CHAPITRE III : FABRICATION DES REPRESENTATIONS
SOCIALES ASSOCIEES A LA
RETRAITE
L'analyse de la manière dont les retraités se
représentent la retraite sera organisée en deux parties. Il
s'agira d'abord d'analyser les représentations des individus avant la
retraite (étant encore hors du champ de la retraite), puis, pendant la
retraite (en tant qu'acteur à part entière du champ de la
retraite). Cela nous permettra de saisir le sens du choix d'un modèle de
conduite des retraités à travers leur association.
III-1- FABRICATION DE REPRESENTATIONS SOCIALES AVANT
LA
RETRAITE
III-1-1-Au niveau idéologique et
symbolique
Les retraités avaient conscience de la retraite.
Ils l'ont envisagé comme une phase incontournable de la vie qu'il faut
nécessairement être capable d'assumer à tout point de vue.
Pour eux, il fallait donc se préparer économiquement,
psychologiquement pour pouvoir l'aborder d'autant plus que la
réalité de la retraite, c'est comment s'y prendre et être
capable d'assurer sa vieillesse. Mais, cela n'exclut pas la vision floue qui
suscite en eux des doutes et des craintes quant à la suite de ce qu'on
deviendra une fois à la retraite. Les retraités estiment
qu'à la retraite, ils perdent tous les avantages sociaux puisque un
travailleur salarié est toujours socialement admiré et
respecté. Il incarne socialement l'autonomie financière et la
responsabilité.
Les différentes perceptions plus ou moins
négatives de la retraite résident dans la définition
sociale de la retraite. En effet, il s'agit de comprendre comment la
société définit les retraités et fabrique des
inactifs, des incapables sous la base des stéréotypes et de
préjugés qu'elle s'identifie à une catégorie
d'individus pour la plupart avancé en âge.
En effet, la construction sociale de la retraite laisse
entrevoir des images de vieillesse d'incapacités physiques à
travailler et d'économiquement affaibli. Nous pensons que ce sont ces
images plus ou moins négatives qui suscitent des appréhensions et
des craintes chez les futurs retraités.
La déconstruction sociale de cette vision de la
retraite nous permet d'observer que la retraite ne rime pas forcément
avec :
- La dégénérescence physique ou
intellectuelle car le retraité peut être une personne
avancée en âge, avoir une parfaite santé mentale et
physique et mettre encore ses compétences au service de la
société ;
- Le repos car le retraité peut toujours se reconvertir
dans d'autres domaines afin d'accroître ses sources de revenu et
être indépendant de la pension de retraite ;
- L'âge limite requis (55 ans) puisque certaines
personnes se retrouvent en retraite avant d'atteindre le seuil des 55 ans.
Puis, il y a la retraite anticipée ou le départ volontaire
à la retraite, etc.
Ces perceptions négatives de la retraite sont
fondées sur le fait qu'elle contribue à la dévalorisation
sociale du travailleur. Cette dévalorisation se traduit par l'exclusion
du circuit de production, la déconstruction du statut social de
salarié et la perte des avantages sociaux liés à ce
statut. Du coup, le retraité est perçu comme
dépossédé de ses capacités économiques,
physiologiques, intellectuelles ; etc. qui le valorisaient dans le champ
professionnel. Cela est constaté dans les propos des retraités
interrogés : « À la retraite, on ne te
considère plus, on ne te prend plus au sérieux, on te
néglige. Dans mon cas, les gens couraient après moi pendant que
je travaillais, mais maintenant à peine qu'ils me saluent lorsqu'on se
rencontre » M. G. ; Pour M.B., « Le
problème, une fois à la retraite, on ne s'intéresse plus
à toi puisque tu ne produis plus ».
Les rapports sociaux qu'entretiennent les
retraités dans l'association sont inscrits dans le processus de
valorisation collective et symbolique de la retraite. C'est le cas de l'ARECO.
En effet, l'ARECO ne produit pas une économie pour l'entretien
individuel de ses membres. Elle produit surtout une idéologie
valorisante de la retraite dans l'intention de déconstruire ces
perceptions négatives.
III-1-2-Au niveau normatif et cognitif
Selon l'enquête, nous notons que ce sont les
individus qui s'informent eux-mêmes sur la retraite. Il n'y a pas de
séminaire d'information en direction des futurs retraités. A la
question de savoir si les employeurs interviennent dans la préparation
de la retraite des employés, les retraités pensent que
« rien n'est fait » hormis les cotisations pour la
prévoyance sociale. A l'ARECO, la plupart des retraités estime
avoir effectué des cotisations à titre personnel pour
l'acquisition d'un bien immobilier.
Nous pouvons dire qu'avant la retraite, les individus
expriment un besoin de reconnaissance sociale. Car, si le travail est un moyen
de réalisation de l'homme, il doit être également un moyen
de distinction sociale. C'est pourquoi, un retraité doit
« normalement » faire presque envie socialement. Toutefois,
il faut noter que les insatisfactions matérielles dépendent en
partie du traitement reçu au travail et des engagements ; des
responsabilités auxquelles l'individu doit faire face. Car,
derrière un salaire, il y a toute une communauté et la perte d'un
emploi est une porte ouverte à la déchéance sociale de
l'individu, de sa famille et même de sa communauté.
Retenons en résumé que les individus ont
surtout une vision floue de la retraite. La retraite est toujours perçue
comme le départ des soucis, mais comme une phase de la
dévalorisation sociale des travailleurs. Aussi faut-il noter que
l'environnement social en général dans lequel évoluent les
individus renforce les attitudes négatives face à la retraite.
Néanmoins, un manque d'information et de sensibilisation sur la retraite
dans le milieu professionnel génère toujours des
préjugés chez les futurs retraités.
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