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Problématique environnementale de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta (Canada)

( Télécharger le fichier original )
par Claude Bandelier
Université Libre de Bruxelles - Master en Gestion de l'Environnement et Master en Biologie 2010
  

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Université Libre de Bruxelles
Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire
Faculté des Sciences
Master en Sciences et Gestion de l'Environnement

« Problématique environnementale de l'exploitation des sables
bitumineux en Alberta »

(Canada)

Mémoire de fin d'études présenté par
BANDELIER Claude
En vue de l'obtention du grade académique de
Master en Sciences et Gestion de l'Environnement

Année Académique : 200912010

Directeur : Prof. Edwin Zaccaï

Codirecteur : Prof. Pierre L. Kunsch Assesseurs : Prof. A. Steenhout

Prof. M. Degrez

Prof. N. Matielli

Contact auteur : claude.bandelier@gmail.com

REMERCIEMENTS

Ce travail a été réalisé grâce à Pierre-Louis Kunsch que je tiens à remercier chaleureusement pour sa précieuse aide lors de la réalisation des diagrammes d'influence, sa grande disponibilité ainsi que pour la confiance qu'il m'a accordée.

Un grand merci également à Edwin Zaccaï pour son intérêt à l'égard de mon travail et ses conseils avisés.

Je remercie tout particulièrement Adrien Jucker pour son soutien, ses encouragements répétés et les nombreuses corrections qu'il a apportées.

J'exprime toute ma gratitude à toutes les personnes que je n'ai pas citées ici et qui ont permis que ce travail se réalise.

RESUMÉ

Les sables bitumineux sont constitués de sables, d'argile, d'eau et de bitume. Le bitume est une forme extrêmement dense, lourde et visqueuse de pétrole qui se trouve à l'état naturel sous forme de dépôts, mais peut aussi être obtenu à partir du raffinage du pétrole. Le bitume naturel se forme par la biodégradation bactérienne de pétrole lorsqu'il s'approche de la surface pendant la phase de migration. Il en résulte un hydrocarbure dégradé, riche en souffre et en métaux lourds. Les plus grandes réserves de sables bitumineux mondiales se situent au Venezuela et au Canada dans la province de l'Alberta. Les réserves initiales canadiennes sont estimées à 1700 milliards de barils, ce qui propulse le pays en seconde position derrière l'Arabie saoudite sur le plan des réserves de pétrole à l'échelle mondiale. Jusqu'au milieu des années 1990, l'exploitation des sables bitumineux canadiens est considérée comme risquée et peu rentable. L'introduction d'un régime de redevances généreux et des allégements fiscaux fédéraux par les gouvernements de l'Alberta et du Canada, pour rendre cette ressource économiquement viable, provoque un changement de la situation. Soutenue par la croissance de la demande, l'augmentation du prix du baril et une diminution des coûts de production, due aux progrès technologiques, la croissance des opérations d'exploitation et de la production explose pour atteindre 1.1 millions de barils par jour en 2004. Actuellement la production est de 1.5 millions de barils par jour et le chiffre de 5 millions est avancé pour 2030. L'exploitation des sables bitumineux débute par une phase d'extraction qui peut être réalisée à l'aide deux méthodes différentes (exploitation minière de surface ou opération in situ) selon la profondeur du gisement. Le bitume est ensuite extrait et peut être valorisé ou non, par l'ajout d'hydrogène et le retrait de carbone, en pétrole brut synthétique plus léger. Les produits résultant sont ensuite exportés via un réseau de pipelines vers des raffineries canadiennes ou américaines. Les Etats-Unis représentent les premiers importateurs des produits pétroliers canadiens alors que l'Asie constitue un marché potentiel pour le futur.

Toutefois, d'importants impacts sociaux et environnementaux sont générés par l'exploitation des sables bitumineux. De vastes étendues au sein de la forêt boréale sont déboisées, les cours d'eau sont déviés et le sol est retiré sur une importante épaisseur pour permettre l'accès aux gisements. L'extraction de bitume est effectuée par des techniques qui consomment des quantités excessives d'eau, prélevée des rivières et aquifères de la région, et de gaz naturel, dont la combustion est responsable d'émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre. En outre, des fuites et des infiltrations de polluants à partir des gigantesques bassins de rétention des eaux contaminées et des résidus représentent un risque élevé. Selon la loi, les industries ont l'obligation de remettre les terrains en état au terme de l'exploitation. En pratique, les méthodes de restauration, basées sur une revégétalisation approximative et la transformation des bassins de résidus en gigantesques lacs, sont incertaines et ne semblent pas être en mesure de restaurer l'ensemble des écosystèmes atteints. Les effets sociaux dans la région où le développement des sables bitumineux a engendré un afflux massif de main-d'oeuvre sont également à déplorer. La capacité de la municipalité à répondre aux besoins de base en infrastructures et en services est largement dépassée et le coût du loyer y est exorbitant.

Malgré tous ces impacts importants, le gouvernement de l'Alberta, soutenu par celui du Canada continuent à approuver des licences d'exploitation pour des nouveaux projets et des projets d'expansion. Les impacts négatifs potentiels sont négligés dans les processus d'approbation et rendent absolument nécessaires l'établissement de politiques environnementales et d'instruments de gestion visant à établir un cadre pour un développement industriel respectueux de l'environnement.

TABLE DES RES

MATIÈ

LISTE DES ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS

TABLES DES FIGURES ET DES TABLEAUX

1. INTRODUCTION

2. PÉTROLE ET SABLES BITUMINEUX

6

7

8

9

 

2.1.

Le pétrole

9

 

2.2.

Les sables bitumineux

9

 

2.2.1.

Bitume et sables bitumineux

9

 

2.2.2.

Oriine et formation des sables bitumineux

10

 

2.2.3.

Réserves mondiales de sables bitumineux

11

 

2.2.4.

Réserves de sables bitumineux du Canada

12

 

2.3.

Techniques d'extractions et valorisation du bitume en pétrole brut de synthèse

14

 

2.3.1.

Exploitation et extraction à ciel ouvert

14

 

2.3.2.

Récupération in situ

18

 

2.3.3.

Récupération du bitume ou production à froid

21

3.

EXPLOITATION EN ALBERTA

22

 

3.1.

Historique

22

 

3.1.1.

Découverte des sables bitumineux

22

 

3.1.2.

Premiers projets commerciaux d'extraction/valorisation

22

 

3.1.3.

La ruée vers les sables bitumineux

23

 

3.2.

«Boom » de l'exploitation des sables bitumineux

25

 

3.2.1.

Effet de l'allègement du régime fiscal

25

 

3.2.2.

Effets duprix du baril, de l'innovation technologique et des coûts de production ....

25

 

3.2.3.

Effet de la croissance de la demande mondiale

27

 

3.3.

Offre de pétrole en Alberta et impacts économiques

28

 

3.3.1.

Situation économique

28

 

3.3.2.

Production

29

 

3.3.3.

Marchés etpipelines

30

4.

IMPACTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX

34

 

4.1.

Généralités

34

 

4.2.

Impacts environnementaux locaux

34

4.2.1. Atteintes de la forêt boréale et des tourbières et remise en état 34

4.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les systèmes aquatiques 40

4.2.3. Fragmentation des habitats 46

4.2.4. Émissions atmosphériques et acidification des lacs 47

4.2.5. Enjeux sociaux 49

4.3. Impacts environnementaux globaux 50

4.3.1. Utilisation de gaz naturel 50

4.3.2. Émissions de gaz à effet de serre et objectifs de Kyoto 51

5. GESTION DES IMPACTS ET 54

PERSPECTIVES

5.1. Recommandations et améliorations des pratiques industrielles 54

5.1.1. Principales recommandations 54

5.1.2. Principales améliorations des pratiques industriellesproposées 55

5.2. La gestion des effets cumulatifs sur l'environnement 56

5.3. Le rôle des pouvoirs publics 58

5.4. Le gouvernement fédéral 59

6. CONCLUSION 60

63

RÉFERÉNCES

73

ANNEXES

LISTE DES ACRONYMES ET É

ABR VIATIONS

AEC Alberta Energy Company

AOSTRA Alberta Oil Sands Technology and Research Authority

API American Petroleum Institute

bbl baril

CAPP Canadian Association of Petroleum Producers

CEMA Cumulative Environmental Management Association

CGC Commission géologique du Canada

CNRL Canadian Natural Resources Limited

CO2eq équivalent-CO2

EAPS Extractions Auxiliary Production System

EIA U.S. Energy Information Administration

EPEA Environmental Protection and Enhancement Act

EPL end pit lake

ERCB Energy Ressource Conservation Board

EUB Alberta Energy and Utilities Board

GES Gaz à effet de serre

HAP hydrocarbures aromatiques polycycliques

IEA International Energy Agency

IFN instream flow need

kPa kilopascals

LCCS Land Capability Classification for Forest Ecosystems in the Oil Sands

Mb/j millions de barils par jour

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONÉ Office national de l'énergie

OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole

PADD Petroleum Administration for Defense District

PCA principaux contaminants atmosphériques

PBS pétrole brut synthétique

RAMP Regional Aquatics Monitoring Program

RFT résidus fins terminaux

SCV Stimulation cyclique par la vapeur d'eau

SGSIV Séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur

THAI Toe-to Heel Air Injection

VAPEX Vapour Extraction Process

WTI West Texas Intermediate

TABLES DES FIGURES ET DES TABLEAUX

Figures:

Figure 1. Propriétés physico-chimiques des différentes fractions extraites à partir du pétrole brut10

Figure 2. Réserve mondiales de pétrole brut par pays 12

Figure 3. Carte des dépôts de sables bitumineux de l'Alberta 13

Figure 4. Tombereau utilisé pour le transport des sables bitumineux 15

Figure 5. Schéma du procédé d'extraction de bitume à l'eau chaude 16

Figure 6. Diagramme pour le procédé de valorisation du bitume 18

Figure 7. Schéma du procédé de séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur 20

Figure 8. Prévisions de la production des sables bitumineux en millions de barils par jour 24

Figure 9. Prix FAB mondial du baril de pétrole brut pondéré aux volumes estimés d'exportation 26

Figure 10. Production de bitume et de pétrole synthétique brut en Alberta 29

Figure 11. Chaine de production des sables bitumineux 30

Figure 12. Principaux pipelines et marchés de pétrole brut au Canada et aux États-Unis 31

Figure 13. Réseau d'oléoducs existants et proposés au Canada et aux Etats-Unis 33

Figure 14. Opération minière dans la région de l'Athabasca 35

Figure 15. Localisation des « end pit lakes » planifiés dans la région de la forêt boréale de

l'Athabasca 39

Figure 16. Image satellite d'une aire d'exploitation in situ 46

Figure 17. Emissions de GHG et prévisions des émissions jusqu'en 2020 53

Figure 18. Interactions économie/environnement dans l'exploitation des sables bitumineux 61

Tableaux:

Tableau 1. Exportations de pétrole brut de l'Ouest canadien en 2005 (m3/j) 32

Tableau 2. Emissions de GES exprimées en équivalent-CO2 pour la production et l'utilisation de produits pétroliers en Alberta 51

1. INTRODUCTION

En un siècle, le pétrole est devenu la ressource stratégique la plus importante de notre civilisation. Principalement utilisé comme carburant pour le secteur du transport, vecteur primordial de la mondialisation de l'économie, il a révolutionné les schémas géopolitiques de la planète et dirige, pour une bonne partie, la croissance et le développement économiques. Or, contrairement aux matières premières qui ont marqué d'autres Âges, le pétrole ne semble bénéficier que de réserves extrêmement limitées dans le temps et impose une course à l'approvisionnement sans merci aux états surconsommateurs que sont les USA, la Russie ou la Chine. La menace de l'atteinte du Pic de Hubbert plane depuis plusieurs décennies et se répercute sur le prix du pétrole brut, qui ne semble pas connaître de limite supérieure.

Dans ce contexte, la perspective d'une source nouvelle « d'Or Noir » est vue comme une manne providentielle pour les états qui ont l'aubaine de la découvrir sous leur sol. Tel est le cas de la récente exploitation des sables bitumineux dans la province de l'Alberta au Canada. Ces gisements de pétrole non conventionnel renferment une quantité colossale d'hydrocarbures : 1'700 milliards de barils selon les estimations, soit plus que les réserves mondiales actuellement prouvées. Toutefois, leur exploitation se révèle particulièrement complexe et onéreuse, nécessitant la mise en place de vastes installations au sein de la forêt boréale, et une consommation faramineuse d'eau et de gaz naturel.

Ce tout nouveau secteur de l'industrie pétrolière s'accompagne de graves répercussions sur le milieu naturel de la province. Déforestation, destruction des tourbières, pollution des écosystèmes aquatiques et émission de gaz à effet de serre sont les conséquences les plus palpables de ce chantier géant et pourraient compromettre sérieusement l'image d'un pays qu'on avait l'habitude de ranger parmi les plus avancés en matière de gestion de l'environnement.

Ce travail a l'ambition de dresser un état des lieux de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta et tente de comprendre quel rôle ont joué les gouvernements de l'Alberta et du Canada et quelles solutions peuvent être proposées pour en réduire l'empreinte écologique.

La première partie s'attache à présenter succinctement les aspects techniques entourant le bitume, sa formation et son exploitation. Dans la seconde partie, ceux-ci sont étudiés dans le contexte historique et économique propre à la province de l'Alberta. Une analyse approfondie des impacts environnementaux constitue ensuite le coeur du travail et est directement suivie des principales critiques et recommandations adressées au législateur visant à une gestion plus adaptée des activités pétrolières. Pour conclure, l'ensemble des facteurs présentés est étudié sous la loupe de la technique des systèmes dynamiques afin de proposer des pistes vers un éventuel changement des mécanismes en place.

2. PÉ TROLE ET SABLES BITUMINEUX 2.1. Le pétrole

Le pétrole se forme sous la surface de la terre suite à la décomposition de matières organiques progressivement accumulées sous forme de couches de sédiments (Sallé and Debyser, 1976). Sous l'effet de bactéries, ce mélange d'argile et de matière organique en décomposition se solidifie et forme le kérogène qui constitue la source de tous les combustibles fossiles1. Sous le poids de l'accumulation continue des sédiments et par l'action de la tectonique des plaques, la roche contenant le kérogène, appelée « roche source », s'enfouit progressivement à de grandes profondeurs. L'augmentation de la colonne de sédiments et son enfouissement entraînent une augmentation de la température et de la pression qui amorcent une série de réactions chimiques et physiques. L'eau interstitielle est expulsée, les sédiments sont compactés et le milieu réducteur anaérobie (absence d'oxygène) permet d'amorcer la dégradation biochimique, par pyrolyse, qui provoque un enrichissement du kérogène en carbone.2 La production d'hydrocarbures débute lorsque la température atteint approximativement 60°C, ce qui correspond à un enfouissement d'environ 1500 à 2000 mètres (Louis and Tissot, 1967). La vitesse de synthèse du pétrole augmente avec la température, mais diminue au-delà d'un seuil (aux environ de 100°C), et à partir de 4000 mètres (soit plus de 150°C) seul le méthane est produit3. Les hydrocarbures en formation, moins denses que la roche qui les entourent et plus légers que l'eau, sont expulsés et migrent vers la surface où ils sont oxydés. Lors de la migration, il arrive parfois que ces hydrocarbures rencontrent une roche perméable et poreuse (souvent du grès ou des carbonates), appelée « roche réservoir» qui permet une accumulation de ces hydrocarbures. Si cette roche est surplombée par une « roche couverture » imperméable (composée d'argile, de schiste et de gypse), la migration du pétrole est bloquée et celui-ci est piégé et se concentre pour former des poches à l'origine des réservoirs actuels de pétrole.

2.2. Les sables bitumineux

2.2.1. Bitume et sables bitumineux

Composé essentiellement d'hydrocarbures et de leurs dérivés, le bitume est une forme extrêmement dense, lourde et visqueuse de pétrole, en grande partie non volatile. Il est obtenu par raffinage du pétrole (Figure 1 ), mais peut aussi être trouvé à l'état de dépôt naturel ou comme composant naturel de l'asphalte. L'indice de gravité API (American Petroleum Institute) est un indice de caractérisation de la viscosité des pétroles bruts. La classification API procède selon une échelle inverse si bien que plus le degré API est élevé, moins le pétrole est lourd. Entre 25 et 40° API, on parle de pétrole léger conventionnel. Les pétroles dont l'indice API est inférieur à 15° sont classés comme bitumes et nécessitent divers procédés (chaleur, injection de vapeur ou ajout d'un diluant) pour pouvoir être pompés et transportés par oléoduc (Alberta, 2007 ; Dusseault, 2001).

1 Europétrole - Ressources - Lexique : géologie, in http://www.euro-petrole.com, consulté le 28 avril 2010

2 Ibidem

3 CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) - Info Comm - Information de marché dans le secteur des produits de base - Le pétrole : description, http://www.unctad.org/infocomm/francais/petrole/descript.htm, consulté le 28 avril 2010

Nombre de Point

carbones d'ébullition

(°C)

3 - 4 Gaz -10 - 15

5 - 10 Essence 15 - 150

12 - 1 8 Kerosene 150 - 260

1 8 - 24 Gas oils 230 - 370

24 - 40 Huiles de graissage 370 - 525

24 - --300 Fuels lourds 370 -

--40 - --300 Bitumes 525 -

Figure 1. Propriétés physico-chimiques des différentes fractions extraites à partir du pétrole brut. Source : auteur, d'après BP4.

Les sables bitumineux sont un mélange de bitume, de sable de quartz, d'argile, d'eau et de traces de minéraux. Les proportions exactes de ces constituants varient d'un dépôt à l'autre, mais dans les sables bitumineux de l'Alberta, elles sont approximativement de 75180% en matériaux inorganiques (sable, argile et minéraux), 315% en eau et de 10118% environ en bitume (Engelhardt and Todirescu, 2005). Chaque particule de sable, constituée de grains de quartz ronds ou anguleux, est recouverte d'une fine pellicule d'eau sur laquelle est déposée une couche de bitume. Les interstices entre les grains peuvent être remplis d'air ou de particules argileuses. La particularité des sables bitumineux qui les rend économiquement exploitables réside dans la structure et l'arrangement microscopique : le bitume est encapsulé par des molécules d'eau et ainsi séparé des autres constituants (Engelhardt and Todirescu, 2005). Les sables bitumineux sont généralement des sables non consolidés, c'est-à-dire que les forces de traction entre les grains sont proches de zéro, ce qui leur confère une porosité importante.

2.2.2. Origine et formation des sables bitumineux

Le bitume qui constitue les sables bitumineux provient d'une source de pétrole brut léger. Il est clairement admis que ce bitume ne peut pas avoir migré sous sa forme actuelle, mais qu'il a subi diverses altérations et dégradations complexes pendant sa phase de migration jusque dans les réservoirs5 (Zhou et al., 2008).

Bien qu'il n'existe pas de consensus sur l'origine du pétrole léger à partir duquel les bitumes albertains se sont formés, deux hypothèses principales sont développées (Dunbar, 2009). La première hypothèse, majoritairement acceptée, fait intervenir une source organique d'origine marine, similaire aux sources de pétrole conventionnel. La roche source correspondrait aux schistes argileux de la formation Exshaw, actuellement située à 380 kilomètres au sud-ouest, au

4 BP Bitumes France - Fabrication du bitume, http://www.bp.com/genericarticle.do?categoryId=3050450&contentId=3050866, consulté le 13 juin 2010

5 En plus des réserves de sables bitumineux, de grandes quantités de bitumes (environ 15% du volume des sables bitumineux) sont stockées dans des roches de carbonate (10-14% de porosité) fracturées. Dans ce cas les fractures sont les sites d'entrée privilégiés du pétrole. A l'inverse, les sables sont non fracturés, le déplacement pendant la phase d'invasion de gaz et de pétrole s'effectue par un flux dans un milieu poreux sous des conditions de hauts gradients de pressions et de températures élevées (Dusseault, 2002).

bord de la ceinture de plissement et de faille de chevauchement des montagnes Rocheuse canadiennes (Fowler and Riediger, 2000). Les hydrocarbures issus du pétrole léger auraient donc migré par transport hydrodynamique sur de longues distances, en direction du Nord-est, vers l'emplacement des gisements actuels et auraient subi diverses altérations et biodégradations qui les auraient progressivement transformés en bitume (Hein, 2006). Cette hypothèse ne permet cependant pas d'expliquer les volumes considérables de bitume stockés sous forme de sables bitumineux, 100 fois le total de toutes les réserves de pétrole conventionnel de la province, rendant pour certains la théorie de l'origine marine inadéquate. Ainsi, selon une autre hypothèse, le pétrole léger qui a généré le bitume aurait une source continentale et proviendrait des processus de houillification (transformation de la tourbe en anthracite) survenus dans la région, dont les réserves en charbon sont exceptionnellement riches. Le charbon qui est une roche source non marine possédant une capacité non négligeable de production de pétrole serait à l'origine des sables bitumineux, les hydrocarbures d'origine marine n'y ayant que minoritairement contribué (Stanton, 2004).

Une fois expulsé de la roche source, le long des voies de migrations ou dans les réservoirs peu profonds, le pétrole brut peut subir diverses modifications dans sa composition. Parmi les processus responsables de ces altérations, la biodégradation et la maturation thermique sont les plus courants, mais le fractionnement par évaporation, le «water washing» ou le déparaffinage, par exemple, peuvent également y contribuer (Zhou et al., 2008). La transformation du pétrole léger normal en huiles extra-lourdes ou en sables bitumineux implique principalement la biodégradation effectuée par des microorganismes charriés par de l'eau oxygénée présente dans des cellules de circulation plus proches de la surface, intervenant lorsque le pétrole subit des mouvements ascensionnels. Ce phénomène ne se produit que lorsque la température du gisement est inférieure à 80°C (Wilhelms et al., 2001). L'action microbienne s'attaque principalement aux molécules légères, laissant en place les fractions lourdes et complexes. Les pétroles ainsi dégradés deviennent plus visqueux, plus riches en souffre, en résines, en asphaltènes et en métaux lourds (particulièrement du nickel et du vanadium), et diminuent en qualité (Zhou et al., 2008).

