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Les évolutions récentes du constitutionnalisme en RDC

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par Vievient MANANGOU
Université de Cergy-pontoise - Master 2 de droit public option transformation de l'Etat 2009
  

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Paragraphe 1 : Le choix des membres

Conformément à l'article 158 de la constitution congolaise, repris tel quel par l'article deux de la proposition de loi organique : la cour constitutionnelle sera composé de neuf membres. Comme c'est le cas pour la plupart des cours et conseils constitutionnels étrangers , les membres de la cour constitutionnelle sont désignés par des personnalités politiques .Cette forme de désignation est d'origine française , en effet l'article 56 de la constitution française de 1958 pose le principe d'une nomination politique des membres du conseil constitutionnel repartis entre le président de la république, le président de l'assemblée nationale et le président du sénat qui nomment chacun trois membres .On retrouve ce mode de désignation un peu partout en Afrique , la tendance générale est de valoriser le rôle du chef de l'État dans ces nominations . Trois constitutions africaines se sont inspirées des proportions imaginées par le constituant français : les exemples les plus nets sont ceux du Gabon et du Tchad avec trois membres désignés par le président République, trois par le président de l'assemblée nationale et trois par celui du sénat .Il est cependant vrai que ce choix est toujours limité par une série d'autres conditions17.

La proposition de loi organique congolaise s'inscrit dans ce sens (A), mais va au delà des seules désignations politiques (B).

A) Une désignation partagée

La désignation des membres de la future cour constitutionnelle prévue par l'article 2 de la

17 A.CABANIS et M.LOUIS-MARTIN « Les constitutions d'Afrique Francophone »édition Karthala, P .163

11 proposition de loi organique , fait du président l'autorité de nomination des membres de la future cour constitutionnelle mais cela étant dit il faut prendre soin de préciser qu'il s'agit en réalité d'un pouvoir partagé,

En pratique le président de la république ne nomme que trois juges constitutionnels par sa seule initiative, les six autres membres sont nommés par le parlement réunis en congrès et par le conseil supérieur de la magistrature.

La nomination des membres de la future cour constitutionnelle par les parlementaires réunis en congrès n'est pas une invention congolaise.

Dans la matière, le modèle est sans aucun doute le royaume d'Espagne .L'article 159 de la constitution espagnole de 1978 stipule que les membres du tribunal constitutionnel sont nommés par le roi dont quatre sur proposition du congrès et quatre autres sur proposition du sénat, à chaque fois à la majorité de trois cinquième.

Il est vrai que la présente proposition de loi organique ne va pas aussi loin mais, néanmoins l'idée de confier au congrès le choix de la désignation de trois membres de la cour constitutionnelle à la place d'une désignation relevant du pouvoir discrétionnaire des présidents des chambres parlementaires est en soi une avancée considérable.

Il convient tout de même de souligner ,qu'en Espagne le congrès des députés et le sénat désignent chacun de leur coté les membres du tribunal constitutionnel. La désignation des membres de la cour constitutionnelle à un autre avantage, c'est celui de favoriser un consensus autour des membres de la cour désignés par le parlement on peut rêver d'une entente entre les principales formations politique composant le parlement pour aboutir à des nominations partagées ou en tous cas représentatives des principales tendances politiques représentées dans le parlement .

En l'espèce l'articulation de l'article deux de la proposition de loi organique ne va pas aussi loin
que l'article 159 de la constitution espagnole de 1978 en l'absence d'une obligation de majorité

12 qualifiée de désignation , l'on peut penser que la volonté de la majorité parlementaire l'emportera sur l'opposition. Ainsi avec la concordance des majorités et l'influence du président de la République, les juges ainsi désignés seront choisis par ce dernier ou au mieux il faudra pour la majorité recueillir l'avis favorable du président de la République avant de valider une quelconque désignation.

En France avec la reforme du 23 juillet 2008, les articles 13 et 56 de la constitution sont modifiés, le pouvoir de nomination du président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée, le président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins les trois cinquième des suffrages exprimés au sein de deux commissions18 Toutefois l'avis est public et non les auditions .Dans la mesure où la majorité parlementaire qui est soumise au président par la dissolution et est également majoritaire dans ces commissions, ce droit de veto n'aura certainement qu'une incidence marginale sur les nominations.

Cette problématique de la majorité parlementaire en l'absence d'une majorité d'adoption qui va au delà de la majorité simple ne permet pas le pluralisme de l'institution.

L'article deux de la proposition de loi confie la désignation du tiers des membres restant au conseil supérieur de la magistrature.

Cette participation du conseil supérieur de la magistrature dans la désignation des membres de la cour constitutionnelle est aussi une avancée, même si il ne s'agit pas là encore d'une innovation du législateur organique congolais .L'article 159 de la constitution espagnole de 1978 prévoit une désignation de deux membre sur proposition du conseil général du pouvoir judiciaire, qui est en fait l'équivalent du conseil supérieur de la magistrature. Cette désignation d'une partie des membres de la cour constitutionnelle par le conseil supérieur de la magistrature est aussi un procédé assez largement partagé en Afrique ; l'article 7 de la loi portant fonctionnement du conseil constitutionnel au Cameroun prévoit la désignation de deux membres du conseil

13 constitutionnel sur proposition du conseil supérieur de la magistrature de même la constitution de Madagascar met en place ce mécanisme qui permet au conseil supérieur de la magistrature de proposer à la nomination des juges constitutionnels ; des juges issus en son sein . Toutefois cette désignation par le conseil supérieur de la magistrature est certes saluée mais pour autant constitue t-elle une réelle manifestation du pluralisme ?

Dans le cas du Congo, la question mérite d'être posée ? La question se pose d'autant plus qu'une proposition de révision constitutionnelle initiée par le député TSHIBANGOU KALALA 19et soutenue par les députés de la majorité. Avait été déposée sous forme de pétition à l'assemblée nationale le 5 novembre 2007.

Cette proposition visait entre autre, la révision de l'article 152 de la constitution de 2006 relatif à la composition et au fonctionnement du conseil supérieur de la magistrature. L'objectif de cette proposition était de modifier cet article en son alinéa deux afin de revoir à la baisse les effectifs du conseil supérieur de la magistrature d'une part et d'autre part d'inclure au sein de cette institution non seulement le président de la république mais aussi le ministre de la justice et des personnalités indépendantes issues de la société civile.

Cette proposition avait soulevée une levée de bouclier de l'opposition voyant dans cet acte une manoeuvre pour la majorité et le président de la République de contrôler le conseil supérieur de la magistrature. Devant cette opposition farouche, le président de la République avait été obligé de taire cette polémique en renonçant à cette révision20.

On le voit la désignation partagée mise en en place par la proposition de loi organique ne permet pas le pluralisme au sein de la future cour constitutionnelle de même la désignation par les membres du conseil supérieur de la magistrature en l'état ne constitue pas une garantie pour ceux qui réclame une cour constitutionnelle totalement indépendante et impartiale.

Ce mode de recrutement peut prêter à des critiques et à des spéculations qui auront des conséquences sur la portée des arrêts que la cour sera amenée à rendre ; à l'image du conseil

14 constitutionnel français , dont certain ont estimé qu'il n'était pas composé de manière à présenter les garanties que doit offrir une haute juridiction .

Cependant, l'on peut penser que même en présence d'un mode de désignation discuté, la crédibilité de la future cour constitutionnelle résultera de l'indépendance d'esprit de ses membres, à leur compétence et à la haute conscience qu'ils auront de leur mission qu'aux dispositions relatives à son recrutement.

Il convient de noter que la proposition de loi organique, fait preuve d'une d'originalité en assurant au sein de la cour constitutionnelle une représentation équilibrée des trois pouvoirs distingués par Montesquieu.

Par ailleurs un certain nombre de dispositions ont étés posés visant à rendre le choix des membres plus adéquat et plus sélectif.

B) Une désignation encadrée

La désignation des membres de la cour constitutionnelle est non seulement partagée, elle aussi encadrée.

En effet conformément à l'article 159 de la constitution congolaise de 2002 repris dans l'article trois de la proposition de loi organique, un certain nombre des conditions sont requises pour devenir juge constitutionnel.

En dehors de la condition de nationalité qui est une condition obligatoire et de bon sens, l'article trois fixe deux autres conditions :

D'abord pour être nommé membre de la cour constitutionnelle, il faut justifier d'une expérience de quinze ans dans le domaine juridique ou politique ; ensuite l'article pose une interdiction aux parents ou alliés jusqu'au troisième degré de siéger à la cour en même temps,

a) Une expérience juridique ou politique de quinze ans

Il s'agit du premier principe que pose l'article trois de la proposition de loi organique, sans être une innovation car l'article 159 de la constitution espagnole de 1978 prévoit une obligation similaire, mais dans le continent Africain peu de constitutions exigent une expérience politique ou juridique pour devenir juge constitutionnel.

Si la recherche de l'expérience peut être un gage d'efficacité pour le futur juge constitutionnel, la rédaction de l'article reste très vague pour appréhender la portée de ce principe.

En effet un certain nombre de question se posent car la formulation de l'article reste très générale : à partir de quel moment faut-il prendre en considération le décompte de cette expérience?

Si le décompte de l'expérience juridique ne pose pas de problème particulier, car il suffira de prendre en compte le début d'une fonction juridique quelconque ; La réponse est moins aisée pour le décompte de l'expérience politique.

Autant la fonction juridique peut aisément être déterminée autant la fonction politique est plus difficilement déterminable. Il semble que les auteurs de la proposition de loi organique aient souhaités que l'expérience tant juridique que politique soit appréhender de la manière la plus large, alors l'expérience politique s'entend elle au sens de l'exercice d'un mandat politique dans une structure d'État, des provinces ou partisane?

La proposition de loi est muette sur le sujet alors que la question est loin d'être anodine. Un responsable local d'un parti politique depuis plus de vingt ans sans aucune connaissance juridique peut il devenir juge constitutionnel ? Il reviendra au législateur organique de nous éclairer et de répondre à ces interrogations.

Mais il nous semble qu'il soit essentiel de limiter ce principe de l'expérience politique en précisant la fonction politique requise pour devenir juge constitutionnel; car si un mandat électif permet d'acquérir une connaissance du fonctionnement des pouvoirs publics, il est plus

contestable qu'une responsabilité partisane locale renforce cette connaissance.
b) Une interdiction pour éviter le clientélisme constitutionnel

Le troisième alinéa de l'article trois de la proposition de loi organique pose un principe tout à fait innovant qui ne se retrouve nulle part ailleurs.

En effet cet alinéa prévoit l'interdiction des parents ou alliés jusqu'au troisième degré inclus d'être en même temps membre de la cour constitutionnelle ,il est justifié par la volonté des auteurs du texte de renforcer l'indépendance de la cour en la mettant à l'abri du tribalisme, du clientélisme et du népotisme .

Dans aucune constitution occidentale l'on peut retrouver cette interdiction , d'ailleurs l'on peut dans une fiction, considérer que le députe louis GISCARD-D'ESTAING peut être nommé membre du conseil constitutionnel et ainsi siéger au coté de son père qui lui est membre de droit en vertu de l'article 56 de la constitution de 1958 , il n'est donc pas impossible que deux parents ou alliés puissent siéger en même temps dans la future cour constitutionnelle .

Il est certes vrai, que les questions du tribalisme et du clientélisme minent la société africaine et par voie de conséquences ces institutions, il est cependant plus contestable de démontrer que la cour sera exposée à ces maux si deux parents ou alliés siégeaient en même temps .

Croire que cela est possible c'est manqué de confiance à l'intégrité des personnalités qui seront nommées. Par ailleurs en écartant les parents ou alliés de la cour, en écarte pas pour autant les maux .

Le tribalisme repose il est vrai sur la parenté mais aussi sur la tribu et le clientélisme peut être favorisé par l'appartenance partisane ; ainsi des juges nommés par la même majorité peuvent très bien s'entendre pour orienter les décisions de la cour ;de même des juges de la même tribu peuvent s'entendre sur des bases tribales .

17 Mais l'on ne peut penser à priori que les personnalités désignées comme juges constitutionnels , ne pourront dépasser leur appartenance partisane ou ethnique pour se concentrer sur le seul objectif qui compte c'est-à-dire le respect de la constitution .

C'est pourquoi il semble que ce principe loin de lutter contre le tribalisme, le clientélisme ou le népotisme, introduit une inégalité.

Pourquoi deux éminents juristes fussent-ils frères ne pourront ils siéger en même temps dans la future cour constitutionnelle ?

En outre, un argument évoqué par le professeur Stéphane BOLLE mérite d'être souligné .

Ce dernier pose la question de la constitutionnalité d'une telle mesure au regard de l'article 169 de la constitution de 2006 qui habilite le législateur organique à fixer l'organisation et le fonctionnement de la cour constitutionnelle. En rappelant qu'une loi organique complète ou précise la constitution et à l'instar de tout texte d'application ne peut que la prolonger, alors qu'en l'espèce la commission s'affranchit de cette règle.

c) Des juristes au coeur de la future cour constitutionnelle

Le conseil constitutionnelle rend la justice .Elle dit le droit au nom de l'Etat (Marcel Waline) .Ses décisions sont revêtues de l'autorité absolues de chose jugée (Jean Rivero) .A ce titre, elle s'impose à l'Etat, aux pouvoirs publics. Il est donc essentiel que les membres d'une cour ou d'un conseil constitutionnel aient des connaissances juridiques importantes, pour développer une véritable jurisprudence permettant la garantie des libertés et la régulation des pouvoirs publics.

Atteindre cet objectif, suppose d'accorder une place de choix aux juristes dans ces instances . Déjà dans les années 1920, Hans Kelsen développait l'idée de juristes nécessairement professionnel : « il est de la plus grande importance d'accorder dans la composition de la

18 justice constitutionnelle une place adéquate aux juristes de profession ». Toutefois, cela n'est pas la règle pour toutes les cours constitutionnelles.

En Europe occidentale, le principe est la nomination des juristes ou des professionnels du droit, les deux exemples les plus importants étant L'Allemagne et L'Espagne.

En Allemagne, les articles 93 et 94 de la loi fondamentale complétée par la loi du 12 mars 1951 sur le statut et le fonctionnement de la cour constitutionnelle posent : que les juges constitutionnels sont au nombre de seize .Il sont recrutés parmi les juristes qui ont fait des longues études de droit leur permettant de devenir, avocat ou haut fonctionnaire .D'ailleurs six des seize membres doivent être issus de la cour de cassation21.

En Espagne, le principe est posé de manière plus forte. En effet, l'article 159 alinéa un, précise que le tribunal constitutionnel espagnol est composé de douze membres .Les magistrats du tribunal constitutionnel sont tous des professionnel du droit.

Néanmoins, toutes les démocraties ne vont pas dans ce sens .En France l'article 56 de la constitution de 1958 ne pose aucune obligation quant à la qualité des membres .Toutefois, il convient de souligner qu'en pratique, on constate que les membres du conseil sont des hommes politiques ou des juristes parfois les deux à la fois, ce qui a permis d'atteindre un certain équilibre entre les compétences et les opinions.

En Afrique, la plupart des constitutions souvent inspirées par la constitution française de 1958, ne pose aucune condition sur la qualité et l'origine professionnelle des magistrats constitutionnels. En effet ni au Bénin, ou l'article 115 de la constitution de 1990 fixe simplement une obligation de compétence professionnelle sans évoquer le domaine .Même si dans la pratique les différents membres sont souvent des juristes ; ni au Cameroun ou l'article 7 de la loi du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du conseil constitutionnel fait abstraction de l'obligation d'une participation des juristes au conseil constitutionnel ; ni au Congo Brazzaville ou l'article 144 de la constitution de 2002 relatif la procédure de nomination

19 des membres du conseil constitutionnel, on retrouve une obligation de nomination des juristes . Il existe cependant quelques exceptions à cette règle :

d'abord l'article 150 de la constitution de mars 1992 du Burundi pose expressément dans son deuxième alinéa, l'obligation de recruter les membres de la cour constitutionnelle parmi les juristes de haut niveau.

Ensuite, l'article 89 de la constitution gabonaise de mars 1991 exige que la cour constitutionnelle gabonaise soit composée au deux tiers par des juristes.

En s'orientant dans ce sens, la proposition de loi organique des députés de la république démocratique du Congo est une véritable avancée.

En effet le deuxième alinéa de l'article 158 de la constitution congolaise de 2006 stipule que le deux tiers des membres de la cour constitutionnelle doit être des juristes, issus du barreau ou de l'enseignement universitaire. Ainsi pour atteindre cet objectif constitutionnel, la proposition de loi organique propose que deux membres parmi les trois désignés par le président de la République et un membre désigné par le parlement doivent être des juristes issus du barreau et de l'enseignement universitaire.

Cette proposition certainement inspirée par le tribunal constitutionnel Espagnol est important à bien d'égard :

En premier lieu , elle permet aux juristes d'être au coeur de la cour constitutionnelle ensuite elle est la garantie de l'efficacité ou du moins de la compétence des magistrats.

En second lieu , cette proposition permet d'encadrer les désignations présidentielle .En effet , le président pourra nommer qui il veut, simplement dans deux cas sur trois ils devront être des juristes .

Enfin le conseil supérieur de la magistrature devra designer les trois magistrats constitutionnels au sein du pouvoir judiciaire ce qui est déjà en soi, la garantie d'une participation de magistrats compétents.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo