors même qu'il baigne dans un nid de transformations, de changements imposés par la puberté. Cette situation créant un sentiment d'étrangeté, l'adolescent a besoin de repères sociétaux pour se réapproprier ce corps : mais est ce suffisant ? Cette question, car la société est vaste et anonyme, plutôt, ne s'agirait-il pas de l'affaire du groupe auquel s'identifier, avec qui faire corps ?

Le corps, versus société, devient un objet de médiation, de rencontre, c'est ce qu'on voit en premier avant d'entendre !

Cette considération, repose sur le « corps-matière » car il remet le sujet dans sa chaire où se trouvent les éléments constitutifs de son identité, comme l'indique X.Gasmann, ceci évoque le « corps-mater » (Lacan), avec la dépendance à la mère du sujet rejeton biologique de celle-ci.

La question de la dépendance à la mère soulève la problématique centrale de l'adolescence qui est la séparation-individuation (P.Blos)21(*). Comment se départir de cette dépendance pour se constituer comme sujet singulier sexué ?

Mais le corps avant d'être une affaire de société, est avant tout le siège de ce qui se joue dans la prime enfance ente la mère et le bébé. Le regard maternel est la clef de voûte entre le bébé et le monde extérieur. En effet, le regard suffisamment bon de la mère autorise le bébé à se différencier d'elle, à saisir ses propres sensations corporelles pour explorer le monde qui l'entoure. Le stade du miroir qui intervient au 6ème mois de la vie offre au bébé qui reconnaît son visage l'appropriation, avec les sensations corporelles de jubilation, du corps (Freud). Le corps est alors engagé, dès le plus jeune âge, dans cette quête de soi, dans cette reconnaissance.

Jean Bergès22(*) parle d'une prise d'image, qui fait accéder au bébé à la position dépressive puisqu'il perd l'omnipotence de la mère qui ne lui obéit plus. Mais c'est par ce passage, que le bébé devient sujet distingué de l'autre maternel.

Dans la philosophie l'attention portée au corps, remonte au début du 20ème siècle. Les philosophes abordaient le corps pour mieux en définir ses limites et les nouvelles façons de le vivre.

Comme le précise R.Schustermann23(*), le corps est ce qui constitue l'identité de l'humain, mais aussi l'instrument de base de toute réalisation indispensable aux perceptions et à toute pensée.

La question du corps renvoie l'adolescent au paradoxe du choix : on ne choisit pas son corps, on ne décide pas de sa puberté. Le moyen pour l'adolescent de se différencier de ce corps imposé, de reprendre une certaine maîtrise est d'adopter un style vestimentaire bien à lui, même s'il se moule à la mode pour se forger une identité singulière. Ce mouvement est nécessaire pour qu'il se réapproprie ce corps nouveau ou changeant, car finalement ce corps n'est pas si nouveau que ça !

Le style vestimentaire, parfois très spécial, servirait-il de contre poids à la blessure narcissique qu'impose la puberté qui fait voler en éclat les repères de l'enfance ?

En plus de devoir faire avec ce sentiment d'étrangeté, comme l'indique F.Marty24(*), l'adolescent doit gérer la menace du rapproché parental avec son nouveau corps sexué. Pour mettre ce rapproché à distance, sa fronde contre l'incestueux est souvent l'attaque en se rendant « ingrat », repoussant.

D'un point de vue psychanalytique, voici quelques notions éclairantes pour tenter de comprendre ce qui se passe au niveau du corps chez Martine.

Pour commencer, il y a Evelyne Kestemberg qui en 1962 propose de considérer les remaniements de l'adolescence sous le versant corporel. Ces transformations pubertaires sont actrices des modifications physiologiques faisant d'un enfant un adulte.

Elle insiste sur l'importance du corporel dans la recherche d'identité. Il est aisé de penser ces manifestations pubertaires comme un facteur de désorganisation des identifications de l'adolescent à son corps infantile. Il ne se reconnaît plus dans ce nouveau corps sexué avec de nouvelles fonctions qu'il ne peut pas encore assumer. Il y a, ici, le problème de la maturité sexuelle qui devance la maturité psychique. E.Kestemberg, nomme ce décalage : « Dysharmonie infantile » fait que l'adolescent rejette son corps vécu comme étranger. Dans le même temps l'adolescent doit faire avec le retour du conflit oedipien et archaïque qui l'éloigne de ses parents et remette en question ses identifications aux premiers objets, à sa part infantile et à la société.

Ce « pré quelqu'un »25(*)est perdu entre l'enfant qu'il était et l'adulte qu'il n'est pas encore.

La relation entre le Moi et le corps se trouve chamboulée au moment de l'adolescence et un auteur, Didier Anzieu26(*), s'est attelé à unir le Moi au Corps dans Le Moi Peau. La peau tient un rôle fondamental dans l'édification du Moi de l'individu et de ses limites. Ceci permet un élargissement de la pensée d'un Moi psychique vers un Moi corporel. Dans la poursuite des travaux de Didier Anzieu, E.Laufer introduit une donnée supplémentaire. Elle précise, que la naissance du Moi-corps n'est pas uniquement lié à des éprouvés sensoriels, contrairement à Didier Anzieu. En effet, chaque rapproché du corps de l'enfant au corps de la mère ajoute à la sensorialité, décrite par Didier Anzieu, des traces mnésiques affectives. Il y a, ainsi, une combinaison de l'image du corps avec la représentation de la relation affective corporelle, ce qui permet au Moi-corps de se développer.

Pour E & M. Laufer l'adolescent subit, de par la puberté, des transformations corporelles remettant en cause sa neutralité sexuelle. Peu à peu ses organes génitaux deviennent fonctionnels et son corps s'affiche au regard des autres, ce qui lui confère une identité sexuelle irréversible.

La passivité occasionnée par la puberté et son cortège de modifications, est insupportable. Cet insupportable là pousse l'adolescent à alterner des mouvements intégratifs du corps (phases actives) avec des mouvements régressifs (phases passives). Le corps pubère se transforme, ce qui échappe à la maitrise du Moi.

La ressemblance grandissante au corps parental, augmente le rapproché incestueux et met l'adolescent en situation de rejeter ce corps, d'attaquer les figures parentales.

Quand tout ce passe bien, l'adolescent finit par accepter ce nouvel habitat : son corps ! Il sort, enfin, du tumulte de l'adolescence.

Après avoir vu le corps flottant au gré des transformations pubertaires, telle une anémone de mer se laissant balancer par les courants marins, il faut bien se poser la question des fonctions de celui-ci.

Annie Birreaux précise que le corps participe à l'évolution du sujet tout au long de son existence. Le corps possède trois fonctions qui se développent au cours de l'évolution du sujet. Le corps est au coeur de l'adolescence.

La première est de se représenter ses besoins primaires et son image. La seconde est du côté du ressenti, c'est à dire l'addition de ses désirs, de ses fantasmes, de ses expériences plaisir-déplaisir. Puis la troisième elle crée et maintient l'image symbolique et sociale du sujet, ce qui permet l'échange par le corps avec le monde extérieur.

Le problème est que l'adolescence vient perturber ces représentations mise en place depuis la tendre enfance !

Le rôle principal de l'adolescence est d'unifier le corps symbolique asexué de l'enfance à celui sexué du futur adulte. Ce mouvement suscite parfois des angoisses massives, et le jeune s'en défend en traitant son corps comme un objet externe à sa vie psychique. Pour A. Birraux, le corps, « traité comme objet qui ne fait pas partie de soi-même (...) peut être, économiquement, le dépositaire de la haine, de l'agressivité, de l'envie, c'est-à-dire de tous les affects menaçants pour son propre psychisme. » (Birraux, 1994). La question de la pathologie se pose quand la fantasmatisation de l'agression du corps fait place à l'agir réel.

Après ces quelques généralités sur l'adolescence et le corps, il paraît utile de réfléchir sur la spécificité de la problématique chez Martine.

* 18 RICHARD.F. Le processus de subjectivation à l'adolescence. Paris, Dunod, 2001

* 19 LAUFER E. (2005) Le corps comme objet interne. Adolescence, 23, 2 : pp.363-379

* 20 X.Gasmann : « Les esquisses symboligènes »

* 21 P.Blos : « Les adolescents. Essai de psychanalyse ». Paris Stock

* 22 J.Bergès : « Le regard et l'imaginaire du corps » Journal français de psychiatrie N° 16

* 23 R.Schustermann : « Débats Shusterman : conscience du corps » L'éclat.

* 24 F..Marty : «  Adolescences : état des lieux à partir des innovations de F.Ladame » Colloque du 6/10/2007

* 25 Pré quelqu'un : terme d'E.Kestemberg pour désigner l'adolescent.

* 26 D.Anzieu : « Le Moi-peau. » Paris, Dunod (1985)

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