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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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1.3 Histoire d'une configuration, compositions, recompositions familiales.

Martine et Eva

À la différence de Martine, Eva commence en présentant la configuration de sa famille dont elle fait pleinement partie. Parler de parentalité pourrait éventuellement l'exclure, selon les représentations. Parler d'un projet de coparentalité tel que l'entend l'APGL l'inclut forcément.

Au départ, elle raconte qu'elle et Martine souhaitaient avoir un enfant et elles ont rencontré un homme qui vit en couple et qui voulait aussi avoir un enfant. Elles ont rencontré plusieurs personnes et ont choisi cet homme-là. Ce serait principalement Martine, la future mère « biologique », qui aurait fait son choix même si l'avis d'Eva comptait aussi. C'est Martine qui aurait « bon, cette personne m'intéresse, cette personne ne m'intéresse pas... » Elles auraient rencontré des hommes ensemble, elles auraient fait plusieurs rencontres intéressantes et assez rapidement selon Eva, elles ont rencontré George et elles ont fait un enfant avec lui. Leur famille, c'est une coparentalité, c'est-à-dire qu'il y a deux parents « biologiques » et des coparents qui seraient plus ou moins investis dans l'éducation de leur fils.

Eva est sa « deuxième maman », elle se présenterait à lui comme telle et il la prendrait comme telle aussi alors que le copain de George, lui se présenterait comme « parrain ». Pour elle, il participe beaucoup à l'éducation mais ne le considère pas comme son fils. Il se ferait appeler « parrain », par son prénom. Eva et Martine aurait bien senti qu'il y aurait d'un côté, les enfants de Jim et de l'autre, le fils de George. Alors que selon Eva, elle et Martine considèreraient Esteban comme leur enfant et les suivants seraient leurs enfants quelle que soit la « mère biologique ».

Se définir comme parents revient à définir ce qui n'est pas un parent. Tout comme Vanessa parlait de l'investissement de Karine en opposition à la non implication de Maël, Eva se compare à Jim qui se ferait appelé « parrain » ou par son prénom et qui donc serait « moins » parent que Eva. On attribue des critères à une identité auxquels on s'identifie (être parent c'est se présenter comme « maman » ou « papa », je me présente comme « deuxième maman » donc je suis maman) en s'opposant à ceux qui n'y répondent pas. Dans le même temps, si Eva se présente comme la « deuxième maman », elle se fait appeler par un diminutif proche de son prénom.

Pour son projet de coparentalité, Eva aurait rencontré plusieurs hommes. Ce serait un peu différent de la situation de Martine, car Eva les rencontrerait seule alors que Martine et

Eva auraient rencontré ensemble George et ceux qui l'ont précédé. Martine ne souhaiterait rencontrer les hommes seulement quand Eva considère qu'ils pourraient être le père de ses enfants. Cela signifie que quelque chose a changé depuis qu'elles sont devenues les parents d'Esteban. Sans doute, leur première conception de la coparentalité tendait vers plus « d'égalité » alors qu'aujourd'hui, mère statutaires et « deuxième maman » sont très différenciées. Quand Martine se veut « en retrait » vis-à-vis des enfants d'Eva, dans son discours, face à moi ou dans le choix de leur père, cela lui permet de justifier les inégalités présentes avec sa conjointe. Toutes deux renvoient cela au « naturel », à la capacité de réflexion supposée supérieure de la part de la mère qui sera enceinte. Et cela même avant la grossesse puisque cela se joue dès le choix du père.

Martine a rencontré quelques hommes sélectionnés par Eva qui pour l'instant ne correspondraient pas. Parce que, pour Eva, le conjoint est aussi important. Elle aime bien rencontrer les hommes seuls, surtout au départ et puis s'il et elle ont quelque chose en commun, elle rencontre aussi leurs conjoints. Jusqu'à présent, le conjoint aurait posé problème parce que la personne révélait une partie d'elle-même qui ne correspondrait pas à ses projets.

Ce mode de rencontre implique les parents non statutaires tout en offrant la priorité aux futurs parents statutaires. Mais Eva donne de l'importance au conjoint et le fait qu'elle soit elle-même conjointe de la mère statutaire d'Esteban n'est sans doute pas anodin puisque ne pas reconnaître d'importance au conjoint, c'est ne pas revendiquer sa propre importance vis-à-vis d'Esteban. Elle doit donc négocier ce qui est convenu au sein du couple (priorité au parent statutaire) et reconnaissance individuelle.

Pour Eva, « deuxième maman », ce n'est pas vraiment un rôle, ce serait plutôt une relation. Ce serait de l'émotion, de l'affection, de l'investissement émotionnel, de l'investissement éducatif. Au départ, elle aurait considéré qu'elle allait être sa mère. Elle ne se serait pas dit, suite à une rencontre avec lui « tiens, je vais être sa mère », elle s'est dit au départ « voilà, c'est l'idée de notre famille », qu'elles seraient deux mères, avec une clarté évidente que ce serait deux mères différentes, que ce ne serait pas forcément la même chose chez les autres. Elle souhaitait présenter à Esteban les choses de manières très claires. Il pourrait compter sur elle comme sur une mère et elle s'occuperait de lui comme une mère.

Martine - elles en auraient discuté ensemble - souhaiterait se positionner comme « deuxième mère ». Eva pense que Martine, en tant que « mère biologique » comme en tant que « co-maman », se positionne plus dans du ludique, de l'émotion, de la tendresse et elle pense qu'elle le fera pour les deux. Eva pense que ce ne sera pas la même relation de toutes

façons parce qu'il y aurait clairement une différence du fait qu'Esteban est son « fils biologique ». Dans l'émotion, dans le côté « tripes », dans le côté « animal », Eva pense que ce sera différent mais elle pense que pour Martine, Martine attend sa fille, elle ne se dit pas qu'elle attend la fille d'Eva mais sa fille.

On sent une tension entre le renvoi à la nature et la définition de soi. D'un côté, dans le couple, elles ont toutes deux convenu qu'il y avait un savoir « naturel », « viscéral ». Martine précise qu'elle est la mère d'Esteban et qu'Eva sera la mère de ses propres enfants. Mais pour Eva, les relations semblent moins cloisonnées. Elle se considère comme la mère d'Esteban tout en se différenciant de Martine. Et elle pense - alors même que Martine ne parvenait pas à se projeter - que Martine aura une relation similaire avec ses enfants qu'avec Esteban. Eva fait preuve d'une tension - plus que Martine - entre la volonté de hiérarchiser les « savoirs parentaux » (pour éviter les situations conflictuelles irrésolvables en cas de désaccord dans le couple) et la volonté de se faire reconnaître comme parent d'Esteban et donc de tendre vers une égalisation des relations parentales, d'une égalisation entre les enfants eux-mêmes (agir de la même manière avec les un-e-s et les autres que le lien soit statutaire ou non).

Elle sait peu de choses sur Jim parce qu'elles ne le voient plus du tout. Il y aurait eu un moment donné où elles se seraient rendues compte qu'elles ne pouvaient pas gérer la situation à quatre, qu'il y avait beaucoup de malentendus, de quiproquos. Tous et toutes auraient décidé que Martine et Georges allaient gérer tou-te-s seul-e-s, entre eux deux. Ce qui ne les empêcherait pas pour Eva et Martine de prendre les décisions à deux, et pour George et Jim, de prendre les décisions à deux mais qu'il n'y ait qu'un seul point de rencontre et pas quatre.

Martine n'a pas toujours vu leur relation à elle et George comme une relation de parents divorcés. Au départ, pour elle, il et elle étaient comme des ami-e-s, des gens très proches qui partagent un idéal, qui ont envie de créer une famille différente à quatre, et non pas une famille deux et deux. Mais cela n'a pas fonctionné de cette manière car pour Martine, du côté de Georges et Jim, ce n'est pas très clair. Pour elle, ce sont des gens très mondains et elle associe cela avec le port d'un certain nombre de masques sociaux. Derrière ces masques, elle trouve que ce ne sont pas forcément des choses très belles et la parentalité ferait tomber les masques. Elles se seraient alors trouvées en face de personnes différentes. Alors quand ça dysfonctionne, Martine dit stop et elle dit « bon ok, on arrête de se voir et puis c'est tout ». Elles auraient alors fait appel au tribunal et au juge des affaires familiales. Et à partir de là, une nouvelle relation aurait été inventée qui lui semble beaucoup plus saine.

Martine et Eva ne raconte pas l'histoire de leur parentalité de la même manière. Martine fait valoir une histoire conjugale d'une part, dans laquelle elle donne la priorité de sa filiation à sa conjointe. Elle fait valoir une histoire entre elle et George d'autre part, une histoire qui ressemble à la construction d'une parentalité au sein d'un couple. Il et elle se sont choisi-e-s « avec le coeur ». Elle l'aime parce que c'est le père de ses enfants. Tou-te-s deux sont comme des parents divorcés. Quand elle parle de leur configuration, elle en parle comme quelque chose qui n'a pas réussi, qui a dû être renégociée et transformée. Eva, quant à elle, valorise prioritairement la configuration qui lui donne une place, un rôle tout en appuyant sur le fait que pour elle, leur famille c'est elle, Martine et Esteban. C'est-à-dire son foyer, son couple. Elle différencie sa relation avec Esteban de celle que Martine a avec lui comme cela semble avoir été négocié dans son couple, tout en appuyant sur l'idée de leur famille, basée sur la coparentalité. D'ailleurs, pour Eva, rater sa famille, c'est ne pas la construire selon sa propre notion de famille même si cette notion change avec le temps. Pour Martine, rater sa famille, c'est constater que son enfant souffre. La première mobilise ce qui permet de lui donner une place auprès d'Esteban, la seconde répond aux attentes sociales vis-à-vis des mères.

Eva aussi appuie sur la relation qui uni(ssait) George et Martine, tout en parlant de sa relation avec l'homme qu'elle choisira pour ses enfants. La négociation se joue dans le fait que toutes deux seront mères statutaires et toutes deux seront parents sans statut. Une manière d'équilibrer les inégalités à défaut d'égalité. Si toutes deux ont un enfant reconnu par l'Etat comme étant leur enfant, cela rééquilibre les droits de chacune en cas de séparation (pour voir l'enfant avec lequel on n'a aucun droit, on doit accepter que l'ex conjointe voie l'enfant avec lequel l'Etat nous reconnaît des droits). La création d'égalité est ainsi une forme de résistance à la logique dominante. Elles se créent toutes les deux un statut et des droits en équilibrant les relations vis-à-vis des enfants avec qui elles vivent communément.

Lisa

Concernant la famille, c'est comme une association que Lisa imaginait cette coparentalité, une sorte de travail d'équipe pour un projet partagé. La famille comme démocratie locale, au niveau du moins des parents. Famille associative, cela signifiait aussi plusieurs choses : moins de risque "d'appropriation" de l'enfant, et aussi une certaine relativité des normes (notamment les normes qu'assoie chaque structure : alimentation, hygiène, vêtement...) mais ils et elles partageaient les grandes valeurs, les horizons.

Comme Eva, Lisa appuie sur la configuration, sur les valeurs communes, le milieu commun. Sur la constitution d'un groupe auquel elle appartient, dont elle partage les valeurs, ce milieu. Faire pleinement partie de ce groupe qu'est la famille associative, c'est se définir une place au sein de cette famille, celle ici de parent. Comme Lisa le précise, c'est l'idéal qu'elle avait imaginé et non celui qu'elle a le sentiment d'avoir vécu dans sa réalité. Néanmoins, elle raconte que pour avoir le droit de voir Antoine après la séparation, elle a rappelé la configuration sur laquelle s'était construite leur famille - ce qui montre bien l'importance de cette configuration dans la définition de soi comme parent.

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire