Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
Faculté de Droit
École Doctorale 12, Place du Panthéon 75005
PARIS
Le Comité Judiciaire du Conseil Privé de Sa
Majesté la Reine Élisabeth II d'Angleterre et le Droit
Mauricien
The Judicial Committee of the Her Majesty's Privy Council
and the laws of Mauritius
Thèse de Doctorat par
Parvèz A. C. DOOKHY
Secrétaire général de la
Société des Juristes Francophones du Commonwealth
Soutenue publiquement le 26 février 1997 à la
Faculté de Droit de Paris
Le Jury est composé de :
Directeur de thèse
- Monsieur Gérard CONAC, Professeur à
l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Directeur de
l'École Doctorale ;
Rapporteurs :
- M. Marck FREEDLAND, Professeur à l'Université
d'Oxford (St John's College) ;
- M. Etienne PICARD, Professeur associé à
l'Université d'Oxford, Professeur à l'Université de Paris
I Panthéon-Sorbonne ;
Membres du Jury :
- Mme Camille JAUFFRET-SPINOSI, Professeur à
l'Univesité de Paris II Panthéon-Assas ; - Mme Muir WATT-BOUREL,
Professeur à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
;
REMERCIEMENTS ET AVANT-PROPOS
L'étude du Comité Judiciaire du Conseil
Privé de Sa Majesté la Reine Elisabeth II d'Angleterre et le
droit mauricien a été une longue aventure pleine de
difficultés. Le sujet est vaste et comporte plusieurs thèmes de
réflexion et il existe un manque remarquable de documents sur les deux
composants de notre sujet. Il a fallu effectuer des recherches dans trois pays,
à savoir, la France, l'Angleterre et l'île Maurice (voir lieux de
recherches, infra).
Pourtant nous avons choisi cette difficulté,
conscient du profond intérêt de notre sujet. Au terme de cet
effort, les mérites reviennent naturellement à tous ceux dont la
contribution a été déterminante à la
réalisation de cet ouvrage. Notre pensée va à l'endroit de
tous ceux-là:
D'abord notre Maître, Monsieur le Professeur
Gérard CONAC, Directeur du Centre de Recherche de Droit Constitutionnel,
qui nous a suggéré le sujet et souvent inspiré. C'est une
importante dette que nous avons contractée auprès de lui. Pour
son soutien, nous voulons lui attribuer les mérites que
recèlerait ce travail tout en précisant que les défauts
sont l'oeuvre d'un disciple qui a mal assimilé l'enseignement de son
Maître. Nous lui exprimons notre reconnaissance sans fin.
Nous voulons également remercier Monsieur Christian
PUR TSCHET, Maître de Conférences à l'Université de
Paris I Panthéon-Sorbonne, qui a gracieusement voulu nous faire de
précieuses suggestions.
Nous renouvelons notre profonde gratitude:
à Monsieur D. H. O. OWEN, Secrétaire du Conseil
Privé, qui nous a communiqué des documents et aidé dans
nos recherches
à Monsieur Etienne PICARD, Professeur à
l'Université d'Oxford et à l'Université de Paris I
Panthéon-Sorbonne
à Monsieur le Professeur Jean-Paul COSTA, Conseiller
d'Etat
à Maître Riyad DOOKHY de Gray's Inn, avocat au
Conseil Privé de Sa Majesté la Reine Elisabeth II et à la
Chambre des Lords
au collège des Professeurs et Enseignants de
l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
à tous les amis trop nombreux pour être
cités. Nous ne saurions faire du tort aux autres en citant quelques uns.
Qu'ils soient tous rassurés que notre sentiment pour chacun ne variera
pas.
LIEUX DE RECHERCHES
France
Bibliothèque Cujas de la Faculté de droit de
Paris
Bibliothèque du Centre Georges Pompidou
Bibliothèque de droit comparé de la Sorbonne
Bibliothèque de droit public de l?Université de
Paris 1, Centre Malher Bibliothèque de la Documentation
Française, Paris
Bibliothèque de la Faculté de droit
d?Aix-en-Provence
Bibliothèque du Centre Pierre Mendès France de
l?Université de Paris 1 Bibliothèque Nationale de France
Bibliothèque Sainte-Geneviève
Bibliothèques de la ville de Paris
Salle de droit public de la Faculté de droit de Paris
Angleterre
British Library
Commonwealth Library
Institute of International and Comparative Law
Institute of Legal Advanced Studies (University of London) King?s
College (University of London) Law Library
Privy Council Library
The Bar Library
The Honourable Society of Gray?s Inn Library The Honourable
Society of Inner Temple Library The Honourable Society of Lincoln?s Inn
Library
The Honourable Society of Middle Temple Library The Supreme Court
Library
Ile Maurice
Archives de l?Assemblée Nationale (Législative)
Bibliothèque de l?Université de Maurice Bibliothèque de la
Cour Suprême
ABRÉVIATIONS
AC: The Law Reports, Appeal Cases
ADP: Archives de la Philosophie du Droit
AIJC: Annuaire International de Justice Constitutionnelle
AJCL: The American Journal of Comparative Law
ALJ: The Australian Law Journal
All ER: All England Law Reports
APOI: Annuaire des Pays de l?Océan-Indien
ASCL: Annual Survey of Commonwealth Law
BLR: Business Law Review
BSJFC: Bulletin de la Société des Juristes
Francophones du
Commonwealth
Bull, crim: Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation
Française, chambre criminelle
C.Cas: Cour de Cassation Française
CA: Arrêt de la Cour d?Appel anglaise en date du...
CAR: Criminal Appeal Reports
CBM: Chronique du Barreau de l?île Maurice
CBR: Canadian Bar Review
CCAS: Décision de la Cour Constitutionnelle de l?Afrique
du Sud
en date du...
CCF: Décision du Conseil Constitutionnel Français
en date du...
CDHNU: Avis du Comité des Droits de l?Homme des
Nations-Unies
en date du...
CE: Arrêt du Conseil d?Etat Français en date
du...
CEDH: Arrêt de la Cour Européenne des Droits de
l?Homme
en date du...
CILJSA: Comparative and International Law Journal of South
Africa
CJCP: Arrêt du Comité Judiciaire du Conseil
Privé en date du...
CL: Arrêt de la Chambre des Lords en date du...
CLB: Commonwealth Law Bulletin
CLJ: Cambridge Law Journal
CLP: Current Legal Problems
CLR: Criminal Law Review
CM: de la Constitution mauricienne
Com.L: The Commonwealth Lawyer
CSC: Arrêt de la Cour Suprême du Canada en date
du...
CSEAU: Arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis
d?Amérique
en date du...
CSI: Arrêt de la Cour Suprême de la République
Indienne en date
du...
CSM: Arrêt de la Cour Suprême de Maurice en date
du...
DC: Décision du Conseil Constitutionnel Français de
conformité
ou de non-conformité à la Constitution
DCSM: Decisions of the Suprême Court of Mauritius
dir: Sous la direction de
DLR: Dominion Law Reports
DP: Dalloz Périodique (Dalloz Jurisprudence
Générale)
DR: Droits
ER: English Reports
Gaz. Pal: Gazette du Palais
HC: Arrêt de la Haute Cour de Justice anglaise en date
du...
HLR: Harvard Law Review
HMSO: Her Majesty?s Stationery Office
ICLQ: International and Comparative Law Quaterly
ICR: Industrial Cases Reports
IFB: Independent Forward Block
IR: Irish Reports
JA: Jeune Afrique
JCL: Journal of Criminal Law
JCP: Juris-Classeur Périodique
JSPTL: Journal of the Society of Public Teachers of Law
JUM: Journal of the University of Mauritius
KBD: The Law Reports, King?s Bench Division
LAD: Legislative Assembly Debates
LGDJ: Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
LJPC: The Law Journal Reports, Privy Council and Appeal Cases
LMD: Le Monde Diplomatique
LPA: Les Petites Affiches
LQR: Law Quaterly Review
LRC: The Law Reports of the Commonwealth
LRS: The Law Reports Statutes
LT: The Law Times
MLA: Mauritius Legislative Assembly
MLR: The Modern Law Review
MMM: Mouvement Militant Mauricien
MR: The Mauritius Reports
MSM: Mouvement Socialiste Militant
MtsLR: The Mauritius Law Review
OLR: Otago Law Review
ORHRC: Official Records of the Human Rights Committee
PA: Politiques Africaines
PCEDH: Publications de la Cour Européenne des Droits de
l?Homme
PL: Public Law
PSM: Parti Socialiste Mauricien
PTr: Parti Travailliste Mauricien
PUF: Presse Universitaire de France
Q BD: The Law Reports, Queen?s Bench Division
QC: Avocat ayant obtenu le titre honorifique de Conseiller de
la
Reine (Queen's Counsel)
Q Q: Queen?s Quaterly
RA: Revue Administrative
RADIC: Revue Africaine de Droit International et
Comparé
RCSP: Revue Canadienne de Science Politique
RDCE: Recueil des Décisions du Conseil d?Etat (Lebon)
RDP: Revue du Droit Public et de la Science Politique
RDPros: Revue de Droit Prospectif
RFAP: Revue Française d?Administration Publique
RFDC: Revue Française de Droit Constitutionnel
RGD: Revue Générale de Droit
RGDIP: Revue Générale de Droit International
Public
RGDP: Revue Générale de Droit Processuel
(Justices)
RIDC: Revue Internationale de Droit Comparé
RIDP: Revue Internationale de Droit Pénal
RJPIC: Revue Juridique et Politique: Indépendance et
Coopération
RM: Revue Madagascar
RPM: Roupie(s) mauricienne(s)
RPP: Revue Politique et Parlementaire
RSC: Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal
Comparé
RUDH: Revue Universelle des Droits de l?Homme
SAJHR: The South African Journal on Human Rights
SALJ: The South African Law Journal
SALR: The South African Law Reports
SCR: The Supreme Court Reports (Inde)
SI: Statutory Instruments
TLR: The Times Law Reports
US: United States Reports
vol.: volume(s)
v. p: voir page(s)
WE: Week-End
WLR: Weekly Law Reports
A mon père, ma mère et Yildiz
INTRODUCTION
Il est de grandes institutions comme il en est de grands
hommes. A l?image de ces derniers, elles s?inscrivent dans l?Histoire et
évoluent avec elle. Chacune détient un passé et une
identité forte.
Le Comité Judiciaire du Très Honorable Conseil
Privé de Sa Gracieuse Majesté la Reine d?Angleterre fait partie
de ces rares institutions du monde qui ont pu peser lourdement sur le devenir
des peuples. D?âge fort respectable1, cet organe2
londonien de dernier recours des colonies de l?Empire britannique qui,
techniquement conseillait le Souverain sur la solution à donner aux
litiges, était doté d?une compétence juridictionnelle
s?étendant, avant la deuxième guerre mondiale, à un
ensemble de territoires représentant plus d?un cinquième des
terres émergées. Le Comité Judiciaire était la
juridiction suprême d?une masse de population de près de cinq
cents millions d?habitants, soit, à l?époque, le quart de la
population du globe. Il statuait sur des litiges importants dans lesquels
étaient en cause, non seulement la Common Law3 d?Angleterre
telle qu?elle s?appliquait dans les dominions et colonies de la Couronne
britannique, mais aussi l?ancien droit français, la coutume de
Paris4, au Canada dans la province de Québec, de vieilles
coutumes françaises5 dans les îles Anglo- Normandes
(Channel Islands), les Codes napoléoniens (Code
Civil6, Code de Commerce et Code Pénal) à l?île
Maurice et aux Seychelles7, le droit mi-italien et
mi-français dans l?île de Malte8, le droit
romano-hollandais (Roman-D utch Law) en Afrique du Sud9 et
au Ceylan10, le droit musulman11 en Chypre, en Inde et
1 Le Comité Judiciaire trouve son origine directe dans la
Curia Regis.
2 Le Comité Judiciaire est-il une juridiction ou un organe
consultatif ? Nous examinerons ultérieurement sa nature.
3 Certes, comme le dit Monsieur le Professeur André
TUNC (in CRABB John H.: «Le système juridique
anglo-américain», Louvain, Nauwelaerts, 1972, 248 p., v.
Préface, p. 6), il faut qu?une langue soit anglaise ou française,
nous estimons que la traduction de certains termes juridiques anglais les
dépouillerait de leur bagage historique. Ainsi, le terme
Common Law?, comme ceux de Commonwealth? et
Westminster?, devraient résister à la traduction.
Sur le débat s?il faut dire le ou la Common Law, nous
suivrons la pratique française qui favorise le genre grammatical
féminin. V. en ce sens DAVID René: «Les grands
systèmes de droit contemporains», Précis Dalloz, 1988, 9e
édition, 734 p., v. p. 349 et s. V., sur la thèse inverse,
LEGRAND Pierre: « Pour le Common Law», RIDC, 1992, pp. 941 à
947.
4 CJCP: 23 décembre 1868, Alexandre Kierkowski c/ Jean
Baptiste Théophile Dorion, LJPC, 1869, pp. 12 à 21, affaire du
Canada, Lord-Chancelier Hatherley rédacteur de l?arrêt.
5 CJCP: 28 juin 1872, Thomas Phillipe La Coche c/ Thomas La
Coche, LJPC, 1872, pp. 51 à 54, affaire des îles Anglo-Normandes,
Lord-Juge James rédacteur de l'arrêt.
6 CJCP: 17 février 1866, Her Majesty?s Procureur and
Advocate-General c/ Virginie Bruneau, LRPC, 1865-67, pp. 169 à 197,
affaire de Maurice, Lord-Juge Turner rédacteur de l'arrêt.
7 CJCP: 10 février 1910, Saïd c/ Mamode Hadee, LJPC,
1916, pp. 141 à 145, affaire des Seychelles, Lord Atkinson
rédacteur de l'arrêt.
8 CJCP: 16 mai 1864, Francesco Sant c/ Genrroso, LJPC, 1864, pp.
73 à 78, affaire de l?île de Malte, Sir James Hannen
rédacteur de l'arrêt.
9 CJCP: 14 mai 1902, Douglas c/ Franz Sander and Co., LJPC, 1902,
pp. 91 à 94, affaire de l?Afrique du Sud, Lord Roberston
rédacteur de l'arrêt.
dans certains pays d?Afrique, le droit hindou également
en Inde12, le droit chinois à Hongkong et les coutumes des
tribus dans certaines colonies africaines13.
Quant aux matières qui faisaient l?objet de pourvois,
leur variété était tout aussi extrême. Le
Comité Judiciaire statuait sur des affaires de droit privé
(civil matters), de droit pénal (criminal matters) et
aussi de droit public, notamment constitutionnel.
En effet, le Conseil Privé fut l?inventeur du
contrôle juridictionnel des Lois14 et Monsieur le Professeur
Dominique Turpin soutient avec raison que la Cour Suprême des Etats-Unis
d?Amérique se soit inspirée des précédents du
Conseil Privé lors de l?instauration en 1803 du contrôle
juridictionnel des Lois. Avant même la mise en place du Comité
Judiciaire, le Conseil Privé, statuant en formation juridictionnelle,
contrôlait la conformité des lois adoptées dans les
colonies de l?Empire aux grands principes de Common Law. Etaient
sanctionnées les normes contraires aux principes de justice et de la
bonne morale. Le Comité Judiciaire, conçu comme un organe
nécessaire au développement de l?Empire britannique15,
s?inscrivait dans la poursuite des fonctions de censeur des lois16
et assurait la subordination des colonies à l?égard de la
métropole17. La Loi britannique de 1865 sur la
validité des lois coloniales (Colonial Laws Validity Act)
conférait expressément au Comité Judiciaire le pouvoir
d?annuler les lois des colonies qui étaient contraires aux lois de la
Grande-Bretagne18. Cependant,
10 CJCP: 19 décembre 1879, Angeltina Dias c/ Alfred de
Livera, LJPC, 1880, pp. 26 à 32, affaire de Ceylan, Sir Robert P.
Collier rédacteur de l'arrêt.
11 CJCP: 10 février 1894, Parapano c/ Happez, LJPC,
1894, pp. 63 à 68, affaire de la Chypre, Lord Hobhouse rédacteur
de l'arrêt.
12 CJCP: 6 février 1835, Sumboo Chunder Chowdry c/
Narain Dibeh, affaire de Bengale, Sir Baron Parke rédacteur de
l'arrêt, ER, vol 12, Privy Council, pp. 568 à 584, rapporté
par Jerome William Knapp.
13 «Almost all the laws and customs of the world,
civilised and uncivilised, come up for discussion in that dingy, little room
where the Judicial Committee of the Privy Council hold their sittings» Sir
Courtenay Ilbert in RANKIN George, Sir: « The Judicial Committee of the
Privy Council«, CLJ, 1939, pp. 2 à 22, v. p. 11.
14 V. TURPIN Dominique: «Contentieux Constitutionnel»,
PUF, 1994, 543 p., v. p. 38.
15 «Even though not statutorily acknowledged, the
Judicial Committee remains a part of the apparatus of imperial
governance.», BETH Loren P.: « The Judicial Committee: its
development, organisation and procedure», PL, 1975, pp. 219 à 241,
v. p. 223.
16 BETH Loren P.: «The Judicial Committee of the Privy
Council and the development of judicial review», AJCL, 1976, pp. 22
à 42.
17 «(Le Comité Judiciaire) permit d?insuffler une
bouffée d?air juridique anglais à des pays étrangers
à ses (la Grande-Bretagne) lois, comme le Québec, le Ceylan,
l?île Maurice ou l?Afrique du Sud.» ARGOSTINI Eric: «Droit
Comparé», PUF, 1988, 339 p., v. p. 271.
18 «Les coutumes sont soumises par la domination
coloniale à un processus d?intégration. Partout, tant bien que
mal, elles doivent s?insérer dans l?ordonnancement juridique de l?Etat
métropolitain. Elles n?y sont tolérées que dans la mesure
où elles n?en violent pas les principes fondamentaux.», CONAC
Gérard: «La vie du droit en Afrique» in CONAC Gérard
(dir): «Dynamiques et finalités des droits africains»,
Economica, 1980, 509 p., v. p. XI.
suite aux travaux de la Commission Balfour de
192819, la Loi de 1931 intitulée Statut de Westminster
proclama l?égalité de statut entre la Grande-Bretagne et ses
dominions et abolit la Loi de 1865.
En revanche, le Comité Judiciaire poursuivait sa
politique impériale. Certes, il manifestait sa volonté de ne pas
déformer ou d?angliciser les droits des colonies qui ne s?inspiraient
pas de la Common Law, mais maintenait autant que possible une uniformité
de droit dans l?ensemble des dominions et colonies20. S?estimant
lié (bound by) par les décisions de la Chambre des
Lords21, il servait de relais de transmission du droit anglais dans
les dominions et colonies. Il y a lieu de souligner aussi que le Comité
Judiciaire avait pour objectif d?unifier la Common Law22 dans tout
le Commonwealth23.
L?autorité et l?influence du Comité Judiciaire
avaient considérablement été modifiées après
la deuxième grande guerre. Comme les circonstances de guerre avaient
permis une certaine émancipation des dominions et colonies sur le plan
international et diplomatique24, leur dirigeants avaient ensuite
été très critiques et réticents à
l?égard du système institutionnel centralisé de Londres.
Les revendications à l?autonomie et à l?indépendance
grandissaient et les institutions coloniales, notamment le Comité
Judiciaire, étaient mal supportées par les dominions et les
grandes colonies soucieux de détenir la maîtrise de leur
juridiction suprême. Ainsi, tour à tour, certains dominions et
certaines grandes colonies accédant à l?indépendance
avaient aboli le droit de leurs justiciables de se pourvoir au Comité
Judiciaire25.
19 La Commission était présidée par Lord
Balfour et était chargée de suggérer des solutions tendant
à résoudre les difficultés survenues dans les relations
entre, d?une part, la Grande- Bretagne et d?autre part, ses dominions et
colonies.
20 «Quant à ceux qui ont la charge d?appliquer la
Loi sont étrangers... ils n?hésitent pas à greffer sur le
droit du pays des concepts ou même des institutions en provenance
étrangère», DAVID Annoussamy: «Pour un droit
comparé appliqué, réflexions à partir de
l?influence des Lois dans l?Inde», RIDC, 1986, pp. 57 à 76.
21 «(The House of Lords) is the supreme tribunal to
settle English law, and that being settled, the colonial court, which is bound
by English law, is bound to follow it», CJCP: 17 février 1927,
Robins c/ National Trust Company Ltd., AC, 1927, pp. 515 à 522, affaire
du Canada, Vicomte Dunedin rédacteur de l'arrêt.
22 «Le Comité Judiciaire a joué un grand
rôle dans le maintien de la cohésion entre les différents
systèmes de la Common Law», ALLOT Anthony: « L?influence du
droit anglais sur les systèmes juridiques africains» in CONAC
Gérard (dir): « Dynamiques et finalités des Droits
africains», précité, note 18, v. p. 9.
23 CJCP: 4 avril 1979, Ferdinand Perez de Lasala c/ Hannelore
de Lasala, AC, 1980, pp. 546 à 562, affaire de Hongkong, Lord Diplock
rédacteur de l'arrêt.
24 Le Canada, par exemple, avait conclu des arrangements avec
les Etats-Unis d?Amérique. V. GRIMAL Henri: «De l?Empire
britannique au Commonwealth», Paris, Armand Colin, 1971, 404 p., v. p.
283.
25 La décision canadienne d?abolir le droit d?appel
à Londres avait été avalisée par le Comité
Judiciaire. CJCP: 13 janvier 1947, Attorney-General for Ontario c/
Attorney-General for Canada, AC, 1947, pp. 127 à 155, affaire de Canada,
Lord-Chancelier Jowitt rédacteur de l'arrêt. Pour une traduction
française de cet arrêt, v. MARX Herbert: « Les grands
arrêts de la jurisprudence constitutionnelle du Canada», Les Presses
de l?Université de Montréal, 1974, 761 p., v. p. 17 à
30.
Depuis, un mouvement de suppression des structures
impériales avait gagné les moyennes et petites colonies. Elles
avaient accédé à la souveraineté avec une
rapidité extrême. La Grande-Bretagne avait doté chaque
nouvel Etat du Commonwealth d?une Constitution, suivant en cela le mouvement
universel de réaction politique et institutionnelle contre les
régimes du Nazisme. La conception d?infaillibilité de la Loi,
proche de la théorie de Dicey sur la Souveraineté du
Parlement26 était apparue très dangereuse et peu
protectrice des libertés dans ces nouveaux pays au lendemain incertain.
Après la guerre, les juristes et politiques avaient cherché
à donner à la société des institutions capables
d?empêcher la violation en série des droits
primaires27. Le rôle des Etats-Unis d?Amérique dans la
victoire militaire de 1944 et la libération de l?Europe continentale
avait conféré un prestige considérable aux institutions
judiciaires américaines et plus particulièrement à la Cour
Suprême fédérale qui assurait un contrôle de
conformité des Lois aux droits fondamentaux de la Constitution. Le
système judiciaire des Etats-Unis d?Amérique avait en grande
partie servi de modèle au constitutionnalisme du nouveau
Commonwealth28. Ce constitutionnalisme présentait trois
grandes caractéristiques bien affirmées dans les Constitutions
octroyées par la Grande-Bretagne aux nouveaux Etats29. Les
Constitutions avaient un caractère rigide et étaient
érigées en norme supérieure (lex superior) dans
l?ordonnancement juridique. Il y existait un catalogue des droits fondamentaux
largement inspiré de celui de la Convention Européenne des Droits
de l?Homme30. Il était prévu, comme aux Etats-Unis
d?Amérique, un système de contrôle juridictionnel des Lois
pour assurer de façon
26 En Grande-Bretagne, le principe de la suprématie du
Parlement est un des fondements du système constitutionnel. La Loi est
la norme supérieure et ne peut être annulée par le juge. V.
DICEY Albert Venn, KC: «Introduction to the study of the law of the
Constitution», 1885, Londres, Macmillan and Co. Ltd., 1962, 535 p.
27 ROUSSEAU Dominique: « La justice constitutionnelle en
Europe», Monchrestien, Clefs Politique, 1992, 160 p., v. p. 25.
28 «Le droit constitutionnel des Etats-Unis... a pris le
relais du droit constitutionnel anglais dans plusieurs Etats anglophones»,
CONAC Gérard, précité note 18, v. p. XIV.
29 Le Parlement britannique avait établi plus d?une
trentaine de Constitutions finales. Elles avaient, à l?origine, la forme
d?une Loi ordinaire du Parlement de Westminster ou d?une Ordonnance de la Reine
en Conseil. «We have something of a phenomenon: Whitehall lawyers must
have drafted at least 33 complete and final independence Constitutions during
this period, to say nothing of a deluge of intermediate instruments. And this
from almost the only country in the world to be itself without a written
Constitution...», DALE William: «The making and remaking of
Commonwealth Constitutions», ICLQ, 1993, pp. 67 à 83, v. p. 67.
30 La Grande-Bretagne, Etat signataire de la Convention, avait
étendu celle-ci à quarante-deux de ces colonies, dont l?île
Maurice. Ensuite les Constitutions avaient traduit dans l?ordre interne les
dispositions de la Convention. V. DE SMITH Stanley A.: «The new
Commonwealth and its Constitutions», Londres, Stevens and Sons, 1964, 312
p., v. p. 177 à 183.
Sur la similarité entre les Constitutions et la
Convention, v. CJCP: 14 février 1979, Minister of Home Affairs c/
Collins Mac Donnald Fisher, AC, 1979, pp. 319 à 331, affaire des
Bahamas, Lord Wilberforce rédacteur de l'arrêt, v. p. 328.
efficace le respect des normes constitutionnelles31.
La Constitution de l?île Maurice du 4 mars 1968 répond
parfaitement à ce modèle32.
Le Comité Judiciaire, qui contrôlait aussi les
Lois de certains dominions aux règles de partage des compétences
entre les Etats fédérés et l?Etat fédéral
devenait, en outre, pour les nouveaux Etats du Commonwealth qui avaient
maintenu sa juridiction, un tribunal constitutionnel de second degré. Il
se lançait à partir des années soixante dans une
défense des libertés fondamentales et de l?indépendance du
judiciaire. Cependant, ce nouveau dynamisme du Comité Judiciaire, s?il
continue à se propager dans certains pays, dont principalement
l?île Maurice, s?est rapidement arrêté dans les pays
d?Afrique du Commonwealth qui avaient suspendu l?application de leur
Constitution. Le modèle de Constitution octroyé par la
Grande-Bretagne, qualifié de Westminster du fait qu?il reproduit le
système parlementaire britannique, avait connu des inadaptations, voire
des rejets. Les dirigeants africains du Commonwealth, comme ceux d?Afrique
francophone, avaient d?abord voulu construire la nation, l?unité
nationale et l?Etat et promouvoir le développement
économique33. Au nom de la thèse
développementaliste, le droit du peuple avait primé les droits de
l?homme. Ces derniers étaient considérées comme un
luxe34. La protection des droits de l?homme ne pouvait être
une priorité dans des sociétés où des hommes
vivaient dans le dénuement. L?impératif du développement
économique commandait des sacrifices dans le domaine des
libertés. L?abandon du modèle de Westminster était
accompagné de l?instauration du monopartisme et d?une
présidentialisation du régime35, plus proche de
l?image de la chefferie traditionnelle, et de la suppression du droit de
recours au Comité Judiciaire36.
31 DE SMITH Stanley A., précité, note 29., p.
77.
32 «Ce catalogue (des droits) permet de classer
l?île Maurice parmi les Etats qui se sont dotés - relativement
tôt- d?une Constitution de type moderne», PHILLIPE Xavier: «Les
nouvelles Constitutions mauricienne et malgache», intervention au
deuxième Congrès Français de droit constitutionnel, 13 au
15 mai 1993, Bordeaux.
33 «Il était inévitable que des principes,
des pratiques et des institutions aussi nettement reliés à
l?idéologie extérieure à l?Afrique subissent des
déformations. Il fallait prévoir que la transplantation
provoquerait des phénomènes de rejet... Les impératifs de
la construction nationale, l?influence des idéologies de
développement... ont conduit dans un deuxième temps à
modifier le contenu et la portée des garanties juridiques reconnues aux
individus», CONAC Gérard: «Les Constitutions des Etats
d?Afrique et leur effectivité», pp. 385 à 413, in CONAC
Gérard, précité, note 18, v. p. 393.
34 «Mr Kawawa said: A Bill of Rights merely
invites conflict between the executive and the judiciary; that is the kind of
luxury which we could hardly afford to entertain?», DE SMITH Stanley A.,
précité note 29, v. p. 2 13-4.
V. aussi AJAVON Ata: «La protection des droits de l?homme
dans les Constitutions des Etats de l?Afrique noire francophone», RJPIC,
1992, pp. 79 à 87 et MBAYE Kéba: «L?Afrique et les droits de
l?homme», RJPIC, 1994, pp. 1 à 16.
35 NWABUEZE B. O.: «Presidentialism in Commonwealth
Africa», Londres, C. Hurst and Co., 1974, 442 p.
36 MARSHALL H. H.: «The future of received English law in
the countries of the Commonwealth», CILJSA, 1982, pp. 87 à 91.
Aujourd?hui seuls l?île Maurice en Afrique, quelques
petits pays dans le monde et Hongkong, la Jamaïque et la
Nouvelle-Zélande ont maintenu la juridiction de Sa Majesté la
Reine d?Angleterre. Ces pays, à l?exception de la
Nouvelle-Zélande, du fait de leur petite dimension géographique,
ont des difficultés financières et techniques pour assurer
eux-mêmes le bon fonctionnement d?un tribunal suprême37.
En outre, à l?île Maurice, la juridiction de la Downing Street est
conçue comme un élément primordial au maintien de la paix
et la cohésion sociale. L?île Maurice étant un pays
multicommunautaire, les politiques et juristes ont préféré
la perpétuation des recours à Londres malgré l?accession
du pays au statut de République en mars 1992.
L?extériorité même de Conseil Privé et la haute
autorité morale de ses juges constituent la meilleure garantie de son
indépendance et impartialité38 et sont une source
d?apaisement. Autrement dit, le Comité Judiciaire permet de purifier le
débat juridique dans un pays où l?équilibre
intercommunautaire a été une des premières
préoccupations du constituant britannique.
Par ailleurs, si les relations entre la Cour Suprême de
l?île Maurice et le Comité Judiciaire sont
généralement harmonieuses, il s?avère que les divergences
de vue entre les deux institutions se sont amplifiées depuis les
années quatre-vingts. Le Comité Judiciaire, moins soucieux du
développement d?un droit national autonome que la Cour Suprême
locale, se sent de plus en plus tenu d?appliquer aux contentieux mauriciens les
solutions dégagées par la Cour Européenne des Droits de
l?Homme et des grandes juridictions étrangères telles la Chambre
des Lords et la Cour Suprême des Etats-Unis d?Amérique. Se
séparant des règles d?interprétation des normes
utilisées par le juge ordinaire anglais, le Conseil Privé
pratique une politique d?interprétation généreuse et
téléologique des normes fondamentales et accorde peu de place
dans ses arrêts aux considérations de politique du gouvernement
(public policy) souvent invoquées par la Cour Suprême de
Maurice pour limiter l?exercice des droits. La Haute Instance londonienne a
voulu renforcer le contrôle de constitutionnalité dans les pays
soumis à sa juridiction.
*
37 «Where it (the Privy Council) was once a court
primarily for the Dominions, now it is a court for the smaller Commonwealth
territories who do not have the resources to finance a second -tier court of
appeal of their own», OWEN D. H. O.: «The Judicial Committee of the
Privy Council», Londres, document non-publié, février 1994,
9 p., v. p. 6.
38 «... the Privy Council offered a forum for the
determination of appeals free from local passion and partisanship and was
therefore uniquely qualified for the task of protecting minorities against
victimisation», SWINFEN David B.: «Imperial appeal, the debate on the
appeal to the Privy Council 1833-1986», Manchester, Manchester University
Press, 1987, 268 p., v. p. 17.
A ce stade de notre exposé, il convient de souligner
l?intérêt de notre sujet et préciser le champ de nos
investigations, les difficultés gigantesques que nous avons
rencontrées, les principaux axes de notre recherche et
démonstration. Qu?il soit d?abord souligné que notre souci, en
tant que chercheur, a été d?élaborer un travail
scientifique exempt de tout subjectivisme.
L?intérêt premier des études auxquelles on
s?est livré est, du moins double. Premièrement, il consiste en
l?analyse en soi d?une grande institution qui n?a que rarement
éveillé l?attention de la doctrine à son
égard39. Il est, en effet, étonnant de constater qu?en
dehors de quelques travaux d?étudiants de la maîtrise en droit des
universités britanniques40, les ouvrages les plus
récents sur le fonctionnement de cette institution datent d?avant la
deuxième guerre mondiale41 ! Deuxièmement,
l?intérêt de notre sujet consiste en l?analyse du Comité
Judiciaire en tant que juridiction suprême de l?île Maurice, pays
où il n?existe, malheureusement pas de tradition doctrinale en
matière juridique. Ainsi, nos recherches représentent une
matière non seulement inexploitée mais extrêmement immense.
S?attacher à observer le Comité Judiciaire et suivre son oeuvre
en droit mauricien, c?est bien entendu reprendre souvent, pour une meilleure
compréhension, l?étude du droit dans tout le Commonwealth,
l?Angleterre incluse. L?île Maurice étant de surcroît un
pays où le droit d?origine française subsiste, notre tâche
a été davantage compliquée. Le droit mauricien
évolue dans un désordre inextricable dans lequel et le profane et
le juriste s?y perdent.
Le problème de l?immensité de notre sujet
débouche tout naturellement sur les difficultées de clarification
et de mise en ordre qui en sont le prolongement. On nous pardonnera d?avoir
beaucoup fait usage des notes de bas
39 Selon une anecdote, en 1900, un député
britannique, l?honorable Stanley Leighton, avait cherché pendant dix
années pour savoir où se situait le Comité Judiciaire.
N?ayant eu la réponse de personne, il décida de frapper à
toutes les portes du centre politique de Londres pour demander s?il
était bien au Comité Judiciaire. «Au cours de ses
investigations, il trouva un agent de police devant une porte, qui, en
répondant à sa question, lui indiqua un petit escalier, et en
entrant dans une salle du premier étage, il se trouva devant cette
majestueuse assemblée», The Parliamentary Debates (Hansard), House
of Commons, 4ème série, vol. 83, 14 mai 1900, v. p. 103-4.
40 THORTON Jennifer Anne: «A review of the Privy Council
Decisions (1966-1986) on individual rights and fundamental freedoms entrenched
in Commonwealth Constitutions», mémoire de maîtrise
(Master of Laws), Université de Cambridge, 1987 et WAREN A. E.:
«The Judicial Committee of the Privy Council and the British Commonwealth
1955-65», mémoire de maîtrise (Master of Arts),
Université de Dundee, 1983.
Il existe aussi une thèse de doctorat en langue
allemande. V. PHILLIP Christiane: «Das Judicial Committee of the Privy
Council und seine Gerichsbarkeit für das Commonwealth», thèse
de doctorat, Albrechts Universität Zu Kiel, 1990, 262 p.
41 BENTWICH Norman: «The practice of the Privy Council in
judicial matters», Londres, Sweet and Maxwell, 1937, 353 p. et PATEY
Jacques: «La Commission Judiciaire du Conseil Privé du Roi
d?Angleterre», thèse, Paris, 1938, 254 p.
de page. Nous avons voulu concilier notre argumentation avec
notre devoir d?explication afin de ne pas briser la fluidité dans le
développement de nos idées.
Conscient de la portée de notre sujet, il n?a tout de
même pas pu être question, dans le cadre obligatoirement
étroit de cette thèse, de présenter dans son
intégralité la très riche histoire du Comité
Judiciaire. Il nous a paru, cependant, indispensable d?analyser sous un angle
neuf et, notamment au regard du droit mauricien, la mise en place de
l?institution et son évolution, c'est-à- dire, sa
légitimité historique et juridique, avant de s?attarder plus
longuement sur l?organisation et le fonctionnement de l?institution.
Nous avons ensuite analysé, par référence
à la Haute Juridiction londonienne, le fonctionnement de la justice
constitutionnelle à Maurice. Nous avons mesuré les effet des
décisions du Comité Judiciaire sur le droit mauricien, plus
particulièrement le droit constitutionnel au sens large du terme, dans
un cadre chronologique défini: les trente dernières
années, autrement dit, depuis la mise en vigueur de la Constitution
mauricienne de mars 1968.
Notre plan procède d?un certain pragmatisme. Nous nous
sommes attaché dans un titre premier à démontrer la haute
qualité, les vertus et la grandeur de l?institution du Comité
Judiciaire, et, dans le deuxième titre, l?apport considérable du
Comité Judiciaire à l?exercice du contrôle constitutionnel
des normes à Maurice.
Il nous faut enfin apporter une précision d?ordre
méthodologique. Analysant une institution anglaise et un système
juridique dominé par la culture britannique, il nous a fallu traduire en
français des termes juridiques et des concepts anglais42.
Phénomène linguistique, les méthodes de traduction
acquièrent une importance particulière dans le rapprochement des
termes juridiques, en ce sens que bien des termes communs ont des sens
précis et se distinguent d?un pays à l?autre. La traduction des
termes par nos soins a obéi à un triple souci: souci de
compréhension, souci de conservation des sens et souci de
simplification. Nous avons voulu privilégier une approche
systémique, c'est-à- dire, une méthode qui consiste
à traduire des mots en tenant compte de leur rapprochement au
système juridique français, afin de ne pas déformer
notre
42 Nous suivrons les trois méthodes
sus-mentionnées distinguées par Maître Riyad DOOKHY, avocat
au Conseil Privé et à la Chambre des Lords, avec qui nous avons
eu plusieurs entretiens. V. en ce sens également ARMINJON Pierre, NOLDE
Baron Boris et WOLFF Martin: «Traité de droit comparé»,
LGDJ, 1952, 3 tomes, v. tome 1, pp. 14 à 33.
langage. La traduction implique d?abord une transposition de
sens43. Certains termes sont rebelles à cette méthode.
La traduction littérale est alors à
préférer44. Il nous a été, dans des cas,
nécessaire de distinguer les termes anglais des termes
équivalents français. Aussi, quelques termes ont
été traduits dans une perspective historique de façon
à conserver leur attachement à l?histoire 45.
Notre étude ne prétend pas à
l?exhaustivité. Le temps imparti s?y opposait. Nous formulons,
cependant, le voeu qu?elle ouvre quelques pistes de recherches futures sur le
droit du Commonwealth, le droit institutionnel britannique et le droit public
mauricien.
Enoncé du Plan
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