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La présomption d'innocence dans la presse quotidienne burkinabè

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par Ouaogarim Roger SANKARA
Institut des sciences et techniques de l'information et de la communication ( ISTIC ) de Ouagadougou - Conseiller en sciences et techniques de l'information et de la communication 2013
  

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CHAPITRE III : LES ATTEINTES A LA PRESOMPTION D'INNOCENCE DANS LA PRESSE QUOTIDIENNE BURKINABE

D'abord, il est bon de déterminer ce qui peut être considéré comme une atteinte à la présomption d'innocence.

L'ancien bâtonnier du barreau de Paris, Me Christian Charrière- Bournazel a publié en août 2007 dans Combat d'un bâtonnat, une communication sur la « présomption d'innocence et liberté d'expression », qu'il a présentée auparavant dans un colloque organisé par l'Alliance Française. L'avocat affirme : « (...) le journaliste qui, avant le jugement de condamnation, rend compte d'une affaire à ses débuts ou d'une affaire en cours en faisant état des soupçons qui peuvent donner à penser qu'une personne est coupable, peut être poursuivi immédiatement pour diffamation.».

Bien des atteintes à la présomption d'innocence s'assimilent donc au délit de diffamation. Mais la diffamation n'est pas toujours synonyme de violation de la présomption d'innocence. « Une affaire où le journaliste avait accusé le directeur d'une entreprise minière d'avoir effectué des embauches anarchiques et népotistes25(*) » avait été jugée par la Cour d'appel de Ouagadougou comme étant une diffamation (C.A. Ouagadougou, Arrêt n° 41 du 26 juin 1992, inédit). Mais le chef d'entreprise n'ayant pas été présenté comme coupable d'une infraction avant la fin d'une procédure judicaire mise en branle contre lui, la diffamation dont il est question n'emporte pas violation de la présomption d'innocence.

Outre la diffamation, l'atteinte au droit à l'image constitue une autre manifestation de la violation de la présomption d'innocence. A ce sujet, le Conseil supérieur de la communication (CSC) dans son rapport public 2011 fait remarquer : «  Les écrits jugés attentatoires au respect de la présomption d'innocence et/ou au droit à l'image sont relatifs surtout à la publication de l'identité et de l'image à visage découvert d'individus interpellés par la police. Ces prévenus sont le plus souvent présentés à l'opinion comme étant des coupables et traité de manière humiliante et dégradante, alors qu'aucun tribunal n'a établi leur culpabilité. ».

La publication des identités ou des photos de personnes poursuivies par la Justice ne constitue pas en soi une atteinte à la présomption d'innocence. C'est plutôt le fait de présenter ces personnes comme des coupables qui est attentatoire à la présomption d'innocence. C'est encore la terminologie employée par les journalistes qui peut porter atteinte à l'innocence présumée. C'est donc à travers l'usage de la terminologie que nous avons relevé dans la presse quotidienne burkinabè les cas d'atteinte au principe de la présomption d'innocence.

S'agissant de la publication des photos, nous avons déjà souligné que la presse peut s'appuyer sur certaines exceptions du principe de l'autorisation préalable pour justifier la diffusion des photos de personnes poursuivies et non encore jugées. Ainsi, à titre exceptionnel, il est admis la publication des photos d'une personne se trouvant au centre de l'actualité, sans son autorisation.

Malgré la brèche ouverte par cette exception, il existe des dispositions qui imposent aux journalistes un certain traitement des images des personnes poursuivies. Depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en France, il est interdit de présenter la personne poursuivie dans une image de façon à rendre visible ses menottes, ses entraves ou les conditions de sa détention provisoire (art.35 ter). En l'absence d'un texte pareil dans notre droit positif, le juge burkinabè pourrait s'inspirer de la jurisprudence française y relative.

Néanmoins, dans le souci de préserver la présomption d'innocence, l'organe burkinabè de régulation des médias, le CSC, conseille de flouter les images des suspects26(*). Dans la présente étude, nous avons considéré les photos non floutées comme violant la présomption d'innocence des personnes poursuivies.

C'est à travers les termes qui présentent les suspects comme des coupables et les photos non floutées que la presse quotidienne burkinabè porte atteinte à la présomption d'innocence.

Les atteintes a la présomption d'innocence ont été relevées dans 32 articles de la presse quotidienne étudiée, dont 6 dans Sidwaya(Section I), 9 dans L'Observateur Paalga (Section II) et 17 dans Le Pays (Section III).

Section I : Les atteintes à la présomption d'innocence dans Sidwaya

Sur la période étudiée, sept (7) articles publiés dans Sidwaya nous paraissent attentatoires à la présomption d'innocence. Le caractère préjudiciable de ces quatre (4) articles résulte de la terminologie employée par le journaliste pour désigner les personnes contre qui la procédure judiciaire a été mise en mouvement. En clair, il s'agit d'articles dans lesquels le journal traite les personnes poursuivies comme étant des coupables alors qu'un jugement de condamnation n'a pas encore été prononcé à leur égard par un tribunal compétent.

Dans les trois autres articles, c'est le traitement des images illustrant les articles de presse qui est de nature à violer l'innocence présumée des personnes poursuivies.

Nous traiterons successivement des deux catégories d'articles.

A. Les atteintes à la présomption d'innocence par la terminologie dans Sidwaya

Dans sa parution numéro 7 250 du lundi 10 septembre 2012, à la page 9, Sidwaya intitule ainsi son article : «Arrestation de malfrats à Ouagadougou : 1, 4 milliard en faux dollars saisi  ». Cet article rapporte la présentation de deux groupes de personnes arrêtées, l'un pour escroquerie présumée ; l'autre pour vol présumé par usage de pointes sous les roues des véhicules automobiles. A propos de ce dernier chef de poursuite, le journal insère l'intertitre suivant : «  Des pointes, comme « armes » de vol ». Cet intertitre et le titre de l'article sont fortement tendancieux. En traitant les personnes poursuivies de malfrats et en parlant de l'arme de vol, le journal semble déjà insinuer la culpabilité des personnes arrêtées.

Il est vrai que dans le même article, le journal a également utilisé à plusieurs reprises le mot « présumé », plus respectueux de l'innocence. Mais, le titre de cette information, tel que formulé, subodore la culpabilité des suspects. Le titre est la vitrine de l'information. C'est lui qui donne envie de lire l'article. Ainsi, les journaux cherchent toujours des titres attrayants pour accrocher le lectorat. Mais cet objectif de séduction du lectorat peut porter atteinte à certains droits fondamentaux comme c'est le cas en l'espèce.

Dans un autre article publié dans la rubrique « Au coin du palais » du numéro 7 257 du mercredi 19 septembre 2012, Sidwaya intitule encore son information dans des termes qui portent préjudice à la personne poursuivie. Le titre est le suivant : « Il escroque 4 millions de F CFA à son ami ». Le journal raconte : « Petit commerçant, Hamidou a fait la connaissance de Adama, un élève. En une année seulement d'amitié, Hamidou réussira à lui escroquer la somme de 4 197 977 F CFA.». Cet écrit est un compte rendu d'audience au cours de laquelle le procès a été renvoyé pour complément d'enquête. Les faits racontés n'ont pas suffi à fonder la conviction du juge. Mais Sidwaya, lui, avait déjà rendu son jugement puisque le journal affirme que la personne poursuivie a escroqué une somme d'argent. Autrement dit, elle est auteur d'escroquerie.

L'atteinte à la présomption d'innocence tient au fait que le journal a présenté le suspect comme coupable en l'absence d'une décision de Justice le condamnant. Une action en diffamation introduite par l'intéressé contre le journal aurait prospéré. En tout cas, le journal allègue ou impute un fait pouvant porter atteinte à l'honneur et à la considération de la personne poursuivie. Telle est en substance la définition du délit de diffamation. Dans le cas d'espèce, les propos, que nous estimons diffamants, tenus par le journal à l'endroit du suspect, emportent du même coup violation de son innocence présumée.

Dans son numéro 7 305 du mercredi 28 novembre 2012, Sidwaya relate le procès des « Cinq ex-soldats condamnés pour vol à main armée » devant le tribunal militaire. Il s'agit de militaires radiés accusés d'« association de malfaiteurs, détention illégale d'armes et de munitions de guerre, recels aggravés, complicités de vols qualifiés ». Dans sa relation des faits, le journal qualifie le groupe des personnes poursuivies de « gang » dont le cerveau, l'ex-caporal Saydou Zerbo, serait en fuite.

Le mot « gang » renforce au sein de l'opinion le caractère criminel du groupe poursuivi. S'il n'est pas diffamant, il peut être considéré comme injurieux. Le journal, en utilisant ce terme qu'il ne prête ni aux parties ni aux juges, n'a pas tenu compte du caractère provisoire de la décision condamnant les cinq ex-soldats. Cette décision n'était pas définitive, puisque la défense a dit vouloir l'attaquer sur le fondement d'une exception d'incompétence. Elle a soutenu que le tribunal militaire ne pouvait pas juger des militaires déjà radiés.

Dans la mesure où la décision n'était pas définitive, le journal aurait pu être poursuivi pour avoir présenté le groupe de suspects dans des termes préjudiciables à son innocence.

A travers donc ces articles, on note au sein de Sidwaya des violations de la présomption d'innocence des personnes poursuivies. Ces violations tiennent aux termes utilisés pour désigner les suspects. Il y a aussi dans le quotidien d'Etat des cas d'atteintes à l'innocence présumée, tenant au traitement des illustrations de certains articles.

* 25 Tahita Jean-Claude, Diffamation et liberté de presse au Burkina Faso, Chr, Revue burkinabè de droit n° 34, 2e semestre 1998, P. 231

* 26 Conseil supérieur de la communication, Rapport public 2011, P. 46

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