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UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2 UFR Ñ TEMPS
ET TERRITOIRE DÉPARTEMENT HISTOIRE
Juin 2024
MÉMOIRE DE STAGE
HISTOIRE ET ÉPIDÉMIOLOGIE HISTORIQUE
DE
LA NOYADE DANS LE RHÔNE
XIXème - XXème SIÈCLES
Mémoire présenté par Charlotte
GOUILLON En vue de l'obtention du diplôme de MASTER 2 HISTOIRE,
MÉMOIRE, MÉDIAS
Domaine : Sciences humaines et sociales Mention :
Histoire
Spécialité : Histoire contemporaine
Préparé sous la direction de Mme Marianne
THIVEND Maîtresse de conférence en Histoire contemporaine
2
3
« Le fait que les hommes tirent peu de profit des
leçons de l'Histoire est la leçon la plus
importante que l'Histoire nous enseigne »
Aldous Huxley
4
REMERCIEMENTS
Ce travail n'aurait pu s'accomplir sans l'aide et le soutien de
nombreuses personnes.
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont
contribué de près ou de loin au succès de mon stage.
Je voudrais dans un premier temps remercier ma directrice de
mémoire, Madame Marianne Thivend, maîtresse de conférence
à l'université Lumière Lyon 2, pour sa
disponibilité durant ces deux années de recherche et son
adaptabilité lors de mon changement de sujet au cours de la
deuxième année de master. Je voudrais également la
remercier pour ses conseils et ses remarques toujours très
pertinents.
J'adresse ensuite mes sincères remerciements à
mes deux tuteurs de stage, Madame Magali Delavenne, conservatrice du patrimoine
pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Monsieur François
Briat, ingénieur projets au Laboratoire de recherche de l'École
Nationale Supérieure de la Police.
Je les remercie notamment pour la confiance qu'ils m'ont
accordé en me donnant l'opportunité de réaliser cette
étude lors de ce stage, mais également pour leur
disponibilité, leur implication et leur bienveillance.
Merci également à toute l'équipe du
Laboratoire de recherche de l'ENSP pour ces bons moments passés à
vos côtés lors de ce stage.
Je tenais également à remercier Nicolas Delestre,
le premier thanatopracteur que j'ai pu rencontrer dans ma vie, pour ses
conseils avisés et son partage des archives du médecin Edmond
Locard. Un grand merci également à l'équipe des Archives
départementales du Rhône, l'équipe des Archives municipales
de Lyon ainsi qu'au personnel de la Bibliothèque Municipale de Lyon Part
Dieu pour leur aide précieuse, leur disponibilité et leur
gentillesse.
Enfin, je tiens à remercier ma famille et mes amis et
plus particulièrement mes parents, Carole et Dominique Gouillon pour
leur soutien sans faille lors de la poursuite de mes études.
5
ABRÉVIATIONS
ADR : Archives Départementales du Rhône
AML : Archives Municipales de Lyon
ARCO : Assistance à la Recherche de victimes dans les
Cours d'eau
AVC : Accident Vasculaire Cérébral
CNRTL : Centre National de Ressources Textuelles et
Lexicales
ENSP : École Nationale Supérieure de Police
FDMF : Fédération des Moulins de France
INPS : Institut National de Police Scientifique
JC : Jésus Christ
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PV : Procès-Verbal / Procès-Verbaux
SDMIS : Sapeurs-pompiers de la Métropole de Lyon et du
Rhône
6
SOMMAIRE
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REMERCIEMENTS
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4
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ABRÉVIATIONS
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5
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SOMMAIRE
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6
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INTRODUCTION
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8
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PRÉSENTATION DU SUJET
|
9
|
|
CADRE SPATIO-TEMPOREL
|
.11
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|
HISTORIOGRAPHIE
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13
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SOURCES
|
19
|
|
MÉTHODE DE TRAVAIL
|
20
|
|
PROBLÉMATIQUE
|
22
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|
PLAN
|
22
|
PARTIE 1 : LE RAPPORT À L'EAU ET LES RISQUES DU
FLEUVE À LYON AUX
XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES
24
CHAPITRE 1 : LE RAPPORT AU FLEUVE 27
CHAPITRE 2 : LE RAPPORT À L'EAU .41
PARTIE 2 : LES NOYÉS AUX XIXÈME ET DANS LA
PREMIÈRE MOITIÉ DU
XXÈME SIÈCLE DANS LE DÉPARTEMENT
DU RHÔNE . 49
CHAPITRE 1 : LA PROPORTION DES NOYADES DANS L'ENSEMBLE
DES
MORTS RECENSÉES .É51
CHAPITRE 2 : LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS 74
CHAPITRE 3 : LES DIFFÉRENTS TYPES DE NOYADE 89
PARTIE 3 : LES AMÉNAGEMENTS ET LES OUTILS DE
LUTTE CONTRE LES
NOYADES EN FRANCE AU XIXÈME ET XXÈME
SIÈCLES 109
CHAPITRE 1 : UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES NOYADES 111
CHAPITRE 2 : LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION
ET
D'ÉDUCATION AUX XIXÈME ET XXÈME
SIÈCLES À LYON 123
7
CONCLUSION GÉNÉRALE
|
128
|
|
ÉTAT DES SOURCES
|
.129
|
|
BIBLIOGRAPHIE
|
130
|
|
ANNEXES
|
.É138
|
|
TABLES DES MATIÈRES.
|
154
|
8
INTRODUCTION
Dans la nuit du mercredi 17 avril au jeudi 18 avril 2024, un
étudiant Lyonnais aurait disparu dans la Saône à Lyon
après une soirée arrosée1. Aujourd'hui encore,
la noyade demeure la première cause de mortalité par accident de
la vie courante chez les moins de 25 ans en France. On comptabilise en France
253 noyades suivies de décès entre le 1er juin et le 20
août 2023, un chiffre non négligeable.
À l'échelle mondiale, la noyade est la
troisième cause principale de décès par traumatisme non
intentionnel, représentant environ 236.000 de décès par
noyade par année2.
À l'échelle de la métropole de Lyon, les
pompiers du SDMIS 69 réalisent chaque année environ 125
interventions nautiques pour 85 personnes, entraînant alors une dizaine
de décès. Le lieutenant-colonel Pascal Pache, chef du groupe
centre et responsable des spécialités nautiques, la Saône
et le Rhône, déclarait que ce : « sont deux cours d'eau
avec des mouvements d'eau importants et des effets de siphon par endroits qui
entraînent les personnes au fond de l'eau ».3
Aujourd'hui, nous nous intéresserons à
l'histoire des noyades ayant eu lieu à Lyon et dans le
département du Rhône au cours du XIXème siècle et
dans la première moitié du XXème siècle.
1
LE PROGRÈS, « Disparition d'un étudiant de
22 ans : un corps retrouvé dans la Saône », publié le
20 avril 2024. Consulté le 12 juin 2024.
Disponible sur : <
https://c.leprogres.fr/faits-divers-justice/2024/04/20/disparition-d-un-etudiant-un-corps-apercu-dans-la-saone>
2 SANTÉ PUBLIQUE FRANCE, « Surveillance des
noyades suivies de décès sur le lieu de noyade durant
l'été 2023. Point de situation au 25 août 2023 »,
publié le 25 août 2023.
Disponible sur : <
https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/traumatismes/noyade/
documents/bulletin-national/surveillance-des-noyades-suivies-de-deces-sur-le-lieu-de-noyade-durant-l-ete-2023.-point-de-situation-au-25-aout-2023>
3 LE FIGARO, « Noyades à répétition
à Lyon : pourquoi les eaux du Rhône sont-elles si dangereuses?
», 2023. Consulté le 2 avril 2024.
Disponible sur : <
https://www.lefigaro.fr/lyon/noyades-a-lyon-pourquoi-les-eaux-du-rhone-sont-elles-si-dangereuses>
9
PRÉSENTATION DU SUJET
Le verbe « noyer » provient de l'ancien
français « neier » et du latin « necare » signifiant
tuer et qui a pris le sens spécialisé de « tuer par
immersion » et de « faire mourir dans l'eau » 4 .
Il est aujourd'hui complexe de donner une seule et universelle
définition de la noyade, il est nécessaire d'avoir une vue
d'ensemble de ce que représente la noyade selon les domaines dans
lesquels elle est traitée afin de comprendre la complexité
représentée par celle-ci.
Selon la World Health Organization, la noyade est : «
un processus d'altération de la fonction respiratoire
résultant d'une submersion ou d'une immersion dans un liquide
». 5 Elle précise également qu' «
une personne est victime de noyade dès qu'il y a présence de
liquide à l'entrée de ses voies respiratoires, l'empêchant
ainsi de respirer de l'air. Ainsi, la noyade n'entraîne pas
nécessairement la mort; elle peut être mortelle, non mortelle avec
séquelles ou non mortelles sans séquelles ».
Le Dictionnaire médical de l'Académie de
Médecine définissait quant à lui la noyade en 2024 comme
une « asphyxie par la pénétration
broncho-alvéolaire d'un liquide, le plus souvent de l'eau (eau de mer,
eau douce, eau chlorée des piscines). Parfois suicidaire, le plus
souvent accidentelle, la noyade « primitive » peut se produire par
épuisement musculaire du nageur, par accident de plongée ou par
suffocation d'un sujet tombé à l'eau accidentellement, alors
qu'il savait mal nager. La noyade « secondaire » peut aussi
succéder à une hydrocution6 par syncope
cardiorespiratoire, par réflexe (irritation des muqueuses du carrefour
aérodigestif), par réaction émotive (peur), allergique
(plancton, algues, eau très froide) ou surtout
thermodifférentielle (souvent après un exercice physique
prolongé, une longue exposition au soleil ou un repas copieux)
» 7 .
Aux XIXème et XXème siècles, la
définition de la noyade variait quelque peu de la définition que
l'on en fait actuellement. Selon le dictionnaire Littré, publié
entre 1863 et 1873 par Émile Littré8, la noyade
était l' « action de noyer plusieurs personnes à la fois
».
4 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps
submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la
noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis,
Saint-Étienne, 2007, p 37-38.
5WORLD HEALTH ORGANIZATION. Global reporting on
drowning. Preventing a leading killer. Genève, 2014,
p.7.
6 Syncope réflexe déclenchée par un bain
dans l'eau froide, pouvant entraîner la noyade.
7DICTIONNAIRE MÉDICAL DE L'ACADÉMIE DE
MÉDECINE, « Noyade ». Consulté le 22 mai 2024.
Disponible sur : <
https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=noyade>
8 Lexicographe français du 19ème siècle.
10
Le dictionnaire de l'Académie française dans sa
8ème édition de 1932 à 1935 confirmait cette idée
d'une noyade multiple puisqu'il la définissait ainsi : « Action
de noyer plusieurs personnes à la fois. Il se dit surtout en ce sens en
parlant des Exécutions ordonnées à Nantes en 1793 par le
représentant Carrier. Les noyades de Nantes. Il signifie aussi Action de
se noyer et se dit habituellement de plusieurs personnes qui se noient à
la fois9 ».
Les Noyades de Nantes mentionnées dans cette
définition font référence à une série de
noyades de masse sur des « contre-révolutionnaires » qui
eurent lieu sur la Loire pendant le règne de la Terreur sous la
direction de Jean-Baptiste Carrier, représentant en mission de Paris.
Les informations concernant ces noyades demeurent imprécises, on estime
le nombre de victimes à un nombre variant entre 1800 et 4800. Ces
victimes étaient en majeure partie des résidents des prisons de
Nantes constitués de « rebelles capturés pendant la
guerre de Vendée, de prêtres et de religieuses catholiques
réfractaires, ainsi que d'autres suspects emprisonnés en vertu
des lois imposées par la Terreur10 ». Pour le bon
déroulement de notre étude, nous étudierons tous les types
de noyades rencontrés au cours de nos dépouillements, à
savoir des noyades multiples comme des noyades individuelles.
Nous allons maintenant voir une approche médicale de ce
que représente une noyade. Les scientifiques se sont mis d'accord pour
définir la noyade en quatre stades distincts. Tout d'abord, nous avons
l'étape dite de l'aquastress qui renvoie à une première
perte de contrôle ainsi qu'une première présence d'eau dans
l'estomac, la personne étant plongée dans un état
d'angoisse. Ensuite, nous retrouvons le stade hypoxique, ou « petite
noyade », la respiration du nageur s'accélère, l'état
d'angoisse s'amplifie et la victime connaît durant cette phase une
sensation de froid avec une hypothermie. Le troisième stade de la noyade
est quant à lui qualifié de stade grand hypoxique11 ou
« grande noyade » et se résume à une amplification de
la seconde phase. Une grande quantité d'eau est alors présente
dans l'estomac de la victime et cette dernière peut perdre connaissance
du fait d'une somnolence ou d'un coma provoqué par une faible
oxygénation du sang. Enfin, la dernière phase de la noyade est le
stade anoxique, au court duquel on observe la présence en grande
quantité
9 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 8ÈME
ÉDITION (1932-1935), « Noyades ». Consulté le 3 juin
2024.
Disponible sur :<
https://dvlf.uchicago.edu/mot/noyade>
10Harrison W. MARK, « Noyades de Nantes ».
Dans World History Encyclopedia, publié le 2 novembre 2022.
Consulté le 4 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21165/noyades-de-nantes>
|
11
|
Diminution de la quantité d'oxygène que la sang
distribue aux tissus.
|
11
d'eau dans l'estomac ainsi qu'une obstruction des
alvéoles pulmonaires. C'est durant ce dernier stade que la victime peut
décéder, ses capacités respiratoires étant
sérieusement mises en danger.12
CADRE SPATIO-TEMPOREL
Désormais, attardons -nous un instant sur le cadre
spatio-temporel dans lequel nous situons notre étude. Notre sujet porte
sur les noyades ayant eu lieu au XIXème siècle et au XXème
siècle à Lyon dans le Rhône et la Saône. Notre
étude s'étendra plus précisément de 1808,
année durant laquelle nous recensons notre premier décès
au sein des procès-verbaux des Archives départementales du
Rhône et s'étendra jusqu'en 1950, année durant laquelle
nous recensons nos derniers cas de noyades au sein des registres
d'entrée de morts à la morgue issus des Archives municipales de
Lyon. Notre étude couvre donc une période longue de 142 ans. Il
nous faut préciser que certaines périodes sont plus fournies que
d'autres en terme d'archives et de documentations, mais nous reviendrons sur ce
point plus tardivement.
Le cadre géographique est plus complexe à
définir. En effet, de prime abord notre étude se situe au sein de
la ville de Lyon et plus précisément dans le fleuve du
Rhône et la rivière de la Saône. Le Rhône est un
fleuve dont le nom provient probablement de son nom grec, à savoir
« Rhodanos », ou romain, « Rhodanus »13. Il
s'étend en Suisse et en France et mesure 812 kilomètres, dont
environ 522 se trouve en France. Le Rhône tire sa source à 1900
mètres d'altitude, au glacier de la Furka, situé à
l'extrémité inférieure du glacier du Rhône, sur les
pentes du massif de l'Aar-Gothard, en Suisse, dans un massif surnommé le
« château d'eau » de l'Europe. Avec un débit annuel
moyen estimé à 1032 mètres2 par seconde, il est le premier
fleuve français par son débit. 14 En aval de Lyon, le Rhône
devient, grâce à la Saône, un fleuve plus puissant et
régulier15.
La Saône, est une rivière située en
France, mesurant 482 kilomètres et se jetant dans le Rhône
à Lyon au niveau du quartier de Confluence. Appelée « Arar
» dans l'Antiquité, son nom se mue au fil du temps devenant
Saucona, Saogouna, puis Sone, Sogne, Soine, Soène, et Soosne au
XVème
12 ORDRE DE MALTE FRANCE, « Sauvetage en cas de noyade : les
gestes qui sauvent ».
Consulté le 23 mai 2024.
Disponible sur : <
https://www.ordredemaltefrance.org/actions/sauvetage-en-cas-de-noyade-les-gestes-qui-sauvent>
13 Jean PELLETIER, Ponts et les Quais de Lyon, Editions
Lyonnaises d'art et d'histoire, Lyon, 2013. 14MUSÉE GADAGNE,
Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la
Saône, 2021.
15 LAROUSSE, « Rhône ». Dans Dictionnaire en
ligne, consulté le 3 mai 2024. Disponible sur : <
https://www.larousse.fr/encyclopedie/riviere-lac/Rhône/140848>
siècle16. Elle prend sa source à 405
mètres d'altitude dans les Vosges à Vioménil et est
caractérisée par la lenteur de son débit. Par exemple,
à Lyon, lorsque la Saône déverse 30 mètre2 d'eau en
une seconde, le Rhône en déverse 1700.17
Si la Saône, qui le rejoint dans la partie sud de la
ville de Lyon est considérée comme une rivière paisible,
le Rhône est quant à lui bien plus tumultueux, possédant de
forts courants. Nous aurons également l'occasion de revenir sur ces
différences entretenues entre ces deux cours d'eau au cours de notre
étude.
Lyon est la seule ville au monde, avec la ville de Pittsburgh
en Pennsylvanie aux États-Unis à être construite autour de
la confluence de deux cours d'eau. Sa construction date de l'Antiquité,
période durant laquelle la ville était située sur la
colline de Fourvière. C'est en 43 avant JC que la colonie de Lugdunum
est fondée au sein de l'Empire romain par Lucius Munatius Plancus,
gouverneur de la Gaule. Au Moyen-Âge, on observe un développement
du bourg médiéval au niveau de la rive droite de la Saône,
au pied de la colline. Peu à peu, la ville se développera
jusqu'à gagner la presqu'île. Aux XIXème et XXème
siècles, période durant laquelle nous situons notre étude,
c'est sur la rive gauche du Rhône que Lyon va rapidement se
développer18.
Les échelles utilisées au sein de notre
étude seront amenées à varier. En effet, nous
étudions des cadavres de noyés au sein de cours d'eau, ce qui
intègre des déplacements au sein de ces mêmes cours d'eau,
pouvant parfois même représenter des centaines de
kilomètres.
Nous utiliserons donc principalement l'échelle de la
Métropole de Lyon, mais également celle du département du
Rhône, celle de la Région Rhône-Alpes19, et lors
de quelques rares exceptions l'échelle nationale française mais
également suisse, un tiers du Rhône étant situé en
Suisse.
Nous étudierons l'intégralité des noyades
recensées dans le département du Rhône durant cette
période, intégrant donc les noyades ayant eu lieu au sein des
affluents du Rhône et de la Saône tels que la Brévenne ou la
Turdine, mais également les noyades ayant eu lieu à divers
endroits en dehors
16PATRIMOINE DE LYON, « La Saône et ses
ponts »,
Patrimoine-Lyon.org. Disponible
sur : <
https://www.patrimoine-lyon.org/accueil/les-fleuves/la-saone>
17ART ET HISTOIRE EN AUVERGNE RHÔNE-ALPES,
« La Saône ». Consulté le 22 mai 2024. Disponible sur
<
https://vpah-auvergne-rhone-alpes.fr/ressource/la-saône>
18 André PELLETIER, Jacques ROSSIAUD, Françoise
BAYARD, Pierre CAYEZ, Histoire de Lyon des origines à nos
jours, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, Barcelone, 2007.
19 Jusqu'en 2016, la région Rhône-Alpes est une
région à part entière et n'intègre pas, comme
actuellement, la région Auvergne. Nous parlerons donc uniquement de la
région Rhône-Alpes pour cette étude.
12
du Rhône et de la Saône, à savoir dans des
rivières, des lacs, des fossés, des étangs, des mares, des
réservoirs, des citernes, des lavoirs, des écluses, des cuves ou
des pièces d'eau.
HISTORIOGRAPHIE
Après avoir introduit notre sujet, nous allons nous
attarder un instant sur son historiographie. L'historiographie de la noyade et
des noyés est assez complexe et demeure peu étudiée et
traitée par les historiens et historiennes, probablement en raison de
son caractère morbide mais également du fait de sa
complexité. Pourtant, l'étude historique des noyades
soulève encore aujourd'hui des enjeux fondamentaux, à savoir
connaitre leur passé et leurs caractéristiques afin de mieux agir
sur leur présent, prévenir le futur et améliorer les
techniques d'assistance et de secourisme aux victimes.
Un ouvrage sert de référence en la
matière, il s'agit du livre intitulé Corps submergés,
corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans
l'Antiquité à nos jours publié en 2007 sous la
direction de Frédéric Chauvaud. Dans cet ouvrage collectif, de
multiples travaux de recherche en histoire et en anthropologie sur la figure du
noyé sont exposés. De la période de l'Antiquité
jusqu'à aujourd'hui, cet ouvrage expose la figure du noyé dans
toutes les grandes périodes de l'Histoire mais également la
représentation de cette figure dans le monde artistique et les
mentalités de l'époque.
Durant la période de l'Antiquité, Pierre
Cordier, maître de conférences en histoire ancienne à
l'université de Poitiers parvient à établir une histoire
des noyés en s'appuyant sur l'épigraphie funéraire mais
également à partir de la littérature antique au sein
desquels il établit la conclusion suivante : « toutes les eaux
tuent, à commencer par celles de l'espace domestique, bain, puitss ou
viviers (piscinae)20 ». Ainsi, les inscriptions
funéraires retrouvées ont permis aux archéologues et aux
historiens d'identifier les causes des morts, et notamment les causes des
noyades, évoquant la plupart du temps les circonstances de la noyade,
par exemple si celle-ci a eu lieu dans un bain, dans une piscine ou dans un
puits. On recense plus particulièrement un taux élevé de
noyades attribuées à des enfants durant cette période.
Concernant les noyades en mer, deux catégories de victimes dominent
durant l'Antiquité : les adultes de sexe masculin et les jeunes
filles.
20 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps
submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la
noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis,
Saint-Étienne, 2007, pp.23.
13
Un autre type de noyade est évoqué par Pierre
Cordier, il s'agit de l'utilisation de la noyade comme « mode de mise
à mort ». À noter que la noyade demeure en
Grèce, avec la pendaison, l'un des moyens les plus courants de mise
à mort des jeunes filles lorsqu'il représente à Rome un
outil important dans la pratique de l'infanticide.
La mort par noyade demeure durant l'Antiquité un outil
de l'homicide réservé : « aux traitres, aux
adultères, aux brigands et aux tyrans21 ».
L'historien Dominique Briquel évoque également cette utilisation
de la noyade durant l'Antiquité à Rome dans son article
intitulé « Formes de mise à mort dans la Rome primitive :
quelques remarques sur une approche comparative du problème »
publié en 1984. En effet, il déclare que divers moyens
étaient mis en place à Rome afin d'éliminer les criminels,
tels que la « crémation, précipitation, suspension,
noyade22 ». Les parricides également étaient
punis par la sentence de la noyade.
Nous allons maintenant nous intéresser aux noyades
durant le Moyen-âge. Laurence Moulinier-Brogi, maîtresse de
conférence en histoire médiévale à
l'Université Paris VIII soulève au sein de l'ouvrage Corps
submergés, corps engloutis, une histoire des noyés et de la
noyade de l'Antiquité à nos jours diverses interrogations
qui sont toujours d'actualité concernant les noyades à savoir :
« la mort est-elle due à la submersion, ou le
décès était-il antérieur à la plongée
du corps dans le liquide? Et si c'est vraiment l'eau qui est venue à
bout de cette vie, est-on en présence d'un accident ou d'une mort
intentionnelle, et en ce cas, donnée par un autre ou voulue par le
noyé?23 ». Dans la même lignée que les
noyades intentionnelles établies lors de l'Antiquité, les noyades
comme châtiment étaient monnaie courante durant le
Moyen-Âge. Elles représentaient avec la pendaison, la
décapitation et le bûcher, l'un des moyens les plus courants pour
éliminer les condamnés à mort. Nous pouvons citer comme
exemple la mise à mort par noyade en 1425 de Pierre de Giac, favori de
Charles VII. Quant à Richard Coeur de Lion, il mit en place lors des
croisades une doctrine selon laquelle tout meurtrier responsable d'une noyade
en mer serait également noyé et attaché à sa
victime.
21 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps
submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la
noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis,
Saint-Étienne, 2007, p26-27.
22 Dominique BRIQUEL. « Formes de mise à mort dans
la Rome primitive : quelques remarques sur une approche comparative du
problème ». In: Du châtiment dans la cité. Supplices
corporels et peine de mort dans le monde antique. Table ronde de Rome (9-11
novembre 1982) Rome : École Française de Rome, 1984. pp. 225-240.
(Publications de l'École française de Rome, 79)
Disponible sur : <
www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_79_1_2536>
23 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps
submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la
noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis,
Saint-Étienne, 2007, p35-36.
14
Les noyades accidentelles étaient également
très répandues durant cette même période et
concernaient majoritairement les enfants. Laurence Moulinier-Brogi poursuit son
étude en déclarant que la noyade représentait près
d'un tiers des accidents responsables de la mort d'un enfant. Enfin, la noyade
comme outil de suicide était également omniprésente durant
l'époque médiévale. Avec la pendaison, elle constituait le
moyen le plus répandu pour se suicider. Ayant la particularité de
ne que très rarement permettre de donner une sépulture à
sa victime, le suicide par noyade constituait alors la représentation du
désespoir ultime.
Intéressons-nous désormais aux noyades durant
les Temps Modernes. Au sein de l'ouvrage de Frédéric Chauvaud,
c'est Sébastien Jahan, maître de conférences en histoire
moderne à l'Université de Poitiers qui traite les noyades durant
cette période. À partir de cette période, un autre terme
vient qualifier ce qu'on appelle la noyade, il s'agit de la « submersion
». Son utilisation ne fera que d'accroître pour atteindre son
apogée en 188024.
L'époque moderne est marquée par l'accroissement
des techniques de secours aux noyés. Les médecins de
l'époque élaborent et testent différentes techniques de
sauvetage, techniques qui pourraient aujourd'hui sembler irréelles. Par
exemple, l'une des techniques qui a le plus retenu notre attention et
provoqué notre étonnement est celle du tabac. Au XVIIIème
siècle, ces savants fous recommandaient l'insufflation de fumée
de tabac dans l'anus des victimes afin de les réanimer. Cette invention
hollandaise se faisait en plusieurs étapes : «
Premièrement, il faut souffler dans le fondement du noyé, au
moyen d'une pipe ordinaire, d'un tuyau, d'une gaine de couteau ou d'un fourreau
d'épée, dont on aura coupé le bout, ou d'un soufflet. Plus
cette opération sera prompte, forte et continue, plus elle sera
avantageuse ; elle deviendra encore plus efficace, si l'on se sert d'une pipe
à fumer, ou d'un fumigateur, pour introduire dans le corps du
noyé, au lieu d'air simple, la fumée chaude et
pénétrante du tabac. On ne peut mettre trop de
célérité dans cette première opération qui
peut avoir lieu au moment même où le corps est tiré de
l'eau, soit sur un bateau, soit sur le rivage et en quelque lieu que le
noyé soit posé25 ». Un
événement majeur du XVIIIème siècle marque un
tournant dans l'historiographie de la noyade, il s'agit des noyades de Nantes.
Si jusque-là, la figure du noyé et les noyades
n'intéressaient guère les historiens, cet épisode
traumatisant sera à de multiples reprises étudié par les
historiens.
24LA LANGUE FRANÇAISE, « Évolution
historique de l'usage du mot « submersion » depuis 1800 ».
Dernière mise à jour le 26 avril 2024. Consulté le 2 mai
2024.
Disponible sur : <
https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/submersion>
25 Anton SERDECZNY, « Réanimer les noyés en
soufflant dans leur derrière : une histoire », Retronews,
publié le 26/02/2019.
Disponible sur : <
https://www.retronews.fr/sante/long-format/2019/02/26/reanimer-les-noyes>
15
16
Les sources premières de cet événement
sont les documents d'époque, notamment les rapports écrits par
son principal acteur Jean-Baptiste Carrier, mais également les registres
des tribunaux révolutionnaires, les correspondances officielles, ainsi
que les témoignages. À partir du XIXème siècle, des
historiens se penchent sur l'étude de ces noyades. L'historien
français Jules Michelet évoque cet épisode de l'histoire
française dans son ouvrage intitulé Histoire de la
Révolution française, au sein duquel il a recueilli de
nombreux témoignages sur Carrier26, qu'il surnomme par
ailleurs « le missionnaire de la Terreur ». Un autre historien du
XIXème siècle s'intéresse de près à cet
épisode de la Terreur, il s'agit de l'historien français Alfred
François Lallié. Originaire de Nantes, il publie de nombreux
ouvrages sur l'histoire de cette ville et notamment Les Noyades de Nantes
en 1878 dans lequel il s'appuie sur de nombreux documents d'archives afin
d'étudier chaque noyade ayant eu lieu lors de cet
événement27.
Durant le XXème siècle, les historiens
continuent à s'intéresser à cet épisode de la
Terreur. L'historien G. Lenotre publie en 1912 un ouvrage s'intitulant tout
bonnement Les noyades de Nantes28 qu'il dédit par
ailleurs à Alfred François Lallié. Il offre une
perspective détaillée et humaine des Noyades de Nantes en
soulignant notamment la brutalité et l'inhumanité de ces actes
commis entre 1793 et 1794. Plus récemment, c'est l'historien
Jean-Clément Martin qui s'est intéressé aux Noyades de
Nantes. Spécialiste de l'histoire de la Vendée et de la
Révolution française, tournant ses recherches sur des
thématiques comme la compréhension de la violence ainsi que le
rôle de la religion et de la religiosité dans le processus
révolutionnaire, il adopte un point de vue opposé à ses
prédécesseurs, en défendant l'idée que cet
événement n'est pas à proprement parlé un
génocide. Il publie de nombreux ouvrages sur l'histoire de la
Vendée et les Noyades de Nantes tels que Nantes et la
Révolution29 paru en 2018 ou La Guerre de
Vendée, 1793-1800 en 2014.
30
Nous allons désormais nous intéresser à
l'historiographie de la nage qui constitue elle aussi une approche
intéressante pour notre étude. Une nuance est à
préciser concernant les termes de « nage » et de «
natation ». Si la nage est « l'action de se déplacer
à la surface de l'eau », la
26 Jules MICHELET, Histoire de la Révolution
française, Éditions de Gérard Walter, Coll. Folio
Histoire, Gallimard, 2007.
27 Alfred François LALLIÉ, Les Noyades de
Nantes, Éditions Pays & Terroires, Cholet, 1879.
28 G. LENOTRE, Les Noyades de Nantes, 1 vol. In-8,
Perrin, Paris, 1912.
29 Jean-Clément MARTIN, Nantes et la
Révolution, Nantes, Château des Ducs, 2017, 130p.
30 Jean-Clément MARTIN La Guerre de Vendée,
1793-1800, Points-Seuil, 2014, 368p.
17
natation désigne quant à elle « la nage
en tant que sport ou loisir »31. Nous évoquerons
ici la natation en tant que loisir mais également en tant que sport.
L'histoire de la natation remonte à la période
de la Préhistoire. Si nous n'avons aucune preuve archéologique de
son utilisation, les historiens Jean Granat et Jean-Louis Heim dans leur
article intitulé « Le sport aux temps préhistoriques, mythe
ou réalité » publié en 2002 supposent que les hommes
préhistoriques pouvaient savoir nager : « pour survivre, [ces
hommes] devaient être avant tout bons marcheurs ou coureurs, bons
grimpeurs, peut-être nageurs, être capables de ramper et de
transporter de lourds fardeaux. Ils devaient réfléchir pour
trouver des parades à tous ces pièges et en premier entretenir
leur corps à faire des exercices physiques. Cela ne pouvait pas
être autrement sinon ils n'auraient pas survécus32
». Aujourd'hui encore, cette hypothèse n'a pas été
vérifiée mais on peut supposer que les hommes
préhistoriques possédaient des connaissances en matière de
natation afin de survivre, comme énoncer précédemment,
face à une crue ou à un animal féroce par exemple ou tout
simplement pour accéder à des territoires nécessitant le
franchissement d'une étendue d'eau, ces derniers étant
essentiellement des peuples nomades.
Durant la période de l'Antiquité, la pratique de
la natation se développe considérablement au sein des
civilisations égyptiennes, grecques et romaines. De nombreuses traces
telles que des peintures, des sculptures ou des sites archéologiques
témoignent de cette pratique de la nage. Un dicton circulait même
à ce sujet durant l'Antiquité, à savoir « il ne sait
ni lire, ni nager ». Cette expression désignait les hommes avec un
manque d'éducation, les hommes de bonne famille devant savoir
maîtriser la natation dès leur plus jeune âge. On peut par
ailleurs observer l'utilisation de cette expression au sein des
Lois33 du philosophe grec Platon, rédigé vers
348 et 347 avant JC. Suétone, auteur romain de nombreux ouvrages et
notamment de la Vie de Jules César à
Domitien34 au début du IIème siècle qui
confirme cette pratique de la nage durant l'Antiquité en
déclarant dans son ouvrage : « Cet homme, qui apprenait si
aisément tant de choses, ne savait pas nager! ». Toutefois,
aucune trace ne laisse penser que la natation était un sport
pratiqué lors des Jeux Olympiques.
31 Élise GAUDETTE, « Nager ou faire de la natation,
quelle est la différence? », Eaudace, Approche humaine pour
apprivoiser l'eau, publié le 13 novembre 2016.
Disponible sur : <
http://eaudace.ca/capsule-no-3-nager-faire-de-natation-difference>
32 Jean GRANAT, Jean-Louis HEIM. « Le sport aux temps
préhistoriques, mythe ou réalité ? »,
Biométrie Humaine et Anthropologie - revue de la Société
de biométrie humaine, 2002, 20, (1-2), 139-149. Granat J., Le sport aux
temps préhistoriques, mythe ou réalité ?
33 PLATON, Les Lois, Livres I à VI, Flammarion,
2006.
34 SUÉTONE, Vie des douze Césars,
traduction de Théophile Baudement, Éditions Flammarion,
2008, 416p.
18
Durant le Moyen-Âge, la pratique de la nage demeure
récréative plutôt que sportive. Dans son ouvrage
intitulé Usages de l'eau: dans la vie privée, au
Moyen-Âge, à travers l'iconographie des manuscrits à
peintures de l'Europe septentrionale (XIII-XVIème siècles)
paru en 2001 35 , l'historienne Catherine Gouédo-Thomas
démontre cette pratique de la nage en s'appuyant sur des textes de
l'époque. L'apprentissage de la natation était
intégré aux formations des chevaliers, des textes relatent par
ailleurs le fait qu'il fallait savoir nager pour être sacré
chevalier, mais la nage en tant que savoir au sein de la population demeurait
très limitée. Si la nage en pleine mer n'était pas
pratiquée en raison des peurs superstitieuses liées à
l'eau, les moments de détente dans des cours d'eau comme des
rivières pouvaient avoir lieu36.
Au début des Temps modernes, la pratique de la nage en
Europe connaît une décroissance importante. C'est à partir
de la Renaissance que la natation connaît un regain de popularité,
avec la publication des premiers traités sur la natation tel que celui
de Nikolaus Wynmann publié en 1538 et intitulé
Colymbetes.Sive de Arte Natandi. Au sein de ce traité, Nikolaus
Wynmann donne notamment des techniques pour apprendre à nager et pour
lutter contre la peur des eaux profondes qui demeure très importante et
très paralysante durant cette période.
Jusqu'à la fin du XIXème siècle, les
techniques de nage sont imprécises. Cependant, selon le professeur des
universités Patrick Pelayo dans son article intitulé « De
l'art de nager à la science de la natation37 »
publié en 2010, l'Europe connaît à la fin du siècle
une multiplication des compétitions ainsi qu'une institutionnalisation
de la natation sportive. La France connaît alors une évolution
majeure en terme de natation, qui demeurait au début du XIXème
siècle essentiellement une pratique sociale réservée aux
bains et aux loisirs, et qui atteint au cours du XXème siècle le
niveau de professionnalisme que l'on lui connaît aujourd'hui. Nous aurons
l'occasion de traiter cette thématique au sein de notre première
partie qui évoque le rapport à l'eau aux XIXème et
XXème siècle en France et plus particulièrement dans le
département du Rhône et dans la ville de Lyon.
35 Catherine GOUEDO-THOMAS, Usages de l'eau : Dans la vie
privée, au Moyen-Âge, à travers l'iconographie des
manuscrits à peintures de l'Europe septentrionale (XIII-XVIe
siècles), Thèse soutenue le 8 juin 1995, Presses
Univerisitaires de Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2001.
36 UNIVERSITÉ DE RENNES, « Histoire de la natation
», 2024. Consulté le 12 mai 2024. Disponible sur : <
https://apprendre-a-nager.univ-rennes.fr/histoire-de-la-natation-0>
37 Patrick PELAYO, « De l'art de nager à la science
de la natation », La revue pour l'histoire du CNRS, 26, 2010, p18-23.
19
SOURCES
Désormais, nous allons voir quelles sources ont
été utilisées afin de mener à bien ce travail. Pour
construire notre étude, nous nous sommes appuyés sur
l'utilisation de quatre sources distinctes.
Premièrement, nous avons utilisé les
procès-verbaux issus des archives départementales du Rhône
situées près de la Part-Dieu à Lyon. Ces archives sont
issues de la Série M, qui répertorie les archives concernant
l'administration générale et l'économie de 1800 à
1939 et la côte 4M plus précisément qui est quant à
elle réservée aux archives de la police. Nous avons
dépouillé les côtes 4M488 à 4M495 qui concernent les
procès-verbaux d'accidents, d'homicides, de suicides qui eurent lieu au
cours du XIXème siècle et jusqu'en 1939 dans le
département du Rhône. Pour ces archives, nous avons
classifié l'intégralité des morts dans deux tableurs
distincts, l'un consacré uniquement aux cas de noyades et l'autre
contenant toutes les autres morts mentionnées tels que les pendaisons,
les chutes ou les accidents de la circulation. Nous recensons alors pour cette
période 852 cas de noyades et 1126 cas de morts hors noyade, ce qui
représente un total de 1978 morts répertoriées dans les
procès-verbaux. Cependant, pour des raisons qui nous sont inconnues mais
probablement par égarement certaines côtes sont moins
complètes que d'autres. À partir de la côte 4M494 et 4M495
qui couvre les années 1864 à 1940, on note un changement dans la
conservation des PV puisque beaucoup d'incendie sont désormais
relatés avec les conséquences matérielles de ces derniers,
alors que de 1870 à 1901, aucun cas de noyade n'est recensé et
qu'après 1937, seul des accidents de train non-mortels sont
signalés.
Dans un deuxième temps, dans un souci de prolonger
temporellement l'étude des noyades qui ne sont que presque pas
évoquées dans les PV concernant le début du XXème
siècle, nous avons également dépouillé des archives
présentes aux archives municipales de Lyon situées près de
la gare Perrache à Lyon. Nous avons dépouillé les
côtes 2764W/1 à 2764W/3 qui correspondent aux registres
d'entrées des corps des victimes à la morgue à Lyon de
l'année 1939 à l'année 1950 incluse. Pour ce
dépouillement et par manque de temps, nous avons
répertorié uniquement ici les cas de noyades, et non pas
l'intégralité des morts recensées, comme nous avons pu le
faire pour les archives des procès-verbaux. Nous répertorions ici
219 cas de noyades. Il nous faut préciser que les noyades
recensées au sein de ces archives ne concernent que la découverte
des noyades. Ces registres ne mentionnent ni la date ni le lieu de disparition
de la victime. À la différence des PV, nous avons rencontrer
plusieurs cas de noyade retranscrite et illustré par la photo du cadavre
du
20
noyé. Pour des raisons de qualité et de petite
taille, nous n'utiliserons pas ces photos au sein de notre étude.
Troisièmement, nous avons utilisé pour cette
étude des archives de presse issues du site internet Retronews. Nous
avons classifié 115 articles de journaux évoquant des noyades
ayant eu lieu dans le département du Rhône, datant pour le plus
ancien du 6 avril 1825 et pour le plus récent du 28 juillet 1935. Ces
115 archives de presse sont issues de trois grands journaux Lyonnais de
l'époque : la Gazette de Lyon, le Journal du commerce de la ville de
Lyon et du département du Rhône et Lyon
républicain.
Enfin, dans un dernier temps, nous avons eu un accès
« inédit » à des archives iconographiques du
médecin légiste français Edmond Locard et de son
équipe grâce au soutien des Archives municipales et plus
particulièrement celui de Nicolas Delestre. Ces archives comportent 28
000 plaques iconographiques exploitables qui proviennent de l'INPS datant de
1910, date à laquelle ce laboratoire a été fondé et
jusque dans les années 50. Ces photographies représentent
diverses choses, telles que des photos personnelles, des corps
repêchés ou des photos d'enquêtes judiciaires. Nous avons pu
récupérer quatorze photos représentant des cadavres de
noyés qui nous permettront d'illustrer et de représenter ce
à quoi ressemble un cadavre de noyé au début du
XXème siècle.
MÉTHODES DE TRAVAIL
Pour construire notre étude et comme nous avons pu
l'énoncer auparavant, nous avons classifié nos archives dans
trois tableurs Excel , l'un consacré aux noyades ayant eu lieu de 1811
à 1950 dans le département du Rhône, recensant 1064
noyés, un deuxième consacré à toutes les autres
catégories de morts, comprenant des homicides, des suicides, des morts
naturelles et accidentelles et qui comporte 1126 cas s'étendant de
l'année 1808 à l'année 1937, et enfin un dernier dans
lequel nous recensons 115 archives de presse qui évoquent des cas de
noyade ayant eu lieu entre 1825 et 1935.
21
Grâce à l'élaboration de ces bases de
données nous avons pu construire par la suite divers statistiques sur
les noyés et les circonstances des morts recensées et notamment
des statistiques nous permettant d'élaborer le profil des noyés
afin de répondre à diverses questions :
-qui sont les noyés?
-à quel endroit et dans quelles circonstances se
noient-ils?
-à quel endroit et à quel moment sont-ils
retrouvés?
-quel est le nombre des noyades et comment varie-t-il dans le
temps?
-quelle est l'importance relative de la noyade parmi
l'ensemble des causes de décès accidentels recensés?
Nous avons produit différents types de statistiques,
à savoir des chiffres, des pourcentages et des graphiques grâce au
logiciel Excel et à nos bases de données.
Nous avons également produit des cartes
géographiques afin de localiser les cas de noyades que nous avons
étudié grâce au logiciel QGIS.
L'enjeu de cette étude est d'apporter une dimension
historique au projet de recherche ARCO qui vise à proposer des solutions
contre les noyades ainsi que de nourrir par un contrepoint sur la longue
durée la thèse de Célia Maghakian intitulée «
Noyade dans les cours d'eau urbains : de l'épidémiologie
à l'aide à la recherche subaquatique de victimes dans le
Rhône et la Saône à Lyon ». L'autre enjeu est de
venir nourrir une thématique, à savoir l'histoire des noyades en
France, et plus particulièrement l'histoire des noyades dans le
Rhône et la Saône durant l'époque contemporaine, sujet qui
n'a été que très peu étudié par les
historiens.
L'intérêt personnel de cette étude est de
gagner en connaissances sur d'une part l'histoire de la ville de Lyon, des
noyades et des circonstances sur les morts qui eurent lieu à Lyon de
manière générale aux XIXème et XXème
siècles, et d'autre part d'avoir l'opportunité de travailler dans
une équipe très hétérogène sur un projet
original qui sort de l'ordinaire et qui de ce fait, me plait.
PROBLÉMATIQUE
Comment se caractérisent les noyades dans le
Rhône et la Saône dans la ville de Lyon et dans le
département du Rhône aux XIXème et XXème
siècles? Quelles évolutions connaissent-elles parmi l'ensemble
des morts recensées durant cette même période? Quelles
solutions sont finalement mises en place par l'État et les
autorités publiques afin de lutter contre les noyades?
PRÉSENTATION DU PLAN
L'enjeu de notre étude est d'établir une
sociologie des noyés à Lyon et dans le Rhône aux
XIXème et XXème siècles afin de fournir une réponse
avec des statistiques à des enjeux qui demeurent actuels. Pour
répondre à notre problématique, un plan chronologique
aurait pu s'avérer être efficace pour traiter un sujet couvrant
une si longue période, mais nous avons finalement opter pour un plan
thématique qui nous permettra d'exposer l'ensemble des thèmes qui
nous intéressent de manière pertinente, ainsi que pour des
questions pratiques.
Nous avons ainsi choisi de construire un plan en trois
parties. Dans la première partie, nous nous intéresserons tout
d'abord au rapport au fleuve entretenu par les Lyonnais et aux risques
créés par ce dernier aux XIXème et XXème
siècles, en proposant dans un premier temps de développer ce
rapport au fleuve, et dans un deuxième temps le rapport à l'eau
et à la mort de manière générale.
Dans une seconde partie, nous allons entrer dans le coeur de
notre sujet en développant les noyades à Lyon et dans le
département du Rhône durant cette même période. Nous
nous intéresserons dans un premier chapitre à la
représentation des noyades dans l'ensemble des morts recensées
à Lyon aux XIXème et XXème siècles, dans un second
chapitre nous nous attarderons sur la prise en charge effectuée quant
aux noyés, et enfin, dans un dernier temps, nous étudierons plus
en détail les différents types de noyades en prenant soin de
donner des statistiques pour illustrer chaque catégorie de noyé
afin de pouvoir fournir des comparaisons qui soient les plus précises
possibles. Notre troisième partie sera quant à elle
consacrée aux aménagements et aux outils de lutte contre les
noyades qui furent mis en place du début du XIXème siècle
jusqu'au XXème siècle. Pour cette partie, nous parlerons de ces
actions de lutte du point de vue de la ville de Lyon, mais nous proposerons
également de les observer à l'échelle de la France en
démontrant qu'une politique et des structures sont mises en place dans
l'intégralité du pays, le fléau des noyades n'étant
pas qu'uniquement présent dans le département du Rhône.
Nous consacrerons également un chapitre à
22
23
la presse locale Lyonnaise dans cette partie afin de
démontrer que celle-ci représente un outil de prévention
et d'éducation aux XIXème et XXème siècles à
Lyon de part la croissance de ses moyens techniques et de sa diffusion.
24
PARTIE 1
LE RAPPORT À L'EAU ET LES RISQUES LIÉS AU FLEUVE
À LYON AUX XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES
Construite à la confluence de deux cours d'eau, la
ville de Lyon a depuis toujours suscité chez ses habitants un rapport
à l'eau et au fleuve spécifique et particulier. Si contrairement
aux Grecs durant l'Antiquité les Lyonnais ne firent pas de leurs fleuves
des divinités, une véritable relation de dépendance s'est
pourtant développée au fil des siècles, nous pourrions
même parler d'une relation passionnelle entre des habitants et des cours
d'eau qui peuvent tant donner comme tant reprendre. À la fin du
XVIème siècle, l'historien Pierre Matthieu déclarait
même que « Le Rhône et la Saône sont les veines qui
portent le sang et la nourriture dans Lyon »38.
Au cours de l'Antiquité la relation au fleuve et
à l'eau à Lyon était basée sur le transport et le
commerce. Servant de voies de communication pour le transport de biens et de
personnes, la navigation permettait alors à la ville de Lyon de
développer son économie et son commerce. Le rapport à
l'eau quant à lui était crucial, les fleuves permettant d'une
part de fournir de l'eau pour la réalisation des tâches
domestiques mais également pour l'agriculture.
Au Moyen-Âge, l'utilisation du fleuve et de l'eau n'a
guère évolué. En effet, les fleuves continuent à
jouer un rôle majeur pour le commerce et pour l'agriculture, permettant
à la fois de fournir une hydratation importante aux champs sillonnant la
ville mais également de donner à boire aux bétails. Les
Lyonnais quant à eux évitent de boire l'eau de la Saône et
des puitss avoisinants, ces dernières étant
considérées comme impures, ils préfèrent les eaux
des sources ou le cas échéant celles du
Rhône39.
Durant les Temps modernes, Lyon, comme la majeure partie de la
France connaît une forte croissance. On y note notamment une
évolution générale et une expansion commerciale intense,
ainsi qu'une croissance démographique et une importante
immigration40. Ces succès économiques permettent alors
de nouvelles conquêtes urbaines avec l'apparition d'une volonté
d'aménagement de la rive gauche du Rhône. Diverses constructions
autour du fleuve sont établies menées par un désir de
contrôler des eaux qui demeurent dangereuses et destructrices. C'est dans
ce contexte que sont construits entre 1759 et 1769 la digue de la Tête
d'or ou le canal imaginé par Jean-Antoine Morand en 1764 au pont de la
Boucle retrouvant le Rhône en aval du pont de la
Guillotière41.
38 Jean COULON, Emmanuel VINGTRINIER, La Vie Lyonnaise :
Autrefois, aujourd'hui, Éditions de Lyon, 1983, 424p.
39 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le
fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.
40André PELLETIER, Jacques ROSSIAUD,
Françoise BAYARD, Pierre CAYEZ, Histoire de Lyon des origines
à nos jours, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire,
Barcelone, 2007.
41 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le
fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.
25
26
Dans cette première partie, nous allons nous
intéresser aux évolutions que connaissent les Lyonnais quant
à leur rapport à l'eau et au fleuve à partir du
XIXème et ce jusqu'au XXème siècle.
CHAPITRE 1
LE RAPPORT AU FLEUVE
Dans le cadre de notre étude concernant le rapport
entretenu entre les Lyonnais et leurs cours d'eau, le Rhône et la
Saône, nous allons nous intéresser dans un premier temps au
rapport au fleuve. Lorsque nous évoquons le rapport au fleuve, nous
évoquons d'une part le fleuve du Rhône, mais également
d'autre part la rivière qu'est la Saône. Pour des questions
pratiques, nous évoquerons ces deux cours d'eau en les nommant «
fleuve » à plusieurs reprises dans notre étude, bien que la
Saône ne soit pas à proprement parler un fleuve.
I- Les constructions autour du fleuve à Lyon
Dans un premier temps, nous allons voir les constructions qui
sont établies autour du Rhône et de la Saône à Lyon
aux XIXème et XXème siècles, et voir en quoi l'état
de ces constructions permet de mieux comprendre le lien unissant les Lyonnais
à leurs cours d'eau.
Depuis l'Antiquité, l'installation urbaine de Lyon
s'est développée autour de la Saône, jugée plus
docile que son voisin, le Rhône, considéré comme un
obstacle difficilement maîtrisable. Jusqu'à la fin du
XVIIIème siècle, la majorité des constructions se fait sur
la Saône ce qui permet d'assurer à la ville une croissance
économique et marchande. Elle constitue véritablement l'axe
majeur principal de la ville42. Jusqu'au XIXème
siècle, les cours d'eau de la ville occupent une place cruciale quant au
ravitaillement de la ville qui est essentiellement assuré par des
bateaux naviguant sur ces deux cours d'eau. La Saône est utilisée
par un nombre important d'embarcations qui transportent des marchandises tels
que des grains, des vins ou des poissons. Le Rhône quant à lui,
proposant une navigation plus difficile à maîtriser est
utilisé afin de transporter des matériaux sur des grands radeaux
destinés à la construction tels que le bois, qui provient
généralement de la Savoie et du Bugey tandis qu'on remonte du sud
de la France et de la Méditerranée des céréales, du
sel et des huiles.
42 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans
l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021
27
28
a) Les ponts, bacs, et barques
Depuis l'Antiquité, période de construction de
la ville de Lyon, des constructions sont établies afin de pouvoir
traverser les fleuves. Durant plusieurs siècles, les Lyonnais
utilisaient des barques ou des bacs afin d'y parvenir, qui étaient
conduits par des passeurs.
Les bacs à traille ou bacs à chaîne
correspondent à un type d'embarcation utilisé pour traverser un
cours d'eau. Le système est simple : un câble traverse le cours
d'eau et est attelé à un pilier de chaque côté du
fleuve. La progression du bac se fait alors grâce au courant, et dans les
cas où ce dernier n'est pas assez intensif, la traversée se fait
à l'aide de rames ou tout simplement avec les bras, en tirant sur la
corde ou en poussant sur une perche. Cette construction
généralement provisoire était notamment utilisée
par les hommes en compensation d'un pont endommagé ou
détruit43. Nous pouvons citer par exemple la présence
du bac à traille des Terreaux qui joignait le 2ème arrondissement
de Lyon en rive droite à celui du 6ème arrondissement en rive
gauche et qui fut construit vers 1745 44 . En 1827, Marc Seguin
invente les ponts suspendus à Lyon ce qui
45
engendre entre 1830 et 1850 une construction massive de ponts
suspendus favorisant alors la disparition des bacs à traille, qui
appartenaient pour la plupart à l'État
français46.
Construits à l'origine en bois, les premiers ponts
établis au sein de la ville de Lyon datent de l'époque
gallo-romaine. Durant le Moyen-Âge et l'Époque moderne, aucune
évolution n'est à noter concernant ces ponts, dont la
construction n'est pas développée. Il faut attendre
l'époque contemporaine et plus particulièrement la fin du
XVIIIème siècle et la première moitié du
XIXème siècle pour observer une forte croissance des
constructions de ces ponts à Lyon. Au XVIIIème siècle, la
ville comptabilise au total sept ponts. La Saône est alors
traversée par cinq ponts : le pont de Serin, celui de Saint-Vincent, de
l'Evêché, d'Ainay et de la Mulatière. Le Rhône est
quant à lui traversé par deux ponts, à savoir le pont de
la Guillotière et le pont Morand47.
À partir du XIXème siècle, la navigation
à vapeur inventée par le marquis Jouffroy d'Abbans est en plein
essor à Lyon et révolutionne la manière de penser les
constructions autour du fleuve, on
43 Guy DRRENMATT, Le Rhône autrefois, Les
Provinciales Curandera, Aubenas, 1987.
44 Sandrine PAGENOt, Isabelle HAVARD, Bruno DECROCK, «
Bac à traille du Bât d'argent, puis bac à traille des
Terreaux ou bac à traille du Grand Collège, ou bac à
traille des Recteurs de l'Hôtel-Dieu (disparu) », Rhône-Alpes,
Lyon, 2010. Dernière mise à jour en 2016.
Disponible sur : <
https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/IA69006581>
45 Jean PELLETIER, Ponts et quais de Lyon, Lyon,
Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.
46Louis BONNAMOUR, Le XIXè siècle et
la Saône. Tradition et Bouleversements, Z'est Éditions, 2020,
256p. 47 Jean PELLETIER, Les ponts de Lyon, l'eau et les Lyonnais, Le
Coteau, Éditions Horvath, 1990, 207p.
détruit par exemple le pont de Pierre (ou du Change)
sur la Saône qui est désormais considéré comme trop
dangereux pour la navigation à cause du courant rapide qu'il enjambe et
qui est par ailleurs surnommé « la Mort qui Trompe ».
Dès 1860, on comptabilise 19 ponts à Lyon. Durant la
deuxième moitié du XIXème siècle, Lyon connait une
autre modification importante dans son paysage urbain : la construction de
grands ponts métalliques. C'est ainsi que sont construits de 1852
à 1856 les deux viaducs de la gare de Perrache, celui de la Quarantaine
sur la Saône et de la Méditerranée sur le Rhône mais
également le viaduc en amont sur le Rhône qui correspond
aujourd'hui au pont Poincaré. À la fin du XIXème
siècle, la construction de ces grands ponts métalliques ne fera
que de s'accroître laissant place à deux nouvelles constructions
majeures que sont le pont Lafayette et celui de
l'Université48. Après cette véritable
transformation architecturale autour des cours d'eau Lyonnais, la ville ne
connaît que de légères évolutions au XXème
siècle. Nous pouvons notamment citer l'utilisation de nouvelles
techniques et/ou nouveaux matériaux après 1910, tels que l'emploi
du béton armé et du béton précontraint. Durant la
Seconde Guerre mondiale (1939-1945) la ville de Lyon est victime de nombreux
bombardements de la part de l'Allemagne nazie, ce qui occasionne la destruction
ou l'endommagement de nombreux ponts et constructions sur le fleuve. Nous ne
développerons pas davantage la période de la Seconde Guerre
mondiale qui demeure trop conséquente pour pouvoir être
traitée au sein de notre étude.
b) Les quais et les rives
Le paysage architectural de la ville de Lyon est ainsi
constitué de ces nombreux ponts mais est également marqué
par la présence de quais et de rives. Un quai est une « section
de berge, de rive ou de rivage d'un port ou d'une voie navigable,
aménagée en vue de permettre l'accostage des bâtiments de
navigation, l'embarquement ou le débarquement des passagers, le
chargement ou le déchargement des marchandises49 ».
Les quais à Lyon reflètent la relation entretenue entre les
Lyonnais et leur deux cours d'eau et leur construction est relativement
récente puisqu'avant le XVIIIème siècle ils n'existent
pas. Le bord de l'eau est occupé du côté du Rhône par
des murailles et du côté de la Saône par des maisons.
À partir du XIXème siècle apparaissent
les véritables premiers travaux d'aménagements des quais à
Lyon qui sont tout d'abord destinés à dégorger la
circulation routière en centre-ville qui se fait de
48 Jean PELLETIER, Les ponts de Lyon, l'eau et les
Lyonnais, Le Coteau, Éditions Horvath, 1990, 207p.
49 Larousse, « Quai », dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 2 mai 2024. Disponible sur : <
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/quai/>
29
plus en plus difficilement. Le prix de ces travaux
étant élevé, les frais sont partagés entre la ville
de Lyon et l'État français jusqu'à la fin du
siècle50. La construction des quais s'explique
également par un besoin de protéger les habitations des flots. Le
premier quai construit à Lyon est le quai Saint-Vincent dont le projet
voyait le jour dès 1599. Sa construction a lieu vers 1620 et est
rapidement suivi par la construction de deux autres quais : le quai de la
Baleine, correspondant aujourd'hui au quai Rolland vers 1640 et le quai
Chalamont, aujourd'hui quai Saint-Antoine en 1713.
Les travaux d'aménagements des quais sur la rive gauche
débutent quant à eux uniquement à partir du XIXème
siècle. La rive droite du Rhône connait ses premiers travaux
d'aménagements en 1573 avec les premières digues de Bandinelli
pour parvenir à la fin du XVIIIème siècle aux travaux
d'aménagements de Perrache. La rive gauche du fleuve est quant à
elle construite au XIXème siècle. Concernant l'aménagement
des rives de la Saône, sa rive droite est depuis toujours habitée
et regroupe notamment l'économie Lyonnaise. La rive gauche est quant
à elle au départ garnie de jardins et de vignes sur les flancs de
la Croix-Rousse ainsi que de quelques couvents ou chapelles, avant de
connaître à son tour des travaux d'aménagements des quais
à partir du XVIIème et surtout lors des XVIIIème et
XIXème siècles.
c) Les ports
En 1826, les frères Seguin, ingénieurs et
industriels français se voient concéder par la ville de Lyon un
terrain de 283 000m2 au sud du nouveau quartier de la presqu'île afin d'y
construire une gare d'eau en y conduisant le voie ferrée reliant la
ville de Saint-Étienne à celle de Lyon ainsi que d'y implanter 79
établissements industriels, maisons ou entrepôts51. Si
une première gare d'eau avait été construite en 1779 par
l'ingénieur Perrache, son état d'inachèvement la rend
insalubre. Les frères Seguin entreprennent alors des travaux afin de
viabiliser la zone de Perrache. Cette gare d'eau aura permis la création
plus tardivement d'un port industriel de grande envergure au sein d'un lieu
stratégique que représente le confluent du Rhône et de la
Saône et sera détruite en 192052.
Le port Rambaud est à Lyon le plus ancien et le plus
important de la région. Il a été construit en 1926 entre
le pont de la Mulatière et l'ancienne gare d'eau sur les bords de
Saône près du confluent
50 Jean PELLETIER, Ponts et quais de Lyon, Lyon,
Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.
51 Chalabi MARYANNICK, Ministère de la Culture, «
Gare d'eau de la Compagnie Seguin », Inventaire général du
patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Ville de Lyon.
Disponible sur : <
https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA69000818>
52ART ET HISTOIRE, « Société Seguin
& Cie ».
Disponible sur : <
https://www.art-et-histoire.com/request_print_page.php>
30
avec le Rhône en succession à la gare d'eau. Sa
mission est importante puisqu'il doit répondre aux besoins industriels
d'une grande ville telle que Lyon53. Lieu destiné aux
échanges commerciaux, il est spécialisé dans le trafic
fluvio-maritime et avait pour mission notamment d'assurer des liaisons
régulières entre Lyon et le mythique port du Pirée
situé à Athènes en Grèce, ou des liaisons vers
l'Italie afin de transporter des produits métallurgiques. Très
actif durant les années 1950 à 1960, notamment dans le transport
de produits tels que le sucre, le sel ou le vin, il cesse néanmoins son
activité en 1991 54 .
Un second port pris forme au début des années
1920 à Lyon avant de devenir effectif en 1937 : il s'agit du port
Édouard Herriot, situé sur le Rhône en aval de Lyon. Il est
nommé ainsi en l'honneur du Président du Conseil et maire de Lyon
Édouard Herriot. À la différence du port Rambaud qui n'a
pu connaître une grande expansion notamment dû au fait que son
arrière port touchait directement la ville de Lyon, le port
Édouard Herriot a quant à lui toute possibilité
d'extension que ce soit le long des berges qui ne sont pas
aménagées ou derrière avec une immense zone industrielle
en plein essor55. En effet, étant construit en pleine
campagne sur un marécage, sa capacité d'extension est
illimitée. Il est créé de prime abord afin de stocker les
hydrocarbures et d'approvisionner les centrales de la région. Il est par
la suite agrandi dans les années 1945-48, avec la construction d'une
première darse, c'est-à-dire d'un canal puis d'un bassin
permettant l'accostage aux gros transports d'hydrocarbures56.
53 Paul FELS, Alain DUCOS, INA, 30 octobre 1964, « Les
installations portuaires de Lyon », 4:47. Consulté le 2 mai
2024.
Disponible sur : <
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/lxf99005735/les-installations-portuaires-de-lyon>
54 PORT RAMBAUD, « L'histoire du port Rambaud »,
consulté le 9 juin 2024. Disponible sur : <
https://portrambaud.com/port-rambaud/son-histoire/>
55 Paul FELS, Alain DUCOS, INA, 30 octobre 1964, « Les
installations portuaires de Lyon », 4:47. Consulté le 2 mai
2024.
Disponible sur : <
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/lxf99005735/les-installations-portuaires-de-lyon
56 VILLE DE LYON, « Port Edouard Herriot ».
Consulté le 10 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.lyon.fr/lieu/patrimoine-industriel/port-edouard-herriot>
31
32
d) Les moulins
Les premiers moulins apparaissent sur le Rhône aux
XIVème et XVème siècles et sont pour la plupart des
moulins à blé 57 . Ces moulins flottants qui se
développent ensuite sur la Saône et qui fonctionnent grâce
à l'énergie hydraulique qui leur sert de force motrice servaient
alors à fournir la population Lyonnaise en farine58. La
Fédération des moulins de France définit ces moulins
flottants ou moulins-bateaux comme des « bâtiments en bois,
flottant sur une rivière de façon statique, qui convertit
l'énergie du courant de la rivière en mouvement rotatif de sa (ou
ses) roue(s) pour actionner les meules d'un moulin à farine. Le seul
déplacement qu'il effectuait, était dicté par la recherche
de la meilleure position dans le courant de la rivière59
». À la fin du XVIIIème siècle, Lyon connait un hiver
rude qui provoque l'apparition de glace sur le Rhône ce qui eut pour
conséquence la mise à l'arrêt des moulins qui à son
tour causa l'apparition d'une famine meurtrière au sein de la population
Lyonnaise60. Leur utilisation était donc primordiale. Avec le
développement des bateaux à vapeur à partir de 1820 et
l'augmentation du trafic fluvial, les moulins-bateaux perdent en
popularité. Le 5 mai 1835, les Ponts et Chaussées interdisent la
réparation des moulins défaillants à Lyon. C'est ainsi que
fut détruit en 1894 le dernier de ces moulins voguants, année
durant laquelle émerge par ailleurs la « Société des
forces motrices du Rhône »61, l'un des premiers grands
groupes privés de distribution et de production de
l'électricité en France.
En conclusion, nous pouvons dire qu'un certain nombre de
constructions sont établies sur les fleuves à Lyon aux
XIXème et XXème siècles. Démontrant toujours plus
d'intérêt pour leurs fleuves, les Lyonnais tentent par tous les
moyens de rentabiliser leurs activités économiques en s'appuyant
sur le développement et la maîtrise de leurs cours d'eau qui
offrent également à la population des intérêts
propices quant à la réalisation de certaines tâches et
activités quotidiennes.
57 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le
fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013,
p60-63.
58 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans
l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.
59 FDMF, « Les moulins-bateaux », publié le 2
novembre 2013. Consulté le 2 mai 2024. Disponible sur : <
https://fdmf.fr/les-moulins-bateaux/>
60 Jacques FONTES, « Quand les moulins-bateaux
préservaient les Lyonnais de la famine », Le Progrès,
publié le 17 avril 2021. Consulté le 14 juin 2024.
Disponible sur : <
https://c.leprogres.fr/culture-loisirs/2021/04/17/quand-les-moulins-bateaux-preservaient-les-Lyonnais-de-la-famine>
61 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le
fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013,
pp64.
33
II- Des métiers à risques près des
cours d'eau à Lyon
Désormais, nous allons nous attarder un instant sur les
métiers des rives qui permettaient le développement
économique de la ville tout en représentant un danger pour les
personnes qui les pratiquaient. Pour cette partie, nous avons choisi de traiter
non pas l'intégralité des métiers des rives existant
à Lyon ce qui aurait été trop conséquent, mais de
développer les métiers qui sont selon nous les plus importants et
et les plus influents à Lyon aux XIXème et XXème
siècle et que nous avons pu rencontrer en étudiant les cas des
noyades dans les archives des ADR et des AML.
a) Les pêcheurs
La pêche est une activité qui fut
pratiquée dès la période de l'Antiquité. À
Lyon, les produits de la pêche constituent une grande richesse pour les
habitants. Permettant aux Lyonnais de se nourrir de poissons d'eau douce et de
rivière qui sont des mets très appréciés, la
pêche se professionnalise et se concentre dans les quartiers de la
Platière et celui de Saint-Vincent. L'essentiel de ces pêcheurs
sont alors originaires des bourgs de la basse Saône. Différentes
techniques de pêche se développent comme la pêche à
ligne flottante, à l'épervier ou à la bascule. Les
pêcheurs utilisent également différents matériels
tels que des filets, des carrelets et des nasses afin de pêcher
différentes espèces parmi lesquelles on retrouvait la
brème et le brochet mais également certains poissons migrateurs
qui remontent le fleuve avec l'arrivée du printemps comme des
esturgeons, des anguilles ou des aloses62.
Si la pêche se développe dans le secteur
professionnel, elle se développe également en tant que
loisir63. Généralement pratiquée à
partir d'une berge ou dans un batelet, la pêche à la ligne
comptabilise chaque année de nombreux participants et constitue l'une
des activités les plus importantes pratiquée à Lyon. Les
pêcheurs appréciant le caractère calme et paisible de la
pêche participent également à de nombreux concours de
pêche organisés sur ces deux cours d'eau avant d'aller se
détendre dans une guinguette64. Malgré cette
appétence pour la pêche, la pratique de cette dernière ne
reste pas sans danger et des noyades sont a déplorées au sein de
ces pêcheurs professionnels ou amateurs. Par exemple, au sein des PV
dépouillés aux ADR nous avons eu le cas
62 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans
l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.
63 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le
fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013,
pp55-57.
64Louis BONNAMOUR, La Saône, une
rivière, des hommes, Christine Bonneton Éditeur, 1981.
34
de la noyade d'un enfant nommé Auguste Alan qui alors
âgé de 12 ans s'était noyé accidentellement en
pêchant dans la Saône65. Son cadavre fut retiré
de l'eau le 14 juillet 1864 en aval du pont Napoléon. Cette noyade
illustre bien que malgré le fait que l'activité de la pêche
soit considérée comme quelque chose de joyeux, le danger n'en
était pas moins absent pour autant.
b) Les bateliers
L'un des métiers des rives les plus importants et les
plus répandus à Lyon aux XIXème et XXème
siècles est le métier de batelier. Dès l'époque
gallo-romaine, la batellerie était omniprésente sur la
Saône comme l'attestent notamment les plombs commerciaux retrouvés
dans la Saône66. Au XIXème siècle : «
est légale considéré comme patron-batelier toute
personne, propriétaire d'un bateau automoteur ou de deux bateaux sans
moteur, qu'il conduit lui-même avec l'aide de sa famille. Ils sont
assimilés à des prestataires de services et ne sont, par
conséquent, pas reconnus par la chambre des métiers. Il existe
pour dénommer ces travailleurs indépendants, une diversité
des termes dont il est difficile d'apprécier la nuance : marinier,
batelier, artisan batelier, patron batelier67 ». L'une des
activités principales de ces bateliers était d'assurer la
traverser d'une rive à l'autre des cours d'eau, ce qui
générait par ailleurs régulièrement des
embouteillages et des conflits, les bateliers se montrant désireux
d'obtenir les meilleurs places sur les rives68. L'autre rôle
majeur des bateliers étaient de transporter différentes
marchandises telles que du bois, des pierres, du sable ou des matériaux
divers. Les embarcations étaient nombreuses et variées, on
retrouvait par exemple des radeaux, des pirogues, des péniches, des
bateaux-moulins que nous avons pu évoquer précédemment ou
même encore des plattes, ces bateaux destinés à laver le
linge69. L'exercice de ce métier n'était pas sans
risque : de nombreux accidents de noyades sont à déplorer chez
les bateliers et batelières Lyonnais aux XIXème et XXème
siècles. Nous pouvons par exemple citer deux cas de noyades : celle du
jeune Henry Mougenot, âgé de 28 ans qui s'est noyé
accidentellement dans la
65ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M494.
66 Gilbert SALMON, « Bateaux et bateliers sur Rhône
et Saône : un voyage lexical en domaine franco-provençal au
Moyen-Âge », Presses universitaires de Provence.
Disponible sur : <
https://books.openedition.org/pup/4327>
67 Jean FAYOLLE (Dir.), Lyon au fil des fleuves,
Multitude, Châtillon-sur-Chalaronne, 1982.
68 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans
l'eau. : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.
69 L'INFLUX, « La batellerie sur le Rhône à
travers les siècles », Lyon et région, modifié le 19
mars 2019. Consulté le 15 mai 2024.
Disponible sur : <
https://www.linflux.com/lyon-et-region/la-batellerie-sur-le-rhone-a-travers-les-siecles/
#chapitre4a>
35
Saône le 22 juillet 1836 70 alors qu'il
conduisait un batelet et celle du marinier Gaspard Morel qui
71
s'est quant à lui noyé le 16 février 1935
dans la Saône à Lyon près du port de Belleville alors qu'il
conduisait une barque chargée de vin et qui a
chaviré72. Nous aurons l'occasion de développer plus
en détails les accidents et les noyades liés à la
navigation au sein du premier chapitre de notre deuxième partie qui
traite des noyades accidentelles.
c) Les tireurs de sable
Les tireurs de sables étaient des ouvriers dont le
métier consistait à draguer le fond de la rivière depuis
une barque afin d'en extraire le sable. Cette extraction du sable se faisait
généralement à l'aide d'une bâche d'une dizaine de
mètres de long que l'on amarrait ensuite sur un haut fond73.
Ce sable était ensuite passé dans un tamis afin d'être
réutilisé au sein de chantiers de construction après qu'il
fusse été transporté à l'aide d'une barque ou d'une
charrette. Le Rhône étant un fleuve particulièrement
tumultueux possédant un lit parfois peu profond, des bancs de sable sans
cesse en mouvement se créaient et nécessitaient ainsi
l'intervention des hommes. Régulièrement cités au sein de
la presse dans la catégorie des faits divers, l'exercice de ce
métier pouvait se montrer particulièrement dangereux. Au sein de
nos archives des PV de l'ADR nous avons eu l'occasion d'étudier
plusieurs cas de noyades en rapport avec ces tireurs de sable. Par exemple,
nous pouvons citer le cas de Philibert Lorin, sablonnier, qui disparu dans le
Rhône à Lyon le 14 octobre 1824. Il se noya à la suite de
la submersion du bateau qu'il montait dans le Rhône. Nous pouvons ici
émettre l'hypothèse que ce sablonnier de profession,
c'est-à-dire vendeur due sablon s'est noyé après avoir
récupéré du sable dans le fleuve. Le 27 octobre 1864, deux
hommes, François Lambert et Louis Bleu, tous deux sablonniers et
âgés respectivement de 36 et 43 ans connaissaient le même
sort en se noyant à Lyon dans le Rhône, leur bateau ayant
été emporté par la force du courant du
fleuve74.
70ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M493. 71 Petit bateau à rames.
72ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M493.
73 Jean FAYOLLE (Dir.), Lyon au fil des fleuves,
Multitude, Châtillon-sur-Chalaronne, 1982, pp183.
74 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
d) Les haleurs
Le dernier métier à risque dont nous allons
parler aujourd'hui est le métier d'haleur. Le halage est une action qui
consiste à remonter un bateau le long d'un chemin de halage,
c'est-à-dire d'un chemin longeant un cours d'eau75. Au
début du XIXème siècle, le halage des bateaux se faisait
à l'aide de chevaux qui, attachés par des câbles et
grâce à leur forte musculature parvenaient à tirer ces
bateaux76. Durant la période de l'Antiquité et pendant
plusieurs siècles, le halage se faisait par la force humaine avant
d'être remplacé par la force animale77. Dans son
mémoire daté de 1809, Pierre Arnollet précise que
généralement 6 chevaux remontaient environ 15 à 20 bateaux
vides. De nombreux obstacles perturbaient le halage des bateaux tels que le
mauvais état ou l'absence de chemin de halage ou le blocage du tirage
dû notamment aux nombreuses constructions que l'on pouvait retrouver le
long des cours d'eau78. Cette technique de transport de marchandises
par le fleuve remonte à l'époque romaine et est utilisée
jusqu'à l'apparition des bateaux à vapeur. L'itinéraire
emprunté par les haleurs n'est pas fixe, il peut varier en fonction du
voyage et des gravières ou bancs de sable. Parfois, il est même
nécessaire de traverser sur une autre rive en transportant les animaux
sur des barques ce qui peut occasionner une augmentation du coût de la
manoeuvre mais également un danger supplémentaire pour les
haleurs79. Chaque équipage comptait environ 50 à 100
chevaux et remontait le fleuve peu importe les conditions
météorologiques en présence. Nous avons par ailleurs au
cours de nos recherches rencontré de nombreuses noyades qui furent
provoquées lors de la pratique de ce métier. Par exemple, nous
pouvons évoquer la mort du jeune André Pierre, âgé
de 24 ans qui se noya dans le Rhône en face des Brotteaux le 29 mars 1818
alors qu'il avait été « entrainé dans le fleuve
par la corde d'un bateau tiré par des chevaux80
».
75 LE ROBERT, « Halage ». Dans Dictionnaire en ligne.
Consulté le 3 juin 2024. Disponible sur : <
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/halage>
76 Jean COULON, Emmanuel VINGTRINIER, La Vie Lyonnaise :
Autrefois, aujourd'hui, Éditions de Lyon, 1983, p345 à
348.
77 CULTURE & PATRIMOINE, « 2000 ans de navigation sur
le Rhône et l'axe Rhône-Saône », Cap sur le Rhône.
Consulté le 13 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.capsurlerhone.fr/thematique/navigation-rhone-laxe-rhone-saone>
78 Louis BONNAMOUR, Le XIXè siècle et la
Saône. Tradition et Bouleversements, Z'est Éditions, 2020,
p97-98.
79 L'INFLUX, « La batellerie sur le Rhône à
travers les siècles », Lyon et région, modifié le 19
mars 2019. Disponible sur : <
https://www.linflux.com/lyon-et-region/la-batellerie-sur-le-rhone-a-travers-les-siecles/
#chapitre4a>
80ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M489.
36
L'étude de ces 4 professions ne reflète qu'une
partie du développement des activités professionnelles autour des
fleuves qui ont lieu aux XIXème et XXème siècles sur le
Rhône et la Saône. Malgré cette relation complexe
qu'entretiennent les Lyonnais avec leurs fleuves de part notamment le risque
que représente l'exercice d'activités sur ces cours d'eau, ces
derniers se montrent toujours plus désireux de vivre avec leurs fleuves,
sur leurs fleuves et grâce à leurs fleuves.
III- Les activités aquatiques dans le
Rhône et la Saône à Lyon au XIXème et XXème
siècles
La construction de la ville de Lyon à la confluence de
deux fleuves accroît cet intérêt qu'ont les Lyonnais pour
ces cours d'eau de part notamment cette omniprésence de l'eau au sein de
leur ville. C'est pour cette raison qu'en plus des professions et des
constructions qui se sont établies autour de ces cours d'eau à
Lyon, des activités aquatiques s'y développent également
et sont grandement pratiquées dans le Rhône et la Saône aux
XIXème et XXème siècles.
a) Les baignades
La première, et pas la moindre des activités
aquatiques que nous allons évoquer est la baignade. Depuis tout temps la
baignade est pratiquée dans le Rhône et la Saône à
Lyon. Avant l'aménagement des rives et quais, les bords de ces deux
cours d'eau étaient un espace naturel en ville. Durant
l'été, c'est la Saône qui attire principalement les
baigneurs81. Dans son étude consacrée à la
pratique de la nage à Lyon à l'époque moderne,
Françoise Bayard décrit « les adeptes de l'eau vive
comme étant jeunes, de sexe masculin et appartenant aux gens de
rivières et aux domestiques82 », nous aurons
l'occasion de revenir plus tard sur le profil des baigneurs durant les
XIXème et XXème siècles. Au cours des XVIIème et
XVIIIème siècles, la pratique de la baignade à Lyon est
monnaie courante. Malgré les dangers, les Lyonnais s'adonnent
régulièrement à la baignade notamment sur la rive gauche
du Rhône qui demeure naturelle au début du XIXème
siècle,
81 Pauline DELON, « Sais-tu nager? Pardi, je suis
Lyonnais! » : La politique municipale de la ville de Lyon en
matière d'établissements de bains au 19ème siècle.
Mémoire de recherche IEP, séminaire Ville et pouvoir urbain,
mémoire sous la direction de Renaud Payre, 2007.
82 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon
à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle
» dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème
Congrès national des sociétés savantes. Section histoire
moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS,
1992, pp. 229-242.
37
38
se jetant des ponts le plus souvent dans le plus simple
appareil83. C'est au cours du XIXème siècle que les
lieux de baignades commencent à s'organiser et que sa pratique est
encadrée, comme nous aurons l'occasion de le voir ultérieurement.
Si la baignade représente pour les Lyonnais un moyen de se
détendre et de se rafraîchir lors des chaudes journées
d'été, elle représente néanmoins un danger
important. De nombreux incidents sont à déplorer quant aux
baignades aux XIXème et XXème siècles, nous pouvons par
exemple citer le cas de Louis Béro, domestique, qui s'est noyé le
1er juillet 1818 dans le Rhône près du pont de la
Guillotière alors qu'il se baignait dans le fleuve84. Une
fois de plus, nous aurons l'occasion de développer ce point plus en
détails plus tardivement au sein de notre étude.
b) Les promenades en barque
Si une bonne partie des bateaux étaient utilisés
à des fins professionnelles, certaines barques étaient quant
à elles utilisées à des fins divertissantes et
récréatives. La promenade récréative en barque est
alors rendue possible par deux voies différentes : soit les particuliers
possédaient leur propre barque, soit il était possible d'en louer
une. On note même la présence d'un établissement flottant
proposant la location de barque au début du XXème siècle
près de la passerelle Saint Vincent sur la rive droite de la
Saône. On note également la présence d'autres
établissements de ce genre qui étaient installés sur des
pontons flottants à hauteur de l'Ile Barbe, de Collonges ou de Neuville
et qui proposaient à la fois la location de bateaux mais
réalisaient également la construction de ces
derniers85. Cependant, il était fréquent, avec la
difficile maîtrise de l'eau et notamment du Rhône que des accidents
surviennent lors de ces promenades en barque, tel que le chavirement de ces
bateaux. Par exemple, nous pouvons citer un accident ayant eu lieu le 10 juin
1864 sur le Rhône à Lyon dans lequel Jean Favier perdit la vie
après que sa barque ait chaviré : « traversant le
Rhône sur un canot (É) la barque a chaviré et tous deux
sont tombés dans l'eau. Des mariniers se sont empressés de leur
porter secours mais Thalon seul a pu être sauvé
»86.
83 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans
l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.
84ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
85 Louis BONNAMOUR, Plaisirs de Saône, Collections
Nathalie et François Murtin, 2009.
86ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M494.
39
c) La joute nautique
En 1866, Jules Rambaud dans un article intitulé «
La naumachie Lyonnaise » déclarait ceci à l'égard de
la pratique de la joute nautique à Lyon : « À Perrache,
aux Brotteaux, à Vaise, à Saint-Foy, chacun le coeur joyeux,
regagne son chez soi, commentant les bons coups tout au long de la route et se
promettant bien de revoir une joute. Ce jeu si fort goûté du temps
de nos aïeux se transmettra sans doute à nos derniers neveux.
Agréable tournoi, pacifique peu d'armes, qu'on peut voir et fournir sans
éprouver d'alarmes, utile amusement et digne du beau lieu, où
deux fleuves jumeaux furent unis par Dieu87 ». Cette
description, quoique légèrement poétique décrit
pourtant bien l'importance qu'avait la joute nautique à Lyon. La joute
nautique est un : « sport consistant en une confrontation entre deux
jouteux montés sur des barques propulsées par des rameurs ou un
moteur »88. Cette pratique d'un duel sur l'eau
paraît être l'équivalent des duels médiévaux
qui opposaient deux chevaliers même si la mise à mort
n'était pas de mise lors de sa pratique et que la joute nautique est de
prime abord purement divertissante. Les jouteurs étaient par ailleurs
accompagnés dans la barque de sauveteurs et de mariniers. À
partir du milieu du XIXème siècle, l'apparition de la navigation
à vapeur fait peu à peu disparaître la profession des
mariniers, qui sont dès lors remplacer par des ouvriers lors de la
pratique des joutes nautiques. Pratiquées sur la Saône qui se
montre plus docile que le Rhône, les joutes nautiques demeurent
jusqu'à la fin du XIXème siècle des
événements rares, ce duel n'étant pratiqué que lors
de grandes occasions mais accueillant toujours de nombreux spectateurs. Lyon
est réputée pour être la première ville à
avoir accueillie la première véritable organisateur de jouteurs,
à savoir la compagnie des « trente-trois »89. Cette
activité nautique ne restait pas sans danger et nombreux furent les
blessés lors de ces tournois. Cependant, généralement les
jeunes gens qui pratiquaient cette activité savaient nager tout d'abord
pour pouvoir se sauver lorsqu'ils tombaient à l'eau et d'autre part car
la joute était généralement accompagnée d'autres
divertissements tel que le tir à l'anguille qui nécessitait aux
joueurs de savoir nager90. Peu de cas de noyade sont donc
recensés lors de la pratique de cette activité.
87 Jules RAMBAUD, « La naumachie Lyonnaise », La
revue du Lyonnais, série 3 n°1, 1866, p97.
88 LA LANGUE FRANÇAISE, « Joute nautique ». Dans
Dictionnaire en ligne. Consulté le 12 juin 2024. Disponible sur :
<
https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/joute-nautique>
89 Sébastien FITTE, L'histoire oubliée des
joutes nautiques à Lyon. De l'âge d'or à la disparition :
chronique d'un sport dans la ville, Université Lumière Lyon
2 : Institut d'Études Politiques de Lyon, Lyon, 2010.
90Jean COULON, Emmanuel VINGTRINIER, La Vie
Lyonnaise : Autrefois, aujourd'hui, Éditions de Lyon, 1983, pp
364.
d) L'aviron
Une autre activité aquatique avait coutume d'être
pratiquée sur la Saône à Lyon durant les XIXème et
XXème siècles, il s'agit de l'aviron. L'aviron est un : «
sport nautique pratiqué sur un plan d'eau aménagé,
où une embarcation est propulsée à l'aide de
rames91 ». L'histoire de ce sport est multiple.
S'inspirant du « rowing », c'est-à-dire de l'aviron anglais,
cette activité se développe tout d'abord en France à Paris
dans les années 1830-1840 avant de s'exporter ensuite dans le reste de
la France et de se développer à Lyon à la fin du
XIXème siècle. Le premier club d'aviron est créé le
29 octobre 1879 à Caluire, il s'agit de l'Aviron Club Lyon Caluire, qui
est par ailleurs toujours effectif actuellement. Un second club toujours actif
également est fondé durant cette période, il s'agit de
l'Aviron Union Nautique de Lyon, qui fut créé le 12 juin 1880
sous l'impulsion de son premier président, M. Grange. Ce club fut
notamment plusieurs fois champion de France durant les années
189092.
En conclusion, nous pouvons dire que les Lyonnais vouent un
véritable culte à leurs fleuves. Si ces derniers leurs procurent
tout d'abord de l'eau pour la réalisation des activités de la vie
quotidienne, comme boire, abreuver le bétail ou laver le linge, ils ont
également permis peu à peu, le développement
d'activités professionnelles à Lyon qui permettent par la suite
l'essor de l'économie de la ville comme le commerce fluvial. Enfin, de
nombreux loisirs et activités à but non-lucratif se sont
également accrus reflétant ainsi la place importante des fleuves
dans la vie professionnelle comme quotidienne des Lyonnais.
40
91 LAROUSSE, « Aviron ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 15 juin 2024. Disponible sur : <
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/aviron/>
92AVIRON UNION NAUTIQUE DE LYON, « Histoire
». Consulté le 15 juin 2024. Disponible sur : <
https://aunlyon.com/histoire>
41
CHAPITRE 2
LE RAPPORT À L'EAU
Depuis l'origine de sa construction à aujourd'hui,
l'eau est depuis toujours intimement liée à la vie à Lyon
et à son histoire. Dans un deuxième chapitre, nous allons
désormais nous intéresser au rapport entretenu par les Lyonnais
à l'eau.
I- Une peur de l'eau ancestrale
Dans un premier temps, nous allons nous attarder sur la peur
de l'eau. Depuis tout temps, l'eau représente un danger pour l'homme. De
nombreuses légendes ont émergé au fil des siècles
concernant les fonds aquatiques. Aujourd'hui encore, l'eau, à travers
les océans et fonds marins, représente l'inconnu et le
mystère pour les Hommes. Au Moyen-Âge, les cultures païennes
sont oubliées, emportant avec elles les dieux et les déesses qui
étaient censées jusque-là régner sur les
régions aquatiques du globe. La religion chrétienne,
omniprésente en Europe, voit naître une véritable peur de
l'eau et des fonds aquatiques. La peur de se noyer ou de rencontrer une des
nombreuses créatures mythiques issues de la mythologie grecque
tétanisent les hommes et les femmes qui ne se baignent alors que
très peu dans les rivières. Durant l'époque moderne, les
premiers traités sur la natation apparaissent tel que le guide de
l'allemand Johann Guts Muths intitulé Petit guide de l'art de nager
pour les autodidactes en 1789. Les hommes et les femmes se
réconcilient alors peu à peu avec la nage, et cela est
également dû à des questions d'hygiène, ces
dernières étant au coeur des préoccupations au cours des
XVIIIème et XIXème siècles. Nous allons nous
intéresser à ce rapport à l'eau entretenu par les Lyonnais
au cours des XIXème et XXème siècle.
a) Une faible connaissance des fonds aquatiques
Durant la période du Moyen-Âge, les cours d'eau
ne sont que très peu fréquentés. Il faut attendre la fin
du XVIème siècle pour que la population vive et travaille de
nouveau de plus en plus à proximité de villes riveraines de
fleuve à l'instar de Lyon. Des noyades ont lieu
régulièrement, mais les autorités de l'Ancien
régime ne s'y intéressent pas.
42
Les noyades demeurent une disparition considérée
comme malchanceuse par les Hommes et l'eau apparaît comme un milieu
imprévisible qui se montre difficilement domesticable malgré son
utilité. Cette faible connaissance des fonds aquatiques propulse Dieu
comme ultime recours aux dangers provoqués par l'eau. Jusqu'au
XVIIIème siècle, le recours au « religieux » est alors
le seul recours possible pour les populations victimes des dangers aquatiques.
De plus, les croyances de l'époque accentuent cette peur de l'eau : des
fantasmes populaires imaginent le peuplement des eaux par des monstres marins
ou des sirènes qui peuvent entrainer leur victime par le fond.
Même si ces monstres sont de prime à bord davantage
imaginés dans les fonds marins, les fonds des rivières et des
fleuves inquiètent également93. Au début du
XIXème siècle, le Rhône et la Saône ne sont ni
domestiqués ni aménagés et les Lyonnais ont du mal
à cerner leurs deux cours d'eau. Se métamorphosant sans cesse,
leur apparence n'est que changeante si bien qu'elle peut passer d'une eau
transparente à une eau opaque ou se montrer en abondance ou en carence
ce qui empêche une réelle connaissance et confiance
vis-à-vis de de ces fonds aquatiques94.
b) Une difficile maîtrise de l'eau
Marquée par ce manque de connaissance quant aux cours
d'eau qui la borde, la ville de Lyon est également marquée par
une difficile maîtrise de l'eau. Variant au fil des saisons et des
années, les eaux du Rhône et de la Saône se montrent
rebelles et difficilement domesticables. Sans cesse en mouvement, tantôt
marquées par des eaux vives tantôt marquées par des eaux
lentes, le Rhône et la Saône sont en constant mouvement. L'une des
conséquences les plus importantes provoquée par les conditions
climatiques et notamment les rudes hivers sur les fleuves de Lyon est la
fabrication de glace. Si au cours de l'Histoire, le Rhône n'a que
très peu souvent gelé, il n'en est pas de même pour la
Saône, qui a depuis le XIème siècle gelé une
cinquantaine de fois95. En décembre 1500, la Saône est
même gelée jusqu'à Mâcon en
Bourgogne96.
93 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques
d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de
sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et
des territoires, 2002.
94 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le
fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013,
pp32.
95 Florent DELIGIA, « Lyon : quand la Saône et le
Rhône se sont mis à geler », Lyon Capitale, mis en ligne le
23 décembre 2019. Consulté le 16 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-quand-la-saone-et-le-rhone-se-sont-mis-a-geler>
96 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le
fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013,
pp33.
L'hiver de 1879-1880 se montre particulièrement rude,
et la France entière est plongée dans un froid
intense97. La Saône à Lyon se transforme en
véritable « mer de glace », atteignant à certains
endroits comme à Vaise une épaisseur allant jusqu'à 5
mètres et recouvrant les quais. Le journal Le Progrès
publie un article le 5 janvier 1880 dans lequel il déclare : «
La Saône charrie beaucoup moins qu'hier ; il est vrai que son courant
est obstrué par les glaçons qui se sont amoncelés
près du pont de la gare. Pour les séparer, on est obligé
d'employer la mine98 ». Au cours de nos recherches aux
ADR, nous avons pu rencontrer des cas de cadavres pris par ces glaces. C'est
ainsi que dans un PV dressé le 5 décembre 1816, la gendarmerie
royale évoque « un cadavre gelé dans la glace, de la
taille d'environ 1 mètres 625 mil, âgé d'environ 20 ans,
cheveux châtains clairs99 ». Lorsque l'hiver
était marqué par un froid rigoureux, le Rhône gelait quant
à lui sur sa largeur et générait
généralement des glaces qui bloquaient le fleuve durant 5
à 6 jours. Ces blocs de glaces représentaient un véritable
danger pour les bateaux en remonte. Les lônes, ces « bras du fleuve
» se transformaient alors en patinoire ce qui paradoxalement faisait le
bonheur des « gones »100.
c) L'intensité des courants
Le Rhône et la Saône sont également
marqués par l'intensité de leurs courants qui pouvaient
s'avérer être dangereux pour la population Lyonnaise. Il faut
cependant noter que la Saône se distingue du Rhône sur
différents aspects. Tout d'abord, elle se montre plus docile que son
compagnon, et ainsi donc plus favorable à la construction ou à
l'aménagement. Les Lyonnais ont ainsi donc moins d'appréhension
lorsqu'ils sont à proximité de cette rivière que
lorsqu'ils sont proches du fleuve. Ses pentes sont par exemple dix fois
inférieures à celles du Rhône, le courant est donc bien
moins rapide. Jules César déclarait par ailleurs à son
sujet au Ier siècle av JC dans le De Bello
Gallico101 qu' « elle est d'une incroyable lenteur au
point que l'oeil ne peut juger du sens du courant ». La remonte du
Rhône est très éprouvante et peut durer longtemps : au
XIXème siècle, il
97 Laurent. D, « La Saône prise par les glaces. Hiver
de 1879-1880 », L'Influx, modifié le 13 novembre 2021. Disponible
sur : <
https://www.linflux.com/lyon-et-region/linfo-retrouvee/>
98 Le Progrès du 05/01/1880.
99 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M488.
100 Guy DRRENMATT, Le Rhône autrefois, Les
Provinciales Curandera, Aubenas, 1987.
101 Jules CÉSAR, La Guerre des Gaules, Les Belles
lettres, coll. Des universités de France, Paris, 1926.
43
faut un mois pour monter d'Arles à Lyon alors que la
descente se fait en 3 jours grâce à son débit rapide. La
Saône de son côté proposant des courants très doux
est plus difficilement navigable102.
d) Les crues
Un autre facteur est à prendre en compte quant à
la difficile maîtrise de l'eau et dans la complexité relationnelle
entretenue par les Lyonnais et leurs fleuves qui varie entre besoin et peur :
il s'agit des crues. Une crue est une : « élévation du
niveau dans un cours d'eau, un lac103 ». Si de prime abord
la Saône se montre être une rivière calme et tranquille, les
pluies peuvent rapidement entrainer le haussement de ses eaux et provoquer
d'importantes inondations qui la transforment alors en plaine et en une vaste
étendue aquatique104. Ce phénomène
épisodique a depuis toujours rythmé la vie de cette
rivière et a marqué de ses conséquences parfois
dramatiques la mémoire collective. L'une des crues les plus marquantes
que connu la Saône est celle de 1840 qui a donné lieu à de
nombreux écrits. Si peu de victimes sont à déplorer, les
conséquences matérielles sont désastreuses. On estime
à plusieurs milliers la destruction d'habitations. En 1856, des pluies
diluviennes provoquent une autre forte crue, mais qui demeure toutefois moins
importante que celle de 1840. La ville de Lyon et notamment les quartiers
bordés par le Rhône subissent alors d'importants
dégâts105.
Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que le
Rhône et la Saône sont des « fleuves »
particulièrement difficile à maîtriser. Changeants au fil
des saisons et des conditions climatiques, ils offrent aux Lyonnais une
constante incertitude quant à l'avenir de la ville qui peut se retrouver
compromis par l'un des nombreux caprices engendrés par ces deux cours
d'eau.
102 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans
l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.
103 LE ROBERT, « Crue ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 14 juin 2024. Disponible sur : <
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/crue>
104NATURE & ENVIRONNEMENT, « Carte
d'identité de la Saône. L'affluent principal du Rhône
», Cap sur le Rhône. Consulté le 14 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.capsurlerhone.fr/thematique/carte-didentite-de-la-saone/>
105 Louis BONNAMOUR, Le XIXè siècle et la
Saône. Tradition et Bouleversements, Z'est Éditions, 2020,
pp48.
44
II- Le spectacle de la mort à Lyon aux XIXème
et XXème siècle
Dans un deuxième temps, nous allons nous
intéresser aux rapports qu'entretenaient les Lyonnais avec la mort.
Omniprésente, la mort marque le quotidien des Lyonnais qui assistent
à son véritable spectacle aux XIXème et XXème
siècles, spectacle qui était notamment dû aux deux cours
d'eau qui traversent la ville et qui représentent un danger à
chaque instant.
a) Une faible pratique de la nage
L'omniprésence de la mort à Lyon est
liée aux fleuves et est causée par une raison principale :
l'absence ou la mauvaise pratique de la nage. Jusqu'au XVIIIème
siècle, la population a recours au « religieux » pour se
protéger du mauvais sort, mais également pour éviter de se
noyer. Ce recours au religieux représente alors la seule
échappatoire pour éviter la noyade et la mauvaise fortune,
devançant celle qui est a priori évidente à savoir la
connaissance de la nage. On note la rare présence de quelques «
bons nageurs » qui est justifié par le peuple comme étant
soit un miracle soit un acte issu de la sorcellerie106. Dans les
faits, c'est un peu différent, ces quelques bons nageurs ont
généralement fréquenté la rivière dès
leur plus jeune âge et parfois avec les conseils d'un maître de
nage local. Jusqu'au XVIIIème siècle, même si la pratique
de la baignade a lieu à Lyon, la bonne connaissance de la nage demeure
quelque chose de rare en raison de « la peur insidieuse de l'eau qui
paralysait les gens »107. À partir du XIXème
siècle, des aménagements sont mis en place afin d'apprendre
à nager à la population, aménagements que nous aurons
l'occasion de traiter plus en détails au sein de notre troisième
partie.
b) Une absence de secours pour les noyés
Il faut attendre la fin du XVIIIème et le début
du XIXème siècle pour que les autorités publiques
s'intéressent réellement aux cas des noyés et commencent
à instituer une assistance pour les victimes. Pendant longtemps, le
sauvetage ou du moins le retirement des corps des noyés de l'eau par des
passants n'avait pas lieu.
106FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs
sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé
(1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des
sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.
107 Catherine DANYS, « La mort accidentelle à
Lille et Douai au XVIIIème siècle : mesure du risque et
apparition d'une politique de prévention », Histoire urbaine, vol.
2, n°2, 2000, p. 111, 112.
45
Repoussés par un possible contact avec le noyé,
ou tout simplement par peur des représailles judiciaires s'ils
touchaient le cadavre avant l'arrivée des autorités, l'assistance
volontaire demeurait chose rare. De plus, jusqu'à la fin du
XVIIIème siècle, les dangers de l'eau sont bien connus par la
population qui accepte que les autorités ne mettent en place aucune
réparation quant aux souffrances endurées108.
Cependant, au cours du XVIIIème siècle, des méthodes
commencent à émerger pour secourir les noyés. Comme nous
avons pu l'énoncer au sein de notre introduction, l'une de ces
méthodes, qui demeure pour le moins atypique provenait d'Hollande et
visait à sauver les noyés à l'aide d'un soufflet et d'un
peu de tabac. Ce soufflet était alors inséré dans le
rectum du noyé, et faisait office de « défibrillateur
». Après l'insufflation du tabac, on tentait de réchauffer
le noyé par frictions ou en écorchant un mouton pour ensuite
couvrir la victime avec sa peau encore chaude. Parfois même, si une
personne courageuse se désignait, il arrivait qu'elle doive se coucher
nu dans le même lit de la victime, contre elle, afin de la
réchauffer109. On trouvait par ailleurs un certain nombre de
ces « boîtes à tabac » le long des cours d'eau Lyonnais
afin de pouvoir assister une victime n'importe où et n'importe quand.
Une autre méthode était également utilisée au
XVIIIème siècle, celle de la pendaison par les pieds. Cette
méthode consistait à pendre le noyé par les pieds ou
à le placer dans un tonneau afin de le faire rouler dans tous les sens
possibles110. Il n'est pas nécessaire de préciser ici
que ces méthodes n'ont guère sauvé de noyés au
cours de cette période. Elles seront peu à peu abandonnées
à la fin du XVIIIème siècle laissant place à une
meilleure prise en charge des victimes de noyade grâce à
l'amélioration de la science et de la médecine.
108 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs,
Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022),
Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales,
économiques et des territoires, 2002.
109 Anton SERDECZNY, « Réanimer les noyés en
soufflant dans leur derrière : une histoire », Retronews,
publié le 26/02/2019.
Disponible sur : <
https://www.retronews.fr/sante/long-format/2019/02/26/reanimer-les-noyes>
110ARCHIVES MUNICIPALES DE LILLE, « 1772 : «
moyens faciles pour rappeler les noyés à la vie »,
Ordonnance du 14 octobre 1772. Consulté le 16 juin 2024.
Disponible sur : <
https://archives.lille.fr/page/1772-moyens-faciles-pour-rappeler-les-noyes-a-la-vie->
46
c) L'omniprésence de la mort
La ville de Lyon est marquée depuis tout temps par une
omniprésence significative de la mort. Il était coutume de tomber
sur un cadavre dans les rues de la ville ou flottant dans le Rhône ou la
Saône comme l'évoquait La Gazette des tribunaux de 1825
à 1914 en déclarant que des « pièces anatomiques
» et des « fragments humains » dérivaient
régulièrement sur l'eau111. Si les pêcheurs
étaient les premiers témoins de la découverte de ces
cadavres au sein des cours d'eau, ce genre de trouvailles pouvait toucher
l'intégralité de la population puisqu'il était
fréquent de tomber nez à nez avec un cadavre flottant ou un
cadavre à terre. De nombreux témoignages admettent
également l'idée qu'il était possible d'assister à
la mort d'une personne à Lyon, que ce soit de manière
accidentelle, par homicide ou par suicide en sautant du haut d'un pont par
exemple. Nous pouvons citer le cas du nommé Blaise Guillaume, qui, le 28
novembre 1826, se trouvant sur le pont de l'archevêché avec l'un
de ses camarades se jeta brusquement dans la Saône avant de
disparaître dans les eaux sous les yeux stupéfaits des Lyonnais et
de son camarade112. L'omniprésence de la mort à Lyon
pouvait également se traduire par la présence d'exécutions
en place publique qui attiraient de nombreux spectateurs. La première
exécution par guillotine à Lyon eut lieu en 1827 sur la place
Louis XVIII. Le Journal du Commerce estime le nombre de personnes
présentes à cet événement à environ 10 000.
Au cours du XIXème siècle, le nombre d'exécutions à
Lyon est important et attire toujours autant la foule passionnée. Ces
mises à mort, d'une violence extrême étaient alors
marquées par la présence en abondance du sang et de la
mort113. Elles seront effectives à Lyon jusqu'en 1966.
d) La morgue flottante
Lorsque les fleuves rendaient visibles au grand jour les
cadavres des noyés, ces derniers étaient ensuite
déposés à la morgue de Lyon afin que l'identification soit
rendue possible.
111
FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques
d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de
sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et
des territoires, 2002.
112 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
113Alexandre NUGUES-BOURCHAT, «
L'exécution capitale : un spectacle populaire sous le regard des
élites (Lyon, xixe siècle) ». Le peuple des villes dans
l'Europe du Nord-Ouest (fin du Moyen åge-1945). Volume I,
édité par Philippe Guignet, Publications de l'Institut de
recherches historiques du Septentrion, 2002. Disponible sur : <
https://doi.org/10.4000/books.irhis.2060>
47
La première organisation de médecine
légale qui fut organisée à Lyon se trouvait sur le
Rhône face à l'Hôtel-Dieu près du pont de la
Guillotière. Cette morgue flottante, active entre 1850 et 1910,
permettait une meilleure conservation des cadavres qui étaient
régulièrement arrosés par l'eau du fleuve.
Installée au sein d'un bateau-lavoir amarré, cette morgue avait
la particularité d'exposer les cadavres qui l'habitaient114 .
Un extrait du règlement de la morgue datant de 1900 déclare
même que : « le cadavre de toute personne inconnue
apporté à la morgue restera exposé aux regards du public
tant que son état de conservation le permettra ». Cette morgue
était gardée par un gardien dont nous avons pu par ailleurs
consulter les dossiers personnels qui sont conservés aux AML. Lorsque la
presse annonçait l'arrivée d'un corps à la morgue, la
foule Lyonnaise se déplaçait en grand nombre afin d'une part
tenter de reconnaître l'identité de la victime, et/ou d'autre part
afin d'assouvir quelque peu sa curiosité. Ouverte tous les jours,
l'affluence pouvait atteindre les 1000 visiteurs par jour. Une salle
était également mise à disposition afin d'entreposer les
corps qui s'avéraient être nombreux lors des hautes saisons. La
morgue était également constituée d'une salle d'autopsie
au sein de laquelle des cours de médecine légale avaient lieu
comme nous aurons l'occasion de le voir dans notre partie 3115.
Pour conclure cette première partie nous pouvons dire
que les Lyonnais entretiennent une relation complexe avec le Rhône et la
Saône. Au fil des siècles et des époques, ils ont su
développer un lien particulier en bâtissant de nombreuses
constructions sur ces cours d'eau, en développant leur richesse
économique grâce à la navigation commerciale mais
également en amplifiant le nombre d'activités aquatiques rendues
possibles par la présence de ces fleuves au centre de leur ville.
Malgré une domestication fragile et complexe, en raison notamment des
conditions naturelles et météorologiques qui parfois sont
à l'origine de catastrophes importantes, les Lyonnais ont sur lier leur
vie à celles des fleuves en essayant toujours d'en retirer le plus
d'avantage tout en tentant de minimiser et contrôler les
inconvénients qui peuvent en émaner.
114 TRIBUNE DE LYON, « Le jour où une morgue flottait
sur le Rhône », mis en ligne le 25 septembre 2022. Consulté
le 16 juin 2024.
Disponible sur : <
https://tribunedelyon.fr/societe/le-jour-ou-une-morgue-flottait-sur-le-rhone/>
115Ludivine STOCK, « Histoire de la morgue
flottante », Coll. Les rues de Lyon, Mensuel de bande dessinée,
n°8 août 2015, Association l'Épicerie Séquentielle,
Champagne-au-Mont-d'Or, 2015.
48
49
PARTIE 2
LES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE AUX
XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU
XXÈME SIÈCLE
Nous allons dans une deuxième partie traiter plus
particulièrement le cas des noyés. Notre étude s'inscrit
à la suite de celle de Françoise Bayard intitulée «
Nager à Lyon à l'époque moderne
(XVIIè-XVIIIè siècles) »116 au sein de
laquelle elle s'intéresse à la pratique de la baignade et aux
noyades à Lyon. Selon Françoise Bayard, la baignade est
pratiquée durant cette période-ci « par les deux sexes,
à tout âge, dans tous les milieux sociaux, à tout moment,
dans des lieux variés et selon des modalités différentes
». Cependant, en étudiant les cas des noyades, elle met en
lumière le fait que la plupart des cadavres de noyés
étaient de sexe masculin. Elle note que de 1624 à 1789, une seule
femme et une seule adolescente se sont noyées à la suite d'une
baignade alors que 30 garçonnets et 48 en étaient
également victimes. De plus, Françoise Bayard nous indique que
toutes les classes d'âges sont représentées au sein des
noyés, ainsi que tous les milieux sociaux. De même, les deux cours
d'eau de la ville sont concernés par ces noyades : la population
lyonnaise se baigne dans le Rhône comme dans la Saône. Il est
possible de se baigner seul, ou parfois en groupe. Si certains savent bien
nager, pour d'autres la pratique des mouvements demeure fragile. On observe
alors des entraides entre les Lyonnais et Lyonnaises afin d'apprendre cette
discipline. Françoise Bayard partage ensuite quelques statistiques
concernant ces baignades et ces noyades, à savoir notamment que :
-77,63% des baigneurs sont de sexe masculin
-84,70% des baigneurs ont entre 10 et 30 ans
-58,41% des baignades ont lieu au mois de juillet, 23,7% ont
lieu au mois de juin et 10,89% ont lieu au mois d'août
-81,90% ont lieu dans la Saône
-90,69% des baigneurs sont nus
-1/4 environ sont accompagnés
Au sein de notre partie, nous nous appuierons sur
l'étude de Françoise Bayard et sur ses statistiques afin de
pouvoir proposer à notre tour, une étude des baignades et des
noyades à Lyon et dans le Rhône durant l'époque
contemporaine. Dans un premier chapitre, nous nous attarderons sur la
proportion des noyades dans l'ensemble des morts recensées à Lyon
aux XIXème et XXème siècles. Dans un second chapitre nous
nous intéresserons à la prise en charge des noyés, et
enfin dans un troisième et dernier chapitre, nous verrons les
différents types de noyades recensés.
116Françoise BAYARD, « Nager à Lyon
à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle
» dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème
Congrès national des sociétés savantes. Section histoire
moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS,
1992, pp. 229-242. «
50
51
CHAPITRE 1
LA PROPORTION DES NOYADES DANS L'ENSEMBLE DES MORTS
RECENSÉES DANS LE RHÔNE AU XIXÈME SIÈCLE ET AU
DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE
Dans un premier chapitre, nous allons nous attarder sur les
causes des morts recensées, leur proportion, et la proportion des
noyades au sein de ces cas dans nos archives des PV situées aux
ADR117. Comme nous avons pu l'évoquer dans l'introduction,
nous avons réalisé au cours de nos recherches plusieurs bases de
données. Pour ce premier chapitre dans lequel nous allons traiter
l'intégralité des morts recensées nous nous baserons d'une
part sur notre base de données au sein de laquelle nous avons
classé toutes les morts évoquées dans nos PV des ADR hors
noyades, et d'autre part nous allons utiliser la base de données au sein
de laquelle nous avons registré les cas de noyades. Il nous faut
préciser ici que nos statistiques seront basées uniquement sur
les morts recensées et issues des archives des PV des ADR. En effet,
pour des questions de logique, nous ne pourrons pas utiliser les cas de noyades
que nous avons recensé suite au dépouillement des archives des
registres d'entrée des morts à la morgue puisque pour ces
années-là, c'est-à-dire de 1939 à 1950, nous avons
uniquement recensé les cas de noyades et non pas
l'intégralité des morts recensées. Leur utilisation
fausserait nos statistiques.
I- Les morts accidentelles recensées dans le
département du Rhône entre 1800 et
1939
Dans un premier temps, nous allons voir les morts
accidentelles que nous avons pu recenser au sein de nos archives. Nous
considérons comme mort accidentelle, toute mort non naturelle qui est
causée par un accident, comme une chute, une collision routière
ou un empoisonnement accidentel. En dépouillant les côtes 4M488
à 4M495, nous avons recensé 1126 cas de morts (hors noyade)
s'étendant de l'année 1808 à l'année 1937. Au sein
de ces 1126 cas, nous notons la présence de 433 cas de morts
accidentelles, ce qui représente au total 38,45% des morts
accidentelles. Il y a certainement d'autres morts causées par un
accident, cependant, sans certitude concernant la conclusion de la mort, nous
nous appuierons uniquement sur les certifications qui ont été
apportées au sein des PV.
117 Voir partie « Annexes ».


52
a) Les accidents de la circulation
Tout d'abord, nous allons nous intéresser à ce
que l'on a nommé les accidents de la circulation. Nous
considérons ici comme accident de la circulation toute mort qui a
été provoquée par un moyen de transport, que ce soit une
voiture, une charrette tirée par un cheval, un train ou un avion. Les
accidents de la circulation représentent dans notre base de
données 90 cas, c'est-à-dire que plus de 20% des morts
accidentelles sont liées à un accident de la circulation. Parmi
ces derniers, nous retrouvons en majorité les accidents de voiture,
liés à des accidents de charrette et d'automobiles qui
représentent 64 cas, soit 14,78% des morts accidentelles. Le premier
accident de voiture que nous rencontrons a lieu en 1811 et le dernier en 1867.
Ces accidents de voiture concernent en grande majorité des hommes
puisque 55 cas sont de sexe masculin, ce qui représente 85,94% des
victimes. Dans la majeure partie des accidents de voiture recensés, les
morts sont provoquées par le poids de la voiture qui vient
écraser la victime, et ainsi donc écraser ses organes vitaux. Ils
sont provoqués soit directement par la personne possédant la
voiture après une faute d'inattention soit sur une victime qui est
percutée par un conducteur.
53
Pour illustrer ces accidents de la circulation, nous pouvons
prendre comme exemple le cas d'Eugène Chatain118, qui en 1864
est tombé de sa voiture, laquelle lui est passée sur le corps
puis a entrainé sa mort dans les heures qui suivirent. Nous pouvons
également évoquer le cas de monsieur Chélin qui en 1818 a
« été renversé par le cheval qu'il
s'efforçait de retenir119 », la voiture lui est
alors passée sur le corps, et la victime a été
retrouvée morte sur place. Ces cas d'accidents de la circulation
touchent l'ensemble de la population, sexe, classe sociale ou âge
confondus. Notons le cas de la petite Frédière, alors
âgée de 27 mois, qui « jouait sur le trottoir lorsque le
bruit d'une voiture tout à coup a effrayé le
cheval120 », l'enfant fut projetée à terre,
le crâne fracturé et décéda sur place. Concernant
les accidents de train, ces derniers surviennent à partir de
l'année 1836. Ils ne concernent alors pratiquement que des hommes, un
seul cas de sexe féminin étant à noter en 1851. Enfin, on
ne décompte que deux accidents liés à un avion, un premier
en 1919 et un second en 1937. Le premier accident a fait deux victimes de sexe
masculin, deux militaires, il s'agissait d'un « biplan appartenant au
centre d'aviation du Rhône » qui « s'est abattu sur un
immeuble situé Rue Nationale n°23121 »
à Villefranche-sur-Saône. Le deuxième accident a
provoqué quant à lui le décès de 5 personnes, 4
hommes et une femme, de nationalité anglaise. Cet accident d'avion a
été provoqué par une mauvaise météo ce qui
provoqua le crash de l'avion dans la commune d'Ouroux, en pleine région
montagneuse du Beaujolais. Nous pouvons noter une croissance de ces accidents
de la circulation durant les années 1860, décennie qui regroupe
à elle seule 37 victimes d'un accident lié à la
circulation, tandis que nous recensons de 1900 à 1939, aucun cas
d'accidents de voiture ou de train, mais uniquement les crash d'avion
cités précédemment. Cela ne traduit pas une absence
d'accidents de voiture ou de train au début du XXème
siècle, mais une absence des procès-verbaux relatant ces faits
pour cette période, ce qui nous empêche de démontrer une
réelle évolution des accidents de la circulation durant cette
période donnée.
118 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M494.
119 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M489.
120 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M494.
121 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M495.
54
b) Les accidents sur les lieux de travail
Désormais, nous allons nous intéresser à
une autre catégorie d'accidents mortels : ceux qui ont lieu sur les
lieux de travail des victimes. Au cours de nos recherches, nous avons pu
observer une forte hétérogénéité au sein des
professions des victimes ayant connu une mort accidentelle sur leur lieu de
travail. La catégorie professionnelle qui touche le plus de personnes
victimes d'accident mortel sur leur lieu de travail au sein des PV est celle
des ouvriers, notamment ceux qui exercent dans la construction ou le
bâtiment. La majeure partie du temps, ces ouvriers décèdent
à la suite d'un ensevelissement, d'un écrasement, d'un
effondrement, d'une chute ou d'une asphyxie. L'intégralité des
cas traitant de la mort d'un ouvrier concerne des ouvriers de sexe masculin.
Ces accidents mortels sur les chantiers de construction ont lieu durant toutes
les décennies que nous étudions au sein de notre travail et nous
ne notons pas d'évolution particulière. Au début du
XIXème siècle, nous pouvons citer comme exemple le
décès d'un ouvrier qui en 1811 fut « enseveli sous les
décombres d'un énorme rocher qui s'est détaché et
éboulé122 » ou le cas d'Étienne
Buisson, 18 ans, qui fut « écrasé par
l'éboulement inopiné d'un bâtiment123
». Une autre des circonstances majeures entraînant la mort de
victimes sur leur lieu de travail est l'asphyxie. La mort par asphyxie peut
être définie comme le « ralentissement grave ou
l'arrêt de la respiration pouvant entraîner la mort,
provoqué par des facteurs externes ou internes124
». Plusieurs circonstances peuvent provoquer cette asphyxie chez une
personne, nous retrouvons notamment l'asphyxie causée par un manque
d'oxygène, une noyade, l'absorption de gaz toxiques ou la strangulation.
Dans le cas des morts accidentelles causées par une asphyxie sur le lieu
de travail d'une victime, nous rencontrons tous les cas de figure. En 1818,
Jean Bourricant et Benoit Loup alors qu'ils sont en train de travailler
trouvent la mort par asphyxie après avoir inhalé du gaz
méphitique d'une fosse125 tandis qu'en 1864, Jean Milou
trouve la mort par asphyxie « en foulant sa cuve de
vendange126 ». Une autre cause importante de
décès survenu sur un lieu de travail est le broiement, et
notamment le broiement causé par l'implication d'une machine
quelconque.
122 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M488.
123 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
124 CNRTL, « Asphyxie ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 18 juin 2024. Disponible sur : <
https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/asphyxie>
125 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
126 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
55
Ainsi, nous retrouvons une unique victime de sexe
féminin, il s'agit de Jeanne Laurent, qui fut broyée en 1864
« par l'engrenage d'une pompe mise en mouvement par un âne
»127. Concernant les victimes de sexe masculin, nous
pouvons par exemple citer le cas de monsieur Crozet, âgé de 70 ans
et meunier, qui dans un état complet d'ivresse fut broyé
après avoir chuté dans l'engrenage de son moulin128.
Enfin, la dernière des causes les plus courantes d'accidents du travail
provoquant le décès est la chute nous relevons, notamment pour le
cas des ouvriers, 15 cas de victimes ayant chuté d'une échelle ou
d'un échafaudage tel que le maçon Jacques Raton, qui s'est «
tué raide en tombant d'une échelle » en
1824129.
c) Les chutes
Si la mort causée par la chute a lieu sur les lieux de
travail, elle est également l'une des plus courantes au sein des morts
accidentelles. Nous comptabilisons au total 129 morts causées à
la suite d'une chute, ce qui représente un total de 29,79% des morts
accidentelles et la cause de la mort accidentelle recensée la plus
répandue dans nos archives de PV. Au sein de ces 129 chutes, 16 victimes
sont de sexe féminin, 112 de sexe masculin, et 1 de sexe inconnu. Bon
nombre de ces chutes ont lieu directement au domicile de la victime et sont
généralement causées après une faute d'inattention
ou de maladresse de la part de la victime. Nous notons la présence
nombreuse de chutes ayant été entrainées du haut d'une
fenêtre, d'un escalier, d'une échelle ou d'un échafaudage.
Concernant les chutes ayant eu lieu dans une maison d'une fenêtre ou d'un
escalier, l'étage est généralement précisé,
on retrouve alors des chutes ayant eu lieu d'un point assez
élevé, comme du 6ème étage d'une maison, mais
également d'autres chutes, dont l'élévation est plus
surprenante et plus basse, comme le cas de Félix Gury, 8 ans, qui s'est
tué après avoir chuté d'une hauteur de 80
centimètres en 1850130. Un facteur est également
à prendre en considération concernant certaines chutes
entraînant la mort de victime de sexe masculin : l'ivresse. En effet, sur
les 112 chutes que nous comptabilisons, 17 ont été
engendrées sous l'emprise de l'alcool tel que pour le cas de
François Mulet, 23 ans, cordonnier, qui « est tombé du
4ème étage par suite d'ivresse »131. Tel
que
127 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
128 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
129 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
130 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
131 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
56
nous avons pu l'observer concernant les morts liées
à un accident de la circulation, la période comptabilisant le
plus de morts causées par une chute accidentelle est celle
s'étendant de 1860 à 1867, période durant laquelle nous
avons collecté le plus d'archives de PV.
d) Les asphyxies et les incendies
Dans une quatrième sous-partie, nous allons
désormais traiter les morts accidentelles ayant été
entrainées à la suite d'une asphyxie et/ou d'un incendie. Ce
choix de regrouper ces deux causes s'explique par la fait que « 80%
des décès lors d'incendies sont en relation avec l'inhalation des
fumées132 », et sont donc par conséquence
provoqués la majeure partie du temps par l'asphyxie de la victime. De
plus, il est fréquent que la cause médicale de la mort d'une
victime ayant péri au sein d'un incendie ne soit pas explicitée,
il nous paraissait donc logique d'associer ici ces deux circonstances. Il est
également à noter qu'un nombre important d'incendies est
recensé au sein des PV, mais la majeure partie n'ayant causé que
des dégâts matériels, nous n'évoquerons ici que les
incendies ayant provoqué la mort de victimes. Nous définirons les
incendies comme des feux qui en se propageant ont engendré la mort de
quelqu'un, nous étudierons donc tous les cas de décès
liés au feu, que celui-ci soit minime ou plus important. Au total, nous
recensons 18 cas de victimes ayant été tuées
accidentellement par immolation au sein desquels nous relevons la
présence de 8 femmes et de 10 hommes. La côte 4M494 est celle au
sein de laquelle nous recensons le plus d'incendie ayant entraîné
un ou plusieurs décès. En effet, nous comptabilisons 10 cas dans
la côte 4M494, qui ont lieu de l'année 1864 à
l'année 1867. L'âge moyen des victimes est relativement peu
élevé, on note notamment plusieurs cas de jeunes enfants tels que
le cas de la petite Saunier, qui est décédée dans un
incendie à l'âge de 30 mois en 1835133, celui de la
fille Sejatton, brûlée à cause de « l'imprudence
de sa nourrice » alors qu'elle n'était âgée que
de 4 mois134, ou celui de François Durand,
décédé à l'âge de 3 ans après avoir
« mis le feu à ses vêtements135
».
132 Francis LÉVY, Expert en Médecine légale
près la Cour d'Appel de Colmar, ancien Médecin-chef des
Sapeurs-Pompiers du Haut-Rhin, « Pourquoi les fumées d'incendie
tuent. Les dangers des fumées d'incendie »,
defifeu.fr.
Disponible sur : <
https://www.defifeu.fr/connaitre-les-risques-incendie/pourquoi-les-fumees-incendie-tuent>
133ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M493.
134 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
135 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
Concernant les décès par asphyxie, hors
incendie, nous retrouvons notamment des asphyxies ayant eu lieu dans des puitss
et des asphyxies ayant été provoquées par l'inhalation de
vapeurs de charbon de bois ou de four à chaux. Nous relevons 8 cas
d'asphyxie sur les 30 répertoriés qui furent causés par la
fumée de charbon de bois, comme la femme Meunier, âgée de
57 ans qui fut « asphyxiée par la vapeur du charbon »
en 1823136.
e) La représentation des noyades dans les morts
accidentelles
Désormais, nous allons nous intéresser dans un
dernier temps à la proportion des noyades accidentelles au sein de
l'intégralité des morts accidentelles recensées au sein
des archives des PV. Pour cela, nous ne prendrons en compte que les noyades
issues des dépouillements des archives des PV des ADR afin
d'établir nos chiffres et nos statistiques, étant donné
que lors du dépouillement des registres d'entrée des corps
à la morgue aux AML nous n'avons pu répertorier que les cas de
noyades par manque de temps. Comme nous avons pu l'évoquer auparavant,
notre base de données contient 433 cas de morts accidentelles
avérées dans les PV hors cas de noyade. Dans notre base de
données classifiant les cas de noyades au sein des côtes 4M488
à 4M495, nous relevons 469 cas de noyades certifiées
accidentelles, 35 cas de noyades dont la conclusion de la mort est soit
liée à un accident soit à un suicide et 185 cas où
nous ne connaissons pas les circonstances de la mort. Nous observons alors que
la noyade représente la première cause de mort accidentelle dans
le département du Rhône au XIXème siècle et au
début du XXème siècle puisqu'elle représente 52%
des morts recensées de l'année 1811 à l'année 1937.
Nous vous proposons désormais d'observer un graphique au sein duquel
sont représentées l'intégralité des circonstances
accidentelles des morts rencontrées.
136 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
57

En conclusion nous pouvons affirmer que l'étude de la
période s'étendant de 1800 à 1939 dans le
département du Rhône révèle une
réalité complexe et une multiplicité dans les morts
accidentelles. En étudiant les PV, on observe une prévalence
notable des noyades dans l'ensemble des décès accidentels, ces
derniers représentant une proportion significative des
décès recensés.
II- Les homicides dans le département du
Rhône de 1800 à la veille de la Seconde Guerre
mondiale
Dans un deuxième temps, nous allons étudier le
cas des homicides. Un homicide est « l'action de tuer volontairement
ou non un être humain137 ». Lorsque nous
évoquerons le cas des homicides, nous prendrons en compte les meurtres
qui constituent l'action de tuer quelqu'un, mais également les
assassinats qui constituent quant à eux l'action de tuer quelqu'un avec
préméditation. Au sein des archives des PV, il n'est que
très rarement mentionné si la victime a été
tuée avec préméditation, c'est pour cette raison que nous
regroupons dans un seul et unique groupe les homicides. Les homicides
avérés représentent 77 cas sur 1126 représentant
alors un total de 6,84%.
137 Larousse, « Homicide ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 23/05/2024.
58
Cependant, il faut préciser que la fiabilité des
conclusions faites au sein des procès-verbaux qui sont
rédigés sans qu'une enquête préalable ait
été effectuée peuvent être remises en cause, et
qu'il y a de fortes probabilités pour que le nombre d'homicide soit en
réalité plus important. Au sein de ces 77 cas, la majorité
des victimes d'homicide sont de sexe masculin, elles représentent 55,84%
des cas, à noter que 18 concernent des victimes de sexe féminin,
et 16 sont de sexe inconnu.
a) Les infanticides
Tout d'abord, nous allons traiter une catégorie
d'homicide qui a fortement retenu notre attention : l'infanticide. Usuellement,
l'infanticide définissait l'acte de tuer un nouveau-né. Pour
notre étude, nous prendrons en compte tous les homicides concernant des
victimes de moins de 10 ans. Nous prendrons également en
considération les abandons et les avortements clandestins puisque dans
la période qui nous intéresse, l'avortement était
considéré comme un acte illégal qui était
réprimé par la loi, et ce jusqu'à la loi Veil qui
légalise l'interruption volontaire de grossesse du 17 janvier
1975138. Nous comptabilisons au sein des 77 homicides
recensés, une part non-négligeable d'infanticides qui sont au
nombre de 37, parmi lesquels diverses causes viennent expliquer la mort :
l'avortement, l'utilisation d'une arme blanche, et l'abandon. À noter
que dans 11 de ces cas, les causes de la mort ne sont pas mentionnées
dans les PV. Concernant le sexe des victimes d'infanticide, 11 sont des filles,
10 des garçons, et 16 sont de sexe inconnu, ou non-identifié
comme pour les avortements qui n'offraient pas toujours la possibilité
d'observer un foetus assez développé pour pouvoir identifier son
sexe. Dans la majeure partie de ces meurtres, il est fortement probable,
même s'il n'est pas automatiquement mentionné dans les PV, que ces
infanticides aient été réalisés par l'un des
parents de la victime concernée. Plusieurs motifs sont
évoqués pour justifier ces actes. Tout d'abord, concernant les
avortements, le motif principal est le non-désir ou l'incapacité
de devenir mère pour les femmes tel qu'on peut l'observer au sein de ces
extraits : « un foetus de sexe féminin a été
trouvé mort exposé dans une allée à
Lyon139 » ou « une boite renfermant un foetus de
sexe féminin on n'a trouvé aucun signe de mort violente
(É) cause ne pouvait être attribuée qu'à un
avortement140 ».Une autre circonstance est mise en
lumière concernant ces cas d'infanticides, il s'agit de l'abandon
à la naissance. Nous pouvons notamment
138 GOUVERNEMENT, « Le droit à l'avortement »,
gouv.fr, mis à jour le
6/05/2024, consulté le 12 juin 2024. Disponible sur : <
https://ivg.gouv.fr/le-droit-lavortement>
139 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M490, 1819.
140 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489, 1818.
59
60
citer un cas d'abandon ayant eu lieu en 1864 et qui
évoquait la découverte d'« un enfant nouveau-né
de sexe masculin (qui) a été trouvé exposé sur le
quai Touville en face de la rue du noir141 ». L'auteur de
l'avortement ou de l'abandon n'est alors jamais mentionné,
puisqu'à défaut d'aveux volontaires, il était très
compliqué d'identifier la personne à l'origine de l'avortement.
Quant à l'identité des victimes, elle n'est également que
rarement connue. Parfois, les lieux de découverte de ces nourrissons
pouvaient en dire long concernant la nature et l'inhumanité dont
pouvaient faire preuve les auteurs de ces crimes, tel qu'en 1866, lorsque le
cadavre d'un nouveau-né est trouvé par des enfants dans un tas
d'ordures142. Enfin, la dernière catégorie
d'infanticides que nous avons rencontré est celle du meurtre volontaire
d'un enfant, qui est par ailleurs souvent justifié par des excès
de colère ou de détresse. Cet acte est parfois suivi du suicide
du coupable. C'est ainsi qu'en 1850, monsieur Deshayes, ouvrier tisseur
âgé de 35 ans a égorgé dans un «
accès de fureur » ses deux enfants alors âgés
de 4 et 7 ans143 ou qu'en 1864, Nicolas Charamas a assassiné
ses deux filles âgées de 4 et 2 ans et demi avec un rasoir avant
de se donner la mort en utilisant le même instrument144.
b) Les homicides par arme blanche
Désormais, nous allons traiter les homicides ayant
été opérés à l'aide d'une arme blanche. Une
arme blanche peut se définir comme toute arme tranchante, perforante ou
brisante, généralement constituée d'une lame et d'un
manche. Nous pouvons par exemple y retrouver les épées, les
couteaux, les sabres ou les rasoirs. Nous recensons 16 victimes d'homicide par
arme blanche, représentant 20,78% du total des homicides. Parmi ces 16
victimes, 4 sont de sexes féminins, 10 de sexe masculin, et de 2 de sexe
inconnu. Il est intéressant d'observer que les meurtriers sont toujours
des hommes. Dans le cas des meurtres de femme, on observe que l'auteur du crime
fait toujours parti de l'entourage de la victime.
141 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M494.
142 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M494.
143 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M493.
144 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939,
Côte 4M494.
Nous notons le cas de madame Neubert qui fut tuée en
1819 par son mari Philippe Neubert qui l'a frappa de trois coups de
couteau145 ; le cas de madame Rambaud qui fut tuée « par
vengeance » d'un homme en 1835146, et enfin les cas des
fillettes Charamas que nous avons pu évoquer dans notre partie
précédente et qui furent tuées par leur père en
1864. Concernant les victimes masculines des homicides par arme blanche, 7
d'entre elles ont été tuées lors d'un duel ou d'une rixe,
représentant la majorité des circonstances des homicides.
Concernant toujours une victime et un meurtrier de sexe masculin, les duels
étaient encore très pratiqués en France au début du
XIXème siècle. On observe que ces victimes de duel ne sont
mentionnées que dans la côte 4M493 et durant la décennie
1830. Les derniers cas apparaissent en 1835 avec ceux par exemple de Nicolas
Mangeot qui fut « tué en duel à la
Guillotière147 » ou de monsieur Gagnière qui
a « été tué en duel derrière le fort du
Colombier148 ». La présence de ces duels au
début du XIXème siècle peut s'expliquer notamment par le
fait que ces derniers restent impunis par la loi, les duellistes se battent
alors pour défendre leur honneur ou celui de quelqu'un d'autre, par
vengeance ou tout simplement par défi149 . Leur
popularité décroît par la suite lors de la seconde
moitié du XIXème siècle, et devient dès 1903,
passible de peine de mort150.
c) Les homicides par arme à feu
Un autre type d'arme est à prendre en compte dans les
homicides, utilisé dans environ 10% des cas, il s'agit de l'arme
à feu. Jusqu'en 1939 et la promulgation d'un décret-loi le 18
avril 1939 prohibant l'utilisation des armes à feu en France et visant
à désarmer les français,151 leur possession,
achat et vente demeuraient libres. Nous recensons 8 cas d'homicides par arme
à feu ayant eu lieu entre 1816 et 1851.
145 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M490.
146 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M493. 147ADR, Lyon, Série 4M «
Police », 1800-1939, Côte 4M493.
148 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M493.
149 Martin MONESTIER, Duels. Les combats singuliers des
origines à nos jours, Sand, 1991. 150Jean-Noël
JEANNENEY, Le Duel : une passion française (1789-1914),
éditions du Seuil, Paris, 2004.
151 LÉGIFRANCE, « Décret du 18 avril 1939
fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions
», République française, mise à jour le 1er septembre
2007. Consulté le 2 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/>
61
62
Toutes les victimes sont de sexe masculin, sauf un cas un peu
particulier, celui de la petite Besson, qui en 1835 fut tuée
accidentellement par son jeune frère d'un coup de fusil152.
Tels que les duels évoqués précédemment, presque la
totalité des cas d'homicides par arme à feu sont regroupés
dans la côte 4M493. Concernant les auteurs de ces meurtres il s'agit
presqu'exclusivement d'hommes. Généralement, ces meurtres
prenaient l'allure de règlement de comptes comme pour le cas de monsieur
Brousse, fusilier, qui fut assassiné à la sortie d'un cabaret en
1836 aux abords de Lyon par un autre militaire153. Ces
données sont « à prendre avec des pincettes », comme
nous avons pu l'évoquer précédemment les conclusions des
PV concernant les circonstances de la mort sont faites dès la
découverte du cadavre, sans enquête au préalable, il est
donc fortement possible que parmi les 102 cas de suicide par arme à feu
recensés dans notre base de donnée, une partie soit en
réalité ce qu'on appelle des « suicides
déguisés ». En effet, les premiers relevés d'une
scène de crime sont parfois trompeurs et ne correspondent pas toujours
à la réalité. De plus, l'utilisation de l'arme à
feu permet une facilité dans la mise en scène du suicide,
puisqu'il faut le rappeler, au XIXème siècle, les empreintes
digitales et les relevés d'ADN ne sont pas encore connus de la
médecine et de la police scientifique, il est donc facile pour le
meurtrier de positionner la victime et l'arme de telle sorte que la conclusion
aboutisse à un suicide.
d) Une faible utilisation de la noyade comme arme
meurtrière
En dernier lieu, nous allons évoquer la proportion des
noyades au sein des homicides. Les homicides réalisés sur les
victimes par noyade sont relativement peu présents. Nous comptabilisons
dans nos archives des PV au total 18 cas d'homicides par noyade, dont 11 cas
d'infanticides pour 77 cas d'homicides réalisés par d'autres
moyens. Si nous comparons ces chiffres aux chiffres des accidents mortels, qui
représentent une forte majorité de morts par noyade, ceux des
homicides peuvent paraître dérisoires. Le pourcentage de
l'utilisation de la noyade comme arme meurtrière est donc faible,
représentant 23,38% des homicides. Le profil des victimes varie
également ; si l'on observait une majorité de victimes masculines
dans les homicides réalisés par d'autres moyens que la noyade,
concernant celle-ci, la différence est moins marquée. En effet,
nous comptabilisons 10 victimes de sexe masculin et 5 victimes de sexe
féminin.
152 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
153 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
Les infanticides sont également relativement
présents au sein des noyades, pas moins de 8 victimes de noyades sont
âgées de moins d'un an, ce qui nous renvoie à l'idée
d'une noyade ayant été provoquée par une volonté
d'abandon d'un nouveau-né ou d'un avortement. Dans ces cas, les auteurs
de l'infanticide et ainsi que l'identité des victimes ne sont pas connus
de la police, et à l'identique des autres cas d'infanticides
cités auparavant, il sera très difficile de les retrouver a
posteriori. Nous avons par exemple le cas d'un foetus de sexe masculin
retrouvé noyé le 11 mars 1865 dans la Saône à Lyon
près de la Mulatière qui paraissait avoir séjourné
plusieurs jours dans l'eau154. Un autre cas d'infanticide
précise cette difficulté à retrouver les auteurs de ces
crimes, il s'agit de la découverte d'un foetus de sexe féminin
retrouvée le 18 avril 1825 sur la commune d'Ouilly dans la Saône
et dont le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône déclare :
« sa mort n'est que le résultat d'un crime, dont il sera
difficile de découvrir les auteurs ». Il nous faut
préciser que la noyade représentait durant cette période
une mort douloureuse, qui de plus ne permettait pas d'offrir de
sépulture au défunt. En observant le graphique ci-dessous, nous
pouvons voir que la noyade comme arme meurtrière représente
environ un quart des circonstances des homicides ayant eu lieu dans le
département du Rhône entre 1800 et 1939, derrière les
abandons et les avortements, et devant les homicides réalisés par
arme blanche.


154 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
63
Si l'on considère que les cas de noyades
associés à des nouveau-nés sont le résultat d'un
abandon ou d'un avortement de la part d'un parent, la catégorie des
abandons/avortement passerait alors de 22 cas à 33 cas.
Pour conclure, nous pouvons dire qu'à la
différence des morts accidentelles, les noyades ne représentent
pas la majeure partie des homicides qui eurent lieu dans le département
du Rhône entre 1800 et 1939. Il nous faut cependant émettre un
doute quant à la fiabilité des conclusions tirées au sein
des procès-verbaux, doute que nous aurons l'occasion de
développer au sein de notre deuxième partie. Nous pouvons
cependant observer que la majorité des victimes d'homicide sont de sexe
masculin, et il en va de même pour les meurtriers.
III- La représentation des suicides dans le
département du Rhône entre 1800 et
1939
Dans un troisième temps, nous allons nous attarder un
instant sur le cas des suicides qui sont « l'acte de se donner
volontairement la mort155 ». Constituant la conclusion de
la mort de 320 cas au sein de notre base de données, le suicide
constitue, derrière les morts accidentelles, la deuxième
circonstance mortelle la plus répandue dans le département du
Rhône entre 1800 et 1939. La majorité des suicidés sont des
hommes, puisqu'ils représentent 262 cas alors que nous ne comptons
« que » 58 femmes. Sylvia Sara Canetto, chercheuse en sciences
sociales justifie notamment cette majorité masculine par le fait que
« l'homme s'engage dans un comportement suicidaire, il est un «
vrai » homme seulement s'il réussit » alors que «
la femme se conformerait au scénario propre à son genre :
faire une tentative de suicide »156. Les moyens mis en
oeuvre pour se suicider sont divers et variés, on observe notamment une
utilisation fréquente de la strangulation, des armes à feu,
d'armes blanches ou du saut dans le vide ou dans un puits. Nous allons
développer les moyens les plus fréquemment utilisés par
ces hommes et ces femmes, tout en tentant de comprendre quels sont les motifs
qui poussent ces personnes à se suicider par le biais de tel ou tel
moyen.
155 LAROUSSE, « Suicide ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 2 juin 2024. Disponible sur : <
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/suicide/>
156 Ryan HIGITT, « Suicide et genre : un aperçu des
analyses de Silvia Sara Canetto », Traduction Richard Violette,
éruduit, 8 mai 2008.
Disponible sur : <
https://id.erudit.org/iderudit/018012ar>
64
65
a) La pendaison : un outil du suicide très
répandu chez les hommes
Tout d'abord, nous allons étudier le suicide par
strangulation ou par pendaison. La strangulation se définit comme une
« constriction violente exercée au niveau du cou par les mains
ou au moyen d'un lien (corde, lacet, etc.) et provoquant
généralement la mort par asphyxie157 ». La
pendaison quant à elle peut se définir comme étant «
l'action de pendre, quelqu'un ou de se pendre158 ». Le
suicide par strangulation représente la majorité des victimes qui
sont au nombre de 95 entre 1800 et 1939. À noter que
l'intégralité de ces suicides a lieu entre 1811 et 1867,
année après laquelle aucun cas de suicide par strangulation n'est
retranscrit dans les archives des PV. Au sein de ces 95 cas, seul 12 victimes
de sexe féminin sont évoquées, les hommes
représentant alors 87,37% des victimes. Cette représentation
majeure des hommes chez les suicidés est encore d'actualité
puisqu'en 2012, 7305 hommes se suicidaient en France contre 2410
femmes159. Une fois n'est pas coutume, les années durant
lesquelles on comptabilise le plus de victimes sont les années 1860, qui
sont celles qui sont de toute évidence le plus fournies en PV.
Différents modes de pendaisons sont à noter, on décompte
une majorité de cas qui se pendent à leur domicile par le moyen
d'une corde la plupart du temps et généralement dans leur grenier
ou dans leur chambre tels que Jacques Denouille, cultivateur âgé
de 34 ans qui s'est « pendu à l'aide d'une corde dans un
grenier » en 1866160 ou la nommée Françoise
Dubié, 60 ans qui en 1835 « s'est pendue dans le grenier
». Dans certains cas, les victimes se pendent au moyen d'une corde
fixée au plancher comme monsieur Virisset en 1824161.
Concernant les motifs des suicidés, ils ne sont pas toujours
évoqués ou connus, mais nous pouvons évoquer quelques
motifs retrouvés à de multiples reprises tel que le prisonnier
désespéré souhaitant échapper à sa
réalité et qui se suicide dans sa cellule comme ce fut le cas de
Jean Delafond, 27 ans qui « s'est suicidé avec son mouchoir de
col attaché au verrou de son cachot » en 1817162,
ou les personnes souffrant d'une maladie et désirant mettre
157 CNRTL, « Strangulation ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 1 juin 2024. Disponible sur : <
https://www.cnrtl.fr/definition/strangulation>
158 LAROUSSE, « Pendaison ». Dans Dictionnaire
en ligne. Consulté le 2 juin 2024.
159 ORGANISME CÉPIDC-INSERM, « Données
épidémiologiques sur les décès par suicide »,
Ministère de la Santé et de la Prévention, 2012.
Disponible sur : <
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/ons2016_fiche1.pdf>
160 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
161 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
162 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
66
fin à leur supplice comme Guillaume Clere, ouvrier en
soie âgé de 63 ans qui était malade depuis 6 mois environ
et qui a décidé d'abréger ses souffrances en se pendant
dans sa chambre en 1821163.
b) Les suicides par arme à feu
Désormais, nous allons nous intéresser d'un peu
plus près aux suicides par arme à feu. Très courant au
XIXème et XXème siècles, on retrouve 102 cas de suicides
par arme à feu au sein des archives des PV s'étendant de
l'année 1811 à l'année 1905, représentant 31,88%
des suicides au total et devenant donc la cause de suicide la plus
répandue. Comme la pendaison, ce mode de suicide est très
utilisé par les hommes qui représentent environ 98% des victimes,
comptabilisant 100 cas contre 2 cas de victimes de sexe féminin. Cela
nous permet de confirmer le fait que le suicide, et les moyens utilisés
par les suicidés sont genrés et que les personnes de sexe
masculin ont un taux de suicide plus important que les personnes de sexe
féminin. Pour tenter d'expliquer ces phénomènes, des
chercheurs ont fait des études au sein desquelles ils ont pu expliquer
que les constructions sociales de « l'hégémonique de la
masculinité et de la féminité » jouent un
rôle important dans les raisons pouvant pousser les hommes à se
suicider. De plus, le renforcement de ce rôle de genre empêcherait
les hommes à chercher de l'aide lors d'une dépression ou de
pensées suicidaires, même si cette théorie est à
relativiser pour la période qui nous intéresse, la
psychothérapie n'étant que développée en France
à ce moment-là164. Les armes les plus couramment
utilisées lors de ces actes sont les pistolets et les fusils. Une
expression revient régulièrement pour décrire cet acte de
désespoir, les autorités déclarent que la victime «
s'est brûlée la cervelle », ce qui signifie que la victime
s'est suicidée en se tirant un coup de feu dans la tête tel que le
cas de Charles Dupuis en 1818 duquel il fut écrit que cet «
ouvrier chapelier s'est brûlé la cervelle avec une carabine
»165. Concernant les motivations qui poussent ces
suicidaires à passer à l'acte, certaines reviennent plusieurs
fois tel que le chagrin d'amour, que l'on retrouve par exemple pour le cas du
nommé Briel qui en 1919 « s'est brûlé la cervelle
» pour cause de « désespoir amoureux et
anti-royaliste166 ».
163 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
164Anna Maria M...LLER-LEIMKHLER, « The
gender gap in suicide and premature death or: why are men are so vulnerable?
», European Archives of Psychiatry and Clinical Neuroscience, 2003.
Disponible sur : <
https://www.researchgate.net/publication/
10832400_The_Gender_Gap_in_Suicide_and_Premature_Death_or_Why_Are_Men_So_Vulnerable>
165 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
166 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M490.
67
Un autre motif est mentionné plusieurs fois pour
justifier cet acte, c'est celui de l'ivresse et ainsi donc de la perte de
contrôle de l'individu comme ce fut mentionné pour le cas d'un
sergent du régiment suisse dont on ignore l'identité qui «
étant à boire seul dans un cabaret tenu par le seigneur
Depuis s'est brûlé la cervelle après avoir rit à ce
dernier » en 1821 167. Enfin, le dernier motif
évoqué et représenté à maintes reprises dans
le cas des suicides est la volonté d'en finir avec une maladie
difficilement supportable comme évoqué
précédemment. Nous avons par exemple ici le cas de
Melchior-François Almaras, 31 ans, rentier, qui « atteint d'une
maladie cérébrale s'est suicidé d'un coup de
pistolet168 ». Il faut cependant nuancer ces propos et
rappeler que la dépression ne connaissait pas de diagnostic ni de
traitement, était alors considéré comme « malade
» ou « fou » toute personne démontrant des faiblesses
psychologiques ou des signes de tristesse trop importants.
c) Les suicides par saut
Nous qualifions de « suicide par saut », toute mort
ayant été provoquée volontairement par un individu qui se
jetant d'une certaine hauteur, cherche à se tuer. Ces suicides par saut
représentent le troisième moyen le plus fréquemment
utilisé par les personnes mettant fin à leurs jours. Nous
recensons 70 victimes ayant utilisé ce procédé, ce qui
représente 21,88% du total des cas de suicides recensés. Nous
observons que ce moyen est davantage utilisé par les victimes de sexe
féminin que les autres précédemment évoqués.
En effet, près de la moitié des victimes sont des femmes, puisque
l'on compte 32 cas féminin représentant alors 45,71% des
victimes. L'un des premiers suicides par saut que nous avons rencontré a
lieu en 1813 et fut effectué par Antoinette Charerieu, veuve de Jacques
Verret, qui trouva la mort en sautant dans un puits169. Cette
utilisation du puits pour se suicider est courante au XIXème et au
début du XXème siècle est facilitée par la
nombreuse présence des puits à proximité des habitations.
La cause de la mort dans ces circonstances peut variée d'un cas à
l'autre, la victime peut dans un puits mourir de la chute en elle-même,
d'asphyxie par manque d'oxygène ou de submersion s'il y a la
présence d'une quantité d'eau suffisamment importante.
Généralement, les PV déclarent que la mort a
été provoquée après une « précipitation
dans un puits », ce qui nous laisse supposer que la chute est la cause de
la mort, et c'est pour cette raison que nous avons décidé
d'insérer ces circonstances dans la catégorie des suicides par
saut.
167 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
168 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
169 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M488.
Nous en dénombrons au total 11 qui sont tous
associés à une victime de sexe féminin, ce qui en fait le
moyen pour se suicider le plus souvent utilisé pour l'instant chez la
gente féminine. Nous pouvons par exemple citer le cas d'une jeune fille
de 22 ans, dont on ne connait pas le nom, qui s'est «
précipitée de désespoir dans un puits »
alors « qu'elle était enceinte170 ». Dans
les autres cas, les victimes se précipitent soit du haut d'une
fenêtre, d'un balcon ou d'un certain étage d'une maison comme
Ludivine Ardin, domestique qui est morte après s'est être
précipitée volontairement du haut d'un balcon171.
d) L'empoisonnement : une utilisation récurrente par
les femmes?
Depuis longtemps, on a tendance à associer
l'empoisonnement aux femmes, qu'il soit utilisé comme arme mortelle
envers autrui ou envers soi-même. Cette association dans les
mentalités s'est constituée au fil des siècles
après que de terribles affaires criminelles aient éclaté
et durant lesquelles les femmes avaient eu recours à l'empoisonnement
afin de tuer leur victime tout en restant discrètes. L'une des plus
célèbres figures de cette femme criminelle et empoisonneuse est
Violette Nozière, qui atteinte de la syphillis tenta d'empoisonner ses
parents avant de s'empoisonner elle-même, tentative qui sera vaine mais
réitérée quelques temps plus tard, provoquant cette
fois-ci la mort de son père. Durant le XIXème et au début
du XXème siècle, l'empoisonnement est pourtant «
statistiquement un crime relativement marginal »172.
En effet, nous n'avons recensé aucun cas d'empoisonnement meurtrier,
néanmoins, 5 cas de suicide sont le fruit d'un empoisonnement et ont
tous été réalisés par des femmes. Par exemple, nous
pouvons citer le cas de la fille François, qui s'est suicidée en
1833 « avec de l'arsenic pour un amour
contrarié173 » ou bien encore le cas de la dame
Philippe qui en 1835 se suicidait quant à elle « à
l'aide d'une forte dose d'opium174 ». Malgré une
faible représentation de l'utilisation de l'empoisonnement comme outil
de suicide, nous pouvons néanmoins affirmer et défendre cette
idée selon laquelle les femmes ont recours à l'empoisonnement
à la différence des hommes.
170 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
171 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
172Anne-Emmanuelle DEMARTINI, « La figure de
l'empoisonneuse. De Marie Lafarge à Violette Nozière ». In :
Loic CADIET et al., Figures de femmes criminelles. De l'Antiquité
à nos jours, Éditions de la Sorbonne, 2010, p. 27-39.
Disponible sur : <
https://books.openedition.org/psorbonne/73427>
173 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte
4M493.
174 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
68
69
e) La représentation de la noyade au sein des
suicides
Nous allons désormais nous intéresser à
la représentation et à la proportion des suicides par noyades au
sein de nos cas de suicides. Comme évoquer plus tôt, nous avons
recensé 320 cas de suicides hors noyade, auxquels s'ajoutent 139 cas de
suicides par noyade. Il nous faut préciser que pour 35 autres cas de
noyade, la conclusion de la mort est incertaine mais serait le fruit soit d'un
suicide soit d'un accident. Sans certitudes concernant ces 35 cas
évoqués, nous ne les utiliserons pas dans nos statistiques ici.
Le suicide par noyade est donc utilisé dans 30,28% des cas. La noyade
constitue alors le moyen le plus souvent utilisé au XIXème et au
début du XXème siècle dans le département du
Rhône pour se suicider. Tel que pour la majorité des cas de
suicide, on distingue une majorité de victime de sexe masculin au sein
des noyades, les hommes représentants 74,82% du total des victimes
recensées.

En conclusion, on observe une majorité de victimes de
sexe masculin chez les personnes se suicidant dans le département du
Rhône entre 1800 et 1939. Hors les cas de suicide par empoisonnement qui
ne représentent qu'une mince partie de la population et uniquement des
femmes, les hommes sont majoritaires dans l'ensemble des méthodes
utilisées pour mettre fin à ses jours, à savoir la
pendaison, le saut, l'utilisation d'une arme à feu ou la noyade.
IV- La représentation des morts dites «
naturelles » dans le département du Rhône au XIXème
siècle et au début du XXème siècle
Dans une quatrième et dernière partie, nous
allons nous attarder sur la représentation des morts naturelles ayant
été recensées dans le département du Rhône
entre 1800 et 1939 au sein des archives des PV. Nous qualifions de morts
naturelles, toutes morts ayant été causées par une
maladie, la vieillesse ou un problème de santé quelconque. Les
morts naturelles représentent 19,56% des morts recensées (hors
noyade) comptabilisant 246 cas sur les 1256 cas recensés. La
représentation des victimes en fonction de leur sexe est ici moins
importante que dans les catégories précédentes, même
si l'on observe encore une majorité de victimes de sexe masculin. Nous
recensons 169 victimes de mort naturelle de sexe masculin, 75 victimes de sexe
féminin, et 2 victimes de sexe inconnu. Nous recensons la
première victime décédée de mort naturelle durant
l'année 1813, et la dernière durant l'année 1867. À
partir de 1867, aucune mort dite « naturelle » n'est
évoquée au sein des archives des PV.
a) Les morts subites
Au sein des morts subites, nous regroupons toutes les morts
ayant eu lieu brutalement et résultantes par exemple d'un
problème cardiaque ou de ce que l'on dénomme aujourd'hui AVC,
c'est-à-dire un accident vasculaire cérébral. Dans
certains cas, les causes ayant provoqué la mort subite de la victime ne
sont pas connues ou précisées au sein des PV, nous les
qualifierons donc simplement de « mort subite ». Sur les 246 victimes
de mort naturelle présentes dans notre base de données, nous
considérons que 197 sont décédées de mort subite.
La cause de la mort subite la plus récurrente est la crise d'apoplexie,
qui désignait autrefois l' « arrêt subit plus ou complet
de toutes les fonctions cérébrales provoquant la perte de
connaissance, la paralysie totale ou partielle sans suspension de la
respiration et de la circulation du sang175 », ce qui
s'apparente aujourd'hui à l'AVC. Nous retrouvons ainsi 78 victimes
décédées d'une crise d'apoplexie entre 1816 et 1867. La
proportion de victimes masculines est la plus importante puisqu'ils
représentent 64,1% des cas. La moyenne d'âge des victimes
d'apoplexie est plutôt élevée, sauf quelques rares
exceptions, la majorité des victimes se trouvent être
âgée de plus de 40 ans tels que Marie-Eugène Tranchant,
marchand épicier de 58 ans qui « est mort subitement dans son
domicile d'une attaque d'apoplexie
175 CNRTL, « Apoplexie ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 18 juin 2024. Disponible sur : <
https://www.cnrtl.fr/definition/apoplexie>
70
foudroyante » en 1825176 ou Daniel
Merle, 72 ans, tailleur d'habits qui a succombé en 1865 à une
attaque d'apoplexie177. D'autres causes de mort subite sont
représentées dans nos cas, mais ont une importance relative tels
que les victimes d'épilepsie au nombre de trois ou de paralysie que l'on
retrouve également au nombre de trois.
b) Les maladies
Les maladies sont omniprésentes à Lyon au
XIXème siècle et au début du XXème siècle,
le manque d'hygiène de la population n'aide pas à la
guérison, les connaissances et techniques médicales ainsi que les
vaccins ne sont encore que très peu développés, tel que le
vaccin contre la rage qui est créé en 1885 par Louis
Pasteur178. D'ailleurs nous rencontrons une victime de la rage,
monsieur Armand, qui en 1866 à l'âge de 23 ans se fit mordre par
un chien après quoi il sentit « un accès de rage
à la suite duquel il succomba le 20 juin179 ». Au
sein de nos 246 victimes de mort naturelle, nous recensons 38 cas morts
à la suite d'une maladie. Une fois de plus, nous observons une
majorité de victimes masculines, qui représentent 30 des 38 cas
recensés. Diverses maladies sont mentionnées ici, parmi
lesquelles les plus couramment identifiées se trouvent des affections,
notamment des poumons ou du foie, des longues maladies tel que des cancers, ou
bien encore des coliques, des indigestions, des inflammations etcÉ L'une
des « maladies » que l'on retrouve le plus est «
l'intempérance », autrement dit pour les cas qui nous concernent,
un excès d'alcool voire l'alcoolisme d'une personne qui engendre son
décès. Sur les 8 victimes concernées par cette
intempérance, 7 sont des hommes. Par exemple, nous pouvons
évoquer le cas de Claude Sublet, menuisier, qui en 1864 a
été trouvé mort dans son domicile. La conclusion faite au
sein de son procès-verbal est la suivante : « Cet homme
s'adonnait à la boisson et on suppose qu'il est mort victime de ce
funeste penchant180 ». Un autre cas a également
retenu notre attention concernant cet excès de boisson que l'on pouvait
considérer comme la cause de la mort de certaines victimes, il s'agit du
cas de Pierre Auclair, 72 ans, cultivateur qui a été
trouvé étendu en 1835 sans vie dans une
176 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
177 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
178 INSTITUT PASTEUR, « L'histoire de la première
vaccination contre la rage, en 1885 », Institut Pasteur, publié le
15/11/2023.
Disponible sur : <
https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/histoire-premiere-vaccination-contre-rage-1885>
179 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
180 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
71
72
forêt et dont la conclusion est la suivante : «
On présume que ce vieillard pris de vin, se sera égaré
pendant la nuit et sera mort de froid181 ».
c) Des accouchements fatals
Avant la seconde moitié du XXème siècle,
la majorité des femmes accouche en France à
domicile182. Les femmes font beaucoup d'enfants, on estime que les
femmes mariées mettent au monde entre 4 et 5 enfants au début du
XVIIIème siècle et environ trois à la fin du XIXème
siècle. Mais qui dit nombreuses grossesses, dit également des
risques plus élevés de fausses couches. Il est compliqué
aujourd'hui de donner des chiffres indiquant véritablement le nombre de
fausses couches ayant eu lieu en France durant cette période, les
sources et les témoignages sur ce sujet manquant cruellement.
L'expérience de la grossesse est par ailleurs marquée par
l'incertitude, nous pouvons même évoquer une « peur
obsédante de la fausse couche », qui demeure encore un
mystère chez les médecins français, et provoque dans
certains cas le décès de la femme. Nous avons rencontré
par ailleurs le cas d'une jeune femme étant décédée
lors d'un accouchement compliqué, madame Accary, en 1835 qui «
est morte dans les douleurs de l'enfantement ayant voulu s'accoucher
seule183 ». Le risque d'accoucher d'un enfant
mort-né est également présent comme nous avons pu le
constater en 1865 avec le cas du foetus de la nommée Dupart qui «
s'est accouchée clandestinement dans sa chambre à coucher
d'un enfant qui n'avait donné aucun signe de vie184
». Cependant, il nous faut préciser que ces morts trouvées
à l'issue de grossesse ou d'accouchement sont
sous-représentés au sein de PV. En effet, on peut
considérer que la majeure partie du temps, ces accouchements qui
étaient alors réalisés à domicile, n'étaient
pas forcément rendus public si mort s'en suivait concernant l'enfant.
Dans le graphique ci-dessous, nous avons représenté les
différents types de morts naturelles que l'on peut retrouver dans le
département du Rhône de 1800 à 1939.
181 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
182 Emmanuelle BERTHIAUD. « Accoucher à la maison aux
xviiie et xixe siècles. Les préparatifs et le vécu
féminin », Marie-France Morel éd., Naître à
la maison. D'hier à aujourd'hui. Érès, 2016, pp.
49-78 Disponible sur : <
https://www.cairn.info/naitre-a-la-maison--9782749251714-page-49.htm>
183 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
184 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.

73
En conclusion, on observe que la majorité des victimes
qui ont connu une mort dite naturelle est décédé
subitement. Même si le sexe masculin représente ici encore la
majorité des victimes, sa représentation est toutefois moins
importante qu'au sein des morts accidentelles, des homicides et des suicides,
et les femmes représentent aussi de nombreuses victimes de mort
naturelle.
Pour conclure ce premier chapitre, les décès par
noyade concernent un nombre important de victimes dans le département du
Rhône entre 1800 et 1939. Les noyades représentent la circonstance
majoritaire des morts accidentelles et volontaires, et sont également
fortement représentées au sein des homicides.
74
CHAPITRE 2
LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT
DU RHÔNE AU XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE
MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE
Maintenant que nous avons pu évoquer les
différentes morts qui sont recensées dans le département
du Rhône de 1800 à 1939 au sein des archives des PV des ADR, nous
allons désormais nous intéresser au profil et à la prise
en charge des noyés. Pour ceci, nous allons nous appuyer sur les
archives des PV des ADR mais également sur les registres d'entrée
des corps à la morgue qui concernent des victimes ayant péri
à Lyon de 1939 à 1950. Dans notre base de données, nous
recensons 1064 cas de noyades qui ont eu lieu entre 1811 et 1950. Parmi ces
1064 cas, 843 noyés ont été recensés au sein des
côtes 4M488 à 4M495 qui correspondent aux archives des
procès-verbaux des ADR dans le département du Rhône durant
la période s'étendant de 1800 à 1939, et 221 noyés
ont été recensés au sein des registres d'entrée des
corps à la morgue qui correspondent aux archives de l'ILM situées
aux AML. Nous devons apporter quelques précisions quant aux archives de
la morgue, ces dernières ne mentionnant que très rarement les
dates et les lieux de disparition des victimes, nous ne nous appuierons donc
pas sur ces dernières pour fonder les statistiques qui concernent ces
aspects.
I- Le profil des noyés
Dans un premier temps, nous allons établir une
sociologie des noyés en proposant des chiffres et des statistiques qui
nous permettent de saisir quel était le profil des victimes de noyade
dans le département du Rhône au XIXème siècle et
dans la première moitié du XXème siècle et qui nous
permettra également de poursuivre temporellement les travaux
réalisés par Françoise Bayard au sein desquelles elle
avait établi le profil des noyés à Lyon durant les
XVIIème et XVIIIème siècles.
75
a) Le sexe des noyés
Tout d'abord, nous allons nous intéresser au genre des
victimes de noyade. Comme nous avons pu l'observer au cours de nos
précédentes analyses, les morts sont véritablement
genrées aux XIXème siècle et au début du
XXème siècle dans le Rhône, laissant toujours
apparaître une écrasante majorité de victimes de sexe
masculin sauf en ce qui concerne les cas d'auto empoisonnement qui
représentent uniquement des femmes mais en très faible
proportion. Sur les 1064 victimes de noyades que nous avons pu recenser au sein
de notre base de données, 159 cas concernent des femmes, 836 des hommes,
et enfin, pour 69 victimes, le sexe est inconnu.

L'idée selon laquelle les morts recensées
concernent une majorité d'hommes est alors une fois de plus
vérifiée pour le cas des noyades. Mais comment expliquer cette
théorie qui laisserait supposer que les femmes meurent moins que les
hommes? Françoise Bayard avait déjà pointé ce
phénomène au sein de son étude et déclarait :
« À Lyon, à l'époque moderne, la baignade est
pratiquée par les deux sexes à tout âge, dans tous les
milieux sociaux, à tout moment, dans des lieux variés et selon
des modalités différentes. À examiner seulement les
levées de cadavres de noyés, on pourrait croire
que la natation est réservée aux hommes et
aux petits garçons185 ». Si l'on s'en tient au cas
des noyades, force est de constater qu'une majorité d'homme se noie,
réalité encore d'actualité et justifiée par l'OMS
par le fait que les hommes seraient davantage en contact avec l'eau et auraient
un comportement plus risqué tels que le fait de nager seul, de boire de
l'alcool avant d'aller se baigner ou de pratiquer des activités
nautiques186. Cette explication s'applique d'autant plus aux
périodes qui nous concernent étant donné que rares
étaient les femmes qui pratiquaient ce genre d'activités seul.
b) L'âge des victimes
L'âge de la victime est un autre facteur de risque
important. Pour les cas des victimes dont nous connaissons l'âge, la
moyenne se situe à environ 29 ans. Les plus jeunes victimes que nous
rencontrons sont âgées de moins d'un an, nous rencontrons
également plusieurs cas de foetus n'ayant pas atteint le terme de leur
développement durant la grossesse, mais nous aurons l'occasion d'y
revenir plus tard. La victime la plus âgée que nous avons pu
observer avait quant à elle 77 ans. De 1 an à 77 ans, tous les
âges sont représentés chez les noyés, mis à
part les âges de 2 et 73 ans. Sans comptabiliser les foetus et les
bébés âgés de moins d'un an, l'âge des
victimes de noyade qui revient le plus souvent dans notre base de
données est l'âge de 18 ans. On comptabilise ainsi 21 victimes
âgées de 18 ans, 18 âgées de 25 ans, 17
âgées de 40 ans et 16 âgées de 17 ans. Nous pouvons
d'ores et déjà admettre que les victimes les plus courantes de
noyades entre 1800 et 1950 sont de jeunes hommes âgés pour la
majeure partie de de 17 à 40 ans.
185 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à
l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans
Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès
national des sociétés savantes. Section histoire moderne et
contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992,
p229-242.
186 OMS, « Noyade », publié le 25 juillet 2003.
Consulté le 3 juin 2024. Disponible sur : <
https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/drowning>
76


77
c) La nationalité des victimes
Concernant les nationalités identifiées chez les
noyés, il n'est rien d'étonnant d'observer une majorité de
victimes françaises qui représentent à elles seules 709
des 1064 cas.


78
Il est également fréquent que la
nationalité de la victime soit inconnue, notamment pour les cas dont
l'identité n'a pas été retrouvée, dû en
majorité au fait que l'avancée de la putréfaction demeure
trop importante pour qu'une identification soit rendue possible. La
nationalité que l'on retrouve en seconde place est la nationalité
italienne, représentée dans 8 cas, puis algérienne qui
regroupe quant à elle 6 cas. Dans le graphique ci-dessous, nous avons
exposé l'ensemble des nationalités rencontrées au sein de
notre étude.

d) Les professions des noyés
La profession de la victime peut elle aussi être un
facteur de risque intéressant à étudier. En effet, nous
allons pouvoir confirmer ou non l'idée selon laquelle le fait d'avoir un
travail à proximité ou sur un cours d'eau engendre un risque plus
élevé face à la noyade mais également si la classe
sociale exerce une quelconque influence. Sur les 1064 noyades que nous avons
relevé, nous connaissons le métier de la victime dans seulement
28,95%. Au total, nous comptabilisons environ 100 métiers
différents exercés par ces victimes, et nous observons que la
classe sociale la plus souvent représentée est la classe
ouvrière ; on compte notamment 18 catégories différentes
d'ouvriers, parmi lesquelles nous retrouvons les célèbres
ouvriers en soie lyonnais qui sont au nombre de 24, mais également des
ouvriers imprimeurs, serruriers, maçons, jardiniers ou horlogers qui
représentent un total de 48 noyés sur les 308 dont nous
connaissons la profession.
79
Nous pouvons observer que bon nombre de victimes avaient
exercé ou exerçaient dans les forces militaires puisque l'on ne
comptabilise pas moins de 38 victimes ayant une profession en lien avec
l'armée.
Les domestiques quant à eux sont
représentés à 15 reprises tandis que les voituriers le
sont 7 fois. Concernant les professions qui sont directement en lien avec le
fleuve, nous rencontrons un conducteur de bateau (nous parlons bien ici de la
profession et non pas de l'activité pratiquée par la personne
avant qu'elle se noie), 12 mariniers, 1 ouvrier en bateau, 2 gardiens de
bateau, 3 sablonniers, 2 meuniers et 1 mousse187. On peut donc
observer que ces professions en lien direct avec le Rhône et la
Saône ne représentent pas la majorité des victimes des
noyades, et que chacun est susceptible de se noyer peu importe sa profession,
même si la classe sociale dominante des victimes demeure en grande
majorité la classe ouvrière. Néanmoins, nous retrouvons
quelques cas issus de métiers considérés comme prestigieux
et de la classe bourgeoise, tels que Jean Viallat, chirurgien qui s'est
suicidé dans le Rhône près du pont de la Mulatière
en 1818188, ou Georges Curt, instituteur de 25 ans qui s'est
noyé le 24 mai 1823 à Lyon189.


187 Apprenti marin.
188 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
189 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
Pour conclure en étudiant d'un peu plus près les
différents facteurs de risque et en élaborant l'identité
des noyés, nous pouvons considérer que le « profil type
» d'un noyé au XIXème siècle et dans la
première moitié du XXème siècle dans le
département du Rhône est celui d'un jeune homme de
nationalité française âgé d'environ 15 à 30
ans issu de la classe ouvrière ou du milieu militaire. En comparaison
avec les conclusions faites par Françoise Bayard dans son
étude190 sur les noyés aux XVIIème et
XVIIIème siècles, les profils des noyés n'évoluent
guère. En effet, Françoise Bayard mettait en avant le fait que
les noyés étaient statistiquement de sexe masculin (77,75%) et
d'un âge situé entre 10 et 30 ans (84,70%). Elle évoque
également la forte présence des domestiques (20%) et des gens de
métiers (58,66%) parmi les noyés, ce qui renvoie fortement aux
résultats que nous avons nous-même pu établir.
II- Les cadavres des noyés
Nous allons nous attarder un instant sur les lieux et les
dates de disparition et de découverte des noyés. Volontairement,
nous ne traitons pas les années de disparition et de découverte
des noyés, qui selon nous, ne sont pas représentatives de la
réalité dû fait d'un manque d'archives pour certaines
années. Nous pouvons cependant présenter un graphique
représentant une évolution concernant la proportion des
disparitions qui sont retranscrites dans les PV tout en sachant qu'à
partir de 1870, nous ne recensons qu'un cas de noyade en 1901.

190 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à
l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans
Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès
national des sociétés savantes. Section histoire moderne et
contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992,
p229-242.
80
a) Les lieux de disparition des noyés
Les lieux de disparition des victimes sont divers et
variés, et changent également selon les circonstances de noyade
de la victime : baignade, suicide, accident de bateau etcÉ Nous aurons
l'occasion de revenir plus en détails sur ces circonstances dans le
chapitre suivant. Pour cette sous-partie, nous nous appuierons uniquement sur
les archives des procès-verbaux de la police recensant les morts dans le
département du Rhône de 1800 à 1939, les registres
d'entrée des corps à la morgue n'indiquant que dans deux cas sur
les 221 les lieux et les dates de disparition des victimes. Sur les 843 noyades
que nous recensons dans les PV, la ville de disparition est mentionnée
dans 450 des cas quand le cours d'eau est mentionné dans 493 des cas.
Par cours d'eau, nous entendons le fleuve du Rhône, les rivières,
ou tout autre lieu comportant une étendue d'eau comme les
réservoirs, les étangs ou les mares. Sans surprise, la ville au
sein de laquelle le plus de noyés ont disparu est la ville de Lyon, qui
représente à elle seule 321 des cas sur les 843 cas
recensés. Elle est suivie par les communes de La Guillotière,
avec 19 cas, de Vaise avec 10 cas, Vernaison avec 8 cas, et Villeurbanne, 8
cas. Dans le graphique ci-dessous, nous avons exposé les 17 villes
après la ville de Lyon d'où le plus de victimes ont disparu en se
noyant191. Il faut aussi préciser que 50% des disparitions
ont lieu dans le Rhône ou la Saône.

191 Voir la carte « lieux de disparitions des noyés
» dans la partie « Annexes ».
81
b) 82
Les mois de disparition des victimes
Concernant les mois de disparition des victimes de noyade,
nous pouvons observer que dans la majorité des cas la date de la
disparition des victimes de noyade est inconnue. Néanmoins, concernant
les cas dont nous connaissons la date de disparition des victimes, la
période de l'été est la plus représentée,
avec en tête le mois de juillet durant lequel on recense 127
disparitions, puis le mois de juin qui comptabilise 74 disparitions et enfin le
mois d'août qui en compte quant à lui 55. Nous pouvons d'ores et
déjà dire que ces mois de l'été sont plus propices
à la disparition de noyés en raison du nombre important de
personnes qui se baignent dans des étendues d'eau pour se
rafraîchir en raison de la chaleur.

c) Les mois de découverte des cadavres
Nous allons maintenant nous pencher sur la question des lieux
et des dates de découvertes et leur proportion au sein des archives des
PV. Pour traiter cette thématique, nous utiliserons cette fois-ci
l'intégralité des noyades recensées au sein de notre base
de données, c'est-à-dire des noyades recensées dans les
procès-verbaux mais également des noyades recensées dans
les registres d'entrée des corps à la morgue. Nous traitons une
période qui s'étend de 1800 à 1945. À l'instar des
périodes de disparition des victimes de noyades, nous pouvons observer
que la période de prédilection en matière de
découverte des cadavres des noyés est l'été,
à noter que dans 40,13% des cas, les
cadavres ne sont pas retrouvés ou du moins ne sont pas
identifiés comme pouvant appartenir à la description d'une
victime ayant été déclarée disparue auparavant. Le
mois durant lequel le plus de noyés sont retrouvés est le mois de
juillet, avec 92 cas, suivi du mois de juin avec 77 cas, puis du mois
d'août avec 67 cas. Nous pouvons alors constater que l'on observe
exactement la même fréquence de découverte de cadavres que
celle de disparition des noyés, les mois et les périodes
étant les mêmes. Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons
observer la proportion des cas découverts en fonction des mois de
l'année.

d) Les lieux de découverte des noyés
Les lieux de découverte des noyés varient
cependant quelque peu des lieux de disparitions des victimes. Si
l'intégralité des disparitions sont recensées dans le
département du Rhône, on observe cependant qu'un nombre important
de noyés sont retrouvés en dehors du département du
Rhône. Cela s'explique tout simplement par le fait que les cadavres des
victimes s'étant noyées dans des cours d'eau comme le Rhône
ou la Saône sont la plupart du temps en mouvement constant et peuvent
dans certains cas être emportés par le courant à plusieurs
dizaines de kilomètres du lieu où ils ont disparu192.
Sur les 1064 noyades recensées, la ville de découverte du cadavre
est connue pour 637 cas et 377 d'entre elles ont lieu à Lyon.
192 Voir la carte « lieux de découverte de cadavre
» dans la partie « Annexes ».
83
84
Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons observer la
proportion des villes au sein desquelles nous retrouvons le plus de cadavres de
noyés après Lyon. 53,76% des découvertes de noyés
ont lieu soit dans le Rhône, soit dans la Saône.

Les villes les plus éloignées de Lyon et du
département du Rhône où ont été
découverts des cadavres de noyés sont les villes de Valence et
Cornas dans le département de la Drôme, celle de Ferney
située dans l'Ain près de la frontière suisse ainsi que la
ville de Genève située en Suisse. Elles sont toutes
traversées par le fleuve du Rhône ce qui démontre bien la
capacité de ce fleuve à déporter des objets
matériels comme immatériels sur une longue distance en raison
notamment de des forts courants qui le caractérisent.
En conclusion, on observe que la majorité des
disparitions de noyé et des découvertes de cadavre ont lieu
durant les mois de l'été et sont recensés principalement
à Lyon dans le Rhône et la Saône. Cependant, on observe
également que les courants de ces cours d'eau peuvent parfois
déporter des cadavres à des dizaines, si ce n'est des centaines
de kilomètres du lieu initial où la victime s'est
noyée.
85
III- La fabrique des procès-verbaux et des
registres d'entrée des corps à la morgue à Lyon au
XIXème siècle et dans la première moitié du
XXème siècle
Dans une troisième et dernière partie, nous
allons définir ce que sont les procès-verbaux et les registres de
la morgue et voir comment ces derniers ont émergé et sont
caractérisés.
a) La mise en vigueur des procès-verbaux et des
registres de la morgue aux XIXème et XXème siècles
Un procès-verbal ou plus couramment appelé un PV
est un « acte dressé par une autorité compétente
et qui constate un fait entraînant des conséquences
juridiques193 ». Sa rédaction est rendue
obligatoire durant le XVIIIème siècle en France et
confirmée par la loi du 17 avril 1798. En 1820, une ordonnance est
publiée par le gouvernement français au sein de laquelle est
précisée que « toutes les fois que la gendarmerie est
requise pour une opération quelconque, elle en dresse un
procès-verbal, même en cas de non réussite, pour constater
son transport et ses recherches » (article 307). Cela inclut
également que tous les candidats désirant entrer dans la
gendarmerie doivent savoir « lire, écrire, rédiger
»194. Dans les faits, sa mise en pratique se fait plus
tardivement ce qui pourrait expliquer cette répartition forte
inégale des PV selon les années et les côtes
dépouillées. On peut observer qu'à partir de la
Troisième République qui s'étend du 4 septembre 1870 au 10
juillet 1940, les archives des PV dressés à Lyon sont bien moins
conséquentes et les affaires qui y sont traités en leur sein
varient fortement des PV précédents. En effet, on observe qu'au
sein de la côte 4M494 qui commence à l'année 1864 contient
le dernier cas de noyade recensé au XIXème siècle dans le
département du Rhône et qui a lieu en 1870. Nous n'aurons ensuite
qu'un seul et unique cas de noyade recensé au sein de la côte
4M495 en 1901 ce qui montre bien la rupture établie avec
l'arrivée de la Troisième République, d'où la
volonté de compléter ces noyades pour le XXème
siècle avec les registres d'entrée des cadavres à la
morgue. Les registres d'entrée des corps à la morgue sont «
des registres administratifs qui indiquent notamment la date
d'arrivée du corps à la morgue, l'identité du
défunt quand elle est connue (à
193 LE ROBERT, « Procès-verbal ». Dans
Dictionnaire en ligne. Consulté le 12 juin 2024. Disponible sur :
<
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/proces-verbal>
194 Arnaud HOUTE, « La fabrique du procès-verbal dans
la France du XIXème siècle : contribution à l'histoire de
l'écrit administratif », L'Atelier du Centre de recherches
historiques, 2009.
Disponible sur : <
https://doi.org/10.4000/acrh.1488>
86
défaut il est noté « inconnu », le
commissariat à l'origine de l'amenée du corps195
». Les premiers registres de dépôt des morts à la
morgue sont créés à Lyon en 1853. Ils sont
créés en même temps que la morgue à Lyon et
l'institut médico-légal de la ville afin de recenser les cadavres
qui y sont déposés et seront effectifs jusqu'en 1953.
b) Les intervenants en présence
Différentes personnes interviennent dans ces archives
afin de rédiger les procès-verbaux et les registres. Tout
d'abord, concernant les procès-verbaux, avant même que ces
derniers ne soient rédigés, il faut noter la présence d'un
intervenant indispensable : le témoin. Le témoin,
c'est-à-dire la personne qui signale la disparition d'une personne ou
qui découvre et signale la mort de quelqu'un ; son identité est
parfois signalée au sein des PV. La deuxième personne qui
intervient pour ces PV est le représentant de la police ou de la
gendarmerie qui rédige ensuite le PV. Cette personne peut être un
gendarme, un commissaire, un capitaine etcÉ tous les grades sont
représentés dans nos archives. Parfois, il se peut que l'auteur
du PV ou du signalement de la disparition d'une personne soit un
représentant des autorités locales comme le maire de la commune,
un juge, un préfet ou sous-préfet. Une autre personne peut
intervenir lors de l'écriture du PV, il s'agit du médecin
légiste. Même si la médecine légale n'est que peu
développée au début du XIXème siècle, il
arrive que dans certains cas, un médecin intervienne afin
d'établir les circonstances et les conclusions de la mort de la victime.
Officiellement, la justice française obligeait le magistrat local
à se rendre sur les lieux du drame avec un chirurgien afin qu'il
détermine les causes et qu'il identifie la victime, avant la
levée du cadavre et les rites funéraires196.
Officieusement, nous ne notons pas la présence systématique d'un
médecin lors de tous les cas. Il n'y a pas beaucoup de différence
entre les intervenants en présence pour l'élaboration des PV et
ceux en présence pour les registres de la morgue. En effet, dans les
registres d'entrée des corps à la morgue, la première
colonne du registre est consacrée aux « autorités
requérantes » ainsi qu'à la « personne qui amène
le corps ». On trouve alors dans cette catégorie le commissariat
concerné tel que le commissariat de Bellecour ou celui de Vaise, mais
également le nom et la profession de la personne qui amène le
corps, et qui est un « représentant de la force publique
», généralement un gardien de la paix.
195 FRANCE ARCHIVES, « Registres de la morgue »,
Portail National des Archives. Consulté le 14 juin 2024. Disponible sur
: <
https://francearchives.gouv.fr/findingaid/>
196Frédéric CHAUVAUD (dir.), Corps
submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la
noyade dans l'Antiquité à nos jours, Créaphis, 2007,
pp61.
Les témoins ou les personnes qui ont identifié
le corps sont quant à eux bien plus souvent mentionnés que dans
les PV, et leur identité est dévoilée au-dessous de la
description du cadavre. Le professeur qui a fait le constat de la mort et
l'autopsie doit également être nommé sur le registre.
Enfin, la dernière personne en présence pour établir ces
registres est le gardien de la morgue, qui se doit, en principe d'apposer sa
signature après qu'il ait rempli le registre. Entre 1864 et 1901, le
gardien de la morgue à Lyon était Claude Delaigue, puis de 1912
à 1951 il s'agissait de Camille Rollet, dont nous avons pu consulter les
dossiers personnels qui sont visibles aux AML.
c) Le contenu

Localisation géographique de l'auteur
Lieu et date d'écriture
Destinataire
Description de l'affaire
Formule de politesse
Signature de l'auteur
87
Dans d'un PV, la première information que nous trouvons
presque systématiquement en haut de la feuille est la date de
rédaction de celui-ci, la ville d'écriture et le destinataire.
Ensuite sont rédigées les informations connues concernant la
victime dont il est question dans le PV, c'est-à-dire le signalement
d'une personne disparue ou l'identité d'un cadavre lorsqu'elle est
connue, ainsi que sa description. La majeure partie des PV se terminent ensuite
par la signature (et ou la date dans certains cas) de l'auteur qui appose son
nom et/ou son poste et/ou sa signature.
88
Sur cette archive d'un PV traitant d'une noyade ayant eu lieu
en 1817, nous pouvons observer que tous les codes d'écriture
détaillés auparavant sont respectés. Les registres de la
mort sont quant à eux moins « conventionnels » et contiennent
moins de formules officielles. Les informations sont retranscrites de
manière scolaire dans un tableau composé de différentes
colonnes au sein desquelles différentes informations sont
recensées (la plupart du temps) à savoir :
-le numéro d'ordre, les autorités
requérantes, la date du dépôt, la qualité de la
personne qui amène le corps, le lieu où le cadavre a
été trouvé ainsi que la signature du garde de service
-la nomenclature des effets trouvés sur les corps
identifiés, leur description, et l'identité du
représentant de la force publique qui accompagne le corps
-les états civils des corps identifiés, et parfois
leur signalement et leur photo
-la copie du certificat du décès ainsi que le
nom du professeur qui a fait le constat, la date, le mois, l'heure du
transfert, le lieu d'inhumation ou de dépôt et enfin la signature
du garde de service.
Pour conclure ce chapitre, nous pouvons dire que
l'étude des noyés au XIXème siècle et dans la
première moitié du XXème siècle
révèle des tendances marquantes. La majorité des victimes
sont des jeunes hommes, principalement français et issus des classes
ouvrière et militaire. Les noyades se produisent pour la majorité
dans la ville de Lyon, dans le Rhône et la Saône et durant les mois
de l'été. Concernant leur répertoriage au sein des
procès-verbaux, des changements dans la pratique sont à prendre
en considération à la fin du XIXème siècle,
siècle qui est marqué par un manque conséquent d'archives.
Les registres de la morgue sont quant à eux très complets,
proposant parfois même la photo du cadavre en question, malgré le
fait que les dates et les lieux de disparition des noyés ne soient
mentionnés que dans de rares exceptions.
89
CHAPITRE 3
LES DIFFÉRENTS TYPES DE NOYADES RECENSÉES DANS LE
RHÔNE AU XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE
MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE
Dans un troisième et dernier chapitre, nous allons nous
attarder sur les différentes circonstances de noyade que l'on recense
dans le département du Rhône de 1800 à 1950. Nous
classifions les noyades selon trois circonstances distinctes : les homicides
parmi lesquels on retrouve également les infanticides, les suicides et
les noyades accidentelles que nous allons dès lors étudier dans
notre première partie. Il faut noter que pour certains cas, les
circonstances de la noyade sont inconnues, ou ne sont pas fixées dans le
PV mais plutôt supposées. La noyade peut alors être
causée par un accident ou un suicide, comme elle peut être le
résultat d'un accident ou d'un homicide comme nous pouvons l'observer
dans le graphique ci-dessous qui propose une représentation des
circonstances des noyades dans le département du Rhône de 1800
à 1950.


90
I- Les noyades accidentelles dans le département du
Rhône entre 1800 et 1950
Dans une première partie, nous allons nous
intéresser aux noyades accidentelles. Sur les 1064 cas de noyades que
nous recensons dans le département du Rhône entre 1800 et 1950,
483 sont considérées comme accidentelles représentant
alors 45,39% du total des noyades. Il faut préciser que dans 197 autres
cas de noyades, la conclusion de la mort n'est pas certaine et l'on suppose
qu'elles sont le résultat soit d'un accident soit d'un suicide. Pour
cette partie, nous traiterons uniquement les cas qui sont avérés
accidentels. Les conclusions réalisées au sein des PV et des
registres d'entrée des corps à la morgue sont diverses et
variées et alternent entre noyade, chute, accident de bateau, accident
de voiture, crise, saut, baignade, ivresse et tentative de sauvetage, comme
nous pouvons l'observer dans le graphique représenté
ci-dessous.

Nous développerons pour cette partie diverses
circonstances de noyades accidentelles retranscrites dans les archives,
à savoir les chutes mortelles, les accidents liés à la
navigation, les accidents liés à la réalisation de
tâches ou d'activités quotidiennes et enfin les noyades
liées à l'ivresse. Concernant les noyades provoquées
à l'issue de baignades, qui représentent la majorité des
noyades accidentelles, nous aurons l'occasion de les étudier au sein de
la deuxième partie de notre chapitre.
Si l'on s'intéresse désormais au sexe des
victimes de noyade accidentelle, nous pouvons observer qu'une majorité
d'entre elles sont des hommes. Ces victimes de sexe masculin
représentent 387 cas sur les 493 recensés.

a) Les chutes mortelles
Tout d'abord, nous allons nous intéresser aux noyades
provoquées par des chutes, qui représentent au total 16,36% des
noyades accidentelles. Nous qualifions de chutes toutes précipitations
involontaires dans une étendue d'eau qui entrainent ensuite la mort de
la victime par noyade. Les chutes provoquant la noyade d'une victime
représentent 79 cas, parmi lesquels on retrouve 70 victimes de sexe
masculin, et 9 victimes de sexe féminin. La proportion d'hommes est donc
de 88,61% ce qui représente une large majorité des cas. Cette
surreprésentation des hommes peut s'expliquer de plusieurs
manières. Tout d'abord, au XIXème et XXème siècle,
la navigation est un domaine réservé aux hommes, ainsi que la
majorité des activités que l'on retrouve sur l'eau telles que la
pêche, l'aviron ou la joute nautique. Les professions en lien avec les
cours d'eau sont également exclusivement masculines. Les femmes quant
à elles restent davantage à la maison, à s'occuper des
tâches quotidiennes et ménagères ainsi que de
l'éducation des enfants. Une autre cause est à souligner
également concernant cette forte représentation des victimes
masculines au sein des chutes accidentelles, il s'agit de la consommation
d'alcool. Nous aurons l'occasion de développer ce point plus
tardivement. Nous pouvons évoquer différents cas de noyades
provoquées après la chute d'une victime dans l'eau afin
d'illustrer nos propos.
91
92
Par exemple en 1818, François Brunet s'est noyé
accidentellement dans le Rhône après être tombé du
radeau sur lequel il travaillait197. Durant l'année 1835,
Nicolas Boulon, garçon de peine âgé de 17 ans se noie dans
le Rhône après avoir chuté d'un cheval sur lequel il se
trouvait pour faire remonter un batelet le long des berges198. Nous
pouvons noter que la majorité des chutes ayant provoquées la
noyade d'une personne ont lieu dans le fleuve du Rhône à Lyon (29
cas), suivi de la Saône (23 cas) puis du canal de Givors (5 cas) et de
réservoirs d'eau (4 cas).
b) Les accidents liés à la navigation
Les noyades provoquées par des accidents liées
à la navigation sont également l'une des circonstances que l'on
rencontre le plus fréquemment dans le département du Rhône
entre 1800 et 1950 et qui représentent 92 noyades accidentelles sur les
483 recensées. Parmi ces 92 accidents de bateau, seulement 6 concernent
des femmes. La majorité de victimes de sexe masculin est ici
écrasante et s'explique en partie par le fait que la majorité des
mariniers, ou des propriétaires de bateau était des hommes.
L'intégralité des noyades provoquées par un accident de la
navigation que nous recensons a lieu soit sur le Rhône soit sur la
Saône.

197 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
198 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
93
Dans la plupart de ces accidents de bateaux, on recense une
multiplicité de victimes et des accidents d'une grande ampleur. Par
exemple le 19 juillet 1818, un accident terrible a eu lieu sur le Rhône
à Vernaison le jour de la fête patronale de la commune qui a
coûté la vie à 7 personnes199. Nous pouvons
également citer un accident de bateau qui fut le plus meurtrier parmi
tous les cas que nous avons pu rencontrer au sein de nos recherches et qui a
coûté la vie à un nombre important de victimes. Le 10
juillet 1864, le bateau mouche n°4 « a heurté un banc de
sable en aval du pont Vemours » à Lyon sur la Saône, ce
qui a provoqué la noyade et la mort de 29 victimes200. Comme
nous l'avons évoqué, l'intégralité des noyades
provoquées par un accident de la navigation a lieu soit sur le
Rhône soit sur la Saône. On observe néanmoins une
majorité de victimes ayant péri dans la Saône. Les causes
de ces accidents de la navigation sont divers et variés, dans certains
cas l'accident est provoqué par le fait que le bateau heurte un obstacle
provoquant la chute des passagers comme on peut l'observer le 16 novembre 1815
sur le Rhône lorsque le « bateau de pierre monté d'onze
personnes (É) a touché contre un des moulins placés
à Saint-Clair, s'est brisé » et a provoqué la
chute de huit personnes, dont 3 seulement ont pu être
sauvées201. Dans d'autres cas, l'accident est provoqué
par le chavirement du bateau tel que ce fut le cas pour Jacques Rolland,
marinier âgé de 27 ans qui en 1851 « s'est noyé
accidentellement le 24 mars par l'effet d'un bateau qui a
chaviré202 ». Il n'est pas possible d'effectuer des
statistiques concernant l'évolution dans le temps de ces accidents de la
navigation étant donné qu'il n'en ait plus de
répertorié à partir de l'année 1866, ce qui est
d'ailleurs regrettable car il aurait été intéressant de
voir si le développement de la navigation à vapeur dans les
années 1820 sur le Rhône et la Saône impacte et augmente le
nombre d'accidents et de noyades liées à la navigation. Avec
« seulement » 28 accidents de bateau recensés entre 1820 et
1860 sur les 92 que nous recensons au total à partir de 1812, il est
compliqué d'observer si une réelle augmentation des accidents de
bateaux a eu lieu avec l'émergence des techniques liées à
la vapeur.
|
199 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
200 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
201 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
|
1800-1939, Côte 4M489. 1800-1939, Côte 4M494.
1800-1939, Côte 4M488.
|
202ADR, Lyon, Série 4M « Police »,
1800-1939, Côte 4M493.
c) Les noyades liées aux activités
quotidiennes
Il est intéressant d'étudier les noyades qui
sont dû à l'exercice des activités et tâches
quotidiennes car cela met en lumière un fait intéressant : les
femmes se trouvent pour la première fois majoritaires, à savoir
dans les cas des noyades liées à la pratique de la lessive. Nous
estimons à environ 37 cas le nombre de noyades liées à
l'exécution d'une activité quotidienne. Par tâches
quotidiennes, nous entendons par exemple les noyades provoquées par
l'utilisation d'une étendue d'eau afin d'abreuver des chevaux, de puiser
de l'eau, de laver du linge, ou de jouer près d'un cours d'eau, ce qui
concerne en l'occurrence surtout des enfants. Nous relevons même le cas
un peu particulier du nommé Antoine qui en « satisfaisant ses
besoins naturels » s'est noyé dans le Rhône à
Lyon le 22 septembre 1835203. L'activité qui provoque le plus
de victimes concerne les jeux pratiqués par des enfants et qui par
inadvertance se noient. En effet, l'enfance représente un âge
particulièrement vulnérable face à ce genre de
péril, l'eau devenant alors propice au jeu et à l'amusement. On
totalise au total 9 cas d'enfants qui généralement après
avoir chuté dans l'eau en jouant se noient. Nous avons par exemple le
cas d'un enfant nommé Étienne Derbiat qui, le 29 juillet 1836
s'est noyé dans le Rhône près du pont Morand alors qu'il
jouait sur le quai qui borde le fleuve. Nous rencontrons également une
victime adulte qui se noya dans ces conditions, il s'agit du cas du
nommé Joseph Bruyau, âgé de 33 ans, qui s'est noyé
à Lyon dans le Rhône le 8 mai 1821 alors qu'il «
s'amusait à faire tomber dans le fleuve, en frappant du talon des
parties de terre que le Rhône avait miné à quelques
distances en aval du pont de la Guillotière204 ».
La deuxième activité quotidienne qui comptabilise le plus de
noyade est l'abreuvage de chevaux. On recense au total 9 victimes qui ont
péri alors qu'elles faisaient boire leur(s) cheval(aux) comme le cas de
Mathieu Reynard, qui en 1822 se noya en « faisant boire son cheval
dans le torrent205 ». Concernant le cas des victimes
noyées alors qu'elles lavaient du linge, nous en rencontrons au total 6,
un homme et 5 femmes. Ces noyades peuvent avoir lieu dans un cours d'eau, dans
un lavoir comme dans un réservoir ou une pièce d'eau
située au domicile de la victime.
203 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
204 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
205 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
94
95
Nous pouvons citer le cas de Claudine Lavarel, domestique
âgée de 31 ans qui s'est noyée le 28 novembre 1849 en
lavant du linge, ou celui de Victoire Lecomte, 18 ans, qui est tombée
dans la Saône à Lyon le 8 mai 1835 en lavant également du
linge206.
d) Les noyades accidentelles liées à l'ivresse
: une surreprésentation de victimes de sexe masculin
L'ivresse est « l'état d'intoxication produite
par l'alcool et causant des perturbations dans l'adaptation nerveuse et la
coordination motrice207 ». Au cours de nos
dépouillements, nous avons rencontré un nombre important
d'accidents mortels qui avaient été provoqués par une trop
grande ingurgitation d'alcool provoquant alors chez les victimes un état
de somnolence et une certaine inconscience face aux dangers. Nous estimons le
nombre de noyades accidentelles influencées si ce n'est produites par un
état d'ébriété à 19. Au sein de ces 19 cas,
18 sont des hommes et 1 seul concerne une femme. Nous pouvons évoquer
pour illustrer cette tendance masculine le cas tout d'abord d'Antoine Joubert,
24 ans, apprenti tailleur qui le 11 février 1819 à 20 heures
« traversa la Saône avec un de ses camarades nommé
Benoît Tiveaux » avec lequel il s'amusa à à boire
ce qui provoqua sa chute et sa noyade dans un endroit de la Saône
à Villefranche où « il y avait environ 10
pieds208 d'eau209 ». Nous pouvons
également évoquer le cas de Jean-Pierre Richard, âgé
de 28 ans qui le 30 juin 1828 s'est noyé accidentellement dans le
Rhône à Vienne étant dans « état complet
d'ivresse, il voulut se baigner et fut entrainé par le courant et
disparu immédiatement sous les eaux210 ». Le seul
cas féminin que nous rencontrons est quant à lui associé
à la nommée Louise Lisseur qui se noya accidentellement dans la
Saône à Lyon le 9 janvier 1823 cette femme étant «
ivre de vin et de liqueurs211 ».
206 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
207 LE ROBERT, « Ivresse ». Dans Dictionnaire en
ligne. Consulté le 15 juin 2024. Disponible sur : <
https://dictionnaire.lerobert.com/definition/ivresse>
208 Unité de mesure correspondant à 30,48
centimètres.
209 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M490.
210 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
211 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
96
En conclusion de cette partie, nous pouvons dire que les
noyades accidentelles, qui ont lieu principalement dans les eaux de la
Saône et du Rhône au XIXème siècle et au début
du XXème siècle touchent tous les profils de victimes, que ce
soit la petite fille qui joue sur les bords du Rhône ou un homme plus
âgé qui chute alors qu'il est épris de vin.
Représentant près de la moitié des noyades, elles sont
attribuées pour la plupart à des chutes ou à des accidents
de la navigation. Une autre circonstance provoquant des noyades accidentelles
reste cependant à développer et pas des moindres : le cas des
baignades.
II- Les noyades liées aux baignades
Dans une deuxième partie, nous allons nous
intéresser à l'une des causes principales des noyades
accidentelles ayant lieu dans le département du Rhône de 1800
à 1950 : les baignades. Comme nous avons pu l'évoquer dans notre
première partie, la baignade fait partie intégrante de la vie des
Lyonnais et ce depuis longtemps. Cependant, par un manque accru de pratique, ou
par la dangerosité que peut révéler parfois les eaux des
fleuves, la fréquence des noyades engendrées après une
baignade est considérable. Nous allons étudier de plus
près ce phénomène qui touche la population rhodanienne au
XIXème siècle et au début du XXème siècle et
tenter d'établir le profil de ces baigneurs ainsi que les circonstances
de ces noyades. Représentant 158 cas au sein des 483 noyades
accidentelles recensées, les noyades liées aux baignades
représentent alors 32,71% des noyades accidentelles soit 14,85% du total
des noyades.
a) Le profil des baigneurs
Il est intéressant de tenter de produire le profil de
ces baigneurs qui enfreignent parfois les lois et les interdictions
imposées par les autorités publiques pour se baigner à
certains endroits. Tout d'abord, nous supposons que le nombre de noyades ayant
eu lieu à la suite d'une baignade est dans les faits plus important que
ce que révèlent les archives, en raison notamment d'une
non-connaissance dans certains cas des circonstances de la noyade d'une
personne. On suppose ceci en raison de l'observation faite selon laquelle il y
a une majorité de noyade qui ont lieu durant la période de
l'été et plus précisément durant le mois de juin au
mois de septembre. Nous aurons l'occasion de revenir sur les périodes de
prédilection des baigneurs dans la sous-partie suivante.
212 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
97
Dans son étude, Françoise Bayard estimait
qu'à Lyon aux XVIIème et XVIIIème siècles se
baigner dans les fleuves n'avait rien d'étonnant et déclarait que
: « La baignade est pratiquée par les deux sexes, à tout
âge, dans tous les milieux sociaux, à tout moment, dans des lieux
variés et selon des modalités différentes ».
Néanmoins, elle poursuit ses propos en déclarant qu'en examinant
la levée des cadavres des noyés, on pourrait croire que la
natation est réservée aux personnes de sexe masculin, deux
victimes de sexe féminin seulement ayant été
recensées de 1624 à 1789. En étudiant les baignades aux
XIXème et dans la première moitié du XXème
siècle, on observe que ces conclusions sont toujours
d'actualités. En effet, l'intégralité des baigneurs qui se
sont noyés sont des hommes, on ne recense aucune victime féminine
entre 1800 et 1950. Dans 44 cas, l'âge de la victime est inconnue,
cependant on constate que pour les victimes dont on connaît
l'identité, tous les âges sont représentés. La
victime la plus jeune que nous rencontrons a 8 ans tandis que la plus
âgée a 69 ans. Cependant, dans l'ensemble les victimes sont
relativement jeunes, la moyenne d'âge de ces baigneurs étant
d'environ 20 ans. L'un des moyens d'identifier le cadavre d'un baigneur est la
présence de la nudité chez la victime. En effet, un nombre
important de baigneurs se baignent nus durant cette période ou parfois
avec un slip de bain. Les descriptions des cadavres par ailleurs
évoquent assez régulièrement la présence de cette
nudité chez la victime même lorsque son identité demeure
inconnue ce qui nous permet de reconnaître les baigneurs parmi l'ensemble
des noyés. Nous avons par exemple le cas d'un cadavre retrouvé le
20 juillet 1865 dans le Rhône à Lyon et dont la description
retranscrite dans le PV est la suivante : « on présume que la
victime s'est noyée en se baignant (É) complètement nu sur
le bord du Rhône près du parc de la tête
d'Or212 ».
98
b) Les périodes de prédilection des
baigneurs
Désormais, nous allons nous intéresser aux
périodes durant lesquelles le plus de baigneurs se noient. C'est
très logiquement que la période de l'année durant laquelle
on recense le plus de victimes de noyade lors des baignades est
l'été. En effet, l'intégralité des disparitions des
baigneurs a lieu entre le mois d'avril et le mois de septembre, périodes
propices aux baignades notamment en raison du climat et de la chaleur estivale
qui poussent les hommes à se rafraîchir dans une étendue
d'eau.

Concernant les périodes de découverte des
cadavres de baigneurs, il est difficile d'avérer que les statistiques
que nous avons construit sont fiables notamment dû au fait que nous ne
pouvons pas faire le rapprochement entre les victimes ayant disparu et les
cadavres qui sont retrouvés lorsque l'identité de l'un ou de
l'autre n'est pas connue ou qu'il est difficile d'identifier le corps.
Cependant, les résultats que nous trouvons nous permettent d'admettre
que les cadavres de baigneurs qui sont retrouvés le sont tous durant la
période estivale également, même si pour 118 des cas de
noyades après une baignade nous ne connaissons pas la période de
découverte du cadavre ayant disparu dans l'eau. Le graphique suivant
n'est donc pas représentatif de la réalité, et bien plus
de cadavres ont été retrouvés mais il nous permet
cependant d'avoir une idée des périodes durant lesquelles il est
fréquent de retrouver les cadavres de baigneurs.

99
c) Les lieux de prédilection des baigneurs
Enfin, nous allons nous intéresser aux lieux de
disparition des baigneurs dans le département du Rhône au
XIXème siècle et au début du XXème siècle en
nous appuyant sur les archives des PV des ADR. Nous observons une
majorité de disparition et de noyade de baigneurs dans le Rhône
dans lequel on recense 70 cas plus deux cas dans ses lônes, qui sont des
bras du fleuve. Dans la Saône, nous recensons au total 55 cas de
disparitions ayant eu lieu après une baignade.

100
Concernant les communes, on observe une majorité de
disparitions qui ont lieu dans la ville de Lyon, cette ville
représentant à elle seule 87 cas. Nous pouvons également
observer que les communes frontalières de la ville de Lyon sont les plus
touchées après celle-ci, avec notamment un nombre important de
disparitions recensées dans la commune de La Guillotière par
exemple213. Il faut également noter qu'un certain nombre de
ces noyades de baigneurs ont lieu dans les fossés et notamment au sein
du fossé du fort de Villeurbanne. Construit à partir de 1831, ce
fort, également appelé « fort Montluc » était
situé sur la rive gauche du Rhône214 et accueillait
régulièrement des baigneurs qui venaient s'y rafraîchir
l'été ou même des personnes qui y chutaient
accidentellement. Nous pouvons notamment évoquer le cas de Jean-Claude
Four, âgé de 15 ans qui s'est noyé accidentellement le 5
juillet 1866 alors qu'il se baignait dans le fossé du fort de
Villeurbanne215. Les baigneurs se donnent également
rendez-vous sur des plages non encadrées, on en recense notamment
à Collonges-au-Mont-d'Or, à Rochetaillée, à
Neuville-sur-Saône mais également à Caluire-et-Cuire avec
la plage de Saint-Clair, ou la plage du Rhône à Lyon située
près du parc de la Tête d'or216.
III- La noyade comme outil de suicide
Dans un troisième temps, nous allons nous attarder sur
les noyades qui sont utilisées comme un moyen de mettre fin à ses
jours. Nous identifions 144 cas de suicides parmi les 1064 noyades
recensées.
a) Le profil des suicidés
Tout d'abord, nous allons nous intéresser au profil de
ces suicidés qui ont eu recours à la noyade afin de mettre fin
à leurs jours. La majorité de ces victimes sont de sexe masculin,
nous recensons un total de 110 hommes pour 34 femmes ce qui fait de la noyade
le moyen le plus couramment utilisé par les femmes pour se suicider.
213 Voir annexe n°7 dans la partie « Annexes ».
214 Jean ROBERT, « Le Fort Montluc », Musée
militaire Lyon, mis en ligne le 7 août 2021. Consulté le 17 juin
2024.
Disponible sur : <
https://museemilitairelyon.com/2021/08/07/548/>
215 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
216Rym HAOUARI, Baignades dans le Rhône
et la Saône au XXème siècle, Rapport de stage sous la
direction de Magali Delavenne, 2023.
Si l'on s'intéresse désormais à la
nationalité des suicidés, on observe que 113 victimes sont
françaises, l'une est algérienne et pour les 30 cas restants, la
nationalité est inconnue. Pour la profession, cette dernière est
connue pour 68 victimes, parmi lesquelles tous les milieux sociaux sont
représentés. La majorité des victimes sont issues du
milieu ouvrier, avec la présence par exemple d'ouvriers en soie,
d'ouvriers tailleur ou de menuisiers. Cependant, on observe également la
présence de victimes issues de la bourgeoisie et des classes
aisées avec la présence en particulier d'un chirurgien, d'un
agent de change, d'un négociant et d'un rentier. On recense aussi des
victimes issues cette fois-ci d'un milieu défavorisé telles que
des domestiques ou un voiturier. Enfin, plus surprenant, le milieu religieux
est également représenté avec la présence d'un
prêtre, le nommé Guillot, qui s'est suicidé en sautant du
pont des Culattes dans le Rhône à Lyon le 1er février 1833.
Ce qui peut être considéré comme surprenant concernant ce
cas en particulier, c'est le recours à la noyade comme moyen de suicide
étant donné que la noyade n'offre que rarement
l'opportunité de donner une sépulture à la victime, mais
également dû au fait que le suicide est condamné dans la
religion chrétienne et empêcherait l'accès au paradis lors
du Jugement dernier. Ce dernier se serait suicidé à cause de
douleurs nerveuses très aigües217. Enfin, en
étudiant désormais l'âge des suicidés, que l'on
connait dans 74 des cas recensés, on observe que l'âge moyen des
victimes de suicide par noyade est plus élevé que dans les autres
circonstances de noyades évoquées précédemment. En
effet, la moyenne d'âge des suicidés se situe vers les 40 ans. La
victime la plus jeune est un jeune homme âgé de seulement 13 ans
qui souffrait d'une maladie vénérienne depuis longtemps tandis
que la victime la plus âgée est une femme de 70 ans dont on ignore
les motifs qui l'ont poussée à se suicider.
b) Les motifs
Afin d'en apprendre un peu plus, et d'essayer de comprendre
les raisons qui poussent ces personnes à se suicider en se noyant durant
le XIXème siècle et le début du XXème
siècle, nous allons étudier les motifs et les raisons de leur
désespoir, si désespoir il y a. Comme nous avons pu
l'évoquer, les suicides touchent l'ensemble de la population, jeunes et
vieux, riches et pauvres, femmes et hommes, nous allons donc tenter
d'établir le profil de ces suicidés en se basant non pas sur leur
identité ou leur milieu social mais sur les motifs personnels. Les
motifs ne sont pas évoqués régulièrement pour la
simple et bonne raison qu'ils ne sont pas connus dans la majorité des
cas.
217 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
101
102
Lorsqu'ils sont connus, c'est grâce à l'entourage
des victimes ou à des écrits qui ont été
laissés par la victime elle-même. Nous pouvons identifier les
motifs qui reviennent le plus souvent. L'une des raisons poussant au suicide
qui est le plus souvent évoquée est celle des douleurs qui sont
devenues insurmontables pour les victimes de maladies ou de blessures tel que
le cas d'Ennemond Gillet, un rentier français qui s'est suicidé
en 1818 et qui « sujet à de violents maux de nerfs s'est
noyé volontairement218 ». Nous pouvons
également évoquer le cas de Louis Aubert, un jeune ouvrier
horloger de 21 ans qui s'est suicidé dans la Saône à Lyon
le 11 juillet 1822 en raison d'une maladie qui « l'avait rendu
très mélancolique » et dont la guérison, trop
longue, avait provoqué chez lui une douleur et un chagrin trop important
pour continuer à vivre219. L'aliénation mentale
constitue également un motif que nous rencontrons à plusieurs
occasions tels que pour les cas de Benoît Cusin qui est mort noyé
dans un fossé à Arnas en 1821220 et celui de
Marguerite Bullion, 65 ans, décideuse, qui s'est suicidée en se
précipitant dans une citerne en 1850. Un autre motif que nous avons pu
rencontrer à maintes reprises est celui du chagrin et/ou de la
dépression provoquée par une vie de misère ou après
un événement traumatisant comme la perte d'un proche tel que ce
fut le cas pour Gabrielle Fayolle, dont la douleur d'avoir son perdu son mari 6
mois auparavant était devenue insurmontable et l'a ainsi poussée
à se jeter dans la Saône du haut du pont de la Mulatière
à Lyon le 5 mai 1819221. Enfin, la dernière raison
poussant au suicide que nous avons pu rencontrer plusieurs fois au cours de nos
recherches est l'ivresse et la faculté de l'alcool à
désinhiber ou à déprimer les personnes qui en consomment.
Déjà évoquée dans le cas des noyades accidentelles,
l'ivresse est une fois de plus mentionnée dans le cas des suicides et ne
concernent que des hommes tel que le nommé Desimart, crochetier
français âgé de 45 ans qui se jeta dans la Saône
à Lyon le 15 décembre 1818 étant dans un état
complet d'ivresse222.
218 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
219 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
220 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
221 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M490.
222 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
103
c) Les lieux et les dates de prédilection des
suicidés
Nous allons maintenant nous intéresser aux lieux et aux
périodes de prédilection des suicidés par noyade. Tout
d'abord, concernant les lieux de suicide recensés au sein des archives,
on observe que la majorité des suicides ont lieu à Lyon dans la
Saône puis dans le Rhône. 24% des suicides ont lieu dans le
Rhône tandis que 26% ont lieu dans la Saône. Les autres lieux dans
lesquels on recense des suicides sont divers et variés et ne concernent
qu'une minorité des cas, nous rencontrons par exemple des noyés
dans des cuves, réservoirs, des mares, des boutasses, des fossés
ou dans le canal situé à Villeurbanne.

En nous intéressant désormais aux ponts
utilisés à Lyon pour se noyer, nous nous apercevons que celui qui
est le plus souvent cité est le pont de Pierre223. Concernant
les mois durant lesquels nous recensons le plus de suicide, nous observons que
c'est le mois d'avril qui revient le plus souvent, représentant 14
suicides, puis le mois de juin qui représente quant à lui 11
suicides, tandis que nous ne connaissons pas la date du suicide de 63
victimes.
223 Voir annexe n°8 dans la partie « Annexes ».


104
Pour conclure, nous pouvons dire que la noyade est très
souvent utilisée par les personnes souhaitant mettre fin à leurs
jours et demeure ainsi la première circonstance de suicide. Si la
majorité des victimes sont des hommes, il est intéressant
d'observer qu'une part non négligeable de femmes a également
recours à la noyade pour se suicider. L'ensemble des milieux sociaux
sont représentés, tandis que la moyenne d'âge est quant
à elle plus élevée que celle établie au sein des
noyades accidentelles. Le nombre de suicide retranscrit au sein des PV et des
registres est cependant à remettre en question. Il est probable qu'il y
en ait en réalité plus de suicides que ce qui a été
retranscrit, notamment par rapport au fait que la fiabilité des
conclusions, souvent hâtives est à remettre en cause, mais
également par le fait que même lorsque le suicide d'une personne
était connue des autorités, il n'était pas
forcément rendu public tel que Sébastien Jahan le déclare
: « L'inhumation en terre non consacrée attendait aussi parfois
celui que l'on pensait s'être suicidé par noyade. Encore, les
preuves d'une certaine indulgence sont-elles ici fréquentes, en
particulier lorsque la personne jouissait d'une bonne réputation. Le nom
du mort et les pressions de la famille vont servir ici à échapper
la honte d'une exclusion de la communauté des morts224
».
224 Sébastien JAHANB, « Le corps englouti : les
noyés aux Temps modernes », Corps submergés, corps
engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans
l'Antiquité à nos jours, sous la direction de
Frédéric Chauvaud, Créaphis, 2007, pp. 60-61.
IV- La noyade comme moyen de commettre un homicide
Dans une quatrième et dernière partie de ce
chapitre, nous allons nous attarder sur la dernière circonstance des
noyades que l'on a identifié au cours de nos recherches, à savoir
l'homicide. La noyade utilisée comme arme meurtrière concerne ici
27 noyés parmi les 1064 recensée, dont 14 sont des adultes et 13
des enfants. Comme évoqué dans notre première partie, nous
ne ferons pas la distinction entre les assassinats, qui sont des meurtres avec
préméditation, les homicides volontaires et les homicides
involontaires, nous prendrons en compte l'intégralité des cas.
Nous ne prendrons également qu'en compte les homicides qui sont
avérés au sein des conclusions, et non pas les cas qui pourraient
être des homicides, n'ayant aucune certitude à leur
égard.
a) Le profil des victimes et des meurtriers
Tout d'abord nous allons nous intéresser au profil des
victimes ayant été tuées à l'âge adulte. Au
sein des 14 cas d'homicides que nous relevons, 9 concernent des hommes, et 5
des femmes. Dans l'ensemble des cas, nous connaissons le sexe de la victime,
à la différence de l'âge qui n'est cité que dans 10
cas et du nom de famille et du prénom de la victime que l'on connait
pour 11 cas. L'ensemble des victimes qui ont été tuées et
que nous recensons ont la nationalité française. En ne prenant
toujours pas en compte les infanticides, la moyenne d'âge des victimes
est assez élevée puisqu'elle est de 40 ans. Si nous la calculons
désormais en prenant en compte l'intégralité des victimes,
elle descend à environ 20 ans, tout en sachant qu'entre 1 an et 18 ans,
nous ne recensons aucune victime. Concernant 12 cas sur les 27 que nous
recensons, des traces de violence ont été observées et ont
permis de constater que la victime avait été assassinée.
Ces différentes marques peuvent être des ecchymoses, des traces de
strangulation ou de coup, des contusions, des mutilations ou des traces de
pression et de maintien. Nous avons par exemple le cas de Claudine Vercelice,
50 ans, dont le cadavre fut retrouvé près du pont Pasteur dans le
Rhône à Lyon le 8 avril 1946 et portait « de multiples
traces de violence sur la tête et sur les membres et des tentatives de
strangulations225 ». Si l'on s'intéresse
désormais au profil des meurtriers, il est très difficile
à définir, ces derniers n'étant identifiés que dans
3 cas. Nous pouvons cependant constater que dans ces 3 cas, le coupable est un
proche de la victime, par exemple Marie Vagnon, âgée de 36 ans a
été
225 AML, Lyon, Archives de l'IML, Morgue, dépôt des
morts, 1946, Côte 2764W2.
105
106
jetée dans le Rhône à Lyon le 15 mars 1864
par le nommé Claude Guillet, âgé de 38 ans avec lequel elle
entretenait des relations adultérines226. Dans le dernier cas
que nous avons recensé, la victime a été tuée par
son frère et concernant le troisième cas il fut tué par
son neveu.
b) Les infanticides
Comme nous venons de l'évoquer, presque la
moitié des victimes sont des enfants en bas-âge. Concernant ces 13
victimes de noyade, nous ne connaissons pas leur identité, à
savoir leur âge, leur prénom, leur nom ou leur nationalité.
Nous connaissons en revanche pour 10 de ces 13 cas l'âge approximatif de
la victime et notamment s'il s'agit d'un foetus, qui n'a pas achevé son
développement et qui est donc victime soit d'une mort
prématurée lors d'une grossesse qui n'a pas abouti ou alors soit
une victime d'avortement clandestin. Nous recensons sept victimes qui sont
décrites comme étant des foetus parmi lesquelles 6 sont de sexe
masculin, 3 de sexe féminin, et un de sexe inconnu. Nous avons
rencontré par exemple le cas sordide d'un nouveau-né dont des
morceaux ont été retirés de la Saône le 21 novembre
1823 à Lyon et dont la description dans le PV était la suivante :
« main d'un enfant nouveau-né a été
retirée de la Saône (É) cadavre qui a été
retiré en plusieurs morceaux (É) comme on le suppose, l'enfant
n'aurait pas été exposé et dévoré ensuite
par des chiens227 ». À propos des cas de
nouveau-né qui ont été noyés alors qu'ils
étaient nés viables, nous recensons trois cas, dont un
bébé de sexe masculin âgé de 2 mois dont le cadavre
a été repêché le 3 décembre 1864 dans le
Rhône à Lyon228. Les deux cas de bébés
nés viables et qui furent tués alors qu'ils étaient
âgés d'au moins plusieurs mois sont deux bébés de
sexe féminin. Ces deux cas sont similaires sur plusieurs points. Tout
d'abord, ces deux bébés ont été retrouvés
dans le Rhône à Givors, à seulement un jour d'intervalle.
La première victime a été retrouvée le 11 septembre
1865 tandis que la deuxième fut retrouvée le 12 septembre de la
même année. De plus, ces deux bébés étaient
âgés de respectivement 6 et 10 mois. Enfin, leur cadavre a
été retrouvés mutilé d'une manière horrible,
leur description met l'accent sur ces mutilations atroces, dans le premier cas
il est retranscrit qu'un « cadavre d'un enfant appartenant au sexe
féminin (É) enveloppé dans un torchon de toile
grossière (portait) d'horribles mutilations229 »
alors qu'il est
226 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
227 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M492.
228 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
229 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
107
retranscrit pour le deuxième cas qu'il s'agit du
« cadavre d'une petite fille, âgée d'environ dix mois et
qui avait quand on l'a découvert les quatre membres coupés et
portait sur le corps des traces de mutilations230 ». Ces
similitudes nous font présumer que ces victimes ont été
tuées par le même meurtrier.
c) Une sous-représentation des noyades dans les
procès-verbaux et les registres?
Même si la noyade ne demeure pas le premier moyen
employé par les meurtriers pour tuer leur victime, elle a cependant
certaines particularités qui pourraient présenter un
intérêt quant à son utilisation par les meurtriers. Tout
d'abord, l'avantage de la noyade qui peut être recherché par les
meurtriers est le fait qu'elle ne laisse pas ou rarement des traces et des
indices lorsque le cadavre est retrouvé, comme le déclare
Sébastien Jahan : « L'eau est le déversoir du crime.
Elle engloutit le forfait de l'assassin avec le cadavre, et souvent le nom de
sa victime. Livré au fil de l'eau, le corps finit par s'échouer,
stoppé par des branchages, ou bien remonter des profondeurs,
ramassé par quelque passeur ou pêcheur de rivière. Mais
lorsqu'il ressurgit, des jours voire des semaines plus tard, le temps et la
mort ont fait leur oeuvre : la dépouille n'est plus « lisible
». La décomposition a maquillé les coups et les blessures,
corrompu les chairs et les vêtements au point de rendre parfois le
cadavre inidentifiable231 ». La deuxième
particularité est le fait qu'il y a de fortes probabilités pour
que le corps ne soit pas retrouvé par les autorités ou du moins
qu'il soit retrouvé dans un tel état de décomposition ou
de dégradation que celle-ci ne permette pas l'identification de la
victime. De plus, il est relativement complexe pour la police de
déterminer réellement les circonstances de la noyade et de savoir
si cette dernière est le fruit d'un accident, d'un suicide ou d'un
meurtre. C'est pour cette raison que dans un nombre important de noyade, la
conclusion n'est pas certaine, on observe par exemple que pour 197 cas, la
conclusion de la mort oscille entre une noyade provoquée à la
suite d'un accident ou d'un suicide, que dans un cas la conclusion de la noyade
est celle d'un homicide ou d'un suicide, et que dans 212 cas, nous ne
connaissons pas la conclusion et les circonstances de la noyade. De plus,
même lorsque la conclusion est établie au sein des PV ou des
registres de la morgue, la fiabilité de celle-ci peut facilement
être remise en cause, dû notamment au fait que les conclusions se
font très rapidement, généralement dans le jour qui suit
la découverte du
230 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M494.
231 Sébastien JAHANB, « Le corps englouti : les
noyés aux Temps modernes », Corps submergés, corps
engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans
l'Antiquité à nos jours, sous la direction de
Frédéric Chauvaud, Créaphis, 2007, pp. 60-61.
108
cadavre, et qu'aucune enquête préliminaire n'est
réalisée avant. Enfin, la dernière raison pour laquelle il
nous faut remettre en cause le nombre d'homicides au sein de nos bases de
données est tout simplement le fait que les policiers déclarent
qu'une victime est décédée à la suite d'un homicide
uniquement dans les cas où il y a une présence visible de traces
violentes, la présence d'un témoin ou lorsque la victime n'a pu
se noyer volontairement comme c'est le cas concernant les infanticides. Nous
estimons donc que le nombre d'homicides par noyade est bien plus important dans
les faits que dans les archives, même s'il est très
compliqué de le déterminer.
En conclusion de ce chapitre nous pouvons estimer que les
homicides identifiés au sein des archives des PV et des registres ne
reflètent pas la réalité des noyades qui eurent lieu dans
le département du Rhône entre 1800 et 1950. Concernant les cas que
nous avons pu étudier, il est important de rappeler que la moitié
des cas sont des enfants de moins d'un an, et que globalement on retrouve
autant de victimes de sexe masculin que de victimes de sexe féminin. Il
est également probable que pour une majorité des cas le meurtrier
soit connu par la victime, étant donné que concernant les
meurtres dont on connait le coupable, ce dernier est à chaque fois un
proche de la victime.
109
PARTIE 3
LES AMÉNAGEMENTS ET LES OUTILS DE LUTTE CONTRE LES NOYADES
MIS EN PLACE À PARTIR DU XIXÈME SIÈCLE EN FRANCE ET
À LYON
110
Maintenant que nous avons pu étudier l'ensemble des
morts recensées dans le département du Rhône et plus
particulièrement à Lyon durant le XIXème siècle et
la première moitié du XXème siècle, et que nous
avons développé le cas spécifique des noyades, nous allons
désormais nous intéresser aux aménagements, structures, et
outils qui sont mis en place par les autorités publiques en France et
à Lyon afin de lutter et de prévenir les noyades. Dans un premier
chapitre, nous nous attarderons sur la politique de prévention et
d'intervention qui est mise en place par le gouvernement français et les
autorités publiques à partir du XIXème siècle et
dans un second chapitre, nous nous intéresserons à
l'émergence de la presse locale comme d'un outil de prévention et
d'éducation aux XIXème et XXème siècles dans le
département du Rhône et à Lyon.
111
CHAPITRE 1
UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES NOYADES QUI S'INTENSIFIE
AU XIXÈME SIÈCLE PUIS AU DÉBUT DU XXÈME
SIÈCLE EN FRANCE
Dans notre premier chapitre, nous allons traiter des
politiques de lutte contre les noyades qui sont mises en place par le
gouvernement français à partir du XIXème siècle et
les évolutions qu'elles connaissent tout au long de ce dernier et au
début du XXème siècle. Cette politique de lutte contre les
noyades passe par une politique de contrôle des baignades, qui demeurent
la première cause des noyades accidentelles avant le XIXème
siècle mais également la première cause des noyades
accidentelles de 1800 à 1950. Nous nous intéresserons dans une
première partie à la politique de prévention et
d'intervention mise en place par les autorités publiques ainsi que les
techniques de sauvetage qui sont élaborées, puis nous verrons
dans une deuxième partie l'influence que la presse locale possède
au XIXème siècle et au début du XXème siècle
concernant la prévention des noyades.
I- Une politique de prévention et
d'intervention qui émerge au XIXème siècle en France et
à Lyon
Avant le XIXème siècle, la prévention des
noyades est inexistante, tout comme le sauvetage. Les risques encourus par les
« travailleurs de l'eau » ainsi que par les baigneurs
n'intéressent guère les autorités de l'Ancien
Régime232. La priorité des sociétés
d'Ancien Régime est la « préservation et l'affirmation
de leurs pouvoirs et de l'ordre social233 ». C'est
seulement à la fin du XVIIIème siècle que l'on voit
apparaître les premières formes officielles à l'entraide
collective en faveur de son semblable dans le péril. Par ailleurs, avant
1816, le mot « sauveteur » n'existe pas, il ne sera admis par
l'Académie française qu'en 1835. Quant au terme « sauvetage
», il apparaît pour la première fois en France en 1773, avant
d'être accepté comme néologisme par l'Académie
française en 1835234. Cette arrivée tardive dans le
langage français de ces termes montre bien à quel point le
gouvernement français avant le XVIIIème siècle n'accordait
pas d'importance à la prévention et au
232 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques
d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de
sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et
des territoires, 2002.
233 Benoit GARNOT, « Justice et société dans
la France du 18ème siècle ». Dix-Huitième
Siècle n°37, p. 88.
234Frédéric CAILLE, La figure du
sauveteur. Naissance du citoyen-secoureur en France, 1780-1914. Presses
universitaires de Rennes, 2006, 320p.
112
sauvetage de la population lors de situation dangereuse.
À partir des XVIIIème et XIXème siècles, un
basculement a lieu dans la perception sociale de la noyade.
L'intérêt des pouvoirs publics ainsi que celui de la population
est désormais de repenser le monde en partant des dangers qui le
menacent235.
a) Des lois promulguées pour contrôler les
baignades
Le XIXème siècle en France est marqué par
une multitude de régimes politiques et une incertitude quant à
l'avenir politique du pays qui met de côté des questions
considérées comme de « second plan ». Marqué par
la Révolution française de 1789, le commencement du nouveau
siècle se fait presque dans le sang et la mort et va voir se substituer
pas moins de 6 régimes politiques, de l'Empire aux Républiques en
passant par une Restauration de la monarchie ce qui rend l'étude des
politiques de ce siècle particulièrement complexe. Cependant, la
prévention et le sauvetage des noyades, et particulièrement des
noyades maritimes vont peu à peu préoccuper les différents
gouvernements et permettre l'émergence de différentes lois, tout
d'abord destinées à contrôler les baignades qui se
développent massivement au XIXème siècle en raison
notamment de l'intérêt croissant de la population pour
l'hygiène. Si de prime abord, l'intérêt des politiciens
montre une volonté d'améliorer les techniques de sauvetage ou de
réduire le nombre de noyade ayant lieu à la suite de baignades
dans les cours d'eau français, leur politique cache en
réalité derrière cela un désir de contrôler
des comportements qui sont considérés comme irrespectueux et
impudiques, la plupart des baigneurs se baignant nus et étant issus
majoritairement des classes populaires. L'exhibition sexuelle, mais aussi les
postures prises par certains baigneurs ainsi que la promiscuité entre
les sexes choquent et outragent l'opinion publique ce qui provoquent
l'intervention du gouvernement avec une augmentation de la publication
d'ordonnances concernant les bains de rivières au cours du
XVIIIème siècle. En 1740, une ordonnance du Prévôt
des marchands236 interdit par exemple de se baigner nu sous peine
d'une amende de 150 livres237. Le 2 juin 1811, la police de Lyon
publie quant à elle une ordonnance stipulant qu'il « est
expressément défendu à toute personne de se baigner en
pleine eau, dans le Rhône et la Saône, à l'intérieur
de la ville et ailleurs que dans les bains
235 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques
d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de
sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et
des territoires, 2002.
236 Coll. MUSÉE GADAGNE, ville de Lyon, Inv. N24821 :
Ordonnance du Prévôt des Marchands Perrichon, 1740.
237 = Environ 1700 euros.
113
couverts238 ». D'autres lois seront
publiées au cours du XIXème et du XXème siècle pour
le contrôle de ces bains de rivière, on note notamment la
publication d'un arrêté préfectoral qui interdit la
baignade à Lyon dans les fossés d'enceinte des fortifications et
ainsi que sur les rives du Rhône et de la Saône ou
l'arrêté préfectoral du 6 août 1936 qui
réglemente principalement les baignades dans le but d'assurer le bon
ordre, la sureté et la salubrité des baignades dans les
rivières, canaux239.
b) La création de lieux de baignade surveillés
et encadrés
Devant une pratique toujours plus importante de la baignade en
pleine eau, les autorités publiques mettent en place petit à
petit des lieux destinés à la baignade, contrôlés et
surveillés, espérant ainsi réduire les baignades en dehors
de ces bains réglementés représentant une véritable
source de danger pour la population et causant un nombre conséquent de
noyades. À travers cette action, les autorités publiques
souhaitent également régler le problème que posent
l'exhibition et l'immoralité des baigneurs nus en pleine eau. C'est
ainsi qu'émergent les établissements de « bains flottants
» au sein de la capitale parisienne tout d'abord, puis dans d'autre
grandes villes françaises comme Lyon240. Installés de
manière provisoire, ils sont effectifs uniquement durant
l'été, et plus particulièrement de juin à
septembre. Le premier objectif avec la création de ces bains
surveillés et encadrés est d'éviter les noyades.
Cependant, à la fin du XIXème siècle, on observe une
baisse des bains à Lyon, que Thierry Terret explique dans son
étude241 par le fait de nombreuses destructions de ces
établissements dus aux catastrophes naturelles comme les crues, mais
également par le fait des travaux engendrés par la mairie pour la
construction de quais, de digues insubmersibles formées de bas-ports et
de murs de quai luttant notamment contre les innondations, ces dernières
ayant traumatisé les habitants de 1856 et 1889.
238 Pauline DELON, « Sais-tu nager? Pardi, je suis Lyonnais!
» : La politique municipale de la ville de Lyon en matière
d'établissements de bains au 19ème siècle. Mémoire
de recherche IEP, séminaire Ville et pouvoir urbain, mémoire sous
la direction de Renaud Payre, 2007.
239 Rym HAOUARI, Baignades dans le Rhône et la
Saône au XXème siècle, Rapport de stage sous la
direction de Magali Delavenne, 2023.
240FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs,
Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022),
Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales,
économiques et des territoires, 2002.
241 Thierry TERRET, Les défis du bain : formes de
pratiques, modèles et résistances dans les processus de diffusion
de la natation sportive. Thèse STAPS, sous la direction de P.
Arnaud, Lyon 1, 1992.
Afin de contrer cette diminution des bains flottants, le
Préfet du Rhône demande le 4 août 1873 à
l'ingénieur en chef de la mairie, de réaliser un projet proposant
d' « établir des bains publics et gratuits sur le
Rhône242». Malgré l'ouverture de ces lieux de
baignades encadrés et gratuits, le nombre de baigneurs en pleine eau ne
diminue pas, et aucune réduction des accidents liés à ces
baignades n'a été observée243.
c) La création des écoles de natation
Les nombreuses catastrophes et noyades liées à
l'incompétence de la population à savoir nager conduit peu
à peu le gouvernement et les villes à s'engager dans la
transmission de l'art de nager, de la surveillance des rivières ainsi
que dans l'assistance aux noyés. L'apogée des
établissements de bains flottants durant la période du Second
Empire voit apparaître également l'émergence dans certains
de ces établissements de cours de natation le long des rivières
françaises. La première école de natation est
créée en 1785 sur la Seine par Barthélémy Turquin
à l'île Saint Louis244. Destinés à des
classes aisées, ces cours sont dispensés par des «
maîtres de nage » dont le travail demeure exclusivement saisonnier.
Ces maîtres de nage au sein des bains froids de rivière sont alors
la plupart du temps des « mariniers nageurs surveillants » ou des
« bateliers nageurs » qui en plus d'enseigner la natation veille au
respect des normes de sécurité ainsi qu'au respect des
comportements des nageurs. Ils contrôlent les baignades dans les bains de
rivière tout en intervenant lorsque des baigneurs se montrent
imprudents. À la différence des surveillants-sauveteurs que nous
aurons l'occasion d'évoquer ultérieurement et qui assurent la
sécurité des baignades publiques dans les cours d'eau, les
maîtres-nageurs des écoles de natation sont soit salariés
soit propriétaires de l'école245.
242 AML, Ville de Lyon, Avant projet d'établissement de
bains publics et gratuits sur le Rhône, 8 août 1873, Côte
1146 WP 0097.
243 Pauline DELON, « Sais-tu nager? Pardi, je suis Lyonnais!
» : La politique municipale de la ville de Lyon en matière
d'établissements de bains au 19ème siècle. Mémoire
de recherche IEP, séminaire Ville et pouvoir urbain, mémoire sous
la direction de Renaud Payre, 2007.
244FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs,
Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022),
Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales,
économiques et des territoires, 2002, Chapitre 1 - Genèse du
problème public de la noyade.
245 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques
d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de
sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et
des territoires, 2002, Chapitre 1 - Genèse du problème public de
la noyade.
114
On retrouve notamment une école de natation sur la
Saône au pont du Change à Lyon qui accueille des
élèves durant la première moitié du XIXème
siècle et jusqu'en 1843246.
II- Un intérêt croissant de l'État
et de la population pour le sauvetage et l'assistance aux noyés tout au
long du XIXème siècle
Durant le XIXème siècle, une autre
préoccupation intrigue les autorités publiques : le sauvetage. Le
sauvetage qui arrive tardivement dans le vocabulaire français comme nous
avons pu le faire remarquer lors de notre introduction est une pratique peu
courante durant l'époque moderne. Peu à peu avec l'intervention
des autorités ainsi que l'image héroïque attribuée
à ses adhérents, le développement des méthodes de
sauvetage et des sauveteurs dans la sphère publique comme dans la
sphère privée va émerger.
a) La création des surveillants-sauveteurs par
l'État
L'intérêt de l'État pour le sauvetage
débute avec le sauvetage en mer au début du XIXème
siècle, le sauvetage en eau douce n'intéressant pas
immédiatement les autorités publiques. C'est ainsi que sont
créées les sociétés de sauvetage au début du
siècle, et notamment la Compagnie de Boulogne-sur-mer en 1825,
première société de sauvetage en France. Leur but est de
« prévenir les accidents, porter assistance à toutes les
personnes en danger de se noyer et à procurer aux individus
retirés de l'eau tous les secours propres à les rappeler à
la vie247 ». De multiples inventions sont ensuite
crées pour porter secours aux noyés telles que la chaloupe
insubmersible ou la ceinture de sauvetage en 1842. En 1865, une
Société centrale de sauvetage des naufrages est
instituée et reconnue d'utilité publique le 17 novembre 1865. En
1889, le premier Congrès international de sauvetage se
réunit à la suite duquel une brochure sera publiée en
France dans laquelle sont donnés des conseils pratiques ainsi que les
gestes à avoir lorsque l'on sauve une victime de la noyade comme la
technique du bouche-à-bouche. L'émergence de tous ces
événements et la création de ces structures montrent
l'intérêt désormais des autorités
françaises
246 Pauline Delon, « Sais-tu nager? Pardi, je suis
Lyonnais! » : La politique municipale de la ville de Lyon en
matière d'établissements de bains au 19ème
siècle. Mémoire de recherche IEP, séminaire Ville et
pouvoir urbain, mémoire sous la direction de Renaud Payre, 2007.
247 Frédéric CHAUVAUD, « Submersions et
catastrophes : les figures du noyé au XIXè siècle »,
Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et
de la noyade de l'Antiquité à nos jours, sous la direction
de Frédéric Chauvaud, Créaphis, 2007, pp 82-83.
115
116
pour lutter contre les noyades. C'est dans ce contexte que
« les pouvoirs publics accordent des concessions aux exploitants de
« bains froids » de rivière à la condition que ces
« maîtres de bains » contrôlent par l'emploi de «
bateliers nageurs » ou de « mariniers nageurs surveillants »
plus que la sécurité, le respect des comportements
adéquats à la pudeur ambiante248 ». Cette
nouvelle profession dans le domaine de la baignade instituée par
l'État est celle des surveillants-sauveteurs. Ils sont gendarmes,
garde-champêtres ou militaires de profession et leur mission est
d'assurer la sécurité des baignades publiques. Ils sont
rémunérés soit par l'exploitant des bains de
rivière, soit par les autorités locales.
b) L'émergence de sauveteurs anonymes
Pendant longtemps, l'assistance aux victimes de noyades est
inexistance chez les particuliers. Cette non-assistance de la population
s'explique tout d'abord par une peur de l'eau qui paralyse la population. Peu
d'individus sont alors en capacité d'intervenir auprès d'une
victime en milieu aquatique, même lorsque la profondeur de l'eau le
permet. Lorsqu'un noyé réapparaît à la surface de
l'eau ou est rejeté sur une plage ou une berge, sa vision fait peur
à la population, et ce dernier est généralement
laissé sur place. Lorsqu'il est hissé hors de la rivière,
le cadavre est ensuite déposé sur la terre ferme et
abandonné sur place avant l'arrivée des autorités. Parfois
observé par les habitants de passage, cet abandon des corps produit
cependant des réactions d'indignation telles qu'on peut le voir chez un
journaliste qui déclara au sujet d'un cadavre de noyé : «
il est donc resté pendant quatre heures exposé à la
curiosité malsaine des passants249 ». Cette
répulsion à l'égard des noyés s'explique par «
une peur d'entrer en contact avec le corps du noyé, de le
frôler ou de le toucher. Le noyé porte malheur,
chuchote-on250 ». De plus, cette répulsion face aux
cadavres des noyés s'accompagne par une peur des représailles que
pourrait effectuer la justice. La plupart des témoins
préfèrent donc s'abstenir. On observe notamment cette
répulsion au sein d'un des PV datant du 10 juillet 1812 et dans lequel
est déclaré : « qu'un cadavre de femme
arrêté, dans ces derniers temps sur les bords du Rhône,
territoire de Millery, y est resté exposé pendant plus de huit
jours (É) quelques habitants incommodés par l'odeur infecte de ce
cadavre l'ont poussé au milieu
248 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques
d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de
sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et
des territoires, 2002.
249 Le Journal de la Vienne, 8 décembre 1873.
250Frédéric CAILLE, La figure du
sauveteur. Naissance du citoyen-secoureur en France, 1780-1914. Presses
universitaires de Rennes, 2006, 320p.
du fleuve dont le courant l'a
entrainé251 ». C'est pour cette raison que les
autorités publiques interviennent afin de débloquer la situation
et d'inciter les gens à se manifester pour porter secours aux
noyés. Par exemple à Paris, la municipalité rappelle aux
habitants qu'ils sont aptes à secourir les noyés et
également à retirer leur corps de l'eau avant d'avertir le
garde-corps le plus proche où se trouve une boîte de secouriste
permettant d'effectuer les premiers soins. Des récompenses sont
également mis en place, par exemple les Parisiens peuvent recevoir 6
livres s'ils avertissent le premier le garde-corps ou 24 livres s'ils retirent
et administrent les secours au noyé252. À Lyon, on
observe ces secours aux noyés dans les corps de garde fonctionnent
dès 1780253. Cet intérêt pécuniaire
permet alors une augmentation de l'assistance aux noyés et est
renforcé par la diffusion de la presse et de l'image
héroïque qu'elle fait des sauveteurs comme nous aurons l'occasion
de le voir plus tard.
c) Les tentatives de sauvetage au sein des archives des
procès-verbaux de 1800 à 1939 dans le département du
Rhône
Enfin, nous allons nous attarder un instant sur ces tentatives
de sauvetage qui sont effectuées par des personnes qui sont
majoritairement « non-qualifiées ». Au cours de nos
recherches, nous avons eu l'occasion de rencontrer plusieurs cas de noyade
retranscrits au sein des archives des procès-verbaux dans lesquels sont
mentionnés qu'une tentative de sauvetage avait été
effectuée auprès de la victime avant la noyade de cette
dernière. Nous avons également pu voir des tentatives de
sauvetage qui se sont avérées efficaces. Concernant les
tentatives de sauvetage vaines tout d'abord, on en recense un nombre important.
En effet, dans bon nombre de cas de noyade, il est stipulé dans la
description du PV que tout a été mis en oeuvre pour tenter de
sauver la victime. Par exemple, nous pouvons lire au sein d'un PV
rédigé par le maire de Caluire-et-Cuire le 21 août 1817 au
sujet d'une noyade ayant eu lieu à la suite d'une baignade dans cette
commune le 15 août 1817 dans la Saône que « diverses
personnes qui se trouvaient présentes ont essayé mais inutilement
de lui porter secours254 ».
251 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M488.
252 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à
l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans
Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès
national des sociétés savantes. Section histoire moderne et
contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, pp.
229-242.
253 ADR, 10 G 3811, 2 août 1780 ; 26 juin 1782.
254 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M489.
117
118
Ces tentatives de secours peuvent être
identifiées tout d'abord par une tentative de retirer la personne de
l'eau comme on l'observe pour le cas de Laurent Louis Mazé, jeune homme
de 25 ans qui s'est noyé accidentellement le 14 juin 1836 dans la
Saône à Vaise et qui « a disparu sous un radeau, les
personnes qui étaient présentes ne sachant point nager n'ont pu
lui porter secours255 ». Les autres tentatives de
sauvetage effectuées se définissent par le fait de prodiguer des
soins à une victime sortie de l'eau afin de tenter de la réanimer
comme on peut l'observer notamment pour le cas d'Eugène Louis, 17 ans,
ouvrier français qui s'est noyé le 6 juin 1819 dans la
Saône à Vaise et dont le procès-verbal mentionnait que
« le cadavre a été retiré vingt minutes
après presque au même instant se sont présentés
quatre élèves de l'école (É) ils ont
administré à l'asphyxié tous les secours convenables
après deux heures de travail ils n'ont pas pu le rappeler à la
vie256 ». Les sauvetages qui ont permis de sauver des
victimes de la noyade sont quant à eux peu présents ou peu
recensés dans les archives des PV. Ils concernent soit des sauvetages de
victimes de noyade accidentelle, soit des interventions auprès d'une
personne tentant de mettre fin à ses jours en se noyant, et sont la
plupart du temps réalisés par des personnes travaillant
près de cours d'eau comme des mariniers ou des pêcheurs, ou des
proches de la victime. Nous pouvons citer par exemple le cas de Simon Bajard,
marinier qui a sauvé des eaux de la Saône le dimanche 8 avril 1822
le nommé Flichet, âgé de 13 ans alors que ce dernier
était en train de se noyer257. Nous pouvons également
évoquer le cas d'une tentative de suicide, celle de la nommée
Benoite Vérial qui dans un « excès de folie »
s'est précipitée dans la Saône à Lyon près du
quai des Célestins d'où elle a été retirée
saine et sauve puis « conduite à l'hospice de l'antiquaille
pour y recevoir les soins qu'exige son état258
».
III- L'émergence de la médecine légale
à Lyon au XIXème siècle
Durant le XIXème siècle, l'assistance et la
prise en charge des noyés s'accompagne du développement de la
médecine légale à Lyon. Véritable pionnière
en la matière, la ville de Lyon voit apparaître un nombre non
négligeable d'avancées dans ce domaine, menées par de
grands médecins à l'instar des médecins Alexandre
Lacassagne ou Edmond Locard.
255 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M493.
256 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M490.
257 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
258 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M491.
Nous allons nous attarder sur l'impact que la médecine
légale opère quant aux progrès des techniques de sauvetage
au XIXème siècle et au début du XXème siècle
à Lyon.
a) Lyon : berceau de la médecine légale
La médecine légale se divise en deux branches
distinctes : l'une est consacrée à la médecine du vivant,
et l'autre à la thanatologie soit l'étude des signes, des
conditions, des causes et de la nature de la mort259. Nous nous
intéresserons ici à cette deuxième branche de la
médecine légale. Nous pouvons considérer que Lyon est le
véritable berceau mondial de la médecine légale par son
aptitude à avoir vu émerger en son centre de nombreux
médecins légistes et de nombreuses avancées en la
matière. L'un des précurseurs de la médecine légale
à Lyon est le médecin et criminologue Lyonnais Henry Coutagne
né en 1846. Après avoir fait ses études médicales
à Lyon dans les années 1860, il se spécialise dans la
médecine légale et la criminologie dans les années 1870 et
devient chef de travaux de médecine légale à la
faculté de médecine de Lyon et expert auprès des
tribunaux260. En 1879, il devient membre du comité de
rédaction du Lyon Médical, puis publie en 1881 la
traduction annotée du Traité de médecine légale
d'Alfred Swaise. Sa vie sera également marquée par la
rencontre avec une autre figure majeure de la médecine légale en
1879, le médecin Alexandre Lacassagne261. Né en 1843,
ce Lyonnais d'adoption et professeur titulaire de la chaire de médecine
légale a réussi à s'imposer grâce à ses
expertises et ses écrits et avec la création d'archives
d'anthropologie criminelle. Il demeure aujourd'hui l'un des figures
incontournables de la médecine légale avec son apport à la
fondation de l'anthropologie criminelle. Élu en 1896 membre à la
section science de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de
Lyon, il est également le fondateur de la première revue
française de criminologie en 1895 avec Gabriel Tarde nommée
Les archives d'anthropologie criminelle, de criminologie, psychologie
normale et pathologique.
259 SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE MÉDECINE
LÉGALE, « Le métier de médecin légiste »,
2021. Consulté le 23 juin 2024.
Disponible sur : <
https://medecinelegale.com/index.php/la-profession-de-medecin-legiste/>
260 Jean BURDY et Dominique SAINT-PIERRE (dir.), « Coutagne,
Henry (1846-1895) », dans Dictionnaire historique des
Académiciens de Lyon : 1700-2016, éd. ASBLA de Lyon, mars
2017, 1369p.
Disponible sur : <
https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb45273860r>
261 EMBAUMEMENTS-COM, Histoire de l'embaumement et des
embaumeurs, Biographie, « Henry Coutagne ». Consulté le 24
juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.embaumements.com/bio/henry-coutagne.html>
119
120
Le docteur Lacassagne a joué un rôle majeur dans
le cas des noyades tout d'abord en aidant au développement des
techniques permettant d'identifier des suspects et d'améliorer les
enquêtes permettant d'identifier les circonstances et les conclusions de
la mort d'une victime mais également en intervenant
régulièrement au sein de la morgue-flottante à Lyon afin
d'enseigner la médecine légale à ses élèves.
Il se battra des années contre les pouvoirs publics afin que ces
derniers trouvent une alternative au bateau-morgue. Il aurait
déclaré lors d'un conseil municipal en 1880 : « On peut
le dire sans crainte de blesser aucune susceptibilité,
l'aménagement de la morgue actuelle est une tâche dans
l'organisation administrative de notre cité. C'est un bateau-lavoir
grossièrement adapté à cet usage262
».
b) La fondation du premier laboratoire de police
scientifique par Edmond Locard en 1910 à Lyon
Au début du XXème siècle, la ville de
Lyon voit émerger une autre grande figure de la médecine
légale : Edmond Locard. Pour l'historien Amos Frappa « Edmond
Locard a été visionnaire en matière de criminalistique, de
police scientifique263 ». Ce professeur de médecine
légale né en 1877 s'installe à Lyon avec sa famille
lorsqu'il est encore enfant. Après avoir soutenu sa thèse de
doctorat en médecine La Médecine légale au
XVIIème siècle264, il rejoint le laboratoire du
professeur Lacassagne avec lequel il travaille et collabore notamment à
la revue des Archives de l'Anthropologie criminelle jusqu'en 1910,
année durant laquelle il installe le laboratoire de police technique de
Lyon dans les combles du Palais de Justice, 35 rue Saint Jean265. De
ces années de travail au sein de ce laboratoire, Edmond Locard laisse
derrière lui un nombre conséquent d'archives, dont 28 000 plaques
iconographiques exploitables réalisées entre 1910 et les
années 50.
262 EMBAUMEMENTS-COM, Histoire de l'embaumement et des
embaumeurs, Culture « La morgue flottante de Lyon ». Consulté
le 24 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.embaumements.com/culture/la-morgue-flottante-de-lyon.html>
263 Sandrine CABUT, Nathaniel HERZBERG, « Amos Frappa,
historien « Edmond Locard a été visionnaire en
matière de criminalistique, de police scientifique », Le Monde,
publié le 11 mai 2024. Consulté le 23 juin 2024.
Disponible sur : <
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/05/11/amos-frappa-historien-edmond-locard-a-ete-visionnaire-en-matiere-de-criminalistique-de-police-scientifique_6232665_1650684.html>
264Edmond LOCARD, La Médecine judiciaire en
France au XVIIè siècle, T.M. Lyon, 1902.
265 ARCHIVES MUNICIPALES DE LYON, « Edmond Locard en
quelques dates ». Consulté le 24 juin 2024. Disponible sur :
<
https://www.archives-lyon.fr/expos/les-traces-diverses>
Ces plaques représentent aussi bien des photos
personnelles que des photos d'enquêtes judiciaires, ou des cadavres de
noyés retrouvés à Lyon entre 1910 et 1950 ce qui nous
permet de visualiser les différents stades de décomposition de
ces cadavres, mais également de comprendre la difficulté que
pouvait représenter l'identification d'un cadavre ayant
séjourné plusieurs jours dans l'eau durant le XIXème et le
début du XXème siècle tel qu'on peut le constater sur la
photo de ce cadavre masculin (collection Edmond Locard).

L'état de décomposition de la victime est tel
qu'il est presque impossible de l'identifier. Comme dans beaucoup de cas
semblables, les autorités s'aident alors des vêtements de la
victime, sur lesquels les initiales du propriétaire peuvent être
cousues comme on peut le voir dans la description d'un cadavre retrouvé
le 16 novembre 1815 dans le Rhône à Irigny, vêtu «
d'une chemise marquée FB, d'un gilet bleu, d'un pantalon gris tirant
sur la noisette et d'un mouchoir rayé marqué
FB266 ».
266 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939,
Côte 4M488.
121
122
Pour conclure ce premier chapitre, nous pouvons dire
qu'à partir du XIXème siècle émerge en France et
à Lyon une volonté de contrôler et de limiter les noyades,
toujours première cause des morts accidentelles en France.
L'intervention de l'État, des autorités publiques ainsi que des
particuliers permet petit à petit à la population de prendre
conscience du danger représenté par les cours d'eau
français, et plus particulièrement du Rhône et de la
Saône à Lyon et de l'intérêt représenté
par l'apprentissage de la natation. Les cadavres de noyés connaissent
également des évolutions dans les techniques d'identification
à travers l'émergence de la médecine légale
à Lyon, influencée par la présence de grands
médecins comme Alexandre Lacassagne ou Edmond Locard et leurs recherches
consacrées aux cadavres. Cette prise de conscience et cet
intérêt pour la prévention et l'intervention auprès
des noyés sont également relayés par un autre acteur
très influent durant cette même période : la presse.
CHAPITRE 2
LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION ET
D'ÉDUCATION AUX XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES DANS LE
RHÔNE
Dans un second chapitre, nous allons désormais nous
attarder sur la presse écrite et l'influence que ce média exerce
sur la population en matière de prévention et d'éducation
aux XIXème siècle et au début du XXème
siècle en France et plus particulièrement dans le
département du Rhône et à Lyon. Nous nous
intéresserons dans un premier temps à la retranscription des
faits divers dans la presse et à l'engouement du lectorat pour ceux-ci
et dans un second temps nous étudierons le cas particulier des noyades
et l'aide précieuse qui est apportée par la presse quant à
la prévention de celles-ci et aux enquêtes qui peuvent en
découler.
I- Les faits divers dans la presse : l'engouement du
lectorat
a) Une priorité éditoriale
Le XIXème siècle est marqué par le
développement intense de la presse écrite et l'émergence
de nombreux quotidiens favorisés notamment par la modernisation des
techniques et l'apport de la publicité. La presse,
considérée comme « un lieu et un réseau de
pouvoir267 » possède une double intention, se
voulant à la fois pédagogique et régulatrice, dont la mise
en lumière des faits divers permet à la population de voir le
monde en sa totalité, ainsi que de définir la normalité
des conduites. Très rapidement, les faits divers deviennent dans la
presse une priorité éditioriale en raison tout d'abord de
l'intérêt qu'ils suscitent chez le lecteur, mais également
au fait que la mise en lumière des désordres de la vie humaine
permet de proposer un modèle de comportement à la population,
inculquant les valeurs du bien et du mal, la morale et l'immoralité
à travers des récits pouvant parfois s'avérer être
sordides. Le XIXème siècle est également marqué par
une alphabétisation croissante de la population, ce qui augmente
considérablement le nombre de lecteurs et le nombre d'impressions,
rendus possibles par une amélioration des transports et des
machines-outils268.
267Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Petits
récits des désordres ordinaires. Les faits divers dans la presse
française des débuts de la IIIème République
à la Grande Guerre, Éditions Seli Arslan, Paris, 2004,
p.14.
268 Loic JOFFREDO, « La révolution de la presse
populaire », BNF, Les essentiels. Consulté le 23 juin 2024.
Disponible sur : <
https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/medias/>
123
b) L'image héroïque accordée aux
sauveteurs
Au-delà des faits divers qui sont retranscrits et
passionnent la population, c'est également le sens de la
solidarité qui est régulièrement mis en scène dans
la presse et qui interpelle le lectorat. Ces récits qui mettent en
scène les gestes de solidarité et de secours permettent au
lecteur de réaliser qu'il n'est pas seul face à son
destin269, mais également le convainc de faire partir de ces
sauveurs dont les éloges s'accumulent dans la presse. Cette
exemplarité s'enracine dans l'imaginaire collectif à partir de la
Monarchie de Juillet avant de trouver son apogée lors du dernier tiers
du XIXème siècle270. Ce traitement médiatique
de la figure du héros permet alors une prise de conscience et devient un
moyen d'éducation qui pousse la population à agir et à
porter assistance aux personnes en danger et notamment aux victimes de noyade.
Cette image du sauveteur est régulièrement présente dans
la presse et se trouve renforcée par l'arrivée d'illustrations
qui démultiplient la portée théâtrale des gestes de
secours. À partir de la Belle Époque, la peur de mourir
noyé est tellement présente dans les mentalités que la
presse s'en fait écho. Par exemple, le Petit Parisien dans son
Supplément littéraire illustré offre tous les
dimanches aux lecteurs des illustrations en couleur dans lequel elle
dépeint les catastrophes liées aux noyades en
France271. Lorsque le coupable est connu et cité dans la
presse, cela provoque de vives réactions chez les lecteurs et dans
l'opinion publique, suscitant alors la répulsion, la malveillance et de
nombreuses critiques à son égard, ce qui a également pour
conséquence de dissuader les personnes malveillantes d'agir par peur des
représailles publiques. Ces fortes réactions envers les
meurtriers permettent également de diffuser cette valeur moralisatrice
portée par la presse au XIXème siècle.
En conclusion, on peut dire que le XIXème siècle
est marqué par une forte croissance de la presse écrite
grâce à une alphabétisation toujours croissante de la
population et un engouement de cette dernière quant à la lecture
des dernières nouvelles, parmi lesquelles on retrouve en premier lieu
les faits divers. La presse obtient peu à peu une mission moralisatrice,
elle dépeint les coupables de crimes lorsqu'elle met en lumière
les sauveurs et les généreux, ce qui n'est pas sans
269Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Petits
récits des désordres ordinaires. Les faits divers dans la presse
française des débuts de la IIIème République
à la Grande Guerre, Éditions Seli Arslan, Paris, 2004,
p.71.
270Frédéric CAILLE, La figure du
sauveteur. Naissance du citoyen-secoureur en France, 1780-1914. Presses
universitaires de Rennes, 2006, p.23.
271 Frédéric CHAUVAUD (dir.), Corps
submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la
noyade dans l'Antiquité à nos jours, Créaphis, 2007,
p.70-71.
124
125
influence sur la population française qui par la
presse, découvre un autre mode d'éducation et de
prévention.
II-Le cas particulier des noyades
Dans une seconde partie, nous allons nous attarder sur la
retranscription des noyades dans la presse locale du département du
Rhône et voir quel est l'apport de la presse concernant la
prévention des noyades et l'aide aux enquêtes.
a) Un moyen d'éducation quant à la
dangerosité des noyades
Comme nous avons pu le voir précédemment, la
presse connaît au XIXème siècle un essor fulgurant
marqué par une hausse du lectorat et un engouement pour la lecture des
faits divers. La retranscription des noyades dans la presse de l'époque
est quelque chose de très courant aux XIXème et XXème
siècles et nous avons eu l'occasion de rencontrer des cas de noyade au
sein de différents journaux régionaux, à savoir le
Journal du commerce de la ville de Lyon et du département du
Rhône et la Gazette de Lyon et Lyon
Républicain. Le Journal du commerce et de la ville de Lyon
est une feuille régionale diffusée à Lyon et dans ses
alentours de 1823 à 1844. La Gazette de Lyon est quant à
elle un quotidien régional fondé en 1845 et qui a paru jusqu'en
1852. Enfin, le dernier journal dans lequel nous avons pu trouver des articles
sur des noyades ayant eu lieu dans le Rhône est Lyon
Républicain un quotidien basé à Lyon fondé en
1878 et dont le dernier numéro a été publié le 30
juin 1944. Avec l'étude de ces trois journaux régionaux, nous
avons pu constater que les noyades étaient couramment
évoquées dans la presse de l'époque. La description de ces
événements tragiques est réalisée de la même
manière qu'au sein des PV que nous avons pu dépouiller. En effet,
ces journaux décrivent à chaque fois le lieu et la date de la
disparition ou de la découverte d'un cadavre de noyé, et donne
les informations relatives à l'identité du noyé lorsque
celles-ci sont connues. Nous pouvons citer par exemple un article de la
Gazette de Lyon datant du 7 juillet 1850 dans lequel est
évoqué la disparition d'une victime dans la Saône à
Lyon le 3 juillet de la même année. Cet article évoque
« un jeune homme de 18 ans s'est noyé dans la Saône
mercredi près de la Quarantaine. On raconte à ce sujet qu'un
courageux enfant de 10 à 12 ans, témoin de la catastrophe a fait
les plus grands efforts pour le sauver. Il a failli périr
lui-même, et ce n'est que par
126
miracle qu'il s'est échappé sain et sauf des
étreintes du noyé272 ». Si de prime abord
cet article a une visée informative pour le lecteur, il possède
permet également d'avertir la population quant à la
dangerosité des noyades tout en mettant en lumière les personnes
qui fournissent des efforts afin de tenter de sauver une victime de la
noyade.
b) Un apport dans l'avancée des recherches et des
enquêtes policières
La diffusion de masse de ces articles sur les noyades de la
presse régionale possède également un autre
intérêt non négligeable pour cette période : une
aide à la reconnaissance des victimes et aux enquêtes. Au
XIXème siècle et au début du XXème siècle,
la presse écrite constitue l'unique média et donc l'unique mode
de diffusion d'informations au plus grand nombre. Il paraît
régulièrement au sein des articles publiés par ces
journaux régionaux des signalements de disparition de noyé ou de
découverte de cadavre dont l'identification n'a pu être
réalisée par les autorités en présence. Concernant
les cas de disparition évoqués par les journaux, leur diffusion
auprès du grand public permet d'apporter une aide de la part de la
population qui peut participer aux recherches pour retrouver la victime, mais
qui peut également apporter des informations importantes aux forces de
l'ordre, comme des témoignages afin de faciliter l'enquête. On
observe par exemple le signalement de la disparition d'un nommé Jean
Fonne, fusilier dans un article du Journal du commerce de la ville de Lyon
et du département du Rhône datant du 29 juin 1836. Ce
signalement permet alors de diffuser le lieu et la date de la disparition de la
victime tout en donnant des informations susceptibles d'aider l'identification
de son corps. Pour le cas de Jean Fonne, il est mentionné que cet homme
« s'est noyé dans la Saône derrière le quartier de
Perrache » et que « son cadavre n'a point encore
été retrouvé273 ». Concernant les
découvertes des cadavres de noyé qui sont retranscrites au sein
des articles de presse, leur diffusion permet également une aide
à l'enquête et plus particulièrement dans le cas des
cadavres qui n'ont pas pu être identifié. La description du
cadavre et de ses vêtements permet alors aux personnes reconnaissant
l'identité de la victime de venir témoigner et d'identifier le
corps. On retrouve par exemple dans un article du journal Lyon
Républicain datant du 28 juillet 1935 et intitulé «
Noyé retiré du Rhône » la description de la victime et
du cadavre concerné par cette noyade.
272 GAZETTE DE LYON, numéro du 7 juillet 1850, Retronews.
Consulté le 2 mai 2024.
273 JOURNAL DU COMMERCE ET DE LA VILLE DE LYON, numéro du
29 juin 1836, disponible sur Retronews. Consulté le 26 avril 2024.
Ainsi l'article informe les lecteurs qu' « un noyé
a été retiré du Rhône hier après-midi
à la hauteur de la place Antonin-Poncet » et que ce dernier
n'était vêtu que d'un caleçon de bain. L'article se
poursuit en proposant une description physique détaillée de
l'individu : « âgé de 45 ans environ, taille d'1m64,
corpulence moyenne, visage rond, nez pointu, chauve, moustaches rousses
grisonnantes, bonne dentition274 ».
Nous pouvons dire en conclusion de ce chapitre que la presse
locale et régionale aux XIXème et XXème siècles
dans le Rhône révèle l'importance et l'influence de
média dans la prévention et l'éducation de la population.
La retranscription des faits divers, et en particulier des noyades suscite chez
le lectorat un vif intérêt tout en jouant un rôle crucial
dans l'inculcation de valeurs morales. En mettant en lumière les actes
de courage et de bravoure lors des sauvetages des victimes, la presse contribue
à la formation d'une solidarité collective qui valorise
l'entraide. De plus, la presse joue un rôle de soutien lors des
enquêtes policières qui visent à retrouver le cadavre d'une
victime ou à identifier le cadavre d'un noyé.
En conclusion de cette troisième et dernière
partie, on peut dire que les XIXème et XXème siècles en
France marquent l'émergence d'une perception différente à
l'égard des noyades et de leur prise en charge. Au début du
XIXème siècle, les autorités publiques font émerger
une politique de lutte par la prévention et l'intervention avec la
création de diverses lois mais également de structures et
d'aménagements qui ont pour but également de contrôler les
baignades qui constituent les premières causes de noyade durant cette
période. Parallèlement, le développement de la
médecine légale à Lyon ainsi que la croissance des
lecteurs de la presse régionale permettent également des
évolutions quant à la prévention des noyades, l'incitation
à porter secours aux victimes mais également dans la prise en
charge des cadavres et l'avancée des enquêtes. Tous ces
changements reflètent un engagement plus profond de la part de
l'État et de la société dans la protection de la vie
humaine.
274 LYON RÉPUBLICAIN, « Noyé retiré du
Rhône, Numéro du 20 août 1932, disponible sur Retronews.
127
128
CONCLUSION GÉNÉRALE
En proposant une analyse de l'ensemble des morts
recensées dans le département du Rhône durant le
XIXème siècle et la première moitié du XXème
siècle, nous avons constaté que les noyades concernaient une part
importante de la population rhodanienne. Plusieurs points essentiels
émergent des perceptions des politiques et des réalités
entourant ce phénomène tragique. Premièrement, en
étudiant les registres des entrées des corps à la morgue
et les procès-verbaux, bien que la documentation présente des
lacunes et des défis d'interprétation, elle révèle
cependant des tendances significatives. On peut établir le fait que les
victimes des noyades sont majoritairement des jeunes hommes français
issus des classes ouvrière et militaire, et que les incidents
surviennent principalement à Lyon, dans le Rhône et la
Saône, souvent pendant la période estivale où les
activités aquatiques et notamment les baignades sont les plus courantes.
En comparant nos résultats à ceux de Françoise Bayard qui
proposait une analyse des baignades et des noyades aux XVIIème et
XVIIIème siècles, on observe une continuité dans les
profils des victimes de noyades au fil des siècles, malgré des
évolutions sociétales et des avancées technologiques. En
mettant en lumière les relations complexes entretenues entre les
Lyonnais et leurs fleuves, on observe qu'en dépit de la présence
d'un danger mortel, les Lyonnais s'efforcent à apprendre à vivre
avec le Rhône et la Saône en s'adaptant aux problèmes
naturels qui les caractérisent. Enfin, cette période est
également marquée par une prise de conscience de la part des
autorités publiques ainsi que par l'émergence de lois et
d'infrastructures visant à contrôler les baignades et à
améliorer les secours aux noyés. Pour finir, le
développement progressif de la médecine légale et de la
presse joue un rôle crucial dans l'assistance aux noyés et la
prévention des risques. La presse en particulier permet de sensibiliser
le public en encourageant le secours aux victimes et en apportant une aide dans
la pratique de l'identification des victimes et de la prise en charge des
décès par noyade.
La réalisation de cette étude démontre
l'importance de la contextualisation des faits historiques afin de mieux
anticiper et comprendre les changements sociaux et les stratégies
d'intervention face aux noyades, offrant des perspectives pour la
prévention future des accidents aquatiques.
129
ÉTAT DES SOURCES
· Archives départementales du Rhône,
Lyon
Archives contemporaines
Série M - Administration générale et
économie
Série 4 M - Police
- 4M455-522 Police administrative
- 4M488-4M495 Accidents, morts subites, noyades,
découvertes de cadavres
? Procès-verbaux d'accident, etc. An XI-1939.
· Archives municipales de Lyon, Lyon
Archives contemporaines
2764W - Archives de l'Institut médico-légale
-2764W1-2764W3 Morgues, autopsies : registres des entrées
des corps (1939-1941)
· Archives de presse en ligne,
Retronews
Archives contemporaines
-Archives de journaux Lyonnais en ligne :
-Lyon Républicain (1878-1944)
- la Gazette de Lyon (1845-1852)
-le Journal du commerce de la ville de Lyon (1825-1935)
BIBLIOGRAPHIE
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-Jules CÉSAR, La Guerre des Gaules, Les Belles
lettres, coll. Des universités de France, Paris, 1926.
-Benoit GARNOT, « Justice et société dans la
France du 18ème siècle ». Dix-Huitième Siècle
n°37, p. 88.
-Jean-Clément MARTIN, Nantes et la
Révolution, Nantes, Château des Ducs, 2017, 130p.
-Jean-Clément MARTIN La Guerre de Vendée, 1793-1800,
Points-Seuil, 2014, 368p.
-Jules MICHELET, Histoire de la Révolution
française, Éditions de Gérard Walter, Coll. Folio
Histoire, Gallimard, 2007.
Histoire de Lyon :
-Jean COULON, Emmanuel VINGTRINIER, La Vie lyonnaise :
Autrefois, aujourd'hui, Éditions de Lyon, 1983, 424p.
-Paul FELS, Alain DUCOS, INA, 30 octobre 1964, « Les
installations portuaires de Lyon », 4:47. Disponible sur : <
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/lxf99005735/les-installations-portuaires-de-lyon>
-Jacques FONTES, « Quand les moulins-bateaux
préservaient les Lyonnais de la famine », Le Progrès,
publié le 17 avril 2021.
Disponible sur : <
https://c.leprogres.fr/culture-loisirs/2021/04/17/quand-les-moulins-bateaux-preservaient-les-lyonnais-de-la-famine>
-Chalabi MARYANNICK, Ministère de la Culture, « Gare
d'eau de la Compagnie Seguin », Inventaire général du
patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Ville de Lyon.
Disponible sur : <
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ANNEXES

138
Annexe 1 : Plan de la ville de Lyon en 1850

139
Annexe 2 : Plan de la ville de Lyon en 1940

140
Annexe 3 : Ponts et quais de Saône
Source : Jean Pelletier, « Ponts et Quais de Lyon
», 2002

141
Annexe 4 : Ponts et quais sur le Rhône
Source : Jean Pelletier, « Ponts et Quais de Lyon
», 2002

142
Annexe 5 : Carte des villes de disparition des
noyés

143
Annexe 6 : Carte des villes de découverte des
cadavres de noyés entre 1800 et 1950

144
Annexe 7 : Carte des ponts à Lyon où des
personnes se sont jetées dans le Rhône ou la Saône entre
1800 et 1939
145
Annexe 8 : Tableau des ponts cités lors des noyades
ayant eu lieu dans le département du Rhône au XIXème et
dans la première moitié du XXème siècle
Pont
|
Ville(s)
|
Cours d'eau
|
Construction
|
Démolition ou nom actuel
|
Passerelle Saint- Georges
|
Lyon
|
Saône
|
1853
|
Passerelle Paul Couturier
|
Pont d'Ainay
|
Lyon
|
Saône
|
1745
|
1944
|
Pont de l'Archevêché ou Pont Napoléon ou
Pont Bonaparte ou Pont Tilsitt
|
Lyon
|
Saône
|
1634
|
Pont Bonaparte
|
Pont Chazourne
|
Lyon
|
Saône
|
1828
|
Pont Kitchener- Marchand
|
Pont des Culattes
|
Lyon
|
Rhône
|
|
|
Pont de la Boucle
|
Lyon
|
Rhône
|
1862
|
Pont W. Churchill
|
Pont de la Gare
|
Lyon
|
Saône
|
1831
|
Pont Masaryk
|
Pont de la Mulatière
|
Lyon / La Mulatière
|
Saône
|
1830
|
Pont de la Mulatière
|
Pont de l'Hôtel- Dieu
|
Lyon
|
Rhône
|
1839
|
Pont Wilson
|
Pont du Change ou Pont de pierre ou Pont du Temple ou Pont
Nemours ou Pont de la Mort
|
Lyon
|
Saône
|
1070
|
1974
|
|
146
Pont du Rhône ou de la Guillotière
Lyon / La Guillotière
|
Rhône
|
XIIème siècle
|
Pont de la Guillotière
|
Pont Seguin
|
Lyon
|
Rhône
|
1847
|
Pont Gallieni
|
Pont Lafayette
|
Lyon
|
Rhône
|
1826
|
Pont Lafayette
|
Pont la Feuillée
|
Lyon
|
Saône
|
1831
|
Pont la Feuillée
|
Pont Morand
|
Lyon
|
Rhône
|
1774
|
Pont Morand
|
Pont Mouton
|
Lyon
|
Saône
|
1847
|
Pont Clémenceau
|
Pont de Riottier
|
Villefranche/ Jassans-Riottier
|
Saône
|
1834
|
Pont de Frans
|
Pont Pasteur
|
Lyon
|
Rhône
|
1914
|
Pont des Abattoirs
|
Pont Saint-Clair puis Pont Vaïsse
|
Lyon
|
Rhône
|
1846
|
1951-1958
|
Pont Saint- Vincent
|
Lyon
|
Saône
|
1637
|
Passerelle Saint- Vincent
|
Pont Serin ou Pont d'Halincourt
|
Lyon
|
Saône
|
1749
|
Pont du Général Koenig
|
Pont Volant puis Passerelle du Palais-de-Justice
|
Lyon
|
Saône
|
1638
|
Passerelle du Palais-de-Justice
|
|
147
Annexe 9 : Tableau des communes où des noyades
ont été rencensées entre 1800 et 1950
Commune
|
Cours d'eau
|
Ambérieux
|
Saône
|
Anse
|
Saône
|
Arnas
|
Saône
|
Avignon
|
Rhône
|
Belleville
|
Saône
|
Belligny
|
Saône
|
Bessenay
|
La Brévenne
|
Brignais
|
Garon
|
Caluire-et-Cuire
|
Rhône / Saône
|
Chaponost
|
Étang
|
Chartres
|
Rhône
|
Chassagny
|
Étang
|
Châtillon d'Azergues
|
Azergues
|
Collonges-au-Mont-d'Or
|
Saône
|
Coise
|
Coise
|
Condrieu
|
Rhône
|
Corcelles
|
Mare
|
Cornas
|
Rhône
|
Cours
|
Rhône
|
Dracé
|
Saône
|
Ferney
|
Rhône
|
Francheville
|
Rivière d'Alay
|
Genève
|
Rhône
|
Givors
|
Canal / Rhône
|
Grigny
|
Rhône
|
Irigny
|
Rhône
|
La Croix-Rousse
|
Rhône / Saône
|
La Guillotière
|
Rhône
|
|
148
Commune
Cours d'eau
|
La Mulatière
|
Rhône / Saône
|
Le Bois-d'Oingt
|
Bassin
|
Létra
|
Réservoir
|
Loire
|
Rhône
|
Lyon
|
Rhône / Saône / Lône
|
Mâcon
|
Saône
|
Meyzieux
|
Rhône
|
Millery
|
Rhône
|
Neuville
|
Saône
|
Ouilly
|
Saône
|
Oullins
|
Rhône
|
Perrache
|
Bassin
|
Peyrac
|
Étang
|
Pierre-Bénite
|
Rhône
|
Quincieux
|
Saône
|
Rivolet
|
Ruisseau
|
Saint-Clément
|
Réservoir
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Saint-Cyr-au-Mont-d'Or
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Saône
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Saint-Cyr-sur-le-Rhône
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Rhône
|
Sainte-Colombe
|
Rhône
|
Saint-Fons
|
Rhône
|
Sainte-Foy-les-Lyon
|
Saône
|
Saint-Genis-Laval
|
Rhône
|
Saint-Germain-au-Mont-d'Or
|
Saône
|
Saint-Laurent-les-Mâcon
|
Saône
|
Saint-Laurent-d'Oingt
|
Azergues
|
Saint-Martin-de-Cornas
|
Canal
|
Saint-Rambert
|
Saône
|
Serrières
|
Rhône
|
Taponas
|
Saône
|
|
149
Commune
Cours d'eau
|
Tarare
|
Turdine
|
Thurins
|
Étang
|
Trévoux
|
Saône
|
Tupins-et-Semons
|
Rhône
|
Valence
|
Rhône
|
Vaise
|
Saône
|
Vaulx-en-Velin
|
Rhône
|
Vénissieux
|
Rhône
|
Vernaison
|
Rhône
|
Vienne
|
Rhône
|
Villefranche
|
Saône
|
Villeurbanne
|
Rhône
|
|
150
Annexe 10 : Les circonstances des morts recensées au
sein des procès-verbaux dans le Rhône de 1800 à
1939
A
· Abandon
· Accident d'avion
· Accident de chasse
· Accident de train
· Accident de voiture
· Accouchement
· Adynamie
· Affection
· Anévrisme
· Apoplexie
· Arme à feu
· Arme blanche
· Asphyxie
· Avortement
B
· Broiement
· Brûlures
C
· Catharre
· Chute
· Coliques
· Congestion cérébrale
· Coup de sabot
D
E
· Éclampsie
· Écrasement
· Effondrement
· Empoisonnement
· Ensevelissement
· Épanchement
· Épilepsie
· Épuisement
· Explosion
F
· Fièvre
· Fossé
· Foudroiement
· Fracassement
G
151
H
· Hémorragie
· Hydrophobie
· Hydropisie
· Hydrothorax
I
· Incendie
· Indigestion
· Inflammation de l'estomac
· Intempérance (excès des plaisirs)
· Ivresse
J
K
L
M
· Maladie
· Médicament
· Mort de froid
· Mort médicale
· Mort subite
· Mort violente
N
P
· Paralysie
· Pendaison
· Peritonite
· Puit
Q
R
· Rage
· Rixe
S
· Saut
· Strangulation
· Suffocation
T
U
V
W
X
Y
Z
152
Annexe 11 : Exemple d'une archive de presse Source :
Retronews

153
Annexe 12 : Exemple d'un cas de noyé retranscrit dans
le registre des entrées des corps à la
morgue de Lyon
Source : Archives municipales de Lyon

154
REMERCIEMENTS 4
ABRÉVIATIONS 5
SOMMAIRE 6
INTRODUCTION 8
PRÉSENTATION DU SUJET 9
CADRE SPATIO-TEMPOREL 11
HISTORIOGRAPHIE 13
SOURCES 19
MÉTHODES DE TRAVAIL 20
PROBLÉMATIQUE 22
PRÉSENTATION DU PLAN 22
Partie 1 24
LE RAPPORT À L'EAU ET LES RISQUES LIÉS
AU FLEUVE À LYON AUX
XIXème ET XXème SIÈCLES
24
Chapitre 1 27
LE RAPPORT AU FLEUVE 27
I- Les constructions autour du fleuve à Lyon
27
a) Les ponts, bacs, et barques 28
b) Les quais et les rives 29
c) Les ports 30
d) Les moulins 32
II- Des métiers à risques près
des cours d'eau à Lyon 33
a) Les pêcheurs 33
b) Les bateliers 34
c) Les tireurs de sable 35
d) Les haleurs 36
III- Les activités aquatiques dans le Rhône et
la Saône à Lyon au XIXème et XXème
siècles 37
a) Les baignades 37
b) Les promenades en barque 38
c)
155
La joute nautique 39
d) L'aviron 40
Chapitre 2 41
LE RAPPORT À L'EAU 41
I- Une peur de l'eau ancestrale 41
a) Une faible connaissance des fonds aquatiques 41
b) Une difficile maîtrise de l'eau 42
c) L'intensité des courants 43
d) Les crues 44
II- Le spectacle de la mort à Lyon aux
XIXème et XXème siècle 45
a) Une faible pratique de la nage 45
b) Une absence de secours pour les noyés 45
c) L'omniprésence de la mort 47
d) La morgue flottante 47
Partie 2 49
LES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU
RHÔNE AUX XIXÈME SIÈCLE ET
DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME
SIÈCLE 49
Chapitre 1 51
LA PROPORTION DES NOYADES DANS L'ENSEMBLE DES MORTS
RECENSÉES DANS LE RHÔNE AU XIXÈME SIÈCLE ET AU
DÉBUT DU XXÈME
SIÈCLE 51
I- Les morts accidentelles recensées dans le
département du Rhône entre 1800 et 1939 51
a) Les accidents de la circulation 52
b) Les accidents sur les lieux de travail 54
c) Les chutes 55
d) Les asphyxies et les incendies 56
e) La représentation des noyades dans les morts
accidentelles 57
II- Les homicides dans le département du Rhône
de 1800 à la veille de la Seconde
Guerre mondiale 58
a) Les infanticides 59
b)
156
Les homicides par arme blanche 60
c) Les homicides par arme à feu 61
d) Une faible utilisation de la noyade comme arme
meurtrière 62
III- La représentation des suicides dans le
département du Rhône entre 1800 et 1939 64
a) La pendaison : un outil du suicide très
répandu chez les hommes 65
b) Les suicides par arme à feu 66
c) Les suicides par saut 67
d) L'empoisonnement : une utilisation récurrente
par les femmes? 68
e) La représentation de la noyade au sein des
suicides 69
IV- La représentation des morts dites «
naturelles » dans le département du Rhône au
XIXème siècle et au début du
XXème siècle 70
a) Les morts subites 70
b) Les maladies 71
c) Des accouchements fatals 72
Chapitre 2 74
LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS DANS LE
DÉPARTEMENT DU RHÔNE AU
XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE
MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE 74
I- Le profil des noyés 74
a) Le sexe des noyés 75
b) L'âge des victimes 76
c) La nationalité des victimes 77
d) Les professions des noyés 78
II- Les cadavres des noyés 80
a) Les lieux de disparition des noyés 81
b) Les mois de disparition des victimes 82
c) Les mois de découverte des cadavres 82
d) Les lieux de découverte des noyés
83
III- La fabrique des procès-verbaux et des registres
d'entrée des corps à la morgue à
Lyon au XIXème siècle et dans la
première moitié du XXème siècle 85
a) La mise en vigueur des procès-verbaux et des
registres de la morgue aux XIXème et
XXème siècles 85
b) Les intervenants en présence 86
157
c) Le contenu 87
Chapitre 3 89
LES DIFFÉRENTS TYPES DE NOYADES
RECENSÉES DANS LE RHÔNE AU
XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE
MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE 89
I- Les noyades accidentelles dans le
département du Rhône entre 1800 et 1950 90
a) Les chutes mortelles 91
b) Les accidents liés à la navigation
92
c) Les noyades liées aux activités
quotidiennes 94
d) Les noyades accidentelles liées à
l'ivresse : une surreprésentation de victimes de sexe
masculin 95
II- Les noyades liées aux baignades
96
a) Le profil des baigneurs 96
b) Les périodes de prédilection des
baigneurs 98
c) Les lieux de prédilection des baigneurs
99
III- La noyade comme outil de suicide 100
a) Le profil des suicidés 100
b) Les motifs 101
c) Les lieux et les dates de prédilection des
suicidés 103
IV- La noyade comme moyen de commettre un homicide
105
a) Le profil des victimes et des meurtriers 105
b) Les infanticides 106
c) Une sous-représentation des noyades dans les
procès-verbaux et les registres? 107
Partie 3 109
LES AMÉNAGEMENTS ET LES OUTILS DE LUTTE CONTRE
LES NOYADES
MIS EN PLACE À PARTIR DU XIXème
SIÈCLE EN FRANCE ET À LYON 109
Chapitre 1 111
UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES NOYADES QUI
S'INTENSIFIE AU
XIXÈME SIÈCLE PUIS AU DÉBUT DU
XXÈME SIÈCLE EN FRANCE 111
I- Une politique de prévention et d'intervention qui
émerge au XIXème siècle en
France et à Lyon 111
a) Des lois promulguées pour contrôler les
baignades 112
b)
158
La création de lieux de baignade surveillés
et encadrés 113
c) La création des écoles de natation
114
II- Un intérêt croissant de l'État et
de la population pour le sauvetage et l'assistance
aux noyés tout au long du XIXème
siècle 115
a) La création des surveillants-sauveteurs par
l'État 115
b) L'émergence de sauveteurs anonymes 116
c) Les tentatives de sauvetage au sein des archives des
procès-verbaux de 1800 à 1939 dans
le département du Rhône 117
III- L'émergence de la médecine
légale à Lyon au XIXème siècle 118
a) Lyon : berceau de la médecine légale
119
b) La fondation du premier laboratoire de police
scientifique par Edmond Locard en 1910 à
Lyon 120
Chapitre 2 123
LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION ET
D'ÉDUCATION AUX
XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES DANS LE
RHÔNE 123
I- Les faits divers dans la presse : l'engouement du
lectorat 123
a) Une priorité éditoriale 123
b) L'image héroïque accordée aux
sauveteurs 124
II-Le cas particulier des noyades 125
a) Un moyen d'éducation quant à la
dangerosité des noyades 125
b) Un apport dans l'avancée des recherches et des
enquêtes policières 126
CONCLUSION GÉNÉRALE 128
ÉTAT DES SOURCES 129
BIBLIOGRAPHIE 130
ANNEXES 138
|