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Les évolutions récentes du constitutionnalisme en RDC

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par Vievient MANANGOU
Université de Cergy-pontoise - Master 2 de droit public option transformation de l'Etat 2009
  

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Section 2 - LE JUGE CONSTITUTIONNEL : JUGE PENAL DE

L'EXECUTIF

La question de la responsabilité pénale du chef de l'Etat et des autorités politiques de premier plan général, est toujours un véritable « casse tête » pour les juristes dans toutes les démocraties. En France, longtemps négligé par la doctrine constitutionnelle, le thème de la responsabilité pénale du président de la république connaît depuis quelques années un véritable regain d'intérêt. Plusieurs questions se posait et se posent encore : le chef de l'Etat jouit-il d'une immunité complète pour les actes accomplis en dehors de l'exercice de ses fonctions ? Est-ce justifiable dans un Etat de droit moderne1 14? A toutes ces questions , le conseil constitutionnel 115 et la cour de cassation116 ont apportés des réponses mais qui du reste soulevaient des interrogations sur leurs compatibilités et sur la pertinence des solutions applicables 117.C'est, bien entendu , lorsque se pose la question du statut pénal du chef de l'Etat , des membres du gouvernement et des parlementaires , que l'on trouve le plus grand nombre de références explicites aux dispositions constitutionnelles et un plein contrôle de la bonne application de ces règles parfois susceptibles de déboucher sur une interprétation différente de celle donné par les deux juridictions 118.

Finalement, un projet de loi constitutionnel a été adopté en 2007119 pour mettre tout le monde d'accord. Y est-il parvenu ? Certain estime que, vis-à-vis des principes de responsabilité pénale applicable au président de la république, cette vision n'apporte rien par rapport à l'Etat du droit

1 14C. GUETTIER et A.LEDIVELLEC « La responsabilité pénale du président de la République »L'harmattan 2003, introduction.

1 15N°98-408DC du 22 janvier 1999

1 16Ass, Plénière de la cour de cassation du 10 octobre 2001

1 17C. GUETTIER et A.LEDIVELLEC .OC.

118 D.COMMARET. »L'application de la constitution par la cour de cassation, perspectives de droit pénal » paru dans l'ouvrage intitulé : L'application de la constitution par les cours suprêmes. Chez Dalloz 2007. p 75

119 Projet de loi constitutionnelle sur la responsabilité pénale du président de la république adopté par le congrès le 19 février 2007.

antérieur puisque les contours avaient été fixés par les deux décisions du conseil constitutionnel de 1999 et de la cour de cassation de 2001120 que nous avons précédemment évoqués.

Cette complexité à aborder ces questions est encore plus vraie dans un Etat comme la RDC ou la démocratie est en pleine construction et l'Etat de droit embryonnaire. Pourtant , le constituant congolais de 2006 a fait preuve d'une originalité sans précédent en accordant dans les articles 163 à 167 de la constitution de 2006 à la cour constitutionnelle le soin de juger le président de la République et le premier ministre pour les actes qu'ils auront commis dans l'exercice de leurs fonctions . Ce faisant, le constituant de 2006 n'a pas créé un organe spécifique à l'image de la haute cour française.

Toutefois, en confiant cette lourde responsabilité à la cour constitutionnelle, il a pris soin de définir, l'ensemble des actes par lesquels, le président de la république et le premier ministre pouvaient être passibles d'une poursuite pénale.

Le législateur organique ne fera donc que reprendre les termes de la constitution, qui du reste
consacre une conception assez ouverte des infractions pénales (1). Par ailleurs, si le constituant

a défini lui-même les délits passibles de poursuite, il a laissé le soin au législateur organique d'en déterminer la procédure applicable devant la cour. C'est ce qui fait l'objet d'une section de la proposition de LO. Il convient de noter que cette proposition de procédure n'est pas très simple (2). Enfin, confrontant le nouveau régime mis en place en RDC avec du droit comparé (3).

Paragraphe 1 :Une conception assez large des infractions pénales du pouvoir exécutif

Le juge constitutionnel, investie de la compétence pénale à l'égard du président de la république
et du premier ministre, ne dispose pas d'une compétence générale. Il s'agit d'une compétence

120 G.J.GUGLIELMI. « la responsabilité pénale du président de la république » Article paru sur le site Internet : www.drole-den-droit .fr le 19 février 2007.

83 d'attribution dont la constitution (Art.163 à 167) et la proposition de LO (Art.71à 86) définissent les contours (A) et déterminent les limites (B).

A) La définition des actes relevant de la compétence pénale de la cour

L'ensemble des délits susceptibles d'engager la responsabilité pénale des deux têtes de l'exécutif étant définit par la constitution, la LO ne fait que reprendre ces différentes définitions :

La haute trahison (Art. 73 LO)

Elle s'applique dans deux cas :

D'abord, lorsque le président de la république et le premier ministre viole intentionnellement la constitution. Ensuite, lorsqu'ils sont reconnus, auteurs, co-auteurs ou complices de violation grave et caractérisée de droit de l'homme, de cession du territoire ou d'enrichissement illicite. La haute trahison est une notion difficile à définir, il n'existe pas de définition juridique comme telle. Toutefois, elle peut être définie comme un crime qui consiste en une extrême déloyauté à l'égard don pays 121 . D'ailleurs, en France la notion de « haute trahison » considérée comme antique et belle formule 122 a été remplacée par la formule « Manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat » 123 . En l'absence de véritable définition, selon les Etats, on énumère une liste limitative des actes qui rentrent dans cette catégorie. Cette technique est aussi employée par le constituant congolais qui retient trois éléments : la violation caractérisée de droit de l'homme, la cession d'une partie du territoire et l'enrichissement illicite. Peu importe par ailleurs que l'autorité politique ait participé directement ou indirectement. Il n'en demeure pas moins, que comme dans tous les Etats ou cette notion existe, elle est difficilement applicable.

121 Définition disponible sur le site Internet .wikepedia.fr .

122 A.M.LEPOURHIET. A propos du traité de Lisbonne sur le site Internet : www.marianne2.FR Le 05 octobre 20007.

123 L'article 68 de la constitution de 1958 a été modifié à l'occasion de la réforme constitutionnelle de février 2007.

84 Déjà, dans la loi constitutionnelle du 25 février 1875, le président de la république en France n'était responsable qu'en cas de haute trahison. La notion ne date donc pas d'aujourd'hui mais elle suscite toujours autant de controverses.

Dans un pays comme la RDC, ou les questions térritoriales124 et celle de droit de l'homme125 ont une résonance particulière, il serait intéressant de voir comment les poursuites pourraient être engagées contre le président de la république ou le premier ministre dans ces matières . L'atteinte à l'honneur ou à la probité

Prévue par l'article 74 LO, elle désigne le comportement personnel du président de la république et du premier ministre qui , est contraire aux bonnes moeurs, soit reconnus auteurs ou co-auteurs ou complices de malversations de corruption ou d'enrichissement illicite. La encore, il s'agit d'une définition assez vague difficilement rétranscriptible sur un terrain pratique.

En France, dans une affaire consécutive à la loi d'amnistie de 2002126, le conseil d'Etat avait annulé l'arrêt de la cour d'appel qui avait considérée que des propos injurieux relevait « d'une atteinte à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs »127. Il y'avait donc divergence d'interprétation entre les juridictions administratives. Cet exemple illustre toute la difficulté que le juge constitutionnel congolais rencontrera pour déterminer des actes relevant de cette catégorie.

Délit d'initié

L'article 75 LO prévoit ce délit, lorsque le président de la république ou le premier ministre effectue des opérations sur valeur immobilière ou sur marchandises à l'égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont ils tirent profit.

124 A propos du Kivu, une zone frontalière entre la RDC et le RWANDA. Situé à l'EST de la RDC est le Théâtre des nombreux affrontements entre les deux Etats.

125 A titre d'exemple, la présumée extermination des BANYAMULENGE par le feu président J. KABILA à la fin des années 1990.

126 Loi N° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie

127 CE 11 Février 2008.

Ce type de délit relève plus des acteurs économiques que des acteurs politiques puisqu'il est défini comme : un délit boursier que commet une personne qui vend ou achète des valeurs immobilières en se basant sur des informations dont ne disposent pas les autres128.

C'est donc l'utilisation ou la communication d'éléments privilégiés pouvant permettre des gains illicites lors des transactions boursières, qui sont interdits par la réglementation de contrôle des marchés financiers.

En pleine crise économique, ce cas peut trouver un écho au près des populations mais sa raison d'être est contestable. En effet, il n'existe pas de marché financier (Bourse) en RDC, par ailleurs, les transactions immobilières restent très artisanales; il sera donc difficile d'engager la responsabilité du président de la république ou du premier ministre sur ce délit d'autant plus que les hommes politiques Africains réalisent ses opérations en occident. hors ni la LO, ni la constitution ne prévoit la possibilité d'engager leur responsabilités pour une transaction immobilière effectuée à l'étranger, dans une telle situation qu'en sera t-il ?

L'outrage au parlement

Il ressort de l'article 76 LO, qu'il y'a outrage au parlement, lorsque sur des questions posées par l'une ou l'autre chambre sur l'activité gouvernementale, le premier ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours. L'outrage au parlement formulé de cette manière semble être une innovation. A titre d'exemple :

Au Canada, l'outrage au parlement revêt une double signification :

D'abord, il est considéré comme un mensonge ou un faux témoignage contre la législation adoptée. A titre d'exemple, une haute autorité de la gendarmerie royale a commis un outrage au parlement parce qu'il avait porté un faux témoignage sur les problèmes concernant le fond de retraite des policiers 129 . En deuxième lieu, la loi constitutionnelle canadienne de 1967, prévoit

128 Cour de droit bancaire et bourse de madame MURVILLE en M1 droit des affaires .2008-2009

129 A propos de l'affaire concernant la commissaire adjointe Barbara Georges paru dans la presse canadienne édition du 11 avril 2008.

une disposition qui en présence d'une divulgation d'un projet de loi au public par le pouvoir exécutif avant le débat à la chambre des communes 130es t un outrage au parlement .

Récemment, le président de l'assemblée nationale canadienne131 avait reçu une plainte déposée par les députés du parti québécois contre la ministre des transports132. La ministre était accusée d'outrage au parlement pour avoir rendu public son projet de loi sur la sécurité routière avant de le présenter au parlement133.

Par ailleurs, les articles 25 à 27 de la loi du parlement canadien prévoit un délit d'outrage au parlement pour les députés eux mêmes. C'ainsi que le député néo-démocrate Ian WADDDELL est le seul député à avoir été reconnu coupable d'outrage au parlement pour avoir tenté de s'emparé de la masse cérémonielle des communes durant un débat animé134.

Les conséquences sont nébuleuse mais en théorie, dans le premier cas il y'a des sanctions allant d'une amende à une peine de prison. Pour les députés reconnus coupable d'outrage, l'article 27 de la loi du parlement au Canada, prévoit une expulsion.

Si la notion de délit d'outrage, n'est pas une invention congolaise, puisque à l'instar du canada , il existe aussi au Royaume-Uni , le contenu semble bien être une invention congolaise 135. Mais il est difficile de considérer que la responsabilité pénale des deux têtes de l'exécutif puisse être engagée pour un tel délit, car comme au Canada, il n'y a jamais eu véritablement un cas d'une personnalité politique où du moins de l'exécutif reconnue coupable d'un tel délit.

En définitif, les délits susceptibles d'engager la responsabilité pénale du président de la république et du premier ministre en RDC sont, soit très vagues pour faire l'objet d'une véritable poursuite (haute trahison), soit relevant d'un domaine ou il n'est pas certain que l'engagement d'une telle responsabilité puisse aboutir (délit initié) .

B) Les limites de la compétence pénale du juge constitutionnel

130 Il s'agit de l'équivalent de l'assemblée nationale.

131 M Michel BISSONET.

132 Mme. j. BOULET.

134 Information disponible sur le site : www.ledevoir.com .

135 Art.30 du règlement de la chambre des lords relatif aux affaires publiques.

87 L'article 71 LO dispose : « la cour constitutionnelle est la juridiction pénale du chef de l'Etat et du premier ministre pour les infractions commises dans l'exercice ou l'occasion de l'exercice de leurs fonctions ».

D'abord, il convient de remarquer qu'il ne revient pas au juge constitutionnel de connaître de connaître en premier et dernier ressort les infractions commises par les autres hautes autorités politiques. En effet, en vertu de l'article 153 al, 2 de la constitution, c'est la cour de cassation qui est compétente en présence des telles plaintes.

Outre, sa compétence pénale sur le président de la république et le premier ministre, le juge constitutionnel est aussi compétente pour juger leurs co-auteurs et complices. Il y'a donc une limite à l'exercice de cette responsabilité pénale, par ailleurs cette limite n'est pas la seule puisque l'alinéa 3 du même article précise que seules les infractions commises dans l'exercice des fonctions présidentielles et primo-ministérielles relèvent de la compétence de la cour constitutionnelle. Cette limite est très importante puisqu'elle consacre une immunité juridictionnelle temporaire du président de la république et du premier ministre.

En effet , comme l'avait affirmé le juge de cassation en France a propos du statut pénal du président de la république 136tirant les conséquences de l'article 3 du titre II de la constitution de 1958 , le juge de cassation a estimé que le président de la république étant élu directement par le peuple pour assurer notamment le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat ne pouvait pendant l'exercice de son mandat être mis en examen ou même entendu comme témoin assisté 137.

La proposition de LO s'oriente dans ce sens, puisqu'en vertu de l'article 73 LO, les poursuites en dehors de l'exercice de leurs fonctions sont suspendues jusqu'à l'expiration du mandat et le délai de prescription arrête de courir. Cette conception du statut pénal du chef de l'Etat et du premier ministre au Congo est assez extensive. Qu'en sera t-il si un chef d'Etat commet un acte grave mais détachable de sa fonction ? Un premier ministre qui tue son épouse par jalousie, aura t-il

88 l'autorité morale et politique nécessaire pour continuer à assumer sa tache ? Ne s'agit-il pas d'une validation de l'impunité au sommet ? Il aurait été juridiquement plus louable de faire une distinction entre les actes commis pendant l'exercice de ses fonctions et détachable de celle-ci qu'un juge de droit commun pouvait juger.

Peut aussi se poser la question d'une telle protection juridictionnelle pour le premier ministre, car l'on ne peut évoquer la légitimité populaire de celui-ci puisque n'étant pas élu. Par ailleurs, à quel moment l'on pourra considérer que les poursuites pénales contre ce dernier sont possibles ? Car si cela est aisé pour le président, élu pour un mandat de sept ans, le premier ministre ne dispose pas d'un mandat, il peut être révoqué par le président à tout moment .Le législateur organique devra faire une distinction entre les deux responsabilités, car la nature des deux fonctions est à bien des égards distincts.

Enfin, la principale limite à l'exercice de la compétence pénale du juge constitutionnel est sans aucun doute politique. Car en vertu de l'article 77, al. 1er : « les décisions de poursuites ainsi que la mise en accusation du président de la république et du 1er ministre sont votées à la majorité de deux tiers des membres du parlement composant le congrès suivant la procédure prévue par le règlement ».

La conséquence de cet article, c'est la restriction stricte de la saisine de la cour constitutionnelle pour engage une telle responsabilité. Il s'agit d'un véritable verrou parlementaire, difficilement atteignable. Il est cependant vrai, qu'en France un tel dispositif existe 138mais une fois encore la « vieille » démocratie française, n'est pas comparable à la « naissante » démocratie congolaise , D'ailleurs dans les Etats ou cette obligation parlementaire dans la matière existe , la procédure n'aboutit presque jamais .

Aux USA, où la constitution autorise le congrès fédéral à destituer et juger le président, vice-
président et tous les fonctionnaires civils, les présidents n'ont jamais été destitués 139 . L'exemple
de B.CLINTON en 1998 dont les sénateurs avaient refusés de confirmer la destitution est une

138 Art. 68 de la constitution de 1958 prévoit un mécanisme similaire.

139 A ce propos, trois président de la république ont été inquiétés par cette procédure ; A. JOHNSON en 1868, R.NIXON en 1974 avait démissionné avant que le congrès ne se prononce et B.CLINTON en 1998.

89 parfaite illustration, car les sénateurs démocrates avaient voté contre et une majorité des républicains avaient voté pour.

Au final, il semble donc difficile, qu'en présence d'une concordance des majorités mais surtout en Afrique, d'un système clientéliste, qu'un chef d'Etat succombe à cette accusation. Il aurait fallut organiser une relation entre les citoyens pouvant saisir les institutions d'appui à la démocratie et eux jouant le rôle de filtre avant de saisir la cour constitutionnelle qui en dernier ressort allait décider s'il elle pouvait ou pas engager des poursuites.

A coté des limites à la compétence pénale du juge, la proposition de LO met en place une procédure qui est loin d'être simple.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault