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Crises, réformes économiques et pauvreté en Haiti. Des perspectives ouvertes par les cadres strategiques de réduction de la pauvreté

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par King Pascal Pecos Lundy
Institut Universitaire d'étude du développement / Université de Geneve - DEA en Etudes du Développement 2003
  

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4 DES COUTS DE LA LIBERALISATION DE L'AGRICULTURE

Les politiques de libéralisation du secteur agricole en Haïti se sont inscrites dans le cadre de la réorientation du secteur agricole vers les cultures d'exportation conformément aux fondements qui sous-tendent les politiques d'ajustements structurels.57

«Les objectifs assignés par l'aide internationale aux projets en matière de production agricole

sont très divers: cela va de l'accroissement maximum de la production, avec concentration sur

les zones les plus productives et relatif abandon des autres, à la fourniture de devises à l'économie caféière ou l'exportation de fruits bruts ou transformés [...]»58.

En favorisant les importations alimentaires, les reformes devaient conduire les paysans à abandonner

les cultures vivrières au profit des cultures de rentes. Pourtant l'agriculture, les paysans-producteurs et

le milieu rural, n'ont jamais bénéficié de la mise en oeuvre de la stratégie axée sur l'exportation des produits primaires traditionnels comme le montre le recul du café dans les exportations totales du pays. Ce déclin est imputable notamment à la faible rémunération des paysans engagés dans ces productions, à la détérioration des termes de l'échange de ces produits (chute continuelle des prix du

54 http://www.transnationale.org/sources/tiersmonde/ajustement__unhchr.htm#II

55 Banque mondiale, op. cit., p. 51.

56 Les évaluateurs ont fait les constats suivants de l'expérience d'ajustement des pays ACP :

- les programmes de stabilisation et les corrections des prix relatifs étaient nécessaires, mais ils se sont souvent réalisés sans conduire à une croissance durable faute de conditions requises (incitations à des progrès de productivité, amélioration du capital humain,

anticipation optimiste des opérateurs, environnement sécurisé permettant le risque de l'investissement) ;

- la libéralisation financière dans un contexte de poids élevé des créances douteuses, de vulnérabilité des banques et de faibles projets bancables, conduit à réorienter les crédits vers le court terme, vers les activités commerciales à taux rapide de retour de capital et les

plus rentables,

- les faibles incitations et motivations des agents publics et les contraintes financières ont empêché l'Etat de remplir ses fonctions minimales ;

- la libéralisation économique extérieure précédent la libéralisation intérieure a conduit souvent à un démantèlement des unités industrielles et à une « reprimarisation » des économies africaines du fait du maintien des rentes internes

- les réformes perçues comme empruntées ou imposées ont été peu internalisée. L'ajustement dans les ACP a été informel, contrarié par

l'environnement les chocs, myope et emprunté. Cf. GUILLAUMONT Patrick et Sylviane, Op. cit.,1994,

57 DEWIND Josh, David KENLEY, Aide à la migration. L'impact de l'assistance internationale à Haïti. Cidihca, Montréal, 1988, p. 155. Voir

le chapitre IV traitant de la stratégie agricole « Agriculture : culture d'exportations et sécurité alimentaire » pp. 88-117

58 ROCA Pierre-Jean. & KERMEL-TORRES Doryane, « Entre la nécessité quotidienne et la menace socio-politique: la question alimentaire haïtienne » in La sécurité alimentaire à l'heure du néolibéralisme. Cahier des sciences humaines, Vol. 17, No 1-2, ORSTOM Editions, 1991

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Crises, réformes économiques et pauvreté en Haïti

37

café sur le marché international ), aux contraintes financières et techniques des exploitation agricoles,

à la faiblesse institutionnelle.

Déjà en difficulté pour répondre à l'augmentation de la demande interne en raison notamment de sa marginalisation, l'agriculture a été poussée au-delà de ses limites suite à l'abaissement des barrières tarifaires et douanières, situation à laquelle elle n'etait pas préparée. Ces politiques de libéralisation ont accéléré la décapitalisation des exploitations agricoles, la dégradation de l'environnement, l'insécurité alimentaire et l'appauvrissement des ruraux. Déja très faible, comparée à d'autres pays de

la région, la valeur ajoutée agricole par travailleur agricole a perdu entre 1988 et 1998 environ le quart

de sa valeur. Les paysans-producteurs, faute de pouvoir améliorer leurs moyens de production et ne bénéficiant d'aucunes mesures et/ou initiatives de protection, ont été contraints à migrer vers la capitale et les paysans voisins (transfert de la pauvreté). Par rapport aux objectifs recherchés de stimuler la production agro-exportatrice, il s'est donc produit non seulement l'effet contraire mais aussi la baisse de la production alimentaire.

Indice de production céréalière per capita (1989-91=100)

Source: Données FAO

160

140

120

100

80

60

40

20

0

136.2

124.3 119.8

90.8

106.2

90.4

109.2

73.6

1979 1983 1987 1990 1992 1995 1997 2001

Les résultats obtenus ne sont donc pas surprenants vu que « rien a été fait pour aplanir les obstacles

physiques au développement des circuits formels d'exportation (infrastructures : réseaux de communications, électricité ; structure d'appui à la production agricole) [...] »59 et que comme noté par Louis Dupont60, le secteur agricole est continuellement soumis à des politiques discriminatoires et à l'insuffisance des crédits nécessaires aux investissements agricoles. A titre d'exemple, le secteur agricole n'a bénéficié que de 1,2% à 0,6% et à 0,4% du crédit bancaire en 1996, 1997, 1998 respectivement sur les prêts supérieurs à 75 000 gourdes.

59 BELLANDE Alex, op. cit., p. 182

60 DUPONT Louis, Sécurité alimentaire et stabilisation macro-économique en Haïti, L'Harmattan, 1998, p. 236.

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Crises, réformes économiques et pauvreté en Haïti

38

a) Dépendance alimentaire

Cette libéralisation des importations, mal inspirée et mal équilibrée, s'est accompagnée d'un déficit au niveau des échanges agricoles qui n'a pas cessé d'augmenter. Les importations alimentaires et les exportations agricoles ont évolué en sens inverse. En moins de vingt ans (1981-1999), ces importations ont plus que triplé pendant que les exportations continuent leur chute (plus de 30%). Ce qui conduit à des déséquilibres de la balance commerciale, qui après avoir connu une période de stabilisation entre 1996 et 1998, pour des déficits moyens de l'ordre de 300 millions de dollars, a subi une accélération particulière pour atteindre un déficit avoisinant les 600 millions dollars en 1999. Le coefficient de dépendance alimentaire oscille ces jours-ci entre 35 et 40. La production rizicole a significativement décliné : de plus de 110 000 tonnes en 1985, la production du riz a chuté de plus du quart en moins de vingt ans (environ 80 000 tonnes aujourd'hui). Les tarifs douaniers appliqués sur le

riz importé sont les plus bas de la région. Ils ont été ramenés de 35% à 3% alors que le tarif extérieur

commun de la caraïbe pour ce produit ne va pas en deçà des 20%. Ce qui facilite les importations provenant notamment des Etats-Unis au détriment de la production nationale et des producteurs nationaux qui ont été exclus des marchés locaux.61 Les importations du riz américain sont passées pratiquement de zéro avant la libéralisation des marchés à plus de 200 000 tonnes métriques. Ce qui classe Haïti dans les cinq premiers marchés d'exportation du riz américain après respectivement le Japon, le Mexique et le Canada. Parallèlement, le riz arrivant sous forme d'aide alimentaire a suivi la même tendance. De moins de mille tonnes métriques en 1984, le volume de dons alimentaires dépasse

les trente milliers de tonnes métriques (34 000 TM en 2000). La part de cette forme d'importation, serait suivant les années entre 10 et 15% du total du riz consommé. L'aide alimentaire, véritable arme

de pénétration des marchés réticents, a pris une place importante dans la sécurité alimentaire en Haïti

et s'est institutionnalisée depuis plus d'une quinzaine d'années62.

La production agricole, en raison de sa stagnation, ne couvre qu'environ la moitié des besoins alimentaires aujourd'hui, un recul assez important quand on le compare au 70-75% du début des années 1970. Plus du tiers des besoins alimentaires sont couverts par les importations totales y compris

les dons alimentaires. Cette dépendance est de plus en plus importante comme l'indique le tableau 2.4.

De 25% en 1995, elle est de 37% en 2001. Toujours est-il que le pays semble devoir compter pour longtemps sur l'extérieur pour assurer ses besoins alimentaires et combler les déficits, ceci pour maintes raisons, telles la faible performance économique, la récurrence des catastrophes naturelles, le rythme d'accroissement de la population et de leur concentration dans la capitale et les villes urbaines secondaires. Cette concentration, particulièrement à Port-au-Prince (plus de 20% de la population)

61 Voir, OXFAM, « Rice dumping in Haiti & the WTO » Farmer's Word network site internet ; Oxfam, Impact des mesures de libéralisation sur la sécurité alimentaire, l'environnement et la vie des ruraux, 1999

62 L'aide alimentaire américaine s'est institutionnalisée en 1985 avec la mise en place d'un bureau de gestion chargé entres autres de sa

monétisation. L'aide alimentaire couplée aux importations devrait contribuer à faire chuter les prix des céréales de base en dessous des coûts

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Crises, réformes économiques et pauvreté en Haïti

39

constitue un défi majeur en matière d'approvisionnement alimentaire. De là les difficultés à concilier

la nécessité de satisfaire les besoins intérieurs (faciliter les importations) et le désir de promouvoir les exportations (augmenter la production).

Tableau 2.4: Couverture des besoins alimentaires

 

1995-96

2000-01

Balance alimentaire

TEC

%

TEC

%

Besoins

1 710 000

100%

1 830 000

100%

Offre nationale nette (Production -

Exportations )

980 000

57%

1 000 000

55%

Importations commerciales nettes

300 000

18%

525 000

29%

Aide alimentaire

140 000

8%

140 615

8%

Déficit alimentaire

290 000

17%

164 385

8%

Source : CNSA, 2002 TEC : tonnes-équivalent céréales

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams