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Quant s'envolent les grues couronnées et refrains sous le Sahel ou l'expression de la modernité poétique chez F. Pacéré Titinga

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par N'golo Aboudou SORO
Unversité de Bouaké - Maà®trise 2003
  

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Ou encore :

``Malgré vos chants d'orgueil au milieu des chantiers

Les villages désolés, l'Afrique écartée

L'espoir vivait en nous comme une citadelle''.

Mais la négritude, c'est une esthétique. A ce niveau les bouleversements sont énormes, tellement le poète veut se libérer de toute influence, et revendiquer son autonomie.

En effet, les premiers africains à être allés à l'école occidentale, ont été nourris de culture occidentale. Cela perdurent encore sous les indépendances. Aussi les premiers poètes vont-ils conserver une fidélité aux modèles anciens de la versification français. Ainsi que le témoigne Leurres et Lueurs de Birago Diop qui est presque entièrement composé en vers réguliers et "Héros d'ébène"36(*) dans Refrains sous le Sahel de PACERE dont les liens avec la poésie à forme fixe sont tangibles. Pour illustration, voici quelques vers de Birago Diop:

"Lorsqu'en vain j'ai pleuré // sur notre bref passé

Tranquille je reprends // le long joug des journées"37(*)

Le respect de la césure à l'hémistiche dans les vers ci-dessus font d'eux des alexandrins classiques. Ces vers réguliers tiennent à l'héritage de la littérature française du siècle classique, celle-là même, que ces poètes ont appris à aimer à l'école.

Les "négritudiens" seront également influencés par le romantisme, le symbolisme et le surréalisme. A défaut d'influences directes, ils ont néanmoins lu Baudelaire, Hugo, Verlaine et baigné dans le climat intellectuel de leur époque (le XXe siècle, avec son surréalisme ) . Il est donc normal qu'ils aient été imprégnés de tous ces courants poétiques, fût-ce à leur insu. Et Senghor confirme cela lorsqu'il dit avoir beaucoup lu les surréalistes ou que l'écriture surréaliste retrouve la parole négro-africaine38(*). Aussi pouvons-nous affirmer que la poésie négritudienne des pères fondateurs et celle de leurs épigones prend chaque fois la couleur de son temps à l'image de la poésie française, que ce soit au niveau de la forme ou du fond. Elle s'inscrit donc dans le grand mouvement de révolution poétique qui depuis Baudelaire, Rimbaud et Apollinaire, n'a cessé de bouleverser les formes traditionnelles de la poésie française. La rupture avec les règles classiques apprises à l'école, l'utilisation du rythme intérieur qui alterne irrégulièrement temps forts et temps faibles brisant ainsi la structure rythmique de la mesure classique comme le montre "Afrique" de David Diop dans Coups de Pilon et l'adoption de l'image poétique insolite, sont indubitablement les marques de la modernité, mais aussi de l'universalité de la jeune poésie négro-africaine.

Avec Pius N'Gandu N'kashama, nous disons "hommage aux héros et aux martyrs"39(*). Certes la négritude a sonné le glas d'une imitation servile de la poésie occidentale, cependant son temps est révolu. L'Afrique a parcouru un chemin depuis les indépendances et la poésie qui est "jaillissement quotidien" se

doit de rendre compte de la nouvelle situation, de la nouvelle société africaine en construction.

Si nous devons nous souvenir du passé, ce doit être pour nous l'occasion de sélectionner dans ce passé glorieux et/ou douloureux ce dont nous avons besoin pour participer à la construction de l'Afrique moderne et du village planétaire qu'annonce le troisième millénaire.

2- Poésie moderne Africaine

Après la poésie des mimétiques où la production littéraire occidentale était le modèle tant au plan formel que thématique, va suivre la négritude. Et comme le dit Lilyan Kesteloot, c'est à partir de là qu'on peut parler de littérature négro-africaine. Les négritudiens vont exprimer leur propre culture à la suite d'une prise de conscience douloureuse de leur situation socio-politique. Cri de souffrance et de révolte contre les Blancs et les mimétiques, la poésie de la négritude n'a cependant pas toujours été la production de poètes enracinés dans la culture africaine qu'ils ont tenté pourtant de valoriser. C'est le cas de David Diop auteur de Coups de Pilon, qui chante l'Afrique qu'il "connaissait mal, ayant été élevé en France à Bordeaux et ensuite à Paris."40(*)

Vivant presque tous en France, les négritudiens venus de l'Afrique comme Senghor et Birago Diop, n'ont gardé de la tradition orale que des souvenirs d'enfance, et leurs poèmes sont encore fortement inspirés de la prosodie classique, symboliste ou surréaliste. Pour David Diop cela n'a aucune importance, "pourvue que le créateur africain fasse entendre son chant ample et dur".

Cependant, à partir de 1966, suivant la classification faite par Pius N'gandu, cette poésie qui n'avait pour but que de crever les tympans de ceux qui ne voulaient pas l'entendre, va toucher à sa fin et d'autres poètes vont prendre

la relève pour d'autres luttes, d'autres audaces. "A partir d'ici se posent les jalons d'une véritable poésie africaine"41(*).

En lieu et place d'une généralité englobant toute la race, les poètes africains formés pour la plupart en occident vont "réfranchir le fossé" et plonger dans la civilisation africaine, prendre le "particulier" et "l'approfondire". Car, comme le dit André Gide cité par Lilyan Kesteloot, « c'est en approfondissant le particulier qu'on accède au général »

Les auteurs comme Siriman Cissoko42(*), vont emprunter «leur langage aux poètes traditionnels, aux griots, non pour revendiquer son appartenance à une "race" mais pour donner à sa poésie une empreinte de sincérité, d'expressivité intense »43(*). En effet Siriman reste attentif aux exigences de l'écriture dans Ressac de nous-mêmes, fondée sur la technique africaine de l'oralité sur laquelle est projetée "les consonances métaphoriques que seule permet la clôture de prosodie par l'écriture." 

Eno Belinga procédera de même dans son recueil : Ballades et chansons camerounaises44(*). Ce recueil n'est pas une transcription de chansons populaires comme on l'a reproché à Flavien Ranaivo. Mais sur leurs modèles est produite une nouvelle poésie faite de mots singuliers, des gestes quotidiens, des murmures de tous les jours, voulant faire comme les "griots" et "les conteurs traditionnels". Dans ce recueil, nous avons des poèmes courts en vers plus ou moins longs avec des rimes faciles et des assonances fortes, comme savent le faire les conteurs traditionnels du Cameroun dont les oeuvres sont l'objet de toutes les recherches d'Eno Belinga.

Tournant donc résolument le "dos" aux thématiques et aux images superficielles, le nouveau poète africain, comme le nomme Pius, va puiser dans

les sources intarissables de la littérature orale ou culturelle, celle des griots, et des conteurs traditionnels pour créer une nouvelle poésie. Cette dernière «se veut alors la traduction d'un sentiment poétique fortement enraciné dans le coeur du poète et non plus seulement une proclamation emphatique décalquée sur des bibes folkloriques »45(*).

La poésie moderne qui va donc définir l'écriture poétique africaine en tant que présence signifiante au monde et produire d'autres mythes en accord avec l'Afrique actuelle s'adresse à la jeunesse africaine, "première destinataire". Ainsi que nous le verrons dans les pages qui vont suivre, consacrées à l'analyse de la poésie de PACERE.

Au terme de l'analyse diachronique de la notion de modernité dans les poésies française et africaine, nous pouvons nous rendre compte de la complexité et de la relativité de celle-ci. En Occident, elle est synonyme de rupture avec le passé, avec les classiques et liberté de penser et d'écrire ou comme le dit Victor Hugo elle naît au moment où "l'homme se rend compte qu'il n'est pas seulement corps matériel, mais aussi corps et âme, bête et esprit"46(*).

Dans la littérature africaine et particulièrement en poésie, la modernité signifie l'adoption de l'écriture, de la langue et des techniques de versification occidentale. Mais elle signifie aussi et surtout le souci permanent qu'ont les poètes africains de retrouver les procédés et l'efficacité de la parole poétique orale ou tambourinée en utilisant l'écriture et la langue des Blancs. Toutefois, signalons avec B. Zadi Zaourou47(*), que cette poésie écrite est incapable de restituer la poly-rythmie du tam-tam puisqu'elle ne peut se lire que d'une voix unique. Là aussi est sa marque de modernité en tant que rupture avec la poésie orale qu'elle tente et ne peut jamais atteindre parce que les époques ne sont plus les mêmes.

Comme Prométhée des grecs, PACERE Titinga tend des armes, par lui forgées, à la jeunesse africaine afin de lui permettre d'avancer sans crainte d'être phagocytées sur le chemin par ceux dont les pères ont dit à leurs pères, qu'ils n'avaient rien inventé, qu'ils étaient « des tables rases », sans civilisation, sans littérature ou poésie.

A ce stade de notre réflexion, où nous toucherons aux textes que nous avons choisis, nous tâcherons d'organiser notre analyse autour des paradigmes : perfectionnement et dépassement, qui sont les fondements de toute pensée moderne ainsi que l'affirme Jacques Leenardt, dans le Futur antérieur (supplément)

Comme nous le verrons donc, la poésie "pacéréenne" tient de la poésie moderne, en ce qu'elle  "s'appuie sur un fond (un héritage) qu'elle transforme"48(*)  pour remplir la mission qui est la sienne dans une Afrique noire croupissant encore sous le joug de l'hégémonie occidentale et contrainte d'aller au "rendez-vous du donner et du recevoir" avec toute la pression voire l'asservissement que cela suppose.

Nous remuerons  cette « terre » de Manéga, tant dans la forme que dans le fond : les deux étant d'ailleurs inséparables. Cependant nous ferons la dichotomie pour une meilleure appréhension du génie du poète burkinabé, qui ne s'est pas donné dans une imitation servile de ses maîtres (les Anciens, pour parler comme Charles Perrault, le chef de file des Modernes, pendant la grande querelle de la fin du XVIIème siècle), de l'Occident et de l'Afrique.

PACERE n'a pas « volé » puis remis simplement, à la jeunesse africaine la poésie. Il a écrit des poèmes qui témoignent de son époque tant au niveau esthétique que thématique, après « digestion » rigoureuse de ceux qu'il a appris à aimer à Manéga, à l'école et à l'université. Et c'est là sa dissemblance avec Prométhée que Zeus a fini par punir.

* 36 ce poème est étudié dans la deuxième partie de ce travail

* 37 Cités à la page 29 in Notre Librairie N° 137

* 38 Lilyan Kesteloot Anthologie négro-africaine, la Littérature de 1918 à 1981, Alleur (Belgique), Marabou, 1987, p. .......

* 39 Pius N'gandu N'KASHAMA, op. cit., p.24.

* 40 Lilyan Kesteloot, id., p.153.

* 41 Pius N'gandu N'KASHAMA, op.cit, Paris, Ed. Silex, 1984, P 148.

* 42 id., pp.148-149

* 43 opcit., p. 234

* 44 Lilyan Khesteloot, op.cit., p. 159.

* 45 Pius N'gandu N'KASHAMA, ibid. p.234.

* 46 Cité par Makouta M'boukou (J.P.), op.cit, PP 24-26

* 47 Bernard ZADI ZAOUROU, La parole poétique dans la poésie africaine, Thèse de Doctorat d'Etat, Université de Strasbourg II, 1981, Tome 1, p. 596.

* 48 YEPRI Léon, op. cit., p.42.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius