4.3 Etre parent de tous les enfants ?
Pour Philippe, il y aurait dans « parent », une
notion de responsabilité de l'adulte par rapport à l'enfant. Il
pourrait se considérer de ce fait, comme « parent » et
transmettre des éléments d'éducation même à
des enfants qu'il ne connaitrait pas. Par exemple, dire à un jeune dans
la rue qu'il faut mettre un casque quand on roule en scooter. La transmission
se ferait donc de l'adulte vers l'enfant avec un privilège pour les
siens qu'ils/elles soient « vrai-
e-s » ou « faux/sses ». Ce
privilège serait pour lui, lié à la présence
permanente, à la proximité et aux conventions sociales.
Dans l'ensemble, c'est la différence d'âge et la
cohabitation qui a défini son rôle auprès des enfants. Il
pense qu'une part d'amour complémentaire entrerait sûrement en jeu
pour les « vrais » enfants par le fait génétique selon
lui, et pour les « faux » par le lien privilégié
créé avec la maman. Cette part d'amour ne ferait peut-être
qu'augmenter la responsabilité de transmettre de l'adulte vers l'enfant,
ce qui pour lui est le rôle du parent.
On voit alors que Philippe connaît une ambivalence entre
sa vision qui croit en l'existence d'un lien génétique - ou du
moins reprend-il ce qu'il pense être le point de vue juridique et social
- et sa vision qui élargit la définition de parent - et
même de « papa » - à un rapport entre adulte et enfant
particulier, dépendant d'une différence
générationnelle, d'une histoire, d'une responsabilité.
Philippe se positionne dans un contexte social qui lui offre des
définitions qu'il interprète et ajuste en fonction de son
expérience. Il analyse ce qu'il perçoit de la
société et tend à s'en distancier - tout en restant dans
certaines croyances. Ces croyances sont nuancées car par exemple, les
guillemets autour de « vrais » et « faux » enfants,
parents, papa, ont été écrites par lui-même. Il
ressent la parentalité comme une histoire générationnelle
bien plus que statutaire ou génétique. Une autre histoire qu'il
me racontera en fin d'entretien et dont je ferai état dans la partie
suivante159, le prouvera.
Sa vision de la parentalité n'est pas sans
évoquer les sociétés océaniennes ou africaines
oül'adoption est une pratique courante et peut survenir
plusieurs fois dans une vie. Tout adulte
peut adopter un enfant et un enfant peut demander
lui-même à se faire adopter. Il n'y a pas de procédure
formelle et les géniteurs et génitrices ne peuvent pas ou peu
s'opposer160. Les parentalités s'ajoutent alors, quand dans
nos sociétés, elles se substituent les unes aux autres
(l'adoption plénière rompt la filiation avec la famille
d'origine). J'ai pu rencontrer une situation de parentalité additive,
par hasard, en discutant un jour avec un homme qui venait de Dakar et qui me
parlait de ses deux mères. Il ne les différenciait pas en termes
d'appellation si bien que depuis mon point de vue occidental, j'ai mis un temps
à comprendre « tu as deux mères en fait ? » Il
me répond que oui, l'une l'a élevé dès ses deux ans
car l'autre était encore au lycée.
159 « L'histoire d'une parentalité sans statut en
dehors de tout espace familial » p.111.
160 JEUDY BALLINI Monique, op cit.
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