2.2.3. Réserves mondiales de sables bitumineux

Les principales réserves mondiales de sables bitumineux (entre 55165% des réserves connues) se situent au Venezuela et dans l'Ouest Canadien (Dusseault, 2001). Des gisements de moindre importance existent cependant dans d'autres régions du monde comme à Mavuma en République Démocratique du Congo, dans la région russe de l'Oleniok en Sibérie orientale ou à Madagascar. Au total 586 dépôts sont actuellement répertoriés dans 22 pays (Attanasi and Meyer, 2007).

Les sables bitumineux vénézuéliens sont concentrés sur une zone au nord du bassin du fleuve Orénoque, appelée Ceinture de l'Orénoque ( Annexe 2). Ils sont très visqueux, mais les hydrocarbures qu'ils contiennent, étant moins dégradés et plus chauds que ceux des réserves canadiennes, sont suffisamment mobiles pour être pompés par des techniques conventionnelles6 et donc sensiblement plus faciles à extraire (Hutchinson, 2010). Ils sont souvent qualifiés d'huiles extra-lourdes et non de sables bitumineux. Les réserves réparties sur une surface de 50'000 m2 dépassent probablement le billion de barils (Dusseault, 2001). Des estimations récentes, non attestées encore, annoncent des volumes de bitume récupérables se situant de 380 à 652 milliards

6 Total - Bruts extra-lourd et bitumes - Les huiles lourdes: http://www.total.com/fr/nos-energies/petrole/exploreret-produire/nos-savoir-faire/huiles-lourdes-bitumes-900102.html, consulté le 27 avril 2010

de barils7 (U.S. Geological Survey, 2009), soit près du double de ce que le pays avait auparavant révélé (Rhodes, 2010), ce qui propulserait le Venezuela au premier rang des pays producteurs de pétrole devant l'Arabie saoudite. Cependant ces chiffres doivent être considérés avec précaution car les estimations prennent en compte un taux de récupération qui serait rendu possible par l'aboutissement de nouvelles technologies, nettement supérieur au taux actuel8.

2.2.4. Réserves de sables bitumineux du Canada

Bien qu'une partie se trouve dans la province de la Saskatchewan, la grande majorité des sables bitumineux canadiens se situe en Alberta, dans le Nord-est de la province. Répartis principalement au nord d'Edmonton en trois dépôts : Peace River, Cold Lake et Athabasca ( Figure ),

3ils s'étendent sous la forêt boréale sur une surface approximative de 149'000 kilomètre carrés, ce qui représente 23% de la superficie de la province9 (Woynillowicz et al., 2005). Les dépôts ont été regroupés en fonction de leurs caractéristiques géologiques, de leur emplacement géographique et de leur teneur en bitume. L'Alberta Energy and Utilities Board (EUB) estime qu'environ 1'700 milliards de barils de bitume brut sont contenus dans les sables bitumineux albertains, et que 19% de ce total (315 milliards de barils) seront à terme récupérables (Office national de l'énergie, 2006). Les technologies et les conditions économiques actuelles permettent de récupérer 174.2 milliards de barils (1.5 milliards de pétrole conventionnel et 172.7 milliards de pétrole non conventionnel), représentant les réserves prouvées10 (Alberta, 2007), ce qui place le Canada en seconde position derrière l'Arabie saoudite sur le plan des réserves de pétrole à l'échelle mondiale (Figure 2).

milliards de bards

300

250

200

150

100

50

0

264

175

136

115

102 99

92

60

44

36

30

21

Figure 2. Réserve mondiales de pétrole brut par pays. Source: auteur, d'après CAPP, 2010.

7 Un baril vaut 158.9 litres.

8 Les estimations des réserves se basent sur un taux de récupération de 15 à 70%, alors que dans l'état actuel de la technique, l'exploitation permet un taux de récupération de 8% (U.S. Geological Survey, 2009).

9 La superficie totale de la province est de 661'190 km2.

10 Les termes « réserves prouvées » utilisé par l'Alberta Department of Energy et « réserves établies » utilisé par l'ERCB (Enhanced Production Audit Program Raise) définissent les réserves de pétrole récupérables par les technologies existantes et les conditions économiques présentes et prévisibles, et prouvées par le forage ou la production, plus les portions de réserves, dont l'existence est estimée avec un certain degré de certitude par des informations géologiques et géophysiques (Alberta Department of Energy, 2009).

Bien que les données relatives aux réserves mondiales donnent lieu à de vives controverses, les réserves mondiales de pétrole dites prouvées se situent entre 1'000 et 1'200 milliards de barils (Babusiaux and Bauquis, 2005), comparées aux réserves ultimes contenues dans les sables bitumineux de 1'700 milliards de barils, ces dernières représentent des réserves « égales ou supérieures à la totalité des réserves mondiales de pétrole »11.

Figure 3. Carte des dépôts de sables bitumineux de l'Alberta. Source : Norman Einstein.

Les différents gisements de sables bitumineux albertains possèdent des caractéristiques géologiques et des types de bitumes propres qui vont dicter les méthodes d'exploitations appropriées. Le dépôt de l'Athabasca est de loin le plus grand et contient à lui seul 1370 milliards de barils de bitume brut très visqueux (l'indice API est généralement inférieur à 10°) (Woynillowicz et al., 2005). Le réservoir se situe dans la formation de McMurray à une profondeur qui varie entre 0 et 600 mètres. La proportion de bitume par poids total est de 619% dans les zones superficielles et de l'ordre de 14% dans les régions particulièrement riches en hydrocarbures (Dusseault, 2002). C'est aussi dans ce gisement que l'on retrouve la totalité des dépôts de surface (110 milliards de barils) qui sont exploités par la méthode d'extraction de surface (Alberta Department of Energy, 2009). Comme ils composent la partie la plus facilement accessible des ressources de sables bitumineux, ces dépôts de surface ont été les premiers exploités. Ils constituent généralement une couche de 40160 mètres d'épaisseur qui repose sur une plaque relativement plate formée de calcaire (Engelhardt and Todirescu, 2005).

Les réserves de Cold Lake et de Peace River, moins importantes, renferment 201 milliards et 129
milliards de barils, respectivement (Woynillowicz et al., 2005). Bien que très visqueux, les bitumes

11 cf. Masri Marwan, «Témoignages», Canadian Energy Research Institute, 24 octobre 2006.

de Cold Lake le sont considérablement moins que ceux des deux autres réservoirs. La profondeur importante de ces gisements, entre 400 et 700 mètres (Dusseault, 2002), ne permet que l'exploitation avec des méthodes d'extraction in situ12 (Alberta Department of Energy, 2009).

2.3. Techniques d'extraction et valorisation du bitume en pétrole brut de e

synthès

Les compagnies pétrolières exploitant les gisements de sables bitumineux utilisent deux procédés d'extraction du bitume naturel à partir des dépôts: l'exploitation et l'extraction à ciel ouvert (ou exploitation minière) et la récupération in situ.

2.3.1. Exploitation et extraction à ciel ouvert

Si les dépôts se trouvent relativement proche de la surface (moins de 75 mètres de profondeur), l'exploitation à ciel ouvert est rentable et donc privilégiée (Héritier, 2007). Selon les estimations 20% des réserves récupérables de sables bitumineux se prêtent à l'exploitation à ciel ouvert, ce qui correspond à 2.5% des sables bitumineux de l'Alberta (CAPP, 2008). Cette méthode ne concerne que les dépôts situés dans la région de l'Athabasca, au nord de Fort McMurray, des deux côtés de la rivière Athabasca.

(a) Exploitation à ciel ouvert ou minière :

L'opération d'exploitation comprend plusieurs étapes. Dans un premier temps, les fondrières qui recouvrent en bonne partie les gisements sont drainées pour être asséchée et la couche de terreau superficielle, ainsi que le muskeg (tourbière à graminées), la végétation de surface et le couvert arboré sont éliminés. Le sol réutilisable est mis de côté pour une réinstallation ultérieure, lors de la remise en état du terrain13. Le mort-terrain, constitué principalement d'argile, de sable et de roches, est retiré et déplacé par camion (Grant and Myers, 2004). Les sables bitumineux ainsi exposés peuvent être retirés et transportés pour être traités. Initialement le matériel employé pour la récupération des sables bitumineux était constitué de dragline (pelles à benne traînante) et d'énormes excavateurs à roue-pelle. Conçues expressément pour cette exploitation, ces machines mesuraient 30 mètres de haut, leur roue-pelle de 10 mètres de diamètre était fixée à l'extrémité d'une flèche de 64 mètres et leur capacité d'extraction s'élevait à 91'000 tonnes de sable bitumineux par jour (Office national de l'énergie, 2000). Les sables bitumineux étaient ensuite déposés sur des transporteurs à courroie qui les livraient à l'installation de préparation (Grant and Myers, 2004). Cependant, cet équipement, peu souple et difficile à redéployer suite à des interruptions de service causées par des conditions météorologiques extrêmes pendant les mois d'hiver, a progressivement été remplacé, au début des années 1990, par de gigantesques tombereaux et de puissantes pelles hydrauliques (Engelhardt and Todirescu, 2005). Une fois chargés, les tombereaux de chantier peuvent transporter et livrer jusqu'à 400 tonnes de matière aux installations de préparation où les sables bitumineux sont réduits en morceaux plus fins par des concasseurs ( Figure ).

4

12 cf. infra : Techniques d'extractions et valorisation du bitume en pétrole brut de synthèse.

13 A ce sujet cf. chapitre 4.2.1. Atteintes de la forêt boréale et des tourbières et remise en état, p.34.

Figure 4. Tombereau utilisé pour le transport des sables bitumineux. Source : Popular Mechanics14.

Anciennement les sables bitumineux concassés étaient expédiés jusqu'à l'installation d'extraction à l'aide d'autres transporteurs à courroie. Depuis 1993, le système EAPS (Extractions Auxiliary Production System), connu sous le nom d'hydrotransport, a pris le relais15. L'innovation de ce système réside dans l'ajout d'un alimentateur à cyclone, grand réservoir d'approximativement 35 mètres de haut, dans lequel les sables bitumineux concassés sont broyés et mélangés à de l'eau chaude pour former une sorte de boue qui peut être transportée via pipeline jusqu'à l'unité d'extraction, qui peut se situer à plusieurs kilomètres de distance. Deux avantages principaux ont été apportés par la mise en place de ce système. D'une part, les pipelines peuvent plus facilement suivre un trajet sinueux sur un terrain irrégulier par rapport à un système de transporteur à courroie, les installations de séparation et de valorisation peuvent donc être aménagées à une plus grande distance du site d'extraction. D'autre part, la séparation partielle, entre l'eau et les bitumes, qui prend place durant le transport hydraulique, permet une réduction des températures et donc de l'énergie utilisée pendant la phase d'extraction, améliorant le rendement global du procédé (Engelhardt and Todirescu, 2005).

Le recours au tandem pelle mécanique/camion couplé à l'hydrotransport a permis de réaliser un gain d'efficacité considérable qui s'est traduit par une réduction de l'ordre de 50% des coûts d'exploitation des gisement de sables bitumineux (Office national de l'énergie, 2000).

(b) Extraction de bitume des sables bitumineux :

Les sables bitumineux sont d'abord transportés dans des tambours rotatifs où ils sont dilués et transformés en boue par l'ajout de soude caustique et de vapeur d'eau chaude (80°C). Les températures utilisées sont moins élevées (environ 50°C) si les sables on été acheminés par hydrotransport. Les fractions volumineuses, comme les roches et les mottes d'argile, sont ensuite écartées à l'aide de tamis vibrants. La boue formée par l'eau, le sable et le bitume est ensuite diluée puis pompée pour être acheminée dans les séparateurs primaires. Alors que le sable décante et se

14 cf. Popular Mechanics - New Tech to Tap North America's Vast Oil Reserves, http://www.popularmechanics.com/technology/engineering/4212552, consulté le 5 mai 2010.

15 Engineering - Syncrude, http://www.engineering.com/Library/ArticlesPage/tabid/85/articleType/ArticleView/articleId/69/Syncrude.aspx, consulté le 6 mai 2010.

dépose au fond du récipient, le bitume remonte à la surface sous forme d'écume. L'écume est récupérée tandis que la phase intermédiaire est acheminée vers des cellules de flottation, dans lesquelles le bitume est entraîné à la surface par des bulles d'air pour être prélevé. Afin de compléter la séparation, l'écume est diluée avec du naphta et soumise à l'action d'un centrifugeur à haute vitesse, ceci ayant pour effet de réduire la teneur en eau et en particules solides. Le bitume récupéré est transporté à l'installation de valorisation, alors que les résidus (l'argile, le sables et l'eau) sont pompés jusqu'aux bassins de rétention (Engelhardt and Todirescu, 2005) ( Figure 5). L'installation de valorisation peut être couplé à l'installation minière, on parle alors d'exploitation minière intégrée d'extraction et de valorisation.

1 Conversion des résidus de haut poids moléculaire en distillats contenant des composés ayant un point d'ébullition inférieur à 525 °C.

1 Augmentation du rapport hydrogène/carbone du distillat en augmentant la teneur en hydrogène et/ou réduisant la teneur en carbone

1 Réduction de la quantité d'impuretés telles que le soufre, l'azote et les métaux afin de satisfaire aux normes de qualité requises par les raffineries.

Le procédé de valorisation comprend trois opérations principales : la cokéfaction, la désulfuration et l'hydrogénation.

La première étape de la valorisation du bitume consiste à récupérer le naphta par distillation sous vide dans l'unité de récupération de diluant (mise au point par Syncrude). Le naphta ainsi séparé est envoyé à l'installation d'extraction où il pourra à nouveau être utilisé. La fraction la plus volatile qui constitue les bitumes est également séparée pendant cette étape et directement envoyé dans les unités d'hydrotraitement16. Le reste est constitué de longues molécules d'hydrocarbures qui doivent être réduits en molécules plus petites. Cette opération peut être réalisée soit par hydrocraquage qui implique l'addition d'hydrogène en présence d'un catalyseur (généralement du platine), soit par cokéfaction, qui consiste à enlever des atomes de carbones, soit encore par les deux méthodes couplées (Woynillowicz et al., 2005). Dans le processus de cokéfaction, le bitume est chargé dans des réacteurs thermiques de l'unité de cokéfaction. Ce procédé est typiquement réalisé à haute température (environ 500°C), condition nécessaire pour induire le craquage thermique des longues molécules d'hydrocarbures en brisant les liaisons carbone-carbone17. La majeure partie est vaporisée en gaz et la fraction plus lourde, riche en carbone, se cokéfie. Le coke (qui ressemble au charbon) ainsi produit est utilisé comme carburant pour les réacteurs ou stocké pour être commercialisé et utilisé dans d'autres installations industrielles.

Les vapeurs d'hydrocarbures sont séparées dans des colonnes de fractionnement en coupes de naphta, de kérosène et de gazole (Figure 1). Dans les unités d'hydrotraitement, elles sont mises en réaction avec de l'hydrogène sous haute température (300-400°C) et forte pression en présence d'un catalyseur. Cette étape permet, d'une part, d'éliminer l'azote et le souffre et d'ouvrir les noyaux naphténiques, et d'autre part, de stabiliser les produits. Finalement, le naphta et le gazole sortant de l'hydrotraitement sont mélangés afin de produire un pétrole brut de haute qualité (311 33° API) (Figure 6).

Les constituants sulfurés sont transformés en soufre élémentaire et stockés ou expédiés sur les marchés pour être, par exemple, utilisés dans la production d'engrais, tandis que l'azote extrait sous forme d'ammoniac et les gaz combustibles, sous-produits du raffinage, sont utilisés dans l'usine comme source d'énergie (Engelhardt and Todirescu, 2005).

La plupart des installations utilisent la technologie de cokéfaction comme processus primaire de
valorisation, avec un rendement volumétrique (c'est-à-dire un rapport pétrole brut
synthétique/bitume traité) de 80 à 90 %. Cependant les usines qui utilisent l'hydro-conversion

16 Engineering - Syncrude, http://www.engineering.com/Library/ArticlesPage/tabid/85/articleType/ArticleView/articleId/69/Syncrude.aspx, consulté le 6 mai 2010

17 Ressources naturelles Canada - CanmétENERGIE - Sables bitumineux, http://canmetenergycanmetenergie.nrcan-rncan.gc.ca/fra/sables bitumineux/valorisation.html, consulté le 16 mai 2010

comme technique primaire de valorisation peuvent atteindre des rendements de l'ordre de 100 % ou plus (ERCB, 2009).

Figure 6. Diagramme pour le procédé de valorisation du bitume. Source: Ressources naturelles Canada18.

Environ 65% du bitume est valorisé en pétrole synthétique brut léger en Alberta, sur place ou dans une installation de valorisation régionale (Woynillowicz et al., 2005), le reste est mélangé à un diluant, généralement du brut synthétique léger (50 % du volume) ou du pentane plus (30 % du volume), et acheminé par pipeline à des raffineries canadiennes ou américaines19 (ERCB, 2009).

2.3.2. Récupération in situ

Lorsque la couche bitumineuse est enfouie trop profondément sous la surface (> 75 mètres) pour que l'exploitation à ciel ouvert soit rentable économiquement, l'extraction du bitume est effectuée par des procédés de récupération in situ. Ces méthodes concernent 80% des réserves de sables bitumineux récupérables (Engelhardt and Todirescu, 2005). Certains dépôts, dans lesquels le bitume est suffisamment fluide, peuvent être exploités sans aucun prétraitement du bitume (récupération primaire ou production à froid), principalement dans les réservoirs de Cold Lake20, mais dans la plupart des dépôts de sables bitumineux, le bitume est trop lourd et trop visqueux pour s'écouler dans les conditions normales de température et de pression des réservoirs (Grant and Myers, 2004). Pour être récupéré, le bitume doit d'abord être fluidifié (diminution de la viscosité), soit par un apport de chaleur, soit par injection de diluant, afin de le faire couler vers un puits d'où il peut être pompé.

18 Ressources naturelles Canada, cf. site internet : www.rncan.gc.ca

19 cf. chapitre 3.3.3. Marchés et pipelines, p.30.

20 cf. chapitre 2.3.3. Récupération du bitume ou production à froid, p.21.

Divers procédés de récupération in situ ont été mis au point et testé, seuls ou combinés. Ils mettent en oeuvre plusieurs moyens de stimulation: injection de vapeur, combustion in situ, utilisation d'énergie ultrasonore ou électromagnétique, injection d'eau, de polymères, de solutions alcalines ou de solvants.

(a) Stimulation cyclique par la vapeur d'eau (SCV)21

Le procédé de stimulation cyclique à la vapeur d'eau, mis au point par Imperial Oil Ltd. à Cold Lake, a commencé à être utilisé pour la production commerciale en 1985, après que divers travaux d'explorations eurent conduits à différents projets pilotes. Parmi les innovations apportées par Imperial se trouvaient le recyclage de l'eau utilisée et le forage de plusieurs puits de production à partir d'une seule plate-forme. Bien que ce procédé ait donné de très bon résultat à Cold Lake, il a été très peu utilisé en dehors de cette région.

Il consiste à injecter dans un puits de production, de la vapeur d'eau, produite dans d'immenses chaudières, surchauffée jusqu'à environ 300°C et sous une pression moyenne de 11'000 kilopascals (kPa). La pression d'injection, en provoquant la fracturation de la roche réservoir, permet au bitume de s'écouler vers le puits. Les périodes d'injection sont suivies d'une période de « trempage » de quatre à huit semaines, puis d'une période de trois à six mois de production, pendant laquelle le bitume chauffé et l'eau sont pompés à la surface par l'intermédiaire du même puits, transformé de puits d'injection en puits de production. Lorsque le taux de production décroît, un nouveau cycle complet injection-trempage-production est amorcé. Le taux de récupération obtenu avec ce procédé est de 20-25% (Engelhardt and Todirescu, 2005).

(b) Déplacement par la vapeur d'eau

Ce procédé a été développé par Shell en collaboration avec l'Alberta Oil Sands Technology and Research Authority (AOSTRA), dans la région de Peace River. Les opérations commerciales ont utilisé cette technique à partir de 1986 et se sont développées avec succès jusque dans le années 1990, avant qu'elle ne soit remplacée par la séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur et le forage de puits multibranches stimulés par injection de vapeur.

Le procédé met à contribution la nappe d'eau sous-jacente pour chauffer la couche bitumineuse. Une fois que la communication entre les puits est établie, on injecte de la vapeur d'eau de façon continue, et l'injection et la production sont pratiquées de manière à provoquer alternativement une mise en pression et une décompression du bitume dans le réservoir (Engelhardt and Todirescu, 2005).

(c) Séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur (SGSIV) 22

Le concept et les fondements théoriques de cette méthode ont été développés à la fin des années 1970 et au début des années 1980, afin de mettre au point un procédé de stimulation où l'injection de vapeur et la production seraient continues plutôt que cycliques, comme dans les procédés existants. Cependant il a rapidement été établi que le procédé ne pouvait être appliqué de façon rentable à des puits verticaux, les taux de production étant trop faibles. A la suite du premier essai entrepris par Imperial à Cold Lake qui s'est soldé par un échec, les résultats de la première phase

21 Nommée aussi CSS pour «Cyclic Steam Stimulation» et surnommé « huff'n puff », en anglais.

22 SAGD pour Steam-Assisted Gravity Drainage, en anglais.

du projet de l'AOSTRA à Fort McMurray ont, quant à eux, été qualifié d'encourageants (Office national de l'énergie, 2000). Cependant, le développement du forage de puits horizontaux, à la fin des années 1980 et début 1990, a été l'avancée technologique clé qui a permis l'essor de ce procédé. L'orientation et la distance, l'un par rapport à l'autre, des puits d'injection et de production pouvaient alors être maîtrisées parfaitement (Engelhardt and Todirescu, 2005).

Les installations de séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur comprennent généralement un réseau de puits d'accès verticaux et de galeries horizontales permettant le forage de paires de puits horizontaux dans la couche bitumineuse à une profondeur d'environ 200 mètres. Chaque paire de puits comprend un puits de production, situé à la base du gisement, et un puits d'injection aménagé à environ cinq mètres au-dessus du premier. La vapeur est injectée à faible pression et de façon continue dans le puits supérieur. Elle chauffe la couche bitumineuse et sous réserve d'une perméabilité suffisante, le bitume fluidifié et l'eau de condensation s'écoulent par gravité jusqu'au puits de production, d'où ils sont pompés à la surface ( Figure ).

7La vapeur étant injectée sous une pression inférieure à la pression de fracturation, elle demeure à l'intérieur de la formation, d'où une efficacité de chauffage accrue (Office national de l'énergie, 2000). Il est également possible d'injecter des diluants afin d'augmenter la fluidification du bitume23 (Attanasi and Meyer, 2007).

Les avantages importants de l'utilisation de la séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur par rapport au procédé de stimulation cyclique à la vapeur d'eau résident dans la réduction du rapport vapeur injectée/bitume produit, ce qui se traduit par une réduction des coûts d'exploitation, et dans la mise en oeuvre de pressions moins fortes, ce qui permet l'exploitation de gisements moins denses et enfouis à une plus faible profondeur (Office national de l'énergie, 2000). Ce procédé permet de récupérer entre 40160% du bitume en place à l'origine (Office national de l'énergie, 2004).

Figure 7. Schéma du procédé de séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur. Source : The Pembina Institute.

23 cf. infra VAPEX

(d) VAPEX (Vapour Extraction Process)

Le système VAPEX, développé dans les années 1980 (University of Bath, 2002), est techniquement similaire à la séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur hormis le fait que de la vapeur de solvant est injecté en lieu et place de la vapeur d'eau. La viscosité du bitume s'en trouve significativement réduite et bien que le taux de production semble être plus faible par rapport au système traditionnel, ce procédé laisse envisager quelques avantages tels que (Engelhardt and Todirescu, 2005) :

1 diminution de la température et de la pression d'injection ;

1 meilleure efficience énergétique ;

1 pas d'émulsion à traiter ;

1 pas de phénomène de gonflement des argiles qui endommage la formation;

1 valorisation partielle résultant de la précipitation des asphaltènes contenus dans le bitume.

(e) THAI (Toe-to Heel Air Injection)

THAI est une méthode proposé de récupération de bitume qui combine un puits vertical d'injection d'air avec un puits horizontal de production situé à la base du gisement. Le processus est basé sur l'ignition de pétrole dans le réservoir même, créant une zone de combustion ou front de combustion in situ (CIS) générée à proximité du puits d'injection. Les hautes températures (450°C-650°C) produites par le front de combustion in situ vont provoquer, d'une part, la valorisation des bitumes par craquage thermique, et d'autre part, un effet de flux forcé, qui couplé à la gravité, va provoquer le drainage des hydrocarbures jusqu'au puits de production horizontal (University of Bath, 2002).

Les avantages apportés par ce procédé sont (University of Bath, 2002):

1 un taux de récupération de 60180% ;

1 une valorisation in situ du bitume du réservoir, et donc production de pétrole plus légers (de 8° à 16° API) ;

1 création de chaleur in situ (plus besoin d'injecter de la vapeur depuis la surface);

1 des coûts de production moindre par rapport à SGSIV ;

1 une réduction du nickel et du vanadium (91%) et du souffre (30-40%) dans le bitume.

2.3.3. Récupération du bitume ou production àfroid

Dans certains gisements, particulièrement ceux de la région de Cold Lake, le bitume a subit une biodégradation moindre et se retrouve sous une forme plus légère et moins visqueuse qui se prête à une production à froid, c'est-à-dire sans apport extérieur d'énergie dans le réservoir en vue de stimuler l'écoulement du bitume vers le puits de production. La majorité des projets d'exploitation font appel à des puits verticaux. Le sable extrait en même temps que le bitume entraîne une usure extrêmement rapide du matériel de pompage, mais il semble cependant que l'extraction simultanée des sables et du pétrole, particulièrement au début du cycle d'exploitation d'un puits, permette d'atteindre des taux de production plus élevés.

3. EXPLOITATION EN ALBERTA 3.1. Historique

3.1.1. Découverte des sables bitumineux

Les sables bitumineux canadiens sont pour la première fois localisés, en 1875, par des scientifiques de la Commission géologique du Canada (CGC)24, soit un siècle environ après les premières mentions d'observation de bitume sur les rives de la rivière Athabasca par des commerçants de fourrures et des explorateurs (Comité permanent des ressources naturelles, 2007), et notamment par Peter Pond, considéré comme le premier Européen à avoir atteint la région de l'Athabasca, en 1778.

A la fin des années 1890, Christian Hoffman, de la CGC, fait des expériences de traitement à l'eau chaude des sables bitumineux dans son laboratoire d'Ottawa. Il réussit alors à séparer le bitume des grains de sable.

La recherche d'un gisement « d'huiles libres » qui, comme le croyait les géologues de la CGC, aurait alimenté les sables bitumineux, se solde par un échec. L'intérêt du gouvernement fédéral pour les sables bitumineux est laissé en suspens jusqu'en 1913, date à laquelle Sydney Ells, un jeune ingénieur, recommande la mise au point de techniques de séparation du bitume et développe l'utilisation du bitume extrait pour la production d'asphalte25. Malgré les performances intéressantes des sables bitumineux dans les applications routières, comme revêtement de la chaussée, seul ou mélangés à d'autres granulats, les coûts élevés de leur transport les rendent économiquement peu intéressants. De plus, les promoteurs se rendent compte de la valeur que les sables bitumineux pourraient avoir en tant que source de carburants de transport (Office national de l'énergie, 2000). Conscient de cette opportunité, le Dr. Karl Clark entreprend des études de séparation des bitumes selon un processus de flottation d'eau chaude. La méthode qu'il développe consiste à faire mousser le mélange initial de pâte et d'eau chaude en y ajoutant de l'hydroxyde de sodium dans un tambour rotatif à 80°C (Humphries, 2008). La mousse qui contient le pétrole peut être recueillie, alors que les grains de sables se déposent au fond du récipient.

Entre les années 1920 et 1940, de nombreux projets d'exploitation et de séparation des sables bitumineux, ainsi que de nouvelles campagnes d'exploration et de caractérisation de gisements sont mis en oeuvre, tant par le gouvernement que par des entreprises privées.

3.1.2. Premiers projets commerciaux d'extraction/valorisation

Au début des années 1950, l'intérêt de l'industrie pour les sables bitumineux est ravivé par la publication du rapport Blair26, qui conclue que la mise en valeur des sables bitumineux peut être viable économiquement à condition que la production atteigne au moins 3'200 mètres cubes par jour, ainsi que par le Symposium sur les sables bitumineux tenu à Edmonton en 1951, (Office national de l'énergie, 2000). La province procède alors une modification de la réglementation afin d'encourager les compagnies à obtenir des concessions pour l'exploitation des sables bitumineux.

24 La CGC relève maintenant de Ressources naturelles Canada. Site internet : http://www.nrcan.gc.ca/

25 Syncrude Canada Ltd - Oil sands history, http://www.syncrude.ca/users/folder.asp?FolderID=5657#2, consulté le 23 mai 2010

26 Le rapport est préparé pour le gouvernement de l'Alberta par S.M. Blair et E. Nelson.

La réglementation permettait aux compagnies d'obtenir ces concessions si elles découvraient des gisements intéressants, à la condition toutefois qu'elles commencent la construction d'une usine d'exploitation commerciale dans l'année suivant l'obtention de la concession, la nouvelle règle n'oblige le détenteur d'une concession à construire une usine que si le gouvernement lui en donne instruction (Office national de l'énergie, 2000). Cette modification ouvre la voie aux premiers projets commerciaux.

C'est dans ce contexte que, à partir de 1950, la société Sun Oil Company mène d'intenses travaux d'exploration sur ses concessions. Le développement commercial ne débute réellement qu'en 1967, lorsque la Great Canadian Oil Sands Company (appartenant à Sun Oil Company, mais connue de nos jours sous le nom Suncor Energy) commence à exploiter une mine et une installation de valorisation au nord de Fort McMurray (Grant and Myers, 2004 ; Woynillowicz, 2005).

En 1973, le gouvernement de l'Alberta investit à nouveau dans les sables bitumineux en formant l'Alberta Energy Company (AEC), un partenariat à 50/50 entre le gouvernement et ses citoyens. L'AEC devient une société d'investissement direct dans les opérations de Syncrude (consortium27 crée en 1964)28, par l'intermédiaire d'une participation de 80% au pipeline transportant le pétrole de Syncrude à Edmonton, une participation de 50% à la centrale électrique de Syncrude et une participation de 50% à l'usine de Syncrude (Woynillowicz et al., 2005). La construction sur le site de Syncrude commence en 1973 et le début de la production de pétrole à partir des sables bitumineux est inauguré en 1978.29

En parallèle, des projets de développement de récupération in situ sont élaborés et testés, mais ce n'est qu'en 1978, lorsque Imperial Oil Limited démarre son projet à Cold Lake, et en 1980 quand Shell Canada Limited entre dans sa phase d'exploitation commerciale à Peace River, que les premières installations à grande échelle de récupération in situ se développent (Office national de l'énergie, 2000).

3.1.3. La ruée vers les sables bitumineux

Jusqu'au milieu des années 1990, l'exploitation des sables bitumineux est jugée risquée et peu rentable. La volatilité du cours du pétrole et les coûts élevés de production à partir des sables bitumineux rendent leur exploitation complexe et peu intéressante. En 1995, un rapport intitulé « The Oil Sands: A New Energy Vision for Canada» est publié par la National Oil Sands Task Force (un collectif de représentants de l'industrie du pétrole et des gouvernements fédéral et provincial). Ce document, commandé par la Chambre des Ressources de l'Alberta30 afin de promouvoir les sables bitumineux par l'élaboration d'un cadre permettant de les convertir en une ressource économique attractive, définit une stratégie à suivre qui envisage un doublement ou triplement de la production sur 25 ans, pour atteindre 800'000 à 1.2 million de barils par jour en 2020 (Woynillowicz et al., 2005). Dans un premier temps cette stratégie appelle à améliorer la

27 Syncrude Canada Ltd était à l'origine un consortium réunissant les principales compagnies pétrolières, telles que : Imperial Oil (groupe affilié d'Exxon), Atlantic Richfield (ARCO), Royalite Oil (combiné plus tard avec Gulf Canada), et Cities Services R&D. Sa structure actuelle est la suivante : Canadian Oil Sands Ltd. (31.74%), Imperial Oil (25%), Petro-Canada Oil and Gas (12%), Conoco Phillips Oil Sands Partnership II (9.03%), Nexen Inc. (7.23%), Murphy Oil Co. Ltd. (5%), Mocal Energy Ltd. (5%) et Canadian Oil Sands Limited Partnership (5%) (Humphries, 2008).

28 Syncrude Canada Ltd - Oil sands history, http://www.syncrude.ca/users/folder.asp?FolderID=5657#2, consulté le 23 mai 2010.

29 Ibidem

30 Site internet de l'Alberta Chamber of Resources : http://www.acr-alberta.com/

perception du public face aux sables bitumineux. Le terme « tar sands» (tar = goudron, bitume) peu attrayant est abandonné au profit du terme « oilsands » (Nikiforuk, 2009).

En 1997, les gouvernements de l'Alberta et du Canada adoptent une recommandation clé de la National Oil Sands Task Force en introduisant un régime de redevances généreux et des allégements fiscaux fédéraux pour le secteur des sables bitumineux31 (Woynillowicz et al., 2005). Couplé à une diminution des coûts d'opération et à un prix du pétrole qui ne cesse de monter, cet encouragement aux investissements a pour effet de créer une forte motivation pour des projets d'expansion et de réinvestissements, et met en place les conditions nécessaires pour « une ruée vers les sables bitumineux ». La forte croissance de la demande en carburant de transport, particulièrement par les Etats-Unis, et la mise en place d'un régime fiscal intéressant vont permettre le développement du secteur des sables bitumineux avec une ampleur qui dépasse largement les attentes. L'essor du secteur est considérable, en neuf ans, entre 1995 et 2004, la production est plus que doublée, atteignant approximativement 1.1 million de barils par jours en 2004, soit avec seize ans d'avance sur la date prévue par le rapport (Comité permanent des ressources naturelles, 2007). En 2001, la production de bitume brut en Alberta excède pour la première fois la production de brut conventionnel, et dès 2003, les sables bitumineux représentent 54% de la production total de pétrole en Alberta et un tiers de la production totale de pétrole du Canada (Woynillowicz et al., 2005). Ce pourcentage est censé atteindre 80% au niveau provincial et 70% au niveau national en 2015 (Timilsina, 2005).

L'United States' Energy Information Administration (EIA) et le Oil & Gas Journal reconnaissent formellement les sables bitumineux du Canada comme une ressource économiquement viable en 2003, faisant passer les réserves canadiennes de pétrole de la 21ème position mondiale à la deuxième (Figure 2) (Babusiaux and Bauquis, 2007 ; Woynillowicz et al., 2005). Les prévisions de l'Office national de l'énergie (ONÉ) estiment que l'exploitation des sables bitumineux sera capable de produire 3 millions de barils de pétrole par jours en 2015, tandis que l'Association canadienne des producteurs pétroliers (CAPP) annonce un chiffre de 3.5 millions de barils par jours, pour la même date (Comité permanent des ressources naturelles, 2007). L'IEA (2008), quant à elle, prévoit que la production atteindra 5.9 millions de barils/jours en 2030. Le Canada serait ainsi en voie de devenir l'un des principaux producteurs de pétrole du monde ( Figure ).

8

Figure 8. Prévisions de la production des sables bitumineux en millions de barils par jour. Source: Levi, 2009.

31 cf. Energy Ressource Conservation Board : http://www.ercb.ca/, et cf. infra.

3.2. « Boom » de l'exploitation des sables bitumineux 3.2.1. Effet de l'allègement du régime fiscal

En 1995, la National Oil Sands Task Force (groupe constitué de représentants de l'industrie des sables bitumineux et des industries dérivées, de même que de représentants des gouvernements fédéral et provincial) publie un rapport proposant des recommandations destinées à promouvoir l'exploitation des sables bitumineux en incitant les sociétés privées à investir dans le secteur. Deux ans plus tard, en 1997, les gouvernements du Canada et de l'Alberta appliquent ces recommandations en instaurant un nouveau régime d'impôts et de redevance. Ce nouveau régime qui vise à établir des règles uniformes applicables équitablement à tous les exploitants, est conçu pour attirer des investissements majeurs dans les sables bitumineux et stimuler la valorisation de ceux-ci.

Le nouveau régime de l'Alberta prévoit : une redevance au taux de 1 % des revenus bruts du projet jusqu'à ce que le seuil de rentabilité soit atteint, puis, une fois récupérés tous les coûts reliés au projet, y compris les coûts de recherche et développement et un taux de rendement au producteur, la redevance est revu à 25 % des revenus nets du projet.

De plus tous les coûts relatifs à un projet 1 soit les coûts d'immobilisations, les frais d'exploitation et les coûts de recherche et développement 1 sont déductibles à 100% l'année où ils ont été engagés (Grant and Howard, 2007 ; Humphries, 2008 ; Office national de l'énergie, 2000).

La particularité importante de ce nouveau régime réside dans le partage des risques entre l'Alberta et le producteur. En effet, les redevances ne sont perçues que lorsque les produits et gains cumulatifs d'un projet dépassent ses coûts cumulatifs, y compris un rendement au producteur à hauteur du taux de rendement des obligations à long terme du Canada (Office national de l'énergie, 2000). Compte tenu des coûts élevés des projets, du long délai de mise en production des installations et du caractère hautement risqué des investissements dans les sables bitumineux, ce régime de redevance n'est pas fondé sur la production, comme c'est le cas pour le gaz et le pétrole classiques (Office national de l'énergie, 2000), ce qui le rend plus sensible à la rentabilité d'une exploitation.

3.2.2. Effets duprix du ,

baril de l'innovation technologique et des coûts de production

Le terme "conventionnel" s'applique aux hydrocarbures qui peuvent être produits dans les conditions techniques et économiques actuelles ou anticipées. Les avancées technologiques ont fortement déplacé la frontière entre "conventionnel" et "non conventionnel" en rendant possible la production commerciale de pétrole à partir de gisements d'hydrocarbures offshore, de sables bitumineux ou d'huiles extra-lourdes, dont l'exploitation était considérée, il y a peu, comme techniquement ou économiquement irréalisable.

En ce qui concerne les conditions économiques, le niveau des réserves est naturellement fonction du prix du brut présent et anticipé. En particulier, le prix est déterminant pour la mise en place de systèmes de production qui peuvent améliorer sensiblement les taux de récupération, en augmentant la part extractible d'un gisement donné. Cependant, l'élasticité des réserves au prix est faible et notamment très inférieure à celle que l'on peut observer pour le charbon, l'uranium ou les mines métalliques (Babusiaux and Bauquis, 2007). L'effet le plus important d'une hausse significative des prix réside dans l'accès à de nouveaux domaines. Les technologies de substitution

et d'exploitation de nouvelles sources, tel que l'exploitation de pétrole non conventionnel, n'apparaissent accessibles que lorsque le prix du pétrole augmente suffisamment pour encourager les investissements visant à stimuler d'importants efforts de recherche et développement (OCDE, 2004). Les améliorations technologiques ont non seulement permis l'extraction de pétrole à partir des sables bitumineux, mais ont contribué à diminuer considérablement le coût de l'offre. De nombreuses innovations ont été introduites au cours des années 1990. L'amélioration du transport, de l'efficience énergétique et la recherche de technologies permettant de se libérer des contraintes économiques liées au gaz naturel sont des conditions indispensables à la croissance du secteur des sables bitumineux.

En permettant aux barils de brut synthétique issus des sables bitumineux d'être rentables sur les marchés, les cours actuels du pétrole provoquent une situation idéale pour le développement et l'expansion de ce secteur ( Figure ).

9Avant la récente montée des prix du gaz, les coûts du pétrole extrait des sables bitumineux étaient tombés à moins d'une vingtaine de dollars US par baril (Babusiaux and Bauquis, 2007). Selon l'ONÉ (2006) les coûts de production du brut synthétique se situent actuellement entre 36 et 40 $US/baril, or dans la plupart des cas, les prix compensent largement les coûts et les dépenses engendrés (Comité permanent des ressources naturelles, 2007). Le secteur reste, cependant, fortement dépendant des cours du brut sur le marché mondial, le risque étant une chute de celui-ci. L'ONÉ avance à ce propos qu'une dévalorisation des cours du pétrole dans un intervalle se situant entre 35 et 40 $US provoquerait un important ralentissement de l`activité du secteur des sables bitumineux (Comité permanent des ressources naturelles, 2007).

Prix FAB du pétrole brut mondial en dollars U.S. par baril

1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

160

140

120

Dollars par bard

100

80

60

40

20

0

Figure 9. Prix FAB32 mondial du baril de pétrole brut pondéré aux volumes estimés d'exportation. Source: auteur, d'après l'EIA33.

32 Le prix FAB représente le prix d'un bien à la frontière du pays exportateur. Il comprend la valeur des biens ou des services au prix de base, des services de transport et de distribution jusqu'à la frontière, les impôts moins les subventions (cf. INSEE, Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques, http://www.insee.fr/, consulté le 29 mai 2010).

33 cf. EIA (U.S. Energy Information Administration) - Petroleum - World Crude Oil Prices, http://www.eia.doe.gov/dnav/pet/pet pri wco k w.htm, consulté le 29 mai 2010.

Entre le mois d'octobre 2008 et le début de l'année 2009, l'effondrement de la demande mondiale a fait chuter le prix du baril de 120 $ à un intervalle de prix entre 35 $ et 50 $, entrainant une diminution de la rentabilité des projets des sables bitumineux, responsable d'annulations et de retards, ainsi qu'une réduction du capital disponible des compagnies pour d'éventuelles expansions (Levi, 2009).

3.2.3. Effet de la croissance de la demande mondiale

(a) Demande mondiale

L'offre pétrolière mondiale comprend deux groupes de pays producteurs : les pays de l'OPEP et les pays hors OPEP. Les producteurs hors OPEP sont présumés être des «preneurs de prix», qui produisent jusqu'à ce que leurs coûts marginaux égalent le prix mondial du pétrole. A l'inverse, le cartel de l'OPEP peut agir sur les prix en ajustant sa production. En ce qui concerne la demande, trois grands blocs peuvent être distingués : la zone de l'OCDE (subdivisée entre les trois principales économies 1 Etats-Unis, zone euro et Japon 1 et les autres pays de l'OCDE), la Chine, propulsée en tête des économies en développement par son dynamisme et la forte intensité pétrolière, et le reste du monde (OCDE, 2004).

La demande mondiale de pétrole devrait croître de 1,6% par an, pour atteindre 121 millions de barils par jour en 2030, la moitié de ce chiffre pouvant être couverte par l'OPEP (IEA, 2004). Le reste devra être fourni par les pays hors OPEP. Or, la volonté de l'OPEP est clairement de rester dans le sous-investissement. Ses capacités excédentaires se situent actuellement à leur niveau le plus bas depuis trois décennies, et ne permettraient guère d'accroître les approvisionnements dans l'éventualité d'une désorganisation inattendue des marchés pétroliers (OCDE, 2004).

(b) Demande des Etats-Unis

Bien que les volumes actuels de production à partir des sables bitumineux ne soient pas suffisants pour avoir un impact sur les parts de l'OPEP sur le marché mondial, ils représentent toutefois un potentiel important de remplacement de ses exportations vers l'Amérique du Nord et particulièrement vers les États-Unis. A l'heure actuelle, le pays consomme 25% du pétrole produit dans le monde et les importations couvrent 70% de ses besoins (Deslandes, 2008). Ils représentent le plus vaste marché potentiel pour les volumes croissants de brut synthétique et de bitume fluidifié. Le Canada est déjà le plus important fournisseur d'énergie des Etats-Unis, satisfaisant à 12% de ses besoins en matière de consommation de pétrole et représentant 18% des importations de pétrole américaines (CAPP, 2010). Les sables bitumineux sont de plus en plus perçus comme une opportunité de garantir l'indépendance énergétique des Etats-Unis tout en assurant la prospérité économique du Canada.

La production déclinante de sources autrefois fiables ainsi que la volatilité du prix du pétrole engendrée par l'incertitude économique et l'instabilité géopolitique dans les régions productrices compromettent l'assurance d'un approvisionnement énergétique sûr à long terme. Alors qu'il y a quarante ans, les réserves pétrolières appartenaient majoritairement à des sociétés pétrolières privées, principalement américaines, elles appartiennent aujourd'hui à des sociétés nationales de gouvernements étrangers (CAPP, 2010). Les multinationales américaines ne font pas le poids face aux monopoles d'État de la Chine, de la Russie et de l'Inde qui cherchent à s'approprier une part des ressources mondiales en hydrocarbures sans forcément vouloir bénéficier d'un profit (Deslandes, 2008). De plus, l'hostilité de nombreux pays producteurs face aux Etats-Unis, tels le Venezuela et l'Iran dont la production se dirige vers d'autres marchés, et la place de plus en plus importante qu'occupent les Etats émergents obligent les Etats-Unis à diversifier et à revoir leurs

sources d'énergie (Deslandes, 2008). Cette vulnérabilité face au contexte géopolitique et les menaces sur le développement et la sécurité nationale qui en découlent imposent aux Etats-Unis des mesures pour garantir la sécurité de leur approvisionnement énergétique. Les nouvelles perspectives s'orientent donc vers le Canada qui s'avère être une source de pétrole sûre et logique. L'effort d'investissement suppose, en effet, un environnement politique, juridique et économique stable et favorable (CAPP, 2010).

L'ampleur de la demande sur le continent et la proximité des marchés destine à l'Amérique du Nord la plus grande partie de la production issue des sables bitumineux, même si les perspectives de leur exploitation reposent sur de nombreux autres paramètre, tels la conjoncture économique internationale, les prix pétroliers, les coûts de production, l'environnement et la réglementation, l'amélioration des technologies et la situation géopolitique (Deslandes, 2008).

3.3. Offre de pétrole en Alberta et impacts économiques 3.3.1. Situation économique

L'augmentation des prix du pétrole et la croissance de la demande en produits pétroliers ont rendu la région des sables bitumineux de l'Alberta extrêmement active en ce début de millénaire. Les améliorations techniques, la reconnaissance des volumes considérables de pétrole contenus dans les sables bitumineux, ainsi que la stabilité politique du Canada et les faibles coûts d'exploration ont grandement contribué à l'attractivité du secteur. L'arrivée de nombreuses nouvelles entreprises, parmi lesquelles de grandes multinationales et des filiales pétrolières nationales étrangères, reflète le dynamisme qui touche la région. Les sociétés accélèrent leurs plans d'expansion d'installations existantes et les propositions de nouveaux projets se multiplient.

Toutefois, ces dernières années ont aussi connu une forte augmentation des coûts d'aménagement et d'exploitation. Les dépenses en immobilisations ont grimpé en raison de l'augmentation des prix de l'acier, du ciment et du matériel (Office national de l'énergie, 2006). La main-d'oeuvre qualifiée a quant à elle chuté, réquisitionnée par les nombreux travaux d'aménagement. Cette pénurie se fait particulièrement ressentir dans la région des sables bitumineux du fait que celle-ci est relativement isolée, que le rythme auquel se fait la mise en valeur des ressources est soutenu et que les projets d'aménagement qui y sont lancés sont de grande envergure et fort complexes (Office national de l'énergie, 2006). Selon l'ERCB (2009), les conditions économiques actuelles sont susceptibles d'affecter la planification des objectifs de production des nouveaux projets.

Cependant, la hausse des prix de l'énergie a été l'élément dominant, provoquant deux types d'effets. D'une part, les prix élevé du pétrole ont été à l'origine d'un accroissement des revenus, mais d'autre part, cet évènement a eu pour effet d'accroître les prix du gaz et les tarifs de l'électricité, augmentant significativement les frais d'exploitation. L'énergie thermique étant absolument indispensable à la production de pétrole à partir des sables bitumineux, l'approvisionnement en gaz naturel et donc les coûts générés par cet approvisionnement jouent un rôle essentiel sur la rentabilité de cette activité (Söderbergh, 2006).

L'écart de prix relativement important entre le pétrole léger et le pétrole lourd ( Annexe )

3s'est également accentué ces dernières années, rendant plus attrayante la perspective d'ajout d'une capacité de valorisation locale, afin de transformer le bitume en pétrole synthétique léger. De plus en plus fréquemment, les plans d'extraction à ciel ouvert et les projets d'extraction in situ à grande échelle comprennent une installation de valorisation (Office national de l'énergie, 2006).

Dans son dernier rapport, l'ONÉ (2006) estime que l'exploitation minière intégrée et la séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur exigent que le baril de WTI34 se situe entre 30 $US et 35 $US pour être rentables et procurer un taux de rendement réel au producteur de 10 %.

En ce qui concerne l'exploitation minière intégrée / séparation et valorisation, le coût de l'offre a augmenté de 13 C$ par baril de pétrole synthétique brut (C$/b), entre 2004 et 2006, passant de 26 C$/b à 39 C$/b. La hausse est principalement imputable à l'augmentation des dépenses en immobilisations (37 %), des prix du gaz naturel (88 %) et des frais d'exploitation autres que le gaz (20 %) (Office national de l'énergie, 2006).

Le coût de l'offre du bitume issu de la SGSIV a également augmenté, affecté par les mêmes causes dans des proportions similaires, excepté les frais d'exploitation autres que le gaz qui, grâce aux progrès réalisés en matière d'exploitation, ont régressé par rapport à 2004. Cependant le coût de l'offre est particulièrement sensible au ratio vapeur/pétrole, c'est-à-dire au rapport entre la quantité d'énergie qui doit être injectée dans un gisement et la quantité de pétrole qui peut en être extraite, ayant comme effet de rendre ce procédé extrêmement dépendant du gaz naturel. Le coût d'approvisionnement par baril de bitume se situe entre 14 C$ et 24 C$ (Office national de l'énergie, 2006).35

3.3.2. Production

En 2009, l'Alberta a produit 1.49 millions de barils de bitume brut par jour à partir des sables bitumineux ( Figure ).

10 La production totale annuelle, pour cette même année, est de 544 millions de barils, ce qui représente une augmentation de 14 % par rapport à la production de 2008 (ERCB, 2010). La production issue de l'exploitation minière représente 55 % alors que celle issue de l'exploitation in situ atteint 45 % (ERCB, 2009).

Figure 10. Production de bitume et de pétrole synthétique brut en Alberta. Source : Statistics Canada36.

Pour l'année 2009, la production de pétrole conventionnel, de bitume et de pentane plus a été de
1.93 millions de barils par jours (ERCB, 2010). Les volumes combinés de la production du pétrole

34 Le West Texas Intermediate (WTI) est un type de pétrole brut produit dans l'ouest du Texas et utilisé comme référence pour les échanges commerciaux. Son cours est représentatif du prix des approvisionnements américains.

35 Les coûts de production donnés par l'ONÉ en 2006 correspondent aux coûts actuels, cf. http://www.neb.gc.ca

36 Statistics Canada, site internet : http://www.statcan.gc.ca/

brut synthétique et du bitume non valorisé en fonction de la production totale de pétrole en Alberta sont passé de 39 % en 1999 à 65 % en 2008, compensant ainsi largement le déclin de la production de brut classique (ERCB, 2009) ( Annexe ).

4

60 % de la production des sables bitumineux a été valorisée en pétrole brut synthétique en 2009, fournissant 0.8 millions de barils de pétrole brut synthétique par jour. La région possède cinq installations de valorisations fonctionnelles. Sept projets de nouvelles installations de valorisation et trois projets d'expansion ont été approuvés ou sont sous application. Si tous les projets aboutissent, la capacité additionnelle de production de pétrole brut synthétique sera prochainement augmentée de 1.7 million de barils par jour.

Alors que le bitume issu de l'exploitation minière est habituellement valorisé dans la province ou au Canada, celui provenant des opérations in situ est dilué avec du condensat pour former du « dilibit » ou avec du pétrole synthétique brut pour former du « synbit » et exporté principalement dans des raffineries américaines ( Figure 11).

Figure 11. Chaine de production des sables bitumineux. Source : TD Securities, 2004.

En ce qui concerne l'exploitation minière et in situ, de nombreux projets et plans d'expansions ont été déposés ou sont envisagés. Les multiples concessions acquises par les sociétés pétrolières illustrent l'intérêt suscité par la région ces dernières années. En général, les entreprises présentes sont d'importantes sociétés canadiennes ou multinationales qui disposent de gros capitaux. En 2005, quatre des plus grandes compagnies mondiales (Royal Dutch/Shell, ExxonMobil, ChevronTexaco et TotalFinaElf) avaient déjà fortement investi dans l'exploitation pétrolière (Héritier, 2007) Toutefois de nombreuses sociétés d'envergure moindre sont aussi en mesure de tirer avantage de marchés financiers favorables afin de lancer de nouveaux projets. La période 2008 à 2012 constitue, cependant, un goulet d'étranglement en ce qui concerne les projets annoncés. Tous les projets ne respecteront pas le calendrier prévu à l'origine, certains seront ainsi reportés ou même annulés (Office national de l'énergie, 2006).

3.3.3. Marchés etpipelines

Comme le marché intérieur au Canada ne constitue qu'un petit marché de raffinage, les
producteurs de sables bitumineux perçoivent les États-Unis comme le principal site pour leurs

exportations ( Figure 12). Le pétrole non-conventionnel canadien exporté aux États-Unis est délivré principalement au PADD II et dans une moindre mesure au PADD IV37 (Humphries, 2008).

Figure 12. Principaux pipelines et marchés de pétrole brut au Canada et aux États-Unis. Source : Office national de l'énergie, 2006.

Le pétrole issu des sables bitumineux peut être acheminé sur les marchés sous différents types de forme:

1 après valorisation, sous forme de pétrole brut synthétique léger (PBS) ;

1 après ajout d'un diluant38 sous formes de mélanges bitume-PBS ou bitume-condensat ;

Les mélanges de bitume fluidifié exigent toutefois que les raffineries disposent d'une capacité de valorisation pour transformer le bitume en un produit plus léger. Aux États-Unis, le nombre de raffineries capables de traiter les bitumes lourds et acides, car riches en sulfures, est ainsi limité. Afin de pouvoir écouler les stocks croissants de bitume fluidifiés, des investissements américains ou des financements de la part des producteurs canadiens seront nécessaires pour ajouter de nouvelles capacités de valorisation aux raffineries américaines existantes (Laureshen et al., 2004). De plus, l'écart de prix entre les bruts lourds et les bruts légers (écart léger/lourd) ne cesse de s'accroître et devrait rester significatifs dans les prochaines années à venir, incitant les producteurs à mettre sur le marché des produits présentant une plus-value, sous forme de PBS léger, par la valorisation des bitumes en Alberta même. De nombreux projets d'installation d'unités de valorisation ou d'exploitation minière intégrée (extraction/valorisation) sont proposés actuellement.

37 Petroleum Administration for Defense District. Les États-Unis possèdent 5 PADDs, crées pendant la Seconde Guerre mondiale pour assurer la distribution de carburant dans le pays.

38 L'ajout d'un diluant est nécessaire afin de conférer les caractéristiques de viscosité permettant le transport par pipeline.

Avec ses dix-neuf raffineries, dont cinq en Alberta, le Canada dispose actuellement d'une capacité de raffinage limitée. Ce marché ne présente pas non plus d'occasions de croissance importantes pour les producteurs de sables bitumineux, étant donné l'âge et le manque de complexité des raffineries canadiennes (Office national de l'énergie, 2006). Plusieurs projets et propositions de complexes de raffinage ou de complexes de valorisation et production pétrochimique ont été annoncés.

Les États-Unis avec leur capacité de raffinage de près de 16 millions de barils par jour (Mb/j) représentent le plus grand marché d'exportation du pétrole brut canadien ( Tableau ).

1On prévoit, en outre, que les principaux enjeux seront les préoccupations continues à l'égard des événements géopolitiques et de la sécurité de l'offre, à mesure que les États-Unis se tourneront vers le Canada comme source sûre d'approvisionnement (Office national de l'énergie, 2006).

Du fait de la complexité de ses raffineries et de sa position géographique, la région nord du PADD II est bien placée pour recevoir des volumes accrus de bitumes fluidifiés et de PBS et déjà reçoit la plus grande partie des exportations canadiennes. Le recours à des pipelines sous-utilisés ou la construction de nouveaux pipelines dans la région sud du PADD II rendrait possible le raccordement à d'autres marchés (Office national de l'énergie, 2006).

Le PADD IV et l'Etat de Washington constituent également des marchés intéressants pour l'exportation du pétrole canadien, mais le prix très élevé du brut a incité à un accroissement de la production locale et à une certaine pression de la part des producteurs intérieurs du PADD IV pour traiter la production dans des raffineries locales. Par conséquent, les raffineries du PADD IV acceptent moins de pétrole de l'Ouest canadien afin de traiter les bruts du Wyoming (Office national de l'énergie, 2006).

Tableau 1. Exportations de pétrole brut de l'Ouest canadien en 2005 (m3/j). Source: Office national de l'énergie, 2006.

Il est maintenant évident que les nouveaux projets d'exploitation des sables bitumineux et l'expansion de projets existants vont s'accompagner d'une croissance soutenue de la production. On estime qu'en 2030, plus de 5 millions de barils par jour seront produits au Canada. Toutefois, la saturation des oléoducs et des marchés américains, couplée à la nécessité de mettre en place des installations de valorisations et de conversion dans les raffineries existantes afin de traiter le pétrole lourd obligera les producteurs canadiens à trouver de nouvelles solutions pour continuer à exporter leur stock de bitume fluidifié et de PBS. De plus en plus, les producteurs convoitent l'accès à de nouveaux marchés d'exportation tels la Californie et le marché Asie-Pacifique, notamment le Japon, la Corée et la Chine au sujet desquels des négociations sont en cours (Laureshen et al., 2004 ; Nikiforuk, 2009).

Ces facteurs influenceront le choix des pipelines à privilégier et sur l'infrastructure pipelinière qui devra être aménagée de manière à pouvoir répondre aux besoins en approvisionnements et aux besoins du marché (Office nationale de l'énergie, 2006). Même si un réseau de pipelines s'étend, actuellement, de Fort McMurray à Hardisty et Edmonton, en Alberta, où une partie du pétrole est raffinée, la plupart des produits issus des sables bitumineux sont transportés en Ontario, en Colombie Britannique et aux Etats-Unis, dans les régions du Midwest et des Montagnes Rocheuses, ainsi que dans l'Etat de Washington. De nombreux projets d'expansion de la capacité du réseau ou de constructions de nouveaux oléoducs sont en cours, notamment entre Fort McMurray et Edmonton, entre Edmonton et les côtes Est et Ouest du Canada (Woynillowicz et al., 2005). Un nouvel oléoduc, Le Northern Gateway Pipeline Project39, entre Edmonton et le port en eaux profondes de Kitimaat est planifié par la société canadienne Enbridge, afin d'ouvrir l'accès aux marchés californien et asiatiques40 (Laureshen et al., 2004 ; Woynillowicz et al., 2005). Le projet Keystone XL prévoit la construction d'oléoducs supplémentaires pour transporter la production des sables bitumineux vers la côte du Golfe du Mexique. Bon nombre de raffineries sur la côte du Golfe du Mexique ont déjà été modifiées pour traiter le pétrole lourd. Leur capacité est excédentaire à cause de la réduction de la production de pétrole au Mexique, où les réserves s'épuisent, et au Venezuela, qui dirige sa production vers d'autres marchés. Le projet est toutefois en suspens dans l'attente d'une évaluation environnementale complète (CAPP, 2010 ; Zeller, 2010) ( Figure 3).

1

Figure 13. Réseau d'oléoducs existants et proposés au Canada et aux Etats-Unis. Source: CAPP, 2010.

39 A ce sujet voir Brown et al., 2009.

40 Cependant la fuite de pétrole à l'origine de la marée noire du 20 avril 2010 dans le Golfe du Mexique a réveillé les opposants à ce projet, en leur offrant des armes juridiques pour combattre la société Enbridge. La Coastal First Nations, une coalition de groupes d'indigènes unis contre le projet, a publié un sondage indiquant que 80% des habitants de la Colombie-Britannique s'opposent à la circulation des pétroliers sur la côte, suite à l'incident du golfe du Mexique (Dowd, 2010).

4. IMPACTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX 4.1. Généralités

Si le potentiel économique des sables bitumineux du Canada est incontestable, le rythme effréné et la dimension de leur exploitation, s'accompagnent de conséquences sociales et environnementales inquiétantes. Le gouvernement provincial alloue des terrains sans préoccupation réelle des enjeux environnementaux et la faiblesse des garanties offertes par l'industrie sur le sujet semblent mener droit à la catastrophe écologique. Les études d'impacts sont encore peu nombreuses, mais s'accordent pour dire que le risque est réel et devrait être pris en considération. Les préoccupations à l'égard de la gestion des effets de l'exploitation des sables bitumineux sur l'environnement ont atteint de nouveaux sommets et la conscience publique sur les conséquences environnementales du développement de ce secteur se réveille incontestablement.

4.2. Impacts environnementaux locaux

4.2.1. Atteintes lade forêt e

boréalet des tourbières et remise en état

L'extraction minière (extraction de surface) des sables bitumineux dans le Nord de l'Alberta est responsable d'une transformation radicale de la forêt boréale de l'Athabasca. La procédure d'allocation des terrains est basée sur la supposition que les régions forées seront restaurées en un écosystème proche de l'état initial avant la perturbation. La remise en état est la dernière étape que les sociétés pétrolières doivent accomplir avant la fermeture complète du terrain minier (Grant et al., 2008). Or la réglementation n'a aucune exigence spécifique et il n'existe pas de critères de remise en état. De plus, il semble que la restauration des zones humides 1 comme les marais et les tourbières 1 soit extrêmement difficile à réaliser et que les types d'habitats définitivement dégradés ne soient pas clairement identifiés. Les données historiques ne sont pas suffisantes pour déterminer l'efficacité de la remise en état sur le long terme. Devant tant d'incertitudes et de risques environnementaux, une lourde dette environnementale et fiscale peut être à craindre pour les Canadiens. D'autant que le programme de sécurité de restauration est un programme fermé qui manque de transparence. Les informations concernant les coûts, les responsabilités, ainsi que la fréquence de validation par le gouvernement de plan de remise en état ne sont pas disponibles publiquement ou difficilement accessibles (Grant et al., 2008).

(a) La forêt boréale et les opérations minières des sables bitumineux

Constituée d'une mosaïque de zones humides (tourbières, marais), de forêts, de lacs et de rivières, la forêt boréale s'étend sur 310 million d'hectares à travers la Canada, couvrant environ 30% de la superficie du pays. 40% de la forêt est constitué de zones humides et la couverture de tourbière est la plus grande au monde (Woynillowicz et al., 2005). Cette forêt abrite une riche diversité d'espèces végétales : 600 plantes vasculaires, 17 fougères, 104 mousses, 13 hépatiques, 188 lichens; et de nombreuses espèces animales : 45 mammifères, 236 oiseaux, 1 reptile, 5 amphibiens et 40 poissons (Stelfox, 1995). Certaines des espèces présentes sont menacées, tel le caribou des bois, classé comme espèce menacée tant au niveau provincial qu'au niveau national. Le paysage de la forêt est topographiquement, climatiquement et biologiquement très varié et constitue, en plus d'une intéressante source de biodiversité, un lieu de vie et d'usage traditionnel pour certains peuples indigènes (Grant et al., 2008).

La fraction des sables bitumineux du dépôt de l'Athabasca qui se situe suffisamment près de la surface pour être exploitée par la technique d'extraction à ciel ouvert s'étend sous le sol de la forêt boréale, sur une surface de 3'400 kilomètres carrés (Government of Alberta, 2008a). Avant l'extraction minière proprement dite, la forêt, les zones humides et le sol doivent être nettoyés, drainés et retirés. Les rivières et les ruisseaux sont détournés, le couvert boisé et la végétation sont coupés. Le bois qui peut être vendu est récupéré et le reste est brûlé41. La couche supérieure, généralement constituée de marécages, de tourbières ou de muskegs, est ensuite retirée, après avoir été drainée. Ce processus de déshydratation peut parfois durer jusqu'à trois ans. Le mortterrain est alors retiré à l'aide de gigantesques pelles mécaniques et de tombereau pour être placé dans de grandes décharges ou stocké dans des fosses. Il est parfois compacté en digue afin de créer des barrages servant à contenir la gangue des minerais, les déchets et les bassins de résidus (Grant et al., 2008). Les dépôts de sables bitumineux sont alors exposés et peuvent être extraits ( Figure 14). Ils constituent une couche de 40-60 mètres d'épaisseur qui repose sur une plaque de calcaire. La composition moyenne des sables bitumineux de l'Athabasca se répartit en 83% de sable, 3% d'argile, 4% d'eau et 10% de bitume. Ceci qui implique que d'énormes quantités de sables bitumineux doivent être extraits pour produire un seul baril de bitume42. On estime qu'environ 2'000 kilogrammes (kg) sont nécessaires pour la production d'un baril. Ce chiffre doit être additionné aux 2'000 kg de mort-terrain par baril ayant été préalablement retirés pour permettre l'accès aux sables bitumineux (Grant et al., 2008 ; Woynillowicz et al., 2005).

En plus de l'exploitation minière et de l'extraction in situ, la région est également exploitée pour du pétrole et du gaz conventionnels, ainsi que pour l'industrie forestière. Cependant les opérations minières de surface, qui représentent la méthode d'extraction la plus intensive et dommageable pour l'environnement, ont drastiquement altéré le paysage et le sol et modifié l'hydrologie. En plus de l'élimination directe de grandes aires de vie sauvage et d'habitats, le bruit et la présence humaine gênent les espèces dans un large périmètre autour des aires d'exploitation (Woynillowicz et al., 2005).

Figure 14. Opération minière dans la région de l'Athabasca. Source: Pica, 2010.

41 Environnement Canada a mis en évidence que la quantité de forêt boréale déboisée par l'industrie gazière et pétrolière, y compris l'industrie des sables bitumineux, égalait ou même dépassait la quantité prélevée chaque année par l'industrie forestière (Collister et al., 2003).

42 cf. chapitre 2.3.1. Exploitation et extraction à ciel ouvert, p.14.

(b) Disparition des zones humides

Les perturbations cumulées, entre 1967 et 2006, par le développement de l'exploitation des sables bitumineux s'étendent sur une surface de 47'832 hectares (ha). En 2008, seul 13.6% de ces aires perturbées étaient considérées comme remises en état selon les critères des exploitants des sables bitumineux, mais à cause d'un manque de transparence et de critères réglementés, cette déclaration n'a pas été officiellement certifiée (Grant et al., 2008). Actuellement, seuls 0.2% (104 ha) des terres affectées par les opérations minières ont été formellement certifiées comme remise en état par le gouvernement de l'Alberta et conséquemment rendues au public. Toutefois, la parcelle concernée, connue sous le nom de Gateway Hill, présentait à l'origine les caractéristiques de zones humides de basse altitude. Pendant l'utilisation du site par la société Syncrude, du matériel issu de l'excavation de mort terrain y a été stocké. Lorsque la parcelle a été remise en état, elle était transformée en forêt de hautes terres vallonnée (Grant et al., 2008).

La remise en état des paysages, comme elle est actuellement proposée par les industries, laisse présager la reconstruction d'écosystèmes radicalement différents de leur état initial. Les plans actuels prévoient la création de forêts vallonnées sèches à la place des zones humides, comprenant un grand pourcentage de lacs (issus des bassins de rétention des déchets), mais n'envisagent pas la reconstruction de tourbières. Ces dernières nécessitent une période de plusieurs milliers d'années de conditions anaérobiques pour se former et se stabiliser en un stade mature stable et ne semblent donc pas pouvoir être reconstituées (Harris et al., 2007). On estime que, dans les décennies à venir, les opérations d'extraction des sables bitumineux auront converti et donc supprimé de manière irréversible presque 10% des régions humides (Grant et al., 2008 ; Woynillowicz et al., 2005).

Ces régions couvrent approximativement 40% de la forêt boréale de l'Alberta et remplissent d'importantes fonctions écologiques. En plus d'héberger une faune et une flore très spécifiques, les zones humides et les tourbières jouent le rôle d'éponges et de filtres. Elles régulent les flux hydriques de surface et des eaux souterraines en absorbant l'eau de la fonte des neiges au printemps et des orages en été ce qui permet de recharger les aquifères souterrains en périodes de sécheresse et de prévenir l'érosion du sol (Woynillowicz et al., 2005). Les zones humides constituent des écosystèmes complexes nécessitant d'être saturées en eau une partie de l'année. Les propriétés chimiques, les caractéristiques des connections hydrologiques, de stockage d'eau et de perméabilité du sol pour maintenir l'équilibre de l'écosystème sont fragiles et la reconstitution semble incertaine. Il n'existe actuellement pas de succès permettant de démontrer la possibilité de remettre en état ce type d'écosystème.

(c) La remise en état des sols

Pour que les terrains affectés par l'exploitation des sables bitumineux puissent être rendus à la province de l'Alberta, la compagnie doit démontrer que le terrain présente « une capacité de sol équivalente » (« equivalent land capability ») ce qui signifie que : « la capacité du terrain à résister à diverses utilisations après la conservation et la remise en état est similaire à celle qui existait avant qu'une activité y ait été menée, mais que les utilisations individuelles des terres ne seront pas nécessairement identiques43 » La définition est étrangement sibylline et ne stipule pas de recréer l'écosystème d'avant la perturbation.

L' « equivalent land capability» est actuellement mesurée à l'aide d'un document guide, le Land Capability Classification for Forest Ecosystems in the Oil Sands (LCCS). Le LCCS a été crée pour faciliter l'évaluation des capacités du sol des écosystèmes sylvestres de la région de la forêt boréale

43 Traduction libre à partir de l'anglais de la définition suivante : «the ability of the land to support various land uses after conservation and reclamation is similar to the ability that existed prior to an activity being conducted on the land, but that the individual land uses will not necessarily be identical» (Grant et al., 2008).

de l'Athabasca et des terrains remis en état (Grant et al., 2008). Ce document utilise indirectement des facteurs économiques et de production pour établir la classification des écosystèmes, et par là favorise la remise en état vers un écosystème propice à l'exploitation forestière (Cumulative Environmental Management Association, 2006). Ainsi les catégories de sol des zones humides et des tourbières sont faiblement classées, ce qui peut donner lieu à des situations perverses : en utilisant l'échelle de la LCCS, une société d'exploitation des sables bitumineux, ayant remplacé un terrain constitué de tourbière par une forêt sèche exploitable, pourrait prétendre avoir amélioré le terrain par rapport à son état antérieur à la perturbation (Hildebrand, 2008 ; Grant et al., 2008).

Les étapes générales de la remise en état des terrains sont : le nivellement des morts-terrains, le remplacement des sols, la revégétalisation et la gestion du paysage. La reconstruction des sols est une étape critique pour le succès du processus.

La qualité du sol reconstruit est déterminante pour la stabilité et la biodiversité de la flore et de la faune et nécessite que le climat, la topographie, les matériaux et les caractéristiques de drainage soient pris en compte (Cumulative Environmental Management Association, 2008). La surface des terrains à reconstruire est recouverte d'une couche de terre constituée d'un mélange tourbe-sol minéral récupérée d'aires dédiées à l'exploitation minière ou à partir de stocks. Si aucun mélange de tourbe-minéraux n'est disponible, 50-70 centimètres (cm) de matériau de sol sablonneux ou argileux peut être placé au-dessus des résidus de sables ou des morts-terrains appropriés. Depuis peu, de l'humus de forêt est utilisé comme source alternative de matière organique (McMillan et al., 2007). Les sols doivent respecter certains paramètres, tels l'humidité et les propriétés physiques et chimiques, identifiés par le manuel LCCS44 (Grant et al., 2008). Cependant, plusieurs études ont montré que les caractéristiques des sols remis en état et des sols naturels étaient significativement différentes. La compaction des sols par l'utilisation de grands véhicules pendant la remise en état provoque une augmentation de leur densité, alors que l'utilisation de matériaux minéraux alcalins mélangés à la matière organique élève leur pH. Enfin les sols remis en état sont plus humide et ont une température plus basse (McMillan et al., 2007).

En plus de la structure du sol, la vitesse de décomposition de la matière organique et la composition en microorganisme sont modifiées dans les sols remis en état. La biomasse et l'activité microbienne, responsables des cycles de l'azote et du carbone, se retrouvent diminuées même 20 ans après les opérations de restaurations. Il en va de même pour les champignons mycorhiziens (impliqués dans l'association symbiotique entre les hyphes des champignons et les racines de certaines plantes), dont l'absence pourrait se révéler un réel problème pour la forêt boréale, puisque ils sont nécessaires aux arbres de cet écosystème pour absorber les nutriments dont ils ont besoin (McMillan et al., 2007 ; Rowland et al., 2009).

Certains opérateurs des sables bitumineux (Imperial Oil Resources Ventured Limited, 2006) concluent que des profils physico-chimiques grossièrement similaires des sols naturels et des sols de terrains remis en état démontrent que l' « equivalent land capability» a bien été atteinte. Or, la comparaison de la composition et de l'abondance des espèces végétales entre sites naturels et sites remis en état montre une très faible similarité. Même deux ans après la restauration, les sites reconstruits présentent moins d'arbustes et un nombre beaucoup plus élevé de graminées que dans les aires naturelles ayant des conditions d'humidité et de nutriments équivalentes (Grant et al., 2008). Ainsi des propriétés physiques et chimiques similaires ne confèrent pas la même capacité de propagation à la végétation native et ne permet pas d'obtenir un paysage dont la couverture et la composition végétales s'apparentent à celles d'avant la perturbation.

44 Il est important de noter que le LCCS encourage la reconstruction d'écosystèmes favorable à la production forestière.

Afin d'établir le stade climax (stade où les communautés de plantes sont stables et capables de se reproduire elle-même), les opérateurs comptent sur le modèle de succession de plantes (des groupes d'espèces sont naturellement remplacés par de nouvelles espèces). Or, la prédominance des espèces herbacées et la difficulté d'invasion naturelle par les arbres et arbustes, même 30 ans après la remise en état, semblent contredire le modèle et confirmer que la revégétalisation ne se déroule pas comme prévu (Grant et al., 2008).

En outre, l'établissement permanent d'espèces non-natives et d'espèces invasives constitue un grave problème dans ce procédé. Que l'introduction soit volontaire 1 comme c'est le cas pour l'orge, qui joue un rôle dans le contrôle de l'érosion 1 ou accidentelle 1 comme pour le laiteron des champs, l'épilobe à feuille étroite, le mélilot ou les crépides (Cumulative Environmental Management Association, 2008) 1 ces espèces entrent en compétition avec les espèces indigènes et inhibent l'établissement des arbres et arbustes. Dans certains cas, ces plantes dominent sur les autres et peuvent couvrir presque 100% de la surface d'un site récemment remis en état (Grant et al., 2008).

(d) La remise en état des bassins de résidus et la gestion des résidus toxiques

Le processus selon lequel les résidus toxiques et les bassins de rétention sont gérés semble également incertain à long terme. Actuellement, deux méthodes pour assainir les résidus fins, principalement générés par l'exploitation minière45, ont été approuvées et seront utilisées.

La première méthode consiste à solidifier les résidus aqueux. Cette étape permet de réduire le volume des résidus, de recycler une partie de l'eau emprisonnée, de traiter plus facilement les résidus consolidés et de remettre en état rapidement les bassins ayant servi à les stocker (CAPP, 2009). Différentes techniques sont possibles pour réaliser la déshydratation des résidus aqueux : l'ajout de différents agents chimiques (gypse, chaux ou polymères) qui favorisent l'agglomération des particules solides entre elles, la centrifugation, le séchage à l'air ou la dessiccation par cycles de gel/dégel en hiver (CAPP, 2009). Il est ensuite prévu qu'une partie des dépôts de résidus consolidés soient inclus dans le sol du terrain à restaurer. Les résidus consolidés posent effectivement moins de problèmes que les résidus liquides, même s'il existe de grandes incertitudes sur le comportement des composants toxiques associés (concentrations en sels élevés, présence d'acide naphténique, traces de métaux46) en présence d'eau (risque de déplacement par ruissellement et infiltration) et sur la façon dont ils affecteront la végétation (Grant et al., 2008).

La transformation de la mine en lac terminal (« end pit lake» ou EPL), lorsque tout le bitume économiquement récupérable a été extrait, constitue la deuxième méthode. Ces lacs servent aux opérateurs pour y entreposer des déchets, avant que les critères de qualité des eaux ne soient atteints. Lorsque les opérations minières prennent fin, les déchets produits par l'exploitation (résidus fins, résidus consolidés, sables pauvres en bitume et eaux utilisés dans les diverses opérations) sont entreposés au fond du lac. Bien qu'il soit encore impossible de dire si ces EPLs pourront accueillir un écosystème aquatique durable, ils constitueront néanmoins une caractéristique permanente du paysage remis en état. On estime que, d'ici soixante ans, au moins 25 EPLs verront le jour dans la région de la forêt boréale de l'Athabasca ( Figure 5).

1 Ce chiffre

45 cf. chapitre 4.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les systèmes aquatiques, p.40.

46 Les métaux suivants ont été détectés au moins dans un échantillon d'eau en contact avec de résidus consolidés : aluminium, arsenic, antimoine, barium, bore, chrome, cobalt, cuivre, fer, lithium, manganèse, molybdène, nickel, plomb, sélénium, strontium, titane, uranium, vanadium, et zinc (Collister et al., 2003).

risque d'augmenter si le taux de croissance du développement des sables bitumineux reste élevé (Grant et al., 2008).

Figure 15. Localisation des « end pit lakes » planifiés dans la région de la forêt boréale de l'Athabasca. Source: Westcott, 2006.

En théorie, ces lacs sont censés pouvoir abriter un écosystème aquatique fonctionnel et capable de fournir une activité biologique nécessaire à la biodégradation des composés organiques accumulés sur le fond, à une profondeur de 651100 mètres (Grant et al., 2008). L'aménagement de ces EPL's a toutefois été approuvé sans qu'on ait démontré leur efficacité.

La source d'eau primaire pour remplir les multiples EPLs sera issue de la rivière Athabasca, ce qui risque d'en augmenter encore d'avantage les prélèvements et d'en influencer négativement le débit47.

Le terrain sur lequel les EPLs seront aménagés sera drainé, de manière à ce que les eaux de ruissellement, chargées de molécules organiques et de sels, s'écoulent dans le lac après avoir passé à travers les matériaux issus des résidus miniers. Ces composés toxiques seraient alors dilués et dégradés biologiquement avant d'être déchargés dans le bassin versant de la rivière Athabasca.

Une incertitude de taille concerne l'état de méromicticité dans lequel le lac doit être maintenu. Un lac méromictique est un lac dont les couches d'eau supérieures ne se mélangent pas aux couches inférieures. Dans le cadre des EPLs, cet état est destiné à empêcher le mélange des couches contaminées du fond avec les couches supérieures. Des recherches supplémentaires sont nécessaires, mais il semble que cet état puisse être obtenu en augmentant la salinité et donc la densité de l'eau. Des études ont cependant révélé que cet état ne serait que temporaire en raison de l'absence d'un apport de sel continu (Grant et al., 2008).

47 cf. infra.

Etant donné que les résidus seront intégrés dans le terrain, dans le cas de résidus consolidés ou disposé dans les EPLs, ils seront en contact avec les eaux de surfaces et les eaux souterraines. Il est donc raisonnable de s'interroger sur l'éventualité d'une contamination des eaux et un risque d'impacts sur l'écosystème régional et les espèces qui en dépendent (Grant et al., 2008).

(e) Succès à long terme des opérations de remise en état

Même si certaines compagnies assurent que la remise en état est viable et compatible avec les écosystèmes antérieurs, 35 ans d'efforts indiquent le contraire. Beaucoup d'incertitudes règnent quant à la stabilité à long terme des terrains remis en état, à les performances et à la survie des espèces indigènes et à la possibilité de restaurer la biodiversité propre à ces écosystèmes (Woynillowicz et al., 2005). La diversité écologique et les interrelations de l'écosystème boréal sont complexes. Beaucoup d'environnementalistes sont sceptiques et pensent qu'il est improbable que l'expérience à grande échelle qui se déroule actuellement dans la région des sables bitumineux ne parvienne à restaurer l'écosystème de la forêt boréale dans le siècle à venir.

4.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les systèmes aquatiques

Les récentes inquiétudes quant à la pérennité des eaux de surface et des ressources en eaux souterraines ont poussé la province de l'Alberta à améliorer et renouveler son plan d'action provincial sur la gestion de l'eau48. Cette nouvelle stratégie a été élaborée en tenant compte des changements climatiques et des pressions croissantes sur les ressources aquatiques albertaines et en intégrant certaines recommandations destinées à accélérer les actions de préservation des ressources. L'utilisation de l'eau douce représente le deuxième plus grand défi de gestion environnemental du secteur pétrolier et gazier, après les gaz à effet de serre et les émissions associées. La nouvelle version de la stratégie provinciale encourage tous les secteurs à développer des plans d'amélioration de la conservation de l'eau et à renforcer les programmes d'évaluation et de surveillance des systèmes aquatiques, notamment les zones humides et les aquifères (Government of Canada, 2008c ; Government of Canada, 2009c).

L'ampleur et la forte croissance des opérations minières et du développement in situ posent actuellement de graves problèmes d'utilisation et de gestion de l'eau. La demande en eau du secteur des sables bitumineux est énorme. Les volumes d'eau nécessaires sont puisés dans les nappes souterraines ou prélevés à partir des eaux de surface (cours d'eau, rivières, lacs). Avec 65% des prélèvements, les opérations minières sont les plus grands utilisateurs d'eau de la rivière Athabasca (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006). La quantité d'eau réellement utilisée pour la récupération du pétrole est souvent moindre par rapport au volume alloué, mais les proportions varient entre les entreprises, leur âge ou le type de projet. Toutefois, 7% des allocations totales d'eau en Alberta pendant l'année 2004 étaient destinés à la production de pétrole et de gaz (Griffiths, 2006).

48 Water for Life Renewal Strategy, 2008 et Water for Life Action Plan, 2009.

(a) Consommation d'eau par les exploitations minières

Les prélèvements par l'exploitation minière intégrée extraction et valorisation nécessaires pour couvrir ses besoins en eau sont importants. Ce procédé d'exploitation utilise de grandes quantités d'eau lors des multiples étapes de la chaine de production et affecte les ressources aquatiques à différents niveaux :

1 L'assèchement et le drainage de la couche superficielle du sol (zones humides, tourbières, marais). Cette étape, qui nécessite parfois plus de trois ans, est réalisée en creusant dans le sol de profonds fossés de drainage.

1 Le drainage de l'eau piégée dans le mort-terrain à l'aide de pompes. Tout comme lors de l'étape précédente, l'eau retirée n'ayant pas été en contact avec les sables bitumineux, elle est généralement rejetée dans la rivière Athabasca après avoir séjourné dans des bassins de décantation. Certains opérateurs l'utilisent néanmoins dans les procédés miniers ou la vaporisent sur la surface des sols exposés afin de réduire la formation de poussières.

1 La dépressurisation de l'aquifère basal et le drainage actif de l'aire minière des ruissellements et des infiltrations d'eau afin de prévenir les inondations de la mine. La qualité de l'eau de l'aquifère basal varie, mais comme elle est souvent saumâtre et est entré en contact avec les sables bitumineux, elle ne peut être directement remise dans l'environnement (Griffiths, 2006).

1 Le transport du sable bitumineux excavé de l'exploitation minière à l'unité d'extraction par hydrotransport. Bien que, cette nouvelle technique s'accompagne d'une réduction de l'énergie nécessaire à l'extraction du bitume. elle augmente significativement la demande en eau.

1 L'extraction du bitume à l'eau chaude.

1 L'utilisation de l'eau comme source d'hydrogène dans les installations de valorisation.

Les principales sources d'eau pour les opérations minières des sables bitumineux sont la rivière Athabasca et ses affluents et les eaux souterraines à partir de puits. Pour produire un mètre cube (m3) de pétrole synthétique brut, les opérations minières à ciel ouvert (extraction et valorisation) utilisent entre 2 et 4.5 m3 d'eau. En réalité, le volume nécessaire est de 10 m3 par mètre cube de PBS, mais le volume d'eau net utilisé est moindre, en raison de l'utilisation d'eau recyclée.

La plus grande partie de l'eau consommée est contaminée par des polluants pendant les divers traitements. Elle n'est donc pas restituée dans le bassin versant de la rivière Athabasca, mais déversée dans de grands bassins de rétention.

(b) Consommation d'eau par les opérations in situ

L'extraction in situ est pratiquée lorsque les gisements de sables bitumineux se situent à une profondeur trop importante pour être récupérés par exploitation minière. De la chaleur sous forme de vapeur est injectée pour réduire la viscosité du bitume pour qu'il puisse être pompé à la surface par un puits de production.

Deux procédés sont particulièrement utilisés : la stimulation cyclique par la vapeur d'eau (SCV) et la séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur (SGSIV).49 Le rapport actuel vapeur/pétrole est de 5 : 1 pour les réservoirs exploité par SGISV et se situe entre 3 : 1 et 4 : 1 pour l'extraction par SCV, mais une grande partie de l'eau peut être recyclée. Les besoins en eau pour la production in situ sont généralement beaucoup plus faibles que pour les opérations minières et les

49 cf. chapitre 2.3.2. Récupération in situ, p.18.

compagnies qui recyclent l'eau utilisent en principe moins de 0.5 m3 d'eau par mètre cube de bitume produit. Il faut cependant noter que, compte tenu de l'infiltration d'eau à partir des formations adjacentes et de son évaporation, ce rapport serait plutôt de 1 :1 (Griffiths, 2006).

Une fois pompé à la surface, le bitume est retiré de l'eau qui peut être recyclée et réutilisée. Un volume additionnel doit toutefois être ajouté pour remplacer l'eau perdue dans la formation ou lors des divers traitements. Habituellement 2 à 3 m3 d'eau par mètre cube de bitume peuvent être recyclés. L'eau utilisée pour générer la vapeur nécessaire à l'extraction par SCV ou SGSIV est généralement prélevée à partir d'aquifères souterrains et peut être douce ou saline. Cependant, comme cette dernière doit être préalablement traitée pour éviter un taux de salinité trop élevée, un mélange d'eau douce et d'eau saline est généralement utilisé (Griffiths, 2006).

(c) La rivière Athabasca

Au total, les exploitations minières approuvées sont autorisées à dévier 359 millions de m3 par an de la rivière Athabasca, ce qui correspond à presque deux fois le volume d'eau nécessaire pour couvrir les besoins annuels de la ville de Calgary. En dépit du recyclage, et contrairement à l'utilisation urbaine, moins de 10% de l'eau utilisée par le secteur des sables bitumineux est restituée à la rivière, la plus grande partie étant retenue dans les bassins de résidus jusqu'à la fin du projet d'exploitation (Griffiths, 2006). Les sites d'extraction à ciel ouvert planifiés et approuvés entraîneront une augmentation des prélèvements cumulatifs de la rivière Athabasca à hauteur de 529 millions de m3 par an (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006).

Le débit de la rivière Athabasca est sujet à des variations saisonnières naturelles. Pendant les mois de novembre à mars quand le ruissellement des eaux est limité et que la rivière est en partie recouverte par la glace, le débit atteint son niveau le plus bas, bien en-dessous de la moyenne annuelle (Griffiths, 2006). On comprend maintenant mieux que les importants prélèvements d'eau de la rivière Athabasca dans le contexte des activités d'extraction à ciel ouvert pendant les mois d'hiver peuvent avoir des conséquences sur la pérennité de l'environnement aquatique. L'intégrité écologique des écosystèmes aquatiques de l'Alberta dépend d'un débit adéquat et des variations naturelles de ce débit au fil des saisons.

La rivière Athabasca héberge 31 espèces de poissons adaptés à l'écosystème aquatique boréal. Les températures froides de l'eau ralentissent le développement et la plupart des espèces nécessitent entre 6 et 10 ans, pour atteindre le stade reproductif (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006). L'écosystème fluvial et les populations de poissons sont particulièrement sensibles aux prélèvements d'eau en hiver, période à laquelle les précipitations faibles conduisent à un débit exceptionnellement faible, car le nombre d'habitats disponibles est réduit et des prélèvements d'eau effectués à ce moment pourraient d'avantage en limiter le nombre (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006).

Pour maintenir la prospérité de l'écosystème fluvial, une valeur seuil, appelée « instream flow need» (IFN), représentant la quantité d'eau minimale pour permettre un débit adéquat de la rivière, est en cours de définition pour chaque cours d'eau de la province. Le gouvernement de l'Alberta a fait du développement et de la réalisation d'une gestion basée sur cet IFN une priorité pour les rivières de son territoire. Mais dans l'intervalle les licences de prélèvement d'eau continue d'être délivrées (Griffiths, 2006).

(d) Les bassins de résidus

La proportion de bitume contenue dans les sables bitumineux varie entre 10% et 18%. Cette fraction est séparée des sables et de l'argile par un procédé nécessitant de grandes quantités d'eau chaude et l'ajout de soude caustique. Le bitume extrait est expédié pour traitement supplémentaire et le mélange d'eau (l'eau provenant des sables bitumineux et l'eau ajoutée pendant les processus d'extraction), de sable, d'argile et de bitume résiduel est entreposé sous forme de résidus aqueux dans de grands bassins. Selon la qualité des sables bitumineux, entre 3 et 5 m3 d'eau chargée en résidus part mètre cube de bitume sont déversés (Griffiths, 2006).

Les bassins de résidus sont des installations typiques de l'exploitation à ciel ouvert et par leurs dimensions figurent parmi les constructions humaines les plus imposantes de la planète. Ils recouvrent actuellement une surface de 50 km2 et génèrent une aire de perturbation de 150 km2 (Peachey, 2005). Ils sont installés dès le début des opérations minières par la construction de grandes digues. Au fur et à mesure de l'exploitation, les mines abandonnées sont également transformées en bassins de rétention.

Les résidus de déchets sont produits à un taux de 1.8 milliards de litres par jours (Grant et al., 2008). Constitué d'eau, de sable, de limon argileux, d'hydrocarbures non récupérés et de composés dissous (MacKinnon et al., 2001), ils contiennent une série de composés potentiellement toxiques : acide naphténique, hydrocarbures aromatiques polycycliques, composés phénoliques, ammoniaque, mercure et traces d'autres métaux (Nix and Martin 1992), ainsi qu'un niveau élevé de sodium, de chlore, de sulfate, de matières en suspension et un faible taux d'oxygène dissous.

Les résidus pompés de l'unité d'extraction sont entreposés dans les bassins et laissés sédimenter afin de séparer les particules de la couche d'eau supérieure qui peut être recyclée. Le sable se sépare rapidement et se dépose au fond (CAPP, 2009), les autres particules, plus fines, nécessitent plusieurs décennies pour décanter et se solidifier, parfois jusqu'à 150 ans (Fedorak et al., 2002). Les dépôts, appelés résidus fins terminaux (RFT), forment une sorte de boue constituée de 30% de particules fines, de sables et d'argile, et de 70% d'eau qui ne peut être recyclée (Griffiths, 2006). Pour faciliter le traitement des RFT, les compagnies pétrolières utilisent, de plus en plus fréquemment, des procédés de solidification pour les transformer en résidus consolidés qui seront intégrés dans les terrains remis en état.

Pour éviter que la faune n'entre en contact direct avec les polluants contenus dans les bassins, les sociétés exploitantes utilisent des canons au propane, qui produisent une nuisance sonore et empêchent les espèces animales de s'approcher des bassins. Cette mesure est principalement prévue contre les oiseaux migrateurs qui viennent dans la région pour se reproduire et nidifier (Héritier, 2007 ; Timblin et al., 2009). Cependant des incidents sont déjà survenus et Syncrude a été fortement critiquée, en 2008, lorsque plusieurs centaines de canards ont trouvé la mort après avoir atterri sur un bassin de la société pétrolière (Austen, 2008).

Les principales menaces des bassins de résidus sur l'environnement résident cependant dans la migration des polluants à travers le système des eaux souterraines et dans le risque de fuites dans le sol environnant ou dans les eaux de surface. Ces bassins requièrent ainsi une surveillance à long terme et risquent de devenir un problème redoutable si les compagnies ne peuvent pas couvrir elles-mêmes le nettoyage.

En outre il a récemment été montré que ces bassins étaient favorables au développement de bactéries productrices de méthane. En plus d'être un gaz à effet de serre, le méthane interfère avec la formation des RFT. Les bulles de méthanes influencent la densité des RFT et le dégagement des gaz déstabilise l'interface des résidus fins en favorisant la resuspension des particules.

On estime que si les opérations continuent au rythme actuel, le milliard de mètres cubes contenus dans les bassins de résidus sera atteint en 2020. Actuellement, aucune proposition de restauration capable de traiter les volumes prévus de résidus fins d'une manière qui soit techniquement, écologiquement et économiquement viables n'a été développé. Alors que les étangs de résidus sont activement surveillés et entretenus, et que la possibilité d'une catastrophique écologique suite à la rupture accidentelle d'une digue est considérée comme faible, la viabilité à long terme de ces digues restera une préoccupation constante longtemps après la fin des opérations, car toutes défaillances pourraient être à l'origine d'un rejet de résidus toxiques dans la rivière Athabasca qui serait extrêmement difficile de traiter et de réparer (Griffiths, 2006).

(e) La qualité de l'eau

Les opérations d'exploitations des sables bitumineux regroupent de nombreux procédés consommateurs d'eau, qui la transforment en un produit altéré ne pouvant pas être déchargé dans l'environnement en raison de sa piètre qualité. Les eaux ayant été en contact avec les sables bitumineux, le coke, des asphaltènes, ainsi que des métaux lourds doivent être stockées, traitées et disposées de manière à prévenir une contamination des écosystèmes aquatiques (Griffiths, 2006). Bien que le recyclage des eaux utilisées permette de réduire la demande en eau douce, le procédé affecte la qualité des ses eaux en y concentrant les constituants organiques et inorganiques (Giesya et al., 2010). Les eaux contaminées comprennent :

1 les eaux de résidus (bassins de résidus et RFT, l'eau extraite lors de la formation de résidus consolidés, l'eau des EPLs)

1 les eaux drainées (tourbières, morts terrains, ruissellement et infiltration des mines) 1 l'eau souterraine provenant de la dépressurisation des aquifères

1 les eaux usées

1 les effluents de raffineries

1 les eaux de refroidissement

Les résidus des sables bitumineux et les eaux associées sont chargés de bitume et de diluant (par ex. le naphta) résiduels. Etant donné que les matériaux issus des résidus seront intégrés dans la remise en état du terrain (dans le cas de résidus consolidés) ou disposés dans les EPLs (dans le cas de RFT), et seront par conséquent en contact avec les eaux souterraines et les eaux de surface, il y a lieu de s'inquiéter à propos d'un impact potentiel sur la qualité des eaux (Griffiths, 2006).

Les contaminants environnementaux et les composés toxiques les plus importants dans les dépôts de sables bitumineux et les bassins de résidus sont les acides naphténiques de faible poids moléculaire. Malgré l'inquiétude et les préoccupations engendrées par la persistance et la toxicité aquatique des acides naphténiques, l'Alberta Environment n'a pas encore émis de régulation stricte pour cette classe de molécule (Woynillowicz et al., 2005). Les acides naphténiques sont des molécules organiques constituées d'acide carboxylique acyclique, monocyclique et polycyclique naturellement présentes dans certains dépôts d'hydrocarbures (pétrole, sables bitumineux) dans une proportion proche de 4% (Headley and McMartin, 2004). Ces composés organiques sont solubilisés dans l'eau et se retrouvent concentrés dans les eaux issues des opérations d'exploitation des sables bitumineux. Les concentrations ambiantes des acides naphténiques varient selon le caractère du sous-sol, mais les concentrations moyennes normales dans les cours d'eau de la région de l'Athabasca sont généralement inférieures à 1 milligramme par litre (mg/L). En comparaison, les concentrations mesurées dans les eaux des bassins de résidus des exploitations de sables

bitumineux sont beaucoup plus élevées et atteignent 1101120 mg/L (Headley and McMartin, 2004). Les acides naphténiques sont toxiques pour toute une gamme d'organismes aquatiques (par exemple, certains poissons comme Oncorhynchus mykiss et invertébrés, tel Dapnia magna (Clemente and Fedorak, 2005)) et semblent être persistants (Giesya et al., 2010). Ils s'accumulent dans les sédiments et bien que certaines bactéries soient en mesure de les dégrader, ils paraissent résistants à la dégradation par la biomasse microbienne dans les environnements aquatiques (Del Rio et al., 2006). La remise en état de paysages terrestres et aquatiques intégrant les résidus dans le terrain devrait tenir compte des concentrations des acides naphténiques, de leur devenir et de leur transport dans l'environnement (Headley and McMartin, 2004).

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (dibenzothiophènes, phénanthrène/anthracènes, fluoranthènes/pyrènes et benzo(a)anthracènes/chrysènes et leurs dérivés alkylés) ou HAP constituent d'autres molécules présentes en quantités non négligeables dans les bassins de résidus (Giesya et al., 2010). Ces molécules existent à l'état naturel dans les sédiments de sables bitumineux, par exemple, et peuvent provenir d'évènements pyrolytiques naturels tels les feux de forêts et de prairies ou les éruptions volcaniques, cependant certaines activités de combustion anthropiques sont également responsables de leur production et dissémination. La toxicité des ces HAP est démontrée, tous sont mutagènes, certains sont cancérigènes et plusieurs de ces substances ont été classé comme polluants prioritaires par l'OMS.

Une étude récente a montré qu'en plus des HAP libérés par les sédiments de sables bitumineux, la rivière Athabasca et ses affluents sont exposés à une concentration additionnelle de HAP provenant des opérations minières et des unités de valorisations. Alors que les concentrations de HAP à la surface de l'eau d'un site non affecté par l'exploitation des sables bitumineux se situent à environ 0.015 microgrammes par litre (ìg/L), elles sont 10 à 50 fois plus élevées (0.682 ìg/L) dans les sites les plus touchés par la contamination et correspondent aux doses présentant une toxicité pour les embryons de poissons (Kelly et al., 2009). Les embryons de certains poissons natifs50 du bassin versant de l'Athabasca montrent des hauts taux de mortalité, une diminution de la croissance et des signes pathologiques caractéristiques lorsqu'ils sont exposés aux HAP. L'exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques interfère également avec la reproduction des poissons en inhibant les fonctions endocrines. Les transports atmosphériques et fluviaux semblent être à l'origine de la dissémination des HAP dans la région (Kelly et al., 2009). Le point fort de cette étude, est que les concentrations révélées par l'équipe de chercheurs de l'université de l'Alberta sont nettement supérieures à celles enregistrées par le service de surveillance des milieux aquatiques de l'Alberta, le RAMP51 (Regional Aquatics Monitoring Program) (Miserey, 2010). Depuis 1997, le programme RAMP, un programme financé par l'industrie et dirigé par un comité multipartite, dont les membres sont représentés par des organismes gouvernementaux et des sociétés pétrolières, surveille la qualité de l'eau et des sédiments du bassin de la rivière Athabasca dans la région des sables bitumineux. Depuis dix ans, ce programme affirme que la pollution mesurée correspond à des niveaux naturels et provient de sources naturelles (Kelly et al., 2009). La révélation de l'équipe scientifique albertaine a démontré l'incompétence du programme et la nécessité d'une approche scientifique sérieuse et transparente dans l'étude des impacts potentiels que l'exploitation des sables bitumineux pourrait générer.

50 Pimephales promelas et Catostomus commersonii (Colavacchia et al., 2004 ; Colavacchia et al., 2006)

51 cf. site internet de RAMP : http://www.ramp-alberta.org/ramp.aspx, consulté le 12 juillet 2010

(f) Le prélèvement des eaux souterraines

Le prélèvement d'eau à partir des réserves souterraines et la dépressurisation des aquifères pourraient occasionner des impacts non seulement sur les systèmes aquatiques locaux, mais aussi sur ceux de la région entière. Des connexions existent entre eaux souterraines et de surface et selon la situation, une rivière peut soit voir son débit augmenter par l'afflux d'eaux souterraines ou inversement constituer une source pour leurs recharges.

Les opérations influent sur les interactions entre les réserves souterraines et la rivière Athabasca, notamment les flux et débit hydriques entre les différents réservoirs et l'alimentation et la recharge de zones humides et de tourbières. La compagnie CNRL a montré que la dépressurisation de l'aquifère basal dans la région de la mine Horizon pouvait potentiellement affecter une zone de 9'820 ha.

Actuellement les impacts régionaux sont peu compris et nécessitent la mise en place de programme de surveillance et d'étude de risques. Mais dans l'hypothèse que ces programmes réussissent à identifier des risques, il serait alors difficile d'arrêter les prélèvements déjà commencés, au risque d'inonder les mines en cours d'exploitation (Griffiths, 2006).

4.2.3. Fragmentation des habitats

Alors que les opérations d'extraction in situ sont considérées comme étant moins invasives et ayant moins d'impacts négatifs sur les terres, elles génèrent toutefois une perturbation linéaire et une fragmentation importante des habitats. Les installations d'exploitation in situ s'accompagnent d'un réseau de lignes sismique, de routes, de couloirs de lignes à haute tension, de pipelines et autres infrastructures qui créent un morcellement du terrain ( Figure 6).

1

Figure 16. Image satellite d'une aire d'exploitation in situ. Source : Woynillowicz et al., 2005. Image: terraserver.com.

Les opérations d'extraction, et plus particulièrement l'extraction par le procédé SGISV, nécessitent
que les puits horizontaux (puits d'injection et puits de production) soient placés de manière très

précise l'un par rapport à l'autre. Cette précision ne peut être obtenue que par une information détaillée de la localisation des gisements, apportée par des activités d'exploration préalables (Schneider and Dyer, 2006). L'exploration est réalisée par une analyse sismique à deux dimensions (2D) pour s'assurer de la viabilité commerciale du dépôt et de ses limites, dans un premier temps, puis d'une modélisation 3D, avant la production, pour obtenir des informations détaillées du dépôt et permettre le placement correct des puits horizontaux. L'exploration sismique requiert le forage systématique de puits selon un quadrillage de la région à sonder. Les puits sont généralement forés selon des techniques conventionnelles qui incluent la déforestation des zones impliquées et la construction de routes d'accès pour la machinerie lourde (Schneider and Dyer, 2006).52

On parle de fragmentation lorsqu'une aire d'habitat étendue et continue est réduite en petites parcelles d'habitat isolées. Ce qui provoque une réduction du nombre d'habitat disponible et une entrave dans les déplacements de la faune sauvage et des oiseaux (Woynillowicz et al., 2005).

Alors que ces impacts paraissent, au premier abord, moins sérieux que les dégâts provoqués par les opérations minières, la fragmentation des habitats pourrait se révéler la menace la plus sérieuse pour la diversité biologique et une des premières causes de risque d'extinction. L'impact négatif se ressent particulièrement chez les espèces qui nécessitent des aires étendues, tels les grands carnivores et certains oiseaux (Woynillowicz et al., 2005). Le caribou des bois et les mammifères à fourrure (tel le lynx et la martre) sont des espèces susceptibles de disparaître de la région soumise à l'extraction de sables bitumineux par SGISV. Le déclin des populations a été corrélé avec le niveau de développement industriel et la densité de routes dans leur région (Dzus, 2001 ; Nielsen et al., 2007).

La création de routes et le déboisement de sites de forage facilitent en plus l'accès pour la chasse et les activités récréatives, pouvant engendrer une pression supplémentaire sur les populations.

Ces perturbations linéaires sont maintenant ubiquitaire dans la forêt boréale de l'Alberta. Bien que certains progrès aient été faits afin de réduire la largeur des lignes sismiques53, les régions concernées par les opérations d'extraction in situ sont couvertes d'un réseau de tranchées. Ces dégâts sur la forêt ont été exclus des mesures de gestion du paysage et il n'est pas exigé que les industries pétrolières revégétalisent les lignes sismiques et les chantiers de forages lors de la remise en état du terrain (MacFarlane, 1999 ; Woynillowicz et al., 2005). Il a été montré que la régénération, la croissance et la densité des arbres dans ces aires étaient faibles et inversement corrélées à la densité du couvert de graminées qui a tendance à dominer ces aires. Les changements observés sur l'âge et les caractéristiques de croissance des arbres pourraient à long terme entraîner des pertes cumulatives du couvert végétal et avoir des implications sur l'ensemble des espèces et l'intégrité de la forêt boréale (MacFarlane, 1999).

4.2.4. Émissions atmosphériques et acidification des lacs

L'expansion rapide des sables bitumineux s'accompagne d'une émission de pollution
atmosphérique importante en Alberta. Les principaux contaminants atmosphériques (PCA)54

52 L'étude sismique du sous-sol est basée la transmission d'énergie acoustique dans le sol, et l'enregistrement des variations d'énergie transmises par les diverses formations géologiques. La source de l'énergie acoustique est généralement produite par la détonation de charges de dynamite dans un puits de forage. L'énergie retournée est enregistrée à l'aide de géophones. Le temps de parcours bidirectionnel mis par l'énergie acoustique permet d'élaborer un modèle assez fidèle du sous-sol. cf. Centre info-énergie, http://www.centreinfoenergie.com/silos/ET-CanEn01.asp

53 Jusqu'à peu, la largeur des lignes sismiques était de 6-8 mètres (Schneider and Dyer, 2006).

54 Criteria Air Contaminants (CACs), en anglais.

relâchés par l'industrie pétrolière et la combustion d'énergies fossiles comprennent les oxydes d'azote (NOx), le dioxyde de souffre (SO2), les composés organiques volatiles (COVs) et les particules fines (PM). Les émissions renferment également d'autre polluants toxiques, tels des métaux lourds, des hydrocarbures aromatiques polycycliques55 ou de l'ammoniaque. Ces polluants peuvent affecter la santé humaine et entraîner des affections des voies respiratoires supérieurs et des poumons, et certain COVs sont toxiques et carcinogènes. Actuellement 500 tonnes de COVs sont émis dans l'atmosphère par les opérations d'exploitation des sables bitumineux et par l'évaporation des COVs contenus dans les bassins de résidus (Woynillowicz et al., 2005).

Selon Pollution Watch56, l'Alberta a relâché dans l'air, en 2005, presque 1.1 milliards de kilogrammes de polluants toxiques et de PCA, représentant 27% de la pollution atmosphérique totale du Canada pour cette année (Pollution Watch, 2007).

Depuis les années 1990, l'industrie des sables bitumineux a réduit et continue de réduire le volume de polluants émis par baril de pétrole synthétique brut produit (c'est-à-dire l'intensité des émissions). Cependant lorsque l'économie croît plus vite que l'intensité des émissions ne diminue, les émissions augmentent. De plus malgré ces efforts, l'intensité des émissions de la production des sables bitumineux pour les polluants communs reste nettement supérieure à celle de la production de pétrole conventionnel (Hazewinkel et al., 2008 ; Woynillowicz et al., 2005).

Les activités d'extraction et de traitement des sables bitumineux dans la région de Fort McMurray ont généré, en 2006, approximativement 204 tonnes de SO2 par jour et 312 tonnes de NOx par jour57 (Deer Creek Energy Ltd., 2006). Ces deux contaminants sont connus pour les pluies et les dépôts acides qu'ils peuvent générer lorsqu'ils entrent en contact avec des gouttelettes d'eau présentes dans l'atmosphère. Les conséquences de l'acidification sur l'environnement sont : une altération du sol par dissolution et lavage des nutriments, une réduction de la vitesse de croissance des arbres et de la flore en général, et une altération des lacs et des étendues d'eau par la réduction de leur capacité de neutralisation.

L'étendue des aires actuellement affectées par les dépôts acides reste toutefois inconnue. La surveillance et les mesures sporadiques effectuées depuis 1999 par le programme RAMP n'apportent pas de résultats suffisants pour établir une tendance de l'étendue de l'acidification de la région (Hazewinkel et al., 2008). Il est pourtant indéniable que les apports de particules acides, dans un certain nombre de lacs du nord-est de l'Alberta, dépassent leur « capacité critique »58 (RAMP, 2010). Bien que l'analyse de la composition chimique des lacs en Alberta ne permette pas encore de mesurer une diminution du pH en lien avec les dépôts acides, on constate toutefois des changements écologiques rapides non incompatibles avec les apports atmosphériques industriels, qui résulteraient de processus biogéochimiques de tamponnage de l'acidité (Hazewinkel et al., 2008).

55 Au sujet des hydrocarbures aromatiques polycycliques, voir le chapitre 5.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les systèmes aquatiques.

56 Le projet Pollution Watch ( http://www.pollutionwatch.org) est une collaboration entre Environmental Defense ( http://www.environmentaldefence.ca/) et the Canadian Environemental Law Association ( http://www.cela.ca/), et dont l'information se base sur le National Pollutant Release Inventory (NPRI).

57 Les valeurs données par le NPRI sont toutefois plus faibles, car elles excluent les émissions des véhicules miniers.

58 La capacité critique représente la sensibilité d'un lac. Elle est définit comme la plus grande quantité de dépôt acide qu'un lac puisse supporter avant qu'il ne subisse des changements chimiques et biologiques à long terme.

4.2.5. Enjeux sociaux

La mise en valeur des sables bitumineux a été le déclencheur d'un développement économique sans précédant dans la région de Fort McMurray. La croissance extrêmement rapide des projets de développement a permis d'atteindre en 2004 l'objectif de production d'un million de barils par jour, censé être atteint en 2020. Cette industrie injecte dans l'économie plusieurs milliards et représentait, en 2007, 5.6% du PIB canadien. L'exploitation créé également 372'000 emplois, soit 2.2% de la population active (Talbot, 2009). Cependant, si le niveau élevé de production a généré un impact économique majeur pour la région et le Canada, il s'est traduit également par des bouleversements tout aussi importants sur le plan municipal et social.

(a) Répercussions sur les Premières Nations

La Municipalité régionale de Wood Buffalo qui héberge en grande partie les aires d'exploitation des sables bitumineux s'avère être un lieu de résidence important des populations autochtones ou Premières Nations59. Certaines sociétés comme Syncrude font un effort délibéré pour les prendre en considération et soutenir leur participation à l'industrie des sables bitumineux. Mais même si les Premières Nations ont réussi dans une certaine mesure à tirer profit de cette activité, notamment grâce aux nouvelles occasions d'emploi et d'affaires qui s'offrent, de nombreux résidents des ces collectivités continuent de vivre dans la pauvreté en dépit de la richesse considérable de la région. En outre, le développement de l'industrie des sables bitumineux occupent des segments de plus en plus vastes des territoires traditionnels des Premières Nations et endommagent les terrains et les écosystèmes dont ils tirent depuis toujours leur subsistance. La région est de plus en plus polluée et les habitants craignent les aliments issus de la chasse et de la pêche et l'eau de la rivière qu'ils avaient l'habitude de consommer (Comité permanent des ressources naturelles, 2007). Certains habitants de Fort Chipewyan, soutenus par des médecins, prétendent que le taux d'incidence de cancers est plus élevé dans le village, que de nouvelles formes de cancers rares sont diagnostiquées, et accusent la pollution déversée par les sociétés pétrolières d'en être responsable (Harkinson, 2008). Après des années de déni, les experts gouvernementaux ont reconnu, en 2009, le taux anormalement élevé de cancer. Ils tempèrent, toutefois, les résultats « fondés sur un petit nombre de cas » et concluent qu'un lien entre la pollution potentielle et des effets sur la santé ne peut pas encore être confirmé (Chen, 2009).

(b) Impacts sur le plan social

Le développement accéléré des sables bitumineux et l'arrivée massive d'ouvriers du pétrole ont eu un impact considérable sur la région et ont radicalement transformé la ville de Fort McMurray. L'agglomération a doublé de taille en quelques années. Le plan de développement municipal reste toutefois basé sur des prévisions qui ne tiennent pas compte du taux de croissance démographique actuel. Cette croissance trop rapide a engendré de nombreux problèmes sociaux et locaux. Sur 72 critères de mesure de la qualité de vie, 70 sont insuffisants (Woynillowicz, 2007). Les infrastructures locales et les services publics sont débordés et rien n'indique que la situation est en train de changer (Office national de l'énergie, 2006).

Le coût des loyers à Fort McMurray est le plus élevé du Canada et ceux de l'immobilier sont les plus hauts en Alberta. L'offre de nouveaux logements est considérablement ralentie par le manque de terrains et la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur de la construction. Le nombre de sansabri, gonflé par le coût exorbitant du logement est le plus élevé en Alberta (Comité permanent des ressources naturelles, 2007).

59 Terme utilisé par les populations autochtones ou indigènes canadiennes pour désigner les « Amérindiens ».

Le système de soins de santé est saturé et nécessite une augmentation du personnel, une nouvelle formule de financement et de nouvelles installations de soins. Par ailleurs la municipalité manque d'écoles, d'enseignants et de ressources pédagogiques, et les programmes, services et installations à vocation sociale ne répondent plus aux besoins actuels. La capacité de la municipalité à répondre aux besoins de base en infrastructures est depuis longtemps dépassée. Si aucune solution adéquate n'est proposée, cette situation pourrait mettre en péril la durabilité de l'exploitation des sables bitumineux (Comité permanent des ressources naturelles, 2007).

4.3. Impacts environnementaux globaux 4.3.1. Utilisation de gaz naturel

L'exploitation, l'extraction et la valorisation des sables bitumineux requièrent énormément d'énergie, actuellement fournie par un approvisionnement en gaz naturel important. Les projets de récupération in situ et d'exploitation minière intégrée consomment respectivement 34 mètres cubes et 20 mètres cubes de gaz naturel pour produire un baril de bitume60. Les besoins en gaz naturel du secteur sont approximativement de 25.5 millions de mètre cube par jours, soit 5% de la production du bassin sédimentaire de l'Ouest canadien. Ce qui représente environ 20% de la demande canadienne (Nikiforuk, 2009 ; Office national de l'énergie, 2009). Selon les prévisions, la consommation atteindra 60 millions de mètre cube par jour en 2015, soit près de 12 % de la production de gaz naturel, en supposant que la production de gaz se maintienne à 482 millions de mètres cubes par jour (Office national de l'énergie, 2009).

Les opérations d'extraction in situ reposent actuellement sur la production de grandes quantités de vapeur d'eau, destinées à fluidifier le bitume pour qu'il puisse être pompé à la surface, et nécessitent par conséquent un approvisionnement important en gaz naturel. Durant ces procédés, la quantité de vapeur qui doit être injectée pour récupérer une unité de volume de bitume, appelée rapport vapeur/pétrole, est le facteur critique qui détermine la consommation d'énergie et l'émissions de gaz à effet de serre associées. Ce rapport est une mesure de l'efficience des procédés de production. Une augmentation de ce rapport de 0.5 est approximativement équivalente à un volume additionnel de gaz naturel de 6 m3 par baril de bitume, responsable d'une émission additionnelle de 10 kilogrammes d'équivalent-CO2 par baril (kgCO2eq/bbl) (Charpentier et al., 2009 ; Office national de l'énergie, 2006). Bien que les compagnies tentent d'atteindre un rapport vapeur/pétrole de 2.5, la plupart des projets ont sous-estimé ce rapport et voient leur consommation de gaz naturel augmenter.

La hausse des prix de l'énergie, ces dernières années, a engendré une augmentation significative des coûts de production. Face à l'accroissement et à la volatilité des prix, les producteurs, soucieux de moins dépendre du gaz, continuent d'améliorer l'efficience énergétique des opérations et tentent d'explorer des solutions alternatives pour se procurer l'énergie et l'hydrogène nécessaires à l'exploitation (Levi, 2009).

60 En termes d'énergie, ces quantités sont équivalentes à un huitième et un quart de baril de pétrole, respectivement (Levi, 2009). Ce qui signifie qu'un baril de pétrole environ est consommé pour en produire quatre.

4.3.2. Émissions de gaz à effet de serre et objectifs de Kyoto

Le problème principal engendré par la consommation massive d'énergie fossile par l'industrie des sables bitumineux réside dans la controverse sur les émissions de gaz à effets de serre61 (GES) qui y sont associées. Le secteur des sables bitumineux et de l'industrie des énergies fossiles est le plus grand contributeur à la croissance des émissions de GES au Canada. Bien que l'intensité des émissions ait été fortement réduite par l'industrie62, cette dernière décennie, la rapidité et l'ampleur du développement ont largement annulé ces gains, en termes d'émissions.

En dépit du manque évident de transparence des compagnies pétrolières et de la difficulté de combiner les résultats de différentes études, Charpentier et al., (2009) ont regroupé et comparé les émissions de GES issus de divers types de production de pétrole ( Tableau ).

2L'analyse «well-towheel» - actuellement controversée, car la méthodologie utilisées est critiquée (Nikiforuk, 2009 ; Droitsch et al., 2010) - montre une différence faible entre les émissions de GES en fonction du moyen de production (exploitation minière et valorisation, extraction in situ et valorisation, in situ seulement, pétrole conventionnel). Ceci s'explique dans une premier temps, par la part considérable des émissions de GES due à l'utilisation des véhicules (combustion du carburant final), qui compte pour 60%-80% du total «well-to-wheel », et tend à diluer les différences entre les émissions dégagées au début du processus, et d'autre part, par le recours de plus en plus fréquent à la Récupération Assistée du Pétrole (RAP)63 qui entraîne une augmentation des émissions dans la production dite conventionnelle (Government of Canada, 2008b). Néanmoins, les émissions de GES à la production varient grandement selon l'origine du pétrole. La production issue des sables bitumineux (exploitation minière et valorisation, extraction in situ et valorisation) génère approximativement deux à trois fois plus de GES que la production conventionnelle (Charpentier et al., 2009 ; Government of Canada, 2008b ; Nikiforuk, 2009 ; Woynillowicz et al., 2005).

 

Production
(kgCO2eq/bbl)

"well-to-wheel"
(gCO2eq/km)

Mining and Upgrading (PSB)

62 - 164

260 - 320

in situ and Upgrading (PSB)

99 - 176

320 - 350

in situ (Bitumen)

n.d

270 - 340

Conventional oil production (Crude Oil)

27 - 58

250 - 280

Tableau 2. Emissions de GES exprimées en équivalent-CO2 pour la production et l'utilisation de produits pétroliers en Alberta. Source : auteur, d'après Charpentier et al., 2009.

Le Canada est un des 38 pays industrialisés (pays de l'Annexe I) engagés par le Protocole de Kyoto à des objectifs individuels, légalement contraignants, de réduction ou de limitation de ses émissions de gaz à effet de serre. Les objectifs pour le Canada constituent une réduction totale d'émissions de GES, pour 2012, de 6% par rapport au niveau de 1990. Ainsi, pour respecter ses

61 Les gaz à effet de serre qui font l'objet d'une estimation dans l'inventaire national sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4), l'oxyde nitreux (N2O), l'hexafluorure de soufre (SF6), les perfluorocarbures (PFC) et les hydrofluorocarbures (HFC).

62 Suncor (2007) affirme avoir réduit de 57% l'intensité des émissions, entre 1990 et 2006.

63 RAP est un terme utilisé pour définir les techniques (injection de vapeur, de gaz ou de produits chimiques) développées pour augmenter la part extractible d'un gisement donné.

engagements, les émissions totales en 2012 devraient se situer en dessous de 563 mégatonnes (Mt)64.

Les émissions globales de GES, au Canada, ont augmenté de 24%, de 1990 à 2008, ce qui porte les émissions globales à 734 Mt65, soit un dépassement de 30.4% par rapport aux engagements juridiques qu'a pris le Canada dans le cadre du protocole de Kyoto. L'industrie des énergies fossiles est responsable de 30% de cette augmentation et a augmenté ses émission, pour la même période, de 57% (Environment Canada, 2009 ; Government of Canada, 2008b). En 2004, 3% des émissions du Canada étaient issues du secteur des sables bitumineux. Actuellement, ce secteur représente 5% des émissions totales66 (37.2 Mt), et combiné à la production de gaz et de pétrole conventionnel, propulse l'Alberta à la tête des provinces canadiennes avec plus de 30% des émissions totales nationales de GES.

Il est maintenant évident que le Canada ne respectera pas ses engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto. Et ceci, même en imaginant faire appel aux différents mécanismes de flexibilité prévus par le protocole (Footitt, 2007). Parmi les Etats s'étant engagés à réduire leurs émissions de GES, le Canada se positionne en troisième position des pays ayant les plus mauvais résultats par rapport aux engagements. Entre 1990 et 2004, le Canada est devenu le huitième plus grand émetteur de GES et a dépassé les Etats-Unis, qui affichent un meilleur bilan, en termes de croissance des émissions (Nikiforuk, 2009). Avec environ 0.5% de la population mondiale et approximativement 2% des émissions mondiales, le Canada s'est positionné parmi les plus grands émetteurs de GES per capita.

Après avoir rendu public le bilan des émissions, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a été fortement critiqué, d'abord pour avoir mené une politique qui accorde une importance démesurée à l'industrie pétrolière et encourage le développement des sables bitumineux, et ensuite pour avoir remplacé le plan de réduction des GES, que les libéraux du gouvernement Paul Martin avaient mis en place, par des mesures incitatives légères (Francoeur, 2009). Pour justifier l'échec du contrôle des émissions, le Premier ministre Harper s'est défendu en déclarant qu'il était difficile de faire des progrès au Canada en l'absence d'un partenaire américain conciliant. Or ces derniers proposent un plan de relance qui contient bien plus de mesures destinées à encourager les investissements dans le développement d'énergies propres que le budget de Harper présenté fin janvier 2009 (Simpson, 2009).

Bien que les sables bitumineux ne puissent être tenu seuls pour responsable de la croissance des émissions canadiennes, il est évident que le développement de leur exploitation y a joué un rôle important. Les sables bitumineux sont responsables de 98% de la croissance de la production de pétrole entre 1990 et 2004 (Government of Canada, 2008b).

Avec la croissance de l'industrie bitumineuse, les projections prévoient que les émissions de GES issues du secteur atteindront 108 Mt, en 2020, soit un triplement des émissions par rapport à 2008 (Droitsch et al., 2010) ( Figure ).

17Les projections sont généralement basées sur la croissance des sables bitumineux et les intensités des émissions prévues. Si l'intensité des émissions a significativement été réduite par l'industrie (les opérations des sables bitumineux utilisaient du

64 cf. United Nations Framework Convention on Climate Change, http://unfccc.int/2860.php

65 Depuis 2004, la tendance à la croissance semble s'être atténuée et les émissions de GES du Canada, en 2008, ont subi une légère baisse par rapport au niveau de 2007. Cette baisse s'explique en partie par le ralentissement de la croissance économique qui a débuté en 2008.

66 cf. Canada's Oil Sands, http://www.canadasoilsands.ca/en/issues/greenhouse gas emissions.aspx, consulté le 5 juillet 2010.

charbon et du coke comme source d'énergie, alors que le gaz naturel est actuellement le carburant utilisé), il n'est pas prévu, à court et moyen terme, de réductions supplémentaires importantes. Elles n'ont d'ailleurs diminué que de 3%, entre 2004 et 2008 (Droitsch et al., 2010).

Figure 17. Emissions de GHG et prévisions des émissions jusqu'en 2020. Source : Droitsch et al., 2010.

Bien que la croissance du développement de l'exploitation des sables bitumineux concerne tant les opérations minières que l'exploitation in situ, il est attendu que cette dernière prédomine, en terme de production, à partir de 2017. Les résultats de diverses études au sujet des émissions de GES ont par ailleurs montré de manière consistante que la production in situ (91 kgCO2eq/bbl, sans valorisation) est responsable d'émissions de gaz à effet de serre plus importantes que la production minière (36 kgCO2eq/bbl, sans valorisation)67.

Le gouvernement du Canada, s'est tout de même engagé, pour 2020, à réduire les émissions de GES de 17% par rapport au niveau de 2005. Cet engagement a été inscrit dans l'Accord de Copenhague, avec l'avertissement que l'objectif sera aligné avec les objectifs des Etats-Unis et pourrait subir des ajustements.68 En outre, l'objectif visé n'est fixé dans aucune législation canadienne, et jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a encore publié aucun plan pour y parvenir (Droitsch et al., 2010).

Le captage et stockage du carbone (CSC) que proposent certains experts, pourrait représenter un moyen de réduire les émissions futurs. Cependant, il est improbable que, dans les années à venir, cette technologie soit développée à un niveau suffisant pour exercer un effet sur les émissions comprises dans la seconde échéance prévue par le Protocole de Kyoto. Le CSC est une technologie relativement récente et beaucoup d'incertitudes demeurent quant aux coûts opérationnels et aux résultats escomptés (Footitt, 2007).

Si les émissions de gaz à effet de serre projetées par Environment Canada, selon le scénario business-as-usual, se confirment, elles atteindront, en 2020, un niveau supérieur par rapport à 2005 de 28%, l'expansion des sables bitumineux comptant pour presque la moitié de l'augmentation (Droitsch et al., 2010).

67 Il est estimé que les émissions de GES dégagés pendant les procédés de valorisation se situent entre 52 et 79 kgCO2eq par baril de bitume (Huot and Dyer, 2010).

68 cf. Government of Canada - Canada's Action on Climate Change, http://www.climatechange.gc.ca/default.asp?lang=En&n=72F16A84-1

5. GESTION DES IMPACTS ET PERSPECTIVES

5.1. Recommandations et améliorations des pratiques industrielles

Alors que les politiques gouvernementales et les systèmes de planification ont pris du retard, la croissance du développement des sables bitumineux se poursuit actuellement à un rythme effréné. Le gouvernement manque cruellement de systèmes de gestion environnementale pour assurer un développement industriel pétrolier responsable et respectueux de l'environnement. L'allocation de terrains aux industries et l'approbation de projets par le gouvernement, en l'absence de connaissances des risques et de la faisabilité de certaines opérations, constituent un comportement inconscient, qui peut conduire à s'interroger sur la légitimité du processus actuellement en cours. La direction que prend le développement doit être révisée si le gouvernement veut respecter ses engagements en matière de gestion durable des écosystèmes et de conservation de la biodiversité. Plusieurs organisations environnementales non gouvernementales, dont le Pembina Institue, ont régulièrement publié des rapports détaillés sur les impacts générés par les sables bitumineux et proposent des recommandations afin que le développement industriel ne se réalise pas au détriment de l'environnement. Ces recommandations reposent aussi bien sur l'instauration de politiques et de cadres de planification par le gouvernement, que l'amélioration des pratiques industrielles. Ces dernières n'étant pas suffisantes, seules, pour diminuer significativement les impacts environnementaux, elles devraient toutefois constituer une norme minimale exigée.

5.1.1. Principales recommandations

1 L'é tablissement d'aires .

protégéesAfin de préserver un échantillon complet des espèces natives de la région, des parcelles de territoire devraient être protégées comme réserves naturelles. Cette mesure peut être vue comme une action pour compenser les pertes écologiques résultant de l'intense activité industrielle. Pour que ces aires protégées puissent remplir leur rôle de réservoirs de la biodiversité, il est impératif que certains critères soient remplis. D'abord, les terrains devront être complètement protégés de l'utilisation industrielle (développement pétrolier et exploitation forestière), ensuite, il est indispensable qu'ils constituent un échantillon représentatif des écosystèmes de la forêt boréale, et enfin ils devront être de taille suffisante pour supporter une population viable et maintenir les processus écologiques (Schneider and Dyer, 2006).

1 cLa réation d'un plan d'aménagement du .

territoireIl n'existe actuellement pas de plan régional qui permette de définir comment le développement futur de l'exploitation des sables bitumineux sera intégré avec la protection de l'environnement. Afin que les efforts individuels des compagnies et du gouvernement soient coordonnés, un plan d'aménagement du territoire devrait être constitué. Il prendrait en considération les caractéristiques environnementales de référence (antérieures au développement industriel) pour établir des objectifs quantitatifs et qualitatifs de gestion et d'utilisation du sol, tels que le choix du terrain alloué pour l'exploitation pétrolière, l'intensité et la durée de l'exploitation, ou le niveau de perturbation (densité de route, par exemple) autorisé (Schneider and Dyer, 2006).

1 L'instauration de seuils d'impacts cumulatifs à un niveau régional, par l'introduction de limites strictes de l'intensité de développement sur une aire donnée. Cette mesure permettrait de réduire les effets cumulatifs sur une région sujette à des impacts issus de divers types d'exploitation industrielle (pétrole conventionnel, sables bitumineux, exploitation forestière).

1 L'exigence de la restauration d'une forêt boréale autonome et l'établissement de critères transparents de remise en .

étatLa remise en état basée sur le Land Capability Classification for Forest et l'objectif de « l'equivalent land and capability », en vertu de l'Environmental Protection and Enhancement Act (EPEA), est fondamentalement inadéquate pour les raisons expliquées précédemment. Le gouvernement de l'Alberta devrait exiger qu'au terme de l'exploitation, les industries restaurent le terrain en un écosystème autonome et rétablissent ses caractéristiques dans des proportions approximativement identiques à celles qui existaient avant la perturbation. En outre, des critères de restauration qui respectent les valeurs aquatiques et terrestres, biotiques et abiotique originales devraient être établis et intégrés dans l'EPEA (Grant et al., 2008).

1 L'interdiction des EPLs. Le gouvernement de l'Alberta devrait interdire les projets d'exploitation minière qui prévoient la création d' « end pit lakes» comme moyen de gestion des résidus liquides.

5.1.2. Principales améliorations des pratiques industriellesproposées

1 Réduction de l'utilisation d'eau et gestion des .

résidusLes prélèvements d'eau et particulièrement ceux effectués à partir de la rivière Athabasca devraient être réduits et les procédés de recyclage de l'eau des résidus aqueux devraient être améliorés. Récemment, pour réguler les résidus et réduire le volume des résidus liquides, une directive69 a été émise par l'ERCB. Elle impose aux industries l'établissement de délais pour la consolidation des résidus et leur disposition dans des zones d'élimination spécifiques planifiées, en vue de la remise en état (Simieritsch et al., 2009).

1 Exploration .

sismiqueLes lignes sismiques nécessaires aux activités d'exploration génèrent une fragmentation importante du paysage et forment des espaces vides longtemps après la fin des opérations d'exploitation. Leur largeur devrait être réduite et des barrières devraient être installées pour éviter qu'elles ne soient utilisées comme voie d'accès à travers la forêt (Schneider and Dyer, 2006).

1 Alternatives au procédé SGSIV. Il existe actuellement deux alternatives à ce procédé d'extraction in situ: VAPEX et THAI70. Ces deux technologies sont en phase d'essai, mais semblent prometteuses. Grâce à une consommation moindre en eau et en énergie, ainsi qu'à une intensité des émissions réduite, elles devraient être privilégiées dans les opérations de production in situ.

69 Directive 074: Tailings Performance Criteria and Requirements for Oil Sands Mining Scheme.

70 cf. chapitre 2.3.2. Récupération in situ, p.18.

1 Reforestation des plateformes de .

forageLe Nord-est de l'Alberta est ponctué de milliers de sites de forage abandonnés, déclaré remis en état, mais qui n'ont pas été restaurés en un écosystème forestier. Il faudrait réduire la surface de la zone affectée, le nombre de puits forés et la densité de l'infrastructure associée. Les procédés de revégétalisation devraient commencer rapidement et les espèces végétales invasives devraient être évitées (Schneider and Dyer, 2006).

5.2. La gestion des effets cumulatifs sur l'environnement

Entre 1999 et 2009, la production des sables bitumineux est passée de 300'000 bbl/par jour à environ 1.5 millions de bbl/j. Selon les estimations, elle devrait atteindre 3 millions de bbl/jour en 2015 et 5 millions de bbl/jour en 2030 (Levi, 2009). Au vu des effets importants sur l'environnement exercés par la production actuelle, il est légitime de s'interroger sur les impacts potentiels qui découleront de la croissance du secteur.

Chaque projet approuvé et mis en application par les industries s'accompagne d'impacts additionnels sur la qualité de l'air, les forêts, la biodiversité et les ressources en eau. L'accumulation progressive d'impacts environnementaux qui, considérés individuellement, peuvent paraître insignifiants, conduit à des effets cumulatifs pouvant causer des dommages irréversibles sur la forêt boréale. Le seuil de résilience ou limite environnementale, qui représente la capacité d'un écosystème à résister à des changements avant de subir des transformations irréversibles (disparitions d'espèces, modifications profondes des sols et du réseau hydrologique), pourrait ainsi être dépassé si aucune mesure adéquate n'est entreprise (Severson-Baker et al., 2008).

Le CEMA (Cumulative Environmental Management Association) a été créé, en 2000, dans le but de collecter des informations scientifiques et de proposer des recommandations aux gouvernements de l'Alberta et du Canada pour élaborer une meilleure gestion des impacts cumulatifs sur l'environnement par le développement industriel de la région. Le CEMA a été fondé comme association multipartite basée sur le consensus, comprenant divers représentants de l'industrie des sables bitumineux, des gouvernements de l'Alberta et du Canada, de la Municipalité régionale de Wood Buffalo, des communautés Aborigènes et Métis, ainsi que d'organisations environnementales non gouvernementales71. La stratégie quinquennale adoptée par le CEMA visait à traiter 34 problèmes environnementaux majeurs, par le développement et l'application de seuils, de directives, d'objectifs environnementaux et d'outils de gestion de l'utilisation des ressources.

Après plusieurs années de vains efforts et de non-respect des délais pour l'introduction d'un système de protection de l'environnement, le CEMA a perdu sa crédibilité et sa légitimité et le processus semble ne pas être suffisamment efficace face à la croissance du développement des sables bitumineux. Parmi les principales lacunes du processus, les plus flagrantes comprennent (Severson-Baker et al., 2008) :

1 L'absence d'un plan d'utilisation du sol pour protéger les écosystèmes régionaux.

1 L'absence d'une limite inférieure du débit de la rivière Athabasca, en-dessous de laquelle les prélèvements par l'industrie pétrolière seraient interdits.

1 L'absence d'un plan de gestion environnemental pour le maintien de l'intégrité des bassins versants.

71 cf. CEMA, http://www.cemaonline.ca/

1 L'absence de directives pour la remise en état et la restauration écologique des tourbières. 1 L'absence de normes de certification pour la remise en état.

Les raisons qui ont été invoquées pour expliquer cette absence de progrès se réfèrent à la complexité des questions environnementales et à la difficulté d'arriver à un consensus dans le processus de partenariat, aggravés par l'accélération du développement et par le nombre de projets. En d'autres termes, en continuant à autoriser les nouveaux projets à passer par le processus d'approbation réglementaire, le gouvernement de l'Alberta a donné une plus grande priorité à l'approbation de nouveaux projets de développement qu'à l'établissement de limites et de systèmes de gestion environnementale (Severson-Baker et al., 2008). Ce comportement paradoxal a abouti à des situations dans lesquelles, après avoir mandaté le CEMA pour étudier la faisabilité d'un projet et mesurer les impacts potentiels de celui-ci, le gouvernement de l'Alberta a déjà alloué les terrains avant d'obtenir les résultats du CEMA, et a continué de les allouer même après que le rapport, enfin publié, recommande la protection d'une partie du territoire en question (Raoul, 2010).

L'approbation d'un projet d'exploitation avant qu'une évaluation environnementale ou qu'une demande d'atténuation ne soit émise constitue un avantage certain pour les sociétés pétrolières. Il n'est pas dans l'intérêt des industries d'encourager le développement de plans de gestion environnementale, susceptibles d'augmenter les coûts ou de rendre plus difficile l'approbation pour un nouveau projet ou pour un projet d'expansion. Une fois que l'approbation a été octroyée, il est moins facile pour le gouvernement de l'Alberta, tant politiquement qu'au niveau procédural, d'exiger des mesures environnementales plus strictes. Par conséquent, il existe une certaine tentation pour les compagnies des sables bitumineux membres du CEMA de retarder les progrès de développement de systèmes de gestion environnementale (Severson-Baker et al., 2008).

Progressivement, certains groupes écologistes et aborigènes ont décidé de quitter l'association. Les raisons émises pour justifier leur retrait consistaient en : une préoccupation que les parties prenantes ne participaient que pour défendre l'intérêt de leur organisation et non les causes environnementales, un manque de résultats par rapport à ce qui était envisagé, une perception d'inégalité de pouvoir parmi les membres du groupe (les industries semblaient dominer numériquement et avoir un certain contrôle supplémentaire).

Certaines associations environnementales (Pembina Institute, Toxics Watch Society ofAlberta et Fort McMurray Environmental Association) affirment néanmoins qu'un système de gestion environnemental est urgent et qu'une gestion adaptative de ces systèmes est nécessaire. Les problèmes survenus ces dernières années doivent être utilisés pour tirer des leçons pour l'avenir. Afin de restaurer la crédibilité et la légitimité du CEMA, son actuelle organisation doit être dissoute et le gouvernement de l'Alberta doit reconnaître que l'approche actuelle est fondamentalement inadaptée (Toxic Watch Society of Alberta, 2008).

Selon ces associations, une nouvelle organisation devrait être bâtie, basée sur la structure du CEMA. La nouvelle organisation devrait inclure la participation du Département de l'Energie de l'Alberta et des gouvernements des Premières Nations, absents du CEMA, et le rôle des gouvernements de l'Alberta et du Canada, à l'intérieur de l'association, devrait être renforcé. L'organisation devrait servir également de forum de dialogue afin d'identifier les priorités et de fournir un avis stratégique sur les solutions proposées. Les financements devraient provenir du gouvernement et de l'industrie. De plus, le soutien de l'industrie ne se ferait plus sur base volontaire, mais comme une obligation intégrée dans les processus d'approbation des licences. Et par-dessus tout, un plan régional d'utilisation du sol, qui considère de manière équitable les implications sociales, environnementales et économiques du développement, devrait être intégré.

Cela afin de fixer des objectifs et des délais clairs, publiquement disponibles par la diffusion régulière de rapports (Severson-Baker et al., 2008).

Quelque soit le système de planification choisi, il est toutefois urgent qu'un moratoire sur l'approbation de nouveaux projets et l'allocation des terrains soit mis en place, jusqu'à ce que les règles environnementales soient introduites.

5.3. Le rôle des pouvoirs publics

Selon les termes de la Constitution, les provinces sont propriétaires des ressources naturelles situées sur leur territoire. Dans le cas de l'Alberta, les droits miniers - qui s'étendent au pétrole, au gaz naturel, aux sables bitumineux et aux autres minéraux 1 ont été cédés par le gouvernement du Canada en vertu de la Loi des ressources naturelles de 1930. La province possède 97% des droits miniers relatifs aux sables bitumineux, les 3% restant sont entre les mains des propriétaires exclusifs. Le gouvernement de l'Alberta a donc compétence sur cette ressource et l'administre pour le compte de ses citoyens. La province cède par bail aux entreprises privées le droit d'extraire et de produire à partir des sables bitumineux, et perçoit en retour des bénéfices par l'intermédiaire de paiement de location, de redevances et de taxes. Le gouvernement de l'Alberta octroie le droit de forer pour amasser, travailler, récupérer et déplacer les sables bitumineux (Governement of Alberta, 2009a). Le régime foncier pour leur développement est engagé lorsqu'une compagnie soumet une demande au Département de l'Énergie pour une parcelle de terrain affecté à une offre publique. Les droits sur les sables bitumineux sont ensuite vendus au plus offrant. Toutefois, le système du régime foncier actuel limite la capacité du gouvernement à gérer efficacement le développement. L'extraction en Alberta se poursuit à un rythme supérieur à la capacité des organismes gouvernementaux de réglementation et des gestionnaires des terres à comprendre et prévenir à long terme les dommages environnementaux irréversibles. La vitesse à laquelle les droits sur les sables bitumineux sont délivrés détermine le rythme des activités d'exploration et de développement futurs. Par conséquent, les décisions quant à savoir si et dans quelles conditions les droits seront octroyés représentent la première et la plus importante occasion pour le gouvernement d'examiner et de réguler cette exploitation afin de ne pas excéder les limites supportables par l'environnement. Cependant, l'absence d'un plan d'utilisation du sol et le manque d'objectifs environnementaux ne permettent pas au gouvernement de prendre des décisions qui tiennent compte des impacts environnementaux et sociaux, ceux-ci étant trop souvent négligés au profit d'une volonté de stimuler la production (Holroyd et al., 2007). Depuis le début des années 1990, les gouvernements de l'Alberta et du Canada ont joué un rôle important dans le renforcement de l'industrie en créant de fortes incitations aux investissements72 et en délivrant les droits sur les sables bitumineux aussi vite que possible (Woynillowicz et al., 2005).

Le rôle du gouvernement du Canada relativement aux sables bitumineux concerne essentiellement la protection de l'environnement, la protection des cours d'eau et la protection des terres appartenant aux indigènes. L'environnement fait l'objet d'une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement des provinces. La compétence partagée est une situation complexe qui exige une étroite collaboration entre les gouvernements concernés. Toutefois, si le gouvernement du Canada est habilité à effectuer des évaluations environnementales générales des projets en question, en vertu du Environmental Protection and Enhancement Act, il n'a jamais

72 cf. chapitre 3.2.1. Effet de l'allègement du régime fiscal, p.25.

exigé, ni participé à une évaluation environnementale portant sur les répercussions de l'exploitation des sables bitumineux, y compris, la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre et les dommages causés aux cours d'eau (Comité permanent des ressources naturelles, 2007).

Dans ses recommandations (Holroyd et al., 2007), The Pembina Institute défend qu'un moratoire sur les nouveaux accords sur les sables bitumineux est essentiel jusqu'à ce que le système de régime foncier actuel soit revu et révisé, qu'un cadre politique tel qu'un plan d'affectation du sol soit établi et que des objectifs environnementaux soient intégrés. Le taux de croissance de l'exploitation des sables bitumineux devrait être reconsidéré en rapport avec les perturbations occasionnées sur l'environnement, l'infrastructure et l'économie de la région, ainsi que sur les systèmes sociaux. L'allocation des droits devraient prendre en considérations les impacts négatifs potentiels tout en optimisant les bénéfices pour les citoyens albertains. Actuellement 33% de la surface des dépôts de sables bitumineux a déjà été octroyée. Les 67% restants, sont une opportunité non négligeable d'améliorer la gestion de l'allocation du sol.

5.4. Le gouvernement fédéral

Le gouvernement du Canada est régulièrement la cible de critiques virulentes concernant l'exploitation des sables bitumineux. Depuis la victoire du Parti conservateur du Canada, aux élections fédérales de 2006, et l'élection de Stephen Harper en tant que Premier ministre, le pays semble avoir confirmé sa volonté de tirer profit de leur mise en valeur. Le parti conservateur au pouvoir est en effet largement favorable au développement de l'exploitation des sables bitumineux dans le but de faire du pays une « superpuissance » énergétique, au profit des grandes multinationales et du voisin américain (Raoul, 2010 ; Talbot, 2009). Avec la réduction du budget consacré au plan canadien de lutte contre les changements climatiques et le prolongement de l'allègement fiscal consenti aux promoteurs de l'industrie bitumineuse, le gouvernement est considéré comme allant à l'encontre de la protection de l'environnement.

En mars 2009, la publication, par le National Geographic, d'un reportage accablant sur les effets de l'exploitation des sables bitumineux a fait réagir la classe politique à Ottawa et à Edmonton. Le journal compte plus de 50 millions de lecteurs et est traduit en 32 langues. Conscients de l'effet dévastateur que pouvait avoir l'article sur la réputation du pays, les gouvernements fédéral et provincial, et l'Association Canadienne des Producteurs de Pétrole se sont empressés de se défendre face aux accusations de l'article qui qualifie les usines de traitement de pétrole de « sombres » et « sataniques » (Kunzig and Essick, 2009 ; Colyer, 2009). Les chefs des partis de l'opposition en ont profités pour accuser publiquement le gouvernement conservateur de n'avoir rien fait pour améliorer la performance environnementale des sables bitumineux.

Soutenu par le gouvernement de la province de l'Alberta, de tradition conservatrice, le Premier ministre, qui s'est toujours montré sceptique sur les résultats scientifiques relatifs au réchauffement climatique (Francoeur, 2004), a engagé le pays dans une économie basée sur les énergies non-renouvelables et dans un laxisme environnemental manifeste (Nature, 2008). En outre, il semble ignorer l'opposition croissante de l'opinion publique, mondiale, nationale et même de la province de l'Alberta, où selon un sondage publié par le Pembina Institue, 71% de la population interrogée estiment qu'un moratoire sur les approbations des nouveaux projets est nécessaire jusqu'à ce que les problèmes environnementaux soient résolus (Dyer, 2007).

6. CONCLUSION

Il peut être intéressant de modéliser l'ensemble des paramètres mis en évidence par ce travail en un diagramme d'influence afin d'en dégager les principales problématiques et de définir les points sur lesquels une intervention serait envisageable.

A cet effet, la Figure 18 se veut une représentation73 des influences réciproques économie/environnement, regroupant les principaux facteurs impliqués dans le développement des sables bitumineux. L'analyse de ce type de schéma se base sur l'identification de boucles de rétroaction, qui peuvent être positives (divergences et déstabilisation) ou négatives (convergences et stabilisation). Dans le cas présent, on en distingue huit :

1 Croissance du pétrole issu des sables bitumineux : L'exploitation des sables bitumineux est rendu largement rentable par les prix actuels du brut. De nouveaux projets d'exploitation et d'expansion se développent et mettent sur le marché un pétrole couteux destiné principalement aux Etats-Unis.

1 Rentabilité de l'exploitation : Tant que la production est rentable, de nouvelles installations peuvent être implantées, et les coûts de production réduits favorisent une marge bénéficiaire confortable pour les sociétés pétrolières.

1 La technologie accroit l'exploitation et Nécessité d'un effort environnemental : L'innovation technologique et le développement d'installations plus efficientes et moins coûteuses repose sur la Recherche et le Développement, financés par les industries pétrolières. Celles-ci disposent d'un capital et de moyens d'investissements d'autant plus importants que la rentabilité des produits pétroliers est grande. Toutefois si aucune mesure environnementale n'est exigée, les innovations technologiques auront pour effet d'augmenter la production au détriment de l'environnement.

1 Pression du législateur et Industrie moins polluante grâce à la technologie : Des études d'impacts environnementaux et des recommandations sont nécessaires pour d'une part, mettre en place des politiques de gestion environnementales afin de mieux contrôler l'approbation de nouvelles installations, et d'autre part, exiger que les industries développent des technologies qui respectent des normes environnementales strictes.

1 Effet pervers de l'évolution technologique : Les bonnes intentions du progrès technologique induites en partie par la pression du législateur peuvent avoir un effet pervers du fait qu'elles peuvent augmenter encore la rentabilité des bitumes et contribuer aux dommages environnementaux en stimulant la production.

1 Substituts au pétrole : La menace de l'épuisement des réserves de pétrole classique et la croissance du prix du pétrole associé stimulent la recherche de substituts.

73 Le diagramme a été réalisé à l'aide du logiciel Vensim.

61

Demande de
pétrole

Croissance
économique

Recherche de
substituts

+

Substituts au pétrole

+

Epuisement des réserves
classiques de pétrole

Croissance du pétrole
issu des sables
bitumineux

+

+

+ Nouvelles

installations

Rentabilité du
bitume

-

Rentabilité de
l'exploitation

Capital disponible au
secteur d'exploitation

Pression du
législateur

-

+

Exploitation des

sables bitumineux

Politiques de gestion
environnementale

+

Effet pervers de
l'évolution
technologique

Coûts de
production

-

+

+

Progrès techniques en

matière d'environnement

La technologie
accroit l'exploitation

+

Industrie moins
polluante grâce a la
technologie

+

RD technologique

+

Impacts
environnementaux

Innovations
technologiques

+

-

Nécessité d'un effort
environnemental

Figure 18. Interactions économie/environnement dans l'exploitation des sables bitumineux. Source: auteur et Pierre L. Kunsch.

+

+

+

-

-

+

Prix du brut sur le
marché

+

Demande de pétrole
des sables bitumineux

La croissance économique, symbolisée par la variable exogène sans rétroaction, constitue le moteur du système. Elle ne représente donc pas un facteur susceptible d'être modifié dans une optique de réduction des impacts environnementaux. On constate qu'il existe bien des boucles négatives (de contrôle) qui pourraient intervenir dans la réduction de ces impacts. Elles sont toutefois encore trop faibles pour pouvoir facilement contrecarrer les boucles positives entraînées par la rentabilité de l'exploitation. Le dilemme économie/environnement pourrait être solutionné par le renforcement de ces deux boucles de rétroaction négative, à savoir :

1 Rechercher des substituts au .

pétroleLa recherche de solutions alternatives au pétrole et notamment de développement des énergies renouvelables est en plein essor et constitue un secteur dans lequel les investissements augmentent. Cependant, tant que le prix du brut sur le marché n'aura pas atteint un seuil dissuasif et tant que la menace de l'épuisement des réserves pétrolières ne se sera pas matérialisée, les investissements consentis resteront faibles en comparaison à ceux du secteur pétrolier.

1 Développer des technologies moins polluantes et établir des plans de gestion .

environnementaleLa protection de l'environnement et le maintien d'un contrôle sur le développement de l'exploitation dépendent de l'établissement de politiques de gestion de l'environnement et de l'adoption de nouvelles lois et de leur application. Néanmoins, au vu du soutien inconditionnel que portent les gouvernements de l'Alberta et du Canada à cette source de profit, il est peu probable que des changements législatifs importants voient le jour dans les années à venir.

Malgré ces perspectives modestes, il est surtout nécessaire de rappeler que l'exploitation et la mise en valeur des sables bitumineux relèvent d'une entreprise colossale ayant peu d'équivalents dans l'Histoire industrielle récente. Les impacts présents et futurs qu'exerce un processus aussi rapide et ambitieux sur la biosphère sont à l'image de cette démesure. Peu connus, imprévisibles, et quasiment absents des processus décisionnels, ils représentent l'épée de Damoclès qui menace un marché déjà fortement corrompu et critiqué. Le fait qu'un tel projet puisse outrepasser les barrières qui, ailleurs, canalisent les excès potentiels, souligne bien la puissance de son moteur : la demande énergétique insatiable de notre modèle de société moderne occidentale à laquelle il est impossible de répondre autrement que dans l'urgence et la brutalité, générant une source de profits capables de corrompre n'importe quelle structure gouvernementale.

RÉFERÉNCES

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ANNEXES

Annexe 1 : Carte de l'Alberta. Source : Ressources naturelles ada.

Can

Annexe 2: Carte du Venezuela et localisation des gisements d'huiles extra lourdes dans le bassin du fleuve Orénoque. Source : U.S. Geological Survey, 2009.

Annexe 3 : Prix mensuels du pétrole léger/moyen et lourd et du bitume pour l'année 2010. Source : ERCB.

Energy Resources Conservation Board

ST-3: Alberta Energy Resources Industries Monthly Statistics Table - Oil Prices - 2010

$ per cubic metre

Crude Oil - Heavy

Crude Oil - Light & Medium Crude Bitumen

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Year to Date

Jan

Feb

Mar

Apr

May

Jun

Jul

Aug

Sep

Oct

Nov

Dec

2010

$426.52

$420.03

$432.40

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$426.32

$481.07

$488.16

$498.19

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$489.14

$405.02

$395.79

$401.14

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$0.00

$401.14

Annexe 4 : Production et volumes à disposition de pétrole brut, en Alberta, en 2010. Source : ERCB.

 

Supply and Disposition of Crude Oil and Equivalent

Unit = m3

Run Date:April 26, 2010

 

Supply

 

Jan

Feb

Mar Apr May

 
 
 
 

Opening Inventory

 

10'856'368.5

10'912'551.9

11'270'816.1

Production

 
 
 
 
 

Crude Oil Heavy

679'377.3

623'724.8

692'044.0

 

Crude Light & Medium

1'535'454.0

1'427'440.4

1'596'177.9

 

Crude Bitumen

3'237'420.1

3'179'465.7

3'573'149.3

 

Condensate

65'044.2

58'367.7

65'250.7

 

Total Production

5'517'295.6

5'288'998.6

5'926'621.9

Oil Sands Plant Process

 
 
 
 
 

Synthetic Crude

2'873'144.0

3'207'073.6

3'501'310.3

Plant/Gathering Process

 
 
 
 
 

Pentanes Plus

388'304.9

349'237.9

390'220.8

Fractionation Yield

 
 
 
 
 

Pentanes Plus

180'185.8

166'597.3

189'945.1

Skim Oil

 

8'276.3

8'226.0

8'722.6

Imports

 

1'435'990.4

1'336'652.4

1'519'171.5

Close Inventory

 

10'912'551.9

11'270'816.1

11'391'770.0

Total Supply

 
 
 
 

10'347'013.6

9'998'521.6

11'415'038.3

Disposition

 
 
 
 

Alberta Refinery Sales

 

1'947'756.4

1'852'218.4

1'918'481.9

Alberta Other Sales

 

202'115.0

294'003.7

331'864.9

 

Total Alberta

2'149'871.4

2'146'222.1

2'250'346.8

Other Canada

 
 
 
 
 

British Columbia

210'238.3

169'222.6

225'938.8

 

Saskatchewan

920'426.9

818'467.0

1'162'614.5

 

Manitoba

0.0

0.0

0.0

 

Ontario

704'669.6

525'382.5

595'092.9

 

Quebec

0.0

0.0

0.0

 

Maritimes

0.0

0.0

0.0

 

NWT & Yukon

0.0

0.0

0.0

 

Total Other Canada

1'835'334.8

1'513'072.1

1'983'646.2

USA

 
 
 
 
 

PAD1

184'696.3

91'010.3

128'680.4

 

PAD2

4'234'242.5

4'036'463.6

4'636'035.3

 

PAD3

0.0

0.0

0.0

 

PAD4

1'416'346.9

1'292'516.7

1'489'159.8

 

PAD5

499'312.3

610'965.1

588'923.0

 

Total USA

6'334'598.0

6'030'955.7

6'842'798.5

Offshore

 

96'975.9

402'500.4

166'153.0

Removed from the Province

 

8'266'908.7

7'946'528.2

8'992'597.7

Reporting Adjustment

 

-69'766.5

-94'228.7

172'093.8

Total Disposition

 

10'347'013.6

9'998'521.6

11'415'038.3

 
 

0.0

0.0

0.0

Reporting Adjustment %

 

0.67%

0.94%

1.51%

Note:

 
 
 
 

Please note that the volume of in situ bitumen upgraded to synthetic crude oil (SCO) has been removed from

the Production Crude Bitumen category, and the corresponding volume of SCO is reported in the Oil Sands Process Synthetic Crude category.






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld