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D'Orphée et des poètes noirs de l'Anthologie ou les raisons d'une comparaison imagologique

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par Mor Anta Kandji
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maà®trise 2006
  

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I.2. L'Afrique des traditions

L'immixtion décisive des valeurs de civilisation occidentales dans le vécu quotidien des Africains apparaît comme un coup dur porté sur l'avenir des valeurs qui ont aidé à véhiculer, pendant longtemps, la vision négro-africaine du monde.

Nous l'avions montré dans nos analyses précédentes. Nous avons remarqué que c'est là un mouvement irréversible en ce qu'il ne permet plus aux poètes noirs - à commencer par eux - de réapprendre, du fait de l'assimilation, à vivre comme leurs ancêtres.

En parlant donc de l'Afrique authentique non encore influencée par l'Occident, ils ont donné à leur évocation un cachet nostalgique5 qui témoigne de l'échec programmé de leur quête6.

Ce qui ne veut pas dire que l'Afrique, pour autant, a perdu à jamais les valeurs qui motivent cette quête. C'est un fond idéologique mobilisé dans leur

1 Diop (David), Coups de pilon, 1956, « Souffre pauvre Nègre», poème cité dans l'Anthologie de L.S. Senghor, op. cit., p.176

2 Niger (Paul), Initiation, op.cit., « je n'aime l'Afrique », in Anthologie de L.S. Senghor, op. cit, p.94

3 Mboukou (J-P Makouta), Les Grands traits de la poésie négro-africaine, op.cit, p.191

4 Mboukou (J-P Makouta), Les Grands traits de la poésie négro-africaine, op.cit., p.190

5 Même pour les poètes de l' « Afrique noire », l'Afrique authentique appartient au passé, même si, dans leur enfance, les relents de cette Afrique ne sont pas sans influencer, à différents niveaux, leur éducation.

6 La colonisation et l'assimilation sont des obstacles, qui ne leur ont pas permis de retrouver cette Afrique-Eurydice.

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discours par les poètes noirs de l'Anthologie, qui, d'une manière ou d'une autre, continue d'influencer la vie sociale en Afrique.

Ce que L.S. Senghor a bien relevé, lorsqu'il interpelle les Nègres par rapport au sort qu'ils doivent réserver à leurs valeurs de civilisation. « Le problème qui se pose, maintenant, à nous, Nègres de 1959, est de savoir comment nous allons intégrer les valeurs négro-africaines (...) au monde de 1959. Il n'est pas question de ressusciter le passé, de vivre dans le Musée négro-africain ; il est question d'animer ce monde, hic et nunc, par les valeurs de notre passé. »1

Ces valeurs, Senghor les a indiquées dans ses développements sur la civilisation nègre, sur ce que l'homme noir apporte au monde nouveau2.

Ce sont des développements qui mettent en évidence le sens communautaire des Africains, puisque celui-ci, dans les villages, et même dans les villes, à travers les cadres qui regroupent par exemple les ressortissants d'un même village, n'a pas cessé d'influencer, d'une manière ou d'une autre, les rapports sociaux.

« La morale consiste à ne pas rompre la communion des vivants, des Morts, des génies et de Dieu (...). Et celui-là est puni proprement d'isolement qui rompt ce lien mystique »3.

C'est un sens communautaire, un sens de la solidarité qui fait que « dans (la) communauté, personne surtout aucun de ceux qui ont quelque pouvoir ne peut agir seul. Tous se font la charité »4 .

Ce sens de l'humain dans les rapports sociaux est un témoignage d'amour, amour de l'Autre qui ne semble pas, dans la situation coloniale, préoccuper les Blancs dans leurs relations avec les hommes de race noire.

1 Senghor (L.S.), Liberté I, Négritude et humanisme, op. cit. p.283, « Eléments constitutifs d'une civilisation d'inspiration négro- africaine », IIème Congrès des Artistes et Ecrivains noirs, Tome I, Mars - Avril 1959 2Lire « Ce que l'homme noir apporte » et « Vue sur l'Afrique noire ou assimiler, non être assimilés » in Liberté I, Négritude et humanisme de L.S. Senghor, op. cit

3 Senghor (L.S.), Liberté I, Négritude et humanisme, op.cit., pp26 - 27, « Ce que l'homme noir apporte »

4 Senghor (L.S.), Liberté I, Négritude et humanisme, op.cit ; p.29 « ce que l'homme noir apporte »

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D'ailleurs David Diop, pour mettre en évidence leur inhumanité, les appelle des « hommes étranges ».

« Hommes étranges qui n'étiez pas des hommes

Vous saviez tous les livres vous ne saviez pas l'amour »1.

En fait cette civilisation négro-africaine communautaire dont parle Senghor, parce qu'elle ne rompt pas la communion des vivants et des morts, a fait de l'Ancêtre et de la femme, « la Mère, dépositaire de la vie et la gardienne de la tradition »2, des valeurs qui ont marqué et continuent de marquer en Afrique, d'une façon ou d'une autre, la vie en société.

Il est vrai que l'impact social de ces valeurs n'est pas, depuis la colonisation, le même partout. Dans les villes, comme l'a remarqué, Louis-Vincent Thomas, « il n'existe plus à proprement parler d'Afrique " traditionnelle " tant il est vrai que les valeurs islamiques ou chrétiennes et les idées-forces de la civilisation occidentale ont apporté des perturbations profondes (...), affectant plus ou moins selon les cas les structures (institutions, croyances), les comportements, les mentalités»3 .

Heureusement que Vincent Thomas a mis l'adjectif traditionnelle entre guillemets, car la situation est autre dans la plupart des villages du continent où, plus ou moins, et malgré les mutations, se trouvent encore préservées certaines de ces valeurs négro-africaines originelles.

Ce qui ne nous permet pas, en rapport avec nos analyses, de dire que l'Afrique dont les valeurs authentiques sont recherchées par nos aèdes , a complètement disparu comme Eurydice qui est retournée, et d'une manière définitive, dans le royaume des Ombres.

Au contraire, c'est une Afrique traditionnelle qui continue de proposer, voire d'offrir à nos sociétés modernes des valeurs de référence, des valeurs qui

1 Diop (David), Coups de pilon, 1956, « Les vautours » cité par Marc Rombaut, La Poésie négro - africaine d'expression française, op.cit., p. 147

2 Senghor (L.S), Liberté I, Négritude et humanisme, op.cit. p.26, « Ce que l'homme noir apporte »

3 Thomas (Louis - Vincent), La Terre africaine et ses religions, Paris, Ed. L'Harmattan, 1980, p.266

permettent de faire face à ce que Louis-Vincent Thomas appelle des « tentations ».

« En fait, écrit-il, l'Africain doit éviter deux tentations : celle d'un retour inconditionnel à un passé révolu, celle d'une occidentalisation sans frein au moment précis où l'Occident lui-même, s'interroge sur le bien-fondé de ses options techniciennes ; il s'agit plus simplement pour lui de bien connaître son passé afin de pouvoir enfin librement choisir son avenir »1.

L'influence des valeurs de civilisation occidentales a fait de nos poètes des métis culturels. C'est une situation qui a créé, à leur niveau, un malaise qu'ils ont cherché à dépasser par la convocation de valeurs que se doit de mobiliser la Civilisation de l'Universel qui est, comme le dit Senghor, une civilisation de l'homme nouveau, c'est-à-dire une civilisation à travers laquelle se reconnaissent toutes les civilisations particulières.

C'est une volonté de la part des poètes noirs de l'Anthologie de résoudre, avons-nous relevé, un drame existentiel, un drame qui s'est d'ailleurs accru avec les mutations que l'Afrique a connues, même si ces mutations, il faut le dire, n'ont pas signé la disparition effective de certaines valeurs et traditions négro-africaines.

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1 Thomas (L.-V.), La Terre africaine et ses religions, op. cit., p.276

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle