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Histoire et épidémiologie historique de la noyade dans le Rhône XIXème-XXème siècles


par Charlotte Gouillon
Université Lyon 2 - Master 2 2025
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ LUMIÈRE LYON 2
UFR Ñ TEMPS ET TERRITOIRE
DÉPARTEMENT HISTOIRE

Juin 2024

MÉMOIRE DE STAGE

HISTOIRE ET ÉPIDÉMIOLOGIE HISTORIQUE DE

LA NOYADE DANS LE RHÔNE

XIXème - XXème SIÈCLES

Mémoire présenté par
Charlotte GOUILLON
En vue de l'obtention du diplôme de
MASTER 2 HISTOIRE, MÉMOIRE, MÉDIAS

Domaine : Sciences humaines et sociales
Mention : Histoire

Spécialité : Histoire contemporaine

Préparé sous la direction de Mme Marianne THIVEND
Maîtresse de conférence en Histoire contemporaine

2

3

« Le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de l'Histoire est la leçon la plus

importante que l'Histoire nous enseigne »

Aldous Huxley

4

REMERCIEMENTS

Ce travail n'aurait pu s'accomplir sans l'aide et le soutien de nombreuses personnes.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué de près ou de loin au succès de mon stage.

Je voudrais dans un premier temps remercier ma directrice de mémoire, Madame Marianne Thivend, maîtresse de conférence à l'université Lumière Lyon 2, pour sa disponibilité durant ces deux années de recherche et son adaptabilité lors de mon changement de sujet au cours de la deuxième année de master. Je voudrais également la remercier pour ses conseils et ses remarques toujours très pertinents.

J'adresse ensuite mes sincères remerciements à mes deux tuteurs de stage, Madame Magali Delavenne, conservatrice du patrimoine pour la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Monsieur François Briat, ingénieur projets au Laboratoire de recherche de l'École Nationale Supérieure de la Police.

Je les remercie notamment pour la confiance qu'ils m'ont accordé en me donnant l'opportunité de réaliser cette étude lors de ce stage, mais également pour leur disponibilité, leur implication et leur bienveillance.

Merci également à toute l'équipe du Laboratoire de recherche de l'ENSP pour ces bons moments passés à vos côtés lors de ce stage.

Je tenais également à remercier Nicolas Delestre, le premier thanatopracteur que j'ai pu rencontrer dans ma vie, pour ses conseils avisés et son partage des archives du médecin Edmond Locard. Un grand merci également à l'équipe des Archives départementales du Rhône, l'équipe des Archives municipales de Lyon ainsi qu'au personnel de la Bibliothèque Municipale de Lyon Part Dieu pour leur aide précieuse, leur disponibilité et leur gentillesse.

Enfin, je tiens à remercier ma famille et mes amis et plus particulièrement mes parents, Carole et Dominique Gouillon pour leur soutien sans faille lors de la poursuite de mes études.

5

ABRÉVIATIONS

ADR : Archives Départementales du Rhône

AML : Archives Municipales de Lyon

ARCO : Assistance à la Recherche de victimes dans les Cours d'eau

AVC : Accident Vasculaire Cérébral

CNRTL : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

ENSP : École Nationale Supérieure de Police

FDMF : Fédération des Moulins de France

INPS : Institut National de Police Scientifique

JC : Jésus Christ

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

PV : Procès-Verbal / Procès-Verbaux

SDMIS : Sapeurs-pompiers de la Métropole de Lyon et du Rhône

6

SOMMAIRE

REMERCIEMENTS

4

ABRÉVIATIONS

5

SOMMAIRE

6

INTRODUCTION

8

PRÉSENTATION DU SUJET

9

CADRE SPATIO-TEMPOREL

.11

HISTORIOGRAPHIE

13

SOURCES

19

MÉTHODE DE TRAVAIL

20

PROBLÉMATIQUE

22

PLAN

22

PARTIE 1 : LE RAPPORT À L'EAU ET LES RISQUES DU FLEUVE À LYON AUX

XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES 24

CHAPITRE 1 : LE RAPPORT AU FLEUVE 27

CHAPITRE 2 : LE RAPPORT À L'EAU .41

PARTIE 2 : LES NOYÉS AUX XIXÈME ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU

XXÈME SIÈCLE DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE . 49

CHAPITRE 1 : LA PROPORTION DES NOYADES DANS L'ENSEMBLE DES

MORTS RECENSÉES .É51

CHAPITRE 2 : LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS 74

CHAPITRE 3 : LES DIFFÉRENTS TYPES DE NOYADE 89

PARTIE 3 : LES AMÉNAGEMENTS ET LES OUTILS DE LUTTE CONTRE LES

NOYADES EN FRANCE AU XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES 109

CHAPITRE 1 : UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES NOYADES 111

CHAPITRE 2 : LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION ET

D'ÉDUCATION AUX XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES À LYON 123

7

CONCLUSION GÉNÉRALE

 

128

ÉTAT DES SOURCES

.129

BIBLIOGRAPHIE

130

ANNEXES

.É138

TABLES DES MATIÈRES.

154

8

INTRODUCTION

Dans la nuit du mercredi 17 avril au jeudi 18 avril 2024, un étudiant Lyonnais aurait disparu dans la Saône à Lyon après une soirée arrosée1. Aujourd'hui encore, la noyade demeure la première cause de mortalité par accident de la vie courante chez les moins de 25 ans en France. On comptabilise en France 253 noyades suivies de décès entre le 1er juin et le 20 août 2023, un chiffre non négligeable.

À l'échelle mondiale, la noyade est la troisième cause principale de décès par traumatisme non intentionnel, représentant environ 236.000 de décès par noyade par année2.

À l'échelle de la métropole de Lyon, les pompiers du SDMIS 69 réalisent chaque année environ 125 interventions nautiques pour 85 personnes, entraînant alors une dizaine de décès. Le lieutenant-colonel Pascal Pache, chef du groupe centre et responsable des spécialités nautiques, la Saône et le Rhône, déclarait que ce : « sont deux cours d'eau avec des mouvements d'eau importants et des effets de siphon par endroits qui entraînent les personnes au fond de l'eau ».3

Aujourd'hui, nous nous intéresserons à l'histoire des noyades ayant eu lieu à Lyon et dans le département du Rhône au cours du XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle.

1

LE PROGRÈS, « Disparition d'un étudiant de 22 ans : un corps retrouvé dans la Saône », publié le 20 avril 2024. Consulté le 12 juin 2024.

Disponible sur : < https://c.leprogres.fr/faits-divers-justice/2024/04/20/disparition-d-un-etudiant-un-corps-apercu-dans-la-saone>

2 SANTÉ PUBLIQUE FRANCE, « Surveillance des noyades suivies de décès sur le lieu de noyade durant l'été 2023. Point de situation au 25 août 2023 », publié le 25 août 2023.

Disponible sur : < https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/traumatismes/noyade/ documents/bulletin-national/surveillance-des-noyades-suivies-de-deces-sur-le-lieu-de-noyade-durant-l-ete-2023.-point-de-situation-au-25-aout-2023>

3 LE FIGARO, « Noyades à répétition à Lyon : pourquoi les eaux du Rhône sont-elles si dangereuses? », 2023. Consulté le 2 avril 2024.

Disponible sur : < https://www.lefigaro.fr/lyon/noyades-a-lyon-pourquoi-les-eaux-du-rhone-sont-elles-si-dangereuses>

9

PRÉSENTATION DU SUJET

Le verbe « noyer » provient de l'ancien français « neier » et du latin « necare » signifiant tuer et qui a pris le sens spécialisé de « tuer par immersion » et de « faire mourir dans l'eau » 4 .

Il est aujourd'hui complexe de donner une seule et universelle définition de la noyade, il est nécessaire d'avoir une vue d'ensemble de ce que représente la noyade selon les domaines dans lesquels elle est traitée afin de comprendre la complexité représentée par celle-ci.

Selon la World Health Organization, la noyade est : « un processus d'altération de la fonction respiratoire résultant d'une submersion ou d'une immersion dans un liquide ». 5 Elle précise également qu' « une personne est victime de noyade dès qu'il y a présence de liquide à l'entrée de ses voies respiratoires, l'empêchant ainsi de respirer de l'air. Ainsi, la noyade n'entraîne pas nécessairement la mort; elle peut être mortelle, non mortelle avec séquelles ou non mortelles sans séquelles ».

Le Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine définissait quant à lui la noyade en 2024 comme une « asphyxie par la pénétration broncho-alvéolaire d'un liquide, le plus souvent de l'eau (eau de mer, eau douce, eau chlorée des piscines). Parfois suicidaire, le plus souvent accidentelle, la noyade « primitive » peut se produire par épuisement musculaire du nageur, par accident de plongée ou par suffocation d'un sujet tombé à l'eau accidentellement, alors qu'il savait mal nager. La noyade « secondaire » peut aussi succéder à une hydrocution6 par syncope cardiorespiratoire, par réflexe (irritation des muqueuses du carrefour aérodigestif), par réaction émotive (peur), allergique (plancton, algues, eau très froide) ou surtout thermodifférentielle (souvent après un exercice physique prolongé, une longue exposition au soleil ou un repas copieux) » 7 .

Aux XIXème et XXème siècles, la définition de la noyade variait quelque peu de la définition que l'on en fait actuellement. Selon le dictionnaire Littré, publié entre 1863 et 1873 par Émile Littré8, la noyade était l' « action de noyer plusieurs personnes à la fois ».

4 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, p 37-38.

5WORLD HEALTH ORGANIZATION. Global reporting on drowning. Preventing a leading killer. Genève, 2014,

p.7.

6 Syncope réflexe déclenchée par un bain dans l'eau froide, pouvant entraîner la noyade.

7DICTIONNAIRE MÉDICAL DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE, « Noyade ». Consulté le 22 mai 2024. Disponible sur : < https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=noyade>

8 Lexicographe français du 19ème siècle.

10

Le dictionnaire de l'Académie française dans sa 8ème édition de 1932 à 1935 confirmait cette idée d'une noyade multiple puisqu'il la définissait ainsi : « Action de noyer plusieurs personnes à la fois. Il se dit surtout en ce sens en parlant des Exécutions ordonnées à Nantes en 1793 par le représentant Carrier. Les noyades de Nantes. Il signifie aussi Action de se noyer et se dit habituellement de plusieurs personnes qui se noient à la fois9 ».

Les Noyades de Nantes mentionnées dans cette définition font référence à une série de noyades de masse sur des « contre-révolutionnaires » qui eurent lieu sur la Loire pendant le règne de la Terreur sous la direction de Jean-Baptiste Carrier, représentant en mission de Paris. Les informations concernant ces noyades demeurent imprécises, on estime le nombre de victimes à un nombre variant entre 1800 et 4800. Ces victimes étaient en majeure partie des résidents des prisons de Nantes constitués de « rebelles capturés pendant la guerre de Vendée, de prêtres et de religieuses catholiques réfractaires, ainsi que d'autres suspects emprisonnés en vertu des lois imposées par la Terreur10 ». Pour le bon déroulement de notre étude, nous étudierons tous les types de noyades rencontrés au cours de nos dépouillements, à savoir des noyades multiples comme des noyades individuelles.

Nous allons maintenant voir une approche médicale de ce que représente une noyade. Les scientifiques se sont mis d'accord pour définir la noyade en quatre stades distincts. Tout d'abord, nous avons l'étape dite de l'aquastress qui renvoie à une première perte de contrôle ainsi qu'une première présence d'eau dans l'estomac, la personne étant plongée dans un état d'angoisse. Ensuite, nous retrouvons le stade hypoxique, ou « petite noyade », la respiration du nageur s'accélère, l'état d'angoisse s'amplifie et la victime connaît durant cette phase une sensation de froid avec une hypothermie. Le troisième stade de la noyade est quant à lui qualifié de stade grand hypoxique11 ou « grande noyade » et se résume à une amplification de la seconde phase. Une grande quantité d'eau est alors présente dans l'estomac de la victime et cette dernière peut perdre connaissance du fait d'une somnolence ou d'un coma provoqué par une faible oxygénation du sang. Enfin, la dernière phase de la noyade est le stade anoxique, au court duquel on observe la présence en grande quantité

9 DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE 8ÈME ÉDITION (1932-1935), « Noyades ». Consulté le 3 juin 2024.

Disponible sur :< https://dvlf.uchicago.edu/mot/noyade>

10Harrison W. MARK, « Noyades de Nantes ». Dans World History Encyclopedia, publié le 2 novembre 2022. Consulté le 4 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-21165/noyades-de-nantes>

11

Diminution de la quantité d'oxygène que la sang distribue aux tissus.

11

d'eau dans l'estomac ainsi qu'une obstruction des alvéoles pulmonaires. C'est durant ce dernier stade que la victime peut décéder, ses capacités respiratoires étant sérieusement mises en danger.12

CADRE SPATIO-TEMPOREL

Désormais, attardons -nous un instant sur le cadre spatio-temporel dans lequel nous situons notre étude. Notre sujet porte sur les noyades ayant eu lieu au XIXème siècle et au XXème siècle à Lyon dans le Rhône et la Saône. Notre étude s'étendra plus précisément de 1808, année durant laquelle nous recensons notre premier décès au sein des procès-verbaux des Archives départementales du Rhône et s'étendra jusqu'en 1950, année durant laquelle nous recensons nos derniers cas de noyades au sein des registres d'entrée de morts à la morgue issus des Archives municipales de Lyon. Notre étude couvre donc une période longue de 142 ans. Il nous faut préciser que certaines périodes sont plus fournies que d'autres en terme d'archives et de documentations, mais nous reviendrons sur ce point plus tardivement.

Le cadre géographique est plus complexe à définir. En effet, de prime abord notre étude se situe au sein de la ville de Lyon et plus précisément dans le fleuve du Rhône et la rivière de la Saône. Le Rhône est un fleuve dont le nom provient probablement de son nom grec, à savoir « Rhodanos », ou romain, « Rhodanus »13. Il s'étend en Suisse et en France et mesure 812 kilomètres, dont environ 522 se trouve en France. Le Rhône tire sa source à 1900 mètres d'altitude, au glacier de la Furka, situé à l'extrémité inférieure du glacier du Rhône, sur les pentes du massif de l'Aar-Gothard, en Suisse, dans un massif surnommé le « château d'eau » de l'Europe. Avec un débit annuel moyen estimé à 1032 mètres2 par seconde, il est le premier fleuve français par son débit. 14 En aval de Lyon, le Rhône devient, grâce à la Saône, un fleuve plus puissant et régulier15.

La Saône, est une rivière située en France, mesurant 482 kilomètres et se jetant dans le Rhône à Lyon au niveau du quartier de Confluence. Appelée « Arar » dans l'Antiquité, son nom se mue au fil du temps devenant Saucona, Saogouna, puis Sone, Sogne, Soine, Soène, et Soosne au XVème

12 ORDRE DE MALTE FRANCE, « Sauvetage en cas de noyade : les gestes qui sauvent ».

Consulté le 23 mai 2024.

Disponible sur : < https://www.ordredemaltefrance.org/actions/sauvetage-en-cas-de-noyade-les-gestes-qui-sauvent>

13 Jean PELLETIER, Ponts et les Quais de Lyon, Editions Lyonnaises d'art et d'histoire, Lyon, 2013. 14MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.

15 LAROUSSE, « Rhône ». Dans Dictionnaire en ligne, consulté le 3 mai 2024. Disponible sur : < https://www.larousse.fr/encyclopedie/riviere-lac/Rhône/140848>

siècle16. Elle prend sa source à 405 mètres d'altitude dans les Vosges à Vioménil et est caractérisée par la lenteur de son débit. Par exemple, à Lyon, lorsque la Saône déverse 30 mètre2 d'eau en une seconde, le Rhône en déverse 1700.17

Si la Saône, qui le rejoint dans la partie sud de la ville de Lyon est considérée comme une rivière paisible, le Rhône est quant à lui bien plus tumultueux, possédant de forts courants. Nous aurons également l'occasion de revenir sur ces différences entretenues entre ces deux cours d'eau au cours de notre étude.

Lyon est la seule ville au monde, avec la ville de Pittsburgh en Pennsylvanie aux États-Unis à être construite autour de la confluence de deux cours d'eau. Sa construction date de l'Antiquité, période durant laquelle la ville était située sur la colline de Fourvière. C'est en 43 avant JC que la colonie de Lugdunum est fondée au sein de l'Empire romain par Lucius Munatius Plancus, gouverneur de la Gaule. Au Moyen-Âge, on observe un développement du bourg médiéval au niveau de la rive droite de la Saône, au pied de la colline. Peu à peu, la ville se développera jusqu'à gagner la presqu'île. Aux XIXème et XXème siècles, période durant laquelle nous situons notre étude, c'est sur la rive gauche du Rhône que Lyon va rapidement se développer18.

Les échelles utilisées au sein de notre étude seront amenées à varier. En effet, nous étudions des cadavres de noyés au sein de cours d'eau, ce qui intègre des déplacements au sein de ces mêmes cours d'eau, pouvant parfois même représenter des centaines de kilomètres.

Nous utiliserons donc principalement l'échelle de la Métropole de Lyon, mais également celle du département du Rhône, celle de la Région Rhône-Alpes19, et lors de quelques rares exceptions l'échelle nationale française mais également suisse, un tiers du Rhône étant situé en Suisse.

Nous étudierons l'intégralité des noyades recensées dans le département du Rhône durant cette période, intégrant donc les noyades ayant eu lieu au sein des affluents du Rhône et de la Saône tels que la Brévenne ou la Turdine, mais également les noyades ayant eu lieu à divers endroits en dehors

16PATRIMOINE DE LYON, « La Saône et ses ponts », Patrimoine-Lyon.org. Disponible sur : < https://www.patrimoine-lyon.org/accueil/les-fleuves/la-saone>

17ART ET HISTOIRE EN AUVERGNE RHÔNE-ALPES, « La Saône ». Consulté le 22 mai 2024. Disponible sur < https://vpah-auvergne-rhone-alpes.fr/ressource/la-saône>

18 André PELLETIER, Jacques ROSSIAUD, Françoise BAYARD, Pierre CAYEZ, Histoire de Lyon des origines à nos jours, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, Barcelone, 2007.

19 Jusqu'en 2016, la région Rhône-Alpes est une région à part entière et n'intègre pas, comme actuellement, la région Auvergne. Nous parlerons donc uniquement de la région Rhône-Alpes pour cette étude.

12

du Rhône et de la Saône, à savoir dans des rivières, des lacs, des fossés, des étangs, des mares, des réservoirs, des citernes, des lavoirs, des écluses, des cuves ou des pièces d'eau.

HISTORIOGRAPHIE

Après avoir introduit notre sujet, nous allons nous attarder un instant sur son historiographie. L'historiographie de la noyade et des noyés est assez complexe et demeure peu étudiée et traitée par les historiens et historiennes, probablement en raison de son caractère morbide mais également du fait de sa complexité. Pourtant, l'étude historique des noyades soulève encore aujourd'hui des enjeux fondamentaux, à savoir connaitre leur passé et leurs caractéristiques afin de mieux agir sur leur présent, prévenir le futur et améliorer les techniques d'assistance et de secourisme aux victimes.

Un ouvrage sert de référence en la matière, il s'agit du livre intitulé Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours publié en 2007 sous la direction de Frédéric Chauvaud. Dans cet ouvrage collectif, de multiples travaux de recherche en histoire et en anthropologie sur la figure du noyé sont exposés. De la période de l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui, cet ouvrage expose la figure du noyé dans toutes les grandes périodes de l'Histoire mais également la représentation de cette figure dans le monde artistique et les mentalités de l'époque.

Durant la période de l'Antiquité, Pierre Cordier, maître de conférences en histoire ancienne à l'université de Poitiers parvient à établir une histoire des noyés en s'appuyant sur l'épigraphie funéraire mais également à partir de la littérature antique au sein desquels il établit la conclusion suivante : « toutes les eaux tuent, à commencer par celles de l'espace domestique, bain, puitss ou viviers (piscinae)20 ». Ainsi, les inscriptions funéraires retrouvées ont permis aux archéologues et aux historiens d'identifier les causes des morts, et notamment les causes des noyades, évoquant la plupart du temps les circonstances de la noyade, par exemple si celle-ci a eu lieu dans un bain, dans une piscine ou dans un puits. On recense plus particulièrement un taux élevé de noyades attribuées à des enfants durant cette période. Concernant les noyades en mer, deux catégories de victimes dominent durant l'Antiquité : les adultes de sexe masculin et les jeunes filles.

20 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, pp.23.

13

Un autre type de noyade est évoqué par Pierre Cordier, il s'agit de l'utilisation de la noyade comme « mode de mise à mort ». À noter que la noyade demeure en Grèce, avec la pendaison, l'un des moyens les plus courants de mise à mort des jeunes filles lorsqu'il représente à Rome un outil important dans la pratique de l'infanticide.

La mort par noyade demeure durant l'Antiquité un outil de l'homicide réservé : « aux traitres, aux adultères, aux brigands et aux tyrans21 ». L'historien Dominique Briquel évoque également cette utilisation de la noyade durant l'Antiquité à Rome dans son article intitulé « Formes de mise à mort dans la Rome primitive : quelques remarques sur une approche comparative du problème » publié en 1984. En effet, il déclare que divers moyens étaient mis en place à Rome afin d'éliminer les criminels, tels que la « crémation, précipitation, suspension, noyade22 ». Les parricides également étaient punis par la sentence de la noyade.

Nous allons maintenant nous intéresser aux noyades durant le Moyen-âge. Laurence Moulinier-Brogi, maîtresse de conférence en histoire médiévale à l'Université Paris VIII soulève au sein de l'ouvrage Corps submergés, corps engloutis, une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours diverses interrogations qui sont toujours d'actualité concernant les noyades à savoir : « la mort est-elle due à la submersion, ou le décès était-il antérieur à la plongée du corps dans le liquide? Et si c'est vraiment l'eau qui est venue à bout de cette vie, est-on en présence d'un accident ou d'une mort intentionnelle, et en ce cas, donnée par un autre ou voulue par le noyé?23 ». Dans la même lignée que les noyades intentionnelles établies lors de l'Antiquité, les noyades comme châtiment étaient monnaie courante durant le Moyen-Âge. Elles représentaient avec la pendaison, la décapitation et le bûcher, l'un des moyens les plus courants pour éliminer les condamnés à mort. Nous pouvons citer comme exemple la mise à mort par noyade en 1425 de Pierre de Giac, favori de Charles VII. Quant à Richard Coeur de Lion, il mit en place lors des croisades une doctrine selon laquelle tout meurtrier responsable d'une noyade en mer serait également noyé et attaché à sa victime.

21 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, p26-27.

22 Dominique BRIQUEL. « Formes de mise à mort dans la Rome primitive : quelques remarques sur une approche comparative du problème ». In: Du châtiment dans la cité. Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Table ronde de Rome (9-11 novembre 1982) Rome : École Française de Rome, 1984. pp. 225-240. (Publications de l'École française de Rome, 79)

Disponible sur : < www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_79_1_2536>

23 (Dir) Frédéric CHAVAUD, Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, Creaphis, Saint-Étienne, 2007, p35-36.

14

Les noyades accidentelles étaient également très répandues durant cette même période et concernaient majoritairement les enfants. Laurence Moulinier-Brogi poursuit son étude en déclarant que la noyade représentait près d'un tiers des accidents responsables de la mort d'un enfant. Enfin, la noyade comme outil de suicide était également omniprésente durant l'époque médiévale. Avec la pendaison, elle constituait le moyen le plus répandu pour se suicider. Ayant la particularité de ne que très rarement permettre de donner une sépulture à sa victime, le suicide par noyade constituait alors la représentation du désespoir ultime.

Intéressons-nous désormais aux noyades durant les Temps Modernes. Au sein de l'ouvrage de Frédéric Chauvaud, c'est Sébastien Jahan, maître de conférences en histoire moderne à l'Université de Poitiers qui traite les noyades durant cette période. À partir de cette période, un autre terme vient qualifier ce qu'on appelle la noyade, il s'agit de la « submersion ». Son utilisation ne fera que d'accroître pour atteindre son apogée en 188024.

L'époque moderne est marquée par l'accroissement des techniques de secours aux noyés. Les médecins de l'époque élaborent et testent différentes techniques de sauvetage, techniques qui pourraient aujourd'hui sembler irréelles. Par exemple, l'une des techniques qui a le plus retenu notre attention et provoqué notre étonnement est celle du tabac. Au XVIIIème siècle, ces savants fous recommandaient l'insufflation de fumée de tabac dans l'anus des victimes afin de les réanimer. Cette invention hollandaise se faisait en plusieurs étapes : « Premièrement, il faut souffler dans le fondement du noyé, au moyen d'une pipe ordinaire, d'un tuyau, d'une gaine de couteau ou d'un fourreau d'épée, dont on aura coupé le bout, ou d'un soufflet. Plus cette opération sera prompte, forte et continue, plus elle sera avantageuse ; elle deviendra encore plus efficace, si l'on se sert d'une pipe à fumer, ou d'un fumigateur, pour introduire dans le corps du noyé, au lieu d'air simple, la fumée chaude et pénétrante du tabac. On ne peut mettre trop de célérité dans cette première opération qui peut avoir lieu au moment même où le corps est tiré de l'eau, soit sur un bateau, soit sur le rivage et en quelque lieu que le noyé soit posé25 ». Un événement majeur du XVIIIème siècle marque un tournant dans l'historiographie de la noyade, il s'agit des noyades de Nantes. Si jusque-là, la figure du noyé et les noyades n'intéressaient guère les historiens, cet épisode traumatisant sera à de multiples reprises étudié par les historiens.

24LA LANGUE FRANÇAISE, « Évolution historique de l'usage du mot « submersion » depuis 1800 ». Dernière mise à jour le 26 avril 2024. Consulté le 2 mai 2024.

Disponible sur : < https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/submersion>

25 Anton SERDECZNY, « Réanimer les noyés en soufflant dans leur derrière : une histoire », Retronews, publié le 26/02/2019.

Disponible sur : < https://www.retronews.fr/sante/long-format/2019/02/26/reanimer-les-noyes>

15

16

Les sources premières de cet événement sont les documents d'époque, notamment les rapports écrits par son principal acteur Jean-Baptiste Carrier, mais également les registres des tribunaux révolutionnaires, les correspondances officielles, ainsi que les témoignages. À partir du XIXème siècle, des historiens se penchent sur l'étude de ces noyades. L'historien français Jules Michelet évoque cet épisode de l'histoire française dans son ouvrage intitulé Histoire de la Révolution française, au sein duquel il a recueilli de nombreux témoignages sur Carrier26, qu'il surnomme par ailleurs « le missionnaire de la Terreur ». Un autre historien du XIXème siècle s'intéresse de près à cet épisode de la Terreur, il s'agit de l'historien français Alfred François Lallié. Originaire de Nantes, il publie de nombreux ouvrages sur l'histoire de cette ville et notamment Les Noyades de Nantes en 1878 dans lequel il s'appuie sur de nombreux documents d'archives afin d'étudier chaque noyade ayant eu lieu lors de cet événement27.

Durant le XXème siècle, les historiens continuent à s'intéresser à cet épisode de la Terreur. L'historien G. Lenotre publie en 1912 un ouvrage s'intitulant tout bonnement Les noyades de Nantes28 qu'il dédit par ailleurs à Alfred François Lallié. Il offre une perspective détaillée et humaine des Noyades de Nantes en soulignant notamment la brutalité et l'inhumanité de ces actes commis entre 1793 et 1794. Plus récemment, c'est l'historien Jean-Clément Martin qui s'est intéressé aux Noyades de Nantes. Spécialiste de l'histoire de la Vendée et de la Révolution française, tournant ses recherches sur des thématiques comme la compréhension de la violence ainsi que le rôle de la religion et de la religiosité dans le processus révolutionnaire, il adopte un point de vue opposé à ses prédécesseurs, en défendant l'idée que cet événement n'est pas à proprement parlé un génocide. Il publie de nombreux ouvrages sur l'histoire de la Vendée et les Noyades de Nantes tels que Nantes et la Révolution29 paru en 2018 ou La Guerre de Vendée, 1793-1800 en 2014.

30

Nous allons désormais nous intéresser à l'historiographie de la nage qui constitue elle aussi une approche intéressante pour notre étude. Une nuance est à préciser concernant les termes de « nage » et de « natation ». Si la nage est « l'action de se déplacer à la surface de l'eau », la

26 Jules MICHELET, Histoire de la Révolution française, Éditions de Gérard Walter, Coll. Folio Histoire, Gallimard, 2007.

27 Alfred François LALLIÉ, Les Noyades de Nantes, Éditions Pays & Terroires, Cholet, 1879.

28 G. LENOTRE, Les Noyades de Nantes, 1 vol. In-8, Perrin, Paris, 1912.

29 Jean-Clément MARTIN, Nantes et la Révolution, Nantes, Château des Ducs, 2017, 130p.

30 Jean-Clément MARTIN La Guerre de Vendée, 1793-1800, Points-Seuil, 2014, 368p.

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natation désigne quant à elle « la nage en tant que sport ou loisir »31. Nous évoquerons ici la natation en tant que loisir mais également en tant que sport.

L'histoire de la natation remonte à la période de la Préhistoire. Si nous n'avons aucune preuve archéologique de son utilisation, les historiens Jean Granat et Jean-Louis Heim dans leur article intitulé « Le sport aux temps préhistoriques, mythe ou réalité » publié en 2002 supposent que les hommes préhistoriques pouvaient savoir nager : « pour survivre, [ces hommes] devaient être avant tout bons marcheurs ou coureurs, bons grimpeurs, peut-être nageurs, être capables de ramper et de transporter de lourds fardeaux. Ils devaient réfléchir pour trouver des parades à tous ces pièges et en premier entretenir leur corps à faire des exercices physiques. Cela ne pouvait pas être autrement sinon ils n'auraient pas survécus32 ». Aujourd'hui encore, cette hypothèse n'a pas été vérifiée mais on peut supposer que les hommes préhistoriques possédaient des connaissances en matière de natation afin de survivre, comme énoncer précédemment, face à une crue ou à un animal féroce par exemple ou tout simplement pour accéder à des territoires nécessitant le franchissement d'une étendue d'eau, ces derniers étant essentiellement des peuples nomades.

Durant la période de l'Antiquité, la pratique de la natation se développe considérablement au sein des civilisations égyptiennes, grecques et romaines. De nombreuses traces telles que des peintures, des sculptures ou des sites archéologiques témoignent de cette pratique de la nage. Un dicton circulait même à ce sujet durant l'Antiquité, à savoir « il ne sait ni lire, ni nager ». Cette expression désignait les hommes avec un manque d'éducation, les hommes de bonne famille devant savoir maîtriser la natation dès leur plus jeune âge. On peut par ailleurs observer l'utilisation de cette expression au sein des Lois33 du philosophe grec Platon, rédigé vers 348 et 347 avant JC. Suétone, auteur romain de nombreux ouvrages et notamment de la Vie de Jules César à Domitien34 au début du IIème siècle qui confirme cette pratique de la nage durant l'Antiquité en déclarant dans son ouvrage : « Cet homme, qui apprenait si aisément tant de choses, ne savait pas nager! ». Toutefois, aucune trace ne laisse penser que la natation était un sport pratiqué lors des Jeux Olympiques.

31 Élise GAUDETTE, « Nager ou faire de la natation, quelle est la différence? », Eaudace, Approche humaine pour apprivoiser l'eau, publié le 13 novembre 2016.

Disponible sur : < http://eaudace.ca/capsule-no-3-nager-faire-de-natation-difference>

32 Jean GRANAT, Jean-Louis HEIM. « Le sport aux temps préhistoriques, mythe ou réalité ? », Biométrie Humaine et Anthropologie - revue de la Société de biométrie humaine, 2002, 20, (1-2), 139-149. Granat J., Le sport aux temps préhistoriques, mythe ou réalité ?

33 PLATON, Les Lois, Livres I à VI, Flammarion, 2006.

34 SUÉTONE, Vie des douze Césars, traduction de Théophile Baudement, Éditions Flammarion, 2008, 416p.

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Durant le Moyen-Âge, la pratique de la nage demeure récréative plutôt que sportive. Dans son ouvrage intitulé Usages de l'eau: dans la vie privée, au Moyen-Âge, à travers l'iconographie des manuscrits à peintures de l'Europe septentrionale (XIII-XVIème siècles) paru en 2001 35 , l'historienne Catherine Gouédo-Thomas démontre cette pratique de la nage en s'appuyant sur des textes de l'époque. L'apprentissage de la natation était intégré aux formations des chevaliers, des textes relatent par ailleurs le fait qu'il fallait savoir nager pour être sacré chevalier, mais la nage en tant que savoir au sein de la population demeurait très limitée. Si la nage en pleine mer n'était pas pratiquée en raison des peurs superstitieuses liées à l'eau, les moments de détente dans des cours d'eau comme des rivières pouvaient avoir lieu36.

Au début des Temps modernes, la pratique de la nage en Europe connaît une décroissance importante. C'est à partir de la Renaissance que la natation connaît un regain de popularité, avec la publication des premiers traités sur la natation tel que celui de Nikolaus Wynmann publié en 1538 et intitulé Colymbetes.Sive de Arte Natandi. Au sein de ce traité, Nikolaus Wynmann donne notamment des techniques pour apprendre à nager et pour lutter contre la peur des eaux profondes qui demeure très importante et très paralysante durant cette période.

Jusqu'à la fin du XIXème siècle, les techniques de nage sont imprécises. Cependant, selon le professeur des universités Patrick Pelayo dans son article intitulé « De l'art de nager à la science de la natation37 » publié en 2010, l'Europe connaît à la fin du siècle une multiplication des compétitions ainsi qu'une institutionnalisation de la natation sportive. La France connaît alors une évolution majeure en terme de natation, qui demeurait au début du XIXème siècle essentiellement une pratique sociale réservée aux bains et aux loisirs, et qui atteint au cours du XXème siècle le niveau de professionnalisme que l'on lui connaît aujourd'hui. Nous aurons l'occasion de traiter cette thématique au sein de notre première partie qui évoque le rapport à l'eau aux XIXème et XXème siècle en France et plus particulièrement dans le département du Rhône et dans la ville de Lyon.

35 Catherine GOUEDO-THOMAS, Usages de l'eau : Dans la vie privée, au Moyen-Âge, à travers l'iconographie des manuscrits à peintures de l'Europe septentrionale (XIII-XVIe siècles), Thèse soutenue le 8 juin 1995, Presses Univerisitaires de Septentrion, Villeneuve d'Ascq, 2001.

36 UNIVERSITÉ DE RENNES, « Histoire de la natation », 2024. Consulté le 12 mai 2024. Disponible sur : < https://apprendre-a-nager.univ-rennes.fr/histoire-de-la-natation-0>

37 Patrick PELAYO, « De l'art de nager à la science de la natation », La revue pour l'histoire du CNRS, 26, 2010, p18-23.

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SOURCES

Désormais, nous allons voir quelles sources ont été utilisées afin de mener à bien ce travail. Pour construire notre étude, nous nous sommes appuyés sur l'utilisation de quatre sources distinctes.

Premièrement, nous avons utilisé les procès-verbaux issus des archives départementales du Rhône situées près de la Part-Dieu à Lyon. Ces archives sont issues de la Série M, qui répertorie les archives concernant l'administration générale et l'économie de 1800 à 1939 et la côte 4M plus précisément qui est quant à elle réservée aux archives de la police. Nous avons dépouillé les côtes 4M488 à 4M495 qui concernent les procès-verbaux d'accidents, d'homicides, de suicides qui eurent lieu au cours du XIXème siècle et jusqu'en 1939 dans le département du Rhône. Pour ces archives, nous avons classifié l'intégralité des morts dans deux tableurs distincts, l'un consacré uniquement aux cas de noyades et l'autre contenant toutes les autres morts mentionnées tels que les pendaisons, les chutes ou les accidents de la circulation. Nous recensons alors pour cette période 852 cas de noyades et 1126 cas de morts hors noyade, ce qui représente un total de 1978 morts répertoriées dans les procès-verbaux. Cependant, pour des raisons qui nous sont inconnues mais probablement par égarement certaines côtes sont moins complètes que d'autres. À partir de la côte 4M494 et 4M495 qui couvre les années 1864 à 1940, on note un changement dans la conservation des PV puisque beaucoup d'incendie sont désormais relatés avec les conséquences matérielles de ces derniers, alors que de 1870 à 1901, aucun cas de noyade n'est recensé et qu'après 1937, seul des accidents de train non-mortels sont signalés.

Dans un deuxième temps, dans un souci de prolonger temporellement l'étude des noyades qui ne sont que presque pas évoquées dans les PV concernant le début du XXème siècle, nous avons également dépouillé des archives présentes aux archives municipales de Lyon situées près de la gare Perrache à Lyon. Nous avons dépouillé les côtes 2764W/1 à 2764W/3 qui correspondent aux registres d'entrées des corps des victimes à la morgue à Lyon de l'année 1939 à l'année 1950 incluse. Pour ce dépouillement et par manque de temps, nous avons répertorié uniquement ici les cas de noyades, et non pas l'intégralité des morts recensées, comme nous avons pu le faire pour les archives des procès-verbaux. Nous répertorions ici 219 cas de noyades. Il nous faut préciser que les noyades recensées au sein de ces archives ne concernent que la découverte des noyades. Ces registres ne mentionnent ni la date ni le lieu de disparition de la victime. À la différence des PV, nous avons rencontrer plusieurs cas de noyade retranscrite et illustré par la photo du cadavre du

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noyé. Pour des raisons de qualité et de petite taille, nous n'utiliserons pas ces photos au sein de notre étude.

Troisièmement, nous avons utilisé pour cette étude des archives de presse issues du site internet Retronews. Nous avons classifié 115 articles de journaux évoquant des noyades ayant eu lieu dans le département du Rhône, datant pour le plus ancien du 6 avril 1825 et pour le plus récent du 28 juillet 1935. Ces 115 archives de presse sont issues de trois grands journaux Lyonnais de l'époque : la Gazette de Lyon, le Journal du commerce de la ville de Lyon et du département du Rhône et Lyon républicain.

Enfin, dans un dernier temps, nous avons eu un accès « inédit » à des archives iconographiques du médecin légiste français Edmond Locard et de son équipe grâce au soutien des Archives municipales et plus particulièrement celui de Nicolas Delestre. Ces archives comportent 28 000 plaques iconographiques exploitables qui proviennent de l'INPS datant de 1910, date à laquelle ce laboratoire a été fondé et jusque dans les années 50. Ces photographies représentent diverses choses, telles que des photos personnelles, des corps repêchés ou des photos d'enquêtes judiciaires. Nous avons pu récupérer quatorze photos représentant des cadavres de noyés qui nous permettront d'illustrer et de représenter ce à quoi ressemble un cadavre de noyé au début du XXème siècle.

MÉTHODES DE TRAVAIL

Pour construire notre étude et comme nous avons pu l'énoncer auparavant, nous avons classifié nos archives dans trois tableurs Excel , l'un consacré aux noyades ayant eu lieu de 1811 à 1950 dans le département du Rhône, recensant 1064 noyés, un deuxième consacré à toutes les autres catégories de morts, comprenant des homicides, des suicides, des morts naturelles et accidentelles et qui comporte 1126 cas s'étendant de l'année 1808 à l'année 1937, et enfin un dernier dans lequel nous recensons 115 archives de presse qui évoquent des cas de noyade ayant eu lieu entre 1825 et 1935.

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Grâce à l'élaboration de ces bases de données nous avons pu construire par la suite divers statistiques sur les noyés et les circonstances des morts recensées et notamment des statistiques nous permettant d'élaborer le profil des noyés afin de répondre à diverses questions :

-qui sont les noyés?

-à quel endroit et dans quelles circonstances se noient-ils?

-à quel endroit et à quel moment sont-ils retrouvés?

-quel est le nombre des noyades et comment varie-t-il dans le temps?

-quelle est l'importance relative de la noyade parmi l'ensemble des causes de décès accidentels recensés?

Nous avons produit différents types de statistiques, à savoir des chiffres, des pourcentages et des graphiques grâce au logiciel Excel et à nos bases de données.

Nous avons également produit des cartes géographiques afin de localiser les cas de noyades que nous avons étudié grâce au logiciel QGIS.

L'enjeu de cette étude est d'apporter une dimension historique au projet de recherche ARCO qui vise à proposer des solutions contre les noyades ainsi que de nourrir par un contrepoint sur la longue durée la thèse de Célia Maghakian intitulée « Noyade dans les cours d'eau urbains : de l'épidémiologie à l'aide à la recherche subaquatique de victimes dans le Rhône et la Saône à Lyon ». L'autre enjeu est de venir nourrir une thématique, à savoir l'histoire des noyades en France, et plus particulièrement l'histoire des noyades dans le Rhône et la Saône durant l'époque contemporaine, sujet qui n'a été que très peu étudié par les historiens.

L'intérêt personnel de cette étude est de gagner en connaissances sur d'une part l'histoire de la ville de Lyon, des noyades et des circonstances sur les morts qui eurent lieu à Lyon de manière générale aux XIXème et XXème siècles, et d'autre part d'avoir l'opportunité de travailler dans une équipe très hétérogène sur un projet original qui sort de l'ordinaire et qui de ce fait, me plait.

PROBLÉMATIQUE

Comment se caractérisent les noyades dans le Rhône et la Saône dans la ville de Lyon et dans le département du Rhône aux XIXème et XXème siècles? Quelles évolutions connaissent-elles parmi l'ensemble des morts recensées durant cette même période? Quelles solutions sont finalement mises en place par l'État et les autorités publiques afin de lutter contre les noyades?

PRÉSENTATION DU PLAN

L'enjeu de notre étude est d'établir une sociologie des noyés à Lyon et dans le Rhône aux XIXème et XXème siècles afin de fournir une réponse avec des statistiques à des enjeux qui demeurent actuels. Pour répondre à notre problématique, un plan chronologique aurait pu s'avérer être efficace pour traiter un sujet couvrant une si longue période, mais nous avons finalement opter pour un plan thématique qui nous permettra d'exposer l'ensemble des thèmes qui nous intéressent de manière pertinente, ainsi que pour des questions pratiques.

Nous avons ainsi choisi de construire un plan en trois parties. Dans la première partie, nous nous intéresserons tout d'abord au rapport au fleuve entretenu par les Lyonnais et aux risques créés par ce dernier aux XIXème et XXème siècles, en proposant dans un premier temps de développer ce rapport au fleuve, et dans un deuxième temps le rapport à l'eau et à la mort de manière générale.

Dans une seconde partie, nous allons entrer dans le coeur de notre sujet en développant les noyades à Lyon et dans le département du Rhône durant cette même période. Nous nous intéresserons dans un premier chapitre à la représentation des noyades dans l'ensemble des morts recensées à Lyon aux XIXème et XXème siècles, dans un second chapitre nous nous attarderons sur la prise en charge effectuée quant aux noyés, et enfin, dans un dernier temps, nous étudierons plus en détail les différents types de noyades en prenant soin de donner des statistiques pour illustrer chaque catégorie de noyé afin de pouvoir fournir des comparaisons qui soient les plus précises possibles. Notre troisième partie sera quant à elle consacrée aux aménagements et aux outils de lutte contre les noyades qui furent mis en place du début du XIXème siècle jusqu'au XXème siècle. Pour cette partie, nous parlerons de ces actions de lutte du point de vue de la ville de Lyon, mais nous proposerons également de les observer à l'échelle de la France en démontrant qu'une politique et des structures sont mises en place dans l'intégralité du pays, le fléau des noyades n'étant pas qu'uniquement présent dans le département du Rhône. Nous consacrerons également un chapitre à

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la presse locale Lyonnaise dans cette partie afin de démontrer que celle-ci représente un outil de prévention et d'éducation aux XIXème et XXème siècles à Lyon de part la croissance de ses moyens techniques et de sa diffusion.

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PARTIE 1

LE RAPPORT À L'EAU ET LES RISQUES LIÉS AU FLEUVE À LYON AUX XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES

Construite à la confluence de deux cours d'eau, la ville de Lyon a depuis toujours suscité chez ses habitants un rapport à l'eau et au fleuve spécifique et particulier. Si contrairement aux Grecs durant l'Antiquité les Lyonnais ne firent pas de leurs fleuves des divinités, une véritable relation de dépendance s'est pourtant développée au fil des siècles, nous pourrions même parler d'une relation passionnelle entre des habitants et des cours d'eau qui peuvent tant donner comme tant reprendre. À la fin du XVIème siècle, l'historien Pierre Matthieu déclarait même que « Le Rhône et la Saône sont les veines qui portent le sang et la nourriture dans Lyon »38.

Au cours de l'Antiquité la relation au fleuve et à l'eau à Lyon était basée sur le transport et le commerce. Servant de voies de communication pour le transport de biens et de personnes, la navigation permettait alors à la ville de Lyon de développer son économie et son commerce. Le rapport à l'eau quant à lui était crucial, les fleuves permettant d'une part de fournir de l'eau pour la réalisation des tâches domestiques mais également pour l'agriculture.

Au Moyen-Âge, l'utilisation du fleuve et de l'eau n'a guère évolué. En effet, les fleuves continuent à jouer un rôle majeur pour le commerce et pour l'agriculture, permettant à la fois de fournir une hydratation importante aux champs sillonnant la ville mais également de donner à boire aux bétails. Les Lyonnais quant à eux évitent de boire l'eau de la Saône et des puitss avoisinants, ces dernières étant considérées comme impures, ils préfèrent les eaux des sources ou le cas échéant celles du Rhône39.

Durant les Temps modernes, Lyon, comme la majeure partie de la France connaît une forte croissance. On y note notamment une évolution générale et une expansion commerciale intense, ainsi qu'une croissance démographique et une importante immigration40. Ces succès économiques permettent alors de nouvelles conquêtes urbaines avec l'apparition d'une volonté d'aménagement de la rive gauche du Rhône. Diverses constructions autour du fleuve sont établies menées par un désir de contrôler des eaux qui demeurent dangereuses et destructrices. C'est dans ce contexte que sont construits entre 1759 et 1769 la digue de la Tête d'or ou le canal imaginé par Jean-Antoine Morand en 1764 au pont de la Boucle retrouvant le Rhône en aval du pont de la Guillotière41.

38 Jean COULON, Emmanuel VINGTRINIER, La Vie Lyonnaise : Autrefois, aujourd'hui, Éditions de Lyon, 1983, 424p.

39 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.

40André PELLETIER, Jacques ROSSIAUD, Françoise BAYARD, Pierre CAYEZ, Histoire de Lyon des origines à nos jours, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, Barcelone, 2007.

41 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.

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Dans cette première partie, nous allons nous intéresser aux évolutions que connaissent les Lyonnais quant à leur rapport à l'eau et au fleuve à partir du XIXème et ce jusqu'au XXème siècle.

CHAPITRE 1

LE RAPPORT AU FLEUVE

Dans le cadre de notre étude concernant le rapport entretenu entre les Lyonnais et leurs cours d'eau, le Rhône et la Saône, nous allons nous intéresser dans un premier temps au rapport au fleuve. Lorsque nous évoquons le rapport au fleuve, nous évoquons d'une part le fleuve du Rhône, mais également d'autre part la rivière qu'est la Saône. Pour des questions pratiques, nous évoquerons ces deux cours d'eau en les nommant « fleuve » à plusieurs reprises dans notre étude, bien que la Saône ne soit pas à proprement parler un fleuve.

I- Les constructions autour du fleuve à Lyon

Dans un premier temps, nous allons voir les constructions qui sont établies autour du Rhône et de la Saône à Lyon aux XIXème et XXème siècles, et voir en quoi l'état de ces constructions permet de mieux comprendre le lien unissant les Lyonnais à leurs cours d'eau.

Depuis l'Antiquité, l'installation urbaine de Lyon s'est développée autour de la Saône, jugée plus docile que son voisin, le Rhône, considéré comme un obstacle difficilement maîtrisable. Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, la majorité des constructions se fait sur la Saône ce qui permet d'assurer à la ville une croissance économique et marchande. Elle constitue véritablement l'axe majeur principal de la ville42. Jusqu'au XIXème siècle, les cours d'eau de la ville occupent une place cruciale quant au ravitaillement de la ville qui est essentiellement assuré par des bateaux naviguant sur ces deux cours d'eau. La Saône est utilisée par un nombre important d'embarcations qui transportent des marchandises tels que des grains, des vins ou des poissons. Le Rhône quant à lui, proposant une navigation plus difficile à maîtriser est utilisé afin de transporter des matériaux sur des grands radeaux destinés à la construction tels que le bois, qui provient généralement de la Savoie et du Bugey tandis qu'on remonte du sud de la France et de la Méditerranée des céréales, du sel et des huiles.

42 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021

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a) Les ponts, bacs, et barques

Depuis l'Antiquité, période de construction de la ville de Lyon, des constructions sont établies afin de pouvoir traverser les fleuves. Durant plusieurs siècles, les Lyonnais utilisaient des barques ou des bacs afin d'y parvenir, qui étaient conduits par des passeurs.

Les bacs à traille ou bacs à chaîne correspondent à un type d'embarcation utilisé pour traverser un cours d'eau. Le système est simple : un câble traverse le cours d'eau et est attelé à un pilier de chaque côté du fleuve. La progression du bac se fait alors grâce au courant, et dans les cas où ce dernier n'est pas assez intensif, la traversée se fait à l'aide de rames ou tout simplement avec les bras, en tirant sur la corde ou en poussant sur une perche. Cette construction généralement provisoire était notamment utilisée par les hommes en compensation d'un pont endommagé ou détruit43. Nous pouvons citer par exemple la présence du bac à traille des Terreaux qui joignait le 2ème arrondissement de Lyon en rive droite à celui du 6ème arrondissement en rive gauche et qui fut construit vers 1745 44 . En 1827, Marc Seguin invente les ponts suspendus à Lyon ce qui

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engendre entre 1830 et 1850 une construction massive de ponts suspendus favorisant alors la disparition des bacs à traille, qui appartenaient pour la plupart à l'État français46.

Construits à l'origine en bois, les premiers ponts établis au sein de la ville de Lyon datent de l'époque gallo-romaine. Durant le Moyen-Âge et l'Époque moderne, aucune évolution n'est à noter concernant ces ponts, dont la construction n'est pas développée. Il faut attendre l'époque contemporaine et plus particulièrement la fin du XVIIIème siècle et la première moitié du XIXème siècle pour observer une forte croissance des constructions de ces ponts à Lyon. Au XVIIIème siècle, la ville comptabilise au total sept ponts. La Saône est alors traversée par cinq ponts : le pont de Serin, celui de Saint-Vincent, de l'Evêché, d'Ainay et de la Mulatière. Le Rhône est quant à lui traversé par deux ponts, à savoir le pont de la Guillotière et le pont Morand47.

À partir du XIXème siècle, la navigation à vapeur inventée par le marquis Jouffroy d'Abbans est en plein essor à Lyon et révolutionne la manière de penser les constructions autour du fleuve, on

43 Guy D†RRENMATT, Le Rhône autrefois, Les Provinciales Curandera, Aubenas, 1987.

44 Sandrine PAGENOt, Isabelle HAVARD, Bruno DECROCK, « Bac à traille du Bât d'argent, puis bac à traille des Terreaux ou bac à traille du Grand Collège, ou bac à traille des Recteurs de l'Hôtel-Dieu (disparu) », Rhône-Alpes, Lyon, 2010. Dernière mise à jour en 2016.

Disponible sur : < https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/dossier/IA69006581>

45 Jean PELLETIER, Ponts et quais de Lyon, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.

46Louis BONNAMOUR, Le XIXè siècle et la Saône. Tradition et Bouleversements, Z'est Éditions, 2020, 256p. 47 Jean PELLETIER, Les ponts de Lyon, l'eau et les Lyonnais, Le Coteau, Éditions Horvath, 1990, 207p.

détruit par exemple le pont de Pierre (ou du Change) sur la Saône qui est désormais considéré comme trop dangereux pour la navigation à cause du courant rapide qu'il enjambe et qui est par ailleurs surnommé « la Mort qui Trompe ». Dès 1860, on comptabilise 19 ponts à Lyon. Durant la deuxième moitié du XIXème siècle, Lyon connait une autre modification importante dans son paysage urbain : la construction de grands ponts métalliques. C'est ainsi que sont construits de 1852 à 1856 les deux viaducs de la gare de Perrache, celui de la Quarantaine sur la Saône et de la Méditerranée sur le Rhône mais également le viaduc en amont sur le Rhône qui correspond aujourd'hui au pont Poincaré. À la fin du XIXème siècle, la construction de ces grands ponts métalliques ne fera que de s'accroître laissant place à deux nouvelles constructions majeures que sont le pont Lafayette et celui de l'Université48. Après cette véritable transformation architecturale autour des cours d'eau Lyonnais, la ville ne connaît que de légères évolutions au XXème siècle. Nous pouvons notamment citer l'utilisation de nouvelles techniques et/ou nouveaux matériaux après 1910, tels que l'emploi du béton armé et du béton précontraint. Durant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) la ville de Lyon est victime de nombreux bombardements de la part de l'Allemagne nazie, ce qui occasionne la destruction ou l'endommagement de nombreux ponts et constructions sur le fleuve. Nous ne développerons pas davantage la période de la Seconde Guerre mondiale qui demeure trop conséquente pour pouvoir être traitée au sein de notre étude.

b) Les quais et les rives

Le paysage architectural de la ville de Lyon est ainsi constitué de ces nombreux ponts mais est également marqué par la présence de quais et de rives. Un quai est une « section de berge, de rive ou de rivage d'un port ou d'une voie navigable, aménagée en vue de permettre l'accostage des bâtiments de navigation, l'embarquement ou le débarquement des passagers, le chargement ou le déchargement des marchandises49 ». Les quais à Lyon reflètent la relation entretenue entre les Lyonnais et leur deux cours d'eau et leur construction est relativement récente puisqu'avant le XVIIIème siècle ils n'existent pas. Le bord de l'eau est occupé du côté du Rhône par des murailles et du côté de la Saône par des maisons.

À partir du XIXème siècle apparaissent les véritables premiers travaux d'aménagements des quais à Lyon qui sont tout d'abord destinés à dégorger la circulation routière en centre-ville qui se fait de

48 Jean PELLETIER, Les ponts de Lyon, l'eau et les Lyonnais, Le Coteau, Éditions Horvath, 1990, 207p.

49 Larousse, « Quai », dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 2 mai 2024. Disponible sur : < https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/quai/>

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plus en plus difficilement. Le prix de ces travaux étant élevé, les frais sont partagés entre la ville de Lyon et l'État français jusqu'à la fin du siècle50. La construction des quais s'explique également par un besoin de protéger les habitations des flots. Le premier quai construit à Lyon est le quai Saint-Vincent dont le projet voyait le jour dès 1599. Sa construction a lieu vers 1620 et est rapidement suivi par la construction de deux autres quais : le quai de la Baleine, correspondant aujourd'hui au quai Rolland vers 1640 et le quai Chalamont, aujourd'hui quai Saint-Antoine en 1713.

Les travaux d'aménagements des quais sur la rive gauche débutent quant à eux uniquement à partir du XIXème siècle. La rive droite du Rhône connait ses premiers travaux d'aménagements en 1573 avec les premières digues de Bandinelli pour parvenir à la fin du XVIIIème siècle aux travaux d'aménagements de Perrache. La rive gauche du fleuve est quant à elle construite au XIXème siècle. Concernant l'aménagement des rives de la Saône, sa rive droite est depuis toujours habitée et regroupe notamment l'économie Lyonnaise. La rive gauche est quant à elle au départ garnie de jardins et de vignes sur les flancs de la Croix-Rousse ainsi que de quelques couvents ou chapelles, avant de connaître à son tour des travaux d'aménagements des quais à partir du XVIIème et surtout lors des XVIIIème et XIXème siècles.

c) Les ports

En 1826, les frères Seguin, ingénieurs et industriels français se voient concéder par la ville de Lyon un terrain de 283 000m2 au sud du nouveau quartier de la presqu'île afin d'y construire une gare d'eau en y conduisant le voie ferrée reliant la ville de Saint-Étienne à celle de Lyon ainsi que d'y implanter 79 établissements industriels, maisons ou entrepôts51. Si une première gare d'eau avait été construite en 1779 par l'ingénieur Perrache, son état d'inachèvement la rend insalubre. Les frères Seguin entreprennent alors des travaux afin de viabiliser la zone de Perrache. Cette gare d'eau aura permis la création plus tardivement d'un port industriel de grande envergure au sein d'un lieu stratégique que représente le confluent du Rhône et de la Saône et sera détruite en 192052.

Le port Rambaud est à Lyon le plus ancien et le plus important de la région. Il a été construit en 1926 entre le pont de la Mulatière et l'ancienne gare d'eau sur les bords de Saône près du confluent

50 Jean PELLETIER, Ponts et quais de Lyon, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013.

51 Chalabi MARYANNICK, Ministère de la Culture, « Gare d'eau de la Compagnie Seguin », Inventaire général du patrimoine culturel, Région Rhône-Alpes, Ville de Lyon.

Disponible sur : < https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA69000818>

52ART ET HISTOIRE, « Société Seguin & Cie ».

Disponible sur : < https://www.art-et-histoire.com/request_print_page.php>

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avec le Rhône en succession à la gare d'eau. Sa mission est importante puisqu'il doit répondre aux besoins industriels d'une grande ville telle que Lyon53. Lieu destiné aux échanges commerciaux, il est spécialisé dans le trafic fluvio-maritime et avait pour mission notamment d'assurer des liaisons régulières entre Lyon et le mythique port du Pirée situé à Athènes en Grèce, ou des liaisons vers l'Italie afin de transporter des produits métallurgiques. Très actif durant les années 1950 à 1960, notamment dans le transport de produits tels que le sucre, le sel ou le vin, il cesse néanmoins son activité en 1991 54 .

Un second port pris forme au début des années 1920 à Lyon avant de devenir effectif en 1937 : il s'agit du port Édouard Herriot, situé sur le Rhône en aval de Lyon. Il est nommé ainsi en l'honneur du Président du Conseil et maire de Lyon Édouard Herriot. À la différence du port Rambaud qui n'a pu connaître une grande expansion notamment dû au fait que son arrière port touchait directement la ville de Lyon, le port Édouard Herriot a quant à lui toute possibilité d'extension que ce soit le long des berges qui ne sont pas aménagées ou derrière avec une immense zone industrielle en plein essor55. En effet, étant construit en pleine campagne sur un marécage, sa capacité d'extension est illimitée. Il est créé de prime abord afin de stocker les hydrocarbures et d'approvisionner les centrales de la région. Il est par la suite agrandi dans les années 1945-48, avec la construction d'une première darse, c'est-à-dire d'un canal puis d'un bassin permettant l'accostage aux gros transports d'hydrocarbures56.

53 Paul FELS, Alain DUCOS, INA, 30 octobre 1964, « Les installations portuaires de Lyon », 4:47. Consulté le 2 mai 2024.

Disponible sur : < https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/lxf99005735/les-installations-portuaires-de-lyon>

54 PORT RAMBAUD, « L'histoire du port Rambaud », consulté le 9 juin 2024. Disponible sur : < https://portrambaud.com/port-rambaud/son-histoire/>

55 Paul FELS, Alain DUCOS, INA, 30 octobre 1964, « Les installations portuaires de Lyon », 4:47. Consulté le 2 mai 2024.

Disponible sur : < https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/lxf99005735/les-installations-portuaires-de-lyon

56 VILLE DE LYON, « Port Edouard Herriot ». Consulté le 10 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.lyon.fr/lieu/patrimoine-industriel/port-edouard-herriot>

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d) Les moulins

Les premiers moulins apparaissent sur le Rhône aux XIVème et XVème siècles et sont pour la plupart des moulins à blé 57 . Ces moulins flottants qui se développent ensuite sur la Saône et qui fonctionnent grâce à l'énergie hydraulique qui leur sert de force motrice servaient alors à fournir la population Lyonnaise en farine58. La Fédération des moulins de France définit ces moulins flottants ou moulins-bateaux comme des « bâtiments en bois, flottant sur une rivière de façon statique, qui convertit l'énergie du courant de la rivière en mouvement rotatif de sa (ou ses) roue(s) pour actionner les meules d'un moulin à farine. Le seul déplacement qu'il effectuait, était dicté par la recherche de la meilleure position dans le courant de la rivière59 ». À la fin du XVIIIème siècle, Lyon connait un hiver rude qui provoque l'apparition de glace sur le Rhône ce qui eut pour conséquence la mise à l'arrêt des moulins qui à son tour causa l'apparition d'une famine meurtrière au sein de la population Lyonnaise60. Leur utilisation était donc primordiale. Avec le développement des bateaux à vapeur à partir de 1820 et l'augmentation du trafic fluvial, les moulins-bateaux perdent en popularité. Le 5 mai 1835, les Ponts et Chaussées interdisent la réparation des moulins défaillants à Lyon. C'est ainsi que fut détruit en 1894 le dernier de ces moulins voguants, année durant laquelle émerge par ailleurs la « Société des forces motrices du Rhône »61, l'un des premiers grands groupes privés de distribution et de production de l'électricité en France.

En conclusion, nous pouvons dire qu'un certain nombre de constructions sont établies sur les fleuves à Lyon aux XIXème et XXème siècles. Démontrant toujours plus d'intérêt pour leurs fleuves, les Lyonnais tentent par tous les moyens de rentabiliser leurs activités économiques en s'appuyant sur le développement et la maîtrise de leurs cours d'eau qui offrent également à la population des intérêts propices quant à la réalisation de certaines tâches et activités quotidiennes.

57 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013, p60-63.

58 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.

59 FDMF, « Les moulins-bateaux », publié le 2 novembre 2013. Consulté le 2 mai 2024. Disponible sur : < https://fdmf.fr/les-moulins-bateaux/>

60 Jacques FONTES, « Quand les moulins-bateaux préservaient les Lyonnais de la famine », Le Progrès, publié le 17 avril 2021. Consulté le 14 juin 2024.

Disponible sur : < https://c.leprogres.fr/culture-loisirs/2021/04/17/quand-les-moulins-bateaux-preservaient-les-Lyonnais-de-la-famine>

61 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013, pp64.

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II- Des métiers à risques près des cours d'eau à Lyon

Désormais, nous allons nous attarder un instant sur les métiers des rives qui permettaient le développement économique de la ville tout en représentant un danger pour les personnes qui les pratiquaient. Pour cette partie, nous avons choisi de traiter non pas l'intégralité des métiers des rives existant à Lyon ce qui aurait été trop conséquent, mais de développer les métiers qui sont selon nous les plus importants et et les plus influents à Lyon aux XIXème et XXème siècle et que nous avons pu rencontrer en étudiant les cas des noyades dans les archives des ADR et des AML.

a) Les pêcheurs

La pêche est une activité qui fut pratiquée dès la période de l'Antiquité. À Lyon, les produits de la pêche constituent une grande richesse pour les habitants. Permettant aux Lyonnais de se nourrir de poissons d'eau douce et de rivière qui sont des mets très appréciés, la pêche se professionnalise et se concentre dans les quartiers de la Platière et celui de Saint-Vincent. L'essentiel de ces pêcheurs sont alors originaires des bourgs de la basse Saône. Différentes techniques de pêche se développent comme la pêche à ligne flottante, à l'épervier ou à la bascule. Les pêcheurs utilisent également différents matériels tels que des filets, des carrelets et des nasses afin de pêcher différentes espèces parmi lesquelles on retrouvait la brème et le brochet mais également certains poissons migrateurs qui remontent le fleuve avec l'arrivée du printemps comme des esturgeons, des anguilles ou des aloses62.

Si la pêche se développe dans le secteur professionnel, elle se développe également en tant que loisir63. Généralement pratiquée à partir d'une berge ou dans un batelet, la pêche à la ligne comptabilise chaque année de nombreux participants et constitue l'une des activités les plus importantes pratiquée à Lyon. Les pêcheurs appréciant le caractère calme et paisible de la pêche participent également à de nombreux concours de pêche organisés sur ces deux cours d'eau avant d'aller se détendre dans une guinguette64. Malgré cette appétence pour la pêche, la pratique de cette dernière ne reste pas sans danger et des noyades sont a déplorées au sein de ces pêcheurs professionnels ou amateurs. Par exemple, au sein des PV dépouillés aux ADR nous avons eu le cas

62 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.

63 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013, pp55-57.

64Louis BONNAMOUR, La Saône, une rivière, des hommes, Christine Bonneton Éditeur, 1981.

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de la noyade d'un enfant nommé Auguste Alan qui alors âgé de 12 ans s'était noyé accidentellement en pêchant dans la Saône65. Son cadavre fut retiré de l'eau le 14 juillet 1864 en aval du pont Napoléon. Cette noyade illustre bien que malgré le fait que l'activité de la pêche soit considérée comme quelque chose de joyeux, le danger n'en était pas moins absent pour autant.

b) Les bateliers

L'un des métiers des rives les plus importants et les plus répandus à Lyon aux XIXème et XXème siècles est le métier de batelier. Dès l'époque gallo-romaine, la batellerie était omniprésente sur la Saône comme l'attestent notamment les plombs commerciaux retrouvés dans la Saône66. Au XIXème siècle : « est légale considéré comme patron-batelier toute personne, propriétaire d'un bateau automoteur ou de deux bateaux sans moteur, qu'il conduit lui-même avec l'aide de sa famille. Ils sont assimilés à des prestataires de services et ne sont, par conséquent, pas reconnus par la chambre des métiers. Il existe pour dénommer ces travailleurs indépendants, une diversité des termes dont il est difficile d'apprécier la nuance : marinier, batelier, artisan batelier, patron batelier67 ». L'une des activités principales de ces bateliers était d'assurer la traverser d'une rive à l'autre des cours d'eau, ce qui générait par ailleurs régulièrement des embouteillages et des conflits, les bateliers se montrant désireux d'obtenir les meilleurs places sur les rives68. L'autre rôle majeur des bateliers étaient de transporter différentes marchandises telles que du bois, des pierres, du sable ou des matériaux divers. Les embarcations étaient nombreuses et variées, on retrouvait par exemple des radeaux, des pirogues, des péniches, des bateaux-moulins que nous avons pu évoquer précédemment ou même encore des plattes, ces bateaux destinés à laver le linge69. L'exercice de ce métier n'était pas sans risque : de nombreux accidents de noyades sont à déplorer chez les bateliers et batelières Lyonnais aux XIXème et XXème siècles. Nous pouvons par exemple citer deux cas de noyades : celle du jeune Henry Mougenot, âgé de 28 ans qui s'est noyé accidentellement dans la

65ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

66 Gilbert SALMON, « Bateaux et bateliers sur Rhône et Saône : un voyage lexical en domaine franco-provençal au Moyen-Âge », Presses universitaires de Provence.

Disponible sur : < https://books.openedition.org/pup/4327>

67 Jean FAYOLLE (Dir.), Lyon au fil des fleuves, Multitude, Châtillon-sur-Chalaronne, 1982.

68 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau. : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.

69 L'INFLUX, « La batellerie sur le Rhône à travers les siècles », Lyon et région, modifié le 19 mars 2019. Consulté le 15 mai 2024.

Disponible sur : < https://www.linflux.com/lyon-et-region/la-batellerie-sur-le-rhone-a-travers-les-siecles/ #chapitre4a>

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Saône le 22 juillet 1836 70 alors qu'il conduisait un batelet et celle du marinier Gaspard Morel qui

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s'est quant à lui noyé le 16 février 1935 dans la Saône à Lyon près du port de Belleville alors qu'il conduisait une barque chargée de vin et qui a chaviré72. Nous aurons l'occasion de développer plus en détails les accidents et les noyades liés à la navigation au sein du premier chapitre de notre deuxième partie qui traite des noyades accidentelles.

c) Les tireurs de sable

Les tireurs de sables étaient des ouvriers dont le métier consistait à draguer le fond de la rivière depuis une barque afin d'en extraire le sable. Cette extraction du sable se faisait généralement à l'aide d'une bâche d'une dizaine de mètres de long que l'on amarrait ensuite sur un haut fond73. Ce sable était ensuite passé dans un tamis afin d'être réutilisé au sein de chantiers de construction après qu'il fusse été transporté à l'aide d'une barque ou d'une charrette. Le Rhône étant un fleuve particulièrement tumultueux possédant un lit parfois peu profond, des bancs de sable sans cesse en mouvement se créaient et nécessitaient ainsi l'intervention des hommes. Régulièrement cités au sein de la presse dans la catégorie des faits divers, l'exercice de ce métier pouvait se montrer particulièrement dangereux. Au sein de nos archives des PV de l'ADR nous avons eu l'occasion d'étudier plusieurs cas de noyades en rapport avec ces tireurs de sable. Par exemple, nous pouvons citer le cas de Philibert Lorin, sablonnier, qui disparu dans le Rhône à Lyon le 14 octobre 1824. Il se noya à la suite de la submersion du bateau qu'il montait dans le Rhône. Nous pouvons ici émettre l'hypothèse que ce sablonnier de profession, c'est-à-dire vendeur due sablon s'est noyé après avoir récupéré du sable dans le fleuve. Le 27 octobre 1864, deux hommes, François Lambert et Louis Bleu, tous deux sablonniers et âgés respectivement de 36 et 43 ans connaissaient le même sort en se noyant à Lyon dans le Rhône, leur bateau ayant été emporté par la force du courant du fleuve74.

70ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493. 71 Petit bateau à rames.

72ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

73 Jean FAYOLLE (Dir.), Lyon au fil des fleuves, Multitude, Châtillon-sur-Chalaronne, 1982, pp183.

74 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

d) Les haleurs

Le dernier métier à risque dont nous allons parler aujourd'hui est le métier d'haleur. Le halage est une action qui consiste à remonter un bateau le long d'un chemin de halage, c'est-à-dire d'un chemin longeant un cours d'eau75. Au début du XIXème siècle, le halage des bateaux se faisait à l'aide de chevaux qui, attachés par des câbles et grâce à leur forte musculature parvenaient à tirer ces bateaux76. Durant la période de l'Antiquité et pendant plusieurs siècles, le halage se faisait par la force humaine avant d'être remplacé par la force animale77. Dans son mémoire daté de 1809, Pierre Arnollet précise que généralement 6 chevaux remontaient environ 15 à 20 bateaux vides. De nombreux obstacles perturbaient le halage des bateaux tels que le mauvais état ou l'absence de chemin de halage ou le blocage du tirage dû notamment aux nombreuses constructions que l'on pouvait retrouver le long des cours d'eau78. Cette technique de transport de marchandises par le fleuve remonte à l'époque romaine et est utilisée jusqu'à l'apparition des bateaux à vapeur. L'itinéraire emprunté par les haleurs n'est pas fixe, il peut varier en fonction du voyage et des gravières ou bancs de sable. Parfois, il est même nécessaire de traverser sur une autre rive en transportant les animaux sur des barques ce qui peut occasionner une augmentation du coût de la manoeuvre mais également un danger supplémentaire pour les haleurs79. Chaque équipage comptait environ 50 à 100 chevaux et remontait le fleuve peu importe les conditions météorologiques en présence. Nous avons par ailleurs au cours de nos recherches rencontré de nombreuses noyades qui furent provoquées lors de la pratique de ce métier. Par exemple, nous pouvons évoquer la mort du jeune André Pierre, âgé de 24 ans qui se noya dans le Rhône en face des Brotteaux le 29 mars 1818 alors qu'il avait été « entrainé dans le fleuve par la corde d'un bateau tiré par des chevaux80 ».

75 LE ROBERT, « Halage ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 3 juin 2024. Disponible sur : < https://dictionnaire.lerobert.com/definition/halage>

76 Jean COULON, Emmanuel VINGTRINIER, La Vie Lyonnaise : Autrefois, aujourd'hui, Éditions de Lyon, 1983, p345 à 348.

77 CULTURE & PATRIMOINE, « 2000 ans de navigation sur le Rhône et l'axe Rhône-Saône », Cap sur le Rhône. Consulté le 13 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.capsurlerhone.fr/thematique/navigation-rhone-laxe-rhone-saone>

78 Louis BONNAMOUR, Le XIXè siècle et la Saône. Tradition et Bouleversements, Z'est Éditions, 2020, p97-98.

79 L'INFLUX, « La batellerie sur le Rhône à travers les siècles », Lyon et région, modifié le 19 mars 2019. Disponible sur : < https://www.linflux.com/lyon-et-region/la-batellerie-sur-le-rhone-a-travers-les-siecles/ #chapitre4a>

80ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

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L'étude de ces 4 professions ne reflète qu'une partie du développement des activités professionnelles autour des fleuves qui ont lieu aux XIXème et XXème siècles sur le Rhône et la Saône. Malgré cette relation complexe qu'entretiennent les Lyonnais avec leurs fleuves de part notamment le risque que représente l'exercice d'activités sur ces cours d'eau, ces derniers se montrent toujours plus désireux de vivre avec leurs fleuves, sur leurs fleuves et grâce à leurs fleuves.

III- Les activités aquatiques dans le Rhône et la Saône à Lyon au XIXème et XXème siècles

La construction de la ville de Lyon à la confluence de deux fleuves accroît cet intérêt qu'ont les Lyonnais pour ces cours d'eau de part notamment cette omniprésence de l'eau au sein de leur ville. C'est pour cette raison qu'en plus des professions et des constructions qui se sont établies autour de ces cours d'eau à Lyon, des activités aquatiques s'y développent également et sont grandement pratiquées dans le Rhône et la Saône aux XIXème et XXème siècles.

a) Les baignades

La première, et pas la moindre des activités aquatiques que nous allons évoquer est la baignade. Depuis tout temps la baignade est pratiquée dans le Rhône et la Saône à Lyon. Avant l'aménagement des rives et quais, les bords de ces deux cours d'eau étaient un espace naturel en ville. Durant l'été, c'est la Saône qui attire principalement les baigneurs81. Dans son étude consacrée à la pratique de la nage à Lyon à l'époque moderne, Françoise Bayard décrit « les adeptes de l'eau vive comme étant jeunes, de sexe masculin et appartenant aux gens de rivières et aux domestiques82 », nous aurons l'occasion de revenir plus tard sur le profil des baigneurs durant les XIXème et XXème siècles. Au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, la pratique de la baignade à Lyon est monnaie courante. Malgré les dangers, les Lyonnais s'adonnent régulièrement à la baignade notamment sur la rive gauche du Rhône qui demeure naturelle au début du XIXème siècle,

81 Pauline DELON, « Sais-tu nager? Pardi, je suis Lyonnais! » : La politique municipale de la ville de Lyon en matière d'établissements de bains au 19ème siècle. Mémoire de recherche IEP, séminaire Ville et pouvoir urbain, mémoire sous la direction de Renaud Payre, 2007.

82 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès national des sociétés savantes. Section histoire moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, pp. 229-242.

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se jetant des ponts le plus souvent dans le plus simple appareil83. C'est au cours du XIXème siècle que les lieux de baignades commencent à s'organiser et que sa pratique est encadrée, comme nous aurons l'occasion de le voir ultérieurement. Si la baignade représente pour les Lyonnais un moyen de se détendre et de se rafraîchir lors des chaudes journées d'été, elle représente néanmoins un danger important. De nombreux incidents sont à déplorer quant aux baignades aux XIXème et XXème siècles, nous pouvons par exemple citer le cas de Louis Béro, domestique, qui s'est noyé le 1er juillet 1818 dans le Rhône près du pont de la Guillotière alors qu'il se baignait dans le fleuve84. Une fois de plus, nous aurons l'occasion de développer ce point plus en détails plus tardivement au sein de notre étude.

b) Les promenades en barque

Si une bonne partie des bateaux étaient utilisés à des fins professionnelles, certaines barques étaient quant à elles utilisées à des fins divertissantes et récréatives. La promenade récréative en barque est alors rendue possible par deux voies différentes : soit les particuliers possédaient leur propre barque, soit il était possible d'en louer une. On note même la présence d'un établissement flottant proposant la location de barque au début du XXème siècle près de la passerelle Saint Vincent sur la rive droite de la Saône. On note également la présence d'autres établissements de ce genre qui étaient installés sur des pontons flottants à hauteur de l'Ile Barbe, de Collonges ou de Neuville et qui proposaient à la fois la location de bateaux mais réalisaient également la construction de ces derniers85. Cependant, il était fréquent, avec la difficile maîtrise de l'eau et notamment du Rhône que des accidents surviennent lors de ces promenades en barque, tel que le chavirement de ces bateaux. Par exemple, nous pouvons citer un accident ayant eu lieu le 10 juin 1864 sur le Rhône à Lyon dans lequel Jean Favier perdit la vie après que sa barque ait chaviré : « traversant le Rhône sur un canot (É) la barque a chaviré et tous deux sont tombés dans l'eau. Des mariniers se sont empressés de leur porter secours mais Thalon seul a pu être sauvé »86.

83 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021. 84ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

85 Louis BONNAMOUR, Plaisirs de Saône, Collections Nathalie et François Murtin, 2009.

86ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

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c) La joute nautique

En 1866, Jules Rambaud dans un article intitulé « La naumachie Lyonnaise » déclarait ceci à l'égard de la pratique de la joute nautique à Lyon : « À Perrache, aux Brotteaux, à Vaise, à Saint-Foy, chacun le coeur joyeux, regagne son chez soi, commentant les bons coups tout au long de la route et se promettant bien de revoir une joute. Ce jeu si fort goûté du temps de nos aïeux se transmettra sans doute à nos derniers neveux. Agréable tournoi, pacifique peu d'armes, qu'on peut voir et fournir sans éprouver d'alarmes, utile amusement et digne du beau lieu, où deux fleuves jumeaux furent unis par Dieu87 ». Cette description, quoique légèrement poétique décrit pourtant bien l'importance qu'avait la joute nautique à Lyon. La joute nautique est un : « sport consistant en une confrontation entre deux jouteux montés sur des barques propulsées par des rameurs ou un moteur »88. Cette pratique d'un duel sur l'eau paraît être l'équivalent des duels médiévaux qui opposaient deux chevaliers même si la mise à mort n'était pas de mise lors de sa pratique et que la joute nautique est de prime abord purement divertissante. Les jouteurs étaient par ailleurs accompagnés dans la barque de sauveteurs et de mariniers. À partir du milieu du XIXème siècle, l'apparition de la navigation à vapeur fait peu à peu disparaître la profession des mariniers, qui sont dès lors remplacer par des ouvriers lors de la pratique des joutes nautiques. Pratiquées sur la Saône qui se montre plus docile que le Rhône, les joutes nautiques demeurent jusqu'à la fin du XIXème siècle des événements rares, ce duel n'étant pratiqué que lors de grandes occasions mais accueillant toujours de nombreux spectateurs. Lyon est réputée pour être la première ville à avoir accueillie la première véritable organisateur de jouteurs, à savoir la compagnie des « trente-trois »89. Cette activité nautique ne restait pas sans danger et nombreux furent les blessés lors de ces tournois. Cependant, généralement les jeunes gens qui pratiquaient cette activité savaient nager tout d'abord pour pouvoir se sauver lorsqu'ils tombaient à l'eau et d'autre part car la joute était généralement accompagnée d'autres divertissements tel que le tir à l'anguille qui nécessitait aux joueurs de savoir nager90. Peu de cas de noyade sont donc recensés lors de la pratique de cette activité.

87 Jules RAMBAUD, « La naumachie Lyonnaise », La revue du Lyonnais, série 3 n°1, 1866, p97.

88 LA LANGUE FRANÇAISE, « Joute nautique ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 12 juin 2024. Disponible sur : < https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/joute-nautique>

89 Sébastien FITTE, L'histoire oubliée des joutes nautiques à Lyon. De l'âge d'or à la disparition : chronique d'un sport dans la ville, Université Lumière Lyon 2 : Institut d'Études Politiques de Lyon, Lyon, 2010.

90Jean COULON, Emmanuel VINGTRINIER, La Vie Lyonnaise : Autrefois, aujourd'hui, Éditions de Lyon, 1983, pp 364.

d) L'aviron

Une autre activité aquatique avait coutume d'être pratiquée sur la Saône à Lyon durant les XIXème et XXème siècles, il s'agit de l'aviron. L'aviron est un : « sport nautique pratiqué sur un plan d'eau aménagé, où une embarcation est propulsée à l'aide de rames91 ». L'histoire de ce sport est multiple. S'inspirant du « rowing », c'est-à-dire de l'aviron anglais, cette activité se développe tout d'abord en France à Paris dans les années 1830-1840 avant de s'exporter ensuite dans le reste de la France et de se développer à Lyon à la fin du XIXème siècle. Le premier club d'aviron est créé le 29 octobre 1879 à Caluire, il s'agit de l'Aviron Club Lyon Caluire, qui est par ailleurs toujours effectif actuellement. Un second club toujours actif également est fondé durant cette période, il s'agit de l'Aviron Union Nautique de Lyon, qui fut créé le 12 juin 1880 sous l'impulsion de son premier président, M. Grange. Ce club fut notamment plusieurs fois champion de France durant les années 189092.

En conclusion, nous pouvons dire que les Lyonnais vouent un véritable culte à leurs fleuves. Si ces derniers leurs procurent tout d'abord de l'eau pour la réalisation des activités de la vie quotidienne, comme boire, abreuver le bétail ou laver le linge, ils ont également permis peu à peu, le développement d'activités professionnelles à Lyon qui permettent par la suite l'essor de l'économie de la ville comme le commerce fluvial. Enfin, de nombreux loisirs et activités à but non-lucratif se sont également accrus reflétant ainsi la place importante des fleuves dans la vie professionnelle comme quotidienne des Lyonnais.

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91 LAROUSSE, « Aviron ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 15 juin 2024. Disponible sur : < https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/aviron/>

92AVIRON UNION NAUTIQUE DE LYON, « Histoire ». Consulté le 15 juin 2024. Disponible sur : < https://aunlyon.com/histoire>

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CHAPITRE 2

LE RAPPORT À L'EAU

Depuis l'origine de sa construction à aujourd'hui, l'eau est depuis toujours intimement liée à la vie à Lyon et à son histoire. Dans un deuxième chapitre, nous allons désormais nous intéresser au rapport entretenu par les Lyonnais à l'eau.

I- Une peur de l'eau ancestrale

Dans un premier temps, nous allons nous attarder sur la peur de l'eau. Depuis tout temps, l'eau représente un danger pour l'homme. De nombreuses légendes ont émergé au fil des siècles concernant les fonds aquatiques. Aujourd'hui encore, l'eau, à travers les océans et fonds marins, représente l'inconnu et le mystère pour les Hommes. Au Moyen-Âge, les cultures païennes sont oubliées, emportant avec elles les dieux et les déesses qui étaient censées jusque-là régner sur les régions aquatiques du globe. La religion chrétienne, omniprésente en Europe, voit naître une véritable peur de l'eau et des fonds aquatiques. La peur de se noyer ou de rencontrer une des nombreuses créatures mythiques issues de la mythologie grecque tétanisent les hommes et les femmes qui ne se baignent alors que très peu dans les rivières. Durant l'époque moderne, les premiers traités sur la natation apparaissent tel que le guide de l'allemand Johann Guts Muths intitulé Petit guide de l'art de nager pour les autodidactes en 1789. Les hommes et les femmes se réconcilient alors peu à peu avec la nage, et cela est également dû à des questions d'hygiène, ces dernières étant au coeur des préoccupations au cours des XVIIIème et XIXème siècles. Nous allons nous intéresser à ce rapport à l'eau entretenu par les Lyonnais au cours des XIXème et XXème siècle.

a) Une faible connaissance des fonds aquatiques

Durant la période du Moyen-Âge, les cours d'eau ne sont que très peu fréquentés. Il faut attendre la fin du XVIème siècle pour que la population vive et travaille de nouveau de plus en plus à proximité de villes riveraines de fleuve à l'instar de Lyon. Des noyades ont lieu régulièrement, mais les autorités de l'Ancien régime ne s'y intéressent pas.

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Les noyades demeurent une disparition considérée comme malchanceuse par les Hommes et l'eau apparaît comme un milieu imprévisible qui se montre difficilement domesticable malgré son utilité. Cette faible connaissance des fonds aquatiques propulse Dieu comme ultime recours aux dangers provoqués par l'eau. Jusqu'au XVIIIème siècle, le recours au « religieux » est alors le seul recours possible pour les populations victimes des dangers aquatiques. De plus, les croyances de l'époque accentuent cette peur de l'eau : des fantasmes populaires imaginent le peuplement des eaux par des monstres marins ou des sirènes qui peuvent entrainer leur victime par le fond. Même si ces monstres sont de prime à bord davantage imaginés dans les fonds marins, les fonds des rivières et des fleuves inquiètent également93. Au début du XIXème siècle, le Rhône et la Saône ne sont ni domestiqués ni aménagés et les Lyonnais ont du mal à cerner leurs deux cours d'eau. Se métamorphosant sans cesse, leur apparence n'est que changeante si bien qu'elle peut passer d'une eau transparente à une eau opaque ou se montrer en abondance ou en carence ce qui empêche une réelle connaissance et confiance vis-à-vis de de ces fonds aquatiques94.

b) Une difficile maîtrise de l'eau

Marquée par ce manque de connaissance quant aux cours d'eau qui la borde, la ville de Lyon est également marquée par une difficile maîtrise de l'eau. Variant au fil des saisons et des années, les eaux du Rhône et de la Saône se montrent rebelles et difficilement domesticables. Sans cesse en mouvement, tantôt marquées par des eaux vives tantôt marquées par des eaux lentes, le Rhône et la Saône sont en constant mouvement. L'une des conséquences les plus importantes provoquée par les conditions climatiques et notamment les rudes hivers sur les fleuves de Lyon est la fabrication de glace. Si au cours de l'Histoire, le Rhône n'a que très peu souvent gelé, il n'en est pas de même pour la Saône, qui a depuis le XIème siècle gelé une cinquantaine de fois95. En décembre 1500, la Saône est même gelée jusqu'à Mâcon en Bourgogne96.

93 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

94 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013, pp32.

95 Florent DELIGIA, « Lyon : quand la Saône et le Rhône se sont mis à geler », Lyon Capitale, mis en ligne le 23 décembre 2019. Consulté le 16 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-quand-la-saone-et-le-rhone-se-sont-mis-a-geler>

96 Jacques ROSSIAUD, Lyon : la rivière et le fleuve, Lyon, Éditions Lyonnaises d'art et d'histoire, 2013, pp33.

L'hiver de 1879-1880 se montre particulièrement rude, et la France entière est plongée dans un froid intense97. La Saône à Lyon se transforme en véritable « mer de glace », atteignant à certains endroits comme à Vaise une épaisseur allant jusqu'à 5 mètres et recouvrant les quais. Le journal Le Progrès publie un article le 5 janvier 1880 dans lequel il déclare : « La Saône charrie beaucoup moins qu'hier ; il est vrai que son courant est obstrué par les glaçons qui se sont amoncelés près du pont de la gare. Pour les séparer, on est obligé d'employer la mine98 ». Au cours de nos recherches aux ADR, nous avons pu rencontrer des cas de cadavres pris par ces glaces. C'est ainsi que dans un PV dressé le 5 décembre 1816, la gendarmerie royale évoque « un cadavre gelé dans la glace, de la taille d'environ 1 mètres 625 mil, âgé d'environ 20 ans, cheveux châtains clairs99 ». Lorsque l'hiver était marqué par un froid rigoureux, le Rhône gelait quant à lui sur sa largeur et générait généralement des glaces qui bloquaient le fleuve durant 5 à 6 jours. Ces blocs de glaces représentaient un véritable danger pour les bateaux en remonte. Les lônes, ces « bras du fleuve » se transformaient alors en patinoire ce qui paradoxalement faisait le bonheur des « gones »100.

c) L'intensité des courants

Le Rhône et la Saône sont également marqués par l'intensité de leurs courants qui pouvaient s'avérer être dangereux pour la population Lyonnaise. Il faut cependant noter que la Saône se distingue du Rhône sur différents aspects. Tout d'abord, elle se montre plus docile que son compagnon, et ainsi donc plus favorable à la construction ou à l'aménagement. Les Lyonnais ont ainsi donc moins d'appréhension lorsqu'ils sont à proximité de cette rivière que lorsqu'ils sont proches du fleuve. Ses pentes sont par exemple dix fois inférieures à celles du Rhône, le courant est donc bien moins rapide. Jules César déclarait par ailleurs à son sujet au Ier siècle av JC dans le De Bello Gallico101 qu' « elle est d'une incroyable lenteur au point que l'oeil ne peut juger du sens du courant ». La remonte du Rhône est très éprouvante et peut durer longtemps : au XIXème siècle, il

97 Laurent. D, « La Saône prise par les glaces. Hiver de 1879-1880 », L'Influx, modifié le 13 novembre 2021. Disponible sur : < https://www.linflux.com/lyon-et-region/linfo-retrouvee/>

98 Le Progrès du 05/01/1880.

99 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M488.

100 Guy D†RRENMATT, Le Rhône autrefois, Les Provinciales Curandera, Aubenas, 1987.

101 Jules CÉSAR, La Guerre des Gaules, Les Belles lettres, coll. Des universités de France, Paris, 1926.

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faut un mois pour monter d'Arles à Lyon alors que la descente se fait en 3 jours grâce à son débit rapide. La Saône de son côté proposant des courants très doux est plus difficilement navigable102.

d) Les crues

Un autre facteur est à prendre en compte quant à la difficile maîtrise de l'eau et dans la complexité relationnelle entretenue par les Lyonnais et leurs fleuves qui varie entre besoin et peur : il s'agit des crues. Une crue est une : « élévation du niveau dans un cours d'eau, un lac103 ». Si de prime abord la Saône se montre être une rivière calme et tranquille, les pluies peuvent rapidement entrainer le haussement de ses eaux et provoquer d'importantes inondations qui la transforment alors en plaine et en une vaste étendue aquatique104. Ce phénomène épisodique a depuis toujours rythmé la vie de cette rivière et a marqué de ses conséquences parfois dramatiques la mémoire collective. L'une des crues les plus marquantes que connu la Saône est celle de 1840 qui a donné lieu à de nombreux écrits. Si peu de victimes sont à déplorer, les conséquences matérielles sont désastreuses. On estime à plusieurs milliers la destruction d'habitations. En 1856, des pluies diluviennes provoquent une autre forte crue, mais qui demeure toutefois moins importante que celle de 1840. La ville de Lyon et notamment les quartiers bordés par le Rhône subissent alors d'importants dégâts105.

Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que le Rhône et la Saône sont des « fleuves » particulièrement difficile à maîtriser. Changeants au fil des saisons et des conditions climatiques, ils offrent aux Lyonnais une constante incertitude quant à l'avenir de la ville qui peut se retrouver compromis par l'un des nombreux caprices engendrés par ces deux cours d'eau.

102 MUSÉE GADAGNE, Lyon, Exposition Les pieds dans l'eau : Vivre avec le Rhône et la Saône, 2021.

103 LE ROBERT, « Crue ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 14 juin 2024. Disponible sur : < https://dictionnaire.lerobert.com/definition/crue>

104NATURE & ENVIRONNEMENT, « Carte d'identité de la Saône. L'affluent principal du Rhône », Cap sur le Rhône. Consulté le 14 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.capsurlerhone.fr/thematique/carte-didentite-de-la-saone/>

105 Louis BONNAMOUR, Le XIXè siècle et la Saône. Tradition et Bouleversements, Z'est Éditions, 2020, pp48.

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II- Le spectacle de la mort à Lyon aux XIXème et XXème siècle

Dans un deuxième temps, nous allons nous intéresser aux rapports qu'entretenaient les Lyonnais avec la mort. Omniprésente, la mort marque le quotidien des Lyonnais qui assistent à son véritable spectacle aux XIXème et XXème siècles, spectacle qui était notamment dû aux deux cours d'eau qui traversent la ville et qui représentent un danger à chaque instant.

a) Une faible pratique de la nage

L'omniprésence de la mort à Lyon est liée aux fleuves et est causée par une raison principale : l'absence ou la mauvaise pratique de la nage. Jusqu'au XVIIIème siècle, la population a recours au « religieux » pour se protéger du mauvais sort, mais également pour éviter de se noyer. Ce recours au religieux représente alors la seule échappatoire pour éviter la noyade et la mauvaise fortune, devançant celle qui est a priori évidente à savoir la connaissance de la nage. On note la rare présence de quelques « bons nageurs » qui est justifié par le peuple comme étant soit un miracle soit un acte issu de la sorcellerie106. Dans les faits, c'est un peu différent, ces quelques bons nageurs ont généralement fréquenté la rivière dès leur plus jeune âge et parfois avec les conseils d'un maître de nage local. Jusqu'au XVIIIème siècle, même si la pratique de la baignade a lieu à Lyon, la bonne connaissance de la nage demeure quelque chose de rare en raison de « la peur insidieuse de l'eau qui paralysait les gens »107. À partir du XIXème siècle, des aménagements sont mis en place afin d'apprendre à nager à la population, aménagements que nous aurons l'occasion de traiter plus en détails au sein de notre troisième partie.

b) Une absence de secours pour les noyés

Il faut attendre la fin du XVIIIème et le début du XIXème siècle pour que les autorités publiques s'intéressent réellement aux cas des noyés et commencent à instituer une assistance pour les victimes. Pendant longtemps, le sauvetage ou du moins le retirement des corps des noyés de l'eau par des passants n'avait pas lieu.

106FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

107 Catherine DANYS, « La mort accidentelle à Lille et Douai au XVIIIème siècle : mesure du risque et apparition d'une politique de prévention », Histoire urbaine, vol. 2, n°2, 2000, p. 111, 112.

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Repoussés par un possible contact avec le noyé, ou tout simplement par peur des représailles judiciaires s'ils touchaient le cadavre avant l'arrivée des autorités, l'assistance volontaire demeurait chose rare. De plus, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, les dangers de l'eau sont bien connus par la population qui accepte que les autorités ne mettent en place aucune réparation quant aux souffrances endurées108. Cependant, au cours du XVIIIème siècle, des méthodes commencent à émerger pour secourir les noyés. Comme nous avons pu l'énoncer au sein de notre introduction, l'une de ces méthodes, qui demeure pour le moins atypique provenait d'Hollande et visait à sauver les noyés à l'aide d'un soufflet et d'un peu de tabac. Ce soufflet était alors inséré dans le rectum du noyé, et faisait office de « défibrillateur ». Après l'insufflation du tabac, on tentait de réchauffer le noyé par frictions ou en écorchant un mouton pour ensuite couvrir la victime avec sa peau encore chaude. Parfois même, si une personne courageuse se désignait, il arrivait qu'elle doive se coucher nu dans le même lit de la victime, contre elle, afin de la réchauffer109. On trouvait par ailleurs un certain nombre de ces « boîtes à tabac » le long des cours d'eau Lyonnais afin de pouvoir assister une victime n'importe où et n'importe quand. Une autre méthode était également utilisée au XVIIIème siècle, celle de la pendaison par les pieds. Cette méthode consistait à pendre le noyé par les pieds ou à le placer dans un tonneau afin de le faire rouler dans tous les sens possibles110. Il n'est pas nécessaire de préciser ici que ces méthodes n'ont guère sauvé de noyés au cours de cette période. Elles seront peu à peu abandonnées à la fin du XVIIIème siècle laissant place à une meilleure prise en charge des victimes de noyade grâce à l'amélioration de la science et de la médecine.

108 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

109 Anton SERDECZNY, « Réanimer les noyés en soufflant dans leur derrière : une histoire », Retronews, publié le 26/02/2019.

Disponible sur : < https://www.retronews.fr/sante/long-format/2019/02/26/reanimer-les-noyes>

110ARCHIVES MUNICIPALES DE LILLE, « 1772 : « moyens faciles pour rappeler les noyés à la vie », Ordonnance du 14 octobre 1772. Consulté le 16 juin 2024.

Disponible sur : < https://archives.lille.fr/page/1772-moyens-faciles-pour-rappeler-les-noyes-a-la-vie->

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c) L'omniprésence de la mort

La ville de Lyon est marquée depuis tout temps par une omniprésence significative de la mort. Il était coutume de tomber sur un cadavre dans les rues de la ville ou flottant dans le Rhône ou la Saône comme l'évoquait La Gazette des tribunaux de 1825 à 1914 en déclarant que des « pièces anatomiques » et des « fragments humains » dérivaient régulièrement sur l'eau111. Si les pêcheurs étaient les premiers témoins de la découverte de ces cadavres au sein des cours d'eau, ce genre de trouvailles pouvait toucher l'intégralité de la population puisqu'il était fréquent de tomber nez à nez avec un cadavre flottant ou un cadavre à terre. De nombreux témoignages admettent également l'idée qu'il était possible d'assister à la mort d'une personne à Lyon, que ce soit de manière accidentelle, par homicide ou par suicide en sautant du haut d'un pont par exemple. Nous pouvons citer le cas du nommé Blaise Guillaume, qui, le 28 novembre 1826, se trouvant sur le pont de l'archevêché avec l'un de ses camarades se jeta brusquement dans la Saône avant de disparaître dans les eaux sous les yeux stupéfaits des Lyonnais et de son camarade112. L'omniprésence de la mort à Lyon pouvait également se traduire par la présence d'exécutions en place publique qui attiraient de nombreux spectateurs. La première exécution par guillotine à Lyon eut lieu en 1827 sur la place Louis XVIII. Le Journal du Commerce estime le nombre de personnes présentes à cet événement à environ 10 000. Au cours du XIXème siècle, le nombre d'exécutions à Lyon est important et attire toujours autant la foule passionnée. Ces mises à mort, d'une violence extrême étaient alors marquées par la présence en abondance du sang et de la mort113. Elles seront effectives à Lyon jusqu'en 1966.

d) La morgue flottante

Lorsque les fleuves rendaient visibles au grand jour les cadavres des noyés, ces derniers étaient ensuite déposés à la morgue de Lyon afin que l'identification soit rendue possible.

111

FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

112 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

113Alexandre NUGUES-BOURCHAT, « L'exécution capitale : un spectacle populaire sous le regard des élites (Lyon, xixe siècle) ». Le peuple des villes dans l'Europe du Nord-Ouest (fin du Moyen åge-1945). Volume I, édité par Philippe Guignet, Publications de l'Institut de recherches historiques du Septentrion, 2002. Disponible sur : < https://doi.org/10.4000/books.irhis.2060>

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La première organisation de médecine légale qui fut organisée à Lyon se trouvait sur le Rhône face à l'Hôtel-Dieu près du pont de la Guillotière. Cette morgue flottante, active entre 1850 et 1910, permettait une meilleure conservation des cadavres qui étaient régulièrement arrosés par l'eau du fleuve. Installée au sein d'un bateau-lavoir amarré, cette morgue avait la particularité d'exposer les cadavres qui l'habitaient114 . Un extrait du règlement de la morgue datant de 1900 déclare même que : « le cadavre de toute personne inconnue apporté à la morgue restera exposé aux regards du public tant que son état de conservation le permettra ». Cette morgue était gardée par un gardien dont nous avons pu par ailleurs consulter les dossiers personnels qui sont conservés aux AML. Lorsque la presse annonçait l'arrivée d'un corps à la morgue, la foule Lyonnaise se déplaçait en grand nombre afin d'une part tenter de reconnaître l'identité de la victime, et/ou d'autre part afin d'assouvir quelque peu sa curiosité. Ouverte tous les jours, l'affluence pouvait atteindre les 1000 visiteurs par jour. Une salle était également mise à disposition afin d'entreposer les corps qui s'avéraient être nombreux lors des hautes saisons. La morgue était également constituée d'une salle d'autopsie au sein de laquelle des cours de médecine légale avaient lieu comme nous aurons l'occasion de le voir dans notre partie 3115.

Pour conclure cette première partie nous pouvons dire que les Lyonnais entretiennent une relation complexe avec le Rhône et la Saône. Au fil des siècles et des époques, ils ont su développer un lien particulier en bâtissant de nombreuses constructions sur ces cours d'eau, en développant leur richesse économique grâce à la navigation commerciale mais également en amplifiant le nombre d'activités aquatiques rendues possibles par la présence de ces fleuves au centre de leur ville. Malgré une domestication fragile et complexe, en raison notamment des conditions naturelles et météorologiques qui parfois sont à l'origine de catastrophes importantes, les Lyonnais ont sur lier leur vie à celles des fleuves en essayant toujours d'en retirer le plus d'avantage tout en tentant de minimiser et contrôler les inconvénients qui peuvent en émaner.

114 TRIBUNE DE LYON, « Le jour où une morgue flottait sur le Rhône », mis en ligne le 25 septembre 2022. Consulté le 16 juin 2024.

Disponible sur : < https://tribunedelyon.fr/societe/le-jour-ou-une-morgue-flottait-sur-le-rhone/>

115Ludivine STOCK, « Histoire de la morgue flottante », Coll. Les rues de Lyon, Mensuel de bande dessinée, n°8 août 2015, Association l'Épicerie Séquentielle, Champagne-au-Mont-d'Or, 2015.

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PARTIE 2

LES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE AUX XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE

Nous allons dans une deuxième partie traiter plus particulièrement le cas des noyés. Notre étude s'inscrit à la suite de celle de Françoise Bayard intitulée « Nager à Lyon à l'époque moderne (XVIIè-XVIIIè siècles) »116 au sein de laquelle elle s'intéresse à la pratique de la baignade et aux noyades à Lyon. Selon Françoise Bayard, la baignade est pratiquée durant cette période-ci « par les deux sexes, à tout âge, dans tous les milieux sociaux, à tout moment, dans des lieux variés et selon des modalités différentes ». Cependant, en étudiant les cas des noyades, elle met en lumière le fait que la plupart des cadavres de noyés étaient de sexe masculin. Elle note que de 1624 à 1789, une seule femme et une seule adolescente se sont noyées à la suite d'une baignade alors que 30 garçonnets et 48 en étaient également victimes. De plus, Françoise Bayard nous indique que toutes les classes d'âges sont représentées au sein des noyés, ainsi que tous les milieux sociaux. De même, les deux cours d'eau de la ville sont concernés par ces noyades : la population lyonnaise se baigne dans le Rhône comme dans la Saône. Il est possible de se baigner seul, ou parfois en groupe. Si certains savent bien nager, pour d'autres la pratique des mouvements demeure fragile. On observe alors des entraides entre les Lyonnais et Lyonnaises afin d'apprendre cette discipline. Françoise Bayard partage ensuite quelques statistiques concernant ces baignades et ces noyades, à savoir notamment que :

-77,63% des baigneurs sont de sexe masculin

-84,70% des baigneurs ont entre 10 et 30 ans

-58,41% des baignades ont lieu au mois de juillet, 23,7% ont lieu au mois de juin et 10,89% ont lieu au mois d'août

-81,90% ont lieu dans la Saône

-90,69% des baigneurs sont nus

-1/4 environ sont accompagnés

Au sein de notre partie, nous nous appuierons sur l'étude de Françoise Bayard et sur ses statistiques afin de pouvoir proposer à notre tour, une étude des baignades et des noyades à Lyon et dans le Rhône durant l'époque contemporaine. Dans un premier chapitre, nous nous attarderons sur la proportion des noyades dans l'ensemble des morts recensées à Lyon aux XIXème et XXème siècles. Dans un second chapitre nous nous intéresserons à la prise en charge des noyés, et enfin dans un troisième et dernier chapitre, nous verrons les différents types de noyades recensés.

116Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès national des sociétés savantes. Section histoire moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, pp. 229-242. «

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CHAPITRE 1

LA PROPORTION DES NOYADES DANS L'ENSEMBLE DES MORTS RECENSÉES
DANS LE RHÔNE AU XIXÈME SIÈCLE ET AU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE

Dans un premier chapitre, nous allons nous attarder sur les causes des morts recensées, leur proportion, et la proportion des noyades au sein de ces cas dans nos archives des PV situées aux ADR117. Comme nous avons pu l'évoquer dans l'introduction, nous avons réalisé au cours de nos recherches plusieurs bases de données. Pour ce premier chapitre dans lequel nous allons traiter l'intégralité des morts recensées nous nous baserons d'une part sur notre base de données au sein de laquelle nous avons classé toutes les morts évoquées dans nos PV des ADR hors noyades, et d'autre part nous allons utiliser la base de données au sein de laquelle nous avons registré les cas de noyades. Il nous faut préciser ici que nos statistiques seront basées uniquement sur les morts recensées et issues des archives des PV des ADR. En effet, pour des questions de logique, nous ne pourrons pas utiliser les cas de noyades que nous avons recensé suite au dépouillement des archives des registres d'entrée des morts à la morgue puisque pour ces années-là, c'est-à-dire de 1939 à 1950, nous avons uniquement recensé les cas de noyades et non pas l'intégralité des morts recensées. Leur utilisation fausserait nos statistiques.

I- Les morts accidentelles recensées dans le département du Rhône entre 1800 et

1939

Dans un premier temps, nous allons voir les morts accidentelles que nous avons pu recenser au sein de nos archives. Nous considérons comme mort accidentelle, toute mort non naturelle qui est causée par un accident, comme une chute, une collision routière ou un empoisonnement accidentel. En dépouillant les côtes 4M488 à 4M495, nous avons recensé 1126 cas de morts (hors noyade) s'étendant de l'année 1808 à l'année 1937. Au sein de ces 1126 cas, nous notons la présence de 433 cas de morts accidentelles, ce qui représente au total 38,45% des morts accidentelles. Il y a certainement d'autres morts causées par un accident, cependant, sans certitude concernant la conclusion de la mort, nous nous appuierons uniquement sur les certifications qui ont été apportées au sein des PV.

117 Voir partie « Annexes ».

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a) Les accidents de la circulation

Tout d'abord, nous allons nous intéresser à ce que l'on a nommé les accidents de la circulation. Nous considérons ici comme accident de la circulation toute mort qui a été provoquée par un moyen de transport, que ce soit une voiture, une charrette tirée par un cheval, un train ou un avion. Les accidents de la circulation représentent dans notre base de données 90 cas, c'est-à-dire que plus de 20% des morts accidentelles sont liées à un accident de la circulation. Parmi ces derniers, nous retrouvons en majorité les accidents de voiture, liés à des accidents de charrette et d'automobiles qui représentent 64 cas, soit 14,78% des morts accidentelles. Le premier accident de voiture que nous rencontrons a lieu en 1811 et le dernier en 1867. Ces accidents de voiture concernent en grande majorité des hommes puisque 55 cas sont de sexe masculin, ce qui représente 85,94% des victimes. Dans la majeure partie des accidents de voiture recensés, les morts sont provoquées par le poids de la voiture qui vient écraser la victime, et ainsi donc écraser ses organes vitaux. Ils sont provoqués soit directement par la personne possédant la voiture après une faute d'inattention soit sur une victime qui est percutée par un conducteur.

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Pour illustrer ces accidents de la circulation, nous pouvons prendre comme exemple le cas d'Eugène Chatain118, qui en 1864 est tombé de sa voiture, laquelle lui est passée sur le corps puis a entrainé sa mort dans les heures qui suivirent. Nous pouvons également évoquer le cas de monsieur Chélin qui en 1818 a « été renversé par le cheval qu'il s'efforçait de retenir119 », la voiture lui est alors passée sur le corps, et la victime a été retrouvée morte sur place. Ces cas d'accidents de la circulation touchent l'ensemble de la population, sexe, classe sociale ou âge confondus. Notons le cas de la petite Frédière, alors âgée de 27 mois, qui « jouait sur le trottoir lorsque le bruit d'une voiture tout à coup a effrayé le cheval120 », l'enfant fut projetée à terre, le crâne fracturé et décéda sur place. Concernant les accidents de train, ces derniers surviennent à partir de l'année 1836. Ils ne concernent alors pratiquement que des hommes, un seul cas de sexe féminin étant à noter en 1851. Enfin, on ne décompte que deux accidents liés à un avion, un premier en 1919 et un second en 1937. Le premier accident a fait deux victimes de sexe masculin, deux militaires, il s'agissait d'un « biplan appartenant au centre d'aviation du Rhône » qui « s'est abattu sur un immeuble situé Rue Nationale n°23121 » à Villefranche-sur-Saône. Le deuxième accident a provoqué quant à lui le décès de 5 personnes, 4 hommes et une femme, de nationalité anglaise. Cet accident d'avion a été provoqué par une mauvaise météo ce qui provoqua le crash de l'avion dans la commune d'Ouroux, en pleine région montagneuse du Beaujolais. Nous pouvons noter une croissance de ces accidents de la circulation durant les années 1860, décennie qui regroupe à elle seule 37 victimes d'un accident lié à la circulation, tandis que nous recensons de 1900 à 1939, aucun cas d'accidents de voiture ou de train, mais uniquement les crash d'avion cités précédemment. Cela ne traduit pas une absence d'accidents de voiture ou de train au début du XXème siècle, mais une absence des procès-verbaux relatant ces faits pour cette période, ce qui nous empêche de démontrer une réelle évolution des accidents de la circulation durant cette période donnée.

118 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M494.

119 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M489.

120 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M494.

121 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M495.

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b) Les accidents sur les lieux de travail

Désormais, nous allons nous intéresser à une autre catégorie d'accidents mortels : ceux qui ont lieu sur les lieux de travail des victimes. Au cours de nos recherches, nous avons pu observer une forte hétérogénéité au sein des professions des victimes ayant connu une mort accidentelle sur leur lieu de travail. La catégorie professionnelle qui touche le plus de personnes victimes d'accident mortel sur leur lieu de travail au sein des PV est celle des ouvriers, notamment ceux qui exercent dans la construction ou le bâtiment. La majeure partie du temps, ces ouvriers décèdent à la suite d'un ensevelissement, d'un écrasement, d'un effondrement, d'une chute ou d'une asphyxie. L'intégralité des cas traitant de la mort d'un ouvrier concerne des ouvriers de sexe masculin. Ces accidents mortels sur les chantiers de construction ont lieu durant toutes les décennies que nous étudions au sein de notre travail et nous ne notons pas d'évolution particulière. Au début du XIXème siècle, nous pouvons citer comme exemple le décès d'un ouvrier qui en 1811 fut « enseveli sous les décombres d'un énorme rocher qui s'est détaché et éboulé122 » ou le cas d'Étienne Buisson, 18 ans, qui fut « écrasé par l'éboulement inopiné d'un bâtiment123 ». Une autre des circonstances majeures entraînant la mort de victimes sur leur lieu de travail est l'asphyxie. La mort par asphyxie peut être définie comme le « ralentissement grave ou l'arrêt de la respiration pouvant entraîner la mort, provoqué par des facteurs externes ou internes124 ». Plusieurs circonstances peuvent provoquer cette asphyxie chez une personne, nous retrouvons notamment l'asphyxie causée par un manque d'oxygène, une noyade, l'absorption de gaz toxiques ou la strangulation. Dans le cas des morts accidentelles causées par une asphyxie sur le lieu de travail d'une victime, nous rencontrons tous les cas de figure. En 1818, Jean Bourricant et Benoit Loup alors qu'ils sont en train de travailler trouvent la mort par asphyxie après avoir inhalé du gaz méphitique d'une fosse125 tandis qu'en 1864, Jean Milou trouve la mort par asphyxie « en foulant sa cuve de vendange126 ». Une autre cause importante de décès survenu sur un lieu de travail est le broiement, et notamment le broiement causé par l'implication d'une machine quelconque.

122 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M488.

123 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

124 CNRTL, « Asphyxie ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 18 juin 2024. Disponible sur : < https://www.cnrtl.fr/definition/academie9/asphyxie>

125 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

126 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

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Ainsi, nous retrouvons une unique victime de sexe féminin, il s'agit de Jeanne Laurent, qui fut broyée en 1864 « par l'engrenage d'une pompe mise en mouvement par un âne »127. Concernant les victimes de sexe masculin, nous pouvons par exemple citer le cas de monsieur Crozet, âgé de 70 ans et meunier, qui dans un état complet d'ivresse fut broyé après avoir chuté dans l'engrenage de son moulin128. Enfin, la dernière des causes les plus courantes d'accidents du travail provoquant le décès est la chute nous relevons, notamment pour le cas des ouvriers, 15 cas de victimes ayant chuté d'une échelle ou d'un échafaudage tel que le maçon Jacques Raton, qui s'est « tué raide en tombant d'une échelle » en 1824129.

c) Les chutes

Si la mort causée par la chute a lieu sur les lieux de travail, elle est également l'une des plus courantes au sein des morts accidentelles. Nous comptabilisons au total 129 morts causées à la suite d'une chute, ce qui représente un total de 29,79% des morts accidentelles et la cause de la mort accidentelle recensée la plus répandue dans nos archives de PV. Au sein de ces 129 chutes, 16 victimes sont de sexe féminin, 112 de sexe masculin, et 1 de sexe inconnu. Bon nombre de ces chutes ont lieu directement au domicile de la victime et sont généralement causées après une faute d'inattention ou de maladresse de la part de la victime. Nous notons la présence nombreuse de chutes ayant été entrainées du haut d'une fenêtre, d'un escalier, d'une échelle ou d'un échafaudage. Concernant les chutes ayant eu lieu dans une maison d'une fenêtre ou d'un escalier, l'étage est généralement précisé, on retrouve alors des chutes ayant eu lieu d'un point assez élevé, comme du 6ème étage d'une maison, mais également d'autres chutes, dont l'élévation est plus surprenante et plus basse, comme le cas de Félix Gury, 8 ans, qui s'est tué après avoir chuté d'une hauteur de 80 centimètres en 1850130. Un facteur est également à prendre en considération concernant certaines chutes entraînant la mort de victime de sexe masculin : l'ivresse. En effet, sur les 112 chutes que nous comptabilisons, 17 ont été engendrées sous l'emprise de l'alcool tel que pour le cas de François Mulet, 23 ans, cordonnier, qui « est tombé du 4ème étage par suite d'ivresse »131. Tel que

127 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

128 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

129 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

130 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

131 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

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nous avons pu l'observer concernant les morts liées à un accident de la circulation, la période comptabilisant le plus de morts causées par une chute accidentelle est celle s'étendant de 1860 à 1867, période durant laquelle nous avons collecté le plus d'archives de PV.

d) Les asphyxies et les incendies

Dans une quatrième sous-partie, nous allons désormais traiter les morts accidentelles ayant été entrainées à la suite d'une asphyxie et/ou d'un incendie. Ce choix de regrouper ces deux causes s'explique par la fait que « 80% des décès lors d'incendies sont en relation avec l'inhalation des fumées132 », et sont donc par conséquence provoqués la majeure partie du temps par l'asphyxie de la victime. De plus, il est fréquent que la cause médicale de la mort d'une victime ayant péri au sein d'un incendie ne soit pas explicitée, il nous paraissait donc logique d'associer ici ces deux circonstances. Il est également à noter qu'un nombre important d'incendies est recensé au sein des PV, mais la majeure partie n'ayant causé que des dégâts matériels, nous n'évoquerons ici que les incendies ayant provoqué la mort de victimes. Nous définirons les incendies comme des feux qui en se propageant ont engendré la mort de quelqu'un, nous étudierons donc tous les cas de décès liés au feu, que celui-ci soit minime ou plus important. Au total, nous recensons 18 cas de victimes ayant été tuées accidentellement par immolation au sein desquels nous relevons la présence de 8 femmes et de 10 hommes. La côte 4M494 est celle au sein de laquelle nous recensons le plus d'incendie ayant entraîné un ou plusieurs décès. En effet, nous comptabilisons 10 cas dans la côte 4M494, qui ont lieu de l'année 1864 à l'année 1867. L'âge moyen des victimes est relativement peu élevé, on note notamment plusieurs cas de jeunes enfants tels que le cas de la petite Saunier, qui est décédée dans un incendie à l'âge de 30 mois en 1835133, celui de la fille Sejatton, brûlée à cause de « l'imprudence de sa nourrice » alors qu'elle n'était âgée que de 4 mois134, ou celui de François Durand, décédé à l'âge de 3 ans après avoir « mis le feu à ses vêtements135 ».

132 Francis LÉVY, Expert en Médecine légale près la Cour d'Appel de Colmar, ancien Médecin-chef des Sapeurs-Pompiers du Haut-Rhin, « Pourquoi les fumées d'incendie tuent. Les dangers des fumées d'incendie », defifeu.fr.

Disponible sur : < https://www.defifeu.fr/connaitre-les-risques-incendie/pourquoi-les-fumees-incendie-tuent>

133ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

134 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

135 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

Concernant les décès par asphyxie, hors incendie, nous retrouvons notamment des asphyxies ayant eu lieu dans des puitss et des asphyxies ayant été provoquées par l'inhalation de vapeurs de charbon de bois ou de four à chaux. Nous relevons 8 cas d'asphyxie sur les 30 répertoriés qui furent causés par la fumée de charbon de bois, comme la femme Meunier, âgée de 57 ans qui fut « asphyxiée par la vapeur du charbon » en 1823136.

e) La représentation des noyades dans les morts accidentelles

Désormais, nous allons nous intéresser dans un dernier temps à la proportion des noyades accidentelles au sein de l'intégralité des morts accidentelles recensées au sein des archives des PV. Pour cela, nous ne prendrons en compte que les noyades issues des dépouillements des archives des PV des ADR afin d'établir nos chiffres et nos statistiques, étant donné que lors du dépouillement des registres d'entrée des corps à la morgue aux AML nous n'avons pu répertorier que les cas de noyades par manque de temps. Comme nous avons pu l'évoquer auparavant, notre base de données contient 433 cas de morts accidentelles avérées dans les PV hors cas de noyade. Dans notre base de données classifiant les cas de noyades au sein des côtes 4M488 à 4M495, nous relevons 469 cas de noyades certifiées accidentelles, 35 cas de noyades dont la conclusion de la mort est soit liée à un accident soit à un suicide et 185 cas où nous ne connaissons pas les circonstances de la mort. Nous observons alors que la noyade représente la première cause de mort accidentelle dans le département du Rhône au XIXème siècle et au début du XXème siècle puisqu'elle représente 52% des morts recensées de l'année 1811 à l'année 1937. Nous vous proposons désormais d'observer un graphique au sein duquel sont représentées l'intégralité des circonstances accidentelles des morts rencontrées.

136 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

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En conclusion nous pouvons affirmer que l'étude de la période s'étendant de 1800 à 1939 dans le département du Rhône révèle une réalité complexe et une multiplicité dans les morts accidentelles. En étudiant les PV, on observe une prévalence notable des noyades dans l'ensemble des décès accidentels, ces derniers représentant une proportion significative des décès recensés.

II- Les homicides dans le département du Rhône de 1800 à la veille de la Seconde Guerre mondiale

Dans un deuxième temps, nous allons étudier le cas des homicides. Un homicide est « l'action de tuer volontairement ou non un être humain137 ». Lorsque nous évoquerons le cas des homicides, nous prendrons en compte les meurtres qui constituent l'action de tuer quelqu'un, mais également les assassinats qui constituent quant à eux l'action de tuer quelqu'un avec préméditation. Au sein des archives des PV, il n'est que très rarement mentionné si la victime a été tuée avec préméditation, c'est pour cette raison que nous regroupons dans un seul et unique groupe les homicides. Les homicides avérés représentent 77 cas sur 1126 représentant alors un total de 6,84%.

137 Larousse, « Homicide ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 23/05/2024.

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Cependant, il faut préciser que la fiabilité des conclusions faites au sein des procès-verbaux qui sont rédigés sans qu'une enquête préalable ait été effectuée peuvent être remises en cause, et qu'il y a de fortes probabilités pour que le nombre d'homicide soit en réalité plus important. Au sein de ces 77 cas, la majorité des victimes d'homicide sont de sexe masculin, elles représentent 55,84% des cas, à noter que 18 concernent des victimes de sexe féminin, et 16 sont de sexe inconnu.

a) Les infanticides

Tout d'abord, nous allons traiter une catégorie d'homicide qui a fortement retenu notre attention : l'infanticide. Usuellement, l'infanticide définissait l'acte de tuer un nouveau-né. Pour notre étude, nous prendrons en compte tous les homicides concernant des victimes de moins de 10 ans. Nous prendrons également en considération les abandons et les avortements clandestins puisque dans la période qui nous intéresse, l'avortement était considéré comme un acte illégal qui était réprimé par la loi, et ce jusqu'à la loi Veil qui légalise l'interruption volontaire de grossesse du 17 janvier 1975138. Nous comptabilisons au sein des 77 homicides recensés, une part non-négligeable d'infanticides qui sont au nombre de 37, parmi lesquels diverses causes viennent expliquer la mort : l'avortement, l'utilisation d'une arme blanche, et l'abandon. À noter que dans 11 de ces cas, les causes de la mort ne sont pas mentionnées dans les PV. Concernant le sexe des victimes d'infanticide, 11 sont des filles, 10 des garçons, et 16 sont de sexe inconnu, ou non-identifié comme pour les avortements qui n'offraient pas toujours la possibilité d'observer un foetus assez développé pour pouvoir identifier son sexe. Dans la majeure partie de ces meurtres, il est fortement probable, même s'il n'est pas automatiquement mentionné dans les PV, que ces infanticides aient été réalisés par l'un des parents de la victime concernée. Plusieurs motifs sont évoqués pour justifier ces actes. Tout d'abord, concernant les avortements, le motif principal est le non-désir ou l'incapacité de devenir mère pour les femmes tel qu'on peut l'observer au sein de ces extraits : « un foetus de sexe féminin a été trouvé mort exposé dans une allée à Lyon139 » ou « une boite renfermant un foetus de sexe féminin on n'a trouvé aucun signe de mort violente (É) cause ne pouvait être attribuée qu'à un avortement140 ».Une autre circonstance est mise en lumière concernant ces cas d'infanticides, il s'agit de l'abandon à la naissance. Nous pouvons notamment

138 GOUVERNEMENT, « Le droit à l'avortement », gouv.fr, mis à jour le 6/05/2024, consulté le 12 juin 2024. Disponible sur : < https://ivg.gouv.fr/le-droit-lavortement>

139 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M490, 1819.

140 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489, 1818.

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citer un cas d'abandon ayant eu lieu en 1864 et qui évoquait la découverte d'« un enfant nouveau-né de sexe masculin (qui) a été trouvé exposé sur le quai Touville en face de la rue du noir141 ». L'auteur de l'avortement ou de l'abandon n'est alors jamais mentionné, puisqu'à défaut d'aveux volontaires, il était très compliqué d'identifier la personne à l'origine de l'avortement. Quant à l'identité des victimes, elle n'est également que rarement connue. Parfois, les lieux de découverte de ces nourrissons pouvaient en dire long concernant la nature et l'inhumanité dont pouvaient faire preuve les auteurs de ces crimes, tel qu'en 1866, lorsque le cadavre d'un nouveau-né est trouvé par des enfants dans un tas d'ordures142. Enfin, la dernière catégorie d'infanticides que nous avons rencontré est celle du meurtre volontaire d'un enfant, qui est par ailleurs souvent justifié par des excès de colère ou de détresse. Cet acte est parfois suivi du suicide du coupable. C'est ainsi qu'en 1850, monsieur Deshayes, ouvrier tisseur âgé de 35 ans a égorgé dans un « accès de fureur » ses deux enfants alors âgés de 4 et 7 ans143 ou qu'en 1864, Nicolas Charamas a assassiné ses deux filles âgées de 4 et 2 ans et demi avec un rasoir avant de se donner la mort en utilisant le même instrument144.

b) Les homicides par arme blanche

Désormais, nous allons traiter les homicides ayant été opérés à l'aide d'une arme blanche. Une arme blanche peut se définir comme toute arme tranchante, perforante ou brisante, généralement constituée d'une lame et d'un manche. Nous pouvons par exemple y retrouver les épées, les couteaux, les sabres ou les rasoirs. Nous recensons 16 victimes d'homicide par arme blanche, représentant 20,78% du total des homicides. Parmi ces 16 victimes, 4 sont de sexes féminins, 10 de sexe masculin, et de 2 de sexe inconnu. Il est intéressant d'observer que les meurtriers sont toujours des hommes. Dans le cas des meurtres de femme, on observe que l'auteur du crime fait toujours parti de l'entourage de la victime.

141 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M494.

142 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M494.

143 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M493.

144 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800 1939, Côte 4M494.

Nous notons le cas de madame Neubert qui fut tuée en 1819 par son mari Philippe Neubert qui l'a frappa de trois coups de couteau145 ; le cas de madame Rambaud qui fut tuée « par vengeance » d'un homme en 1835146, et enfin les cas des fillettes Charamas que nous avons pu évoquer dans notre partie précédente et qui furent tuées par leur père en 1864. Concernant les victimes masculines des homicides par arme blanche, 7 d'entre elles ont été tuées lors d'un duel ou d'une rixe, représentant la majorité des circonstances des homicides. Concernant toujours une victime et un meurtrier de sexe masculin, les duels étaient encore très pratiqués en France au début du XIXème siècle. On observe que ces victimes de duel ne sont mentionnées que dans la côte 4M493 et durant la décennie 1830. Les derniers cas apparaissent en 1835 avec ceux par exemple de Nicolas Mangeot qui fut « tué en duel à la Guillotière147 » ou de monsieur Gagnière qui a « été tué en duel derrière le fort du Colombier148 ». La présence de ces duels au début du XIXème siècle peut s'expliquer notamment par le fait que ces derniers restent impunis par la loi, les duellistes se battent alors pour défendre leur honneur ou celui de quelqu'un d'autre, par vengeance ou tout simplement par défi149 . Leur popularité décroît par la suite lors de la seconde moitié du XIXème siècle, et devient dès 1903, passible de peine de mort150.

c) Les homicides par arme à feu

Un autre type d'arme est à prendre en compte dans les homicides, utilisé dans environ 10% des cas, il s'agit de l'arme à feu. Jusqu'en 1939 et la promulgation d'un décret-loi le 18 avril 1939 prohibant l'utilisation des armes à feu en France et visant à désarmer les français,151 leur possession, achat et vente demeuraient libres. Nous recensons 8 cas d'homicides par arme à feu ayant eu lieu entre 1816 et 1851.

145 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M490.

146 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493. 147ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

148 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

149 Martin MONESTIER, Duels. Les combats singuliers des origines à nos jours, Sand, 1991. 150Jean-Noël JEANNENEY, Le Duel : une passion française (1789-1914), éditions du Seuil, Paris, 2004.

151 LÉGIFRANCE, « Décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions », République française, mise à jour le 1er septembre 2007. Consulté le 2 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/>

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Toutes les victimes sont de sexe masculin, sauf un cas un peu particulier, celui de la petite Besson, qui en 1835 fut tuée accidentellement par son jeune frère d'un coup de fusil152. Tels que les duels évoqués précédemment, presque la totalité des cas d'homicides par arme à feu sont regroupés dans la côte 4M493. Concernant les auteurs de ces meurtres il s'agit presqu'exclusivement d'hommes. Généralement, ces meurtres prenaient l'allure de règlement de comptes comme pour le cas de monsieur Brousse, fusilier, qui fut assassiné à la sortie d'un cabaret en 1836 aux abords de Lyon par un autre militaire153. Ces données sont « à prendre avec des pincettes », comme nous avons pu l'évoquer précédemment les conclusions des PV concernant les circonstances de la mort sont faites dès la découverte du cadavre, sans enquête au préalable, il est donc fortement possible que parmi les 102 cas de suicide par arme à feu recensés dans notre base de donnée, une partie soit en réalité ce qu'on appelle des « suicides déguisés ». En effet, les premiers relevés d'une scène de crime sont parfois trompeurs et ne correspondent pas toujours à la réalité. De plus, l'utilisation de l'arme à feu permet une facilité dans la mise en scène du suicide, puisqu'il faut le rappeler, au XIXème siècle, les empreintes digitales et les relevés d'ADN ne sont pas encore connus de la médecine et de la police scientifique, il est donc facile pour le meurtrier de positionner la victime et l'arme de telle sorte que la conclusion aboutisse à un suicide.

d) Une faible utilisation de la noyade comme arme meurtrière

En dernier lieu, nous allons évoquer la proportion des noyades au sein des homicides. Les homicides réalisés sur les victimes par noyade sont relativement peu présents. Nous comptabilisons dans nos archives des PV au total 18 cas d'homicides par noyade, dont 11 cas d'infanticides pour 77 cas d'homicides réalisés par d'autres moyens. Si nous comparons ces chiffres aux chiffres des accidents mortels, qui représentent une forte majorité de morts par noyade, ceux des homicides peuvent paraître dérisoires. Le pourcentage de l'utilisation de la noyade comme arme meurtrière est donc faible, représentant 23,38% des homicides. Le profil des victimes varie également ; si l'on observait une majorité de victimes masculines dans les homicides réalisés par d'autres moyens que la noyade, concernant celle-ci, la différence est moins marquée. En effet, nous comptabilisons 10 victimes de sexe masculin et 5 victimes de sexe féminin.

152 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

153 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

Les infanticides sont également relativement présents au sein des noyades, pas moins de 8 victimes de noyades sont âgées de moins d'un an, ce qui nous renvoie à l'idée d'une noyade ayant été provoquée par une volonté d'abandon d'un nouveau-né ou d'un avortement. Dans ces cas, les auteurs de l'infanticide et ainsi que l'identité des victimes ne sont pas connus de la police, et à l'identique des autres cas d'infanticides cités auparavant, il sera très difficile de les retrouver a posteriori. Nous avons par exemple le cas d'un foetus de sexe masculin retrouvé noyé le 11 mars 1865 dans la Saône à Lyon près de la Mulatière qui paraissait avoir séjourné plusieurs jours dans l'eau154. Un autre cas d'infanticide précise cette difficulté à retrouver les auteurs de ces crimes, il s'agit de la découverte d'un foetus de sexe féminin retrouvée le 18 avril 1825 sur la commune d'Ouilly dans la Saône et dont le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône déclare : « sa mort n'est que le résultat d'un crime, dont il sera difficile de découvrir les auteurs ». Il nous faut préciser que la noyade représentait durant cette période une mort douloureuse, qui de plus ne permettait pas d'offrir de sépulture au défunt. En observant le graphique ci-dessous, nous pouvons voir que la noyade comme arme meurtrière représente environ un quart des circonstances des homicides ayant eu lieu dans le département du Rhône entre 1800 et 1939, derrière les abandons et les avortements, et devant les homicides réalisés par arme blanche.

154 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

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Si l'on considère que les cas de noyades associés à des nouveau-nés sont le résultat d'un abandon ou d'un avortement de la part d'un parent, la catégorie des abandons/avortement passerait alors de 22 cas à 33 cas.

Pour conclure, nous pouvons dire qu'à la différence des morts accidentelles, les noyades ne représentent pas la majeure partie des homicides qui eurent lieu dans le département du Rhône entre 1800 et 1939. Il nous faut cependant émettre un doute quant à la fiabilité des conclusions tirées au sein des procès-verbaux, doute que nous aurons l'occasion de développer au sein de notre deuxième partie. Nous pouvons cependant observer que la majorité des victimes d'homicide sont de sexe masculin, et il en va de même pour les meurtriers.

III- La représentation des suicides dans le département du Rhône entre 1800 et

1939

Dans un troisième temps, nous allons nous attarder un instant sur le cas des suicides qui sont « l'acte de se donner volontairement la mort155 ». Constituant la conclusion de la mort de 320 cas au sein de notre base de données, le suicide constitue, derrière les morts accidentelles, la deuxième circonstance mortelle la plus répandue dans le département du Rhône entre 1800 et 1939. La majorité des suicidés sont des hommes, puisqu'ils représentent 262 cas alors que nous ne comptons « que » 58 femmes. Sylvia Sara Canetto, chercheuse en sciences sociales justifie notamment cette majorité masculine par le fait que « l'homme s'engage dans un comportement suicidaire, il est un « vrai » homme seulement s'il réussit » alors que « la femme se conformerait au scénario propre à son genre : faire une tentative de suicide »156. Les moyens mis en oeuvre pour se suicider sont divers et variés, on observe notamment une utilisation fréquente de la strangulation, des armes à feu, d'armes blanches ou du saut dans le vide ou dans un puits. Nous allons développer les moyens les plus fréquemment utilisés par ces hommes et ces femmes, tout en tentant de comprendre quels sont les motifs qui poussent ces personnes à se suicider par le biais de tel ou tel moyen.

155 LAROUSSE, « Suicide ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 2 juin 2024. Disponible sur : < https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/suicide/>

156 Ryan HIGITT, « Suicide et genre : un aperçu des analyses de Silvia Sara Canetto », Traduction Richard Violette, éruduit, 8 mai 2008.

Disponible sur : < https://id.erudit.org/iderudit/018012ar>

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a) La pendaison : un outil du suicide très répandu chez les hommes

Tout d'abord, nous allons étudier le suicide par strangulation ou par pendaison. La strangulation se définit comme une « constriction violente exercée au niveau du cou par les mains ou au moyen d'un lien (corde, lacet, etc.) et provoquant généralement la mort par asphyxie157 ». La pendaison quant à elle peut se définir comme étant « l'action de pendre, quelqu'un ou de se pendre158 ». Le suicide par strangulation représente la majorité des victimes qui sont au nombre de 95 entre 1800 et 1939. À noter que l'intégralité de ces suicides a lieu entre 1811 et 1867, année après laquelle aucun cas de suicide par strangulation n'est retranscrit dans les archives des PV. Au sein de ces 95 cas, seul 12 victimes de sexe féminin sont évoquées, les hommes représentant alors 87,37% des victimes. Cette représentation majeure des hommes chez les suicidés est encore d'actualité puisqu'en 2012, 7305 hommes se suicidaient en France contre 2410 femmes159. Une fois n'est pas coutume, les années durant lesquelles on comptabilise le plus de victimes sont les années 1860, qui sont celles qui sont de toute évidence le plus fournies en PV. Différents modes de pendaisons sont à noter, on décompte une majorité de cas qui se pendent à leur domicile par le moyen d'une corde la plupart du temps et généralement dans leur grenier ou dans leur chambre tels que Jacques Denouille, cultivateur âgé de 34 ans qui s'est « pendu à l'aide d'une corde dans un grenier » en 1866160 ou la nommée Françoise Dubié, 60 ans qui en 1835 « s'est pendue dans le grenier ». Dans certains cas, les victimes se pendent au moyen d'une corde fixée au plancher comme monsieur Virisset en 1824161. Concernant les motifs des suicidés, ils ne sont pas toujours évoqués ou connus, mais nous pouvons évoquer quelques motifs retrouvés à de multiples reprises tel que le prisonnier désespéré souhaitant échapper à sa réalité et qui se suicide dans sa cellule comme ce fut le cas de Jean Delafond, 27 ans qui « s'est suicidé avec son mouchoir de col attaché au verrou de son cachot » en 1817162, ou les personnes souffrant d'une maladie et désirant mettre

157 CNRTL, « Strangulation ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 1 juin 2024. Disponible sur : < https://www.cnrtl.fr/definition/strangulation>

158 LAROUSSE, « Pendaison ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 2 juin 2024.

159 ORGANISME CÉPIDC-INSERM, « Données épidémiologiques sur les décès par suicide », Ministère de la Santé et de la Prévention, 2012.

Disponible sur : < https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/ons2016_fiche1.pdf>

160 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

161 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

162 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

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fin à leur supplice comme Guillaume Clere, ouvrier en soie âgé de 63 ans qui était malade depuis 6 mois environ et qui a décidé d'abréger ses souffrances en se pendant dans sa chambre en 1821163.

b) Les suicides par arme à feu

Désormais, nous allons nous intéresser d'un peu plus près aux suicides par arme à feu. Très courant au XIXème et XXème siècles, on retrouve 102 cas de suicides par arme à feu au sein des archives des PV s'étendant de l'année 1811 à l'année 1905, représentant 31,88% des suicides au total et devenant donc la cause de suicide la plus répandue. Comme la pendaison, ce mode de suicide est très utilisé par les hommes qui représentent environ 98% des victimes, comptabilisant 100 cas contre 2 cas de victimes de sexe féminin. Cela nous permet de confirmer le fait que le suicide, et les moyens utilisés par les suicidés sont genrés et que les personnes de sexe masculin ont un taux de suicide plus important que les personnes de sexe féminin. Pour tenter d'expliquer ces phénomènes, des chercheurs ont fait des études au sein desquelles ils ont pu expliquer que les constructions sociales de « l'hégémonique de la masculinité et de la féminité » jouent un rôle important dans les raisons pouvant pousser les hommes à se suicider. De plus, le renforcement de ce rôle de genre empêcherait les hommes à chercher de l'aide lors d'une dépression ou de pensées suicidaires, même si cette théorie est à relativiser pour la période qui nous intéresse, la psychothérapie n'étant que développée en France à ce moment-là164. Les armes les plus couramment utilisées lors de ces actes sont les pistolets et les fusils. Une expression revient régulièrement pour décrire cet acte de désespoir, les autorités déclarent que la victime « s'est brûlée la cervelle », ce qui signifie que la victime s'est suicidée en se tirant un coup de feu dans la tête tel que le cas de Charles Dupuis en 1818 duquel il fut écrit que cet « ouvrier chapelier s'est brûlé la cervelle avec une carabine »165. Concernant les motivations qui poussent ces suicidaires à passer à l'acte, certaines reviennent plusieurs fois tel que le chagrin d'amour, que l'on retrouve par exemple pour le cas du nommé Briel qui en 1919 « s'est brûlé la cervelle » pour cause de « désespoir amoureux et anti-royaliste166 ».

163 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

164Anna Maria M...LLER-LEIMK†HLER, « The gender gap in suicide and premature death or: why are men are so vulnerable? », European Archives of Psychiatry and Clinical Neuroscience, 2003.

Disponible sur : < https://www.researchgate.net/publication/

10832400_The_Gender_Gap_in_Suicide_and_Premature_Death_or_Why_Are_Men_So_Vulnerable>

165 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

166 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M490.

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Un autre motif est mentionné plusieurs fois pour justifier cet acte, c'est celui de l'ivresse et ainsi donc de la perte de contrôle de l'individu comme ce fut mentionné pour le cas d'un sergent du régiment suisse dont on ignore l'identité qui « étant à boire seul dans un cabaret tenu par le seigneur Depuis s'est brûlé la cervelle après avoir rit à ce dernier » en 1821 167. Enfin, le dernier motif évoqué et représenté à maintes reprises dans le cas des suicides est la volonté d'en finir avec une maladie difficilement supportable comme évoqué précédemment. Nous avons par exemple ici le cas de Melchior-François Almaras, 31 ans, rentier, qui « atteint d'une maladie cérébrale s'est suicidé d'un coup de pistolet168 ». Il faut cependant nuancer ces propos et rappeler que la dépression ne connaissait pas de diagnostic ni de traitement, était alors considéré comme « malade » ou « fou » toute personne démontrant des faiblesses psychologiques ou des signes de tristesse trop importants.

c) Les suicides par saut

Nous qualifions de « suicide par saut », toute mort ayant été provoquée volontairement par un individu qui se jetant d'une certaine hauteur, cherche à se tuer. Ces suicides par saut représentent le troisième moyen le plus fréquemment utilisé par les personnes mettant fin à leurs jours. Nous recensons 70 victimes ayant utilisé ce procédé, ce qui représente 21,88% du total des cas de suicides recensés. Nous observons que ce moyen est davantage utilisé par les victimes de sexe féminin que les autres précédemment évoqués. En effet, près de la moitié des victimes sont des femmes, puisque l'on compte 32 cas féminin représentant alors 45,71% des victimes. L'un des premiers suicides par saut que nous avons rencontré a lieu en 1813 et fut effectué par Antoinette Charerieu, veuve de Jacques Verret, qui trouva la mort en sautant dans un puits169. Cette utilisation du puits pour se suicider est courante au XIXème et au début du XXème siècle est facilitée par la nombreuse présence des puits à proximité des habitations. La cause de la mort dans ces circonstances peut variée d'un cas à l'autre, la victime peut dans un puits mourir de la chute en elle-même, d'asphyxie par manque d'oxygène ou de submersion s'il y a la présence d'une quantité d'eau suffisamment importante. Généralement, les PV déclarent que la mort a été provoquée après une « précipitation dans un puits », ce qui nous laisse supposer que la chute est la cause de la mort, et c'est pour cette raison que nous avons décidé d'insérer ces circonstances dans la catégorie des suicides par saut.

167 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

168 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

169 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M488.

Nous en dénombrons au total 11 qui sont tous associés à une victime de sexe féminin, ce qui en fait le moyen pour se suicider le plus souvent utilisé pour l'instant chez la gente féminine. Nous pouvons par exemple citer le cas d'une jeune fille de 22 ans, dont on ne connait pas le nom, qui s'est « précipitée de désespoir dans un puits » alors « qu'elle était enceinte170 ». Dans les autres cas, les victimes se précipitent soit du haut d'une fenêtre, d'un balcon ou d'un certain étage d'une maison comme Ludivine Ardin, domestique qui est morte après s'est être précipitée volontairement du haut d'un balcon171.

d) L'empoisonnement : une utilisation récurrente par les femmes?

Depuis longtemps, on a tendance à associer l'empoisonnement aux femmes, qu'il soit utilisé comme arme mortelle envers autrui ou envers soi-même. Cette association dans les mentalités s'est constituée au fil des siècles après que de terribles affaires criminelles aient éclaté et durant lesquelles les femmes avaient eu recours à l'empoisonnement afin de tuer leur victime tout en restant discrètes. L'une des plus célèbres figures de cette femme criminelle et empoisonneuse est Violette Nozière, qui atteinte de la syphillis tenta d'empoisonner ses parents avant de s'empoisonner elle-même, tentative qui sera vaine mais réitérée quelques temps plus tard, provoquant cette fois-ci la mort de son père. Durant le XIXème et au début du XXème siècle, l'empoisonnement est pourtant « statistiquement un crime relativement marginal »172. En effet, nous n'avons recensé aucun cas d'empoisonnement meurtrier, néanmoins, 5 cas de suicide sont le fruit d'un empoisonnement et ont tous été réalisés par des femmes. Par exemple, nous pouvons citer le cas de la fille François, qui s'est suicidée en 1833 « avec de l'arsenic pour un amour contrarié173 » ou bien encore le cas de la dame Philippe qui en 1835 se suicidait quant à elle « à l'aide d'une forte dose d'opium174 ». Malgré une faible représentation de l'utilisation de l'empoisonnement comme outil de suicide, nous pouvons néanmoins affirmer et défendre cette idée selon laquelle les femmes ont recours à l'empoisonnement à la différence des hommes.

170 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

171 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

172Anne-Emmanuelle DEMARTINI, « La figure de l'empoisonneuse. De Marie Lafarge à Violette Nozière ». In : Loic CADIET et al., Figures de femmes criminelles. De l'Antiquité à nos jours, Éditions de la Sorbonne, 2010, p. 27-39.

Disponible sur : < https://books.openedition.org/psorbonne/73427> 173 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

174 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

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e) La représentation de la noyade au sein des suicides

Nous allons désormais nous intéresser à la représentation et à la proportion des suicides par noyades au sein de nos cas de suicides. Comme évoquer plus tôt, nous avons recensé 320 cas de suicides hors noyade, auxquels s'ajoutent 139 cas de suicides par noyade. Il nous faut préciser que pour 35 autres cas de noyade, la conclusion de la mort est incertaine mais serait le fruit soit d'un suicide soit d'un accident. Sans certitudes concernant ces 35 cas évoqués, nous ne les utiliserons pas dans nos statistiques ici. Le suicide par noyade est donc utilisé dans 30,28% des cas. La noyade constitue alors le moyen le plus souvent utilisé au XIXème et au début du XXème siècle dans le département du Rhône pour se suicider. Tel que pour la majorité des cas de suicide, on distingue une majorité de victime de sexe masculin au sein des noyades, les hommes représentants 74,82% du total des victimes recensées.

En conclusion, on observe une majorité de victimes de sexe masculin chez les personnes se suicidant dans le département du Rhône entre 1800 et 1939. Hors les cas de suicide par empoisonnement qui ne représentent qu'une mince partie de la population et uniquement des femmes, les hommes sont majoritaires dans l'ensemble des méthodes utilisées pour mettre fin à ses jours, à savoir la pendaison, le saut, l'utilisation d'une arme à feu ou la noyade.

IV- La représentation des morts dites « naturelles » dans le département du Rhône au XIXème siècle et au début du XXème siècle

Dans une quatrième et dernière partie, nous allons nous attarder sur la représentation des morts naturelles ayant été recensées dans le département du Rhône entre 1800 et 1939 au sein des archives des PV. Nous qualifions de morts naturelles, toutes morts ayant été causées par une maladie, la vieillesse ou un problème de santé quelconque. Les morts naturelles représentent 19,56% des morts recensées (hors noyade) comptabilisant 246 cas sur les 1256 cas recensés. La représentation des victimes en fonction de leur sexe est ici moins importante que dans les catégories précédentes, même si l'on observe encore une majorité de victimes de sexe masculin. Nous recensons 169 victimes de mort naturelle de sexe masculin, 75 victimes de sexe féminin, et 2 victimes de sexe inconnu. Nous recensons la première victime décédée de mort naturelle durant l'année 1813, et la dernière durant l'année 1867. À partir de 1867, aucune mort dite « naturelle » n'est évoquée au sein des archives des PV.

a) Les morts subites

Au sein des morts subites, nous regroupons toutes les morts ayant eu lieu brutalement et résultantes par exemple d'un problème cardiaque ou de ce que l'on dénomme aujourd'hui AVC, c'est-à-dire un accident vasculaire cérébral. Dans certains cas, les causes ayant provoqué la mort subite de la victime ne sont pas connues ou précisées au sein des PV, nous les qualifierons donc simplement de « mort subite ». Sur les 246 victimes de mort naturelle présentes dans notre base de données, nous considérons que 197 sont décédées de mort subite. La cause de la mort subite la plus récurrente est la crise d'apoplexie, qui désignait autrefois l' « arrêt subit plus ou complet de toutes les fonctions cérébrales provoquant la perte de connaissance, la paralysie totale ou partielle sans suspension de la respiration et de la circulation du sang175 », ce qui s'apparente aujourd'hui à l'AVC. Nous retrouvons ainsi 78 victimes décédées d'une crise d'apoplexie entre 1816 et 1867. La proportion de victimes masculines est la plus importante puisqu'ils représentent 64,1% des cas. La moyenne d'âge des victimes d'apoplexie est plutôt élevée, sauf quelques rares exceptions, la majorité des victimes se trouvent être âgée de plus de 40 ans tels que Marie-Eugène Tranchant, marchand épicier de 58 ans qui « est mort subitement dans son domicile d'une attaque d'apoplexie

175 CNRTL, « Apoplexie ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 18 juin 2024. Disponible sur : < https://www.cnrtl.fr/definition/apoplexie>

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foudroyante » en 1825176 ou Daniel Merle, 72 ans, tailleur d'habits qui a succombé en 1865 à une attaque d'apoplexie177. D'autres causes de mort subite sont représentées dans nos cas, mais ont une importance relative tels que les victimes d'épilepsie au nombre de trois ou de paralysie que l'on retrouve également au nombre de trois.

b) Les maladies

Les maladies sont omniprésentes à Lyon au XIXème siècle et au début du XXème siècle, le manque d'hygiène de la population n'aide pas à la guérison, les connaissances et techniques médicales ainsi que les vaccins ne sont encore que très peu développés, tel que le vaccin contre la rage qui est créé en 1885 par Louis Pasteur178. D'ailleurs nous rencontrons une victime de la rage, monsieur Armand, qui en 1866 à l'âge de 23 ans se fit mordre par un chien après quoi il sentit « un accès de rage à la suite duquel il succomba le 20 juin179 ». Au sein de nos 246 victimes de mort naturelle, nous recensons 38 cas morts à la suite d'une maladie. Une fois de plus, nous observons une majorité de victimes masculines, qui représentent 30 des 38 cas recensés. Diverses maladies sont mentionnées ici, parmi lesquelles les plus couramment identifiées se trouvent des affections, notamment des poumons ou du foie, des longues maladies tel que des cancers, ou bien encore des coliques, des indigestions, des inflammations etcÉ L'une des « maladies » que l'on retrouve le plus est « l'intempérance », autrement dit pour les cas qui nous concernent, un excès d'alcool voire l'alcoolisme d'une personne qui engendre son décès. Sur les 8 victimes concernées par cette intempérance, 7 sont des hommes. Par exemple, nous pouvons évoquer le cas de Claude Sublet, menuisier, qui en 1864 a été trouvé mort dans son domicile. La conclusion faite au sein de son procès-verbal est la suivante : « Cet homme s'adonnait à la boisson et on suppose qu'il est mort victime de ce funeste penchant180 ». Un autre cas a également retenu notre attention concernant cet excès de boisson que l'on pouvait considérer comme la cause de la mort de certaines victimes, il s'agit du cas de Pierre Auclair, 72 ans, cultivateur qui a été trouvé étendu en 1835 sans vie dans une

176 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

177 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

178 INSTITUT PASTEUR, « L'histoire de la première vaccination contre la rage, en 1885 », Institut Pasteur, publié le 15/11/2023.

Disponible sur : < https://www.pasteur.fr/fr/journal-recherche/actualites/histoire-premiere-vaccination-contre-rage-1885>

179 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

180 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

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forêt et dont la conclusion est la suivante : « On présume que ce vieillard pris de vin, se sera égaré pendant la nuit et sera mort de froid181 ».

c) Des accouchements fatals

Avant la seconde moitié du XXème siècle, la majorité des femmes accouche en France à domicile182. Les femmes font beaucoup d'enfants, on estime que les femmes mariées mettent au monde entre 4 et 5 enfants au début du XVIIIème siècle et environ trois à la fin du XIXème siècle. Mais qui dit nombreuses grossesses, dit également des risques plus élevés de fausses couches. Il est compliqué aujourd'hui de donner des chiffres indiquant véritablement le nombre de fausses couches ayant eu lieu en France durant cette période, les sources et les témoignages sur ce sujet manquant cruellement. L'expérience de la grossesse est par ailleurs marquée par l'incertitude, nous pouvons même évoquer une « peur obsédante de la fausse couche », qui demeure encore un mystère chez les médecins français, et provoque dans certains cas le décès de la femme. Nous avons rencontré par ailleurs le cas d'une jeune femme étant décédée lors d'un accouchement compliqué, madame Accary, en 1835 qui « est morte dans les douleurs de l'enfantement ayant voulu s'accoucher seule183 ». Le risque d'accoucher d'un enfant mort-né est également présent comme nous avons pu le constater en 1865 avec le cas du foetus de la nommée Dupart qui « s'est accouchée clandestinement dans sa chambre à coucher d'un enfant qui n'avait donné aucun signe de vie184 ». Cependant, il nous faut préciser que ces morts trouvées à l'issue de grossesse ou d'accouchement sont sous-représentés au sein de PV. En effet, on peut considérer que la majeure partie du temps, ces accouchements qui étaient alors réalisés à domicile, n'étaient pas forcément rendus public si mort s'en suivait concernant l'enfant. Dans le graphique ci-dessous, nous avons représenté les différents types de morts naturelles que l'on peut retrouver dans le département du Rhône de 1800 à 1939.

181 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

182 Emmanuelle BERTHIAUD. « Accoucher à la maison aux xviiie et xixe siècles. Les préparatifs et le vécu féminin », Marie-France Morel éd., Naître à la maison. D'hier à aujourd'hui. Érès, 2016, pp. 49-78 Disponible sur : < https://www.cairn.info/naitre-a-la-maison--9782749251714-page-49.htm>

183 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

184 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

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En conclusion, on observe que la majorité des victimes qui ont connu une mort dite naturelle est décédé subitement. Même si le sexe masculin représente ici encore la majorité des victimes, sa représentation est toutefois moins importante qu'au sein des morts accidentelles, des homicides et des suicides, et les femmes représentent aussi de nombreuses victimes de mort naturelle.

Pour conclure ce premier chapitre, les décès par noyade concernent un nombre important de victimes dans le département du Rhône entre 1800 et 1939. Les noyades représentent la circonstance majoritaire des morts accidentelles et volontaires, et sont également fortement représentées au sein des homicides.

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CHAPITRE 2

LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE AU
XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE

Maintenant que nous avons pu évoquer les différentes morts qui sont recensées dans le département du Rhône de 1800 à 1939 au sein des archives des PV des ADR, nous allons désormais nous intéresser au profil et à la prise en charge des noyés. Pour ceci, nous allons nous appuyer sur les archives des PV des ADR mais également sur les registres d'entrée des corps à la morgue qui concernent des victimes ayant péri à Lyon de 1939 à 1950. Dans notre base de données, nous recensons 1064 cas de noyades qui ont eu lieu entre 1811 et 1950. Parmi ces 1064 cas, 843 noyés ont été recensés au sein des côtes 4M488 à 4M495 qui correspondent aux archives des procès-verbaux des ADR dans le département du Rhône durant la période s'étendant de 1800 à 1939, et 221 noyés ont été recensés au sein des registres d'entrée des corps à la morgue qui correspondent aux archives de l'ILM situées aux AML. Nous devons apporter quelques précisions quant aux archives de la morgue, ces dernières ne mentionnant que très rarement les dates et les lieux de disparition des victimes, nous ne nous appuierons donc pas sur ces dernières pour fonder les statistiques qui concernent ces aspects.

I- Le profil des noyés

Dans un premier temps, nous allons établir une sociologie des noyés en proposant des chiffres et des statistiques qui nous permettent de saisir quel était le profil des victimes de noyade dans le département du Rhône au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle et qui nous permettra également de poursuivre temporellement les travaux réalisés par Françoise Bayard au sein desquelles elle avait établi le profil des noyés à Lyon durant les XVIIème et XVIIIème siècles.

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a) Le sexe des noyés

Tout d'abord, nous allons nous intéresser au genre des victimes de noyade. Comme nous avons pu l'observer au cours de nos précédentes analyses, les morts sont véritablement genrées aux XIXème siècle et au début du XXème siècle dans le Rhône, laissant toujours apparaître une écrasante majorité de victimes de sexe masculin sauf en ce qui concerne les cas d'auto empoisonnement qui représentent uniquement des femmes mais en très faible proportion. Sur les 1064 victimes de noyades que nous avons pu recenser au sein de notre base de données, 159 cas concernent des femmes, 836 des hommes, et enfin, pour 69 victimes, le sexe est inconnu.

L'idée selon laquelle les morts recensées concernent une majorité d'hommes est alors une fois de plus vérifiée pour le cas des noyades. Mais comment expliquer cette théorie qui laisserait supposer que les femmes meurent moins que les hommes? Françoise Bayard avait déjà pointé ce phénomène au sein de son étude et déclarait : « À Lyon, à l'époque moderne, la baignade est pratiquée par les deux sexes à tout âge, dans tous les milieux sociaux, à tout moment, dans des lieux variés et selon des modalités différentes. À examiner seulement les levées de cadavres de noyés, on pourrait croire

que la natation est réservée aux hommes et aux petits garçons185 ». Si l'on s'en tient au cas des noyades, force est de constater qu'une majorité d'homme se noie, réalité encore d'actualité et justifiée par l'OMS par le fait que les hommes seraient davantage en contact avec l'eau et auraient un comportement plus risqué tels que le fait de nager seul, de boire de l'alcool avant d'aller se baigner ou de pratiquer des activités nautiques186. Cette explication s'applique d'autant plus aux périodes qui nous concernent étant donné que rares étaient les femmes qui pratiquaient ce genre d'activités seul.

b) L'âge des victimes

L'âge de la victime est un autre facteur de risque important. Pour les cas des victimes dont nous connaissons l'âge, la moyenne se situe à environ 29 ans. Les plus jeunes victimes que nous rencontrons sont âgées de moins d'un an, nous rencontrons également plusieurs cas de foetus n'ayant pas atteint le terme de leur développement durant la grossesse, mais nous aurons l'occasion d'y revenir plus tard. La victime la plus âgée que nous avons pu observer avait quant à elle 77 ans. De 1 an à 77 ans, tous les âges sont représentés chez les noyés, mis à part les âges de 2 et 73 ans. Sans comptabiliser les foetus et les bébés âgés de moins d'un an, l'âge des victimes de noyade qui revient le plus souvent dans notre base de données est l'âge de 18 ans. On comptabilise ainsi 21 victimes âgées de 18 ans, 18 âgées de 25 ans, 17 âgées de 40 ans et 16 âgées de 17 ans. Nous pouvons d'ores et déjà admettre que les victimes les plus courantes de noyades entre 1800 et 1950 sont de jeunes hommes âgés pour la majeure partie de de 17 à 40 ans.

185 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès national des sociétés savantes. Section histoire moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, p229-242.

186 OMS, « Noyade », publié le 25 juillet 2003. Consulté le 3 juin 2024. Disponible sur : < https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/drowning>

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c) La nationalité des victimes

Concernant les nationalités identifiées chez les noyés, il n'est rien d'étonnant d'observer une majorité de victimes françaises qui représentent à elles seules 709 des 1064 cas.

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Il est également fréquent que la nationalité de la victime soit inconnue, notamment pour les cas dont l'identité n'a pas été retrouvée, dû en majorité au fait que l'avancée de la putréfaction demeure trop importante pour qu'une identification soit rendue possible. La nationalité que l'on retrouve en seconde place est la nationalité italienne, représentée dans 8 cas, puis algérienne qui regroupe quant à elle 6 cas. Dans le graphique ci-dessous, nous avons exposé l'ensemble des nationalités rencontrées au sein de notre étude.

d) Les professions des noyés

La profession de la victime peut elle aussi être un facteur de risque intéressant à étudier. En effet, nous allons pouvoir confirmer ou non l'idée selon laquelle le fait d'avoir un travail à proximité ou sur un cours d'eau engendre un risque plus élevé face à la noyade mais également si la classe sociale exerce une quelconque influence. Sur les 1064 noyades que nous avons relevé, nous connaissons le métier de la victime dans seulement 28,95%. Au total, nous comptabilisons environ 100 métiers différents exercés par ces victimes, et nous observons que la classe sociale la plus souvent représentée est la classe ouvrière ; on compte notamment 18 catégories différentes d'ouvriers, parmi lesquelles nous retrouvons les célèbres ouvriers en soie lyonnais qui sont au nombre de 24, mais également des ouvriers imprimeurs, serruriers, maçons, jardiniers ou horlogers qui représentent un total de 48 noyés sur les 308 dont nous connaissons la profession.

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Nous pouvons observer que bon nombre de victimes avaient exercé ou exerçaient dans les forces militaires puisque l'on ne comptabilise pas moins de 38 victimes ayant une profession en lien avec l'armée.

Les domestiques quant à eux sont représentés à 15 reprises tandis que les voituriers le sont 7 fois. Concernant les professions qui sont directement en lien avec le fleuve, nous rencontrons un conducteur de bateau (nous parlons bien ici de la profession et non pas de l'activité pratiquée par la personne avant qu'elle se noie), 12 mariniers, 1 ouvrier en bateau, 2 gardiens de bateau, 3 sablonniers, 2 meuniers et 1 mousse187. On peut donc observer que ces professions en lien direct avec le Rhône et la Saône ne représentent pas la majorité des victimes des noyades, et que chacun est susceptible de se noyer peu importe sa profession, même si la classe sociale dominante des victimes demeure en grande majorité la classe ouvrière. Néanmoins, nous retrouvons quelques cas issus de métiers considérés comme prestigieux et de la classe bourgeoise, tels que Jean Viallat, chirurgien qui s'est suicidé dans le Rhône près du pont de la Mulatière en 1818188, ou Georges Curt, instituteur de 25 ans qui s'est noyé le 24 mai 1823 à Lyon189.

187 Apprenti marin.

188 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

189 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

Pour conclure en étudiant d'un peu plus près les différents facteurs de risque et en élaborant l'identité des noyés, nous pouvons considérer que le « profil type » d'un noyé au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle dans le département du Rhône est celui d'un jeune homme de nationalité française âgé d'environ 15 à 30 ans issu de la classe ouvrière ou du milieu militaire. En comparaison avec les conclusions faites par Françoise Bayard dans son étude190 sur les noyés aux XVIIème et XVIIIème siècles, les profils des noyés n'évoluent guère. En effet, Françoise Bayard mettait en avant le fait que les noyés étaient statistiquement de sexe masculin (77,75%) et d'un âge situé entre 10 et 30 ans (84,70%). Elle évoque également la forte présence des domestiques (20%) et des gens de métiers (58,66%) parmi les noyés, ce qui renvoie fortement aux résultats que nous avons nous-même pu établir.

II- Les cadavres des noyés

Nous allons nous attarder un instant sur les lieux et les dates de disparition et de découverte des noyés. Volontairement, nous ne traitons pas les années de disparition et de découverte des noyés, qui selon nous, ne sont pas représentatives de la réalité dû fait d'un manque d'archives pour certaines années. Nous pouvons cependant présenter un graphique représentant une évolution concernant la proportion des disparitions qui sont retranscrites dans les PV tout en sachant qu'à partir de 1870, nous ne recensons qu'un cas de noyade en 1901.

190 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès national des sociétés savantes. Section histoire moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, p229-242.

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a) Les lieux de disparition des noyés

Les lieux de disparition des victimes sont divers et variés, et changent également selon les circonstances de noyade de la victime : baignade, suicide, accident de bateau etcÉ Nous aurons l'occasion de revenir plus en détails sur ces circonstances dans le chapitre suivant. Pour cette sous-partie, nous nous appuierons uniquement sur les archives des procès-verbaux de la police recensant les morts dans le département du Rhône de 1800 à 1939, les registres d'entrée des corps à la morgue n'indiquant que dans deux cas sur les 221 les lieux et les dates de disparition des victimes. Sur les 843 noyades que nous recensons dans les PV, la ville de disparition est mentionnée dans 450 des cas quand le cours d'eau est mentionné dans 493 des cas. Par cours d'eau, nous entendons le fleuve du Rhône, les rivières, ou tout autre lieu comportant une étendue d'eau comme les réservoirs, les étangs ou les mares. Sans surprise, la ville au sein de laquelle le plus de noyés ont disparu est la ville de Lyon, qui représente à elle seule 321 des cas sur les 843 cas recensés. Elle est suivie par les communes de La Guillotière, avec 19 cas, de Vaise avec 10 cas, Vernaison avec 8 cas, et Villeurbanne, 8 cas. Dans le graphique ci-dessous, nous avons exposé les 17 villes après la ville de Lyon d'où le plus de victimes ont disparu en se noyant191. Il faut aussi préciser que 50% des disparitions ont lieu dans le Rhône ou la Saône.

191 Voir la carte « lieux de disparitions des noyés » dans la partie « Annexes ».

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b) 82

Les mois de disparition des victimes

Concernant les mois de disparition des victimes de noyade, nous pouvons observer que dans la majorité des cas la date de la disparition des victimes de noyade est inconnue. Néanmoins, concernant les cas dont nous connaissons la date de disparition des victimes, la période de l'été est la plus représentée, avec en tête le mois de juillet durant lequel on recense 127 disparitions, puis le mois de juin qui comptabilise 74 disparitions et enfin le mois d'août qui en compte quant à lui 55. Nous pouvons d'ores et déjà dire que ces mois de l'été sont plus propices à la disparition de noyés en raison du nombre important de personnes qui se baignent dans des étendues d'eau pour se rafraîchir en raison de la chaleur.

c) Les mois de découverte des cadavres

Nous allons maintenant nous pencher sur la question des lieux et des dates de découvertes et leur proportion au sein des archives des PV. Pour traiter cette thématique, nous utiliserons cette fois-ci l'intégralité des noyades recensées au sein de notre base de données, c'est-à-dire des noyades recensées dans les procès-verbaux mais également des noyades recensées dans les registres d'entrée des corps à la morgue. Nous traitons une période qui s'étend de 1800 à 1945. À l'instar des périodes de disparition des victimes de noyades, nous pouvons observer que la période de prédilection en matière de découverte des cadavres des noyés est l'été, à noter que dans 40,13% des cas, les

cadavres ne sont pas retrouvés ou du moins ne sont pas identifiés comme pouvant appartenir à la description d'une victime ayant été déclarée disparue auparavant. Le mois durant lequel le plus de noyés sont retrouvés est le mois de juillet, avec 92 cas, suivi du mois de juin avec 77 cas, puis du mois d'août avec 67 cas. Nous pouvons alors constater que l'on observe exactement la même fréquence de découverte de cadavres que celle de disparition des noyés, les mois et les périodes étant les mêmes. Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons observer la proportion des cas découverts en fonction des mois de l'année.

d) Les lieux de découverte des noyés

Les lieux de découverte des noyés varient cependant quelque peu des lieux de disparitions des victimes. Si l'intégralité des disparitions sont recensées dans le département du Rhône, on observe cependant qu'un nombre important de noyés sont retrouvés en dehors du département du Rhône. Cela s'explique tout simplement par le fait que les cadavres des victimes s'étant noyées dans des cours d'eau comme le Rhône ou la Saône sont la plupart du temps en mouvement constant et peuvent dans certains cas être emportés par le courant à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où ils ont disparu192. Sur les 1064 noyades recensées, la ville de découverte du cadavre est connue pour 637 cas et 377 d'entre elles ont lieu à Lyon.

192 Voir la carte « lieux de découverte de cadavre » dans la partie « Annexes ».

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Dans le graphique ci-dessous, nous pouvons observer la proportion des villes au sein desquelles nous retrouvons le plus de cadavres de noyés après Lyon. 53,76% des découvertes de noyés ont lieu soit dans le Rhône, soit dans la Saône.

Les villes les plus éloignées de Lyon et du département du Rhône où ont été découverts des cadavres de noyés sont les villes de Valence et Cornas dans le département de la Drôme, celle de Ferney située dans l'Ain près de la frontière suisse ainsi que la ville de Genève située en Suisse. Elles sont toutes traversées par le fleuve du Rhône ce qui démontre bien la capacité de ce fleuve à déporter des objets matériels comme immatériels sur une longue distance en raison notamment de des forts courants qui le caractérisent.

En conclusion, on observe que la majorité des disparitions de noyé et des découvertes de cadavre ont lieu durant les mois de l'été et sont recensés principalement à Lyon dans le Rhône et la Saône. Cependant, on observe également que les courants de ces cours d'eau peuvent parfois déporter des cadavres à des dizaines, si ce n'est des centaines de kilomètres du lieu initial où la victime s'est noyée.

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III- La fabrique des procès-verbaux et des registres d'entrée des corps à la morgue à Lyon au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle

Dans une troisième et dernière partie, nous allons définir ce que sont les procès-verbaux et les registres de la morgue et voir comment ces derniers ont émergé et sont caractérisés.

a) La mise en vigueur des procès-verbaux et des registres de la morgue aux XIXème et XXème siècles

Un procès-verbal ou plus couramment appelé un PV est un « acte dressé par une autorité compétente et qui constate un fait entraînant des conséquences juridiques193 ». Sa rédaction est rendue obligatoire durant le XVIIIème siècle en France et confirmée par la loi du 17 avril 1798. En 1820, une ordonnance est publiée par le gouvernement français au sein de laquelle est précisée que « toutes les fois que la gendarmerie est requise pour une opération quelconque, elle en dresse un procès-verbal, même en cas de non réussite, pour constater son transport et ses recherches » (article 307). Cela inclut également que tous les candidats désirant entrer dans la gendarmerie doivent savoir « lire, écrire, rédiger »194. Dans les faits, sa mise en pratique se fait plus tardivement ce qui pourrait expliquer cette répartition forte inégale des PV selon les années et les côtes dépouillées. On peut observer qu'à partir de la Troisième République qui s'étend du 4 septembre 1870 au 10 juillet 1940, les archives des PV dressés à Lyon sont bien moins conséquentes et les affaires qui y sont traités en leur sein varient fortement des PV précédents. En effet, on observe qu'au sein de la côte 4M494 qui commence à l'année 1864 contient le dernier cas de noyade recensé au XIXème siècle dans le département du Rhône et qui a lieu en 1870. Nous n'aurons ensuite qu'un seul et unique cas de noyade recensé au sein de la côte 4M495 en 1901 ce qui montre bien la rupture établie avec l'arrivée de la Troisième République, d'où la volonté de compléter ces noyades pour le XXème siècle avec les registres d'entrée des cadavres à la morgue. Les registres d'entrée des corps à la morgue sont « des registres administratifs qui indiquent notamment la date d'arrivée du corps à la morgue, l'identité du défunt quand elle est connue (à

193 LE ROBERT, « Procès-verbal ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 12 juin 2024. Disponible sur : < https://dictionnaire.lerobert.com/definition/proces-verbal>

194 Arnaud HOUTE, « La fabrique du procès-verbal dans la France du XIXème siècle : contribution à l'histoire de l'écrit administratif », L'Atelier du Centre de recherches historiques, 2009.

Disponible sur : < https://doi.org/10.4000/acrh.1488>

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défaut il est noté « inconnu », le commissariat à l'origine de l'amenée du corps195 ». Les premiers registres de dépôt des morts à la morgue sont créés à Lyon en 1853. Ils sont créés en même temps que la morgue à Lyon et l'institut médico-légal de la ville afin de recenser les cadavres qui y sont déposés et seront effectifs jusqu'en 1953.

b) Les intervenants en présence

Différentes personnes interviennent dans ces archives afin de rédiger les procès-verbaux et les registres. Tout d'abord, concernant les procès-verbaux, avant même que ces derniers ne soient rédigés, il faut noter la présence d'un intervenant indispensable : le témoin. Le témoin, c'est-à-dire la personne qui signale la disparition d'une personne ou qui découvre et signale la mort de quelqu'un ; son identité est parfois signalée au sein des PV. La deuxième personne qui intervient pour ces PV est le représentant de la police ou de la gendarmerie qui rédige ensuite le PV. Cette personne peut être un gendarme, un commissaire, un capitaine etcÉ tous les grades sont représentés dans nos archives. Parfois, il se peut que l'auteur du PV ou du signalement de la disparition d'une personne soit un représentant des autorités locales comme le maire de la commune, un juge, un préfet ou sous-préfet. Une autre personne peut intervenir lors de l'écriture du PV, il s'agit du médecin légiste. Même si la médecine légale n'est que peu développée au début du XIXème siècle, il arrive que dans certains cas, un médecin intervienne afin d'établir les circonstances et les conclusions de la mort de la victime. Officiellement, la justice française obligeait le magistrat local à se rendre sur les lieux du drame avec un chirurgien afin qu'il détermine les causes et qu'il identifie la victime, avant la levée du cadavre et les rites funéraires196. Officieusement, nous ne notons pas la présence systématique d'un médecin lors de tous les cas. Il n'y a pas beaucoup de différence entre les intervenants en présence pour l'élaboration des PV et ceux en présence pour les registres de la morgue. En effet, dans les registres d'entrée des corps à la morgue, la première colonne du registre est consacrée aux « autorités requérantes » ainsi qu'à la « personne qui amène le corps ». On trouve alors dans cette catégorie le commissariat concerné tel que le commissariat de Bellecour ou celui de Vaise, mais également le nom et la profession de la personne qui amène le corps, et qui est un « représentant de la force publique », généralement un gardien de la paix.

195 FRANCE ARCHIVES, « Registres de la morgue », Portail National des Archives. Consulté le 14 juin 2024. Disponible sur : < https://francearchives.gouv.fr/findingaid/>

196Frédéric CHAUVAUD (dir.), Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours, Créaphis, 2007, pp61.

Les témoins ou les personnes qui ont identifié le corps sont quant à eux bien plus souvent mentionnés que dans les PV, et leur identité est dévoilée au-dessous de la description du cadavre. Le professeur qui a fait le constat de la mort et l'autopsie doit également être nommé sur le registre. Enfin, la dernière personne en présence pour établir ces registres est le gardien de la morgue, qui se doit, en principe d'apposer sa signature après qu'il ait rempli le registre. Entre 1864 et 1901, le gardien de la morgue à Lyon était Claude Delaigue, puis de 1912 à 1951 il s'agissait de Camille Rollet, dont nous avons pu consulter les dossiers personnels qui sont visibles aux AML.

c) Le contenu

Localisation géographique de l'auteur

Lieu et date d'écriture

Destinataire

Description de l'affaire

Formule de politesse

Signature de l'auteur

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Dans d'un PV, la première information que nous trouvons presque systématiquement en haut de la feuille est la date de rédaction de celui-ci, la ville d'écriture et le destinataire. Ensuite sont rédigées les informations connues concernant la victime dont il est question dans le PV, c'est-à-dire le signalement d'une personne disparue ou l'identité d'un cadavre lorsqu'elle est connue, ainsi que sa description. La majeure partie des PV se terminent ensuite par la signature (et ou la date dans certains cas) de l'auteur qui appose son nom et/ou son poste et/ou sa signature.

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Sur cette archive d'un PV traitant d'une noyade ayant eu lieu en 1817, nous pouvons observer que tous les codes d'écriture détaillés auparavant sont respectés. Les registres de la mort sont quant à eux moins « conventionnels » et contiennent moins de formules officielles. Les informations sont retranscrites de manière scolaire dans un tableau composé de différentes colonnes au sein desquelles différentes informations sont recensées (la plupart du temps) à savoir :

-le numéro d'ordre, les autorités requérantes, la date du dépôt, la qualité de la personne qui amène le corps, le lieu où le cadavre a été trouvé ainsi que la signature du garde de service

-la nomenclature des effets trouvés sur les corps identifiés, leur description, et l'identité du représentant de la force publique qui accompagne le corps

-les états civils des corps identifiés, et parfois leur signalement et leur photo

-la copie du certificat du décès ainsi que le nom du professeur qui a fait le constat, la date, le mois, l'heure du transfert, le lieu d'inhumation ou de dépôt et enfin la signature du garde de service.

Pour conclure ce chapitre, nous pouvons dire que l'étude des noyés au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle révèle des tendances marquantes. La majorité des victimes sont des jeunes hommes, principalement français et issus des classes ouvrière et militaire. Les noyades se produisent pour la majorité dans la ville de Lyon, dans le Rhône et la Saône et durant les mois de l'été. Concernant leur répertoriage au sein des procès-verbaux, des changements dans la pratique sont à prendre en considération à la fin du XIXème siècle, siècle qui est marqué par un manque conséquent d'archives. Les registres de la morgue sont quant à eux très complets, proposant parfois même la photo du cadavre en question, malgré le fait que les dates et les lieux de disparition des noyés ne soient mentionnés que dans de rares exceptions.

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CHAPITRE 3

LES DIFFÉRENTS TYPES DE NOYADES RECENSÉES DANS LE RHÔNE AU
XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE

Dans un troisième et dernier chapitre, nous allons nous attarder sur les différentes circonstances de noyade que l'on recense dans le département du Rhône de 1800 à 1950. Nous classifions les noyades selon trois circonstances distinctes : les homicides parmi lesquels on retrouve également les infanticides, les suicides et les noyades accidentelles que nous allons dès lors étudier dans notre première partie. Il faut noter que pour certains cas, les circonstances de la noyade sont inconnues, ou ne sont pas fixées dans le PV mais plutôt supposées. La noyade peut alors être causée par un accident ou un suicide, comme elle peut être le résultat d'un accident ou d'un homicide comme nous pouvons l'observer dans le graphique ci-dessous qui propose une représentation des circonstances des noyades dans le département du Rhône de 1800 à 1950.

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I- Les noyades accidentelles dans le département du Rhône entre 1800 et 1950

Dans une première partie, nous allons nous intéresser aux noyades accidentelles. Sur les 1064 cas de noyades que nous recensons dans le département du Rhône entre 1800 et 1950, 483 sont considérées comme accidentelles représentant alors 45,39% du total des noyades. Il faut préciser que dans 197 autres cas de noyades, la conclusion de la mort n'est pas certaine et l'on suppose qu'elles sont le résultat soit d'un accident soit d'un suicide. Pour cette partie, nous traiterons uniquement les cas qui sont avérés accidentels. Les conclusions réalisées au sein des PV et des registres d'entrée des corps à la morgue sont diverses et variées et alternent entre noyade, chute, accident de bateau, accident de voiture, crise, saut, baignade, ivresse et tentative de sauvetage, comme nous pouvons l'observer dans le graphique représenté ci-dessous.

Nous développerons pour cette partie diverses circonstances de noyades accidentelles retranscrites dans les archives, à savoir les chutes mortelles, les accidents liés à la navigation, les accidents liés à la réalisation de tâches ou d'activités quotidiennes et enfin les noyades liées à l'ivresse. Concernant les noyades provoquées à l'issue de baignades, qui représentent la majorité des noyades accidentelles, nous aurons l'occasion de les étudier au sein de la deuxième partie de notre chapitre.

Si l'on s'intéresse désormais au sexe des victimes de noyade accidentelle, nous pouvons observer qu'une majorité d'entre elles sont des hommes. Ces victimes de sexe masculin représentent 387 cas sur les 493 recensés.

a) Les chutes mortelles

Tout d'abord, nous allons nous intéresser aux noyades provoquées par des chutes, qui représentent au total 16,36% des noyades accidentelles. Nous qualifions de chutes toutes précipitations involontaires dans une étendue d'eau qui entrainent ensuite la mort de la victime par noyade. Les chutes provoquant la noyade d'une victime représentent 79 cas, parmi lesquels on retrouve 70 victimes de sexe masculin, et 9 victimes de sexe féminin. La proportion d'hommes est donc de 88,61% ce qui représente une large majorité des cas. Cette surreprésentation des hommes peut s'expliquer de plusieurs manières. Tout d'abord, au XIXème et XXème siècle, la navigation est un domaine réservé aux hommes, ainsi que la majorité des activités que l'on retrouve sur l'eau telles que la pêche, l'aviron ou la joute nautique. Les professions en lien avec les cours d'eau sont également exclusivement masculines. Les femmes quant à elles restent davantage à la maison, à s'occuper des tâches quotidiennes et ménagères ainsi que de l'éducation des enfants. Une autre cause est à souligner également concernant cette forte représentation des victimes masculines au sein des chutes accidentelles, il s'agit de la consommation d'alcool. Nous aurons l'occasion de développer ce point plus tardivement. Nous pouvons évoquer différents cas de noyades provoquées après la chute d'une victime dans l'eau afin d'illustrer nos propos.

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Par exemple en 1818, François Brunet s'est noyé accidentellement dans le Rhône après être tombé du radeau sur lequel il travaillait197. Durant l'année 1835, Nicolas Boulon, garçon de peine âgé de 17 ans se noie dans le Rhône après avoir chuté d'un cheval sur lequel il se trouvait pour faire remonter un batelet le long des berges198. Nous pouvons noter que la majorité des chutes ayant provoquées la noyade d'une personne ont lieu dans le fleuve du Rhône à Lyon (29 cas), suivi de la Saône (23 cas) puis du canal de Givors (5 cas) et de réservoirs d'eau (4 cas).

b) Les accidents liés à la navigation

Les noyades provoquées par des accidents liées à la navigation sont également l'une des circonstances que l'on rencontre le plus fréquemment dans le département du Rhône entre 1800 et 1950 et qui représentent 92 noyades accidentelles sur les 483 recensées. Parmi ces 92 accidents de bateau, seulement 6 concernent des femmes. La majorité de victimes de sexe masculin est ici écrasante et s'explique en partie par le fait que la majorité des mariniers, ou des propriétaires de bateau était des hommes. L'intégralité des noyades provoquées par un accident de la navigation que nous recensons a lieu soit sur le Rhône soit sur la Saône.

197 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

198 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

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Dans la plupart de ces accidents de bateaux, on recense une multiplicité de victimes et des accidents d'une grande ampleur. Par exemple le 19 juillet 1818, un accident terrible a eu lieu sur le Rhône à Vernaison le jour de la fête patronale de la commune qui a coûté la vie à 7 personnes199. Nous pouvons également citer un accident de bateau qui fut le plus meurtrier parmi tous les cas que nous avons pu rencontrer au sein de nos recherches et qui a coûté la vie à un nombre important de victimes. Le 10 juillet 1864, le bateau mouche n°4 « a heurté un banc de sable en aval du pont Vemours » à Lyon sur la Saône, ce qui a provoqué la noyade et la mort de 29 victimes200. Comme nous l'avons évoqué, l'intégralité des noyades provoquées par un accident de la navigation a lieu soit sur le Rhône soit sur la Saône. On observe néanmoins une majorité de victimes ayant péri dans la Saône. Les causes de ces accidents de la navigation sont divers et variés, dans certains cas l'accident est provoqué par le fait que le bateau heurte un obstacle provoquant la chute des passagers comme on peut l'observer le 16 novembre 1815 sur le Rhône lorsque le « bateau de pierre monté d'onze personnes (É) a touché contre un des moulins placés à Saint-Clair, s'est brisé » et a provoqué la chute de huit personnes, dont 3 seulement ont pu être sauvées201. Dans d'autres cas, l'accident est provoqué par le chavirement du bateau tel que ce fut le cas pour Jacques Rolland, marinier âgé de 27 ans qui en 1851 « s'est noyé accidentellement le 24 mars par l'effet d'un bateau qui a chaviré202 ». Il n'est pas possible d'effectuer des statistiques concernant l'évolution dans le temps de ces accidents de la navigation étant donné qu'il n'en ait plus de répertorié à partir de l'année 1866, ce qui est d'ailleurs regrettable car il aurait été intéressant de voir si le développement de la navigation à vapeur dans les années 1820 sur le Rhône et la Saône impacte et augmente le nombre d'accidents et de noyades liées à la navigation. Avec « seulement » 28 accidents de bateau recensés entre 1820 et 1860 sur les 92 que nous recensons au total à partir de 1812, il est compliqué d'observer si une réelle augmentation des accidents de bateaux a eu lieu avec l'émergence des techniques liées à la vapeur.

199 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,

200 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,

201 ADR, Lyon, Série 4M « Police »,

1800-1939, Côte 4M489. 1800-1939, Côte 4M494. 1800-1939, Côte 4M488.

202ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

c) Les noyades liées aux activités quotidiennes

Il est intéressant d'étudier les noyades qui sont dû à l'exercice des activités et tâches quotidiennes car cela met en lumière un fait intéressant : les femmes se trouvent pour la première fois majoritaires, à savoir dans les cas des noyades liées à la pratique de la lessive. Nous estimons à environ 37 cas le nombre de noyades liées à l'exécution d'une activité quotidienne. Par tâches quotidiennes, nous entendons par exemple les noyades provoquées par l'utilisation d'une étendue d'eau afin d'abreuver des chevaux, de puiser de l'eau, de laver du linge, ou de jouer près d'un cours d'eau, ce qui concerne en l'occurrence surtout des enfants. Nous relevons même le cas un peu particulier du nommé Antoine qui en « satisfaisant ses besoins naturels » s'est noyé dans le Rhône à Lyon le 22 septembre 1835203. L'activité qui provoque le plus de victimes concerne les jeux pratiqués par des enfants et qui par inadvertance se noient. En effet, l'enfance représente un âge particulièrement vulnérable face à ce genre de péril, l'eau devenant alors propice au jeu et à l'amusement. On totalise au total 9 cas d'enfants qui généralement après avoir chuté dans l'eau en jouant se noient. Nous avons par exemple le cas d'un enfant nommé Étienne Derbiat qui, le 29 juillet 1836 s'est noyé dans le Rhône près du pont Morand alors qu'il jouait sur le quai qui borde le fleuve. Nous rencontrons également une victime adulte qui se noya dans ces conditions, il s'agit du cas du nommé Joseph Bruyau, âgé de 33 ans, qui s'est noyé à Lyon dans le Rhône le 8 mai 1821 alors qu'il « s'amusait à faire tomber dans le fleuve, en frappant du talon des parties de terre que le Rhône avait miné à quelques distances en aval du pont de la Guillotière204 ». La deuxième activité quotidienne qui comptabilise le plus de noyade est l'abreuvage de chevaux. On recense au total 9 victimes qui ont péri alors qu'elles faisaient boire leur(s) cheval(aux) comme le cas de Mathieu Reynard, qui en 1822 se noya en « faisant boire son cheval dans le torrent205 ». Concernant le cas des victimes noyées alors qu'elles lavaient du linge, nous en rencontrons au total 6, un homme et 5 femmes. Ces noyades peuvent avoir lieu dans un cours d'eau, dans un lavoir comme dans un réservoir ou une pièce d'eau située au domicile de la victime.

203 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

204 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

205 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

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Nous pouvons citer le cas de Claudine Lavarel, domestique âgée de 31 ans qui s'est noyée le 28 novembre 1849 en lavant du linge, ou celui de Victoire Lecomte, 18 ans, qui est tombée dans la Saône à Lyon le 8 mai 1835 en lavant également du linge206.

d) Les noyades accidentelles liées à l'ivresse : une surreprésentation de victimes de sexe masculin

L'ivresse est « l'état d'intoxication produite par l'alcool et causant des perturbations dans l'adaptation nerveuse et la coordination motrice207 ». Au cours de nos dépouillements, nous avons rencontré un nombre important d'accidents mortels qui avaient été provoqués par une trop grande ingurgitation d'alcool provoquant alors chez les victimes un état de somnolence et une certaine inconscience face aux dangers. Nous estimons le nombre de noyades accidentelles influencées si ce n'est produites par un état d'ébriété à 19. Au sein de ces 19 cas, 18 sont des hommes et 1 seul concerne une femme. Nous pouvons évoquer pour illustrer cette tendance masculine le cas tout d'abord d'Antoine Joubert, 24 ans, apprenti tailleur qui le 11 février 1819 à 20 heures « traversa la Saône avec un de ses camarades nommé Benoît Tiveaux » avec lequel il s'amusa à à boire ce qui provoqua sa chute et sa noyade dans un endroit de la Saône à Villefranche où « il y avait environ 10 pieds208 d'eau209 ». Nous pouvons également évoquer le cas de Jean-Pierre Richard, âgé de 28 ans qui le 30 juin 1828 s'est noyé accidentellement dans le Rhône à Vienne étant dans « état complet d'ivresse, il voulut se baigner et fut entrainé par le courant et disparu immédiatement sous les eaux210 ». Le seul cas féminin que nous rencontrons est quant à lui associé à la nommée Louise Lisseur qui se noya accidentellement dans la Saône à Lyon le 9 janvier 1823 cette femme étant « ivre de vin et de liqueurs211 ».

206 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

207 LE ROBERT, « Ivresse ». Dans Dictionnaire en ligne. Consulté le 15 juin 2024. Disponible sur : < https://dictionnaire.lerobert.com/definition/ivresse>

208 Unité de mesure correspondant à 30,48 centimètres.

209 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M490.

210 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

211 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

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En conclusion de cette partie, nous pouvons dire que les noyades accidentelles, qui ont lieu principalement dans les eaux de la Saône et du Rhône au XIXème siècle et au début du XXème siècle touchent tous les profils de victimes, que ce soit la petite fille qui joue sur les bords du Rhône ou un homme plus âgé qui chute alors qu'il est épris de vin. Représentant près de la moitié des noyades, elles sont attribuées pour la plupart à des chutes ou à des accidents de la navigation. Une autre circonstance provoquant des noyades accidentelles reste cependant à développer et pas des moindres : le cas des baignades.

II- Les noyades liées aux baignades

Dans une deuxième partie, nous allons nous intéresser à l'une des causes principales des noyades accidentelles ayant lieu dans le département du Rhône de 1800 à 1950 : les baignades. Comme nous avons pu l'évoquer dans notre première partie, la baignade fait partie intégrante de la vie des Lyonnais et ce depuis longtemps. Cependant, par un manque accru de pratique, ou par la dangerosité que peut révéler parfois les eaux des fleuves, la fréquence des noyades engendrées après une baignade est considérable. Nous allons étudier de plus près ce phénomène qui touche la population rhodanienne au XIXème siècle et au début du XXème siècle et tenter d'établir le profil de ces baigneurs ainsi que les circonstances de ces noyades. Représentant 158 cas au sein des 483 noyades accidentelles recensées, les noyades liées aux baignades représentent alors 32,71% des noyades accidentelles soit 14,85% du total des noyades.

a) Le profil des baigneurs

Il est intéressant de tenter de produire le profil de ces baigneurs qui enfreignent parfois les lois et les interdictions imposées par les autorités publiques pour se baigner à certains endroits. Tout d'abord, nous supposons que le nombre de noyades ayant eu lieu à la suite d'une baignade est dans les faits plus important que ce que révèlent les archives, en raison notamment d'une non-connaissance dans certains cas des circonstances de la noyade d'une personne. On suppose ceci en raison de l'observation faite selon laquelle il y a une majorité de noyade qui ont lieu durant la période de l'été et plus précisément durant le mois de juin au mois de septembre. Nous aurons l'occasion de revenir sur les périodes de prédilection des baigneurs dans la sous-partie suivante.

212 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

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Dans son étude, Françoise Bayard estimait qu'à Lyon aux XVIIème et XVIIIème siècles se baigner dans les fleuves n'avait rien d'étonnant et déclarait que : « La baignade est pratiquée par les deux sexes, à tout âge, dans tous les milieux sociaux, à tout moment, dans des lieux variés et selon des modalités différentes ». Néanmoins, elle poursuit ses propos en déclarant qu'en examinant la levée des cadavres des noyés, on pourrait croire que la natation est réservée aux personnes de sexe masculin, deux victimes de sexe féminin seulement ayant été recensées de 1624 à 1789. En étudiant les baignades aux XIXème et dans la première moitié du XXème siècle, on observe que ces conclusions sont toujours d'actualités. En effet, l'intégralité des baigneurs qui se sont noyés sont des hommes, on ne recense aucune victime féminine entre 1800 et 1950. Dans 44 cas, l'âge de la victime est inconnue, cependant on constate que pour les victimes dont on connaît l'identité, tous les âges sont représentés. La victime la plus jeune que nous rencontrons a 8 ans tandis que la plus âgée a 69 ans. Cependant, dans l'ensemble les victimes sont relativement jeunes, la moyenne d'âge de ces baigneurs étant d'environ 20 ans. L'un des moyens d'identifier le cadavre d'un baigneur est la présence de la nudité chez la victime. En effet, un nombre important de baigneurs se baignent nus durant cette période ou parfois avec un slip de bain. Les descriptions des cadavres par ailleurs évoquent assez régulièrement la présence de cette nudité chez la victime même lorsque son identité demeure inconnue ce qui nous permet de reconnaître les baigneurs parmi l'ensemble des noyés. Nous avons par exemple le cas d'un cadavre retrouvé le 20 juillet 1865 dans le Rhône à Lyon et dont la description retranscrite dans le PV est la suivante : « on présume que la victime s'est noyée en se baignant (É) complètement nu sur le bord du Rhône près du parc de la tête d'Or212 ».

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b) Les périodes de prédilection des baigneurs

Désormais, nous allons nous intéresser aux périodes durant lesquelles le plus de baigneurs se noient. C'est très logiquement que la période de l'année durant laquelle on recense le plus de victimes de noyade lors des baignades est l'été. En effet, l'intégralité des disparitions des baigneurs a lieu entre le mois d'avril et le mois de septembre, périodes propices aux baignades notamment en raison du climat et de la chaleur estivale qui poussent les hommes à se rafraîchir dans une étendue d'eau.

Concernant les périodes de découverte des cadavres de baigneurs, il est difficile d'avérer que les statistiques que nous avons construit sont fiables notamment dû au fait que nous ne pouvons pas faire le rapprochement entre les victimes ayant disparu et les cadavres qui sont retrouvés lorsque l'identité de l'un ou de l'autre n'est pas connue ou qu'il est difficile d'identifier le corps. Cependant, les résultats que nous trouvons nous permettent d'admettre que les cadavres de baigneurs qui sont retrouvés le sont tous durant la période estivale également, même si pour 118 des cas de noyades après une baignade nous ne connaissons pas la période de découverte du cadavre ayant disparu dans l'eau. Le graphique suivant n'est donc pas représentatif de la réalité, et bien plus de cadavres ont été retrouvés mais il nous permet cependant d'avoir une idée des périodes durant lesquelles il est fréquent de retrouver les cadavres de baigneurs.

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c) Les lieux de prédilection des baigneurs

Enfin, nous allons nous intéresser aux lieux de disparition des baigneurs dans le département du Rhône au XIXème siècle et au début du XXème siècle en nous appuyant sur les archives des PV des ADR. Nous observons une majorité de disparition et de noyade de baigneurs dans le Rhône dans lequel on recense 70 cas plus deux cas dans ses lônes, qui sont des bras du fleuve. Dans la Saône, nous recensons au total 55 cas de disparitions ayant eu lieu après une baignade.

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Concernant les communes, on observe une majorité de disparitions qui ont lieu dans la ville de Lyon, cette ville représentant à elle seule 87 cas. Nous pouvons également observer que les communes frontalières de la ville de Lyon sont les plus touchées après celle-ci, avec notamment un nombre important de disparitions recensées dans la commune de La Guillotière par exemple213. Il faut également noter qu'un certain nombre de ces noyades de baigneurs ont lieu dans les fossés et notamment au sein du fossé du fort de Villeurbanne. Construit à partir de 1831, ce fort, également appelé « fort Montluc » était situé sur la rive gauche du Rhône214 et accueillait régulièrement des baigneurs qui venaient s'y rafraîchir l'été ou même des personnes qui y chutaient accidentellement. Nous pouvons notamment évoquer le cas de Jean-Claude Four, âgé de 15 ans qui s'est noyé accidentellement le 5 juillet 1866 alors qu'il se baignait dans le fossé du fort de Villeurbanne215. Les baigneurs se donnent également rendez-vous sur des plages non encadrées, on en recense notamment à Collonges-au-Mont-d'Or, à Rochetaillée, à Neuville-sur-Saône mais également à Caluire-et-Cuire avec la plage de Saint-Clair, ou la plage du Rhône à Lyon située près du parc de la Tête d'or216.

III- La noyade comme outil de suicide

Dans un troisième temps, nous allons nous attarder sur les noyades qui sont utilisées comme un moyen de mettre fin à ses jours. Nous identifions 144 cas de suicides parmi les 1064 noyades recensées.

a) Le profil des suicidés

Tout d'abord, nous allons nous intéresser au profil de ces suicidés qui ont eu recours à la noyade afin de mettre fin à leurs jours. La majorité de ces victimes sont de sexe masculin, nous recensons un total de 110 hommes pour 34 femmes ce qui fait de la noyade le moyen le plus couramment utilisé par les femmes pour se suicider.

213 Voir annexe n°7 dans la partie « Annexes ».

214 Jean ROBERT, « Le Fort Montluc », Musée militaire Lyon, mis en ligne le 7 août 2021. Consulté le 17 juin 2024.

Disponible sur : < https://museemilitairelyon.com/2021/08/07/548/>

215 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

216Rym HAOUARI, Baignades dans le Rhône et la Saône au XXème siècle, Rapport de stage sous la direction de Magali Delavenne, 2023.

Si l'on s'intéresse désormais à la nationalité des suicidés, on observe que 113 victimes sont françaises, l'une est algérienne et pour les 30 cas restants, la nationalité est inconnue. Pour la profession, cette dernière est connue pour 68 victimes, parmi lesquelles tous les milieux sociaux sont représentés. La majorité des victimes sont issues du milieu ouvrier, avec la présence par exemple d'ouvriers en soie, d'ouvriers tailleur ou de menuisiers. Cependant, on observe également la présence de victimes issues de la bourgeoisie et des classes aisées avec la présence en particulier d'un chirurgien, d'un agent de change, d'un négociant et d'un rentier. On recense aussi des victimes issues cette fois-ci d'un milieu défavorisé telles que des domestiques ou un voiturier. Enfin, plus surprenant, le milieu religieux est également représenté avec la présence d'un prêtre, le nommé Guillot, qui s'est suicidé en sautant du pont des Culattes dans le Rhône à Lyon le 1er février 1833. Ce qui peut être considéré comme surprenant concernant ce cas en particulier, c'est le recours à la noyade comme moyen de suicide étant donné que la noyade n'offre que rarement l'opportunité de donner une sépulture à la victime, mais également dû au fait que le suicide est condamné dans la religion chrétienne et empêcherait l'accès au paradis lors du Jugement dernier. Ce dernier se serait suicidé à cause de douleurs nerveuses très aigües217. Enfin, en étudiant désormais l'âge des suicidés, que l'on connait dans 74 des cas recensés, on observe que l'âge moyen des victimes de suicide par noyade est plus élevé que dans les autres circonstances de noyades évoquées précédemment. En effet, la moyenne d'âge des suicidés se situe vers les 40 ans. La victime la plus jeune est un jeune homme âgé de seulement 13 ans qui souffrait d'une maladie vénérienne depuis longtemps tandis que la victime la plus âgée est une femme de 70 ans dont on ignore les motifs qui l'ont poussée à se suicider.

b) Les motifs

Afin d'en apprendre un peu plus, et d'essayer de comprendre les raisons qui poussent ces personnes à se suicider en se noyant durant le XIXème siècle et le début du XXème siècle, nous allons étudier les motifs et les raisons de leur désespoir, si désespoir il y a. Comme nous avons pu l'évoquer, les suicides touchent l'ensemble de la population, jeunes et vieux, riches et pauvres, femmes et hommes, nous allons donc tenter d'établir le profil de ces suicidés en se basant non pas sur leur identité ou leur milieu social mais sur les motifs personnels. Les motifs ne sont pas évoqués régulièrement pour la simple et bonne raison qu'ils ne sont pas connus dans la majorité des cas.

217 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

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Lorsqu'ils sont connus, c'est grâce à l'entourage des victimes ou à des écrits qui ont été laissés par la victime elle-même. Nous pouvons identifier les motifs qui reviennent le plus souvent. L'une des raisons poussant au suicide qui est le plus souvent évoquée est celle des douleurs qui sont devenues insurmontables pour les victimes de maladies ou de blessures tel que le cas d'Ennemond Gillet, un rentier français qui s'est suicidé en 1818 et qui « sujet à de violents maux de nerfs s'est noyé volontairement218 ». Nous pouvons également évoquer le cas de Louis Aubert, un jeune ouvrier horloger de 21 ans qui s'est suicidé dans la Saône à Lyon le 11 juillet 1822 en raison d'une maladie qui « l'avait rendu très mélancolique » et dont la guérison, trop longue, avait provoqué chez lui une douleur et un chagrin trop important pour continuer à vivre219. L'aliénation mentale constitue également un motif que nous rencontrons à plusieurs occasions tels que pour les cas de Benoît Cusin qui est mort noyé dans un fossé à Arnas en 1821220 et celui de Marguerite Bullion, 65 ans, décideuse, qui s'est suicidée en se précipitant dans une citerne en 1850. Un autre motif que nous avons pu rencontrer à maintes reprises est celui du chagrin et/ou de la dépression provoquée par une vie de misère ou après un événement traumatisant comme la perte d'un proche tel que ce fut le cas pour Gabrielle Fayolle, dont la douleur d'avoir son perdu son mari 6 mois auparavant était devenue insurmontable et l'a ainsi poussée à se jeter dans la Saône du haut du pont de la Mulatière à Lyon le 5 mai 1819221. Enfin, la dernière raison poussant au suicide que nous avons pu rencontrer plusieurs fois au cours de nos recherches est l'ivresse et la faculté de l'alcool à désinhiber ou à déprimer les personnes qui en consomment. Déjà évoquée dans le cas des noyades accidentelles, l'ivresse est une fois de plus mentionnée dans le cas des suicides et ne concernent que des hommes tel que le nommé Desimart, crochetier français âgé de 45 ans qui se jeta dans la Saône à Lyon le 15 décembre 1818 étant dans un état complet d'ivresse222.

218 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

219 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

220 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

221 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M490.

222 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

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c) Les lieux et les dates de prédilection des suicidés

Nous allons maintenant nous intéresser aux lieux et aux périodes de prédilection des suicidés par noyade. Tout d'abord, concernant les lieux de suicide recensés au sein des archives, on observe que la majorité des suicides ont lieu à Lyon dans la Saône puis dans le Rhône. 24% des suicides ont lieu dans le Rhône tandis que 26% ont lieu dans la Saône. Les autres lieux dans lesquels on recense des suicides sont divers et variés et ne concernent qu'une minorité des cas, nous rencontrons par exemple des noyés dans des cuves, réservoirs, des mares, des boutasses, des fossés ou dans le canal situé à Villeurbanne.

En nous intéressant désormais aux ponts utilisés à Lyon pour se noyer, nous nous apercevons que celui qui est le plus souvent cité est le pont de Pierre223. Concernant les mois durant lesquels nous recensons le plus de suicide, nous observons que c'est le mois d'avril qui revient le plus souvent, représentant 14 suicides, puis le mois de juin qui représente quant à lui 11 suicides, tandis que nous ne connaissons pas la date du suicide de 63 victimes.

223 Voir annexe n°8 dans la partie « Annexes ».

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Pour conclure, nous pouvons dire que la noyade est très souvent utilisée par les personnes souhaitant mettre fin à leurs jours et demeure ainsi la première circonstance de suicide. Si la majorité des victimes sont des hommes, il est intéressant d'observer qu'une part non négligeable de femmes a également recours à la noyade pour se suicider. L'ensemble des milieux sociaux sont représentés, tandis que la moyenne d'âge est quant à elle plus élevée que celle établie au sein des noyades accidentelles. Le nombre de suicide retranscrit au sein des PV et des registres est cependant à remettre en question. Il est probable qu'il y en ait en réalité plus de suicides que ce qui a été retranscrit, notamment par rapport au fait que la fiabilité des conclusions, souvent hâtives est à remettre en cause, mais également par le fait que même lorsque le suicide d'une personne était connue des autorités, il n'était pas forcément rendu public tel que Sébastien Jahan le déclare : « L'inhumation en terre non consacrée attendait aussi parfois celui que l'on pensait s'être suicidé par noyade. Encore, les preuves d'une certaine indulgence sont-elles ici fréquentes, en particulier lorsque la personne jouissait d'une bonne réputation. Le nom du mort et les pressions de la famille vont servir ici à échapper la honte d'une exclusion de la communauté des morts224 ».

224 Sébastien JAHANB, « Le corps englouti : les noyés aux Temps modernes », Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours, sous la direction de Frédéric Chauvaud, Créaphis, 2007, pp. 60-61.

IV- La noyade comme moyen de commettre un homicide

Dans une quatrième et dernière partie de ce chapitre, nous allons nous attarder sur la dernière circonstance des noyades que l'on a identifié au cours de nos recherches, à savoir l'homicide. La noyade utilisée comme arme meurtrière concerne ici 27 noyés parmi les 1064 recensée, dont 14 sont des adultes et 13 des enfants. Comme évoqué dans notre première partie, nous ne ferons pas la distinction entre les assassinats, qui sont des meurtres avec préméditation, les homicides volontaires et les homicides involontaires, nous prendrons en compte l'intégralité des cas. Nous ne prendrons également qu'en compte les homicides qui sont avérés au sein des conclusions, et non pas les cas qui pourraient être des homicides, n'ayant aucune certitude à leur égard.

a) Le profil des victimes et des meurtriers

Tout d'abord nous allons nous intéresser au profil des victimes ayant été tuées à l'âge adulte. Au sein des 14 cas d'homicides que nous relevons, 9 concernent des hommes, et 5 des femmes. Dans l'ensemble des cas, nous connaissons le sexe de la victime, à la différence de l'âge qui n'est cité que dans 10 cas et du nom de famille et du prénom de la victime que l'on connait pour 11 cas. L'ensemble des victimes qui ont été tuées et que nous recensons ont la nationalité française. En ne prenant toujours pas en compte les infanticides, la moyenne d'âge des victimes est assez élevée puisqu'elle est de 40 ans. Si nous la calculons désormais en prenant en compte l'intégralité des victimes, elle descend à environ 20 ans, tout en sachant qu'entre 1 an et 18 ans, nous ne recensons aucune victime. Concernant 12 cas sur les 27 que nous recensons, des traces de violence ont été observées et ont permis de constater que la victime avait été assassinée. Ces différentes marques peuvent être des ecchymoses, des traces de strangulation ou de coup, des contusions, des mutilations ou des traces de pression et de maintien. Nous avons par exemple le cas de Claudine Vercelice, 50 ans, dont le cadavre fut retrouvé près du pont Pasteur dans le Rhône à Lyon le 8 avril 1946 et portait « de multiples traces de violence sur la tête et sur les membres et des tentatives de strangulations225 ». Si l'on s'intéresse désormais au profil des meurtriers, il est très difficile à définir, ces derniers n'étant identifiés que dans 3 cas. Nous pouvons cependant constater que dans ces 3 cas, le coupable est un proche de la victime, par exemple Marie Vagnon, âgée de 36 ans a été

225 AML, Lyon, Archives de l'IML, Morgue, dépôt des morts, 1946, Côte 2764W2.

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jetée dans le Rhône à Lyon le 15 mars 1864 par le nommé Claude Guillet, âgé de 38 ans avec lequel elle entretenait des relations adultérines226. Dans le dernier cas que nous avons recensé, la victime a été tuée par son frère et concernant le troisième cas il fut tué par son neveu.

b) Les infanticides

Comme nous venons de l'évoquer, presque la moitié des victimes sont des enfants en bas-âge. Concernant ces 13 victimes de noyade, nous ne connaissons pas leur identité, à savoir leur âge, leur prénom, leur nom ou leur nationalité. Nous connaissons en revanche pour 10 de ces 13 cas l'âge approximatif de la victime et notamment s'il s'agit d'un foetus, qui n'a pas achevé son développement et qui est donc victime soit d'une mort prématurée lors d'une grossesse qui n'a pas abouti ou alors soit une victime d'avortement clandestin. Nous recensons sept victimes qui sont décrites comme étant des foetus parmi lesquelles 6 sont de sexe masculin, 3 de sexe féminin, et un de sexe inconnu. Nous avons rencontré par exemple le cas sordide d'un nouveau-né dont des morceaux ont été retirés de la Saône le 21 novembre 1823 à Lyon et dont la description dans le PV était la suivante : « main d'un enfant nouveau-né a été retirée de la Saône (É) cadavre qui a été retiré en plusieurs morceaux (É) comme on le suppose, l'enfant n'aurait pas été exposé et dévoré ensuite par des chiens227 ». À propos des cas de nouveau-né qui ont été noyés alors qu'ils étaient nés viables, nous recensons trois cas, dont un bébé de sexe masculin âgé de 2 mois dont le cadavre a été repêché le 3 décembre 1864 dans le Rhône à Lyon228. Les deux cas de bébés nés viables et qui furent tués alors qu'ils étaient âgés d'au moins plusieurs mois sont deux bébés de sexe féminin. Ces deux cas sont similaires sur plusieurs points. Tout d'abord, ces deux bébés ont été retrouvés dans le Rhône à Givors, à seulement un jour d'intervalle. La première victime a été retrouvée le 11 septembre 1865 tandis que la deuxième fut retrouvée le 12 septembre de la même année. De plus, ces deux bébés étaient âgés de respectivement 6 et 10 mois. Enfin, leur cadavre a été retrouvés mutilé d'une manière horrible, leur description met l'accent sur ces mutilations atroces, dans le premier cas il est retranscrit qu'un « cadavre d'un enfant appartenant au sexe féminin (É) enveloppé dans un torchon de toile grossière (portait) d'horribles mutilations229 » alors qu'il est

226 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

227 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M492.

228 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

229 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

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retranscrit pour le deuxième cas qu'il s'agit du « cadavre d'une petite fille, âgée d'environ dix mois et qui avait quand on l'a découvert les quatre membres coupés et portait sur le corps des traces de mutilations230 ». Ces similitudes nous font présumer que ces victimes ont été tuées par le même meurtrier.

c) Une sous-représentation des noyades dans les procès-verbaux et les registres?

Même si la noyade ne demeure pas le premier moyen employé par les meurtriers pour tuer leur victime, elle a cependant certaines particularités qui pourraient présenter un intérêt quant à son utilisation par les meurtriers. Tout d'abord, l'avantage de la noyade qui peut être recherché par les meurtriers est le fait qu'elle ne laisse pas ou rarement des traces et des indices lorsque le cadavre est retrouvé, comme le déclare Sébastien Jahan : « L'eau est le déversoir du crime. Elle engloutit le forfait de l'assassin avec le cadavre, et souvent le nom de sa victime. Livré au fil de l'eau, le corps finit par s'échouer, stoppé par des branchages, ou bien remonter des profondeurs, ramassé par quelque passeur ou pêcheur de rivière. Mais lorsqu'il ressurgit, des jours voire des semaines plus tard, le temps et la mort ont fait leur oeuvre : la dépouille n'est plus « lisible ». La décomposition a maquillé les coups et les blessures, corrompu les chairs et les vêtements au point de rendre parfois le cadavre inidentifiable231 ». La deuxième particularité est le fait qu'il y a de fortes probabilités pour que le corps ne soit pas retrouvé par les autorités ou du moins qu'il soit retrouvé dans un tel état de décomposition ou de dégradation que celle-ci ne permette pas l'identification de la victime. De plus, il est relativement complexe pour la police de déterminer réellement les circonstances de la noyade et de savoir si cette dernière est le fruit d'un accident, d'un suicide ou d'un meurtre. C'est pour cette raison que dans un nombre important de noyade, la conclusion n'est pas certaine, on observe par exemple que pour 197 cas, la conclusion de la mort oscille entre une noyade provoquée à la suite d'un accident ou d'un suicide, que dans un cas la conclusion de la noyade est celle d'un homicide ou d'un suicide, et que dans 212 cas, nous ne connaissons pas la conclusion et les circonstances de la noyade. De plus, même lorsque la conclusion est établie au sein des PV ou des registres de la morgue, la fiabilité de celle-ci peut facilement être remise en cause, dû notamment au fait que les conclusions se font très rapidement, généralement dans le jour qui suit la découverte du

230 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M494.

231 Sébastien JAHANB, « Le corps englouti : les noyés aux Temps modernes », Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours, sous la direction de Frédéric Chauvaud, Créaphis, 2007, pp. 60-61.

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cadavre, et qu'aucune enquête préliminaire n'est réalisée avant. Enfin, la dernière raison pour laquelle il nous faut remettre en cause le nombre d'homicides au sein de nos bases de données est tout simplement le fait que les policiers déclarent qu'une victime est décédée à la suite d'un homicide uniquement dans les cas où il y a une présence visible de traces violentes, la présence d'un témoin ou lorsque la victime n'a pu se noyer volontairement comme c'est le cas concernant les infanticides. Nous estimons donc que le nombre d'homicides par noyade est bien plus important dans les faits que dans les archives, même s'il est très compliqué de le déterminer.

En conclusion de ce chapitre nous pouvons estimer que les homicides identifiés au sein des archives des PV et des registres ne reflètent pas la réalité des noyades qui eurent lieu dans le département du Rhône entre 1800 et 1950. Concernant les cas que nous avons pu étudier, il est important de rappeler que la moitié des cas sont des enfants de moins d'un an, et que globalement on retrouve autant de victimes de sexe masculin que de victimes de sexe féminin. Il est également probable que pour une majorité des cas le meurtrier soit connu par la victime, étant donné que concernant les meurtres dont on connait le coupable, ce dernier est à chaque fois un proche de la victime.

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PARTIE 3

LES AMÉNAGEMENTS ET LES OUTILS DE LUTTE CONTRE LES NOYADES MIS EN PLACE À PARTIR DU XIXÈME SIÈCLE EN FRANCE ET À LYON

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Maintenant que nous avons pu étudier l'ensemble des morts recensées dans le département du Rhône et plus particulièrement à Lyon durant le XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle, et que nous avons développé le cas spécifique des noyades, nous allons désormais nous intéresser aux aménagements, structures, et outils qui sont mis en place par les autorités publiques en France et à Lyon afin de lutter et de prévenir les noyades. Dans un premier chapitre, nous nous attarderons sur la politique de prévention et d'intervention qui est mise en place par le gouvernement français et les autorités publiques à partir du XIXème siècle et dans un second chapitre, nous nous intéresserons à l'émergence de la presse locale comme d'un outil de prévention et d'éducation aux XIXème et XXème siècles dans le département du Rhône et à Lyon.

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CHAPITRE 1

UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES NOYADES QUI S'INTENSIFIE AU
XIXÈME SIÈCLE PUIS AU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE EN FRANCE

Dans notre premier chapitre, nous allons traiter des politiques de lutte contre les noyades qui sont mises en place par le gouvernement français à partir du XIXème siècle et les évolutions qu'elles connaissent tout au long de ce dernier et au début du XXème siècle. Cette politique de lutte contre les noyades passe par une politique de contrôle des baignades, qui demeurent la première cause des noyades accidentelles avant le XIXème siècle mais également la première cause des noyades accidentelles de 1800 à 1950. Nous nous intéresserons dans une première partie à la politique de prévention et d'intervention mise en place par les autorités publiques ainsi que les techniques de sauvetage qui sont élaborées, puis nous verrons dans une deuxième partie l'influence que la presse locale possède au XIXème siècle et au début du XXème siècle concernant la prévention des noyades.

I- Une politique de prévention et d'intervention qui émerge au XIXème siècle en France et à Lyon

Avant le XIXème siècle, la prévention des noyades est inexistante, tout comme le sauvetage. Les risques encourus par les « travailleurs de l'eau » ainsi que par les baigneurs n'intéressent guère les autorités de l'Ancien Régime232. La priorité des sociétés d'Ancien Régime est la « préservation et l'affirmation de leurs pouvoirs et de l'ordre social233 ». C'est seulement à la fin du XVIIIème siècle que l'on voit apparaître les premières formes officielles à l'entraide collective en faveur de son semblable dans le péril. Par ailleurs, avant 1816, le mot « sauveteur » n'existe pas, il ne sera admis par l'Académie française qu'en 1835. Quant au terme « sauvetage », il apparaît pour la première fois en France en 1773, avant d'être accepté comme néologisme par l'Académie française en 1835234. Cette arrivée tardive dans le langage français de ces termes montre bien à quel point le gouvernement français avant le XVIIIème siècle n'accordait pas d'importance à la prévention et au

232 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

233 Benoit GARNOT, « Justice et société dans la France du 18ème siècle ». Dix-Huitième Siècle n°37, p. 88.

234Frédéric CAILLE, La figure du sauveteur. Naissance du citoyen-secoureur en France, 1780-1914. Presses universitaires de Rennes, 2006, 320p.

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sauvetage de la population lors de situation dangereuse. À partir des XVIIIème et XIXème siècles, un basculement a lieu dans la perception sociale de la noyade. L'intérêt des pouvoirs publics ainsi que celui de la population est désormais de repenser le monde en partant des dangers qui le menacent235.

a) Des lois promulguées pour contrôler les baignades

Le XIXème siècle en France est marqué par une multitude de régimes politiques et une incertitude quant à l'avenir politique du pays qui met de côté des questions considérées comme de « second plan ». Marqué par la Révolution française de 1789, le commencement du nouveau siècle se fait presque dans le sang et la mort et va voir se substituer pas moins de 6 régimes politiques, de l'Empire aux Républiques en passant par une Restauration de la monarchie ce qui rend l'étude des politiques de ce siècle particulièrement complexe. Cependant, la prévention et le sauvetage des noyades, et particulièrement des noyades maritimes vont peu à peu préoccuper les différents gouvernements et permettre l'émergence de différentes lois, tout d'abord destinées à contrôler les baignades qui se développent massivement au XIXème siècle en raison notamment de l'intérêt croissant de la population pour l'hygiène. Si de prime abord, l'intérêt des politiciens montre une volonté d'améliorer les techniques de sauvetage ou de réduire le nombre de noyade ayant lieu à la suite de baignades dans les cours d'eau français, leur politique cache en réalité derrière cela un désir de contrôler des comportements qui sont considérés comme irrespectueux et impudiques, la plupart des baigneurs se baignant nus et étant issus majoritairement des classes populaires. L'exhibition sexuelle, mais aussi les postures prises par certains baigneurs ainsi que la promiscuité entre les sexes choquent et outragent l'opinion publique ce qui provoquent l'intervention du gouvernement avec une augmentation de la publication d'ordonnances concernant les bains de rivières au cours du XVIIIème siècle. En 1740, une ordonnance du Prévôt des marchands236 interdit par exemple de se baigner nu sous peine d'une amende de 150 livres237. Le 2 juin 1811, la police de Lyon publie quant à elle une ordonnance stipulant qu'il « est expressément défendu à toute personne de se baigner en pleine eau, dans le Rhône et la Saône, à l'intérieur de la ville et ailleurs que dans les bains

235 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

236 Coll. MUSÉE GADAGNE, ville de Lyon, Inv. N24821 : Ordonnance du Prévôt des Marchands Perrichon, 1740.

237 = Environ 1700 euros.

113

couverts238 ». D'autres lois seront publiées au cours du XIXème et du XXème siècle pour le contrôle de ces bains de rivière, on note notamment la publication d'un arrêté préfectoral qui interdit la baignade à Lyon dans les fossés d'enceinte des fortifications et ainsi que sur les rives du Rhône et de la Saône ou l'arrêté préfectoral du 6 août 1936 qui réglemente principalement les baignades dans le but d'assurer le bon ordre, la sureté et la salubrité des baignades dans les rivières, canaux239.

b) La création de lieux de baignade surveillés et encadrés

Devant une pratique toujours plus importante de la baignade en pleine eau, les autorités publiques mettent en place petit à petit des lieux destinés à la baignade, contrôlés et surveillés, espérant ainsi réduire les baignades en dehors de ces bains réglementés représentant une véritable source de danger pour la population et causant un nombre conséquent de noyades. À travers cette action, les autorités publiques souhaitent également régler le problème que posent l'exhibition et l'immoralité des baigneurs nus en pleine eau. C'est ainsi qu'émergent les établissements de « bains flottants » au sein de la capitale parisienne tout d'abord, puis dans d'autre grandes villes françaises comme Lyon240. Installés de manière provisoire, ils sont effectifs uniquement durant l'été, et plus particulièrement de juin à septembre. Le premier objectif avec la création de ces bains surveillés et encadrés est d'éviter les noyades. Cependant, à la fin du XIXème siècle, on observe une baisse des bains à Lyon, que Thierry Terret explique dans son étude241 par le fait de nombreuses destructions de ces établissements dus aux catastrophes naturelles comme les crues, mais également par le fait des travaux engendrés par la mairie pour la construction de quais, de digues insubmersibles formées de bas-ports et de murs de quai luttant notamment contre les innondations, ces dernières ayant traumatisé les habitants de 1856 et 1889.

238 Pauline DELON, « Sais-tu nager? Pardi, je suis Lyonnais! » : La politique municipale de la ville de Lyon en matière d'établissements de bains au 19ème siècle. Mémoire de recherche IEP, séminaire Ville et pouvoir urbain, mémoire sous la direction de Renaud Payre, 2007.

239 Rym HAOUARI, Baignades dans le Rhône et la Saône au XXème siècle, Rapport de stage sous la direction de Magali Delavenne, 2023.

240FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

241 Thierry TERRET, Les défis du bain : formes de pratiques, modèles et résistances dans les processus de diffusion de la natation sportive. Thèse STAPS, sous la direction de P. Arnaud, Lyon 1, 1992.

Afin de contrer cette diminution des bains flottants, le Préfet du Rhône demande le 4 août 1873 à l'ingénieur en chef de la mairie, de réaliser un projet proposant d' « établir des bains publics et gratuits sur le Rhône242». Malgré l'ouverture de ces lieux de baignades encadrés et gratuits, le nombre de baigneurs en pleine eau ne diminue pas, et aucune réduction des accidents liés à ces baignades n'a été observée243.

c) La création des écoles de natation

Les nombreuses catastrophes et noyades liées à l'incompétence de la population à savoir nager conduit peu à peu le gouvernement et les villes à s'engager dans la transmission de l'art de nager, de la surveillance des rivières ainsi que dans l'assistance aux noyés. L'apogée des établissements de bains flottants durant la période du Second Empire voit apparaître également l'émergence dans certains de ces établissements de cours de natation le long des rivières françaises. La première école de natation est créée en 1785 sur la Seine par Barthélémy Turquin à l'île Saint Louis244. Destinés à des classes aisées, ces cours sont dispensés par des « maîtres de nage » dont le travail demeure exclusivement saisonnier. Ces maîtres de nage au sein des bains froids de rivière sont alors la plupart du temps des « mariniers nageurs surveillants » ou des « bateliers nageurs » qui en plus d'enseigner la natation veille au respect des normes de sécurité ainsi qu'au respect des comportements des nageurs. Ils contrôlent les baignades dans les bains de rivière tout en intervenant lorsque des baigneurs se montrent imprudents. À la différence des surveillants-sauveteurs que nous aurons l'occasion d'évoquer ultérieurement et qui assurent la sécurité des baignades publiques dans les cours d'eau, les maîtres-nageurs des écoles de natation sont soit salariés soit propriétaires de l'école245.

242 AML, Ville de Lyon, Avant projet d'établissement de bains publics et gratuits sur le Rhône, 8 août 1873, Côte 1146 WP 0097.

243 Pauline DELON, « Sais-tu nager? Pardi, je suis Lyonnais! » : La politique municipale de la ville de Lyon en matière d'établissements de bains au 19ème siècle. Mémoire de recherche IEP, séminaire Ville et pouvoir urbain, mémoire sous la direction de Renaud Payre, 2007.

244FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002, Chapitre 1 - Genèse du problème public de la noyade.

245 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002, Chapitre 1 - Genèse du problème public de la noyade.

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On retrouve notamment une école de natation sur la Saône au pont du Change à Lyon qui accueille des élèves durant la première moitié du XIXème siècle et jusqu'en 1843246.

II- Un intérêt croissant de l'État et de la population pour le sauvetage et l'assistance aux noyés tout au long du XIXème siècle

Durant le XIXème siècle, une autre préoccupation intrigue les autorités publiques : le sauvetage. Le sauvetage qui arrive tardivement dans le vocabulaire français comme nous avons pu le faire remarquer lors de notre introduction est une pratique peu courante durant l'époque moderne. Peu à peu avec l'intervention des autorités ainsi que l'image héroïque attribuée à ses adhérents, le développement des méthodes de sauvetage et des sauveteurs dans la sphère publique comme dans la sphère privée va émerger.

a) La création des surveillants-sauveteurs par l'État

L'intérêt de l'État pour le sauvetage débute avec le sauvetage en mer au début du XIXème siècle, le sauvetage en eau douce n'intéressant pas immédiatement les autorités publiques. C'est ainsi que sont créées les sociétés de sauvetage au début du siècle, et notamment la Compagnie de Boulogne-sur-mer en 1825, première société de sauvetage en France. Leur but est de « prévenir les accidents, porter assistance à toutes les personnes en danger de se noyer et à procurer aux individus retirés de l'eau tous les secours propres à les rappeler à la vie247 ». De multiples inventions sont ensuite crées pour porter secours aux noyés telles que la chaloupe insubmersible ou la ceinture de sauvetage en 1842. En 1865, une Société centrale de sauvetage des naufrages est instituée et reconnue d'utilité publique le 17 novembre 1865. En 1889, le premier Congrès international de sauvetage se réunit à la suite duquel une brochure sera publiée en France dans laquelle sont donnés des conseils pratiques ainsi que les gestes à avoir lorsque l'on sauve une victime de la noyade comme la technique du bouche-à-bouche. L'émergence de tous ces événements et la création de ces structures montrent l'intérêt désormais des autorités françaises

246 Pauline Delon, « Sais-tu nager? Pardi, je suis Lyonnais! » : La politique municipale de la ville de Lyon en matière d'établissements de bains au 19ème siècle. Mémoire de recherche IEP, séminaire Ville et pouvoir urbain, mémoire sous la direction de Renaud Payre, 2007.

247 Frédéric CHAUVAUD, « Submersions et catastrophes : les figures du noyé au XIXè siècle », Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de l'Antiquité à nos jours, sous la direction de Frédéric Chauvaud, Créaphis, 2007, pp 82-83.

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pour lutter contre les noyades. C'est dans ce contexte que « les pouvoirs publics accordent des concessions aux exploitants de « bains froids » de rivière à la condition que ces « maîtres de bains » contrôlent par l'emploi de « bateliers nageurs » ou de « mariniers nageurs surveillants » plus que la sécurité, le respect des comportements adéquats à la pudeur ambiante248 ». Cette nouvelle profession dans le domaine de la baignade instituée par l'État est celle des surveillants-sauveteurs. Ils sont gendarmes, garde-champêtres ou militaires de profession et leur mission est d'assurer la sécurité des baignades publiques. Ils sont rémunérés soit par l'exploitant des bains de rivière, soit par les autorités locales.

b) L'émergence de sauveteurs anonymes

Pendant longtemps, l'assistance aux victimes de noyades est inexistance chez les particuliers. Cette non-assistance de la population s'explique tout d'abord par une peur de l'eau qui paralyse la population. Peu d'individus sont alors en capacité d'intervenir auprès d'une victime en milieu aquatique, même lorsque la profondeur de l'eau le permet. Lorsqu'un noyé réapparaît à la surface de l'eau ou est rejeté sur une plage ou une berge, sa vision fait peur à la population, et ce dernier est généralement laissé sur place. Lorsqu'il est hissé hors de la rivière, le cadavre est ensuite déposé sur la terre ferme et abandonné sur place avant l'arrivée des autorités. Parfois observé par les habitants de passage, cet abandon des corps produit cependant des réactions d'indignation telles qu'on peut le voir chez un journaliste qui déclara au sujet d'un cadavre de noyé : « il est donc resté pendant quatre heures exposé à la curiosité malsaine des passants249 ». Cette répulsion à l'égard des noyés s'explique par « une peur d'entrer en contact avec le corps du noyé, de le frôler ou de le toucher. Le noyé porte malheur, chuchote-on250 ». De plus, cette répulsion face aux cadavres des noyés s'accompagne par une peur des représailles que pourrait effectuer la justice. La plupart des témoins préfèrent donc s'abstenir. On observe notamment cette répulsion au sein d'un des PV datant du 10 juillet 1812 et dans lequel est déclaré : « qu'un cadavre de femme arrêté, dans ces derniers temps sur les bords du Rhône, territoire de Millery, y est resté exposé pendant plus de huit jours (É) quelques habitants incommodés par l'odeur infecte de ce cadavre l'ont poussé au milieu

248 FABIEN CAMPORELLI, Maitres-nageurs sauveteurs, Dynamiques d'un groupe professionnel dominé (1927-2022), Thèse de sociologie, Lille : faculté des sciences sociales, économiques et des territoires, 2002.

249 Le Journal de la Vienne, 8 décembre 1873.

250Frédéric CAILLE, La figure du sauveteur. Naissance du citoyen-secoureur en France, 1780-1914. Presses universitaires de Rennes, 2006, 320p.

du fleuve dont le courant l'a entrainé251 ». C'est pour cette raison que les autorités publiques interviennent afin de débloquer la situation et d'inciter les gens à se manifester pour porter secours aux noyés. Par exemple à Paris, la municipalité rappelle aux habitants qu'ils sont aptes à secourir les noyés et également à retirer leur corps de l'eau avant d'avertir le garde-corps le plus proche où se trouve une boîte de secouriste permettant d'effectuer les premiers soins. Des récompenses sont également mis en place, par exemple les Parisiens peuvent recevoir 6 livres s'ils avertissent le premier le garde-corps ou 24 livres s'ils retirent et administrent les secours au noyé252. À Lyon, on observe ces secours aux noyés dans les corps de garde fonctionnent dès 1780253. Cet intérêt pécuniaire permet alors une augmentation de l'assistance aux noyés et est renforcé par la diffusion de la presse et de l'image héroïque qu'elle fait des sauveteurs comme nous aurons l'occasion de le voir plus tard.

c) Les tentatives de sauvetage au sein des archives des procès-verbaux de 1800 à 1939 dans le département du Rhône

Enfin, nous allons nous attarder un instant sur ces tentatives de sauvetage qui sont effectuées par des personnes qui sont majoritairement « non-qualifiées ». Au cours de nos recherches, nous avons eu l'occasion de rencontrer plusieurs cas de noyade retranscrits au sein des archives des procès-verbaux dans lesquels sont mentionnés qu'une tentative de sauvetage avait été effectuée auprès de la victime avant la noyade de cette dernière. Nous avons également pu voir des tentatives de sauvetage qui se sont avérées efficaces. Concernant les tentatives de sauvetage vaines tout d'abord, on en recense un nombre important. En effet, dans bon nombre de cas de noyade, il est stipulé dans la description du PV que tout a été mis en oeuvre pour tenter de sauver la victime. Par exemple, nous pouvons lire au sein d'un PV rédigé par le maire de Caluire-et-Cuire le 21 août 1817 au sujet d'une noyade ayant eu lieu à la suite d'une baignade dans cette commune le 15 août 1817 dans la Saône que « diverses personnes qui se trouvaient présentes ont essayé mais inutilement de lui porter secours254 ».

251 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M488.

252 Françoise BAYARD, « Nager à Lyon à l'époque moderne, 17ème-18ème siècle » dans Jeux et Sports dans l'Histoire. Actes du 116ème Congrès national des sociétés savantes. Section histoire moderne et contemporaine, Chambéry, 1991. Paris, éditions CTHS, 1992, pp. 229-242.

253 ADR, 10 G 3811, 2 août 1780 ; 26 juin 1782.

254 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M489.

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Ces tentatives de secours peuvent être identifiées tout d'abord par une tentative de retirer la personne de l'eau comme on l'observe pour le cas de Laurent Louis Mazé, jeune homme de 25 ans qui s'est noyé accidentellement le 14 juin 1836 dans la Saône à Vaise et qui « a disparu sous un radeau, les personnes qui étaient présentes ne sachant point nager n'ont pu lui porter secours255 ». Les autres tentatives de sauvetage effectuées se définissent par le fait de prodiguer des soins à une victime sortie de l'eau afin de tenter de la réanimer comme on peut l'observer notamment pour le cas d'Eugène Louis, 17 ans, ouvrier français qui s'est noyé le 6 juin 1819 dans la Saône à Vaise et dont le procès-verbal mentionnait que « le cadavre a été retiré vingt minutes après presque au même instant se sont présentés quatre élèves de l'école (É) ils ont administré à l'asphyxié tous les secours convenables après deux heures de travail ils n'ont pas pu le rappeler à la vie256 ». Les sauvetages qui ont permis de sauver des victimes de la noyade sont quant à eux peu présents ou peu recensés dans les archives des PV. Ils concernent soit des sauvetages de victimes de noyade accidentelle, soit des interventions auprès d'une personne tentant de mettre fin à ses jours en se noyant, et sont la plupart du temps réalisés par des personnes travaillant près de cours d'eau comme des mariniers ou des pêcheurs, ou des proches de la victime. Nous pouvons citer par exemple le cas de Simon Bajard, marinier qui a sauvé des eaux de la Saône le dimanche 8 avril 1822 le nommé Flichet, âgé de 13 ans alors que ce dernier était en train de se noyer257. Nous pouvons également évoquer le cas d'une tentative de suicide, celle de la nommée Benoite Vérial qui dans un « excès de folie » s'est précipitée dans la Saône à Lyon près du quai des Célestins d'où elle a été retirée saine et sauve puis « conduite à l'hospice de l'antiquaille pour y recevoir les soins qu'exige son état258 ».

III- L'émergence de la médecine légale à Lyon au XIXème siècle

Durant le XIXème siècle, l'assistance et la prise en charge des noyés s'accompagne du développement de la médecine légale à Lyon. Véritable pionnière en la matière, la ville de Lyon voit apparaître un nombre non négligeable d'avancées dans ce domaine, menées par de grands médecins à l'instar des médecins Alexandre Lacassagne ou Edmond Locard.

255 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M493.

256 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M490.

257 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

258 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M491.

Nous allons nous attarder sur l'impact que la médecine légale opère quant aux progrès des techniques de sauvetage au XIXème siècle et au début du XXème siècle à Lyon.

a) Lyon : berceau de la médecine légale

La médecine légale se divise en deux branches distinctes : l'une est consacrée à la médecine du vivant, et l'autre à la thanatologie soit l'étude des signes, des conditions, des causes et de la nature de la mort259. Nous nous intéresserons ici à cette deuxième branche de la médecine légale. Nous pouvons considérer que Lyon est le véritable berceau mondial de la médecine légale par son aptitude à avoir vu émerger en son centre de nombreux médecins légistes et de nombreuses avancées en la matière. L'un des précurseurs de la médecine légale à Lyon est le médecin et criminologue Lyonnais Henry Coutagne né en 1846. Après avoir fait ses études médicales à Lyon dans les années 1860, il se spécialise dans la médecine légale et la criminologie dans les années 1870 et devient chef de travaux de médecine légale à la faculté de médecine de Lyon et expert auprès des tribunaux260. En 1879, il devient membre du comité de rédaction du Lyon Médical, puis publie en 1881 la traduction annotée du Traité de médecine légale d'Alfred Swaise. Sa vie sera également marquée par la rencontre avec une autre figure majeure de la médecine légale en 1879, le médecin Alexandre Lacassagne261. Né en 1843, ce Lyonnais d'adoption et professeur titulaire de la chaire de médecine légale a réussi à s'imposer grâce à ses expertises et ses écrits et avec la création d'archives d'anthropologie criminelle. Il demeure aujourd'hui l'un des figures incontournables de la médecine légale avec son apport à la fondation de l'anthropologie criminelle. Élu en 1896 membre à la section science de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon, il est également le fondateur de la première revue française de criminologie en 1895 avec Gabriel Tarde nommée Les archives d'anthropologie criminelle, de criminologie, psychologie normale et pathologique.

259 SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE MÉDECINE LÉGALE, « Le métier de médecin légiste », 2021. Consulté le 23 juin 2024.

Disponible sur : < https://medecinelegale.com/index.php/la-profession-de-medecin-legiste/>

260 Jean BURDY et Dominique SAINT-PIERRE (dir.), « Coutagne, Henry (1846-1895) », dans Dictionnaire historique des Académiciens de Lyon : 1700-2016, éd. ASBLA de Lyon, mars 2017, 1369p.

Disponible sur : < https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb45273860r>

261 EMBAUMEMENTS-COM, Histoire de l'embaumement et des embaumeurs, Biographie, « Henry Coutagne ». Consulté le 24 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.embaumements.com/bio/henry-coutagne.html>

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Le docteur Lacassagne a joué un rôle majeur dans le cas des noyades tout d'abord en aidant au développement des techniques permettant d'identifier des suspects et d'améliorer les enquêtes permettant d'identifier les circonstances et les conclusions de la mort d'une victime mais également en intervenant régulièrement au sein de la morgue-flottante à Lyon afin d'enseigner la médecine légale à ses élèves. Il se battra des années contre les pouvoirs publics afin que ces derniers trouvent une alternative au bateau-morgue. Il aurait déclaré lors d'un conseil municipal en 1880 : « On peut le dire sans crainte de blesser aucune susceptibilité, l'aménagement de la morgue actuelle est une tâche dans l'organisation administrative de notre cité. C'est un bateau-lavoir grossièrement adapté à cet usage262 ».

b) La fondation du premier laboratoire de police scientifique par Edmond Locard en 1910 à Lyon

Au début du XXème siècle, la ville de Lyon voit émerger une autre grande figure de la médecine légale : Edmond Locard. Pour l'historien Amos Frappa « Edmond Locard a été visionnaire en matière de criminalistique, de police scientifique263 ». Ce professeur de médecine légale né en 1877 s'installe à Lyon avec sa famille lorsqu'il est encore enfant. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat en médecine La Médecine légale au XVIIème siècle264, il rejoint le laboratoire du professeur Lacassagne avec lequel il travaille et collabore notamment à la revue des Archives de l'Anthropologie criminelle jusqu'en 1910, année durant laquelle il installe le laboratoire de police technique de Lyon dans les combles du Palais de Justice, 35 rue Saint Jean265. De ces années de travail au sein de ce laboratoire, Edmond Locard laisse derrière lui un nombre conséquent d'archives, dont 28 000 plaques iconographiques exploitables réalisées entre 1910 et les années 50.

262 EMBAUMEMENTS-COM, Histoire de l'embaumement et des embaumeurs, Culture « La morgue flottante de Lyon ». Consulté le 24 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.embaumements.com/culture/la-morgue-flottante-de-lyon.html>

263 Sandrine CABUT, Nathaniel HERZBERG, « Amos Frappa, historien « Edmond Locard a été visionnaire en matière de criminalistique, de police scientifique », Le Monde, publié le 11 mai 2024. Consulté le 23 juin 2024.

Disponible sur : < https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/05/11/amos-frappa-historien-edmond-locard-a-ete-visionnaire-en-matiere-de-criminalistique-de-police-scientifique_6232665_1650684.html>

264Edmond LOCARD, La Médecine judiciaire en France au XVIIè siècle, T.M. Lyon, 1902.

265 ARCHIVES MUNICIPALES DE LYON, « Edmond Locard en quelques dates ». Consulté le 24 juin 2024. Disponible sur : < https://www.archives-lyon.fr/expos/les-traces-diverses>

Ces plaques représentent aussi bien des photos personnelles que des photos d'enquêtes judiciaires, ou des cadavres de noyés retrouvés à Lyon entre 1910 et 1950 ce qui nous permet de visualiser les différents stades de décomposition de ces cadavres, mais également de comprendre la difficulté que pouvait représenter l'identification d'un cadavre ayant séjourné plusieurs jours dans l'eau durant le XIXème et le début du XXème siècle tel qu'on peut le constater sur la photo de ce cadavre masculin (collection Edmond Locard).

L'état de décomposition de la victime est tel qu'il est presque impossible de l'identifier. Comme dans beaucoup de cas semblables, les autorités s'aident alors des vêtements de la victime, sur lesquels les initiales du propriétaire peuvent être cousues comme on peut le voir dans la description d'un cadavre retrouvé le 16 novembre 1815 dans le Rhône à Irigny, vêtu « d'une chemise marquée FB, d'un gilet bleu, d'un pantalon gris tirant sur la noisette et d'un mouchoir rayé marqué FB266 ».

266 ADR, Lyon, Série 4M « Police », 1800-1939, Côte 4M488.

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Pour conclure ce premier chapitre, nous pouvons dire qu'à partir du XIXème siècle émerge en France et à Lyon une volonté de contrôler et de limiter les noyades, toujours première cause des morts accidentelles en France. L'intervention de l'État, des autorités publiques ainsi que des particuliers permet petit à petit à la population de prendre conscience du danger représenté par les cours d'eau français, et plus particulièrement du Rhône et de la Saône à Lyon et de l'intérêt représenté par l'apprentissage de la natation. Les cadavres de noyés connaissent également des évolutions dans les techniques d'identification à travers l'émergence de la médecine légale à Lyon, influencée par la présence de grands médecins comme Alexandre Lacassagne ou Edmond Locard et leurs recherches consacrées aux cadavres. Cette prise de conscience et cet intérêt pour la prévention et l'intervention auprès des noyés sont également relayés par un autre acteur très influent durant cette même période : la presse.

CHAPITRE 2

LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION ET D'ÉDUCATION AUX XIXÈME ET
XXÈME SIÈCLES DANS LE RHÔNE

Dans un second chapitre, nous allons désormais nous attarder sur la presse écrite et l'influence que ce média exerce sur la population en matière de prévention et d'éducation aux XIXème siècle et au début du XXème siècle en France et plus particulièrement dans le département du Rhône et à Lyon. Nous nous intéresserons dans un premier temps à la retranscription des faits divers dans la presse et à l'engouement du lectorat pour ceux-ci et dans un second temps nous étudierons le cas particulier des noyades et l'aide précieuse qui est apportée par la presse quant à la prévention de celles-ci et aux enquêtes qui peuvent en découler.

I- Les faits divers dans la presse : l'engouement du lectorat

a) Une priorité éditoriale

Le XIXème siècle est marqué par le développement intense de la presse écrite et l'émergence de nombreux quotidiens favorisés notamment par la modernisation des techniques et l'apport de la publicité. La presse, considérée comme « un lieu et un réseau de pouvoir267 » possède une double intention, se voulant à la fois pédagogique et régulatrice, dont la mise en lumière des faits divers permet à la population de voir le monde en sa totalité, ainsi que de définir la normalité des conduites. Très rapidement, les faits divers deviennent dans la presse une priorité éditioriale en raison tout d'abord de l'intérêt qu'ils suscitent chez le lecteur, mais également au fait que la mise en lumière des désordres de la vie humaine permet de proposer un modèle de comportement à la population, inculquant les valeurs du bien et du mal, la morale et l'immoralité à travers des récits pouvant parfois s'avérer être sordides. Le XIXème siècle est également marqué par une alphabétisation croissante de la population, ce qui augmente considérablement le nombre de lecteurs et le nombre d'impressions, rendus possibles par une amélioration des transports et des machines-outils268.

267Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Petits récits des désordres ordinaires. Les faits divers dans la presse française des débuts de la IIIème République à la Grande Guerre, Éditions Seli Arslan, Paris, 2004, p.14.

268 Loic JOFFREDO, « La révolution de la presse populaire », BNF, Les essentiels. Consulté le 23 juin 2024. Disponible sur : < https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/medias/>

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b) L'image héroïque accordée aux sauveteurs

Au-delà des faits divers qui sont retranscrits et passionnent la population, c'est également le sens de la solidarité qui est régulièrement mis en scène dans la presse et qui interpelle le lectorat. Ces récits qui mettent en scène les gestes de solidarité et de secours permettent au lecteur de réaliser qu'il n'est pas seul face à son destin269, mais également le convainc de faire partir de ces sauveurs dont les éloges s'accumulent dans la presse. Cette exemplarité s'enracine dans l'imaginaire collectif à partir de la Monarchie de Juillet avant de trouver son apogée lors du dernier tiers du XIXème siècle270. Ce traitement médiatique de la figure du héros permet alors une prise de conscience et devient un moyen d'éducation qui pousse la population à agir et à porter assistance aux personnes en danger et notamment aux victimes de noyade. Cette image du sauveteur est régulièrement présente dans la presse et se trouve renforcée par l'arrivée d'illustrations qui démultiplient la portée théâtrale des gestes de secours. À partir de la Belle Époque, la peur de mourir noyé est tellement présente dans les mentalités que la presse s'en fait écho. Par exemple, le Petit Parisien dans son Supplément littéraire illustré offre tous les dimanches aux lecteurs des illustrations en couleur dans lequel elle dépeint les catastrophes liées aux noyades en France271. Lorsque le coupable est connu et cité dans la presse, cela provoque de vives réactions chez les lecteurs et dans l'opinion publique, suscitant alors la répulsion, la malveillance et de nombreuses critiques à son égard, ce qui a également pour conséquence de dissuader les personnes malveillantes d'agir par peur des représailles publiques. Ces fortes réactions envers les meurtriers permettent également de diffuser cette valeur moralisatrice portée par la presse au XIXème siècle.

En conclusion, on peut dire que le XIXème siècle est marqué par une forte croissance de la presse écrite grâce à une alphabétisation toujours croissante de la population et un engouement de cette dernière quant à la lecture des dernières nouvelles, parmi lesquelles on retrouve en premier lieu les faits divers. La presse obtient peu à peu une mission moralisatrice, elle dépeint les coupables de crimes lorsqu'elle met en lumière les sauveurs et les généreux, ce qui n'est pas sans

269Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Petits récits des désordres ordinaires. Les faits divers dans la presse française des débuts de la IIIème République à la Grande Guerre, Éditions Seli Arslan, Paris, 2004, p.71.

270Frédéric CAILLE, La figure du sauveteur. Naissance du citoyen-secoureur en France, 1780-1914. Presses universitaires de Rennes, 2006, p.23.

271 Frédéric CHAUVAUD (dir.), Corps submergés, corps engloutis : une histoire des noyés et de la noyade dans l'Antiquité à nos jours, Créaphis, 2007, p.70-71.

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influence sur la population française qui par la presse, découvre un autre mode d'éducation et de prévention.

II-Le cas particulier des noyades

Dans une seconde partie, nous allons nous attarder sur la retranscription des noyades dans la presse locale du département du Rhône et voir quel est l'apport de la presse concernant la prévention des noyades et l'aide aux enquêtes.

a) Un moyen d'éducation quant à la dangerosité des noyades

Comme nous avons pu le voir précédemment, la presse connaît au XIXème siècle un essor fulgurant marqué par une hausse du lectorat et un engouement pour la lecture des faits divers. La retranscription des noyades dans la presse de l'époque est quelque chose de très courant aux XIXème et XXème siècles et nous avons eu l'occasion de rencontrer des cas de noyade au sein de différents journaux régionaux, à savoir le Journal du commerce de la ville de Lyon et du département du Rhône et la Gazette de Lyon et Lyon Républicain. Le Journal du commerce et de la ville de Lyon est une feuille régionale diffusée à Lyon et dans ses alentours de 1823 à 1844. La Gazette de Lyon est quant à elle un quotidien régional fondé en 1845 et qui a paru jusqu'en 1852. Enfin, le dernier journal dans lequel nous avons pu trouver des articles sur des noyades ayant eu lieu dans le Rhône est Lyon Républicain un quotidien basé à Lyon fondé en 1878 et dont le dernier numéro a été publié le 30 juin 1944. Avec l'étude de ces trois journaux régionaux, nous avons pu constater que les noyades étaient couramment évoquées dans la presse de l'époque. La description de ces événements tragiques est réalisée de la même manière qu'au sein des PV que nous avons pu dépouiller. En effet, ces journaux décrivent à chaque fois le lieu et la date de la disparition ou de la découverte d'un cadavre de noyé, et donne les informations relatives à l'identité du noyé lorsque celles-ci sont connues. Nous pouvons citer par exemple un article de la Gazette de Lyon datant du 7 juillet 1850 dans lequel est évoqué la disparition d'une victime dans la Saône à Lyon le 3 juillet de la même année. Cet article évoque « un jeune homme de 18 ans s'est noyé dans la Saône mercredi près de la Quarantaine. On raconte à ce sujet qu'un courageux enfant de 10 à 12 ans, témoin de la catastrophe a fait les plus grands efforts pour le sauver. Il a failli périr lui-même, et ce n'est que par

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miracle qu'il s'est échappé sain et sauf des étreintes du noyé272 ». Si de prime abord cet article a une visée informative pour le lecteur, il possède permet également d'avertir la population quant à la dangerosité des noyades tout en mettant en lumière les personnes qui fournissent des efforts afin de tenter de sauver une victime de la noyade.

b) Un apport dans l'avancée des recherches et des enquêtes policières

La diffusion de masse de ces articles sur les noyades de la presse régionale possède également un autre intérêt non négligeable pour cette période : une aide à la reconnaissance des victimes et aux enquêtes. Au XIXème siècle et au début du XXème siècle, la presse écrite constitue l'unique média et donc l'unique mode de diffusion d'informations au plus grand nombre. Il paraît régulièrement au sein des articles publiés par ces journaux régionaux des signalements de disparition de noyé ou de découverte de cadavre dont l'identification n'a pu être réalisée par les autorités en présence. Concernant les cas de disparition évoqués par les journaux, leur diffusion auprès du grand public permet d'apporter une aide de la part de la population qui peut participer aux recherches pour retrouver la victime, mais qui peut également apporter des informations importantes aux forces de l'ordre, comme des témoignages afin de faciliter l'enquête. On observe par exemple le signalement de la disparition d'un nommé Jean Fonne, fusilier dans un article du Journal du commerce de la ville de Lyon et du département du Rhône datant du 29 juin 1836. Ce signalement permet alors de diffuser le lieu et la date de la disparition de la victime tout en donnant des informations susceptibles d'aider l'identification de son corps. Pour le cas de Jean Fonne, il est mentionné que cet homme « s'est noyé dans la Saône derrière le quartier de Perrache » et que « son cadavre n'a point encore été retrouvé273 ». Concernant les découvertes des cadavres de noyé qui sont retranscrites au sein des articles de presse, leur diffusion permet également une aide à l'enquête et plus particulièrement dans le cas des cadavres qui n'ont pas pu être identifié. La description du cadavre et de ses vêtements permet alors aux personnes reconnaissant l'identité de la victime de venir témoigner et d'identifier le corps. On retrouve par exemple dans un article du journal Lyon Républicain datant du 28 juillet 1935 et intitulé « Noyé retiré du Rhône » la description de la victime et du cadavre concerné par cette noyade.

272 GAZETTE DE LYON, numéro du 7 juillet 1850, Retronews. Consulté le 2 mai 2024.

273 JOURNAL DU COMMERCE ET DE LA VILLE DE LYON, numéro du 29 juin 1836, disponible sur Retronews. Consulté le 26 avril 2024.

Ainsi l'article informe les lecteurs qu' « un noyé a été retiré du Rhône hier après-midi à la hauteur de la place Antonin-Poncet » et que ce dernier n'était vêtu que d'un caleçon de bain. L'article se poursuit en proposant une description physique détaillée de l'individu : « âgé de 45 ans environ, taille d'1m64, corpulence moyenne, visage rond, nez pointu, chauve, moustaches rousses grisonnantes, bonne dentition274 ».

Nous pouvons dire en conclusion de ce chapitre que la presse locale et régionale aux XIXème et XXème siècles dans le Rhône révèle l'importance et l'influence de média dans la prévention et l'éducation de la population. La retranscription des faits divers, et en particulier des noyades suscite chez le lectorat un vif intérêt tout en jouant un rôle crucial dans l'inculcation de valeurs morales. En mettant en lumière les actes de courage et de bravoure lors des sauvetages des victimes, la presse contribue à la formation d'une solidarité collective qui valorise l'entraide. De plus, la presse joue un rôle de soutien lors des enquêtes policières qui visent à retrouver le cadavre d'une victime ou à identifier le cadavre d'un noyé.

En conclusion de cette troisième et dernière partie, on peut dire que les XIXème et XXème siècles en France marquent l'émergence d'une perception différente à l'égard des noyades et de leur prise en charge. Au début du XIXème siècle, les autorités publiques font émerger une politique de lutte par la prévention et l'intervention avec la création de diverses lois mais également de structures et d'aménagements qui ont pour but également de contrôler les baignades qui constituent les premières causes de noyade durant cette période. Parallèlement, le développement de la médecine légale à Lyon ainsi que la croissance des lecteurs de la presse régionale permettent également des évolutions quant à la prévention des noyades, l'incitation à porter secours aux victimes mais également dans la prise en charge des cadavres et l'avancée des enquêtes. Tous ces changements reflètent un engagement plus profond de la part de l'État et de la société dans la protection de la vie humaine.

274 LYON RÉPUBLICAIN, « Noyé retiré du Rhône, Numéro du 20 août 1932, disponible sur Retronews.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

En proposant une analyse de l'ensemble des morts recensées dans le département du Rhône durant le XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle, nous avons constaté que les noyades concernaient une part importante de la population rhodanienne. Plusieurs points essentiels émergent des perceptions des politiques et des réalités entourant ce phénomène tragique. Premièrement, en étudiant les registres des entrées des corps à la morgue et les procès-verbaux, bien que la documentation présente des lacunes et des défis d'interprétation, elle révèle cependant des tendances significatives. On peut établir le fait que les victimes des noyades sont majoritairement des jeunes hommes français issus des classes ouvrière et militaire, et que les incidents surviennent principalement à Lyon, dans le Rhône et la Saône, souvent pendant la période estivale où les activités aquatiques et notamment les baignades sont les plus courantes. En comparant nos résultats à ceux de Françoise Bayard qui proposait une analyse des baignades et des noyades aux XVIIème et XVIIIème siècles, on observe une continuité dans les profils des victimes de noyades au fil des siècles, malgré des évolutions sociétales et des avancées technologiques. En mettant en lumière les relations complexes entretenues entre les Lyonnais et leurs fleuves, on observe qu'en dépit de la présence d'un danger mortel, les Lyonnais s'efforcent à apprendre à vivre avec le Rhône et la Saône en s'adaptant aux problèmes naturels qui les caractérisent. Enfin, cette période est également marquée par une prise de conscience de la part des autorités publiques ainsi que par l'émergence de lois et d'infrastructures visant à contrôler les baignades et à améliorer les secours aux noyés. Pour finir, le développement progressif de la médecine légale et de la presse joue un rôle crucial dans l'assistance aux noyés et la prévention des risques. La presse en particulier permet de sensibiliser le public en encourageant le secours aux victimes et en apportant une aide dans la pratique de l'identification des victimes et de la prise en charge des décès par noyade.

La réalisation de cette étude démontre l'importance de la contextualisation des faits historiques afin de mieux anticiper et comprendre les changements sociaux et les stratégies d'intervention face aux noyades, offrant des perspectives pour la prévention future des accidents aquatiques.

129

ÉTAT DES SOURCES

· Archives départementales du Rhône, Lyon

Archives contemporaines

Série M - Administration générale et économie

Série 4 M - Police

- 4M455-522 Police administrative

- 4M488-4M495 Accidents, morts subites, noyades, découvertes de cadavres

? Procès-verbaux d'accident, etc. An XI-1939.

· Archives municipales de Lyon, Lyon

Archives contemporaines

2764W - Archives de l'Institut médico-légale

-2764W1-2764W3 Morgues, autopsies : registres des entrées des corps (1939-1941)

· Archives de presse en ligne, Retronews

Archives contemporaines

-Archives de journaux Lyonnais en ligne :

-Lyon Républicain (1878-1944)

- la Gazette de Lyon (1845-1852)

-le Journal du commerce de la ville de Lyon (1825-1935)

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ANNEXES

138

Annexe 1 : Plan de la ville de Lyon en 1850

139

Annexe 2 : Plan de la ville de Lyon en 1940

140

Annexe 3 : Ponts et quais de Saône

Source : Jean Pelletier, « Ponts et Quais de Lyon », 2002

141

Annexe 4 : Ponts et quais sur le Rhône

Source : Jean Pelletier, « Ponts et Quais de Lyon », 2002

142

Annexe 5 : Carte des villes de disparition des noyés

143

Annexe 6 : Carte des villes de découverte des cadavres de noyés entre 1800 et 1950

144

Annexe 7 : Carte des ponts à Lyon où des personnes se sont jetées dans le Rhône ou la
Saône entre 1800 et 1939

145

Annexe 8 : Tableau des ponts cités lors des noyades ayant eu lieu dans le département du
Rhône au XIXème et dans la première moitié du XXème siècle

Pont

Ville(s)

Cours d'eau

Construction

Démolition ou
nom actuel

Passerelle Saint- Georges

Lyon

Saône

1853

Passerelle Paul
Couturier

Pont d'Ainay

Lyon

Saône

1745

1944

Pont de l'Archevêché ou Pont Napoléon ou Pont Bonaparte ou Pont Tilsitt

Lyon

Saône

1634

Pont Bonaparte

Pont Chazourne

Lyon

Saône

1828

Pont Kitchener-
Marchand

Pont des Culattes

Lyon

Rhône

 
 

Pont de la Boucle

Lyon

Rhône

1862

Pont W. Churchill

Pont de la Gare

Lyon

Saône

1831

Pont Masaryk

Pont de la Mulatière

Lyon / La Mulatière

Saône

1830

Pont de la
Mulatière

Pont de l'Hôtel- Dieu

Lyon

Rhône

1839

Pont Wilson

Pont du Change ou Pont de pierre ou Pont du Temple ou Pont Nemours ou Pont de la Mort

Lyon

Saône

1070

1974

 

146

Pont du Rhône ou de la Guillotière

Lyon / La Guillotière

Rhône

XIIème siècle

Pont de la
Guillotière

Pont Seguin

Lyon

Rhône

1847

Pont Gallieni

Pont Lafayette

Lyon

Rhône

1826

Pont Lafayette

Pont la Feuillée

Lyon

Saône

1831

Pont la Feuillée

Pont Morand

Lyon

Rhône

1774

Pont Morand

Pont Mouton

Lyon

Saône

1847

Pont Clémenceau

Pont de Riottier

Villefranche/ Jassans-Riottier

Saône

1834

Pont de Frans

Pont Pasteur

Lyon

Rhône

1914

Pont des
Abattoirs

Pont Saint-Clair puis Pont Vaïsse

Lyon

Rhône

1846

1951-1958

Pont Saint- Vincent

Lyon

Saône

1637

Passerelle Saint-
Vincent

Pont Serin ou Pont d'Halincourt

Lyon

Saône

1749

Pont du Général
Koenig

Pont Volant puis Passerelle du Palais-de-Justice

Lyon

Saône

1638

Passerelle du
Palais-de-Justice

 

147

Annexe 9 : Tableau des communes où des noyades ont été rencensées entre 1800 et 1950

Commune

Cours d'eau

Ambérieux

Saône

Anse

Saône

Arnas

Saône

Avignon

Rhône

Belleville

Saône

Belligny

Saône

Bessenay

La Brévenne

Brignais

Garon

Caluire-et-Cuire

Rhône / Saône

Chaponost

Étang

Chartres

Rhône

Chassagny

Étang

Châtillon d'Azergues

Azergues

Collonges-au-Mont-d'Or

Saône

Coise

Coise

Condrieu

Rhône

Corcelles

Mare

Cornas

Rhône

Cours

Rhône

Dracé

Saône

Ferney

Rhône

Francheville

Rivière d'Alay

Genève

Rhône

Givors

Canal / Rhône

Grigny

Rhône

Irigny

Rhône

La Croix-Rousse

Rhône / Saône

La Guillotière

Rhône

 

148

Commune

Cours d'eau

La Mulatière

Rhône / Saône

Le Bois-d'Oingt

Bassin

Létra

Réservoir

Loire

Rhône

Lyon

Rhône / Saône / Lône

Mâcon

Saône

Meyzieux

Rhône

Millery

Rhône

Neuville

Saône

Ouilly

Saône

Oullins

Rhône

Perrache

Bassin

Peyrac

Étang

Pierre-Bénite

Rhône

Quincieux

Saône

Rivolet

Ruisseau

Saint-Clément

Réservoir

Saint-Cyr-au-Mont-d'Or

Saône

Saint-Cyr-sur-le-Rhône

Rhône

Sainte-Colombe

Rhône

Saint-Fons

Rhône

Sainte-Foy-les-Lyon

Saône

Saint-Genis-Laval

Rhône

Saint-Germain-au-Mont-d'Or

Saône

Saint-Laurent-les-Mâcon

Saône

Saint-Laurent-d'Oingt

Azergues

Saint-Martin-de-Cornas

Canal

Saint-Rambert

Saône

Serrières

Rhône

Taponas

Saône

 

149

Commune

Cours d'eau

Tarare

Turdine

Thurins

Étang

Trévoux

Saône

Tupins-et-Semons

Rhône

Valence

Rhône

Vaise

Saône

Vaulx-en-Velin

Rhône

Vénissieux

Rhône

Vernaison

Rhône

Vienne

Rhône

Villefranche

Saône

Villeurbanne

Rhône

 

150

Annexe 10 : Les circonstances des morts recensées au sein des procès-verbaux dans le
Rhône de 1800 à 1939

A

· Abandon

· Accident d'avion

· Accident de chasse

· Accident de train

· Accident de voiture

· Accouchement

· Adynamie

· Affection

· Anévrisme

· Apoplexie

· Arme à feu

· Arme blanche

· Asphyxie

· Avortement

B

· Broiement

· Brûlures

C

· Catharre

· Chute

· Coliques

· Congestion cérébrale

· Coup de sabot

D

E

· Éclampsie

· Écrasement

· Effondrement

· Empoisonnement

· Ensevelissement

· Épanchement

· Épilepsie

· Épuisement

· Explosion

F

· Fièvre

· Fossé

· Foudroiement

· Fracassement

G

151

H

· Hémorragie

· Hydrophobie

· Hydropisie

· Hydrothorax

I

· Incendie

· Indigestion

· Inflammation de l'estomac

· Intempérance (excès des plaisirs)

· Ivresse

J

K

L

M

· Maladie

· Médicament

· Mort de froid

· Mort médicale

· Mort subite

· Mort violente

N

P

· Paralysie

· Pendaison

· Peritonite

· Puit

Q

R

· Rage

· Rixe

S

· Saut

· Strangulation

· Suffocation

T

U

V

W

X

Y

Z

152

Annexe 11 : Exemple d'une archive de presse
Source : Retronews

153

Annexe 12 : Exemple d'un cas de noyé retranscrit dans le registre des entrées des corps à la

morgue de Lyon

Source : Archives municipales de Lyon

154

REMERCIEMENTS 4

ABRÉVIATIONS 5

SOMMAIRE 6

INTRODUCTION 8

PRÉSENTATION DU SUJET 9

CADRE SPATIO-TEMPOREL 11

HISTORIOGRAPHIE 13

SOURCES 19

MÉTHODES DE TRAVAIL 20

PROBLÉMATIQUE 22

PRÉSENTATION DU PLAN 22

Partie 1 24

LE RAPPORT À L'EAU ET LES RISQUES LIÉS AU FLEUVE À LYON AUX

XIXème ET XXème SIÈCLES 24

Chapitre 1 27

LE RAPPORT AU FLEUVE 27

I- Les constructions autour du fleuve à Lyon 27

a) Les ponts, bacs, et barques 28

b) Les quais et les rives 29

c) Les ports 30

d) Les moulins 32

II- Des métiers à risques près des cours d'eau à Lyon 33

a) Les pêcheurs 33

b) Les bateliers 34

c) Les tireurs de sable 35

d) Les haleurs 36

III- Les activités aquatiques dans le Rhône et la Saône à Lyon au XIXème et XXème

siècles 37

a) Les baignades 37

b) Les promenades en barque 38

c)

155

La joute nautique 39

d) L'aviron 40

Chapitre 2 41

LE RAPPORT À L'EAU 41

I- Une peur de l'eau ancestrale 41

a) Une faible connaissance des fonds aquatiques 41

b) Une difficile maîtrise de l'eau 42

c) L'intensité des courants 43

d) Les crues 44

II- Le spectacle de la mort à Lyon aux XIXème et XXème siècle 45

a) Une faible pratique de la nage 45

b) Une absence de secours pour les noyés 45

c) L'omniprésence de la mort 47

d) La morgue flottante 47

Partie 2 49

LES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE AUX XIXÈME SIÈCLE ET

DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE 49

Chapitre 1 51

LA PROPORTION DES NOYADES DANS L'ENSEMBLE DES MORTS RECENSÉES DANS LE RHÔNE AU XIXÈME SIÈCLE ET AU DÉBUT DU XXÈME

SIÈCLE 51

I- Les morts accidentelles recensées dans le département du Rhône entre 1800 et 1939 51

a) Les accidents de la circulation 52

b) Les accidents sur les lieux de travail 54

c) Les chutes 55

d) Les asphyxies et les incendies 56

e) La représentation des noyades dans les morts accidentelles 57

II- Les homicides dans le département du Rhône de 1800 à la veille de la Seconde

Guerre mondiale 58

a) Les infanticides 59

b)

156

Les homicides par arme blanche 60

c) Les homicides par arme à feu 61

d) Une faible utilisation de la noyade comme arme meurtrière 62

III- La représentation des suicides dans le département du Rhône entre 1800 et 1939 64

a) La pendaison : un outil du suicide très répandu chez les hommes 65

b) Les suicides par arme à feu 66

c) Les suicides par saut 67

d) L'empoisonnement : une utilisation récurrente par les femmes? 68

e) La représentation de la noyade au sein des suicides 69

IV- La représentation des morts dites « naturelles » dans le département du Rhône au

XIXème siècle et au début du XXème siècle 70

a) Les morts subites 70

b) Les maladies 71

c) Des accouchements fatals 72

Chapitre 2 74

LA PRISE EN CHARGE DES NOYÉS DANS LE DÉPARTEMENT DU RHÔNE AU

XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE 74

I- Le profil des noyés 74

a) Le sexe des noyés 75

b) L'âge des victimes 76

c) La nationalité des victimes 77

d) Les professions des noyés 78

II- Les cadavres des noyés 80

a) Les lieux de disparition des noyés 81

b) Les mois de disparition des victimes 82

c) Les mois de découverte des cadavres 82

d) Les lieux de découverte des noyés 83

III- La fabrique des procès-verbaux et des registres d'entrée des corps à la morgue à

Lyon au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème siècle 85

a) La mise en vigueur des procès-verbaux et des registres de la morgue aux XIXème et

XXème siècles 85

b) Les intervenants en présence 86

157

c) Le contenu 87

Chapitre 3 89

LES DIFFÉRENTS TYPES DE NOYADES RECENSÉES DANS LE RHÔNE AU

XIXÈME SIÈCLE ET DANS LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XXÈME SIÈCLE 89

I- Les noyades accidentelles dans le département du Rhône entre 1800 et 1950 90

a) Les chutes mortelles 91

b) Les accidents liés à la navigation 92

c) Les noyades liées aux activités quotidiennes 94

d) Les noyades accidentelles liées à l'ivresse : une surreprésentation de victimes de sexe

masculin 95

II- Les noyades liées aux baignades 96

a) Le profil des baigneurs 96

b) Les périodes de prédilection des baigneurs 98

c) Les lieux de prédilection des baigneurs 99

III- La noyade comme outil de suicide 100

a) Le profil des suicidés 100

b) Les motifs 101

c) Les lieux et les dates de prédilection des suicidés 103

IV- La noyade comme moyen de commettre un homicide 105

a) Le profil des victimes et des meurtriers 105

b) Les infanticides 106

c) Une sous-représentation des noyades dans les procès-verbaux et les registres? 107

Partie 3 109

LES AMÉNAGEMENTS ET LES OUTILS DE LUTTE CONTRE LES NOYADES

MIS EN PLACE À PARTIR DU XIXème SIÈCLE EN FRANCE ET À LYON 109

Chapitre 1 111

UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LES NOYADES QUI S'INTENSIFIE AU

XIXÈME SIÈCLE PUIS AU DÉBUT DU XXÈME SIÈCLE EN FRANCE 111

I- Une politique de prévention et d'intervention qui émerge au XIXème siècle en

France et à Lyon 111

a) Des lois promulguées pour contrôler les baignades 112

b)

158

La création de lieux de baignade surveillés et encadrés 113

c) La création des écoles de natation 114

II- Un intérêt croissant de l'État et de la population pour le sauvetage et l'assistance

aux noyés tout au long du XIXème siècle 115

a) La création des surveillants-sauveteurs par l'État 115

b) L'émergence de sauveteurs anonymes 116

c) Les tentatives de sauvetage au sein des archives des procès-verbaux de 1800 à 1939 dans

le département du Rhône 117

III- L'émergence de la médecine légale à Lyon au XIXème siècle 118

a) Lyon : berceau de la médecine légale 119

b) La fondation du premier laboratoire de police scientifique par Edmond Locard en 1910 à

Lyon 120

Chapitre 2 123

LA PRESSE LOCALE, UN OUTIL DE PRÉVENTION ET D'ÉDUCATION AUX

XIXÈME ET XXÈME SIÈCLES DANS LE RHÔNE 123

I- Les faits divers dans la presse : l'engouement du lectorat 123

a) Une priorité éditoriale 123

b) L'image héroïque accordée aux sauveteurs 124

II-Le cas particulier des noyades 125

a) Un moyen d'éducation quant à la dangerosité des noyades 125

b) Un apport dans l'avancée des recherches et des enquêtes policières 126

CONCLUSION GÉNÉRALE 128

ÉTAT DES SOURCES 129

BIBLIOGRAPHIE 130

ANNEXES 138






Extinction Rebellion







Changeons ce systeme injuste, Soyez votre propre syndic



"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite