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Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure résilience des territoires?

( Télécharger le fichier original )
par Léo MASSEY
Institut catholique de Paris - Master 2 métiers du politique et de la gouvernance 2012
  

Disponible en mode multipage

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Quelle gouvernance des risques

majeurs pour une meilleure

résilience des territoires ?

Léo MASSEY

Master 2 Métiers du Politique et de la Gouvernance

 

Directeur de Mémoire : M. Fabrice Hamelin 2eme Lecteur : Mme. Florence Veber

Sommaire

Introduction 3

1- La résilience des territoires face aux risques majeurs 5

1-1 L'action publique et les risques majeurs 5

1-1-1 Les politiques face aux paradigmes des risques majeurs 5

1-1-2 Aléas, enjeux et vulnérabilité : les composantes des risques majeurs 11

1-1-3 Les crises Çhors-cadresÈ 19

1-2 La résilience des territoires: une nouvelle stratégie pour les risques majeurs..24

1-2-1 De la polysémie à la mesure de la résilience 24

1-2-2 Risques majeurs et territoires 30

1-2-3 Le contexte international de la stratégie de résilience 32

1-2-4 Résilience organisationnelle, résilience urbaine et résilience des territoires 34

1-2-5 Plaidoyer pour une stratégie francaise de résilience des territoires 38

2- Analyse de la gouvernance française des risques majeurs 41

2-1 Institutions et acteurs 42

2-1-1 Une approche moniste : Pouvoir des experts et hauts fonctionnaires d'Etat 43

2-1-2 Une approche pluraliste : l'exemple des EPCI 47

2-1-3 Une approche par les réseaux : le rTMle des associations et des entreprises 50

2-1-4 Le rTMle central du citoyen : les réserves communales de sécurité civile et 54

l'organisation de la solidarité en temps de crise

2-2 Instruments 58

2-2-1 La collecte et la diffusion de l'information préventive sur les risques majeurs 58

2-2-2 Le contrTMle de l'urbanisation et les Plans de Prévention des Risques (PPR) 63

2-2-3 Focus sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles 64

2-2-4 Le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) : une organisation contractuelle pour 66

gérer les crises

2-2-5 L'évaluation : un nouvel instrument pour piloter la résilience des territoires ? 69

Conclusion 72

Bibliographie 74

Remerciement 79

Introduction

Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure resilience des territoires ?

A travers la lecture de ce titre, meme en ayant la connaissance des différents mots qui le composent, voire de leur relation, la première impression perceptible est un sentiment de complexité. Cette impression est justifiée. L'un des objectifs de ce mémoire sera d'expliciter cette complexité et de comprendre son utilité. Pour débuter, il est utile d'en avoir une approche distante. Cela permet de saisir le contexte sémantique soutenu par le choix des mots, et ainsi d'ouvrir la réßexion sur leur sens et la pertinence de leur emploi.

A cette fin, nous commencerons par une brève analyse comparative des deux concepts clefs fournis par notre titre, la gouvernance (governance) et la résilience (resilience). Ces deux concepts ont plusieurs points communs qui vont nous permettre d'introduire leur définition et de situer le contexte de leur emploi pour notre étude. Le premier point commun notable entre les deux concepts est leur polysémie respective. Quelques recherches sur internet témoigneront de l'effervescence de l'emploi des mots gouvernance et résilience dans des domaines variées (sociologie, psychologie, économie, géographie, politique, environnement...). Le second point commun est leur origine, le langage scientifique, et leur emploi de plus en plus fréquent par les administrations internationales et les gouvernements. Leur résonance internationale n'a de cesse d'augmenter depuis le début du XXIème siècle. D'ailleurs, de nombreux débats sont toujours ouverts sur leur définition et leur portée heuristique. Enfin, pour les deux concepts, leur traduction opérationnelle et leur évaluation se révèlent difficiles.

L'objectif de ce mémoire ne sera donc pas de définir précisément ces concepts mais plutTMt d'essayer d'analyser leur apport théorique et pratique pour la gestion des risques majeurs, avec en ligne de mire notre problématique :

Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure resilience des territoires ?

Cette question qui contient plusieurs «mots-clésÈ, entra»ne avec elle d'autres questions relatives à la définition de ces mots. Qu'est-ce qu'un risque majeur ? Qu'est-ce que la résilience des territoires ? Nous tenterons de répondre à ces questions de définition dans notre première partie qui constituera le «point d'ancrage» de notre réßexion. La notion de «point d'ancrage» fournit par Chester Barnard correspond à l'état d'esprit de l'apport de cette première partie :

« Il est necessaire d'avoir un tel cadre theorique afin de définir une sorte de «point d'ancrage», quelque lieu à partir duquel il devient possible de commencer à extraire de l'ordre à partir d'un chaos indescriptible, et d'avoir assez de rigidite - de « consistance È pour garder les choses en ordre suffisamment longtemps pour qu'il soit au moins possible de les considerer. »1

Pour résumer, l'architecture de notre développement sera construite pour déterminer la
doctrine et ses objectifs, afin ensuite, d'appréhender les rouages de sa mise en oeuvre.

1 Chester Barnard, « Comment on the Job of the Executive», Harvard Business Review, 1940 p. 307.

C'est seulement apres avoir présenté et analysé le concept de résilience des territoires dans le champ de la gestion des risques majeurs dans un premier temps, que nous tenterons ensuite de qualifier sa gouvernance. Il s'agira ici de présenter une analyse des modalités de prise de décisions des politiques mises en Ïuvre en France pour faire face aux risques majeurs. Nous tenterons d'élaborer une réßexion basée sur l'étude d'exemples. Celle-ci aura pour but d'identifier les acteurs ÇdécideursÈ et leurs intérêts, avant de présenter les instruments disponibles pour mettre en Ïuvre les décisions de ces derniers. Notre réßexion sera construite avec une vision intentionnellement critique.

La conclusion de ce mémoire sera double. Elle montrera que l'évolution de la gestion des risques nécessite aujourd'hui d'intégrer de nouveaux concepts comme celui de la résilience des territoires. Elle fournira ensuite une synthese des pistes d'évolution de la gouvernance des risques majeurs qui permettent d'améliorer la résilience des territoires.

1- La résilience des territoires face aux risques majeurs

Tous les jours les médias nous informent d'une nouvelle catastrophe dans le monde ou de la commémoration d'une catastrophe. Inondations, tempêtes, séismes, incendies, et accidents industriels surviennent avec une fréquence et une intensité qui n'a eu de cesse de se développer ces dernières années. Fukushima, Xynthia, Katrina, AZF, Tchernobyl, ... Cette liste non exhaustive de catastrophes nous renvoie tous à des évènements ultramédiatisés ayant eu des conséquences sociales et économiques désastreuses aux échelles locale, nationale et internationale. La question des risques majeurs est caractéristique des sociétés modernes empreintes de technologies sophistiquées, interdépendantes, et de plus en plus fragiles. L'impact négatif croissant des catastrophes, interpelle aujourd'hui plus que jamais l'opinion publique et les décideurs qui la représentent. L'évolution des stratégies déployées face aux risques majeurs sera étudiée en deux temps dans cette première partie.

Le premier temps traitera des liens entre les politiques et les risques majeurs. Nous y exposerons les paradigmes2 en jeu pour la gestion des risques majeurs, leur traduction politique, ainsi que l'anticipation des nouvelles formes de risques majeurs.

Dans un second temps, nous nous intéresserons au concept de résilience des territoires. Nous y exposerons la polysémie de la résilience et les relations qui lient risques majeurs et territoires, puis nous analyserons le contexte international des stratégies de résilience, avant de détailler les qualificatifs qui lui sont associés (organisationnelle, urbaine et territoriale). Nous finirons par un appel pour l'élaboration d'une traduction stratégique de ce concept en France.

1-1 L'action publique et les risques majeurs

1-1-1 Les politiques face aux paradigmes des risques majeurs

Nous allons analyser ci-dessous, les relations qui lient les politiques aux paradigmes des risques majeurs. Ces paradigmes sont présents aux niveaux sémantique, institutionnel, voire juridique. Après l'introduction des termes de Çcatastrophes> et de Çrisques majeurs>, nous présenterons la première politique française intégrant le concept de risques majeurs. Pour finir, nous exposerons les systèmes de légitimités qui déclenchent l'action publique face aux risques majeurs.

1-1-1-1 Les catastrophes et les risques majeurs : quels liens avec les politiques ?

La catastrophe peut se définir comme un évènement brutal entra»nant un nombre de décès important et/ou des dommages économiques de plusieurs centaines de millions d'euros. Deux variables permettent de caractériser une catastrophe : les impacts humains (nombre de victimes) et économiques (montant des dommages).

2 Définition du paradigme que nous retiendrons : ÇEn doctrine économique, choix des problèmes à étudier et des techniques propres à leur étude> ( Larousse.fr)

La notion de catastrophe est bien plus ancienne que le concept de risques majeurs. Les mythes bibliques comme le déluge, sont des témoins de l'intérêt très ancien des hommes pour ces évènements. Longtemps, l'ampleur désastreuse des catastrophes est supposée être le résultat de la volonté divine. Cette perception est toujours présente, en particulier dans des pays peu développés, oil la faiblesse de l'éducation scientifique et l'importance de la religion sont dominantes3.

En France, la séparation de la religion du champ politique de 1905 marque un pas important pour la gestion des catastrophes. Si Dieu n'est plus responsable des désastres naturels et des accidents, alors il nous faut trouver d'autres responsables. Le hasard ? Celui-ci est un bien trop faible argument face aux revendications des populations en quête de sécurité. Les responsables sont ainsi tout désignés : les politiques. La gestion des crises est en effet la mission première du politique. Il doit prendre les décisions dans le but de limiter les catastrophes, afin de garantir l'ordre et la sécurité de l'Etat. Cela est d'autant plus vrai si l'on considère que les crises physiques sont interdépendantes des crises sociétales. Une déclaration de guerre peut aboutir à des milliers de morts, tout autant qu'une famine peut provoquer une guerre civile. C'est ainsi que depuis toujours, même avant les prémisses de l'Etat-providence, les fonctions premières des gouvernements étaient relatives à l'ordre et à la sécurité de l'Etat.

Outre ce lien originel entre les responsables politiques et les catastrophes, il existe un autre lien bien plus pragmatique. Celui-ci correspond à la crise que provoque la catastrophe. Comme toutes les crises, elle entra»ne des changements. Et ces changements sont l'occasion pour les politiques d'imposer leur vision. Ce constat est résumé dans un article récent de Didier Heiderich et Natalie Maroun (experts communication de crise), intitulé «La fabrique de la crise par le politiqueÈ4.

Les auteurs y démontrent que les hommes politiques fabriquent les crises. Ils expliquent ce constat par plusieurs causes. La première est le résultat d'un certain besoin de reconnaissance des élus politiques. En effet, «une bonne gestion de la criseÈ par un élu lui fournira un bilan positif à même de convaincre ses administrés de lui réitérer leur confiance. La seconde cause, plus perceptible, se matérialise par la création de la peur par la crise. Cette peur étant un moteur puissant, elle permet de déclencher des actions qui appara»tront comme légitimes au regard de la gravité de la catastrophe. Le scénario des crises est toujours le même. Il se déroule en trois actes. L'évènement est d'abord hypertrophié. Ensuite l'émotion de l'opinion publique est mobilisée. Enfin, des mesures d'urgence sont annoncées. Ce scénario est soutenu par les médias qui y trouvent tous les ingrédients pour l'élaboration d'un bon sujet. Le public est ainsi amené à passer d'une émotion à une autre sans avoir le temps de recul nécessaire pour se poser des questions de fond sur les catastrophes et le concept de risques majeurs. Nous noterons que ce positionnement de sauveur incarné par les politiques n'est pas étranger au faible sentiment de responsabilité de la population face aux catastrophes. Les liens entre catastrophes, crise et politiques sont donc de deux ordres : la responsabilité que la catastrophe exige des politiques, mais aussi leur possible utilisation à des fins électorales.

3 Andreana Reale, «Acts of God(s): the role of religion in Disaster Risk Reduction', Humanitarian exchange magazine, octobre 2010

4 Didier Heiderich et Natalie Maroun,«La fabrique de la crise par le politique', Libération, le 03/05/2012

Après ces quelques réßexions sur les liens entre catastrophes, crises et politiques, nous souhaitons plus particulièrement mettre en avant la relation de cause à effet entre les risques majeurs et les catastrophes. Voici une définition synthétique de cette relation : une catastrophe matérialise l'avènement d'un ou plusieurs risques majeurs. Un risque majeur se caractérise donc par la probabilité d'occurrence d'un évènement brutal, que l'on pourra qualifier de catastrophique ou de désastreux.

En France, cette notion de risques majeurs est apparue vers la fin des années 70. Elle fut conceptualisée par le chercheur Patrick Lagadec, en référence à certains accidents technologiques (Three Miles Island, Seveso, etc.) ayant eu un fort écho dans les médias. La notion de risque majeur a recouvert également les phénomènes naturels catastrophiques dont les dég%ots considérables avaient suscité une vive émotion dans l'opinion publique. Les risques majeurs sont à opposer aux autres risques, qualifiés de «quotidiens ou de «chroniques, et qui ont une plus forte probabilité d'occurrence. Ainsi les accidents routiers, domestiques ou professionnels, ainsi que les problèmes de santé publique (tabac, alcool et drogues), ne sont pas des «risques majeurs à proprement parler.

Ces «risques chroniques sont caractérisés par une forte probabilité d'occurrence et un impact dispersé dans le temps et l'espace. Et bien qu'ils soient fortement combattus par les politiques, ils jouissent d'une perception plus conciliante auprès de l'opinion publique. En effet, la prise de risque individuelle est ici acceptée en rapport avec les bénéfices qu'elle propose (transport, travail, confort, plaisir). Les risques majeurs sont moins admis car plus complexes. Les «bénéfices des risques majeurs sont moins évidents, et mettent en jeux des prises de risques collectives. En outre, leur matérialisation en catastrophe touche des populations nombreuses dans des intervalles de temps courts. Evidement de nombreux liens existent entre «risques chroniques et «risques majeurs. Dans les accidents technologiques majeurs, les causes peuvent être liées à des incidents ou accidents que l'on qualifiera de «chroniques. Ce fat par exemple l'une des origines de l'explosion, en 1984, de l'usine chimique de Bhopal (Inde). A l'inverse certains accidents majeurs (Tchernobyl, Fukushima) peuvent créer des risques chroniques (radioactivité, pollution des sols et des nappes phréatiques).

Que ce soient des tempêtes, des tsunamis, des incendies, des inondations, ou des accidents nucléaires ou chimiques, les risques majeurs ne sont pas acceptés par la population. Cela est encore plus vrai en ce qui concerne les «nouvelles menaces telles que les pandémies, ou les actes terroristes sur lesquels nous reviendrons.

Ce refus a un impact important dans la fagon dont les politiques traitent les risques majeurs. L'opinion publique, entra»née par les médias, constitue le déterminant de la prise de décision politique. La plupart des lois en matière de risques majeurs ont ainsi une genèse intimement liée à des évènements catastrophiques. C'est le cas des directives européennes «SEVESO, éponymes de l'accident industriel de 1976. C'est également le cas de la loi «Bachelot de 2003 faisant suite à la catastrophe d'AZF de Toulouse en automne 2001.

L'opinion publique ayant déclenchée la mise en avant des problèmes à l'origine des catastrophes, les politiques sont alors amenés à se tourner vers l'expertise. L'expertise est à la fois construite et pilotée par les hauts fonctionnaires de l'Etat. En matière de risques majeurs, cette expertise nécessite une mobilisation transversale des administrations publiques qui est encore aujourd'hui en cours de structuration.

1-1-1-2 A l'origine de l'action publique face aux risques majeurs, une politique de transition

Nous allons présenter un épisode révélateur de la structuration de l'action publique pour faire face aux risques majeurs. Cet épisode revient sur l'origine de l'apparition de la notion de risques majeurs dans les politiques frangaises. La description que nous allons en faire est tirée d'un article des politologues Genevieve Decrop et Claude Gilbert, datant de 1992, intitulé «L'usage des politiques de transition : le cas des risques majeurs».5

En France, c'est en 1981 que les politiques s'emparent de la notion de «risque majeur». Cela se traduit par la création d'un commissariat à l'étude et à la prévention des risques naturels majeurs par le président de la République Francois Mitterrand au lendemain de son élection. Celui-ci nomme à sa tête Haroun Tazieff, scientifique émérite, pare de la volcanologie frangaise, et personnalité médiatique reconnue. Cet acte semble ainsi indiquer de prime abord un «coup» politique. Cependant, il s'accompagne par la suite d'une décennie de structuration administrative ayant pour objet les risques naturels, ensuite étendus aux risques technologiques, et à la gestion de crises liée à ces risques.

Ce premier élan peut être défini comme une «aventure» politique plutTMt qu'une véritable politique publique telle que les chercheurs la définissent habituellement. En effet, son émergence, sa configuration particuliere, sa morphologie administrative et la quasiimpossibilité d'évaluer ses résultats font de cette gestion des risques majeurs une politique à la marge. Le premier chantier de l'équipe restreinte d'Haroun Tazieff fat la réalisation de l'inventaire des risques naturels et de leur cartographie. La loi du 13 juillet 19826, relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles donna à ce programme toute sa légitimité.

Le décret du 10 avril 1984 transforme le commissariat en une délégation directement rattachée au Premier Ministre. Un budget et des locaux propres lui sont alors dédiés, accompagnés par de nouvelles attributions : «participer à l'elaboration des programmes d'utilisation des moyens de secours nationaux en cas de catastrophes, qu'elle qu'en soit l'origine, de proposer les mesures de coordination interministerielle necessaire» et «de proposer au Premier Ministre les mesures necessaires à l'information du public». Tous les éléments d'une action publique globale de gestion des risques majeurs sont présents dans ce texte. La loi du 22 juillet 1987 reprendra d'ailleurs l'ensemble de ces éléments.

La vision globale de la gestion des risques majeurs n'est pas sans générer des divergences au plus haut niveau de l'Etat, en particulier avec le ministere de l'Industrie. Cependant, il est également intéressant de souligner l'observation bienveillante du ministere de l'Environnement qui voit, de par les catastrophes, ses themes remis à l'ordre du jour. Ainsi, lors de la cohabitation de 1986, le ministere de l'Environnement dirigé par Alain Carignon intégra le secrétariat d'Etat aux risques majeurs. Avec l'intégration de l'objet «risque majeur» dans le ministere de l'Environnement, le rTMle central de Tazieff se

5 Genevieve Decrop et Claude Gilbert, «L'usage des politiques de transition : le cas des risques majeurs», In:Politiques et management public, vol. 11 n° 2, 1993. La modernisation de la gestion publique : les legons de l'expérience - Actes du Cinquieme Colloque International Paris - 26/27 mars 1992 (Deuxieme partie). pp. 143-157.

6 Il est intéressant de noter qu'Haroun Tazieff lui-même avait à l'époque critiqué cette loi. Ses conséquences en termes de déresponsabilisation des citoyens face aux risques naturels constituaient l'argument principal de cette critique. Nous y reviendrons en 2-2-3

termine. Celui-ci tire alors un bilan pessimiste de son passage au gouvernement : «On avait naguere créé (...) un secrétariat d'Etat, mais on l'a fait trépasser alors qu'il n'était qu'un bébé de deux ans à peine. On avait créé une délégation aux risques majeurs, laquelle a presque aussitTMt sombré dans la vanité, le gaspillage et l'inefÞcacité d'une administration courtelinesque».

L'évaluation mitigée qu'il fait de son action peut se traduire ainsi :

- il aura fallu dix ans de batailles de frontieres et de luttes intestines pour faire entrer les risques majeurs dans la pratique administrative.

- le rTMle de l'importation du concept de risques majeurs aura surtout été médiatique.

Malgré ces critiques, le traitement politique de la question des risques naturels et technologiques n'en reste pas là. La notion de risques majeurs est consacrée par la loi du 22 juillet 1987 qui lui donne une légitimité juridique. L'architecture administrative actuelle se dessine alors. Le ministere de l'Environnement, tres impliqué dans la conception de ce texte, se charge de la mise en oeuvre de ses grandes orientations : traduction des risques dans les documents d'urbanisme, et information du public. En plus de la surveillance des établissements classés (exercé depuis 1971 par le ministere de l'Environnement via les DRIR7) est donc conÞée la «surveillance» des élus locaux en matiere de prévention des risques naturels. Pour leur part, le ministere de l'Intérieur et la sécurité civile s'afÞrment dans leur prérogative en matiere de gestion opérationnelle des crises.

L'épisode Tazieff, suivi par le «phagocytage» de la question des risques majeurs par le ministere de l'Environnement constitue une séquence révélatrice de deux transitions caractéristiques. La première est une tentative, presque avortée, de construire une stratégie globale, au sens militaire du terme, de la gouvernance des risques majeurs au sein des administrations. Cette tentative peut être qualiÞée de «politique de transition», qui a plus fait évoluer les esprits et la culture des fonctionnaires qu'elle n'a véritablement changé le mode d'administration des risques majeurs.

1-1-1-3 Les systemes de légitimités et l'action publique face aux risques majeurs

Apres avoir introduit les liens entre catastrophes et risques majeurs, et présenté l'exemple originel de la prise en compte de ces notions dans les politiques frangaises, nous allons reprendre et détailler le déclenchement de l'action publique face aux risques majeurs. Pour se faire, nous reprendrons le développement réalisé en 2008 par le chercheur Romain Laufer dans son article intitulé «O0 est passé le management public ? Incertitude, institutions et risques majeurs»8.

L'auteur nous indique deux pistes dont la synthese nous permettra d'orienter notre propos. Il soutient l'idée que les risques majeurs marquent la frontiere du régalien et que l'incertitude propre aux risques majeurs est au coeur de l'action publique.

Il présente une analyse des risques majeurs axée sur l'incertitude, et son impact sur
l'action publique. AÞn d'appréhender la notion de risque majeur, il propose ainsi de déÞnir

7 DRIR : Direction régionale de l'industrie et de la recherche

8 Romain Laufer, « O0 est passé le management public ? Incertitude, institutions et risques majeurs », Politiques et management public, Vol. 26/3, 2008 - URL : http://pmp.revues.org/1498

les « fondements institutionnels de nos croyances » en s'appuyant sur la notion de système de légitimité, et de crise de ce système. Il cite sur ce sujet l'anthropologue Mary Douglas (2001, "Dealing with uncertainty») :

« L'idée fondamentale qui soutient la possibilité de la société, plus fondamentale même que l'idée de Dieu, est l'idée qu'il y peut y avoir une connaissance certaine. Et celle-ci se révèle à son tour extraordinairement robuste, passionnément défendue par la loi et le tabou dans les civilisations modernes comme dans les anciennes. »

Il définit deux caractéristiques fondamentales des sociétés occidentales modernes : la démocratie et la bureaucratie. La première suppose que chacun a le droit d'objecter à l'action de tout autre, et la seconde suppose qu'au moins une fraction des actions sociales sont accomplies par de grandes institutions telles que l'Etat. Ces deux caractéristiques entra»nent la nécessité d'avoir une théorie admise par tous, « une représentation normative du sens commun ». Celle-ci est rendue obligatoire par le droit (« nul n'est censé ignorer la loi »). Nos démocraties modernes sont ainsi caractérisées par un système de légitimité autonome fondé sur la raison et la loi.

L'auteur montre ensuite comment la crise de ce système de légitimité poussée à son comble entra»ne une remise en cause des Çfondements institutionnels de nos croyances», eux-mêmes à l'origine de la notion de risque majeur. Cette crise des Ç fondements institutionnels de nos croyances » correspond à la remise en cause de « l'idée qu'il peut y avoir une connaissance certaine », que désormais ni « la loi », ni « le tabou » ne parviennent plus à défendre. Cette crise a pour effet une redéfinition de la souveraineté de l'État, définie alors comme l'instance qui a en charge la décision dans les situations exceptionnelles.

En analysant l'histoire des risques majeurs en relation avec l'histoire du système de légitimité rationnel-légal, Romain Lauffer dégage trois temps :

- l'État-Gendarme dont la t%oche et le destin sont d'être confrontés aux risques majeurs que sont la guerre et la révolution

- l'État-Providence qui ajoute aux risques majeurs de la période précédente la lutte contre l'anomie gr%oce aux développements des politiques de solidarité

- l'État de la dernière période, caractérisé par la crise du système de légitimité rationnel-légal lui-même, crise qui s'exprime par la prolifération des risques majeurs.

Cette crise de légitimité qui semble devoir conduire à un recul systématique de l'action publique, au bénéfice de logiques privées, conduit, dès que se manifeste un risque majeur, au retour rapide et massif, de l'État. C'est ce que montre aux États-Unis la critique de la faiblesse de l'intervention publique à la suite de l'ouragan Katrina.

Résumons-nous.

Nous avons vu que les politiques sont liés aux catastrophes car ils sont jugés responsables de la gestion des risques majeurs. Cette gestion des risques majeurs, et la gestion de crise en particulier, peut-être un moteur puissant pour le déclenchement de décisions.

Le rappel historique de l'entrée de la question des risques majeurs dans le champ politique frangais nous a permis de modérer l'impact réel de ce concept dans l'action publique. Cependant cette «politique de transitionÈ a constitué le déclenchement d'une lente évolution des consciences au sein des législateurs et de l'administration. Cette évolution s'est traduite par l'adoption de différents textes de lois depuis le début des années 80.

EnÞn, la notion de système de légitimité et le lien entre la crise de ce système, les risques majeurs, et l'action publique nous ont fourni une clef de compréhension supplémentaire pour appréhender la profondeur régalienne de la gestion des catastrophes.

Fort des différents paradigmes que nous venons de citer, nous allons maintenant exposer plus en détail la question des risques majeurs, via l'étude de l'expertise de l'Etat.

1-1-2 Aleas, enjeux et vulnerabilite : les composantes des risques majeurs

Nous avons montré comment la gestion des risques majeurs est une compétence régalienne, de par le rTMle fondamental de l'Etat dans le maintien de la sOreté et la sécurité. Pour mener à bien ces missions de gestion des risques majeurs, l'Etat s'appuie sur son expertise. Nous ne nous attarderons pas sur la description des acteurs et les conditions d'élaboration de cette expertise (cette approche sera développée dans la seconde partie). Notre présentation portera davantage sur le contenu et l'évolution de la «doctrineÈ des administrations en matière de gestion des risques majeurs. L'expertise de l'Etat a intégré les évolutions de cette «doctrineÈ, en étant parfois à l'origine meme de ces évolutions. L'expertise s'est d'abord focalisée sur l'étude des aléas, avant de se pencher sur la vulnérabilité. Aléa et vulnérabilité constituent les deux composantes du risque. Cette relation est généralement simpliÞé mathématiquement sous la forme du produit R = A ×

V9 .10

Dans les deux paragraphes qui suivent nous allons présenter deux approches complémentaires qui coexistent encore aujourd'hui dans les administrations en charge de la gestion des risques majeurs : une approche typologique par l'étude des aléas et une approche globale par l'étude de la vulnérabilité.

1-1-2-1 L'approche typologique des risques majeurs

L'approche typologique des risques a été pendant longtemps l'axe privilégié d'étude des risques majeurs. Cette approche typologique se focalise sur l'étude des aléas. L'aléa se déÞnit comme «une manifestation physique, un phénomène ou une activité humaine susceptible d'occasionner des pertes en vies humaines ou des préjudices corporels, des dommages aux biens, des perturbations sociales et économiques ou une dégradation de l'environnement. Font partie des aléas les conditions latentes qui peuvent, à terme constituer une menace. Celles-ci peuvent avoir des origines diverses: naturelles

9 R : risque. A : aléa, caractérisé par une fréquence et une intensité. V : vulnérabilité, caractérisée par la somme des enjeux présents dans la zone touchée par l'aléa (potentialité des pertes humaines et économiques)

10 André Dauphiné, ÇRisques et catastrophes : Observer - Spatialiser - Comprendre - Gérer», Armand Colin, 2001, p24

(geologiques, hydrometeorologiques ou biologiques) ou anthropiques (degradation de l'environnement et risques technologiques)È.11

L'approche typologique des risques classe les risques suivant l'origine de l'aléa. Pour chaque origine une science est privilégiée pour produire l'expertise. Aux hydrologues revient l'étude des inondations, aux géologues celle des séismes, aux ingénieurs forestiers la prévention des incendies, aux ingénieurs nucléaires l'étude des risques nucléaires, et ainsi de suite... Cette approche permet d'établir un panorama exhaustif des risques majeurs, en se focalisant sur les aléas, pour ensuite orienter les recherches vers une réduction de l'intensité de ceux-ci. Cette approche découle d'une vision prométhéenne : la Nature doit être étudiée pour être contrTMlée afin d'en supprimer les dangers pour l'Homme, et de pouvoir profiter pleinement de ses ressources.

Pour appuyer notre propos, nous allons faire une présentation typologique des risques susceptibles de toucher la France. Cela nous permettra d'identifier les différents risques, et de comprendre la méthodologie utilisée, depuis la fin du XIXème siècle jusqu'à une période récente, pour construire l'expertise scientifique en matière de risques majeurs.

La première classification communément admise est la distinction entre risques naturels et risques technologiques. Elle est d'ailleurs reprise dans nombre d'ouvrages et textes de lois, et a le mérite d'établir un socle pédagogique facilement compréhensible par le plus grand nombre. La lecture du guide élaboré par la Direction de la Prevention de la Pollutions et des Risques en 200412 reprend cette approche typologique pour vulgariser les connaissances scientifiques en matière de risques majeurs. Nous allons utiliser la classification proposée par ce guide pour expliciter les différents risques majeurs.

Les risques naturels majeurs

Dans la « famille È des aléas naturels on intègre communément : les inondations, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes, les mouvements de terrains, les avalanches, les incendies de forêt, les cyclones et les tornades, voire les phénomènes climatiques extrêmes (grands froids et canicules). Nous allons brièvement présenter les trois premiers (inondation, séisme, éruption volcanique) en poussant encore leur classification et en fournissant quelques exemples d'évènements qui se sont produits par le passé. Cela nous permettra d'appréhender la complexité des risques naturels et d'évaluer leur potentiel de destruction.

Les inondations

11 Cette définition est celle de l'ONU (Secrétariat interinstitutions de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes, Genève, 2004).

12 Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable, Direction de la Prévention de la Pollutions et des Risques - SDPRM, « Les risques majeurs - Guide general », 2004, 64 p, URL : http://catalogue.prim.net/43 les-risques-majeurs--- guide-general.html

Une inondation est une submersion rapide ou lente d'une zone habituellement hors d'eau. C'est un phénomène naturel qui dépend de plusieurs facteurs (météorologique, topographique, voir urbanistique).

La typologie retenue en France depuis 1992 est la suivante :

-les inondations de plaines

-les inondations par remontée de nappe

-les crues des rivières torrentielles et des torrents

-les crues rapides des bassins périurbains

On peut ajouter à cette typologie le risque de submersion marine.

La matérialisation du risque lié à ces inondations est la conséquence de deux composantes : l'augmentation anormale du niveau d'eau, et la présence d'enjeux (humains et/ou économiques) dans la zone submergée.

Exemples d'inondations :

La tempête Xynthia de 2010 à l'origine d'une submersion marine qui toucha onze départements, en particulier la Vendée, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres et la Vienne. 47 décès et plus d'1 milliard d'euros de dommages furent recensés.

Les crues torrentielles de 2010 dans le département du Var. 25 décès et près d'1milliard d'euros de dommages furent recensés.

En 2007, la Commission européenne a adopté la directive inondation relative à l'évaluation et la gestion des risques d'inondation. Dans ce cadre, les services de l'Etat ont réalisé en 2011 des évaluations préliminaires des risques d'inondation13.Les principaux résultats de cette évaluation sont les suivants :

-17 millions d'habitants sont exposés aux débordements de cours d'eau

-1,4 million d'habitants sont exposés aux submersions marines

-Près d'un emploi sur trois pourrait être directement touché par une inondation

Les séismes

Les séismes sont la conséquence de phénomènes géologiques globaux liés à la tectonique des plaques. Ils sont le résultat d'une libération d'énergie brutale suite à des frottements le long de failles géologiques. Ils sont caractérisés par une magnitude, qui traduit l'énergie libérée par le séisme (généralement mesurée sur l'échelle de Richter), et par une intensité qui mesure les effets et dommages du séisme en un lieu donné.

Voici une synthèse de la typologie des séismes (présentés dans un récent document du ministère14) :

- les séismes « inter-plaques È qui se déclenche aux limites des plaques. En France, les Antilles, situées à la frontière entre les plaques nord-américaine et sud-américaine et la plaque cara
·be, peuvent connaître ces types de séismes.

- les séismes « intra-plaques È qui se déclenchent à l'intérieur des plaques tectoniques. Généralement moins puissants que les séismes inter-plaques, c'est ce type de séismes que l'on observe en France métropolitaine, en particulier dans le sud-est du territoire.

13 Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie, « Première évaluation nationale des risques d'inondation, Principaux résultats - EPRI 2011 È, juillet 2012, 9p

14 Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie, «Les seismes - Collection prevention des risques naturels», juillet 2012, 58p

- les séismes liés à l'activité volcanique. Ainsi, en France, ce type de séisme peut être rencontré sur les volcans actifs : la Soufrière à la Guadeloupe, la montagne Pelée à la Martinique et le piton de la Fournaise à La Réunion.

La matérialisation du risque sismique est la conséquence de deux composantes : la survenue d'un séisme, et la présence d'enjeux (humains et/ou économiques) dans la zone touchée par le séisme.

Exemple de séismes :

- La séquence de séismes de mai 2012 dans la région d'Emilie-Romagne en Italie ayant engendrés une trentaine de morts, plus de 350 blessées et un coUt estimé entre 300 et 700 millions d'euros15. Comme le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) l'indique dans une note d'information sur le sujet16, bien que non situé sur le territoire national, ce type de séisme est également susceptible de survenir en France.

Depuis mai 2011, un nouveau zonage sismique a été adopté en France. Celui-ci a, entre autres, pour but d'établir des normes de construction suivant les différentes zones. 21000 communes sont ainsi concernées par la réglementation parasismique (zones 2 à 5).

Les éruptions volcaniques

Les éruptions volcaniques sont avec les séismes l'une des manifestations de la tectonique des plaques. En majorité localisées aux frontières entre deux plaques tectoniques, les éruptions, dites de Çpoints chaudsÈ, peuvent également se produire indépendamment du mouvement des plaques.

Les éruptions volcaniques peuvent être à l'origine de différents phénomènes :

- des nuées ardentes, correspondant à une émission brutale d'un mélange constitué de gaz brUlant et de roches à plus de 800°C pouvant atteindre des vitesses de 500 km/h.

- des coulées de lave d'une température moyenne de 1000°C

- des émissions de gaz

- d'autres phénomènes annexes, comme la coulée de boues ou Ç lahar È correspondant à un apport d'eau sur des cendres volcaniques

La matérialisation du risque volcanique est la conséquence de deux composantes : l'éruption d'un volcan, et la présence d'enjeux dans la zone oü déferlent la lave, les nuées ardentes et les lahars.

En France, le risque volcanique concerne surtout les territoires d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe et Réunion). En métropole, le Massif central est également concerné mais à un degré bien plus faible car les volcans y sont considérés comme étant en sommeil contrairement aux DOM oü ils sont actifs.

Exemple d'éruption :

15 Source : http://www.eqecat.com/

16 BRGM, ÇNote d'information - Crise sismique de mai 2012 survenue au nord de la region Emilie-Romagne (Italie)È, 30/05/2012, URL : http://www.brgm.fr/brgm/includes/actualites/2012-05_crise-sismique-italie.shtml

- L'éruption explosive de la Montagne Pelée (Martinique) en 1902, lors de laquelle des nuées ardentes tuèrent près de 29 000 personnes et détruisirent les villes de Saint-Pierre et de Morne-Rouge.

- L'éruption du volcan islandais Eyjafjöll en avril 2010 qui paralysa l'ensemble du transport aérien de l'Europe occidentale pendant près d'une semaine.

Les risques technologiques majeurs

Les risques technologiques majeurs sont provoqués par des activités anthropiques. Le risque industriel, le transport de matières dangereuses, le risque nucléaire et le risque de rupture de barrage font partie de cette famille. Nous allons brièvement présenter les deux premiers en fournissant quelques exemples d'évènements qui se sont produits par le passé. Comme pour les risques naturels, cela nous permettra d'appréhender la complexité des risques technologiques majeurs et d'évaluer leur potentiel de destruction.

Le risque d'accident industriel

Un risque industriel majeur est un évènement accidentel se produisant sur un site industriel et entra»nant des conséquences immédiates graves pour le personnel, les populations voisines, les biens et l'environnement.

Les typologies communément admises pour les risques industriels correspondent soit aux éléments générateurs de risques correspondant à la diversité des activités et des produits, soit aux conséquences redoutées des accidents.

Typologie selon la diversité des activités et des produits :

- les industries chimiques qui produisent des produits chimiques de base, des produits destinés à l'agroalimentaire (dont les engrais), les produits pharmaceutiques ou de consommations courantes (eau de javel, etc.)

- les industries pétrochimiques qui produisent l'ensemble des produits dérivés du pétrole (essences, gaz, goudrons).

Typologie suivant les conséquences redoutées :

- les effets thermiques liés à une combustion d'un produit inflammable ou à une explosion. - les effets mécaniques liés à une surpression, résultant d'une onde de choc provoquée par une explosion, une réaction chimique violente, ou une décompression brutale d'un gaz sous pression.

- les effets toxiques résultants de l'inhalation d'une substance chimique toxique suite à une fuite sur une installation.

La matérialisation du risque industriel est la conséquence de deux composantes : la survenance d'un accident (aléa) et la présence d'enjeux dans la zone d'impacts redoutés.

En France, les sites industriels présentant des risques sont soumis à la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE), en application de des directives européennes dites «SEVESOÈ. Il existe plus de 500 000 ICPE en France.

Exemple d'accidents industriels :

- l'incendie de la rafÞnerie de Feyzin (Rhône) en 1966 qui provoqua 18 décès, 88 blessés et l'endommagement de plus de 1400 habitations

- l'explosion du site AZF de Toulouse en 2001 qui provoqua 30 morts et plus de 2000 blessés.

Le risque de transport de matières dangereuses

Le risque de transport de matières dangereuses, ou risque TMD, est consécutif d'un accident se produisant lors du transport de ces matières par voie routière, ferroviaire, ßuviale ou par canalisations.

La classification retenue pour le risque TMD reprend celle en place pour les risques industriels (conséquences thermiques, mécaniques et toxiques).

Comme pour les risques industriels, la matérialisation du risque TMD est la conséquence de deux composantes : la survenance d'un accident (aléa) et la présence d'enjeux dans la zone d'impact des conséquences redoutées. Nous noterons toutefois que les enjeux sont ici difficilement évaluables et prévisibles étant donné la mobilité inhérente au transport qui induit une dispersion du risque à travers le territoire.

Exemple d'accident de TMD :

- le renversement d'une semi-remorque de propane (gaz explosif) à Saint-Amand-lesEaux (Nord) en 1973, à la suite duquel l'explosion et l'incendie entrainèrent la mort de 9 personnes et la destruction de 9 véhicules et de 13 maisons.

- la collision entre un camion citerne de produits pétroliers et un train au niveau d'un passage à niveau à Port-Sainte-Foy (Dordogne) en 1997, lors duquel 12 personnes périrent et 43 autres furent blessées.

Au terme de cette présentation succincte de trois types de risques naturels et deux types de risques technologiques, nous formulerons deux constatations.

La première concerne les spectaculaires coUts susceptibles d'être engendrés par les conséquences des catastrophes naturelles et technologiques. Au niveau planétaire, le montant annuel, pour les seuls dommages assurés, se compte en centaines de milliards. Ces montants astronomiques atteignent des records ces dernières années comme en témoigne l'estimation fournit fin 2011 par Swiss Re (second réassureur mondial). L'ensemble des pertes économiques mondiales s'élèverait ainsi à 350 milliards en 201117, pour les seules catastrophes naturelles.

Notre seconde constatation est d'ordre méthodologique. La présentation que nous avons réalisée de ces risques majeurs est utile pour comprendre les liens entre aléa et enjeux, mais elle peut appara»tre comme limitée. En effet, la distinction apparente entre ces différents risques est théorique. Des relations complexes existent en réalité entre les aléas et leurs conséquences. En témoigne par exemple le lien de causalité entre séisme et tsunami. Cela est également vrai pour d'autres risques que nous n'avons pas évoqués, tel que les mouvements de terrains qui sont fortement dépendants des précipitations. Nous touchons en fait ici aux limites de l'approche typologique des risques majeurs. Ayant le souci de construire un raisonnement pour comprendre chacun des risques, l'expertise s'est segmentée en se spécialisant. Cette Çultra-spécialisationÈ est utile, mais elle

17 Véronique Smée, ÇAnnôe record pour le coOt des catastrophes naturellesÈ, novethic.fr, le 21/12/2011

entra»ne un frein relatif pour l'étude des risques majeurs. Afin de compléter l'approche typologique et surmonter ses limites, une approche globale est aujourd'hui privilégiée.

1-1-2-2 L'approche globale des risques majeurs

Les limites de l'approche par les aléas incitent aujourd'hui à orienter la recherche sur les risques vers la connaissance de la vulnérabilité. Comme l'évoque le géographe Jacques Donze18 en 2007 dans une préface de la revue Géocarrefour, «la vulnérabilité est au coeur des recherches actuelles».19 Il explique cette constatation d'une part par la relative instabilité du concept de vulnérabilité, et d'autre part, par le retard pris par rapport aux recherches sur les aléas. Ce retard tiendrait à l'approche analytique qui a été privilégiée par les initiateurs de l'étude des risques majeurs (ingénieurs, géologues, et géographes « physiciens »). L'approche globale des risques majeurs est actuellement développée dans les centres de recherche lyonnais et stéphanois regroupés au sein de l'UMR20 5600 du CNRS intitulé «Environnement, Ville et Sociétés».

L'approche globale emprunte également des éléments à la «cindynique». La cindynique est la science du danger qui fut élaborée dans les années 1980 pour accompagner les études de danger dans l'industrie. Elle propose une analyse systémique de la gestion des risques, en adoptant une unité conceptuelle entre tous les types de risques. Gr%oce à cette approche, des outils d'analyse tres utiles ont été développés par les industriels : les retours d'expérience et ses méthodologies comme « l'arbres des causes »21, ou les analyses de sOreté de fonctionnement comme les méthodes AMDEC 22.

Deux définitions peuvent être données à la vulnérabilité, comme le souligne le géographe André Dauphiné dans son ouvrage sur les risques et les catastrophes de 200123.

La première considere la vulnérabilité comme l'expression du niveau de conséquences prévisibles d'un aléa sur les enjeux. Ainsi pour chaque enjeu reconnu est établie une évaluation des dommages en fonction des niveaux d'aléa. Cette approche classique de la vulnérabilité s'intéresse à la mesure des endommagements potentiels des biens et des personnes et ses répercussions sur l'environnement économique. Cette définition de la vulnérabilité est quelque peu restrictive.

Depuis une vingtaine d'années, les auteurs privilégient un second type de définition. Ils
considerent la vulnérabilité comme les « conditions déterminées par des facteurs ou
processus physiques, sociaux, économiques ou environnementaux qui accentuent la

18 Jacques Donze est chercheur et ma»tre de conférences au sein de l'UMR 5600 Environnement, Ville, Société de l'Université Lyon 3 (rttaché au CNRS)

19 Jacques Donze, «Le risque : de la recherche à la gestion territorialisée», Géocarrefour, vol. 82/1-2, 2007 - URL : http:// geocarrefour.revues.org/1395

20 UMR : Unité Mixte de Recherche

21 Un arbre des causes vise à comprendre un accident. Cette démarche consiste à chercher toutes les causes de l'évenement, pour ensuite identifier les facteurs ayant généré l'évenement (techniques, humain ou organisationnels).

22 AMDEC : Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité

23 André Dauphiné, ÇRisques et catastrophes : Observer - Spatialiser - Comprendre - Gérer», Armand Colin, 2001, p19

sensibilite d'une collectivite aux consequences des aleas È24. Cette définition sert a traduire la fragilité d'un système dans son ensemble et sa capacité a surmonter la crise provoquée par un aléa. Ainsi, plus une société est apte a se rétablir après une catastrophe, moins elle sera considéré comme vulnérable.

L'étude de la vulnérabilité - ou plutTMt des vulnérabilités - nécessite une approche synthétique, qui place la société au centre de l'étude, ou sources d'aléas (de dangers) et de vulnérabilité sont indissociables. Plusieurs niveaux d'analyse de la vulnérabilité sont donc a prendre en compte. La vulnérabilité matérielle, couverte en partie par les assurances, mais également la vulnérabilité fonctionnelle d'interactions entre les enjeux, et enfin la vulnérabilité structurelle liée a l'organisation spatiale des réseaux.

La mesure de la vulnérabilité face a un aléa n'est donc pas chose simple. André Dauphiné propose plusieurs solutions pour surmonter cette complexité.

La première consiste a tout évaluer en termes financiers et a procéder a une analyse coatavantage. Les assurances fondent leur activité et leur prospérité sur ces mesures. Elles peuvent ainsi estimer le coat d'un séisme sur la CTMte d'Azur ou celui d'une crue de la Seine comparable a celle de 1910.

Une autre solution consiste a évaluer la vulnérabilité selon une durée de retour a la normale. Dans cette méthode utilisée principalement pour les inondations, aléa et vulnérabilité sont tous deux représentés par une dimension temporelle exprimée par un temps de retour. Sur une meme carte de risques, chaque parcelle de terrain est alors représentée en fonction de ces deux durées de retour. Cette démarche opérationnelle a l'inconvénient de mesurer la vulnérabilité indépendamment de tout aspect économique.

Enfin, la dernière solution développée bien plus récemment, consiste a mesurer la vulnérabilité par son inverse : la somme de la résistance et de la résilience.

La résistance est relativement simple a mesurer. Par exemple pour la résistance face aux inondations, on mesurera la capacité d'une digue a contenir les eaux. Pour la résistance face aux séismes, on mesurera la capacité des b%otiments a ne pas s'effondrer.

Par contre, la résilience est un concept plus complexe, sur lequel nous reviendrons en détail dans le 1.2. Cela nous permettra d'exposer les approches les plus récentes concernant la vulnérabilité, en lien avec l'utilisation du concept de résilience.

Nous terminerons nos réßexions sur la vulnérabilité et l'approche globale des risques, par la description du principal obstacle qu'elles rencontrent. Celui-ci est lié a la forte dissociation administrative qui existe pour traiter des différents problèmes que posent les risques majeurs. En effet, le traitement actuel des risques majeurs n'est aujourd'hui pas intégré de fagon globale dans toutes les administrations. Non seulement pour l'élaboration d'une expertise (encore centrée sur les aléas), mais également pour les problèmes d'urbanisation, de prévision et de prévention, ainsi que pour les questions liées a la sécurité des populations.

Résumons-nous.

Nous avons vu que l'expertise sur les risques majeurs s'est longtemps focalisé sur l'étude
des aléas et de leur réduction. L'approche typologique se révèle didactique pour

24 Définition du Secrétariat interinstitutions de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes de l'ONU, Genève, 2004

comprendre le lien entre aléa et risque. Cependant elle appara»t aujourd'hui comme limitée.

L'approche globale, se basant sur l'étude de la vulnérabilité, constitue une vision contemporaine plus pertinente. Les nombreuses recherches actuelles confirment cette réorientation de l'expertise. Malheureusement, cette vision globale des risques majeurs est encore éloignée des administrations. Cette lacune constitue un facteur supplémentaire de la vulnérabilité de nos sociétés.

Cette Çméta-vulnérabilité> se révèle être primordiale, et elle appara»t comme évidente lorsque survient une crise Çhors-cadres>.

1-1-3 Les crises Çhors-cadresÈ

Pour ouvrir la réßexion sur la gestion des crises Çhors-cadres> nous nous servirons d'une introduction rédigée par Patrick Lagadec à l'occasion d'un retour d'expérience sur les conséquences de l'ouragan KATRINA de 2005 25 :

ÇLa conjugaison de diverses évolutions (changements climatiques ; complexité technologique croissante ; interdépendance économique ; systèmes de flux tendus ; vulnérabilités asymétriques, etc.) fait aujourd'hui émerger un nouvel univers stratégique. Nous sommes désormais confrontés à des crises Çhors-cadresÈ qui n'entrent plus dans nos hypothèses de travail, nos logiques de réponse, nos scripts opérationnels traditionnels. Plus préoccupant, alors que ces crises n'étaient hier que des phénomènes exceptionnels, marginaux, et sans effet déterminant sur nos dynamiques essentielles, elles tendent aujourd'hui à affecter et déstabiliser le centre de nos systèmes. Ces épisodes ÇimpensablesÈ empruntent de plus en plus aux logiques chaotiques et laissent désemparés les meilleurs ÇhorlogersÈ qui opéraient à merveille dans les environnements stables et mesurés, caractéristiques d'un passé encore récent.>

1-1-3-1 Les effets dominos et l'auto-organisation critique

Comme la citation de Lagadec le souligne, il est aujourd'hui nécessaire de faire évoluer nos conceptions mentales pour pouvoir nous préparer à des évènements catastrophiques Çimpensables>. Ces évènements, qualifiés de crises Çhors-cadres>, s'avèrent de plus en plus fréquents. L'accident nucléaire de la centrale de Fukushima DaiiChi de mars 2011, constitue un représentant emblématique de ces désastres. La séquence séisme-tsunamis-accident nucléaire est révélatrice de la funeste rencontre entre une intensité exceptionnelle, des aléas naturels et la vulnérabilité d'une industrie à risques majeurs.

Ces séquences complexes sont qualifiées Çd'effets dominos> par certains auteurs. C'est
le cas de Damienne Provitolo qui dans un article de 2005 expose ses études sur la

25 X Guilhou, P Lagadec, E Lagadec, "Les crises hors cadres et les grands réseaux vitaux Ð Katrina. Faits marquants, pistes de réflexionÓ, Mission de retour d'expérience, La Nouvelle Orléans ,13-15 mars 2006. EDF, Direction des Risques Groupe, avril 2006 - URL : http://www.patricklagadec.net/fr/pdf/EDF_Katrina_Rex_Faits_marquants.pdf

panique26. Elle y souligne l'importance de cette notion d'effets dominos, en particulier lors des catastrophes urbaines dans lesquelles la dissociation aléa naturel/technologique n'a plus d'utilité. A travers l'exemple de la panique, elle tente de démontrer qu'en analysant les catastrophes au niveau des comportements humains, individuels et collectifs, il est possible de réaliser des modélisations. De par le nombre important de données nécessaires et sa complexité de développement, la modélisation des «effets dominos ne permet pas encore des prévisions et encore moins des prédictions. Nous pouvons cependant espérer qu'elle se développe pour nous fournir des indices supplémentaires sur les conséquences de ses crises «hors-cadres.

L'une des conséquences redoutées suite à ce type d'évènements catastrophiques est la panne généralisée des réseaux électriques. Le passé récent nous a prouvé que ces «Black Out peuvent atteindre une ampleur très importante, touchant des centaines de millions de personnes, et paralysant l'ensemble des réseaux de transports. Ce fat le cas le 15 aoit 2003 dans le nord-est des Etats-Unis (New-York compris) et le Canada27, et le 30 juillet 2012 dans le nord de l'Inde28. Ces deux exemples ne trouvent pas leur origine dans une catastrophe, mais il souligne la vulnérabilité de nos sociétés «technico-dépendantes.

Pour comprendre les séquences complexes à l'origine de ces « crises-hors cadre, il est utile de présenter la théorie de l'auto-organisation critique pour analyser la vulnérabilité intrinsèque de notre société. Cette théorie est présentée par la géographe Damienne Provitolo dans un article de 200829.

La théorie de l'auto-organisation critique nous enseigne que certains systèmes évoluent vers un état critique, sans intervention extérieure et sans paramètre de contrTMle. L'ampliÞcation d'une petite fluctuation interne peut alors mener à un état critique et provoquer une réaction en cha»ne menant à une catastrophe. Cette théorie se base sur deux concepts : l'auto-organisation et la criticalité.

L'auto-organisation désigne la capacité des éléments d'un système, à produire et maintenir une structure, sans que cette structure apparaisse au niveau des composantes, et sans qu'elle résulte de l'intervention d'un agent extérieur. Si on applique ce concept à l'étude des sociétés, cela signiÞe qu'il n'y a ni leader, ni centre organisateur, ni programmation au niveau individuel d'un projet global. Ces phénomènes d'autoorganisation s'observent par exemple lors d'applaudissements, de panique collective, d'intention de vote, d'embouteillages aux horaires de pointe, etc.

La criticalité caractérise quant à elle les systèmes qui changent de phase, par exemple le
passage de la panique individuelle à la panique collective. Un système devient critique
quand tous ses éléments s'influencent mutuellement. L'état critique est dit « auto-

26 Damienne PROVITOLO, « Un exemple d'effets de dominos : la panique dans les catastrophes urbaines , Cybergeo : European Journal of Geography, Systèmes, Modélisation, Géostatistiques, article 328, 2005 - URL : http:// cybergeo.revues.org/2991?file=1

27 Radio Canada, «La mégapanne de l'été 2003, Archives de Radio Canada, diffuser le14 aoet 2003, 26min URL : http://archives.radio-canada.ca/economie affaires/energie/clips/14225/

28 LEXPRESS.fr, «Inde: un black-out géant prive 300 millions de personnes d'électricité, le 30 juillet 2012 URL: http:// www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/inde-un-black-out-geant-prive-300-millions-de-personnes-d-electricite 1144129.html

29 Damienne Provitolo, «Thoorie de l'auto organisation critiqueÈ, 2008 - URL : http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/ 00/39/15/70/PDF/article_426.pdf

organisé > quant l'état du système résulte des interactions dynamiques entres ses composantes et non d'une perturbation externe.

Cette théorie de l'auto-organisation critique a par exemple été appliquée par André Dauphiné en 2003 pour l'étude des réseaux urbains30. Pour appréhender l'application de cette théorie, nous prendrons donc l'exemple du système Ç ville > en lui appliquant un scénario Þctif :

Une panne du réseau électrique de la ville entra»ne une déÞcience de la signalisation. Quelques carambolages paralysent alors la circulation. Comme la situation perdure, l'un des automobilistes décide de quitter son véhicule. Ce comportement est ensuite mimé, ce qui ampliÞe le Çchaos> et prolonge la paralysie alors même que la signalisation serait rétablie.

La théorie de l'auto-organisation critique permet donc, comme pour les effets dominos, de fournir une explication à l'accroissement de la vulnérabilité de la société. Ces axes de recherches récents sont d'autant plus importants pour l'étude des catastrophes et des risques majeurs lorsque l'on prend en considération les risques Ç émergents >

1-1-3-2 Les risques émergents

Pour alimenter nos réßexions sur les crises Çhors-cadres>, il est utile d'ouvrir la réßexion sur les risques émergents et les nouvelles menaces. Ces risques englobent l'ensemble des risques dont l'occurrence était encore impossible il y a quelques années. Les menaces terroristes et les maladies infectieuses émergentes en sont les deux représentants les plus emblématiques.

Les menaces terroristes majeures.

Nous nous intéresserons ici au terrorisme dans la mesure oü celui-ci peut entra»ner des conséquences catastrophiques. Comme le propose le HCFDC dans son Rapport d'activité 201131, il est possible de faire une distinction entre menaces et risques majeurs. En effet, les menaces majeures se distinguent par leur dimension Çmilitaire> lors de laquelle la destruction est volontaire et planiÞée.

Cependant, les nouveaux modes d'actions terroristes exploitent de plus en plus la vulnérabilité de nos sociétés, rapprochant ainsi risques et menaces. Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis constituent l'un des sinistres exemples de ce mode opératoire. Il est ainsi à redouter dans les années à venir, que les actes terroristes s'orientent vers l'attaque d'installations sensibles (réseaux de transports, industries chimiques ou nucléaires) à même de déclencher des séquences du type Çeffet domino> que nous avons présentées précédemment.

Cette constatation est d'autant plus vraie que les armes des terroristes se sont étoffées depuis quelques années.

30 Dauphiné A., 2003, Ç Les réseaux urbains : un exemple d'application de la théorie des systèmes auto-organisés critiques >, Annales de Géographie, n° 631, p. 227-242

31 Haut Comité Français pour la Défense Civile, ÇRisques et menaces exceptionnels - Quelle preparation ?È, Rapport d'activité 2011 - URL : https://www.hcfdc.org/securise/pdf/rapport_hcfdc_lq2.pdf

Les cyber-menaces utilisant l'informatique deviennent ainsi tout à fait réelle comme le souligne le HCFDC : Ç on ne peut exclure la menace terroriste pesant sur les réseaux d'infrastructures de type SCADA (Supervisory Control And Data Acquisition). Systèmes de télégestion à grande échelle permettant de contrTMler à distance des installations techniques, ils se retrouvent dans différents contextes critiques, comme la surveillance de processus industriels, le transport de produits chimiques, les systèmes municipaux d'approvisionnement en eau, la distribution électrique, ou encore les canalisations de gaz et de pétrole È32.

Les attaques NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique, et Chimique) constitue une autre menace terroriste majeure, bien que Ç moins vraisemblable à court terme, compte tenu de la faible sophistication des individus oeuvrant aujourd'hui dans les groupes terroristes È33.

La Çcrise de l'anthraxÈ34 d'automne 2001 est révélatrice de la vulnérabilité de nos sociétés face à l'utilisation d'armes biologiques. Cette crise est analysée en détail par Jacques Massey, dans son ouvrage Ç Bioterrorisme, l'état d'alerte »35 . Lors de cette crise, le problème principal des administrations fUt l'identification du mode de propagation de la contamination. Le vecteur des lettres contaminées était en fait les centres de tris postaux. Le(s) terroriste(s) a (ont) ainsi fait une utilisation ÇingénieuseÈ du système de distribution du courrier.

Dans son livre, Jacques Massey expose également un scénario catastrophe étudié par les gouvernements. Ce scénario imagine qu'un terroriste kamikaze s'inocule la variole (pour lequel la population n'est plus vaccinée) et qu'il se rende dans un aéroport international. Nous imaginerons ainsi aisément qu'en plus des conséquences physiques d'une telle attaque, il est à redouter le développement d'un sentiment très fort de peur, pouvant être à l'origine d'une panique généralisée.

Ces derniers scénarios nous renvoient à un autre risque émergent : les maladies infectieuses émergentes et les nouveaux risques sanitaires.

Maladies infectieuses émergentes et nouveaux risques sanitaires

Pour présenter les maladies infectieuses émergentes, nous nous appuierons sur un rapport36 récent de la sénatrice Fabienne Keller. Dans ce rapport, la sénatrice illustre plusieurs tendances, pour les années à venir, propices à l'émergence de nouvelles maladies infectieuses.

La première concerne l'accroissement de la population mondiale qui dépasse les 6,5
milliards d'individus et atteindra 9 milliards d'ici à 2050, en se concentrant dans des
mégalopoles oü les transmissions inter-humaines sont facilitées. La seconde tendance

32 Page 16 du rapport 2011 du HCFDC

33 Page 15 du rapport 2011 du HCFDC

34 Au Etat-Unis, en octobre et novembre 2001, plusieurs dizaines de personnes (dont des personnels du Sénat) reçoivent des lettres contaminées au bacille du charbon, une bactérie très volatile et potentiellement mortelle

35 Jacques Massey, ÇBioterrorisme, l'état d'alerteÈ, l'Archipel, 2003, 357p, p19-66

36 Fabienne Keller, Ç Les nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes È, Synthèse du rapport n°638 du Sénat, juillet 2012 - URL : http://www.fabiennekeller.fr/wp-content/uploads/2012/07/Quatre-pages-maladiesinfectieuses-%C3%A9mergentes-final-5-juillet-2012-1.pdf

est relative à la mondialisation des échanges qui contribue à la diffusion des vecteurs de maladies et à la propagation d'épidémies, via le commerce maritime ou les trafics de denrées alimentaires. Une autre tendance correspond à la progression du transport aérien qui accélère les mouvements de personnes dans des zones à risques et fragilise les populations Ç naïves È (touristes et hommes d'affaires par exemple). Enfin, la dernière tendance que nous citerons est la résultante du changement climatique qui favorise la multiplication de certains vecteurs (moustiques et autres insectes) à l'origine de l'apparition de nouvelles maladies dans nos régions tempérées (lyme, dengue, chikungunyaÉ).

Comme pour les menaces terroristes, ces pandémies37 profitent de la vulnérabilité induite par la mondialisation. Cette nouvelle vulnérabilité est le résultat de la combinaison de l'apparition des grands réseaux mondiaux (caractérisés par une accélération des échanges), et de l'ignorance des populations pour ces nouveaux risques. Nous retrouvons ainsi la notion d'hyper complexité des Ç crises hors-cardesÈ introduite par Lagadec.

Résumons-nous

Nous avons montré que nos sociétés sont désormais soumises à des crises Ç horscadresÈ qui s'appuient sur la vulnérabilité de nos systèmes. Des recherches récentes sur les effets dominos et l'auto-organisation critique tentent ainsi d'apporter de nouveaux éléments de compréhension à ces crises Ç hors-cadresÈ. Les risques émergents que représentent la menace terroriste et les maladies infectieuses constituent des indices supplémentaires du développement de la vulnérabilité de nos sociétés.

Au travers de la présentation successive que nous avons faite des paradigmes des risques majeurs, du triptyque aléas - enjeux - vulnérabilité, et des crises Çhors cadreÈ, nous avons tenté de démontrer que l'action publique doit évoluer vers une nouvelle conception. Cette conception se traduit aujourd'hui par l'adoption d'un nouveau concept : la résilience des territoires.

37 Définition de pandémie par http://www.larousse.fr : Ç Epidémie étendue à toute la population d'un continent, voire au monde entier. È

1-2 La résilience des territoires : une nouvelle stratégie pour les risques majeurs

Nous venons d'étudier les liens entre l'action publique et les risques majeurs. Cela nous a permis de présenter les paradigmes relatifs aux risques majeurs, d'exposer les composantes du risque (aléa, enjeu et vulnérabilité) et les diverses approches de l'expertise, et pour finir, nous avons ouvert notre réßexion sur les crises «hors-cadreÈ qui témoignent de l'augmentation de la vulnérabilité de nos sociétés.

Afin de traduire les nouveaux besoins de nos sociétés en termes de réduction de la

vulnérabilité, le concept de résilience est aujourd'hui utilisé. Dans les paragraphes qui suivent nous allons tenter d'expliquer en quoi le concept de résilience est utile pour la gestion des risques majeurs et la sécurité civile, et comment il oriente les politiques vers ce nouvel objectif : améliorer la résilience des territoires.

Nous commencerons par introduire le concept de résilience en définissant sa polysémie, via l'étude de ses origines et de son utilité pour l'analyse systémique. Nous nous attarderons ensuite sur la notion de territoire. Cela nous permettra de replacer l'utilisation du concept de résilience dans le champ privilégié de l'étude des risques majeurs : la géographie. Puis, nous présenterons le contexte international. Nous analyserons ainsi comment et pourquoi le concept de résilience s'est imposé au niveau international et dans certains pays occidentaux. Nous présenterons enfin les différents qualitatifs de la résilience en expliquant les concepts de résilience organisationnelle, de résilience urbaine et de résilience territoriale.

Nous conclurons notre réßexion par une prise de position en faveur d'une stratégie frangaise de résilience des territoires.

1-2-1 De la polysemie à la mesure de la resilience

1-2-1-1 Origine et utilisations

Le mot résilience vient du latin Resilio qui veut dire rebondir. La notion de rebond, au sens d'un retour à une situation initiale, est l'une des caractéristiques premières de la résilience. Ce caractère se retrouve d'ailleurs dans les définitions présentent dans les différentes disciplines utilisant la résilience, ce concept étant polysémique et interdisciplinaire.

Il est d'abord une théorie physique qui caractérise un système. Il représente ainsi la capacité d'un objet à retrouver sa forme initiale après un choc. C'est un concept également utilisé en psychologie pour décrire la capacité de certaines personnes à se surpasser après un choc émotionnel (accident, décès d'un proche, maladie, etcÉ) Le terme de résilience est, de plus, utilisé pour décrire la capacité d'un écosystème à retrouver un équilibre après une perturbation (pollution, perte de biodiversité, etc.). En économie, la résilience est utilisée pour décrire les capacités financières d'une entreprise pour faire face à une crise. Et en informatique, la résilience est la capacité d'un système ou d'une architecture réseau à continuer de fonctionner en cas de panne.

En France, l'introduction du concept de résilience est attribuée au psychiatre et éthologue Boris Cyrulnik dans son livre Ç Un merveilleux malheur È publié en 1999. Le concept est aujourd'hui largement répandu dans divers domaines, à tel point que B. Cyrulnik déclarait en 2007 que la résilience était devenue une Çbaudruche semantique de plus en plus ambigu` au fur et à mesure qu'elle gonßeÈ.38

En effet, la résilience est un concept à la mode. Elle s'impose aujourd'hui autant dans les recherches académiques que dans les pratiques gestionnaires. Son caractère polysémique alimente d'ailleurs de nombreux débats sur sa pertinence opérationnelle et heuristique. Ce regard critique est développé dans un article intitulé ÇCe que la résilience n'est pas, ce qu'on veut lui faire direÈ39, dans lequel les auteurs définissent la résilience comme Ç une sorte de mot valise sollicité à des fins très diverses, à l'instar d'autres notions en vogue (durabilité, gouvernance, etc.) qui lui sont d'ailleurs souvent attachées È.

Conscient de ces critiques (d'autant plus que nous associons résilience et gouvernance au sein de notre sujet) et du rejet du concept par certains chercheurs, nous allons tout de même définir en quoi et pourquoi ce concept est adapté à la gestion des risques majeurs.

Comme nous l'avons montré, la résilience revêt un caractère pluridisciplinaire. Or, cette ouverture à plusieurs champs d'études est bénéfique. Si l'on considère les risques majeurs dans leur globalité et avec une vision transversale, un concept qui traduit cette transversalité est très utile. Le caractère interdisciplinaire de la résilience est schématisé par la Figure.1 ci-après.

Figure.1 Le caractère interdisciplinaire de la resilience40

En observant cette figure, nous retrouvons différents mots Ç satellitesÈ de la résilience :
durabilité, mitigation, adaptation, vulnérabilité, apprentissage, reconstruction, résistance,

38 Boris Cyrulnik., ÇLa résilienceÈ, Le Monde, 17/07/2007

39 G. Djament-Tran, A. Le Blanc, S. Lhomme, S. Rufat et M. Reghezza-Zitt, Ç Ce que la resilience n'est pas, ce qu'on veut lui faire dire È, 2011, 31p - URL : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/67/92/93/PDF/resilience french.pdf

40 G. Djament-Tran, A. Le Blanc, S. Lhomme, S. Rufat et M. Reghezza-Zitt, Ç Ce que la resilience n'est pas, ce qu'on veut lui faire dire È, 2011, p4 - URL : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/67/92/93/PDF/resilience_french.pdf

absorption, récupération et persistance. Ces différents mots sont souvent utilisés pour définir la résilience, et nous permettent de souligner le contexte sémantique lors duquel la résilience s'est liée à la gestion des risques. La résilience des individus au sens psychologique, et la résilience de l'économie face aux crises financières (non liées à des catastrophes) sont d'ailleurs très intéressantes pour comprendre la résilience de la gestion des risques qui va nous occuper.

1-2-2-2 La résilience : une capacité systémique mesurable

Comme nous l'avons vu un peu plus haut, le concept de résilience est indissociable du concept de vulnérabilité. Ils sont tous deux des concepts intégrateurs qui permettent de gommer l'opposition entre le naturel et le social. La résilience est très bien adaptée à la gestion des risques car elle intègre à la fois dimension physique et dimension sociale41.

Pour comprendre d'ob découlent ces constatations, nous allons reprendre l'étude de la vulnérabilité laissée un plus haut42.

La résilience, associée à la résistance correspond à l'inverse de la vulnérabilité. C'est à dire qu'un système est moins vulnérable s'il est plus résilient. Cette démonstration simple nous aiguille sur l'utilité principale du concept de résilience pour les risques majeurs : permettre de qualifier une capacité systémique.

En effet, la résilience, comme la vulnérabilité sont des concepts qui servent à qualifier la capacité d'un système à se maintenir/se rétablir ou s'endommager/se détruire face à une perturbation. Ils sont ainsi tous deux très didactiques car ils permettent d'englober un ensemble de facteurs pour en dégager une tendance. Lors d'une prise de décision, les décideurs peuvent ainsi évaluer la vulnérabilité ou la résilience du système sans avoir besoin de conna»tre en détail tous les facteurs de risques.

De plus la résilience permet d'intégrer et de qualifier une autre donnée capitale pour la gestion des risques majeurs : l'incertitude. Les aléas qui touchent nos systèmes, villes et communautés sont de plus en plus nombreux, divers et fréquents. Certains restent prévisibles, mais la plupart ne peuvent pas etre anticipés (tremblements de terre, tsunamis, et autres crise «hors-cadresÈ). Par conséquent, la vulnérabilité des systèmes techniques et sociaux ne peut etre complètement évaluée, analysée et planifiée. L'incertitude faisant pleinement partie du travail des gestionnaires, la résilience s'est donc imposée pour qualifier la capacité d'un système à faire face à tous types d'évènements.

Si la résilience est une capacité systémique elle doit pouvoir se mesurer. C'est en partant de ce raisonnement que des expériences ont été menées pour tenter de mesurer la résilience de certains systèmes.

41 André DAUPHINE et Damienne PROVITOLO « La resilience : un concept pour la gestion des risques È, Annales de géographie 2/2007 (n° 654), p115-125

42 Voir 1-1-2-2 L'approche systémique par la vulnérabilité

En 2009, un étudiant québécois a ainsi élaboré une méthodologie d'évaluation de la résilience dans son mémoire de fin d'étude43.

Cette méthodologie reprend l'approche systeme et permet d'analyser les systemes du point de vue des ressources qu'ils utilisent (intrants) et qu'ils fournissent (extrants). Apres une analyse tres détaillée (et complexe) des intrants et des extrants du systeme, la dimension temporelle est également explicitée, pour observer l'évolution des différents parametres au court du temps. L'approche systémique proposée permet l'évaluation de tous types de systeme : organisation, entreprise, institution, ville, région ou pays.

L'auteur propose également en annexe un guide méthodologique qui reprend les principales étapes de mise en oeuvre. Nous nous appuierons principalement sur ce guide afin de présenter l'apport opérationnel de cette méthodologie d'évaluation de la résilience.

La première étape consiste à identifier le contexte de l'étude. Il faut ainsi définir le but de l'évaluation, les moyens mis en oeuvre pour la réaliser et le champ dans lequel elle est appliquée, c'est-à-dire la définition claire du systeme (Figure. 2).

La seconde étape à pour but de réaliser le portrait du systeme. Il faut donc consigner l'ensemble des informations concernant le systeme et ses entités constitutives, ses intrants et ses extrants. Cette étude s'effectue lorsque le systeme est dans son fonctionnement normal.

Figure. 2 : Representation du système

La troisieme étape se focalise sur l'étude des extrants. Apres une identification des principaux extrants, il faut les décomposer. Cela permet d'établir les ensembles
fonctionnels du systeme et de définir leur rTMle. Concretement, un ensemble fonctionnel est un ensemble d'éléments ayant des fonctions spécifiques, mais organisé en vue de remplir un même rTMle dans la fourniture d'une ressource définie (service ou produit). Le tableau cidessous synthétise les principaux rTMles des ensembles fonctionnels (Figure. 3).

Cette collecte d'informations permet de définir les seuils et les états de dégradation adaptés à chaque extrant. Leur mesure permettra donc de déterminer si la ressource est disponible, dégradée ou indisponible.

43 Jean-Yves Pairet, Ç Méthodologie d'évaluation de la résilience È, Ecole Polytechnique de Montréal, 2009, 164p - URL : http://www.polymtl.ca/crp/doc/MemoireJ-Y-Pairet.pdf - Les figures 2, 3 et 4 proviennent du guide méthodologique fourni en Annexe D, p131-164

Figure. 3 : RTMles des ensembles fonctionnels

L'étape suivante se focalise ensuite sur l'étude des intrants. L'identiÞcation des intrants est similaire à celle des extrants, mais en identiÞant ici les ressources utilisées par les éléments. Une liste des fournisseurs et des intrants du système doit etre rédigée en incluant la description des moyens d'approvisionnement qu'ils utilisent.

Cela permet alors de raisonner au niveau des ensembles fonctionnels. La recherche des dépendances entre intrants et ensembles fonctionnels est facilitée par le chiffrage plus aisé des données relatives aux consommations (électricité, eau, gaz).

On tente ensuite de déterminer les seuils à partir desquels la dégradation des intrants engendre la défaillance d'un ou plusieurs éléments du système.

La cinquième étape concerne la gestion des défaillances. Elle a pour objectif d'évaluer l'impact de l'indisponibilité des intrants sur les extrants. C'est lors de cette étape que sont caractérisées les mesures de prévention (intervenant avant la défaillance) et les mesures de protection (intervenant après l'apparition de la défaillance).

On synthétise ensuite ces études pour calculer différents délais (Figure. 4) :

- le délai d'affectation qui correspond au temps mis par l'indisponibilité d'un intrant pour engendrer l'indisponibilité d'un ou plusieurs extrants du système

- le délai avant défaillance qui correspond au temps mis par l'indisponibilité d'un intrant pour engendrer la défaillance d'un ensemble fonctionnel du système

- le délai intrinsèque qui correspond au temps entre le début de la défaillance de l'élément fonctionnel, et son impact sur l'état de dégradation d'un extrant du système

Figure. 4 Décomposition du délai d'affectation

La dernière étape établit le bilan de l'évaluation du niveau de résilience et a pour but: - de souligner les faiblesses du système,

- de qualifier la capacité du système à maintenir ses activités à un niveau de fonctionnement acceptable

- de qualifier la capacité du système à rétablir ses activités

La synthèse de ces éléments permet de qualifier l'état de résilience du système.

La méthodologique de mesure de la résilience que nous venons de présenter nous permet de faire plusieurs constatations :

- la mesure de la résilience nécessite une collecte d'informations relative au système étudié, qui peut s'avérer très fastidieuse

- la connaissance du système étudié est indispensable et nécessite donc d'impliquer les décideurs comme les techniciens

- l'application à des systèmes complexes (comme les villes), qui intègrent d'autres systèmes (du secteur public et privé), nécessite d'avoir des pratiques uniformes qui sont encore très rares.

Ces constatations rejoignent d'ailleurs celles recensées par l'Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA), lors du lancement de la campagne Ç Resilient Metric »44 de 2010.

44 Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA), ÇResilience MertricsÈ, Communiquer de presse vidéo, 4 : 35 min, mars 2010 - URL : http://www.enisa.europa.eu/front-page/media/newspictures/resilience-metrics-video

Au terme de cette présentation des origines de la résilience, et de son utilité pour qualifier et mesurer la capacité d'un système à se maintenir et se rétablir, nous retiendrons la définition suivante :

La résilience est Çl'aptitude d'un système, d'une collectivité ou d'une société potentiellement exposée à des aléas à s'adapter, en opposant une résistance ou en se modiÞant, aÞn de parvenir ou de continuer à fonctionner convenablement avec des structures acceptables. La résilience d'un système social est déterminée par la capacité de ce système à s'organiser de façon à être davantage à même de tirer les enseignements des catastrophes passées pour mieux se protéger et à réduire plus efÞcacement les risquesÈ45.

1-2-2 Risques majeurs et territoires

Pour comprendre le lien entre les risques majeurs et la résilience, la dimension primordiale est le territoire. En effet, la résilience étant une capacité systémique, il est légitime d'étudier le système auquel nous allons l'appliquer : le territoire.

Comme l'évoque le géographe Jacques Donze46, la notion de territoire a été introduite récemment par les géographes pour l'étude des risques majeurs. En effet, la géographie a pour ambition de fournir des éléments de réponse aux problématiques des risques majeurs. L'objet principal de cette science est l'analyse des rapports entre nature et société, au milieu duquel émerge la notion de territoire. Comme l'indique Jacques Donze, Ç le flux régulier de publications et de thèses de doctorat [É] et la mise en place de formations professionnelles de Ç risk manager È du territoire témoignent du dynamisme de cette recherche résolument tournée vers l'opérationnel È. Comme il l'indique, c'est d'abord au travers de la recherche scientifique, et en particulier de la recherche en géographie que la notion de territoire a émergé.

En étudiant les travaux des géographes, nous allons tenter de comprendre comment la recherche a amené les politiques à structurer la gestion des risques majeurs autour des territoires.

Nous commencerons par définir le territoire comme une connaissance collective des risques. Puis, nous présenterons la notion de Çclefs de voUteÈ des risques qui nous permettra de comprendre le processus au cours duquel les territoires se déterminent et se structurent.

1-2-2-1 Le territoire : une connaissance collective des risques

45 Définition du Secrétariat interinstitutions de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes de l'ONU, Genève, 2004

46 Jacques Donze, Ç Le risque : de la recherche à la gestion territorialisée È,Géocarrefour, vol. 82/1-2, 2007, URL : http:// geocarrefour.revues.org/1395

Des relations étroites lient les territoires et les risques. Des recherches récentes, menées par Valérie November, explorent ces relations qui émergent comme nouvel objet d'étude dans le champ de la géographie.

Dans une vidéo de 201147, cette chercheuse présente les grands axes de réßexion développés dans son livre. Elle indique ainsi qu'il existe une diversité de territoires à risques. Ceux-ci entretiennent des relations complexes avec les aléas qui les affectent. En effet, l'identiÞcation des risques transforme le territoire déÞnitivement, car elle provoque un traitement politique de la mise en sécurité des populations. Cette mise en sécurité des lieux est à la charge des pouvoirs locaux. De nombreuses tensions, mutations et transformations découlant du processus de gestion des risques majeurs vont ainsi faire évoluer le territoire.

Les mesures des collectivités et des individus pour sécuriser le territoire sont le fruit d'un long processus de négociation entre acteurs pour que cette gestion soit acceptée et acceptable par tous. La prise de conscience des risques majeurs s'effectue gr%oce à la mémoire et à l'héritage des générations précédentes. En plus d'une dimension spatiale, le territoire revêt donc une dimension temporelle au travers de l'histoire locale jonchée d'évènements catastrophiques (guerres, inondations, accidents technologiques).

En insistant sur la dimension imaginaire du territoire, nous pourrons donc déÞnir le territoire comme une Çconnaissance collective des risquesÈ. Cette notion de territoire rappelle en fait l'inscription spatiale du pouvoir, comme en biologie oü le territoire correspond à une hégémonie locale. Aujourd'hui, le territoire renvoie aux systèmes de pouvoir imbriqués en réseaux.

1-2-2-2 Les clefs de voUte des risques comme déterminants du territoire

Ç La vulnérabilité [du territoire] résulte des incompatibilités sectorielles entre activités en interdépendance physique. La sécurité collective implique de réßéchir au mode de régulation de la coexistence territoriale des pratiques. La dénomination commune d'un territoire pertinent permet aux acteurs en interdépendance d'entrer dans une phase publique de conßit, de répartition des contraintes, de contrepartie, de négociation autour de l'appropriation du risque et des solutions acceptables.È48

Cette citation du sociologue Stéphane Cartier nous amène à nous intéresser à la façon dont les territoires se déÞnissent suivant les risques majeurs.

Dans le cadre de la décentralisation et des programmes de développement durable, l'Etat tente de déléguer les politiques de contrôle des risques majeurs aux collectivités locales. Cette responsabilisation collective implique une revalorisation des relations communautaires qui est contraire à l'individualisme dominant.

47 Ç Habiter les territoires à risques - Valérie November - ppur.org È, Vidéo de présentation du livre, mis en ligne de 21/12/2011 par Polytecpress, 4min42 - URL : http://www.youtube.com/watch?v=Tm1X1NBCP3Y

48 Stéphane Cartier, Ç Les nouveaux protocoles d'action publique dans la gestion des risques naturels È, sous la direction de Alain Faure et Anne Cécile Douillet, Ç L'action publique et la question territoriale È, 2005, p 53-73

Au niveau des territoires, les risques posent la question de la compatibilité des activités et de l'organisation politique des contraintes. L'un des enjeux dans la découverte des interdépendances est d'établir l'échelle des systèmes emboités, les éventuels dénominateurs communs et les facteurs clefs. Tels des Çclefs de voUteÈ, ces facteurs sont ceux dont la ma»trise conditionne l'ensemble du développement compatible des activités.

Face aux inondations urbaines, plusieurs activités doivent décider de contenir le ruissellement dans le bassin versant pour éviter d'être confrontées aux dégâts. La ma»trise du ruissellement devient alors l'enjeu territorial déterminant pour toutes les activités soumises aux inondations.

Dans le cas des feux de forêt, c'est la végétation qui constitue la clef de voUte du risque. Pour la contrôler, de nombreuses règles comme le débroussaillage obligatoire, sont ainsi édictées.

Si nous appliquons ce raisonnement aux risques d'accidents industriels, il faudra alors tenir compte des clefs de voUte des risques internes (incendie, explosion, rejets toxiques), et externes (risques naturels, et risques liés aux industries voisines), mais également de l'interaction entre ces clefs de voUte. Nous retrouvons ici l'importance des effets dominos.

L'identiÞcation de la dénomination des espaces d'interdépendances (bassin versant, massif forestier, zone industrielle) est donc indispensable pour la gestion des risques majeurs. Ces clefs de voUte des risques constituent les déterminants du territoire. Nous reviendrons sur ces éléments dans notre seconde partie sur la gouvernance, pour présenter des structures territoriales innovantes : les Etablissements Publics Territoriaux de Bassins (EPTB).

1-2-3 Le contexte international de la strategie de resilience

Le changement climatique et les problèmes de dépendance énergétique et alimentaire, représentent des facteurs nouveaux qui augmentent notre vulnérabilité. A cette mondialisation des facteurs de vulnérabilité, s'ajoute l'augmentation marquée du nombre, de la fréquence, de la gravité et de la variété des catastrophes naturelles et anthropiques. Nos sociétés sont en effet de plus en plus vulnérables à cause de la plus forte concentration des populations dans les villes et sur les littoraux, de l'urbanisation aveugle qui conduit à l'extension des quartiers dans des zones à risques, et de la complexiÞcation des villes, avec des interdépendances entre réseaux qui s'accroissent.

Concernant le changement climatique en particulier, nous citerons le groupe interministériel français Ç Impact du changement climatique È qui déclarait en 2008 que : Çles travaux réalisés à l'échelle internationale s'accordent sur le fait que les interventions en matière de lutte contre le changement climatique nécessitent une approche selon deux axes visant d'une part à réduire les émissions de gaz à effet de serre (atténuation du changement climatique), et d'autre part, à réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains (anticipation et adaptation). Ces études s'appuient sur le consensus actuel selon lequel les efforts de réduction les plus drastiques ne peuvent éviter les impacts du changement climatique dans les décennies à venir.È49

49 Groupe interministériel, Ç Impact du changement climatique, adaptation et coOt associés en France È, Document d'étape, juin 2008, 247p

Cette citation nous indique qu'il existe deux approches face au changement climatique.

La première, construite sur une stratégie de résistance, est illustrée par le protocole de Kyoto. Il impose de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Dans les lignes qui suivent nous allons présenter la seconde solution qui vise Ç à réduire la vulnérabilité des systèmes naturels et humains È. Peu médiatisée par rapport à la stratégie de réduction des gaz à effet de serre, nous verrons que la stratégie d'adaptation est pourtant indispensable. L'adaptation au changement climatique incite les gouvernements à adopter des stratégies de résilience.

Nous présenterons donc le contexte international en deux temps. Dans un premier temps, nous exposerons la stratégie onusienne de réduction des catastrophes naturelles. Et dans un second temps, nous évoquerons les stratégies de résilience mises en place dans certains pays occidentaux.

1-2-3-1 Une stratégie internationale de résilience

Dès 1990 et le début de la décennie internationale pour la réduction des catastrophes naturelles (IDNDR 1990-1999), l'ONU a encouragé la prise en compte de la résilience pour améliorer la gestion des crises.

Au niveau international, la résilience est l'un des principaux objectifs afÞchés pour faire face aux catastrophes. Plusieurs initiatives et projets essaient ainsi de donner une impulsion aux politiques de promotion de la résilience des gouvernements nationaux et des pouvoirs locaux.

En janvier 2005, la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes d'Hyogo (Japon) a été le point de départ de nouvelles réformes pour de nombreux gouvernements. Le cadre d'action d'Hyogo 2005-2015, intitulé ÇPour des nations et des collectivités résilientes face aux catastrophes > a été adopté par les Nations Unies lors de cette Conférence.

Elle a, entre autres, Þxé comme objectif de Ç mettre en place, à tous les niveaux,

notamment au niveau des collectivités et institutions, des mécanismes et capacités quipeuvent aider systématiquement à accro»tre la résilience face aux aléas, ou les renforcer s'ils existent déjà >50.

C'est dans ce cadre que la campagne Ç Making Cities Resilient : My City is getting ready!>51Pour des villes résilentes : ma ville se prépare!È), lancée en mai 2010, aborda les questions de gouvernance locale et des risques urbains. Avec le soutien et la recommandation de nombreux partenaires et participants, les maires des villes participantes se sont engagés à poursuivre la campagne jusqu'en 2015.

Lors de l'évènement Ç Resilient Cities > de la Conférence Rio+20 de juin 2012, le cadre
d'action d'Hyogo est entré dans une nouvelle phase. L'objectif est maintenant de renforcer
la sensibilisation des populations pour entrer dans la phase de mise en Ïuvre. La

50 ÇCadre d'action de Hyogo pour 2005-2015: Pour des nations et des collectivités résilientes face aux catastrophesÈ, 9ème séance plénière de la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes, ref. A/CONF.206/6, janviers 2005

51 Site de la campagne : http://www.unisdr.org/campaign/resilientcities/

campagne se poursuivra pour concentrer son action sur un plus grand soutien dans la planiÞcation de l'action locale et le suivi des progrès réalisés dans les villes.

Par ailleurs, la campagne continue de préconiser un soutien accru des gouvernements nationaux pour renforcer la résilience des collectivités locales aux catastrophes. La campagne propose également d'associer les partenaires du secteur privé pour soutenir le développement des <normes de l'industrie> et des solutions innovantes de réduction des risques urbains.

Nous noterons qu'en France, seulement deux villes ont, à ce jour, rejoint le projet onusien <Making Cities Resilient: My City is Getting Ready>. Il s'agit de Nice (Alpes-Maritimes, 340 000 habitants) et de Sommières (Gard, 4 500 habitants).

1-2-3-1 Exemples étrangers de stratégie de résilience

Certains pays se sont inscrits dans la stratégie onusienne de réduction des catastrophes en adoptant comme nouvel objectif la résilience. C'est le cas des Etats-Unis, du Canada et de l'Australie, qui ont déÞni, en 2008, la résilience comme priorité nationale.

Aux Etats-Unis, une réforme a été mise en place par l'U.S Departement of Homeland Security. Elle s'intitule Building a Resilient Nation: Enhancing, Security, Ensuring a strong Economy52 (Construire une Nation Résiliente : Améliorer, Sécuriser, Assurer une économie forte).

La Stratégie Nationale et le plan d'action sur les infrastructures essentielles du Canada53, a pour objectif la mise en place d'une approche collective de gestion des risques à l'intention des administrations fédérales provinciales et territoriales.

Le gouvernement australien a pour sa part adopté une stratégie d'amélioration de la résilience à travers le document intitulé <Building a more Resilient AustraliaÈ54. Pour devenir résiliente, l'Australie a pour ambition de faire évoluer sa culture en gestion des risques. La culture du < need-to-know > (nécessité de savoir) de la sécurité nationale se transforme en culture du < need-to-share > (nécessité de partager) de la résilience, car l'engagement, l'information et la préparation de la population représentent, pour le Gouvernement Australien les points clefs menant à une nation résiliente.

1-2-4 Resilience organisationnelle, resilience urbaine et resilience territoriale

Nous avons vu que la résilience s'impose au niveau international et dans les gouvernements comme une nouvelle stratégie pour réduire les catastrophes et leurs impacts. Comme la résilience est un terme très large, des qualiÞcatifs lui sont

52 The Reform Institute, <Building a Resilient Nation: Enhancing Security, Ensuring a Strong Economy>, 2008, 29p

53 Sécurité publique Canada, <Aller de l'avant avec la Strategie nationale sur les infrastructures essentielles>, 2008, 34p

54 Australia Strategic Policy Institute, <Taking a punch: Building a more resilient Australia>, Strategic Insights 39, 2008, 24p

communément associés. Ils traduisent l'échelle conceptuelle dans laquelle la résilience s'inscrit en appliquant celle-ci à différents systèmes : l'organisation, la ville et le territoire. Nous allons donc présenter brièvement ces qualiÞcatifs, pour ensuite expliquer pourquoi nous choisirons le concept de résilience de territoire pour notre étude.

1-2-4-1 Résilience organisationnelle

Dès 1993, la résilience organisationnelle fat proposée par le psychologue des organisations Karl E. Weick, dans son analyse de l'effondrement de la construction de sens dans les organisations55.

Dans son approche sociologique de la résilience, il mit en avant plusieurs facteurs pouvant favoriser la résilience d'une organisation face à une crise :

- le fait de maintenir mentalement la structure de l'organisation dans le cas ou celle-ci devait s'effondrer

- l'attitude de sagesse

- l'interaction respectueuse

- l'improvisation et le bricolage

Le fait de maintenir mentalement la structure organisationnelle, dans le cas ou celle-ci devait etre amenée à s'effondrer, est nécessaire pour légitimer la place du leader au sein du groupe. L'attitude de sagesse consiste à prendre une distance avec son expérience aÞn d'éviter les erreurs d'interprétation des informations collectées de l'environnement. L'interaction respectueuse entre les membres de l'organisation est fondamentale pour agir collectivement : c'est ce qui peut permettre de gérer une situation inhabituelle. L'improvisation ou le bricolage consiste à trouver une nouvelle solution adaptée à la situation.

Bien que relativement ancienne, cette analyse est très intéressante et nous permet d'appréhender les pistes d'amélioration de la résilience dans sa dimension sociale.

Le concept de résilience organisationnelle est utilisé au Québec depuis 2008 via la démarche gouvernementale visant à accro»tre la résilience des systèmes essentiels. Cette approche systémique de la résilience organisationnelle intègre en plus de la dimension sociale initiée par Weick, une dimension technique.

Le document intitulé «Résilience organisationnelle - Concepts et méthodologie d'évaluation»56, du Centre Risque et Performance de l'Ecole polytechnique de Montréal, nous renseigne sur cette interprétation de la résilience organisationnelle.

L'organisation y est pensée selon une approche systémique (comme nous l'avons vu en 1-1-2-2). L'acceptabilité et la caractérisation des perturbations et des défaillances du système y sont déÞnis comme indispensables. Et enÞn, face aux perturbations, les modes de gestion de l'organisation doivent s'adapter pour que celle-ci soit plus résiliente.

55 Karl E. Weick , ÇThe collapse of sensemaking in organizations : The Mann Gulch disasterÈ, Administrative Science Quarterly, Décembre 1993, ABI/INFORM Global, p. 628 - URL http://cmapspublic.ihmc.us/

rid=1255442493375 13600551 21670/Mann%20Gulch%20Disaster%20(Weick).pdf

56 Beno»t Robert, «Résilience organisationnelle - Concepts et méthodologie d'évaluation», Centre risque & performance, Presses internationales Polytechnique, 2009, 48p

Pour finir notre présentation de la résilience organisationnelle, il est intéressant de signaler que Ç l'amélioration de la résilience organisationnelle È est l'un des objectifs de la norme ISO 3100057 sur le management des risques.

1-2-4-2 La résilience urbaine

Quelques auteurs proposent d'appliquer le concept de résilience aux villes pour traduire certains objectifs entrant dans le cadre du développement durable ou des programmes onusiens précédemment cités. Dans un article de mai 2012, des auteurs expliquent ce nouvel intérêt :

Ç La recherche sur le milieu urbain et les villes regroupe des compétences diverses relevant du champ de l'urbanisme, de l'architecture, de l'ingénierie, de l'économie, de la géographie, de la sociologieÉ, le concept de résilience urbaine donne lieu à de multiples traductions en termes de problématique et de développement méthodologique permettant alors le dialogue (la confrontation) entre ces disciplines bien souvent segmentées. »58

Les auteurs de l'article soulèvent cependant plusieurs problèmes liés à l'application du concept à la ville. Pour parler de résilience urbaine, il faut d'abord démontrer que la ville est un système. Or, il n'est pas possible de représenter l'ensemble du fonctionnement urbain et de ses interactions (internes et externes) qui constituent un système complexe. Afin de dépasser ces difficultés conceptuelles et tirer profit des avantages du concept de résilience, les auteurs proposent une définition plus opérationnelle.

La résilience urbaine est dans cette perspective considérée comme la capacité de la ville à absorber une perturbation puis à récupérer ses fonctions à la suite de celle-ci. Dans cette acception, la ville est bien considérée comme un système, au sens oü des composants (habitats, activités, infrastructures, populations, gouvernance) interagissent, mais il n'est pas utile de décrire en profondeur le système urbain.

Cette définition plus réductrice que les définitions premières (vue en 1-2-1-2), permet de dépasser les difficultés conceptuelles liées à ces définitions, et permet aux acteurs de la ville de se saisir de la notion.

Au niveau des villes, la résilience s'interprète suivant un temps court et un temps long.

La résilience urbaine de temps court s'appuie sur une stratégie technique qui vise à limiter le degré de perturbation de la ville (gr%oce à une meilleure capacité de résistance et d'absorption), mais également sur une stratégie plus organisationnelle qui vise à accélérer le retour à la normale (gr%oce à une gestion optimisée des moyens et des ressources).

Le lien avec la résilience urbaine de temps plus long passe par un processus
d'amélioration continu, en mettant à profit les capacités d'apprentissage et d'adaptation de la ville pour agir sur l'un des leviers précédemment évoqués.

57 (c) ISO 2009, Ç Norme Internationale ISO 31000, Management du risque - Principes et lignes directrices È, Première édition, 2009

58 M. Toubin, S. Lhomme, Y. Diab, D. Serre et R. Laganier, Ç La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine ? È, Développement durable et territoires Vol. 3 n°1, mai 2012 - URL : http:// developpementdurable.revues.org/9208

Pour résumer, la résilience urbaine de temps court correspond à la capacité de réaction des sous-systèmes de la ville (services, réseaux, population) face à une perturbation, alors que la résilience urbaine de temps long correspond au maintien des fonctions principales de la ville au niveau global (prospérité, qualité de vie, attractivité,É).

Le concept de résilience urbaine à donc pour but d'analyser et de promouvoir les mécanismes qui font de la ville un système apte à répondre à des situations de crises éventuellement inconnues. A ce titre, la résilience urbaine constitue donc un facteur de durabilité très important.

1-2-4-3 La résilience des territoires

La résilience organisationnelle et la résilience urbaine que nous avons exposées correspondent à des stratégies ciblées sur un seul niveau systémique (groupe humain organisé ou ville).

La résilience des territoires, aussi appelé Ç résilience territoriale È, à la vertu d'être plus générale et d'intégrer plusieurs niveaux :

- les organisations (entreprises, administrations,...)

- les infrastructures et réseaux (de télécommunication, d'électricité, d'eau,É) - les zones urbaines (villes et métropoles)

- les espaces ruraux (bassins versants, massifs forestiers, littoraux,É)

Comme nous l'avons vu (1-2-2), les territoires sont liés aux risques majeurs de part la connaissance collective des risques, et les Çclefs de voUteÈ des risques. En suivant ces deux facteurs, la résilience des territoires peut donc s'adapter aux différents niveaux. Cette conception permet ainsi de traduire l'embo»tement des niveaux de résilience des territoires en suivant le modèle des Ç poupées russes È.

L'embo»tement de ces différents niveaux constitue un système complexe adaptatif. Le groupe de recherche multidisciplinaire Ç Resilience Alliance »59 s'est spécialisé dans l'étude des dynamiques de ces systèmes complexes adaptatifs. Une méthode opératoire comprenant quatre phases a ainsi été élaborée par certains de ces auteurs. En appliquant cette méthode au système ÇterritoireÈ, dont nous avons démontré la pertinence pour les risques majeurs, nous pouvons esquisser le processus d'élaboration d'une stratégie de résilience des territoires.

Une stratégie de résilience des territoires impose d'abord de bien définir le territoire, au niveau spatial et historique, et de conna»tre les variables clés de son évolution. Cette étape oblige à mobiliser des experts à même de distinguer, pour un risque donné, les variables contrôlables et les variables incontrôlables à l'échelle locale. Par exemple pour un séisme il faudra associer une expertise architecturale et urbanistique sur la résistance des bâtiments, ainsi qu'une expertise géologique.

Au cours d'une deuxième phase, des experts sur la dynamique des territoires, se
penchent sur l'évolution du territoire en tant que métasystème. C'est à dire qu'il leur faut
identifier chacun des systèmes techniques (réseaux et infrastructures) et des systèmes

59 http://www.resalliance.org/

naturels (météo, ßeuve, massif forestier,...), ainsi que leurs interactions pour pouvoir repérer les comportements non linéaires et les seuils qui conduisent à des changements brutaux. Ils établissent ensuite un ensemble de trajectoires possibles et construisent ainsi quelques scénarios d'évolution face à une catastrophe.

Pour finir, il faut considérer les comportements humains face à une catastrophe. Ceux-ci sont des phénomènes complexes liés à la psychologie, la sociologie et la culture. Cependant, nous savons que le souvenir des catastrophes passées, le retour d'expérience, et l'enseignement de l'inattendu constituent des ingrédients qui intensifient la résilience des territoires. Il est donc nécessaire d'établir des mesures préventives à long terme (information de la population, éducation, exercices d'évacuation) et à court terme (gestion de la phase d'alerte) afin d'éviter l'éclosion de comportements de panique, et de renforcer ainsi la résilience du territoire.

1-2-5 Plaidoyer pour une strategie française de resilience des territoires

ÇPour assurer la stabilité et la survie d'une société frappée par une catastrophe, la résistance n'est pas toujours efÞcace. Elle provoque même des effets pervers quand le système social n'a pas un comportement linéaire et prévisible. Il est alors nécessaire de changer de stratégie, de renforcer la résilience de ce système menacé. Pour assurer la survie d'une société après une catastrophe, il faut donc incorporer des innovations permettant de renforcer la résilience. Paradoxalement, la stabilité d'une société, sa pérennité passe par le changement. »60

Cette citation d'A. Dauphiné et D. Provitolo résume bien le changement de stratégie que nous allons soutenir dans les paragraphes ci-dessous. En effet, même si les stratégies de résilience des territoires ne datent que de quelques années, et qu'il est difficile d'apprécier leurs efficacités, il est indispensable de les développer au sein de notre pays.

Dans un premier temps, nous allons donc définir les freins à la mise en place d'une stratégie française de résilience des territoires, avec en premier lieu le droit. Et dans un second temps, nous présenterons les prémices de la mise en place d'une telle stratégie en France.

1-2-5-1 Le droit : un frein à la stratégie de résilience des territoires ?

La chercheuse Valérie Sansévérino-Godfrin, nous éclaire sur les freins à l'origine de l'absence d'une stratégie française de résilience des territoires dans une publication61 de 2011. Elle remarque que la résilience ne figure pas au sein des textes juridiques. Le droit ne semblant s'intéresser qu'aux situations de fragilité impliquant une protection,

60 André Dauphiné et Damienne Provitolo Ç La résilience: un concept pour la gestion des risques È, Annales de géographie 2/2007 (n° 654), p115-125

61 Valérie Sansévérino-Godfrin, Ç Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le droitÉ Dans un contexte de développement durable È, dans les Actes des Ç 20ème journées scientiÞques de l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques à l'épreuve des savoirs È, mai 2011, 10p

notamment lorsqu'un dommage a été subi ou risque d'être subi. Le droit est plutTMt envisagé comme un palliatif en cas d'absence de résilience.

L'auteure constate également que, d'une manière générale, les décisions et les actions de conception de mesures de prévention et de protection reposent encore en grande majorité sur l'évaluation des aléas potentiels pouvant affecter les territoires et se limitent généralement à une gestion technique de l'aléa. Le management des risques devrait pourtant prendre en considération, en complément dans l'évaluation des risques, les facteurs humains et sociaux. Cela permettrait d'identiÞer les facteurs de fragilité et leurs interdépendances susceptibles d'aggraver les conséquences de la survenue de l'aléa. Ainsi, le management des risques fondé sur l'aléa repose encore en majeure partie sur une approche analytique, alors que la prise en compte de la vulnérabilité et de la résilience requiert d'adopter une approche systémique (comme nous l'avons vue en 1-2-1-2).

La prise en compte de l'ensemble des menaces susceptibles d'affecter le territoire nécessite donc de compléter l'évaluation des risques avec une dimension permettant de développer la faculté d'adaptation du territoire dans une perspective de durabilité, envisagée à travers la propriété de résilience.

V. Sansévérino-Godfrin nous invite ensuite à nous poser des questions aÞn de savoir si une stratégie de résilience pourrait être traduite dans le droit :

« Le droit est-il susceptible d'intégrer le caractere temporel de la résilience, c'est-à-dire sa dimension en tant que processus ? De meme, le droit peut-il promouvoir par ses outils une certaine souplesse ou une capacité d'adaptation ? È

D'après elle, en l'état actuel des choses, rien n'est moins sur. En effet, la majeure partie de la politique frangaise de prévention des risques majeurs s'inscrit dans le cadre d'une planiÞcation : plan de prévention des risques naturels et technologiques et plan local d'urbanisme par exemple (nous reviendrons sur ses plans en 2-2-3).

Les mesures intégrées dans ces plans acquièrent une valeur contraignante dès leur approbation et s'imposent à tous, personnes publiques ou privées. En outre, ces plans ne contiennent aucune mesure permettant une adaptation selon l'évolution des situations pour lesquelles ils ont été élaborés. La planiÞcation conduit ainsi à raisonner de manière statique, freinant ainsi les capacités de résilience des territoires confrontés aux risques majeurs. Une succincte analyse sémantique renforce sa conclusion : le terme « droit È et l'antonyme de « souple È et renvoie à quelque chose de rectiligne, de raide, de rigide.

1-2-5-2 Les prémices d'une stratégie frangaise de résilience des territoires

Actuellement en France, les ministères en charge du dossier des risques majeurs (Intérieur et Ecologie-Développement Durable) adoptent une position quelque peu attentiste vis à vis du concept de résilience des territoires.

La résilience a cependant fait son apparition dans le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2008, sous ces termes :

Ç La résilience se déÞnit comme la volonté et la capacité d'un pays, de la société et des
pouvoirs publics à résister aux conséquences d'une agression ou d'une catastrophe
majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou à tout le

moins dans un mode socialement acceptable. Elle concerne non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et la société civile tout entière.È62

Une revue bibliographique63 du Commissariat général au développement durable (CRDD) de mars 2012 témoigne également de la prise de conscience récente, par les pouvoirs publics, de l'importance du concept de résilience des territoires.

Dans un article64 de 2008 le président du conseil scientiÞque de l'AFPCN65, Paul-Henri Bourrelier nous explique que c'est la nature des crises possibles dans les prochaines années (du type crise Ç hors-cadres È) qui a entra»né la prise en compte de l'objectif de résilience dans la stratégie de sécurité nationale. Le devoir de l'État est de se préparer à répondre aux situations dans lesquelles pourraient être mis en cause la vie de la population ou le fonctionnement régulier de la vie économique, sociale ou institutionnelle du pays.

Accro»tre la résilience des territoires doit donc constituer, à l'avenir, l'objectif principal de la stratégie de sécurité nationale, déployé par l'État et l'ensemble des collectivités publiques. En effet, la résilience fait appel aux facultés de vigilance, d'adaptation et de réaction de la population menacée. Il suppose ainsi une gouvernance plus rapprochée, mobilisant mieux la société civile.

Notre seconde partie sera l'occasion d'analyser la gouvernance française actuelle des risques majeurs, ce qui nous permettra d'identiÞer des pistes d'amélioration pour mettre en place une gouvernance susceptible de développer la résilience des territoires.

62 Ç Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité nationale È, La documentation Française, Odile Jacob, juin 2008, p64

63 Ministère de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement - CGDD

Centre de ressources documentaires du Développement durable, Ç La résilience des territoires È, mars 2012, 8p - URL : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DossierCRDD Resilience.pdf

64 Paul-Henri Bourrelier, Ç Résilience : comment la renforcer pour réduire les vulnérabilités ? È, 2008, 5p - URL : www.ensmp.net/2008/11/18/Resilience et vulnerabilite 18 11 08.doc

65 Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles

2- Analyse de la gouvernance française des risques

majeurs

La présentation que nous venons de faire des risques majeurs et de la nouvelle stratégie de résilience des territoires nous permet de garder des points d'ancrage qui vont alimenter notre réßexion dans cette seconde partie. Le but de celle-ci sera d'analyser la gouvernance française des risques majeurs pour déterminer comment elle s'oriente vers une stratégie de résilience des territoires. Cela nous permettra ensuite d'esquisser une réponse à notre question centrale : Ç Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure résilience des territoires ? È

Ç La gouvernance désigne l'ensemble des règles, procédures et pratiques concernant la manière dont les pouvoirs sont exercés au sein d'une institution ou d'un pays. Elle rend compte de la conduite des affaires, en mettant l'accent sur les interdépendances entre acteurs au sein des processus de décision È66. Cette définition est tirée des actes d'un séminaire de réßexion, organisé en 2011 par la DREAL67 du Languedoc-Roussillon qui témoigne de l'intérêt de cette question de gouvernance au sein des territoires.

La notion de gouvernance est importante car elle se substitue à celle de gouvernement pour rendre compte des transformations actuelles de l'action publique. Cette notion illustre les transformations opérées depuis les années cinquante : du passage d'un gouvernement hiérarchique, à une régulation en réseaux complexes d'acteurs parties prenantes.

La décentralisation d'abord, qui implique des processus de gouvernance multi-niveaux et multi-acteurs en introduisant une contractualisation pluri-partenaire, et qui associe les parties prenantes et les citoyens à travers des démarches participatives.

Ainsi, dans le cadre du Grenelle de l'Environnement initié en 2007, l'Etat a tenté d'impulser une définition de ce qu'il appelle une "gouvernance concertée"68 entendue comme "un dispositif de co-construction des décisions publiques associant les représentants des différentes parties prenantes". Notre analyse se penchera ainsi particulièrement sur l'impact de cette nouvelle notion de gouvernance dans l'évolution des modes de décision vers des stratégies de résilience des territoires.

En effet, ces évolutions conduisent l'action publique à se rapprocher d'une action
collective territorialisée. Nous qualifierons ainsi la gouvernance de ÇterritorialeÈ et nous

définirons celle-ci comme "l'ensemble des nouvelles formes d'action publique quipermettent sous le mode du partenariat, la négociation entre l'Etat, les collectivités

66 Démarche prospective participative organisée par la DREAL du Languedoc RoussillonÇ Quelle gouvernance pour une meilleure résilience ? È, atelier 3 du séminaire Ç Quel littoral pour le Languedoc-Roussillon de 2010 à 2050 ? È, 25 octobre 2011

67 DREAL : Direction Régional de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement

68 Conseil général de l'Environnement et du Développement durable, Ç La gouvernance concertée È, Rapport N° 006766-00, mars 2010, 47p - URL : http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/006766-00- a-05_rapport_cle7f41a7.pdf

territoriales, les secteurs économiques et associatifs, les groupes d'intérêt et la société civileÈ69.

Nous tenterons donc d'analyser les partenariats, la diversité des formes et dispositifs, mais aussi la diversité des acteurs participants : publics et privés, avec des valeurs et des intérêts contrastés, et avec des capacités institutionnelles inégales.

Nous montrerons enfin qu'une gouvernance territoriale de la résilience nécessite de renforcer les capacités institutionnelles des acteurs, et de proposer des instruments innovants pour :

- collecter, traiter et diffuser l'information sur les risques majeurs

- assurer les dommages,

- contrôler l'urbanisation,

- construire l'organisation de la sauvegarde des populations

- évaluer l'efficacité des actions mises en Ïuvre

Pour analyser la gouvernance nous adopterons donc deux angles. Un angle centré sur les les institutions, les acteurs et leurs intérêts. Et un second angle centré sur les instruments à leur disposition.

2-1 Institutions et acteurs

Comme nous l'avons vu, la résilience territoriale correspond à la capacité d'un système socio-spatial (ville, littoral, bassin versant, massif forestier), à récupérer d'une catastrophe et à diminuer les impacts attendus lors d'une catastrophe ultérieure, notamment gr%oce à l'apprentissage et à l'intégration du retour d'expérience dans les caractéristiques du système.

Parallèlement, nous considèrerons les institutions comme l'ensemble des structures politiques établies par la Constitution, les lois, les règlements et les coutumes. Ces dernières peuvent intervenir dans la promotion de la résilience territoriale par le biais, entre autre, du découpage politico-territorial, des services de sécurité locaux ou du cadre législatif qui préside à la gestion des risques.

Nous prendrons ici le parti de considérer la gouvernance des risques majeurs comme un système d'acteurs, avec une approche que l'on peut qualifier de <politologiqueÈ. Nous étudierons donc les territoires en analysant, pour plusieurs exemples, les jeux des acteurs, leurs différentes échelles, et la fragmentation des compétences institutionnelles.

Comme l'évoque le sociologue Stéphane Cartier, < les risques majeurs représentent une transgression dans notre univers public administré, mais cloisonné sectoriellement È70. Ainsi, il perçoit comme indispensable de réßéchir au mode de régulation de la coexistence territoriale des activités. Le traitement public des risques doit donc, selon lui, concilier à la

69 Bertrand Nathalie et Moquay Patrick, <La gouvernance locale, un retour à la proximité.È, Économie rurale. N°280, 2004. Proximité et territoires. pp. 77-95.

70 Stéphane Cartier, < Les nouveaux protocoles d'action publique dans la gestion des risques naturels È, sous la

direction de Alain Faure et Anne Cécile Douillet, dans < L'action publique et la question territoriale È, Presse Universitaire de Grenoble, 2005, p 53-73

fois des données techniques (observer, spatialiser, comprendre et ma»triser les risques majeurs) et des tensions sociales (gestion des conßits locaux d'intérets, prise en compte des contraintes naturelles et industrielles dans des contextes administratif et économique globaux). Il pointe ainsi la question des lieux de coordination et de décisions qui s'annonce alors primordiale.

Pour étudier ces aspects, nous allons utiliser le concept de gouvernance précédemment exposé . Nous l'utiliserons ici de manière analytique pour comprendre quelles sont les institutions et les acteurs de la gestion des risques majeurs, mais également pour comprendre comment sont prises les décisions via l'énoncé des intérets en jeu.

A travers quatre approches différentes, nous allons tenter d'analyser l'interaction de la multitude d'acteurs qui concourent à la résilience des territoires.

2-1-1 Une approche moniste : Pouvoir des experts et hauts fonctionnaires d'Etat

Notre première approche se focalisera sur le poids des experts et des hauts fonctionnaires dans le processus de prise de décisions. En effet, depuis la genèse de la gestion des risques majeurs, une sorte d'élite de hauts fonctionnaires et de technocrates spécialisés s'est construite. Leurs directives transforment et modiÞent les politiques. En outre, ils sont présents bien plus longtemps à leur poste que les ministres. Ce pouvoir d'une élite experte s'est imposé au fur et à mesure du traitement par l'Etat, des problèmes techniques relatifs aux risques majeurs. Notre première approche revet ainsi une vision «monisteÈ de l'action publique. Pour l'argumenter, nous nous focaliserons sur deux points : l'organisation de l'Etat face aux risques majeurs, ainsi que les compétences et la formations des fonctionnaires.

2-1-1-1 L'organisation de l'Etat face aux risques majeurs

Nous considèrerons ici l'Etat au sens régalien du terme, c'est à dire le gouvernement, les ministères et les services déconcentrés. Nous allons donc présenter son organisation face aux risques majeurs en prenant l'exemple des différents niveaux : central, territorial et local.

Au niveau central

Comme nous l'avons vu en première partie, deux ministères se partagent les thématiques relatives aux risques majeurs. Le ministère de l'Intérieur se charge de toutes les questions de sécurité civile : alerte et secours des populations, planiÞcation d'urgence, et gestion de crise en général. Le ministère de l'Ecologie du Développement Durable et de l'Energie (MEDDE) se charge des questions de prévision, de prévention, d'information, de planiÞcation et d'aménagement.

Au sein du Ministère de l'Intérieur, c'est la Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises (DGSCGC) qui est en charge des risques majeurs. Elle fat créé en septembre 2011 avec pour but la gestion des crises et des accidents en France ou à l'étranger. Elle est constituée de plus de 2500 personnes, civils et militaires71. Dans cette

71 Source : http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/defense_et_securite_civiles/presentation

Direction Générale se trouve le Centre Opérationnel de Gestion Interministérielle des Crises (COGIC), ainsi que le Centre Interministériel des Crises (CIC) qui entre en action dès lors que la crise est déléguée par le Premier Ministre au Ministre de l'Intérieur.

Au niveau central, les services opérationnels nationaux sont également rattachés à cette Direction. Ils interviennent sur le territoire frangais et participent aux actions internationales de secours dans le cadre du mécanisme européen de protection civile. D'importants moyens humains et techniques lui sont alloués :

- 26 avions (polyvalents et spécialisés)

- 38 hélicoptères de secours

- 1462 sapeur-sauveteurs de formation militaire de la Sécurité civile

Au sein du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie (MEDDE), c'est la Direction Générale de la prévention des risques (DGPR) qui est en charge d'élaborer la stratégie face aux risques majeurs72. Au niveau central, elle s'appuie principalement sur deux services. Le service des risques technologiques gère les risques d'accidents technologiques majeurs via la Mission süreté nucléaire et la Sous-direction des risques accidentels.

Le service des risques naturels et hydrauliques gère les risques naturels via plusieurs bureaux : le Bureau des risques météorologiques, le Bureau des risques naturels terrestres, le Bureau de l'information préventive, de la coordination et de la prospective et le Bureau de l'action territoriale.

Au vu de cette organisation centralisée au sein des ministères, nous ferons une constatation : la gouvernance des risques majeurs est partagée entre les directions en suivant les compétences «légitimesÈ de chacun des ministères. L'ingénierie de l'alerte et de la gestion de crise revient au Ministère de l'Intérieur, et l'ingénierie de la prévention des risques majeurs revient au MEDDE.

Au niveau des territoires

Nous retrouvons également cette organisation bicéphale de l'action de l'Etat face aux risques majeurs au niveau des territoires.

Les préfectures constituent l'armature administrative de l'Etat. Sous les 7 Préfets des Zones de défense et de sécurité, les 22 préfectures de région et les 96 préfectures de départements (pour la métropole) relaient les directives du gouvernement. A chaque préfecture de département correspond un Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS). Ces différents SDIS sont composés de plus de 250 000 pompiers (volontaires, professionnels et militaires).

Nous remarquerons que cette hiérarchisation des compétences, héritée de Napoléon, permet une réponse des secours sur l'ensemble du territoire. En ce sens, l'organisation déconcentrée est bénéÞque à la résilience face aux catastrophes.

72 Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, « La direction generale de la prevention des risques È, juillet 2011 - URL : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Plaquette_DGPR.pdf

D'autres structures déconcentrées appuient également le MEDDE. Il s'agit des 8 Centres d'études techniques de l'équipement (CETE)73, des 21 Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).

Au niveau local

Au niveau local, ce sont les mairies qui représentent l'Etat. Les maires, bien qu'élus, sont également placés sous l'autorité du Préfet de département, en particulier pour les questions de sécurité et d'environnement. Ainsi les quelques 36 000 communes frangaises constituent le maillage le plus fin de la représentation de l'Etat sur les territoires. Le maire a ainsi une position particuliere, à la fois subordonné de l'Etat central et en charge de la police administrative sur son territoire, il est également un relai privilégié de la population de par le mandat électif qui lui a été confié.

Plusieurs textes traduisent le rTMle et la responsabilité du maire en matiere de gestion des risques majeurs :

L'art. R111-2 du Code de l'urbanisme permet au maire de refuser un permis de construire s'il estime que «É les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la securite ou à la salubrite publiques».

Il est stipulé dans le Code général des collectivités territoriales que «le maire est chargé de la police municipale» (art. L2212.1) qui «a pour objet d'assurer le bon ordre, la sOrete, la securite et la salubrite publique» (art. L2212.2) et de «faire cesser, par la distribution de secours necessaires, les accidents et les ßeaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature[...], de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration superieure» (alinéa 5). L'article 21 de la loi n° 87.565 de juillet 1987 précise aussi que « les citoyens ont un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent ».

De par la diversité des compétences qui leur sont attribuées, les maires n'ont ainsi pas d'intérêt à retenir la dichotomie entre prévention (lutte contre les aléas et la vulnérabilité «technique»), et gestion de crise (organisation de l'alerte et des secours). Une vision globale, supportée par le concept de résilience du territoire, est donc parfaitement adaptée aux missions du maire.

2-1-1-2 Compétences et formations des fonctionnaires et des élus

Comme nous l'avons suggéré lors de la présentation de la résilience des territoires, les compétences nécessaires pour gérer les risques majeurs s'integrent de plus en plus dans une vision décentralisée. La connaissance du territoire demeure primordiale. La compréhension des enjeux, et de la vulnérabilité est indispensable pour mettre en place un «management de la résilience».

Les premiers représentants de l'Etat sur les territoires, c'est à dire les Préfets, ont majoritairement suivi leur formation à l'ENA (Ecole Nationale d'Administration). Or, cette formation trts conditionnante pour les futurs fonctionnaires, a été pendant longtemps la première représentante de la doctrine de résistance et de lutte technique contre les aléas.

73 Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-CETE-centres-d-etudes,12616.html

Nous pouvons ainsi avoir des interrogations sur la volonté de cette élite à engager des stratégies de résilience des territoires.

Cependant, depuis quelques années, entre autre via la RGPP (Révision générale des politiques publiques), les services déconcentrés de l'Etat se sont appauvris en moyen humains d'expertise et d'ingénierie. Nous assistons ainsi à un transfert de compétences humaines vers les communes et les grandes agglomérations.

En effet, les maires ne sont pas spécialistes des risques majeurs, et les préfectures ne sont plus toujours en mesure d'assister l'ensemble des communes pour fournir une expertise.

L'exemple du Mastère spécialisé Gestion des Risques sur le Territoires74 de l'Ecole Internationale des Sciences du Traitement de l'Information (EISTI) axé sur la formation des fonctionnaires territoriaux, démontre ainsi la montée en puissance d'une expertise et des compétences de plus en plus fragmentées. Nous reviendrons sur cet aspect de territorialisation de l'expertise en abordant les Etablissements Public de Coopération Intercommunale (EPCI) en 2-1-2.

Pour revenir sur notre vision d'une expertise et d'une administration à la fois Çmoniste> et façonnée selon la doctrine de lutte technique contre les aléas (approche typologique des risques majeurs, vue en 1-1-2-1), nous reprendrons l'argumentèrent de A. Dauphiné et D. Provitolo. Ils suggérèrent ainsi en 2007 de développer un nouveau champ d'expertise, car ils considèrent que Ç par rapport aux nombreux ingénieurs et géophysiciens compétents, les experts de la résilience sont encore trop rares > et que Ç nos connaissances sur la résilience sont donc imparfaites. >75

Depuis cette constatation, des progrès importants ont cependant été accomplis. La résilience devient ainsi un sujet d'étude Çà la mode> qui s'inscrit dans les programmes de formations en management des risques.

Pour exemple, nous pouvons citer la session nationale ÇRésilience et Sécurités Sociétales> organisée depuis 2010, chaque année, par le Haut comité français pour la défense civile (HCFDC)76. La création de ce type de formation, à destination des cadres des secteurs privés et publics, correspond ainsi au nouveau besoin des organisations en terme de compétences.

Pour résumer notre réßexion sur l'organisation de l'Etat, nous nous appuierons sur les propos de Valérie Sansévérino-Godfrin77.

Elle déclara ainsi en 2011, que les institutions d'Etat peuvent constituer une entrave à la
résilience, Ç dans la mesure ot) si elles garantissent un fonctionnement du pouvoir au-delà

74 Site du mastère : http://risque-territoire.masteres.eisti.fr/index.php/accueil

75 André Dauphiné et Damienne Provitolo, Ç La résilience : un concept pour la gestion des risques >,Annales de géographie, n° 654, 2007, p. 115-125 - URL : www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2007-2-page-115.htm.

76 Voir sur ce sujet la plaquette de présentation de la session 2013 - URL : https://www.hcfdc.org/securise/pdf/session/ plaquette session 2013.pdf

77 Valérie Sanseverino-Godfrin est juriste et ingénieur de recherches au Centre de Recherches sur les Risques et les Crises (Mines ParisTech)

de l'alternance politique, et donc un équilibre de la société, elles témoignent aussi d'un conservatisme qui peut aller à l'encontre des capacités d'adaptation È78. En effet, les ministères peinent encore à transcrire le concept de résilience des territoires dans leurs politiques, et dans les mesures juridiques qui les accompagnent. Le fonctionnement suivant une hiérarchisation militaire des administrations n'est donc pas propice aux changements de mentalité, nécessaires pour adopter des politiques de résilience des territoires.

2-1-2 Une approche pluraliste : l'exemple des EPCI

Ç La nouvelle conception de gestion des risques amène également à poser la question de l'adéquation des échelles de l'organisation administrative, la commune, le département, voire la région, au regard des territoires exposés aux risques, qui par nature, ne correspondent pas aux cellules administratives.È79

Cette citation de V. Sansévérino-Godfrin résume la seconde vision que nous allons adopter pour analyser la gouvernance française de la gestion des risques majeurs. Nous allons ainsi développer l'approche pluraliste selon laquelle l'action publique serait davantage le résultat d'opinions contradictoires de groupes d'intérêts. Ainsi, la vision centrale de la gestion des risques majeurs rencontre des visions territoriales parfois contradictoires.

Pour argumenter cette approche, nous allons brièvement analyser l'impact de la décentralisation sur la gouvernance des risques majeurs. Nous prendrons ensuite pour exemple la gestion du risques d'inondation par les EPTB pour étayer cette analyse.

2-1-2-1L'impact de la décentralisation

Ç Le problème des relations entre collectivités locales n'était pas déterminant avant 1982, parce que le préfet se situait au centre du système et pouvait à tout instant arbitrer entre les élus. »80

Cette citation du politologue et géographe Jean-Pierre Gaudin nous fait prendre la mesure de l'évolution engendrée par la décentralisation dans la gouvernance des territoires. La décentralisation a placé les communes, les départements, les régions et l'Etat sur un même niveau formel, les obligeant ainsi à entretenir des relations directes et à négocier.

78 Valérie Sansévérino-Godfrin, Ç Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le droitÉ Dans un contexte de développement durable È, dans les Actes des Ç 20ème journées scientiÞques de l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques à l'épreuve des savoirs È, mai 2011, 10p, p8

79 voir note précédente

80 Jean-Pierre Gaudin, Ç Politiques urbaines et négociations territoriales. Quelle légitimité pour les réseaux de politiques publiques ? È, Revue française de science politique, n°1 45e année, 1995, p31-56

Les transferts de compétences en matiere d'aménagement se sont accompagnés par une réduction des effectifs dans les services déconcentrés. Les collectivités territoriales se dotent donc de nouvelles capacités d'expertises et d'ingénierie. Ces nouvelles capacités, en fournissant une expertise propre aux territoires, apportent un nouveau pouvoir aux collectivités. Les collectivités territoriales sont donc de plus en plus en mesure de défendre leurs intérets via la mobilisation de cette «contre-expertise.

Autour des collectivités territoriales «classiques (ville, département, région), la loi sur l'intercommunalité du 12 juillet 1999 a également multiplié les structures de coopération intercommunale, qui ajoute un peu plus au ßou perceptible du processus de décision politique en matiere de gestion des risques.

Pour la gestion des risques majeurs, l'organisation intercommunale présente plusieurs intérets. Elle permet d'abord de mutualiser les moyens techniques et humains.

La communauté urbaine de Nantes Métropole en est un bon exemple. Au niveau intercommunal, une Direction «Risques et Pollutions de 15 personnes permet ainsi de fournir un soutien aux services en charge des risques des différentes mairies.

Cette Direction intercommunale a, entre autres, pour mission 81:

- d'animer un groupe de travail sur les Plans Communaux de Sauvegarde (PCS)82 associant les référents risques des 24 communes, des services de Nantes Métropole et des représentants du SDIS

- d'intervenir directement dans les communes, à leur demande pour aider au lancement du PCS

Le second intéret des structures intercommunales est de s'adapter à la spatialité des risques. Comme nous l'avons vu en 1-2-2-2, la gestion des risques majeurs passe par l'identification des clefs de voOte des risques qui déterminent le territoire. Pour gérer ces clefs de voOte, la structure intercommunale est alors la plus pertinente. Pour une métropole confrontée à des risques urbains spécifiques (ruissellement urbains, vulnérabilité des réseaux interconnectés,...), l'organisation intercommunale classique (par métropole, agglomération et zone urbaine) appara»t alors tout à fait légitime.

Pour certains autres risques, des structures intercommunales innovantes ont été édifiés.

2-1-2-2 L'exemple des EPTB

Certains exemples illustrent l'inadéquation de l'organisation juridico-administrative. Nous choisirons pour exemple le risque d'inondation lié à un cours d'eau. Celui-ci peut concerner plusieurs communes, voire plusieurs départements ou régions. Or, à l'échelle d'un bassin versant, plusieurs autorités de police sont compétentes pour intervenir, à leur échelon administratif (maire, préfet du département, préfet de zone). On voit des lors toute la difficulté à gérer le risque à l'échelle d'un bassin, dans la mesure ou cela implique la réunion de plusieurs autorités de police, source de conßits ou d'incohérences.

Pour harmoniser la gestion des risques d'inondation (et la gestion de l'eau plus généralement), la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 instaure ainsi la création des

81 Source : http://www.irma-grenoble.com/PDF/05documentation/intercommunalites/cu/fiche%20nantes%20metropole %20CU%20Fiche%201.pdf

82 Nous détaillerons ces plans en 2-2-4

Etablissements Publics Territoriaux de Bassin (EPTB). Ce type de structure permet, entre autres, d'inscrire la gestion du risque d'inondation à l'échelle d'un bassin de risques, quelle que soit l'échelle administrative, et correspond davantage aux conceptions de gestion globale.

Nous prendrons pour exemple l'EPTB Loire. Cette structure administrative appelée «Etablissement public Loire (ou «EP Loire) est un syndicat mixte composé de 50 collectivités ou groupements (7 régions, 16 départements, 18 villes et agglomérations, et 9 Syndicats Intercommunaux)83. Reconnu en 2006 comme Etablissement Public Territorial de Bassin, il contribue à la cohésion des actions menées sur l'ensemble du bassin de la Loire.

Il assume des missions de coordination, d'animation, d'information et de conseil aupres des acteurs ligériens. En outre, ses compétences sont axées sur les deux principaux métiers d'hydraulicien et de développeur territorial. L'établissement est également membre privilégié des comités de pilotage des Programmes d'Actions de Prévention des Inondations (PAPI)84.

L'EP Loire déploie ainsi des actions:

- de prévention et de réduction des inondations

- de stimulation de la recherche de données et d'information

- de gestion des ouvrages stratégiques (barrages de Naussac et de Villerest) - d'aménagement et de gestion des eaux.

Nous noterons que ces actions entrent dans le cadre du «Plan Loire 2007-2013 financé en collaboration entre l'Etat, les régions Auvergne, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre, Languedoc-Roussillon, Limousin, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Rhône Alpes, l'agence de l'eau Loire-Bretagne et l'Etablissement public Loire. Des fonds du programme FEDER85 alimentent également ce plan.

Au regard de la décentralisation et des nouvelles structures intercommunales, nous pouvons remarquer une fragmentation et une complexification des prises de décisions. L'administration en charge des risques majeurs est en effet de plus en plus structurée autour d'Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et autres établissements publics spécialisés sur un type d'aléa, comme les EPTB pour les inondations.

Dans ces nouvelles structures, la place des élus a toute son importance. Entourés d'élites de plus en plus spécialisées, les élus politiques rencontrent ainsi de moins en moins de situations de subordination vis à vis du pouvoir central de l'Etat.

D'apres cette vision, la gouvernance des risques majeurs revêt ainsi un caractere compétitif et équilibré. Nous qualifierons cette gouvernance de polyarchie, dans laquelle l'Etat s'habille d'un rôle d'arbitre, alors qu'il demeure perméable à l'influence des groupes d'intérêt (groupe d'élus, et autres pressions politiques locales).

83 Source : http://www.eptb-loire.fr

84 Pour plus de détail sur les PAPI, voir : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PAPI.pdf

85 FEDER : Fonds européen de développement régional

2-1-3 Une approche par les reseaux : le rTMle des associations et des entreprises

« Des lecons ont ete tirees des efforts de creativite en matiere de prevention des catastrophes au sein des communautes pauvres dans les pays en voie de developpement. La politique de prevention est trop importante pour etre laissee aux seuls gouvernements et agences internationales. Pour reussir, la societe civile doit elle aussi etre engagee de la meme facon que le secteur prive et les medias. »86

Cette citation de Kofi Annan, datant de 1999, est plus que jamais d'actualité. En effet, les nouvelles formes de prise de décisions publiques intègrent de plus en plus de place aux acteurs non publics. Ce nouveau mode de gouvernance, intégrant associations et entreprises privées, nous amènent à proposer une autre vision pour analyser la gouvernance frangaise de la gestion des risques majeurs : l'approche par les réseaux.

D'après l'approche par les réseaux, l'Etat est central. Il intervient ainsi dans la sélection et la promotion de certains groupes d'intérets. La mise en oeuvre d'un dialogue est l'occasion de favoriser certains groupes au détriment d'autres groupes.

Pour argumenter cette vision, nous nous appuierons d'abord sur l'étude du rôle des associations et des entreprises dans la gouvernance des risques majeurs. Nous montrerons ensuite comment la mise en réseaux de l'ensemble de ces institutions instaure des conditions plus propices à une stratégie de résilience des territoires.

2-1-3-1 Rôle des associations

Le nombre et le poids des associations dans la gouvernance frangaise des risques majeurs ne cessent d'augmenter ces dernières années. En effet, les services centraux (ministères) et les services déconcentrés (préfectures) de l'Etat ont subi des réductions importantes de leurs moyens humains et financiers qui ont entra»né un retrait de leur mission de support et d'expertise pour les collectivités. Face à ce retrait, les collectivités s'orientent alors vers des structures associatives pour rassembler leurs expériences. Cette co-production de connaissances sur les risques majeurs participent d'ailleurs grandement à établir une connaissance collective des risques majeurs.

Dans le tableau qui suit (Figure. 5), nous retrouvons les principales associations frangaises participant à la gouvernance des risques majeurs. Bien qu'elle ne soit pas exhaustive, cette liste nous permet d'esquisser la physionomie générale de ces associations.

Les associations comme la Croix-Rouge frangaise et l'AMF sont des institutions anciennes d'ampleur nationale, avec de gros moyens, et traitant des risques majeurs de par la transversalité de leur mission.

Nous remarquons également des associations se spécialisent sur un type d'aléa (le CSEM pour les séismes, Amaris pour les risques technologiques, ou le CEPRI pour les inondations), alors que d'autres associations se spécialisent selon le territoire (l'IRMa en Rhône-Alpes, le Cyprès en PACA, le C-PRIM en Pyrénées). Cette polarisation selon les

86 Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, «Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN)È, Forum du Programme, Genève, juillet 1999

territoires nous démontre que les acteurs locaux ont une volonté de développer une expertise territoriale sur les risques majeurs.

Acronyme

Nom complet

Année de
création

Principales ressources

Territoire et
themes privilégié

CR-F

Croix Rouge française

1864

- Dons

- Subventions publiques

France
Secours des
populations

AMF

Association des maires de France

1907

- Cotisation des maires

adhérents

- Congres

- Vente de revues

France
Tous types de
risques majeurs

CSEM

Centre Sismologique Euro- Méditérranéen

1975

- Subventions publiques et

européennes

- Subventions privées

Europe
Risques sismiques

HCFDC

Haut Comité français pour la défense civile

1982

- Colloques et formations

- Cotisations des collectivités

et des entreprises adhérentes

- Subventions publiques

France
Tous types de
risques majeurs

IRMa

Institut des Risques Majeurs

1988

- Cotisations des collectivités

et des entreprises adhérentes

- Subventions publiques

Rhône-Alpes
Tous types de
risques majeurs

Amaris

Association nationale des communes pour la ma»trise des risques technologiques majeurs

1990

- Cotisations des villes

adhérentes

- Subvention publiques

France
Risques
technologiques

Cypres

Centre d'information pour la prévention des risques majeurs

1991

- Cotisations des collectivités

et des entreprises adhérentes

- Subventions publiques

Provence-Alpes-

Côte d'Azur
Tous types de
risques majeurs

Iffo-RME

Institut français des formateur risques majeurs et protection de l'environnement

1997

- Subvention publiques

France
Tous types de
risques majeurs

AFPCN

Association française de prévention des catastrophes naturelles

2000

- Cotisation des adhérents

- Subventions publiques

- Rétributions des contrats

ou conventions

France
Risques naturels

MRN

Mission risques naturels

2000

- Cotisation des sociétés

d'assurances adhérentes

France
Risques naturels

CEPRI

Centre Européen de Prévention du risque d'Inondation

2006

- Subvention publiques

- Cotisation des associations

et collectivités adhérente

Europe
Risques
d'inondations

C-PRIM

Centre Pyrénéen des Risques Majeurs

2012

- Subventions publiques

Pyrénées
Risques naturels

Figure. 5 Liste des principales associations françaises participant à la gouvernance des risques majeurs

Toutes ces associations bénéficient de financements d'Etat et des collectivités sous forme d'une cotisation ou de subvention directe. Elles ont également, pour la plupart d'entre elles, des activités de production éditoriale (sites web et revues) et de formation à destination des fonctionnaires territoriaux.

Via les subventions qu'elles reversent à ces structures, l'Etat se délègue d'une partie de ses missions. Cette «sous-traitanceÈ associative permet une plus grande souplesse dans les crédits consacrés à la prévention des risques majeurs. Cela permet également d'établir un contexte compétitif propice aux expérimentations et aux innovations. De plus, ces associations entretiennent des liens privilégiés avec les entreprises.

2-1-3-2 RTMle des entreprises

Le rTMle des entreprises dans la gouvernance des risques majeurs est primordial. Dans les lignes qui suivent, nous distinguerons cinq types d'entreprises en analysant leur lien avec la gouvernance des risques majeurs :

- les compagnies d'assurances

- les industriels

- les grands opérateurs de réseaux (transport, télécom, électricité, eau, gaz) - les bureaux d'études et cabinets conseils

- les entreprises spécialisées dans les TIC (technologies de l'information et de la communication innovantes)

Les compagnies d'assurances ont un rTMle très important dans la gouvernance des risques majeurs. Les activités de dédommagement permettent en effet d'augmenter la résilience en fournissant un instrument financier pour reconstruire le territoire. Nous reviendrons plus en détail sur cet instrument en 2-2-2.

Les industriels ont également un rTMle très important et un poids considérable dans la gouvernance des risques majeurs. Ils possèdent une expertise de leurs risques technologiques, ce qui leur confère une légitimité dans les prises de décisions. De plus, leur pouvoir de négociation s'avère très important sur le territoire ou ils sont installés, en particulier quand ils sont l'un des principaux employeurs. L'observation du secteur nucléaire est d'ailleurs révélateur des jeux de pouvoir et des réseaux d'influences. Constituées en véritables lobbys, ces entreprises peuvent avoir une influence sur les décisions nationales ou locales.

Les députés souvent attachés à l'industrie de leur territoire auront ainsi tendance à minimiser les risques de ces activités.

Au niveau local, les maires sont également souvent soumis à des pressions des entreprises privées, en particulier sur les questions d'urbanisme. Nous reviendrons plus en détail sur ces aspects dans notre analyse des instruments d'autorité (en 2-2-3), en prenant pour exemple les plans de prévention des risques (PPR).

Les grands opérateurs de réseaux, majoritairement issus de privatisations d'entreprises publiques, sont eux aussi très impliqués dans la gouvernance des risques majeurs. La vulnérabilité de leur système révèle la vulnérabilité technique des territoires. En mettant en oeuvre des procédures spécifiques, ils peuvent développer la résilience des territoires.

En vigueur depuis le 1er juillet 2012, la réforme «DT/DICTÈ, relative à l'utilisation d'un nouveau téléservice ( www.reseaux-et-canalisations.gouv.fr), est révélatrice de l'implication de ces opérateurs.

Entrant dans le cadre du plan d'actions anti-endommagement des réseaux, cette réforme a été mise en place pour prévenir les accidents lors de travaux réalisés à proximité de réseaux aériens, enterrés ou subaquatiques. Concrètement, toute personne envisageant de réaliser des travaux a l'obligation de consulter le téléservice ( www.reseaux-etcanalisations.gouv.fr) aÞn d'obtenir la liste des exploitants auxquels ils devront adresser les déclarations réglementaires de projet de travaux (DT) et d'intention de commencement de travaux (DICT).

Pour Þnir sur les acteurs privés, nous présenterons les bureaux d'études et cabinets conseil, ainsi que les entreprises spécialisées dans les TIC.

L'ensemble de ces acteurs ont une influence souvent centrée sur leur territoire d'implantation. Ils fournissent aux collectivités locales des compétences externes qu'elles ne possèdent que rarement en interne. L'expertise technique sur les aléas, la communication, l'accompagnement, la formation, la fourniture d'outils, voir l'audit sont autant d'activités en fort développement et qui proÞtent à ces entreprises privées de petites tailles.

Pour étudier l'influence de ce type d'entreprise de fagon synthétique, il est intéressant d'étudier la mise en réseaux actuellement en cours.

2-1-3-3 La mise en réseaux

La mise en réseaux est un processus formel ou informel visant à rapprocher des acteurs privés et publics pour qu'ils partagent leurs expériences et développent leurs activités. Plusieurs dispositifs nous renseignent sur l'importance de cette mise en réseau au sein de la gouvernance frangaise des risques majeurs.

Notre premier exemple sera le PTMle de Compétitivité "Gestion des Risques et Vulnérabilités des territoires". Labellisé PTMle de Compétitivité en 2005 et PTMle Régional pour l'Innovation et le Développement Economique Solidaire (PRIDES) en 2007, ce pTMle fédère des grands groupes, des PME, des laboratoires de recherche, des collectivités et des centres de formation du Languedoc-Roussillon et de Provence-Alpes-CTMtes-d'Azur. Il a pour but de fournir des solutions concrètes dans la gestion de tous les risques (naturels, technologiques, industrielsÉ).

Ce pTMle de compétitivité a, entres autres, développé un label à destination des collectivités. Ce label s'intitule « Gestion des Risques Territoriaux- pour Un Territoire Resilient È87. Celui-ci a pour but la reconnaissance des démarches communales de gestion des risques. Il se base sur l'application d'un processus d'amélioration continue. Son référentiel a été construit en suivant les lignes directrices de la norme ISO 31000 sur le management des risques88.

87 Plaquette de présentation du label : http://www.pole-risques.com/files/plaquette%20label%20grt%20version%20gui %20mai%202012.pdf

88 (c) ISO 2009, « Norme Internationale ISO 31000, Management du risque - Principes et lignes directrices È, Première édition, 2009

Développé par le HCFDC depuis 2008, le label «Pavillon orange est également destiné aux collectivités. Il a pour but d'orienter et d'aider les municipalités dans la montée en puissance de leur Plan Communal de Sauvegarde. La labellisation a également pour mission de mettre en avant les communes ayant mené des actions concretes en vue de renforcer la sécurité et la protection de leur population face aux risques majeurs.

Ces deux exemples sont révélateurs de l'influence des réseaux rassemblant les entreprises et les associations. Nous pourrions presque parler d'une sorte de «comitologie pour déÞnir les relations et les règles régissant ces réseaux. Ils jouissent d'un statut privilégié pour assister l'Etat dans son rTMle, en proposant des traductions opérationnelles des impératifs réglementaires.

Le «Réseau Risques d'IDEAL Connaissance89 constituera notre dernier exemple pour étayer notre analyse de l'importance de la mise en réseau dans la gouvernance des risques majeurs. Créé en 2006, Le «Réseau Risques, a pour ambition de fédérer les professionnels des risques majeurs de toutes les collectivités territoriales au sein d'une communauté professionnelle, qui associe échanges en ligne (via la plateforme www.reseau-risques.net) et rencontres physiques entre homologues. Il rassemble actuellement environ 1000 collectivités représenté par 1600 agents.

C'est lors de conférences que cette mise en réseau est la plus perceptible. Ces évenements rassemblant l'ensemble des acteurs institutionnels sont l'occasion pour l'Etat de remplir son rTMle privilégié de mise en relation et de réunions des acteurs. Pour exemple, nous pourrons ainsi citer les Assises nationales des risques naturels (dont la première édition s'est déroulée en janvier 2012 à Bordeaux), les Assises nationales des risques technologiques, ou encore les «Irisées (organisé par le «Réseau Risques mentionné précédemment).

Aux termes de la présentation de cette approche par les réseaux, nous formulerons deux critiques principales :

- les différentes corporations dépendent encore majoritairement des crédits fournis par l'Etat pour fonctionner

- ces réseaux d'acteurs s'adressent à des professionnels avertis connaissant la doctrine en place, et sont toujours tres éloignés des citoyens lambdas.

2-1-4 Le rTMle central du citoyen

ÇPour les risques majeurs, selon moi, la résilience des populations se construirait à partir de l'attachement au territoire (psychologie environnementale), de la reconnaissance du rôle positif de l'individu dans la prévention et de son pouvoir de contrôle (psychologie sociale et vision positive de l'aménagement du territoire) et le développement d'une vision

89 IDEAL Connaissances est une société de droit privée, à gouvernance publique, spécialisée dans l'animation de réseaux professionnels et la formation à destination d'agents publics. A l'origine, c'était une association (Réseau IDEAL) qui a évolué en une structure privée pour se développer. Cette évolution est révélatrice de la perméabilité existante entre le monde associatif et les entreprises. Site internet d'IDEAL Connaissances : http://www.idealconnaissances.com/

globale du futur de son territoire qui peut l'amener à investir dans la prévention (réalisation de projet et valorisation individuelle).È90

Cette citation de Paul-Henri Bourrelier constituera le point de départ de notre dernière vision pour analyser la gouvernance française des risques majeurs. En effet, il identiÞe la résilience de la population comme déterminante pour la résilience des territoires face aux risques majeurs.

Pour évaluer l'impact du rTMle que doit avoir la population dans la gouvernance des risques majeurs, nous allons étudier le principe de participation du public et les réserves communales de sécurité civile.

2-1-4-1 Participation du public

Actuellement dans les modes de gouvernance, on parle beaucoup de Ç démocratie participative È. Celle-ci implique d'informer et de consulter le public aÞn de mettre en Ïuvre une concertation. La concertation a pour but de faire participer l'ensemble de la population à la prise de décision, ce qui implique un partage du pouvoir, souvent difÞcilement accepté par ceux qui le détiennent. Quoi qu'il en soit, le mouvement est en marche et les législateurs ont créé petit à petit de nouveaux outils pour mettre en Ïuvre cette démocratie participative. Nous noterons que le développement de cette concertation rejoint l'idée soutenue par les Nations Unies qui veut qu'un Etat soit d'autant plus résilient qu'il est gouverné démocratiquement.

En France, l'association visant à rechercher un consensus entre les personnes associées à la réalisation d'un projet ou d'un document, est ainsi obligatoire dans un certain nombre de procédures (cf. article L. 121-4 du Code de l'urbanisme). Ç Une concertation est une attitude globale de demande d'avis sur un projet, par la consultation de personnes intéressées par une décision avant qu'elle ne soit prise (É) È. 91

Or, comme le souligne Valérie Sansévérino-Godfrin, Çfaute d'avoir été déÞnies très clairement sur le plan légal, ces procédures peinent à être mises en place, de sorte qu'une gestion des risques, impliquant l'ensemble des acteurs concernés reste, pour l'heure, une Þnalité théorique.È92

Concernant la thématique des risques majeurs, plusieurs dispositifs de concertation existent. Nous citerons ainsi les procédures d'enquete publique (en particulier lors de l'élaboration des PPR), les CLIC (Comités locaux d'information et de surveillance)93 pour les sites industriels SEVESO seuil haut, et les CLIS (Commission locales d'information et de surveillance) auprès des installations nucléaires.

90 Paul-Henri Bourrelier, Ç Résilience : comment la renforcer pour réduire les vulnérabilités ? È, 2008, 5p - URL : www.ensmp.net/2008/11/18/Resilience et vulnerabilite 18 11 08.doc

91 Commission Nationale du Débat Public (CNDP) : http://www.debatpublic.fr/

92 Valérie Sansévérino-Godfrin, Ç Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le droitÉ Dans un contexte de développement durable È, dans les Actes des Ç 20ème journées scientiÞques de l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques à l'épreuve des savoirs È, mai 2011, 10p

93 A noter qu'ils seront progressivement remplacé par les CSS (Commissions de suivis de site)

Ces dispositifs formalisent les processus de concertation, mais ne remplissent que rarement l'objectif annoncé d'impliquer la population dans les décisions et les choix politiques.

Le politiste Jean Tournon propose ainsi plusieurs pistes pour atteindre une plus grande implication de la population. D'apres lui, «la concertation doit rester au plus haut degre de generalite. Les citoyens ne peuvent que se fourvoyer dans l'etude de situations subalternes (...) ; il faut aussi que les citoyens s'en occupent eux-memes et non à travers des representants ou des porte-paroles.È94

En effet, le systeme démocratique est censé produire des citoyens responsables de leurs décisions et des conséquences de ces décisions. Alors qu'avec de bonnes associations et de brillantes ONG qui plaident pour eux, ils ont peu de raisons de le devenir. Jean Tournon déclare également que l'objectif de la concertation n'est pas de former des experts. Il faut, selon lui, simplement avoir des citoyens bien intentionnés et sensés à meme de prendre un probleme grave à bras le corps pour acheminer la société vers de bonnes solutions.

La concertation amene évidement son lot de confits. Mais ceux-ci sont normaux et souvent tres utiles pour l'élaboration des décisions collectives importantes.

De plus, nous ajouterons que la participation du public ne se décrete pas, mais elle se construit au cas par cas et au jour le jour. Elle est par définition un processus collectif et dynamique qui doit évoluer vers une pratique usuelle.

Pour finir sur la participation du public, nous soulignerons l'importance des vecteurs de participation informels qui sont actuellement en plein essor. En effet, la mise en réseau des connaissances permet d'établir des ponts entre les experts, les politiques et les populations. L'impact d'internet et du web 2.0 (en particulier les réseaux sociaux) est ainsi tres positif pour l'implication de la population.

L'exemple du site internet http://memoiredescatastrophes.org/ 95 est révélateur de ce mouvement. Ce site met en avant le savoir profane pour entretenir la mémoire des catastrophes ce qui contribue à la construction d'une culture du risque.

2-1-4-2 Les réserves communales de sécurité civile et l'organisation de la solidarité en temps de crise

Pour comprendre l'idée qui a amené à la mise en place des réserves communales de sécurité civile, nous nous appuierons sur un article96 de l'anthropologue Souad Ait Ouarab-Bouaouli. Celui-ci défend l'idée qu'il faut informer les populations pendant la crise, mais aussi les intégrer dans les phases de pré- et post-crise afin que les «victimesÈ deviennent des citoyens acteurs de la résilience de leur territoire.

94 Jean Tournon, « Concertation : sur quoi ? avec qui ? È, Risques infos, n°28, novembre 2011, 27p, p4

95 Ce site est développé par l'Institut pour l'histoire et la mémoire des catastrophes (ihméc) dirigé par le psychologue Serge Tisseron

96 Souad Ait Ouarab-Bouaouli, «Pour une equite dans l'acces à l'information en cas de catastrophesÈ, Communication, Vol. 26/2, 2008 - URL : http://communication.revues.org/index850.html%23ftn1

Il revient ainsi sur l'impact du changement de stratégies. Jadis collectives et chaotiques, elles sont aujourd'hui institutionnelles et ordonnées. Or, cette mise à distance des populations vulnérables lors des opérations de gestion de crise débouche sur une victimisation de ces populations. Nous noterons que cette victimisation rejoint Çla fabrique de la crise par le politiqueÈ : s'il y a plus de ÇvictimesÈ (au sens ici de population vulnérable) alors, les mérites des sauveurs n'en seront que plus importants.

C'est pour répondre à ce nouveau besoin d'implication de la population dans la gestion de crise que la loi du 13 aoUt 2004 a créé les réserves communales de sécurité civile. Cellesci ont pour but d'organiser les différentes bonnes volontés qui se manifestent lors d'une situation d'urgence et de les doter d'un statut leur assurant une protection juridique et sociale, dans le cadre de l'aide bénévole apportée à la collectivité.

Ayant une part entière dans le Plan Communale de Sauvegarde97 des communes la réserve communale de sécurité civile rassemble des hommes et des femmes de tous %oges et toutes professions. Ces bénévoles doivent être formés pour avoir un minimum de compétences opérationnelles. Ces formations traitent par exemple de l'utilisation d'extincteurs, du fonctionnement des groupes électrogènes et des vide-caves, de l'utilisation de déÞbrillateur, du montage et du démontage de lits de camps, etc. Une attention particulière doit être également être accordée aux EPI (Equipement de Proctection individuelle) et à la tenue des bénévoles (pantalon et parka haute visibilité, chaussure de sécurité, gants de manutention, badge d'identiÞcation).

La réserve communale de sécurité civile est un dispositif permettant l'implication active de la population, et joue donc un rTMle déterminant pour la résilience des villes l'ayant mis en place.

97 Nous détaillerons ce dispositif en 2-2-4

2-2 Les instruments

La seconde partie de notre analyse de la gouvernance française des risques majeurs se portera sur l'étude des instruments. En effet, les instruments structurent l'action publique et sont déterminants pour la mise en oeuvre des décisions. Notre vision sera donc plus pragmatique et nous permettra de répondre à la question suivante :

Quels sont les instruments utilisés par les décideurs pour mettre en application leur politique ?

Cette approche par les instruments permet de mettre en avant le rapport entre gouvernant et gouverné. Elle permet également de travailler sur l'évolution des stratégies des décideurs en posant la question du ÇComment ?>. Cette optique nous fournira ainsi un nouvel angle d'analyse qui sera bénéfique à notre compréhension de la gouvernance des risques majeurs.

Enfin, l'étude du mixage des différents instruments nous aiguillera sur des pistes qui alimenteront notre réponse à notre question centrale : ÇQuelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleur résilience des territoires>.

Pour structurer notre analyse des instruments, nous suivrons la classification ÇNATO>. Cette classification fUt développée en 1983 par le politologue Christopher Hood dans son ouvrage intitulé ÇThe Tools of Government >. La méthode ÇNATO> classe les instruments des politiques publiques en quatre types : les instruments de nodalité (nodality), les instruments d'autorité (authority), les instruments financiers (tresor), et les instruments d'organisation (organization).

Pour compléter notre analyse des instruments, nous finirons par présenter l'évaluation qui constituera notre dernier angle d'analyse de la gouvernance des risques majeurs.

Pour chacun des types d'instruments précédemment cité, nous étayerons notre analyse par la présentation d'exemples. Ces exemples ne seront pas exhaustifs, mais ils nous permettront d'esquisser une vision de l'utilisation des instruments pour la gouvernance des risques majeurs.

2-2-1 La collecte, le traitement et la diffusion de l'information : le cas de l'information preventive sur les risques majeurs

Le ÇN> de la classification ÇNATO> correspond à la notion de nodalité (nodality). La nodalité rassemble tous les outils permettant aux institutions de remplir leur rTMle de Çnoeud>. Ce Çnoeud> est en fait une métaphore pour décrire le processus de collecte, de traitement et de diffusion de l'information.

Les instruments de nodalité sont essentiels pour la gouvernance des risques majeurs car ils sont à l'origine de nos connaissances, de par la collecte des données relatives aux aléas et aux enjeux vulnérables. Le traitement de ces données sous forme cartographique constitue les éléments de base utilisés par les administrations pour prendre leurs décisions. Les cartes de risques alimentent les argumentaires soutenant la nécessité de

mettre en Ïuvre certaines mesures contraignantes comme les Plans de Préventions des risques (sur lesquels nous reviendrons en 2-2-3).

EnÞn, ces instruments de nodalité sont aussi primordiaux pour communiquer une information au grand public. Pour les risques majeurs, nous parlerons ainsi de l'information préventive.

Pour mieux comprendre le rTMle des instruments de nodalité dans la gouvernance des risques majeurs, nous étudierons d'abord les outils cartographiques, les systèmes d'informations géographiques (SIG) et l'apport des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).

2-2-1-1 Cartographie, SIG et NTIC

La cartographie permet d'analyser les risques majeurs dans leurs caractéristiques spatiales. Elle intervient à plusieurs échelles et peut représenter la répartition spatiale des aléas, celle des enjeux et de leurs vulnérabilités, voire une combinaison de ces facteurs. Cet outil représente par ailleurs un appui dans la sensibilisation du grand public, des entreprises et des élus, et s'inscrit ainsi dans le processus plus général d'optimisation de la gestion des risques majeurs.

Les systèmes d'information géographique (SIG) sont des systèmes permettant de créer, d'organiser et de représenter des données référencées spatialement pour produire des plans et des cartes. Ils sont ainsi des outils privilégiés pour traiter l'information sur les risques.

Pour alimenter ces systèmes, les directions SIG des services déconcentrés et des collectivités fournissent un important travail de collecte. Les sources principales d'informations utilisées sont les cadastres, les évaluations des risques (fournies par les services de l'Etat ou des bureaux d'études spécialisés), ainsi que les données sur la population de l'INSEE98.

Pour mettre en place cette collecte, il est indispensable de disposer d'un outil informatique performant.

Cet outil doit être capable :

- de fournir une base de données pour saisir les informations

- de cartographier et de localiser les aléas

- de croiser les données fournies sur les enjeux (nombre d'habitants pour chaque zone,

édiÞce à forte valeur patrimoniale, moyens matériels pour la gestion de crise)

- de croiser les différentes couches géographiques (réseau routier, électrique, zones

inondables,...)

Un bon exemple de SIG sur la thématique des risques majeurs est l'outil ÇcartorisqueÈ créé en 2006. A destination du grand public, il est accessible via internet ( http:// cartorisque.prim.net), et répond à la circulaire du 4 juillet 2006 qui le désigne comme la Çsource de données de référence pour l'ensemble des cartes de risquesÈ.

Les SIG étant très complexes à mettre en Ïuvre, ils nécessitent des compétences spéciÞques qui constituent le cÏur du métier de géomaticien.

98 Institut national de la statistique et des études économiques

Les instruments de nodalité sont actuellement en pleine évolution. En effet, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) redéfinissent les contours de ces instruments en apportant des fonctionnalités qui étaient encore impossibles il y a quelques années.

Les réseaux sociaux comme facebook ou twitter sont également de fabuleux outils pour développer la résilience des populations. De plus en plus connectés, les Français vivent aujourd'hui l'information en temps réel. Le moindre indice ou rumeur peut être relayé à des millions de personnes en seulement quelques heures. Il est donc très important pour les donneurs d'ordres (maires, préfets, ministres) d'être présents sur les réseaux sociaux. Ils doivent assoir leur Çcrédibilité numériqueÈ pour être en mesure de mobiliser les internautes lors d'une catastrophe. Cela passe par la construction d'une communication quotidienne sur les actions mises en oeuvre (mise en place de nouvelles règles, exercices d'alerte, bulletins de prévision), mais également en répondant aux questions des citoyens et en infirmant les rumeurs infondées.

L'apparition des smartphones, intégrant la géolocalisation et des applications innovantes, fournit également de nouveaux vecteurs pour sensibiliser la population aux risques majeurs et l'alerter en cas d'évènement. La Direction de la prévention des risques urbains de la ville de Nice a, par exemple, développé une application spécifique pour promouvoir la résilience de sa population en cas de crise. Cette application intitulée ÇRisques NiceÈ99 permet aux citoyens de signaler un désordre sur la voie publique, de s'inscrire au service de télé-alerte pour être informé en cas de vigilance météo ou de la survenance d'événements importants, mais aussi d'accéder aux informations préventives et aux documents d'information régulièrement mis à jour sur les risques majeurs. Cette démarche s'inscrit pleinement dans le cadre réglementaire actuel, qui oblige le maire d'une commune soumise aux risques majeurs, d'alerter et d'informer sa population en cas de survenance d'un événement mais également, de manière régulière, sur les actions mises en oeuvre par la commune pour lutter contre les risques.

Cependant, cette bonne pratique fait figure d'exception. L'une des principales obligations des maires en matière de risques majeurs est d'informer sa population en particulier sur les mesures à mettre en oeuvre suivant les différents types d'aléas (évacuation, confinement, coupure du gaz, etc.). Cette information est réglementairement représentée par le DICRIM. Nous allons donc présenter succinctement ce document et l'état de sa réalisation par les communes.

2-2-1-2 Le Document d'Information Communal sur les Risques Majeurs (DICRIM)

C'est le décret 90-918 du 11 octobre 1990 qui a introduit le document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) : Ç le maire établit un document d'information qui recense les mesures de sauvegarde répondant au risque sur le territoire de sa commune, notamment celles de ces mesures qu'il a prises en vertu de ses pouvoirs de police (É) È

Le DICRIM doit ainsi être réalisé dans les communes :

99 ÇApplication smartphone Risques NiceÈ, Vidéo de présentation par la ville de Nice, 1:14, 27 juillet 2012 - URL : http:// www.youtube.com/watch?v=CGMYGBupuW8

- oü existe un Plan de Prévention des Risques technologiques ou naturels approuvé - situées dans les zones particulièrement exposées à un risque sismique

- désignées par arrêté préfectoral en raison de leur exposition à un risque majeur particulier

L'article R125-11 du code de l'environnement précise le contenu du DICRIM :

Ç Le document d'information communal sur les risques majeurs reprend les informations transmises par le préfet. Il indique les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde répondant aux risques majeurs susceptibles d'affecter la commune. Ces mesures comprennent, en tant que de besoin, les consignes de sécurité devant être mises en Ïuvre en cas de réalisation du risque. È

Le DICRIM est donc un outil de communication réglementaire à destination de la population de la commune. Il doit être compréhensible par tous et privilégier les illustrations (cartes, photographies, schémasÉ). Chaque DICRIM est propre à la commune. Il doit être adapté à la nature des risques présents sur la commune et ÇpersonnaliséÈ avec éventuellement des photographies et des informations locales (historique des crues, témoignage d'un habitant...). Le DICRIM intègre les éléments clefs du Plan Communal de Sauvegarde, tels que les moyens d'alerte et les consignes à appliquer.

De par sa nature, les DICRIM sont donc des documents déterminants pour développer la culture des risques sur les territoires. Leur création et la communication qui en est faite à la population constitue une étape importante pour développer la résilience des territoires.

Une étude du géographe Johnny Douvinet lors d'une rencontre100 en juin 2012 présente un état d'avancement des DICRIM. En s'appuyant sur la base nationale et recensant les DICRIM ( www.bd-dicrim.fr)101, ce chercheur a ainsi établi une carte de France comparant le nombre de communes à obligation de réaliser un DICRIM et le nombre effectif de DICRIM consultable sur le site par département (Figure. 6). Au regard de cette carte, nous constatons la faiblesse quantitative de ces documents. Comme une représentante du MEDDE le précise, lors de cette même journée, seulement 6000 DICRIM sur 29000 sont à l'heure actuelle réalisés.102

100 Johnny Douvinet, ÇEtat d'avancement des DICRIM dans plusieurs départements francais (mars 2012) : du reglement à la réalité observée sur le terrain È, Rencontre Technique ÇL'information préventive et la communication sur les risques majeursÈ, organisé par le Réseau Risque en partenariat avec l'IRMa, Hémicycle du Grand Lyon, 21 juin 2012

101 Le site internet Çbd-dicrimÈ est gérer par le Réseau Risques qui reçoit des subventions du MEDDE pour l'entretenir et l'alimenter par une collecte auprès des préfectures et des mairies.

102 Catherine Desfemmes (Chargée de mission Ç information préventive È MEDDE), Ç Cadre réglementaire de l'information préventiveÈ, Rencontre Technique ÇL'information préventive et la communication sur les risques majeursÈ, organisé par le Réseau Risque en partenariat avec l'IRMa, Hémicycle du Grand Lyon, 21 juin 2012

Figure. 6 Nombre de communes à obligation de réaliser un DICRIM comparé au nombre effectif de DICRIM consultable sur le site bd-dicrim

Comme le souligne J. Douvinet, la présence d'un DICRIM dépend de plusieurs facteurs : l'implication locale des élus ; les types de risques ; l'importance de la population ; les ressources humaines et financières.

L'absence d'un DICRIM s'explique également pour plusieurs raisons : les mairies ne percoivent pas la population comme acteur de leur propre prévention ; elles ignorent volontairement leurs obligations ; elles pensent que d'autres documents se substituent à l'information préventive (comme les Plans de Prévention des Risques) ; ou elles percoivent les risques majeurs comme ayant une faible fréquence qu'il faut accepter.

Nous invoquerons donc plusieurs perspectives d'amélioration relative aux DICRIM. La première serait d'impulser une plus forte dynamique locale via l'utilisation d'outils innovants. C'est par exemple ce qu'a fait Saint-Etienne en développant un DICRIM interactif103. Il serait également profitable d'apporter une expertise scientifique aux communes, par exemple en montant des partenariats avec les départements de géographie des universités. Et enfin, il faut améliorer l'appropriation de la démarche DICRIM auprès des élus qui sont parfois ignorants de cette obligation, ou de la façon de la mettre en oeuvre et de la valoriser.

Nous finirons notre analyse des instruments de nodalité par une constatation : la faiblesse
de la communication du gouvernement français en matière de risques majeurs. Nous
pourrions en effet imaginer que l'Etat pourrait financer des campagnes de communication

103 Présentation de ce DICRIM sur le site de la ville : http://www.saint-etienne.fr/cadre-vie/information-risques-majeursbis/risques-majeurs-a-saint-etienne

(télévisées et radios) ayant une ampleur similaire à celle déployée pour la lutte contre le tabagisme ou les accidents de la route. Malheureusement, nous en sommes encore très loin...

2-2-2 Le contrTMle de l'urbanisation et les Plans de Prevention des Risques (PPR)

Le deuxième type d'instrument de gouvernance des risques majeurs que nous analyserons sont les instruments d'autorité. Pour présenter ce type d'instrument, nous prendrons pour exemple le cas du contrTMle de l'urbanisation Þxé par les Plans de Prévention des Risques (PPR).

Au niveau territorial, c'est le préfet qui est responsable de la prescription et de l'élaboration des Plans de Prévention des Risques Naturels prévisibles (PPRN) et des Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT). Ces plans déÞnissent, en fonction des niveaux de risques, des zones dans lesquelles des mesures d'urbanisme doivent etre prises : servitude d'utilité publique, expropriation de biens, droit de délaissement ou encore prescription de mesure constructives de réduction de la vulnérabilité. Les projets de PPR (N ou T) font l'objet de processus de concertation impliquant tous les acteurs locaux (maires, riverains, exploitants, associations, salariés,...). Une fois approuvés par le préfet, les PPR sont annexés au Plan Local d'Urbanisme (PLU), et deviennent opposables aux tiers.

Au niveau local, le maire et le préfet partagent la responsabilité de la ma»trise de l'urbanisation vis à vis des risques majeurs. Le maire délivre des certiÞcats d'urbanisme, permis de construire et permis d'aménager en tenant compte des informations sur les risques majeurs à sa disposition. Il dispose d'un outil fondamental pour gérer les risques présents sur son territoire : le Plan Local d'Urbanisme (PLU). Si un bien est particulièrement exposé aux risques majeurs, il est possible au maire comme au préfet de procéder à l'acquisition à l'amiable du bien ou à l'expropriation de celui-ci.

Comme le décrit Valérie Sansévérino-Godfrin104, les Plans de Prévention des Risques répondent aux besoins de réduction de la vulnérabilité des territoires exposés, en imposant des mesures en vue de limiter les dommages aux personnes et aux biens. Ainsi, ils permettent de ne pas aggraver la vulnérabilité des territoires exposés, en réglementant pour le futur l'usage des sols et les activités ou encore de traiter la vulnérabilité des biens et activités existants (création d'espace refuge, travaux de consolidation...).

La première critique sur les PPR que nous fournit V. Sansévérino-Godfrin, concerne leur élaboration et leur champ, le plus souvent par risque et par commune. Or, cette mise en oeuvre « parcellisée » peut constituer un frein important à l'objectif de réduction de la vulnérabilité face aux risques majeurs et d'augmentation de la résilience, qui implique, comme nous l'avons vu en première partie, une approche globale et systémique du territoire.

104 Valérie Sansévérino-Godfrin, « Risques naturels, vulnérabilité, résilience et le droitÉ Dans un contexte de développement durable », dans les Actes des « 20ème journées scientiÞques de l'environnement - Environnement entre passé et futur : les risques à l'épreuve des savoirs », mai 2011, 10p

La seconde critique mise en avant par cette chercheuse, concerne l'esprit de mise en oeuvre de ces documents. En effet, alors que le PPR peut etre un outil juridique destiné à réduire la vulnérabilité d'un territoire, en intégrant la complexité de celui-ci et ses multiples facettes et en proposant des mesures de sécurité globale, il est davantage envisagé, en réalité, comme un instrument urbanistique autoritaire permettant de limiter le développement d'enjeux dans les zones de risques. En outre, les reglements des PPR établissent rarement des liens entre les autres mesures de prévention mises en place dans les territoires concernés, comme par exemple les plans d'urgence, les mesures d'information, les plans de gestion des cours d'eauÉ

Pour finir sur les PPR, nous nous pencherons sur un article105 de Johnny Douvinet de 2011, dans lequel celui-ci analyse les relations qu'entretiennent les maires avec les PPRI (Plan de Prévention des Risques d'Inondation). Son étude a pour but de mieux comprendre la position des maires face à des outils réglementaires existants.

Il décrit la position de certaines communes réfractaires à l'idée d'appliquer les PPRI de par la forte pression fonciere qui incite à l'urbanisation, mais également de par les «bénéfices» de la reconversion des terres agricoles en terres à urbaniser. Cela a en effet permis à ces villes de s'agrandir (contentant le maire), tout en facilitant l'acces à la propriété (contentant ainsi les citoyens et les promoteurs). L'Observatoire du risque inondation dans le Gard (ORIG) rappelle à ce sujet que 100 000 logements ont été implantés en zones inondables entre 1999 et 2008 sur l'ensemble du territoire frangais métropolitain106.

J. Douvinet explique ce mauvais constat par plusieurs raisons :

- le développement local releve plus du quotidien d'une commune que le risque, meme si celui-ci est prégnant ;

- l'absence d'évenements graves pendant plusieurs années contribue à faire oublier le risque ;

- la prise en compte des risques majeurs est parfois encore absente des décisions inhérentes à l'aménagement.

J. Douvinet conclut son article en faisant le constat que les maires se trouvent dans une position délicate pour appliquer les PPRI, «subissant la pression par le haut (instances institutionnelles), avec l'obligation de respecter les réglementations, mais également par le bas (population), avec un électorat actuel ou potentiel qui souhaite s'installer et enrichir économiquement le territoire».

Les instruments d'autorités comme les PPR sont donc relativement peu pertinents pour améliorer la résilience des territoires. Leur application effective appara»t trts difficile, en particulier car les contrôles et les sanctions mis en oeuvre contre les municipalités «hors la loi» sont très rares.

2-2-3 Focus sur le regime d'indemnisation des catastrophes naturelles

Nous continuons notre analyse des instruments de gouvernance des risques majeurs par
le «T» de notre classification «NATO». Il correspond au «trésor» entendu ici comme une
capacité financiere. Nous prendrons l'exemple emblématique du régime frangais

105 Johnny Douvinet et al, «Les maires face aux plans de prévention du risque inondation (PPRI)», L'Espace géographique, Tome 40, 2011, p31-46

106 Source : http://www.noe.gard.fr/index.php/observatoire-du-risque-inondation/indicateurs

d'assurance des catastrophes naturelles. Le régime d'indemnisation «CatNatÈ (pour Catastrophes Naturelles) est un instrument financier que peu de pays possedent.

Son principe est relativement simple. Tous les propriétaires et locataires de biens immobiles (habitations, industries, cultures) doivent payer une assurance. Celle-ci integre une partie fixe (spécifique aux risques naturels) qui contribue à cotiser dans une caisse de réassurance107. En cas de dommage suite à un évenement naturel, un dossier CatNat peut être établi pour faire reconna»tre par le gouvernement l'état de catastrophe naturelle. Quand celui-ci est promulgué par arrêté ministériel, la caisse de réassurance est débitée pour couvrir les dommages des sinistrés.

Ce régime a ainsi pour objet principal le maintien d'une solidarité territoriale vis à vis des risques naturels. La relative simplicité de ce principe cache cependant l'extrême complexité juridique du dispositif, qui suscite par ailleurs de nombreuses critiques.

C'est l'un des constats développés dans le récent projet de réforme concernant ce régime : « Le regime d'indemnisation des catastrophes naturelles a ete institue par la loi n ° 82-600 du 13 juillet 1982. Il a demontre depuis sa creation son efficacite, en procurant une large couverture des dommages resultant de catastrophes naturelles pour un coOt modere. Dans un contexte mondial et national marque ces dernieres annees par une recurrence accrue de catastrophes naturelles, il a cependant revele deux faiblesses : un cadre juridique imprecis, dommageable à la transparence et à l'equite du regime, et des mecanismes d'incitation à la prevention insuffisants. »108

Les catastrophes naturelles survenues en France ces dix dernieres annees, telles que la secheresse de 2003, la tempete Xynthia et les inondations dans le Var en 2010, sont des exemples privilegies pour comprendre les problemes de ce regime. En s'appuyant sur ces experiences, le projet de loi portant reforme du regime d'indemnisation des catastrophes naturelles propose de délimiter clairement le champ d'application du régime, en précisant l'articulation du régime avec l'assurance construction pour la prise en charge des risques liés à la sécheresse. Il prévoit également que soit explicitée la méthodologie permettant aux experts scientifiques d'apprécier l'intensité des événements naturels.

Afin d'encourager la mise en oeuvre de mesures visant à prévenir les risques naturels, le projet de loi permet une modulation encadrée des cotisations d'assurance pour les entreprises et les collectivités territoriales.

Pour conclure sur le régime CatNat, nous rappellerons que l'assurance est un facteur primordial pour la résilience des territoires. En effet, si nous reprenons la vision selon laquelle il n'est pas possible d'anticiper et de prévoir tous les types d'aléa et leurs conséquences, alors il est indispensable de prévoir des mécanismes de dédommagement. Ceux-ci sont déterminants pour reconstruire et rétablir l'économie du territoire. L'assurance est donc un mécanisme permettant la résilience des personnes et des biens, puisque l'indemnisation peut être pergue comme un moyen de faire en sorte d'annuler les effets dommageables d'un événement.

107 Exemple de la CCR (Caisse Central de Réassurance) détenu à 100% par l'Etat frangais. Site internet : http:// www.ccr.fr

108 Sénat, « Projet de Loi portant reforme du regime d'indemnisation des catastrophes naturelles È,session ordinaire de 2011-2012, N°491, 3 avril 2012, 146p, p3

Cependant, le paradoxe de ce système d'indemnisation vient du fait qu'il n'incite pas la population et les entreprises à prendre des mesures pour réduire leur exposition aux conséquences des aléas. De plus, son mécanisme repose sur un équilibre précaire qui risque d'être renversé dès l'apparition d'une crise Çhors-cadres>.

2-2-4 Plan Communal de Sauvegarde (PCS) : l'organisation contractuelle en tant de crise

Le dernier instrument de gouvernance des risques majeurs que nous analyserons est l'organisation. Pour l'illustrer, nous prendrons l'exemple de la contractualisation mise en place par la création du Plan Communal de Sauvegarde (PCS).

Nous commencerons par présenter la notion de Çsolidarité contractuelle>, et nous exposerons ensuite son impact sur le design du PCS

2-2-4-1 La Çsolidarité contractuelle>

La contractualisation a pour but de permettre aux pouvoirs publics (Etat et

collectivités) de déléguer certaines de leurs missions à d'autres organismes (collectivités tierces, entreprises, associations) dans le cadre de marchés publics. Les contrats sont des règles temporaires qui répondent à des besoins de coordination et de co-financements. Ils sont sous cette optique un instrument d'organisation de la gouvernance privilégié.

Il n'existe pas de texte général sur les contrats, nous pourrons cependant distinguer trois grands types de pratiques:

- des documents d'orientation avec une charte, qui affiche une volonté de coopérer, mais sans détail précis des opérations

- des contrats de projet qui s'inscrivent dans un calendrier budgétaire contraignant avec des opérations précises

- des contrats de programmation (exemple des contrats de plan Etat-Région de la décentralisation), qui planifient les grands investissements publics, et la programmation des crédits publics des différents partenaires

Les caractéristiques communes de ces trois types de contrats concernent l'accord réciproque des signataires sur les objectifs du contrat, l'apport conjoint de moyens (financier, expertise, service) à la réalisation de l'objectif fixé, l'accord sur le calendrier, et la prévision de sanctions, si le contrat n'est pas respecté.

Ces contrats font entrer de la souplesse. Cela permet ainsi de renouveler les bonnes pratiques. Ils instaurent cependant une multiplicité des tours de tables et un brouillage des responsabilités qui provoquent un déficit de transparence des décisions. De plus, les différents acteurs ne sont pas seulement partenaires, ils sont également en compétition car ils n'ont pas les mêmes priorités.

Le sociologue Stéphane Cartier revient sur la place de ces contrats dans la gouvernance des risques majeurs dans un article109 de 2005.

Il insiste sur les nouvelles exigences de sécurité territoriales pour expliquer le phénomène de contractualisation. Celle-ci provoque selon lui, une nouvelle sectorisation des problèmes en plusieurs entités : expertise, ma»trise d'oeuvre, services de surveillance, de secours, et assurances.

Il explique que la Çsolidarité contractuelleÈ devient une solution pour gérer la fluctuation des responsabilités, dans le système complexe d'échanges qui se met en place.

La délégation à des acteurs privés dotés d'une bonne connaissance du territoire, devient ainsi une pratique courante. L'évitement d'une responsabilité territoriale communautaire pousse les collectivités à la contractualisation avec des entreprises privées gestionnaires des risques. Sur ce marché, dont l'Etat refuse d'assumer le monopole, les normes commerciales se substituent alors aux règles légales comme source d'autorité sur les comportements légitimes.

Pour étudier ce phénomène plus en détail, nous allons maintenant présenter le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) et la façon dont il est organisé.

2-2-4-2 Design du PCS

C'est la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 aoUt 2004 qui a créé les outils nécessaires au maire pour assumer pleinement son rTMle de partenaire majeur de la gestion des événements de sécurité civile, en particulier avec l'institution du Plan Communal de sauvegarde (PCS). Le PCS s'inscrit dans la nouvelle démarche ORSEC (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) : il constitue sa déclinaison au niveau communal.

Le PCS est obligatoire pour toute commune soumise à un risque majeur identiÞé par un Plan de Prévention des Risques (PPR) approuvé, ou par un Plan Particulier d'Intervention (PPI) pour les risques technologiques localisés. Son contenu et sa méthode de mise en place ont été précisés par le décret n°2005-1156 du 13 septembre 2005110 et par trois guides111 de présentation de la démarche et de la réalisation d'exercices, édités par la Direction de la sécurité civile.

Sur les 10 546 communes soumises à l'obligation de réaliser un PCS, 37,5% d'entre elles ont élaboré leur plan. La réalisation de PCS par plus de 1000 communes non soumises à l'obligation conÞrme cette tendance encourageante. Au total, plus de 5000 PCS ont d'ores et déjà été réalisés, toutes communes confondues. 112

109 Stéphane Cartier, Ç Les nouveaux protocoles d'action publique dans la gestion des risques naturels È, Sous la direction de Alain Faure et Anne Cécile Douillet, Ç L'action publique et la question territoriale È, 2005, p 53-73

110 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006052410&dateTexte=20110725

111 http://www.interieur.gouv.fr/sections/a l interieur/defense et securite civiles/search form?SearchableText=pcs

112 IRMa ( Institut des Risques Majeurs), ÇComment garantir le caractère opérationnel du Plan Communal de SauvegardeÈ, Risques infos, n°29, juin 2012, 27p, p4-5

Le PCS est une obligation des communes qu'il leur est impossible de déléguer à un autre organisme. Cependant, lors de la réalisation du PCS, les mairies n'ont pas forcément toutes les compétences pour mettre en place une organisation efficace (en particulier pour les petites communes). Le but premier du PCS n'est pas de répondre à une exigence légale, mais bien de construire une organisation opérationnelle en réponse à des scénarios de crises. La souplesse de la contractualisation s'inscrit parfaitement dans cette mentalité, et ce à tous les niveaux de la construction du PCS.

Nous allons présenter les différents niveaux de contractualisation possibles relatifs au PCS. Pour cela, nous parlerons du «design du PCSÈ.

Cette notion est légitime, car le rTMle du design est de répondre à des besoins, de résoudre des problèmes, de proposer des solutions innovantes, ou d'inventer de nouvelles possibilités dans le but d'améliorer la vie (ou la survie) des êtres humains.

Le premier niveau de contractualisation dans le design du PCS est la formation. En effet, il faut former les agents, pour qu'ils puissent être en mesure :

- d'édifier l'organisation des astreintes,

- de réagir rapidement, et

- de déclencher des actions face aux évènements.

Les situations déclenchant le PCS au sein d'une commune sont relativement rares, il est de ce fait peu mis en oeuvre sur le terrain. De plus, la diversité des aléas et leur éventuelle interaction peut conduire à l'application de tout ou partie du plan.

Comme le suggère l'IRMa dans une publication113 de juin 2012, l'entra»nement et l'audit sont donc indispensables pour anticiper tous les types de situations. D'une étude de cas en salle à un exercice général impliquant tout le dispositif et en faisant participer la population, les simulations pilotées par des acteurs extérieurs aux services de la mairie permettent de s'assurer de l'opérationnalité du PCS.

Le document consignant le PCS peut se limiter à des «pense-bêtesÈ sous forme de fiches réßexe et tout autre document opérationnel (tableau de recensement des moyens, annuaire de crise,...). Pour les villes plus importantes, il est cependant utile de faire appel à des sociétés de spécialisation dans l'édition de logiciels spécialisés dans la gestion du PCS. C'est le cas des logiciels OSIRIS-Multirisques114, in-PCS115 ou iAstreinte116.

Il est d'ailleurs intéressant de revenir sur la genèse de ces outils. OSIRIS-Multirisque distribué par la société DeltaCad était à l'origine un projet intitulé OSIRIS-Inondation du CETMEF117 financé par l'Union Européenne. iAstreinte distribué par la société Boréal Bussiness était à l'origine une idée formulée par les services de la ville de Bourges dans un cahier des charges.

113 IRMa (Institut des Risques Majeurs), «Comment garantir le caractere operationnel du Plan Communal de SauvegardeÈ, Risques infos, n°29, juin 2012, 27p

114 http://www.osiris-multirisques.fr/

115 http://incrisis.fr/in-pcs

116 http://www.iastreinte.com/

117 CETMEF : Centre d'Etudes maritimes et Fluvial

Nous assistons ainsi à une véritable marchandisation des besoins en matière d'outils d'aides à la décision. L'origine provient d'un besoin public clairement identiÞé. Les cahiers des charges des acteurs publics aboutissent à la création de nouveaux produits. L'innovation de ce nouveau marché est stimulée par les liens qui lient les acteurs du territoire.

La contractualisation dans le design du PCS peut également intervenir lors de l'alerte. Les sociétés GEDICOM118 ou CEDRALIS119 sont ainsi spécialisées dans la Téléalerte. Ce service permet de pallier les déÞciences du système national d'alerte des populations constitués de sirènes, en envoyant des messages écrits et vocaux aux habitants des zones à risques.

EnÞn, à une moindre échelle, les communes peuvent également établir des contrats ou des conventions (prévus dans le PCS) qui se déclenchent uniquement en cas d'évènements. Ils permettent de faciliter les conditions de réquisition de matériels ou de véhicules (tracteurs, bateaux, etc.)

Pour conclure sur les instruments d'organisation, et en particulier sur le rTMle des contrats dans le design du PCS, nous dirons que même si les communes doivent autant que possible organiser elles-mêmes leur propre structure de gestion des crises, l'apport de compétences extérieures dans le cadre d'une Çsolidarité contractuelleÈ est un élément très bénéÞque à la résilience des territoires. Cette contractualisation permet en effet de lier les différents acteurs intervenants de la gouvernance locale des risques majeurs, et elle permet également de voir ces risques comme des opportunités pour développer l'économie du territoire (gr%oce par exemple à des projets innovants).

2-2-5 L'évaluation : un nouvel instrument pour gouverner les risques majeurs

Pour compléter notre analyse des instruments de gouvernance des risques majeurs, nous allons étudier un cinquième instrument, l'évaluation. Nous considèrerons en effet l'évaluation comme un instrument au sens oü celle-ci permet d'orienter les autres instruments et d'analyser leur efÞcacité.

Nous commencerons par expliquer l'utilité de l'évaluation avant de présenter une expérimentation d'évaluation dans le champ des risques majeurs.

Comme le souligne le chercheur Bernard Perret, Ç les évaluations ont pour but d'appliquer les théories, méthodes et techniques des sciences sociales pour porter des jugements relatifs à l'utilité, l'efÞcacité, et la responsabilité dans les organisations gouvernementales et non gouvernementales, dans le but de stimuler l'apprentissage organisationnel. »120

L'évaluation est un processus dynamique qui ne s'achève jamais et qui peut être intégré
directement à la mise en Ïuvre, par exemple via l'utilisation de tableaux de bords.

118 http://www.gedicom.fr/

119 http://www.cedralis.net/

120 Bernard Perret, ÇL'évaluation des politiques publiquesÈ, Informations sociales, octobre 2003

L'evaluation participe ainsi pleinement à l'amelioration continue des actions mises en oeuvre.

L'évaluation utilise les études scientiÞques et le «benchmarking»121 pour aider les décideurs. L'évaluation est donc un outil d'aide à la décision, mais c'est aussi un outil de transparence qui participe à la démocratisation et au contrTMle par les citoyens des politiques. Le développement de l'évaluation permet ainsi de développer le débat public.

La stimulation de l'apprentissage organisationnel, évoqué par B. Perret, est un facteur très important pour la résilience des territoires. En effet, la connaissance partagée des points forts et des pistes d'amélioration fournis par l'évaluation s'inscrit pleinement dans la démarche systémique de mise en place d'une stratégie de résilience.

L'évaluation peut concerner les acteurs et les institutions, les usagers, les services ou les instruments. Il existe cinq grandes méthodes d'évaluation :

- l'approche par les objectifs ofÞciels des politiques

- l'approche par l'optimisation des moyens engagés (qui vise l'efÞcience)

- l'approche par les effets qui évaluent la production (positive ou non) des actions - l'approche par les processus qui évaluent la mise en oeuvre des actions

La méthodologie d'évaluation de la résilience que nous avons présentée en 1-2-1-2 est un exemple d'évaluation par les objectifs des politiques. Ces évaluations globales de la résilience sont encore très rares.

Nous présenterons maintenant une expérimentation d'évaluation qui a été réalisé par l'Institut des Risques Majeurs de Grenoble (IRMa). Elle fat présenté par Frangois Giannoccaro, Directeur de l'IRMa, lors de la rencontre 122 du 21 juin que nous avons déjà mentionnée.

En s'appuyant sur un retour d'expérience de la ville de Pont-de-Claix (Isère, 11000 habitants), F. Giannoccaro exposa le but principal de cette expérimentation : évaluer la perception et la connaissance des risques dans le temps.

Après avoir constaté la rareté des études sur le sujet123, la méthodologie employée fat présentée : les habitants sont soumis à un meme questionnaire sur leur perception des risques majeurs, avant et après la campagne de communication. Les résultats sont ensuite traité statistiquement.

Cette évaluation avait plusieurs objectifs :

- apprécier la réceptivité aux messages de prévention

- mesurer le niveau d'impact des supports d'information et de communication (DICRIM, média,...)

- évaluer les politiques publiques d'information préventive des populations

121 «benchmarking» : méthode d'analyse comparative

122 Francois Giannoccaro, « Comment ovaluer les actions d'information preventive mise en oeuvre au niveau local », Rencontre Technique «L'information preventive et la communication sur les risques majeurs», organisé par le Réseau Risque en partenariat avec l'IRMa, Hémicycle du Grand Lyon, 21 juin 2012

123 Seul l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) a mis en place un baromètre de ce type depuis 1988

L'évaluation a ainsi permis de justifier les investissements consentis (amélioration des résultats apres la campagne), mais également de mieux comprendre les mécanismes à l'origine du déni du risque ou de la surévaluation de celui-ci.

Conclusion

Pour répondre à notre problématique-titre : «Quelle gouvernance des risques majeurs pour une meilleure resilience des territoires ?», nous avons organisé notre réßexion suivant deux axes distincts. Notre premier axe étudie l'évolution de la pensée scientiÞque et politique sur les risques majeurs qui a fait émerger le concept de résilience des territoires. Le second axe, plus empirique, analyse la gouvernance frangaise des risques majeurs. La synthese de ces réßexions va nous permettre d'esquisser une réponse à notre problématique.

Comme nous l'avons vu, les politiques jouent un rTMle de premier plan dans la gouvernance des risques majeurs. L'impératif sécuritaire, à l'origine de l'action publique, a accompagné l'idée selon laquelle la population doit être protégée face aux aléas naturels et anthropiques. La gestion des risques majeurs a donc été pendant longtemps une mission exclusive de l'Etat qui a déployé toute son expertise pour ma»triser les aléas.

La complexiÞcation grandissante de nos sociétés remet aujourd'hui en cause cette conception. En effet, la société devient de plus en plus vulnérable. La croissance des enjeux humains et matériels couplée à l'apparition de crises «hors-cadres, nous amene aujourd'hui à changer de paradigme. Il nous faut passer d'une vision technique sectorielle des aléas, à une vision systémique et globale de la vulnérabilité des territoires.

La réduction de cette vulnérabilité passe par l'adoption d'un nouveau concept : la résilience. Plus qu'un simple effet de mode, ce concept est révélateur d'un mouvement de fond, qui au même titre que le développement durable, s'impose peu à peu dans les mentalités des experts et des décideurs. Les programmes internationaux de promotion de la résilience et les stratégies nationales de certains pays occidentaux marque cette évolution.

Vue comme une capacité systémique, la résilience permet de comprendre les mécanismes régissant certains systemes complexes (organisations, villes, territoires). La résilience des territoires insiste ainsi sur les dimensions spatiales, techniques et sociales des risques majeurs, aÞn de fournir des clefs de compréhension aux décideurs.

La révélation de l'utilité du concept de résilience pour gouverner les risques majeurs représente l'élément déclencheur de la mise en place d'une stratégie de résilience des territoires.

Pour améliorer la résilience des territoires, il est donc indispensable que les décideurs integrent son concept, qu'ils le comprennent, et qu'ils le traduisent dans leur mode de gouvernance, jusque dans le droit.

Les institutions et les acteurs ont une importance capitale pour atteindre cet objectif.

Les institutions doivent se structurer localement, selon les territoires de risques (en intercommunalité, ou autres établissements publics), et être capables de gérer seules les risques majeurs de leur territoire dans leur globalité, via par exemple, la création de services «Risque et résilience spéciÞques. L'Etat doit soutenir ce mouvement de gestion locale des risques majeurs, en évoluant vers un rTMle de support des collectivités et en organisant les conditions d'échanges des autres acteurs. Les élus et les fonctionnaires doivent développer leur connaissance pour intégrer le nouveau paradigme de la résilience, et se former à la gestion de crise. Les entreprises privées et les associations

doivent se coordonner pour fournir un appui aux décideurs locaux. Cela passe entre autres, par une mise en réseaux des acteurs, qui est bénéfique à la normalisation des bonnes pratiques et à l'innovation. Enfin, les citoyens doivent être pleinement intégrés dans la gouvernance des risques majeurs, via leur participation aux décisions (lors de concertation), mais également via leur implication dans la sauvegarde de leur territoire (réserves communales de sécurité civile). Cela permettra de stopper la Çvictimisation> des sinistrés, mais également de développer la solidarité locale et le sentiment de citoyenneté.

Pour édifier cette gouvernance des risques majeurs, il est nécessaire de faire évoluer, de développer et de réorienter nos instruments.

L'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), et en particulier des réseaux sociaux, serait bénéfique à l'implication de la population car elles établissent un lien de confiance entre citoyen et décideur qui est très utile en temps de crise. La sensibilisation de la population pourrait d'ailleurs s'appuyer sur une véritable campagne de communication, d'ampleur nationale, sur les risques majeurs et les comportements à adopter.

Les mesures urbanistiques contraignantes comme les PPR (plans de prévention des risques) étant peu efficaces (peu de contrôle et de sanctions), coUteuses (expertise, expropriation, etc.) et très chronophages, il pourrait être envisagé d'adapter leur mise en oeuvre.

L'assurance financière des sinistres participe de manière très importante à la résilience des territoires. Les dispositifs d'indemnisation des catastrophes (du type CatNat) doivent cependant s'adapter pour être plus transparents, et pour inciter davantage à la prévention. La solidarité contractuelle participe également à l'amélioration de la résilience des territoires. Elle permet de forger des partenariats locaux pour gérer les sinistres. Leur formalisation au sein des Plans Communaux de Sauvegarde mérite donc d'être développée.

Et enfin, l'évaluation doit évoluer du stade expérimental actuel vers une généralisation. Nous pourrions ainsi imaginer que chaque département devrait mettre en place un indice de résilience du territoire face aux risques majeurs.

La gouvernance des risques majeurs à même de développer la résilience des territoires doit donc s'appuyer sur une évolution des paradigmes de la gestion des risques vers une stratégie construite de résilience des territoires. Celle-ci nécessite de redéfinir l'échelle du rôle de chaque institution, et les liens entre les acteurs, au milieu duquel le citoyen doit avoir une place entière. Pour cela, le mixage des instruments de la gouvernance doit également évoluer. La gouvernance devrait ainsi moins utiliser les instruments autoritaires, et plus valoriser les instruments de nodalité et d'organisation. Il restera alors à mettre en place une évaluation périodique de ces dispositifs pour ajuster au mieux cette nouvelle Çgouvernance de la résilience>.

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http://www.debatpublic.fr/

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont aidé à réaliser ce mémoire, et tout particulièrement :

- Mon directeur de mémoire M. Fabrice HAMELIN, pour son temps, et gr%oce auquel j'ai grandement nourri ma réßexion ;

- Ma responsable de stage, Mme. Louise SKUBICH, pour ses conseils avisés ; - Mes collègues de travail, pour leur jovialité et leur soutien ;

- Mes parents et mes proches, pour leur patience et leur assistance.






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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote