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Crises, réformes économiques et pauvreté en Haiti. Des perspectives ouvertes par les cadres strategiques de réduction de la pauvreté

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par King Pascal Pecos Lundy
Institut Universitaire d'étude du développement / Université de Geneve - DEA en Etudes du Développement 2003
  

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INTRODUCTION

La récession mondiale de la fin des années soixante-dix s'est considérablement répercutée sur les pays

en développement1 au chevet desquels les institutions de Bretton Woods - FMI et Banque mondiale - ont été appelées à la rescousse. Leurs interventions remettront en cause les modèles de développement jusque là adoptés par ces pays, initieront de nouvelles conditionnalités pour accéder au financement internationale et bénéficier de la coopération au développement. De concert avec d'autres bailleurs bilatéraux, ces institutions imposeront aux pays en retard de développement des reformes économiques concoctées dans le cadre du Consensus de Washington mieux connues sous le nom des Plans d'Ajustement Structurels (PAS). Fondamentalement, ce programme vise à instaurer une relation étroite et stable entre l'économie domestique d'un pays et l'économie internationale. Il est fondé sur une restructuration de la demande, une libéralisation interne et une ouverture maximale au marché mondial. Dans la perspective de ces institutions de Bretton Woods, il est question d'établir un contexte propre à favoriser le dynamisme et l'expansion de l'économie mondiale. Ainsi ces programmes ont pour finalité de transformer les structures économiques de ces pays de manière à ce qu'ils puissent s'intégrer dans l'économie mondiale et bénéficier des vertus de la globalisation en marche.

A l'instar des autres pays en développement, Haïti n'a pas échappé à ces programmes qui ont facilité

les interventions des institutions financières internationales et agences de coopération bilatérale particulièrement l'USAID dans la définition et l'élaboration des politiques économiques sur ces vingt dernières années. Après avoir connu une croissance relativement élevée durant la décennie soixante- dix, le pays a subi dès le début des années 80 les effets de la crise mondiale qui s'est transformée au niveau national en crise économico-financière. Cette crise s'est manifestée par le déséquilibre de la balance des paiements, la chute de la croissance globale et la baisse des recettes d'exportation. Le

1 La crise qui les affecte est expliquée en partie par la dégradation de l'environnement international à partir de 1979. L'augmentation des prix

du pétrole et des importations, accompagnée d'une chute des prix des matières premières et d'une hausse spectaculaire des taux d'intérêts, a créé des déséquilibres insoutenables des balances des paiements induisant une envolée de la dette, cette fois directement pour financer les déficits de bon nombre de ces pays. Cf. Gilles DURUFLE, L'Ajustement structurel en Afrique, Karthala, Paris, 1988, p. 13

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Crises, réformes économiques et pauvreté en Haïti

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tableau dressé en 1981 est assez révélateur2 : estimé à 7,5% du PIB de 1976 à 1980, le déficit budgétaire est passé à 13% du PIB, le taux de déficit de la balance commerciale a triplé passant de

7,7% du PIB en 1977-80 à 20,1%. Les différents secteurs de l'économie - l'agriculture, l'industrie manufacturière, l'industrie extractive, l'industrie touristique et les services - se sont tous retrouvés en difficultés.

Le pays s'est engagé de très tôt dans des programmes de réformes économiques en signant à la faveur

de cette crise un premier accord de stand by avec le FMI. Par la suite, d'autres accords seront signés et détermineront le cadre de référence pour faire face à la détérioration de la situation socio-économique. Dans un intervalle de moins d'une dizaine d'années, les autorités gouvernementales ont mis en oeuvre deux programmes de réformes économiques conclus dans le cadre de la Facilité d'ajustement structurel (FAS) et de la Facilité d'ajustement structurel renforcé (FASR) respectivement en 1987 et

1996. Aussi bien par leurs orientations de fonds que par les mesures adoptées, ces programmes appliqués en Haïti ne diffèrent pas de la thérapeutique administrée à l'ensemble des pays en développement qui vise la croissance économique et l'ouverture de leur économie aux échanges internationaux. De manière générale, les programmes FAS/FASR ont tenté de répondre à ces deux objectifs fondamentaux : (i) Stimuler la croissance et l'élévation du niveau de vie et (ii) de faire progresser la viabilité externe, c'est à dire de créer une situation dans laquelle le déficit courant pourrait être financé par des flux de capitaux normaux et viables.3 Les principales mesures administrées ont concerné l'ajustement du taux de change et la réduction des dépenses publiques, la libéralisation du commerce extérieur, la libération des prix et la réduction du rôle de l'Etat, la libéralisation du secteur financier, la privatisation/modernisation des entreprises publiques, et la réforme de la fonction publique.

Les résultats enregistrés n'ont pas été à la hauteur des espoirs suscités et des efforts déployés. Plus d'une vingtaine d'années après les premiers accords de stabilisation et d'ajustement économique les indicateurs sociaux et de développement humain révèlent une amélioration insignifiante voire une situation d'appauvrissement général et continuel, comme l'attestent les différentes places occupées par

le pays dans les différents rapports de développement humain du PNUD. Dans le rapport 2002, il est classé 146ème sur 173 avec un score de 0,471 et plus de quatre personnes sur dix sont affectés par la pauvreté humaine. La croissance économique n'a pas été relancée ; les exportations ont fortement décliné ; les importations ont explosé accentuant le déficit de la balance commerciale ; les investissements déjà très faibles ont eux aussi décliné. Sur la période 1986-1997, le taux moyen de croissance a décru au rythme moyen de 1,05% pendant que le ratio d'investissement moyen était d'environ 12%. De 3,0% de moyenne pour la décennie 1970-80 le PIB par habitant a drastiquement

2 CADET Charles L., Crise, paupérisation et Marginalisation dans l'Haïti contemporaine, Unicef, 1996, pp. 20-21.

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chuté. Sur les vingt dernières années, il a respectivement reculé en moyenne de 2,0% et de 3,2% durant la période 1979-1989 et 1989-1999. La pauvreté et l'insécurité alimentaire ont atteint un nombre croissant de gens consécutive à l'infléchissement des revenus et à la permanence du déficit vivrier. Aujourd'hui, il est constaté une économie nationale désarticulée, inefficiente, marginalisée et maintenue sous perfusion de la manne financière provenant de l'extérieur - aide publique au développement, transferts des migrés - qui varie suivant la conjoncture, locale et internationale. Comment expliquer cet échec ?

Nonobstant certains cas de pays qualifiés de réussite, les politiques d'ajustement structurels mis en oeuvre par l'ensemble des pays en développement à partir des années 1980 ont brillé par leur insuccès général. Maintes explications sont offertes aussi bien par les détracteurs et les partisans de ces réformes: certains privilégient les causes techniques en avançant l'inadaptation et l'inefficacité des mesures ; d'autres arguent des causes politiques et idéologiques qui n'ont pas permis d'établir un environnement favorable. Dans leur analyse le FMI et la Banque mondiale attribueront en partie l'insuccès des réformes économiques au manque de volonté politique, d'implication et d'engagement des acteurs nationaux, couplé à des problèmes institutionnels, de gouvernance. Ces manquements ont joué en leur défaveur notamment à leur appropriation. En 1999, ces institutions ont lancé les cadres stratégiques de réduction de la pauvreté (CSLP/ en anglais PRSP : Poverty Reduction Strategy Papers), auquel doivent souscrire tous les pays aspirant à bénéficier des financements concessionnels des institutions multilatérales. En introduisant cette nouvelle démarche, elles ont choisi de transformer

le mode d'élaboration et de mise en oeuvre de leurs politiques, reconnaissant , de facto, qu'une des raisons qui ont prévalu à l'échec des politiques d'ajustement structurel réside dans la manière dont celles-ci ont été imposées sans prises en compte des réalités locales. Ainsi la question de la pauvreté

est revenue au coeur des nouvelles réformes à mettre en oeuvre et sa réduction l'objectif premier affiché par ces institutions. Les éventuels pays bénéficiaires ont-ils la capacité de s'y souscrire en bonne et due forme et d'en tirer avantage ? Au niveau national comment peut se faire la traduction de cette nouvelle approche et quelles peuvent être les obstacles à cette traduction? Ces cadres stratégiques constituent-ils une alternative valable pour impulser dans les pays pauvres une dynamique de développement durable ?

En Haïti la pauvreté atteint toutes les catégories de la société quelle que soit leur position dans les rapports économiques. C'est dans un contexte de grande « désolation » et de « blocage de la société haïtienne » tel définit par A. Corten4 caractérisé, entre autres, par la persistance de l'instabilité socio- politique, la faiblesse de l'Etat, la destruction du tissu organisationnel de la population, sa

3 Cf. CNUCED, Les pays les moins avancés, Rapport 2000, Nations Unies, New York et Genève, 2000, p. 104.

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marginalisation et sa polarisation que se réalise (doit être réalisée) l'élaboration des stratégies de lutte contre la pauvreté à laquelle doit participer l'ensemble des acteurs de la société civile. Que peut-on attendre de ces stratégies anti-pauvreté dans un pays où « l'appauvrissement systématique de la population est le plus ancien » et « un état général des choses »5 et espérer en terme de développement endogène quand la démarche est le fait d'une rationalité imposée de l'extérieur et non d'une volonté nationale ?

Objectifs du travail

La piètre performance de l'économie haïtienne, sa marginalisation, le niveau élevé de prévalence de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire montrent très clairement que les solutions préconisées par les institutions internationales et mises en oeuvre dans le cadre des différents programmes de stabilisation économique et d'ajustement structurel sont passés à coté de leurs objectifs. La thérapeutique appliquée pour contrer la crise qui ayant frappé l'ensemble des pays en développement a été la même partout - mêmes traitements pour les mêmes symptômes observés. Bon nombre de ces crises répondaient à des causes particulières liées aux conditions d'évolution même de ces pays. Aussi attendaient-elles des réponses de nature plus spécifiques. Si l'existence de traits similaires dans les manifestations de la crise dans les différents pays en développement n'impliquait pas forcément la même origine, par contre les conséquences des réformes ne sont pas différentes des autres pays en terme de coûts sociaux, économiques, politiques et de dégradation des conditions de vie. Comme il s'est révélé dans

de nombreux pays en développement, ces politiques de libéralisation économique n'ont suscité aucunes dynamiques de développement, par contre, elles ont provoqué voire empiré la détérioration des situations alimentaires, nutritionnelles des populations, réduit leurs revenus, renforcé leur dépendance et celle du pays, et conduit à l'informalisation de l'économie haïtienne.

La situation de misère absolue qui s'est encore renforcée au cours du dernier demi-siècle et accélérée durant la dernière décennie, couplée aux turbulences et incertitudes politiques, déterminent le cadre dans lequel se déroule l'élaboration des cadres stratégiques pour la réduction de la pauvreté en Haïti. Deux considérations peuvent être retenues : d'une part, la défaillance des structures et institutions nationales et locales, due aux effets combinés des réformes économiques, de la situation de dépendance et de la récurrence des crises socio-politiques, peut se révéler un handicap majeur pouvant affecter négativement l'élaboration des stratégies de lutte contre la pauvreté, particulièrement en ce qui concerne la concertation et les procédures de participation de la population, d'autre part, en raison de son passé historique de prédateur et de son affaiblissement

4 Voir, CORTEN André, Misère, Politique et Religion en Haïti, Paris, Karthala, 2001. La désolation en Haïti relève en quelque sorte de l'inexistence d'un système politique. Ce n'est pas simplement que les élites ne respectent pas les règles du jeu, c'est le fait qu'il n'y a pas de

règles de l'acceptable pour ce qui concerne le destin collectif ( p. 194).

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continuel, les pouvoirs publics haïtiens inspirent peu de confiance à la population qui doute de leur volonté et de leur capacité à conduire de véritables politiques devant conduire à la réduction de la pauvreté. Ces éléments devront nous servir de points de repère pour aborder l'ensemble des interrogations soulevées dans la problématique.

Il s'agit dans le cadre de ce travail d'une part, de faire le point sur les réformes économiques initiées

en Haïti depuis le début des années quatre-vingt en accentuant particulièrement sur leurs effets sur les conditions de vie de la population et d'autre part, de fournir une appréciation sur les perspectives ouvertes par les récentes approches proposées par les institutions financières internationales - Fonds monétaire international et Banque mondiale - centrées sur la réduction de la pauvreté. Ceci permettra,

le cas échéant, d'identifier et de proposer certains axes d'interventions « prioritaires » à prendre en compte dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté au regard des goulets d'étranglement identifiés, des prescrits constitutionnels et des attentes de la population. En plus, au-delà des difficultés inhérentes au processus d'élaboration du cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CLSP) il est question de dégager certaines limites liées à la particularité du contexte haïtien. En fin de partie, on essayera de mettre à profit les récentes expériences des autres pays qui se sont déjà engagés dans l'élaboration de cadres stratégiques nationaux de réduction de la pauvreté.

Le travail est divisé en cinq chapitres. Le premier chapitre présente quelques traits qui caractérisent l'évolution sociale, économique et politique du pays. Il y est abordé le problème de la pauvreté en Haïti, ses causes, sa répartition et les politiques et stratégies nationales de lutte mises en place. Le deuxième chapitre traite des origines de la crise, de la mise en oeuvre des solutions, de leurs conséquences et des coûts payés par la population.

Après avoir présenté dans le troisième chapitre la nouvelle approche proposée dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, on questionne dans le chapitre quatre la capacité d'Haïti à s'y souscrire en tentant d'identifier certains éléments qui limitent l'appropriation du processus, sur ses chances et ses risques. Dans ce même chapitre, il est identifié quelques pistes d'intervention possibles. Dans le dernier chapitre, on a voulu prendre en compte quelques enseignements tirés de l'expérience des autres pays déjà engagés dans la nouvelle démarche.

5 Corten, ibid., p. 13.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote