3-3-Terrain
L'échantillon s'est établi assez naturellement
en fonction des disponibilités de chacun des professionnels qui ont bien
voulu me répondre et je les en remercie encore une fois ici.
Pour parvenir à un balayage de l'ensemble des
professionnels, j'ai choisi de les interroger selon leur lieu d'exercice :
· Un service de médecine au CHU
· Un service de réanimation chirurgical au CHU
· Des exercices à domicile
· Un service d'urgences d'un hôpital des
armées
Au sein de ces lieux, le choix de la (des) personne(s)
interrogée(s) s'est fait au hasard de la présence sur les lieux
et de la disponibilité pour me répondre. Je n'ai donc le
récit que des infirmiers volontaires pour ces entretiens.
Un premier écueil est apparu lorsqu'il a fallu
commencer les entretiens : la hiérarchie infirmière demande
beaucoup de justification pour pouvoir atteindre l'IDE en elle-même.
Cette découverte, alors que je suis moi-même infirmière,
peut sûrement être une première réponse à la
question suivante : pourquoi les infirmiers s'expriment-ils aussi peu sur
leur profession ?
Ensuite, j'ai aussi découvert une profession à
bout de souffle dans une taylorisation de son travail, lui donnant l'impression
d'être aux limites possibles de ses capacités avec le sentiment de
faire de la productivité dans un domaine où elle aimerait prendre
son temps. De nombreux services n'ont pas pu détacher la vingtaine de
minutes que durait mon entretien par défaut de personnel que cela soit
dû à des arrêts maladie non remplacés comme à
un manque perpétuel dû à une impossibilité
d'embauche de par l'absence même d'IDE sur le marché du travail.
Dans cette ambiance où une profession souffre du
manque, l'attractivité revendiquée dans cette réforme
semble effectivement être vitale pour que les soins puissent continuer
d'être assurés avec le niveau de qualité requis.
Cet état de fait peut également être une
explication au peu de recul qu'ont les professionnels sur leur pratique et le
peu de conceptualisation fait au sein même des différentes
structures puisque je n'ai retrouvé aucun temps institutionnel pour
échanger sur les pratiques et la profession en elle-même.
3-4-Synthèse des
entretiens
Alors que le premier entretien réalisé me
donnait l'enthousiasme du fondement de ma question de recherche, au travers de
réponses extrêmement similaires à celles que j'aurais pu
moi-même donner, les autres m'ont beaucoup plus bousculée,
remettant en question l'ensemble des hypothèses construites durant la
revue de la question.
Pour comprendre ce qu'ils ont voulu me dire sans pour autant
remettre en question la véracité de leurs propos j'ai
écouté et réécouté ce que tous ces
professionnels m'ont dit.
Une fois imprégnée de leurs propos, j'en ai
dégagé des similitudes ainsi que des divergences pour ensuite
pouvoir analyser ces réponses.
Une première réalité s'est imposée
dès le départ, c'est la connaissance mesurée de la
réforme en cours des études menant à leur profession.
Quelle que soit l'année d'obtention du diplôme et même pour
ceux qui viennent juste de terminer leurs études, la réforme
actuelle est vague, floue et ne comporte que des questionnements face à
l'avenir sans aucune certitude. Ce manque d'information constaté ne
semble pas déranger les professionnels qui me posent peu de questions
à ce sujet alors que je me présente comme
« experte » en ce domaine. Pourquoi ce déficit de
demande sur le sujet ?
Ensuite, il s'avère que les craintes d'une
réforme sont palpables puisque les professionnels interrogés
mettent leurs attentes sous le même versant que les craintes ;
ainsi, lors de l'entretien de Marion, elle me dit : « il y a
quand même un petit avantage c'est que les étudiants arriveront et
logiquement ils auront déjà eu toute la théorie donc quel
que soit le service où ils vont aller ils sont censés être
au clair [...]je ne suis pas convaincue du tout. Je pense que je serais
beaucoup plus exigeante. » En réalité seuls deux
professionnels sur les huit interrogés y voient de réels
avantages uniquement sur le plan de la valorisation du diplôme et aucun
d'entre eux ne pense que le changement de lieu et de forme ne peut apporter
quoi que ce soit à une formation qu'ils jugent déjà
exigeante et surtout professionnelle.
Derrière les réponses à mes questions
centrées sur la formation ils ont en effet tous été
unanimes sur le professionnalisme exigé par eux comme par l'ensemble de
la profession : « on risque d'être plus
exigeant », on émet des « craintes sur la
valeur professionnelle » ou encore plus « qu'ils
(les futurs professionnels) se fassent leur pratique au détriment des
patients qu'ils vont avoir sous leur responsabilité ».
Les infirmiers ne veulent rien perdre sur leur profession
actuelle, bien au contraire, ils ont des attentes multiples et
variées : « conserver leur rôle
propre » et même « développer notre
rôle propre »,
« reconnaissance »,
« possibilité de transmettre »,
« polyvalence » et à la fois
« spécialisation », « savoir
se remettre en question », « être
réceptif », « meilleure maîtrise des
gestes », « collaboration avec les
médecins », « notre métier
évolue »...derrière ces attentes on retrouve un
métier en pleine évolution avec différents profils
professionnels, des gens différents et se retrouvant pourtant dans
l'approche de leur métier qu'ils veulent tous à la mesure de la
demande du patient : Dans l'excellence.
Là où ils disent la différence j'ai
perçu la ressemblance quand Isabelle me dit « pourquoi
pas » à la filière commune
puisqu' « on travaille ensemble alors pourquoi pas une base
commune », elle dit aussi : « Il faut tout de
même les bases » et « il faut se recentrer
sur lui (le patient) car il est avant tout un être
humain ». Les autres revendiquent tous une
spécificité qui ne peut qu'y perdre dans la mise en commun des
études et, par la même, la perte de la filière
infirmière qui « existe déjà alors
pourquoi enlever une filière. »
Ainsi le professionnalisme est présent dans tous les
entretiens dans une volonté commune et très forte d'excellence de
l'exercice. Tandis que Marie-Hélène met l'accent sur «
la maturité relationnelle et professionnelle pour pouvoir
gérer un service ou des étudiants par la connaissance du
terrain », Delphine affirme que « la profession a
beaucoup évolué, de bénévole volontaire et
consacré, on arrive à un métier à part
entière que l'on écoute plus avec une meilleure reconnaissance de
l'IDE même si ce n'est que bac +2 », Etienne
note que « L'infirmier fait plus qu'accompagner le
médecin, il est à côté de lui » et
Juan Martin n'imagine l'avenir de l'infirmier qu' « à
travers la recherche en Soins Infirmiers. »
Ils se rejoignent également tous sur l'importance de la
spécialisation de certains infirmiers dans le contexte actuel de
l'évolution de la santé pour être en adéquation avec
elle : alors que penser de la méconnaissance absolue de la
recherche en soins infirmiers à l'exception notable de Juan Martin
interrogé dans le cadre de mon entretien test ?
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