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Exclu-e-s du livret de famille : les parents sans statut, se raconter au sein d'une pluriparentalité

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par Elodie Regnoult
Université de Bretagne Occidentale - Master 2 2011
  

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2.3 Recompositions familiales et territoires de la parentalité

Anne a eu un premier divorce il y a vingt ans, puis elle a eu un deuxième compagnon, Patrick, qui avait des enfants du même âge que les siens. Stéphane, le fils de Patrick vivait chez son père. Elizabeth, sa fille, venait en vacances. Anne et Patrick ont donc eu une tribu de cinq enfants. Elle trouve que c'était parfois très dur mais que des liens très forts se sont tissés. Et cela même s'il y a eu des disputes que ce soit avec les enfants de l'un-e ou de l'autre, quand ils/elles étaient adolescent-e-s. Selon elle, c'étaient des adolescent-e-s très difficiles. Mais elle pouvait se fâcher contre eux/elles, qu'ils/elles soient ses propres enfants ou non, parce qu'ils/elles vivaient chez elle. Pour elle, c'est une question de territoire. Il y a un territoire au sein duquel elle pense qu'elle n'a rien à dire parce que ce ne sont pas ses enfants et un territoire où elle aurait à dire parce qu'ils/elles vivent chez elle. Anne serait porteuse de la loi chez elle.

Cela signifie qu'elle considère l'existence de territoires parentaux au sein desquels elle n'a pas eu d'emblée l'accès en toute légitimité pour les enfants de Patrick. Et de la même manière, Patrick n'en a pas eu d'emblée l'accès en toute légitimité pour ses enfants à elle. Par exemple, il y a eu une réunion de parents au collège pour un-e de ses enfants à laquelle elle ne pouvait pas se rendre. Il y a une interrogation et Anne aurait demandé à l'enfant : « Je ne peux pas y aller, est-ce que c'est légitime que Patrick y aille ? ». Et son fils aurait répondu « évidemment, bien-sûr ». Et pour Patrick, c'était pareil. Le commissariat a appelé Anne parce

146POTIN Emilie (2009), Enfants en danger. Enfants protégés. Enfants sécurisés ? : Parcours de (dé)placement(s) des enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance, Thèse de doctorat dirigée par Arlette Gautier, Université de Bretagne Occidentale.

que Stéphane, le fils de Patrick avait été arrêté parce qu'il consommait de l'herbe dans le parc. Les policiers lui auraient dit « Il a demandé expressément que ce ne soit pas son père qu'on appelle mais vous. ». Anne aurait compris à ce moment-là qu'elle était une figure parentale. Et dans le même temps, elle se disait que Stéphane se dédouanait de la colère de son père. Alors elle est allée le chercher et tou-te-s les deux sont allé-e-s boire un coca dans un café pour discuter et elle lui aurait dit « Tu comprends que je ne peux pas cacher ça à ton père, ce n'est pas possible ». Pour Anne, elle ne pouvait pas le dédouaner de la colère de son père mais la discussion aurait permis de le préparer. Elle considère que cet épisode précisément lui a fait prendre conscience qu'elle était une figure parentale pour les enfants de Patrick. C'est donc au moment où l'enfant elle/lui-même lui donne une légitimité en autorisant l'accès à ce territoire qu'elle considère comme parental, qu'il/elle la confirme à ses yeux comme référente.

Quand les cinq enfants sont là, le couple parental, à l'heure de se lever pour aller en primaire, au collège ou au lycée, passe dans les chambres pour vérifier qu'ils et elles se sont bien réveillé-e-s. En cas de problème, c'est le parent avec statut qui dirait « Allez, on se lève maintenant ! » Par contre, à table, si la table n'est pas débarrassée, les deux seraient légitimes « Bon, ça suffit ! ». Et les enfants débarrassent leurs couverts. Le territoire individuel des enfants, c'est la chambre. A part repeindre la chambre en noir car il y en aurait eu un qui aurait voulu repeindre sa chambre en noir et Anne aurait refusé parce que c'était sa maison. Mais même si la chambre est en désordre, elle ne dit rien, même pas pour ses propres filles. Quand les grands-parents sont venu-e-s, Patrick aurait eu honte et Anne aurait dit « T'inquiète, ils vont ranger » et ils/elles auraient rangé.

Anne considère trois types de territoires : les territoires parentaux (réservés aux parents comme l'école et le commissariat), les territoires collectifs au sein du foyer (où elle considère que les deux adultes ont d'emblée leurs mots à dire parce que c'est chez eux/elles), les territoires individuels des enfants où aucun des deux parents n'a accès.

Anne ne considère pas qu'il soit nécessaire d'être père ou mère statutaires pour accéder aux territoires parentaux. Mais elle définit tout de même ces territoires comme des territoires à accès restreint. Il faut être parent, avec ou sans statut. Le passeport, c'est ce statut ou l'autorisation de l'enfant. Si l'adulte a un statut légal de parent vis-à-vis de l'enfant, celui/celle-ci n'a pas à confirmer la légitimité de l'accès. Si l'adulte n'a pas ce statut, il faut d'abord qu'il/elle soit considéré-e comme parent, confirmé-e par l'enfant, pour avoir accès à ces territoires. Cela signifie qu'en définissant ces territoires de cette manière, raconter qu'on y

a accès sans avoir de statut de parent, c'est raconter qu'on est reconnu-e par l'enfant comme parent.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault