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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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3. L'évolution des canons de beauté du Moyen Âge au XVIIIème siècle

a) De la minceur à l'embonpoint

A « l'idéal médiéval de la noble dame gracieuse, aux hanches étroites et aux seins menus, fait place à la fin du XVème et au XVIème siècle à un modèle féminin plus enveloppé dont les hanches larges et le décolleté généreux vont rester de mise jusqu'à la fin du XVIIIème siècle »23(*). Les goûts se transforment : la minceur auparavant valorisée devient synonyme de pauvreté tandis que l'embonpoint renvoie à une position élevée dans la hiérarchie sociale. Afin de ne pas ressembler aux femmes des milieux populaires dont le visage est vieilli, maigre et tanné avant l'âge, les bourgeoises entretiennent leur embonpoint. G. Duby et M. Perrot parlent d' « élaboration de la féminité » pour qualifier l'époque de la Renaissance. En effet, les femmes de l'aristocratie ne cherchent pas seulement à se distinguer des femmes du peuple par leurs formes avantageuses mais aussi des hommes, en adoptant un style vestimentaire et un comportement différent qui traduisent sensibilité et raffinement.

La beauté fait l'objet d'une nouvelle considération. Au Moyen Âge, elle était assimilée à la tentation et condamnée par les clercs ; dans l'esprit de la Renaissance, elle est « le signe visible et extérieur d'une bonté intérieure invisible »24(*). Elle est associée à une situation sociale et devient une obligation. Elle répond à des critères très stricts que définissent traités et poèmes : « peau blanche, cheveux blonds, lèvres et joues rouges, sourcils noirs. Le cou et les mains doivent être longues et minces, le pied petit, la taille souple. Les seins sont fermes, ronds et blancs, avec des aréoles roses. La couleur des yeux peut varier (de préférence verte en France, brune ou noire en Italie) et on fait parfois des concessions aux cheveux bruns, mais les canons de l'apparence féminine restent pratiquement identiques pendant quelques trois cent ans »25(*). Cette recherche de la beauté et de la perfection féminine entraîne l'apparition d'un nouveau genre littéraire au cours du XVIème siècle : le blason, un « poème en l'honneur d'une dame qui détaillent un ou plusieurs de ses charmes »26(*).

b) Une beauté qui s'entretient

« Vers 1550, la vogue de la description de la beauté féminine s'est ancrée dans les moeurs »27(*) et les femmes se réfèrent à ces critères pour modeler leur apparence usant de fards et de cosmétiques. Des ouvrages, écrits par des hommes, livrent des conseils pour se maquiller et cacher ses défauts. Ce sont là que les femmes vont chercher ces recettes qui « remplissent en général une ou deux fonctions : corriger les défauts ou améliorer la nature » et des astuces pour blanchir la peau par exemple28(*). Au cours de ces trois siècles d'artifice, se sont élevées critiques et protestations. Ainsi en témoignent les pamphlets, circulant pendant l'Ancien Régime, qui dénigrent les femmes fardées. Certains leur reprochent de travestir leur visage devant Dieu, d'autres craignent que ce visage maquillé ne cache une sorcière. Progressivement, le maquillage s'estompe « devant la montée d'une bourgeoisie critique (qui identifie le camouflage des cosmétiques à la malhonnêteté attribuée à l'aristocratie)», et « l'air naturel revient à la mode »29(*).

C'est ainsi qu'au XVIIIème siècle naît un nouvel idéal féminin : la grâce et la simplicité sont désormais recherchées. Les femmes sont jugées belles lorsqu'elles ont « un visage pâle aux grands yeux et une silhouette mince et langoureuse » signes de la sensibilité et de la délicatesse « qui devaient donner le ton au début du XIXème et inspirer la conception romantique de la féminité »30(*). Enfin, la révolution française marque un tournant dans l'évolution de l'idéal féminin : l'amincissement est à nouveau privilégié et mène à la redécouverte du style néogrec sous l'Empire.

Au Moyen Âge, les différentes sphères de la société sont sous l'emprise de la religion notamment la « médecine » et l'art. Peu à peu, ce primat de la tradition s'affaiblit entraînant des progrès dans le domaine médical et des évolutions dans la représentation picturale de la femme. Au début du Moyen Âge, l'art sacré prédomine mais son influence diminue laissant émerger un art profane. Les représentations de la femme évoluent passant ainsi de la femme tentatrice et pécheresse, à la femme séductrice. Corrélativement, le corps devient un signe de distinction sociale et le centre des attentions féminines. Ce cadrage socioculturel nous a permis de voir comment « le déclin graduel de la puissance temporelle de l'Eglise en libérant les esprits, libère les corps »31(*) et va nous permettre de comprendre comment s'est construite la représentation sociale de l' « anorexie » entre le Moyen Âge et la fin du XVIIIème siècle. Nous allons maintenant nous attacher à décrire les pratiques « anorexiques » qui ont existé durant cette période et examiner la façon dont elles ont été comprises et perçues.

* 23 DUBY, Georges et PERROT, Michelle, Histoire des femmes en Occident, Tome 3 : XVIème - XVIIIème siècle, Paris, Editions Perrin, Collection « Tempus », 2002, p. 76.

* 24 Idem, p. 78.

* 25 Idem, p. 79.

* 26 Idem, p. 80.

* 27 Idem, p. 80.

* 28 Le blanc était associé à la pureté et à la chasteté.

* 29 Idem, p. 85.

* 30 Idem, p. 85.

* 31 GUILLEMOT, Anne et LAXENAIRE, Michel, Anorexie mentale et boulimie, le poids de la culture, Paris, Editions Masson, Collection « Médecine et Psychothérapie », 1997, p. 40.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille