MEMOIRE DE CERTIFICATION AUX FONCTIONS D'ENCADREMENT ET
DE RESPONSABLE D'UNITE D'INTERVENTION SOCIALE
C.A.F.E.R.U.I.S
Institut de Ressources en Intervention Sociale
HANDICAP PSYCHIQUE
ET
INSERTION PROFESSIONNELLE
ENJEUX HUMAINS ET INSTITUTIONNELS,
UN CHANGEMENT NECESSAIRE
Mémoire présenté par
Nadine LE NUZ
Mai 2008
Sommaire
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Glossaire
Introduction 1
1 Un regard sur le travail protégé
à travers l'évolution de la maladie
mentale et l'historique de l'ESAT 4
1.1 L'évolution du travail
protégé 4
1.2 La maladie mentale 6
1.2.1 La maladie mentale aujourd'hui 8
1.2.2 La médication 9
1.2.3 Le handicap psychique 9
1.3 Histoire de l'institution de sa naissance
à nos jours 10
1.3.1 L'association 10
1.3.2 L'ESAT 12
Ses missions 13
L'organigramme 13
Les activités 14
Le travail en atelier 14
Les détachements 15
1.4 Les usagers 16
2 Naissance du projet 19
2.1 La loi 2005 et les passerelles vers le milieu
ordinaire 19
2.2 Le nouveau projet associatif 20
2.2.1 Le responsable de l'ESAT 20
2.2.2 Bilan des actions de formation et
d'intégration 21
2.3 Les freins à l'insertion 22
2.3.1 La loi 2005 peut-elle constituer un frein
à l'insertion ? 22
2.3.2 Les représentations 23
Les représentations sociales de la
maladie mentale 23
Mes représentations 23
Les représentations des employeurs
24
2.4 Les freins institutionnels 25
2.4.1. Le quotidien des moniteurs 25
2.5 Les limites des usagers 26
2.6 Le projet d'établissement 27
3 Préparer la transition 29
Introduction 29
3.1 L'expérience des opérateurs
spécialisés 30
3.2 Accompagner le changement en posant les bases d'une
autre organisation 31
3.2.1 La gestion des conflits 31
3.2.2 Développer la communication autour des besoins
des usagers 32
3.2.3 Donner du temps 34
3.2.4 Redéfinir la fonction de moniteur d'atelier
34
3.2.5 Informer et communiquer 35
3.2.6 Optimiser le potentiel des salariés 36
3.2.7 Modifier les critères d'embauche 36
3.2.8 Les détachements collectifs 37
3.2.9 Les activités 38
3.3 Structurer l'organisation autour des besoins des
usagers 38
3.3.1 Dossier unique et secret partagé 38
3.3.2 L'accueil des stagiaires 39
3.3.3 Le guide des entretiens 40
3.3.4 L'évaluation de compétences 40
3.3.5 La personnalisation de l'accompagnement 42
3.3.6 Construire un savoir et un savoir faire des usagers
44
3.4 Favoriser l'expression des usagers 45
3.5 Le soutien de second type 46
3.6 Ouvrir sur l'extérieur 47
4 Conclusion 49
5 Bibliographie 51
6 Annexes 53
Glossaire
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AAH : Allocation Adulte
Handicapée
AGEFIPH : Association de Gestion des
Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées.
CAE : Contrat d'accompagnement dans
l'emploi
CAT : Centre d'aide par le travail
CIE : Contrat initiative-emploi
CDAPH : Commission des Droits et de
l'Autonomie des personnes Handicapées
CDTD : Centre de travail à
domicile
CMPP : Centre
médico-psycho-pédagogique
CTNERHI : Centre technique national
d'études et de recherches sur les handicaps et les inadaptations.
DDASS : Direction départementale
des affaires sanitaires et sociales
DRASS : Direction Régional des
affaires sanitaires et sociales
ESAT : Etablissement et service d'aide par le
travail
GIP : Groupement d'intérêt
public
PI : Pension d'invalidité
MDPH : Maison départementale des
Personnes Handicapées
RQTH : Reconnaissance de la
Qualité de Travailleur Handicapé
SAVS : Service d'accompagnement
à la vie sociale
UNAFAM : Union Nationale des Familles et
Amis des Malades Mentaux
Introduction
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Je travaille depuis vingt sept ans auprès d'enfants et
adolescents déficients intellectuels. Ma pratique de travailleur social
s'est bâtie dans la continuité parce je suis loin d'avoir acquis
une connaissance et une compréhension exhaustive de cette population,
même si je suis capable d'affirmer que l'enveloppe corporelle ne donne
qu'une image tronquée de la réalité interne d'une personne
handicapée.
Les formations réalisées tout au long du
parcours professionnel avaient pour objectifs :
D'apporter une réflexion sur les pratiques, de les
analyser en m'appuyant sur des apports nouveaux théoriques et
méthodologiques, 1992 : Stage sur la mise en place
des projets individualisés et 1995 : Formation sur
la grille d'observation des compétences avec Sara PAIN.
D'infirmer ou de confirmer des hypothèses de travail
conçues à partir de l'observation des enfants dans les
différentes activités proposées et dans le partage de leur
vécu au quotidien.
De rester créative, formation personnelle en
théâtre, peinture, gravure, modelage. Toutes ces techniques ont
été transposées et adaptées aux capacités
des enfants et visaient à ouvrir sur l'imaginaire et à construire
une gestuelle autre que celle du quotidien.
De trouver des stratégies permettant aux enfants de
développer des compétences en dépit des difficultés
existantes sur le plan moteur, 1987 : Brevet
d'état d'éducateur sportif 1er degré option
sport adapté, 1999/2000/2001 : Formation en sophrologie, et sur le
plan intellectuel, 1989 : Formation informatique, 1997 à 2005
Formation sur la Communication Facilitée.
Pour évoluer en même temps que les demandes et
les besoins, les avancées scientifiques, philosophiques,
éthiques, politique.
Les changements profonds intervenus au cours des cinq
dernières années et notamment les politiques sociales mises en
oeuvre par les lois 2002 et 2005 m'ont incitée à entamer une
formation qui me permettrait d'agir à un niveau supérieur de
responsabilité pour devenir acteur et auteur des mutations du secteur
médico-social.
La formation CAFERUIS sur le plan théorique a
favorisé l'acquisition de savoirs quant à la fonction de chef de
service et de responsable d'unité d'intervention sociale et posé
les bases d'une autre identité professionnelle.
Dans le cadre de la formation pratique, le choix du lieu de
stage visait à compléter et approfondir les connaissances dans un
autre champ social et était porté par une recherche de
réponses à deux problèmes qui se posent à l'IMP.
L'établissement dans lequel je travaille a vu sa population se
diversifier avec l'accueil d'enfants et d'adolescents déficients
intellectuels avec des troubles associés liés à la maladie
mentale. Il nous faut maintenant acquérir des connaissances et des
compétences organisées autour d'un accompagnement qui s'appuie
à la fois sur des techniques éducatives et
rééducatives et sur une prise en charge thérapeutique.
Cela nécessite l'appropriation d'un savoir que je n'avais pas. J'ai
choisi d'élargir mes connaissances en allant à la rencontre
d'usagers et de professionnels concernés par la maladie mentale. Nous
sommes de plus depuis quelques années confrontés à une
baisse constante des passages de l'IMP vers l'ESAT. Je vais être
amenée à assumer des responsabilités soit dans l'un, soit
dans l'autre et il me semblait important de comprendre ce qui amenait un ESAT
à refuser la prise en charge de la majorité des jeunes adultes
issus de l'IMP.
Les trois mois et demis de stage en continu ont apporté
des réponses à certaines de mes questions et m'ont permis de
recueillir des informations et d'acquérir un début de
compréhension du handicap psychique.
Il existe en France des établissements de travail
protégé spécialisés dans un type particulier de
handicap. L'ESAT Pierre Doussinet en fait partie et a depuis 1964 mis en oeuvre
des actions qui ont concourues à ce que des personnes atteintes de
maladie mentale puissent avoir une alternative à une hospitalisation en
milieu psychiatrique.
C'est dans ce cadre que j'ai choisi d'apporter une aide
technique à une structure qui doit paradoxalement assurer des charges
économiques de plus en plus importantes et évoluer vers une
amélioration de la qualité du service rendu. Les lois 2002 et
2005 et les mutations économiques invitent à ré-interroger
les missions institutionnelles et à compléter ou perfectionner
les pratiques existantes.
Dans la première partie de cet écrit, je
retracerais l'évolution des politiques sociales sous l'angle du travail
protégé. Seront ensuite abordées des notions relatives
à la maladie mentale et l'évolution de sa prise en charge dans le
temps. Puis je relaterais comment l'Association a construit au fil du temps
toutes les structures adaptées à une prise en charge
extrahospitalière des usagers dont L'ESAT est une émanation. Nous
verrons ensuite comment cette structure a organisé son fonctionnement
économique et social au regard de la problématique de ses
usagers.
Dans la seconde partie, j'aborderais la loi 2005,
créatrice de passerelles entre le secteur de travail
protégé et les entreprises et proposerais une analyse des freins
environnementaux et institutionnels qui nuisent à l'insertion
professionnelle des personnes handicapées psychiques dans le milieu
ordinaire de travail.
Dans la dernière partie, je présenterais de
façon opérationnelle, mon projet de chef de service en
explicitant les actions mises en oeuvre pour que cette structure puisse
favoriser l'expression et la réflexion de son équipe par une
réorganisation de ses modes de fonctionnement. Puis je décrirais
la démarche que j'ai proposé pour structurer la prise en charge
autour des besoins des usagers. L'objectif visé à terme
étant de permettre à l'équipe d'adapter ses savoirs et
savoirs faire à l'optimisation d'actions susceptibles de conduire
certains usagers vers un emploi en milieu ordinaire.
1. Un regard sur le travail protégé
à travers l'évolution de la maladie mentale et l'historique de
l'ESAT Pierre Doussinet
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1.1 L'évolution du travail
protégé
"En 1923, apparaît le premier concept français
d'insertion des personnes en situation de handicap (suites de la guerre 1914,
1918). Des emplois sont réservés aux mutilés de guerre
dans le secteur public.
En 1924, c'est l'instauration d'un quota de 10% d'emplois
réservés pour les mutilés de guerre. L'obligation est
étendue au secteur privé »1(*).
La loi du 23 novembre 1957 introduit le terme de
« travailleur handicapé » qui est étendu aux
accidentés du travail. Elle officialise les centres d'Aide par le
Travail (CAT) les ateliers protégés (AP) et les centres de
distribution de travail à domicile (CDTD).
La loi de 30 juin 1975 est une loi d'orientation en faveur
des personnes handicapées et relatives aux institutions sociales et
médico-sociales. Elle a donné naissance à une nouvelle
« catégorie administrative », celle du travailleur
handicapé. Elle valorise l'insertion professionnelle en milieu ordinaire
chaque fois que cela est possible. Elle confirme le statut des CAT et les
définit comme un moyen spécifique à une meilleure
insertion en accordant un minimum de revenu.
La circulaire de 1978 précise que les CAT doivent
permettre aux personnes accueillies de quitter ces lieux si elles ont acquis
les capacités suffisantes.
27 mars 1987 - Circulaire relative à l'autorisation
pour les travailleurs handicapés d'exercer à l'extérieur
de l'établissement.
La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi, pose le
principe de l'obligation de l'emploi de 6 % de travailleurs handicapés
dans l'entreprise. Elle met aussi l'accent sur le lien entre le secteur
protégé et le milieu ordinaire par l'instauration de contrats de
sous-traitance pour les entreprises ne pouvant pas remplir leur obligation
d'emploi.
2 janvier 2002 - Loi rénovant l'action sociale et
médico-sociale. Les articles 1 et 2 définissent les fondements de
l'action sociale : promotion de l'autonomie de la personne, exercice de la
citoyenneté, prévention de l'exclusion et correction de ses
effets, renforcement des droits de l'usager. L'usager est au centre du
dispositif ce qui n'était pas le cas dans la loi de 1975.
Elle élargit les missions de l'action sociale et
médico-sociale, diversifie les modes de prises en charge et incite
à l'ouverture de nouvelles structures dont les pratiques seraient
innovantes.
Elle instaure des dispositifs de régulation et de
contrôle des établissements et services en rénovant et en
clarifiant le régime des autorisations qui sont désormais
à durées déterminées renouvelables si
l'évaluation externe est positive,
Elle instaure un dispositif dit de
« fenêtres » pour les demandes de même nature
dont les dossiers doivent être déposés au cours de
périodes définies par décret et supprime les autorisations
tacites directes.
Elle définit les droits des usagers et la mise en place
d'outils et d'instance.
La loi du 11 Février 2005 officialise la
création dans chaque département la maison
départementale des personnes handicapées (MDPH). Au sein de
la MDPH, une seule instance existe, la commission des droits et de l'autonomie
des personnes handicapées (CDAPH).qui prend les décisions
relatives à l'ensemble des droits des personnes, orientation,
désignation des établissements, attribution de prestations,
reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et
accompagnement des personnes handicapées de plus de soixante ans.
» 2(*).
Les CAT deviennent des ESAT et la loi réaffirme leur
vocation médico-sociale ainsi que leur rôle dans l'insertion des
personnes handicapées. Elle définit de nouvelles conditions
d'emploi en structure d'aide par le travail. Elle incite par ailleurs à
établir des relations entre le milieu protégé et le milieu
ordinaire par la mise à disposition de travailleurs handicapés en
entreprise. Un dispositif " passerelle " finalisé par
une convention conclue entre l'établissement ou le service d'aide par le
travail, l'employeur en milieu ordinaire et éventuellement un service
d'accompagnement à la vie sociale. En cas de rupture du contrat de
travail ou lorsque l'employeur ne la recrute pas définitivement, la
personne handicapée bénéficiera d'un droit à
réintégration de " plein droit " dans l'ESAT d'origine.
1.2 La maladie mentale
Avant le XIXème siècle, le
« fou », était condamné aux bûchers de
l'inquisition, privé de liberté en étant reclus à
l'hôpital général, emprisonné, cloîtré
dans sa maison ou encore livré à lui-même.
Le concept de la maladie mentale, est développé
en France par Pinel, puis par ses élèves Esquirol et Ferrus qui
vont aborder les notions de neurologie et de psychiatrie et être à
l'origine de la promulgation de la loi du 30 juin 1838 qui réglera
pendant plus de cent cinquante ans la vie des malades mentaux.
La loi de 1838 organise la psychiatrie en France :
"En créant les conditions décentes d'accueil et
de soins des malades mentaux, en imposant a chaque département
l'organisation et la charge financière de structures de soin pour
malades mentaux : les asiles d'aliénés".
En mettant en place des mesures de protection sociale contre
les risques que faisaient courir dans certains cas les aliénés
à la population générale.
En réglementant les circonstances dans lesquelles un
citoyen pouvait être , contre son gré enfermé dans un asile
d'aliéné et les mesures légales de protection de la
personne, tant en ce qui concerne les biens que sa liberté
individuelle "3(*).
Cette loi protégeait le malade de lui-même
certes, mais protégeait essentiellement le citoyen ordinaire des
agissements de l'aliéné. L'hôpital psychiatrique
était parfois un lieu d'asile sécurisant où le malade
mental était mis à l'abri des dangers et des persécutions
qu'il pouvait subir dans le milieu ordinaire, mais c'était aussi un lieu
qui privait l'individu de ses libertés comme dans le système
carcéral mais sans indication claire sur la fin de la peine.
L'internement a longtemps été pratiqué
parce qu'il était le seul moyen d'avoir d'accès aux soins
spécialisés. Mais les circulaires du 13 octobre 1937 et du 2
septembre 1946 transforment petit à petit l'asile en hôpital
ouvert. Ce n'est qu'en 1960 cependant, par la circulaire du 11 Mars, qu'une
impulsion décisive est donnée à l'évolution du
secteur psychiatrique français.
C'est aussi à cette époque que naissent les
mouvements « anti-psychiatrie » en France, en Italie et en
Angleterre entre autre. « D'après les anti-psychiatres, il
faut chercher les causes de l'aliénation mentale dans les relations
sociales déficientes et certainement pas dans le cerveau. Les maladies
mentales n'existent pas. Ce sont des réactions de plus en plus fortes
occasionnées par la société. Sans être un
mouvement vraiment organisé l'anti-psychiatrie a présenté
une nouvelle vision de la maladie mentale et de la psychiatrie »
4(*)
Les noms les plus connus de ce mouvement
« anti-psychiatrie » sont pour la France, Foucault et
Mannoni, pour l'Italie Basaglia et pour l'Angleterre Laing et Cooper."
« En 1968, c'est l'instauration des régimes
de protection, sauvegarde de justice, tutelle et curatelle qui assurent une
protection optimale des droits de l'individu notamment au niveau des garanties
relatives à la liberté individuelle en lui permettant de saisir
de sa propre initiative et directement le juge garant de l'application du
droit »5(*).
Dans cette zone de non droit pour certains malades, cohabitent
des psychiatres tenant du système institué et d'autres en
recherche de solutions et qui « émettaient le voeu que le
titre d'asile et celui d'hôpital psychiatrique soient remplacés
par celui de Centre de cure et de réadaptation »6(*). Le Docteur Pierre Doussinet
était de ceux là et dès 1947, il avait dessiné les
contours « d'une assistance dans le milieu social ».
La loi de 1838 ne sera réformée
complètement qu'en juin 1990 mettant fin aux abus résultant d'un
vide juridique existant jusqu'alors.
La loi de juin 1990 est relative aux droits
de la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles
mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Elle régule les
rapports entre les usagers, les structures d'accueil et le personnel soignant.
Cette loi vise à protéger les usagers contre des hospitalisations
ou des maintiens en hôpital arbitraires qui ne reposent pas sur le
consentement de l'usager ou de son représentant légal, et elle
oblige les personnels des hôpitaux psychiatriques à informer et
éclairer l'usager sur le traitement qui sera mis en oeuvre et sur sa
durée.
Les seules dispositions de la loi de 1838 reprises par la loi
de 1990 concernent les placements sans consentement qui y sont repris avec des
garanties optimales de protection des libertés »7(*).
1.2.1 La maladie mentale aujourd'hui
Aucune définition exhaustive de la maladie mentale
n'est possible par un néophyte parce que l'émergence et
l'évolution des troubles psychiques constituent un domaine d'une grande
complexité. Cependant quelques caractéristiques sont susceptibles
d'être appréhendées :
Les troubles psychiques peuvent être
provoqués par des facteurs organiques, dysfonctionnement des
neurotransmetteurs, environnementaux, familiaux, viraux ou par une
prédisposition génétique.
La maladie (psychose, schizophrénie,
dépression...) se déclare le plus fréquemment en cours ou
en fin de cursus scolaire. La majorité des personnes ont eu accès
à une scolarité normale voire ont exercé une
activité professionnelle que la maladie est venue interrompre. Les
comportements des personnes souffrant de ces troubles sont souvent
déconcertants et déroutants pour les autres parce
qu'éloignés des conduites connues et habituelles. Ces personnes
sont souvent hyperémotives, un petit détail anodin peut provoquer
une crise grave (effet papillon), présentent des comportements
décalés et souffrent d'une grande fatigabilité.
La maladie psychique peut avoir de graves conséquences
au niveau cognitif notamment sur l'attention, la concentration, la
mémorisation, sur le plan relationnel empêchant les personnes de
s'adapter aux changements d'environnement et sur le plan social en
réduisant l'autonomie. Elle amène à un repliement sur soi
et à un rétrécissement de l'espace personnel. Une fois
qu'elle s'est déclenchée, des symptômes résiduels,
notamment pour les schizophrénies, accompagneront le malade toute sa vie
le rendant plus sensible aux facteurs susceptibles de déclencher des
rechutes.
Ce sont des maladies très invalidantes qui rendent les
personnes extrêmement fragiles. Les rechutes sont fréquentes et
nécessitent de la part du malade des réajustements continuels
entre ce qu'il a été et qui perdure au fond de lui mais reste
parfois inatteignable, et ce qu'il est aujourd'hui et qu'il ne sera peut
être plus demain en phase ascendante ou descendante.
1.2 2 La médication
Les traitements thérapeutiques, qui stabilisent les
effets de la maladie, ont beaucoup évolué et sont une aide
indispensable aux malades, leurs permettant d'avoir une vie sociale et un
travail en milieu protégé ou ordinaire. Ils ne soignent pas les
causes de la maladie mais ses symptômes. Ils limitent les risques de
rechute. Les traitements actuels sont très allégés par
rapport à ceux utilisés auparavant. Les malades sont plus
dynamiques et actifs, mais aussi plus instables et sensibles. Les effets
secondaires peuvent être importants et entraîner des gènes
dans la vie quotidienne. Ils masquent parfois les compétences initiales
de la personne parce qu'ils provoquent une grande fatigabilité, une
instabilité, une maladresse gestuelle, des tremblements, des troubles de
la vigilance ou des impatiences. Ces différents troubles empêchent
parfois de rester à un poste de travail et de construire une vie
sociale.
1.2.3 Le handicap psychique
La notion de handicap psychique est, pour la première
fois, inscrite dans la loi 2005 à côté des notions de
handicap moteur, sensoriel, mental et cognitif. C'est une avancée parce
qu'auparavant il n'était pas fait de distinction claire entre la maladie
mentale et la déficience intellectuelle, toutes deux apparaissant sous
la terminologie de handicap mental.
« Les professionnels du secteur psychiatrique
insistent, dans la définition du handicap psychique, sur ses
conséquences sociales (isolement, stigmatisation, risque de
marginalisation, etc.) dues en partie au sentiment d'étrangeté
que suscite, chez les autres, certains comportements. Ils pointent en
particulier le caractère imprévisible de ce handicap, par la
variabilité de ses troubles (handicap instable) mais aussi par la
difficulté pour l'entourage d'identifier et de comprendre les
manifestation de ce handicap, invisibilité du handicap».8(*)
Le handicap psychique n'est pas la maladie en tant que telle,
mais ce qui en résulte dans un contexte précis. Il se manifeste
par une variété de troubles, troubles de la volition, de la
pensée, de la perception, de la communication, du comportement, de
l'humeur, de la conscience et de la vigilance, intellectuels, de la vie
émotionnelle et affective.
Reconnaître le handicap psychique, c'est aussi
reconnaître des difficultés dans la vie quotidienne et sociale des
personnes. Ces troubles persistants ont pour conséquences de restreindre
les activités dans la vie quotidienne et de conduire à un grand
isolement affectif et social, à une inactivité professionnelle
fréquente, à une perturbation des capacités
relationnelles, à des difficultés à effectuer des
tâches complexes, à des restrictions dans les déplacements
et à des désavantages sociaux.
Les différentes expressions utilisées dans les
revues ou les colloques dénotent de la complexité à rendre
intelligible ce qui se joue dans le handicap psychique : « personne
psychiquement fragilisée, personne handicapée par la maladie
mentale, situation de handicap du fait de troubles psychiques, souffrance
psychique invalidante »9(*).
1.3 L'histoire de l'institution de sa naissance à
nos jours
Il y a en France 800.000 personnes atteintes d'une pathologie
lourde liée à la maladie mentale (source UNAFAM). Dans le
passé toutes ces personnes auraient été
systématiquement hospitalisées dans le secteur psychiatrique et
souvent sur de très longues périodes.
1.3 1 L'association
La création de l'association est issue d'une action
régionale et nationale visant à développer des nouvelles
pratiques et à se doter d'équipements spécialisés,
pour accompagner les personnes malades mentales hors du champ hospitalier.
En 1948, Pierre Doussinet médecin chef de
l'hôpital psychiatrique Sainte Marie à Clermont Ferrand et
Courbaire de Marcillat 10(*) posaient les bases de l'accompagnement social en
définissant quatre termes principaux :
« L'encadrement social
considéré comme la première condition de
participation sociale de l'handicapé psychique.
L'encadrement professionnel, facteur de
stabilité, de sécurité et de rendement, sera
également présenté comme ordinairement nécessaire
bien que moins fondamental que le précédent. Cette notion
aboutira un jour à celle des « équipes professionnelles
encadrées »,
La surveillance médico-sociale est le troisième
terme de l'entreprise. Elle fait appel au concours technique de l'action
médicale et sociale simultanées et concertées,
Le quatrième terme : La reconnaissance juridique
de la situation de protégé... ».11(*)
Entre 1947 et 1972, Pierre Doussinet et son équipe ont
créé en moins de trente ans toutes les structures
nécessaires à l'accompagnement d'une personne malade mentale,
1952 : Organisation d'un service de placements familiaux qui
reçoit actuellement 175 usagers dans 150 familles d'accueil,
1953: Création d'un foyer pour les
protégés de l'office social qui deviendra en 1992 un service
d'accompagnement social qui accueille 39 personnes,
1964 : Ouverture d'un centre de réadaptation et
d'entraide par le travail pour malades mentaux. En 2007 l'ESAT prend en charge
95 personnes handicapées psychiques.
1971 : Organisation d'un service des tutelles ayant en 2007,
750 protégés.
1972 : ouverture d'une maison de retraite
spécialisée qui continue à ce jour d'accueillir 84
personnes malades mentales sortant de l'ESAT ou de structures
hospitalières.
Aujourd'hui l'association Croix Marine du Puy de Dôme
assure l'accompagnement de 1100 personnes et emploie plus de 100
salariés.
Elle s'est fédérée au niveau national et
compte 120 sociétés ou comités affiliés dans toute
la France et dans les territoires d'outre mer.
C'est une association qui a été et est encore
très dynamique au niveau départemental pour répondre au
mieux aux différents besoins de la population qui relève de ses
services mais qui repose, notamment au niveau de l'ESAT, sur des valeurs et des
pratiques qui ne sont pas toujours en liaison avec les attentes des lois 2002
et 2005.
1.3.2 L'ESAT
Le centre de réadaptation et d'entraide pour
handicapés psychiques a été créé en 1964. Il
a reçu jusqu'en 1994 des personnes handicapées psychiques des
deux sexes en internat, semi-internat et externat. Après cette date, la
structure n'a conservé que l'activité CAT.
L'ESAT est le seul sur la ville de Clermont Ferrand et les
alentours proches à être spécialisé dans l'accueil
de personnes atteintes d'un handicap psychique.
Il est implanté non loin du centre ville. Les
facilités d'accès permettent aux travailleurs de se rendre de
façon autonome sur leur lieu de travail, soit avec leur voiture
personnelle, soit en transport en commun.
L'ESAT est ouvert 227 jours par an. Il accueille les usagers
du lundi au jeudi de 8 heures à 17 heures et les vendredis de 8 heures
à 16 heures.
L'établissement fonctionne 39 heures par semaine et le
personnel bénéficie des jours de récupération
prévus dans le cadre de la réduction de temps de travail. Les
travailleurs handicapés ont bénéficié des
mêmes droits soit 4 heures de récupération par semaine pour
39 heures travaillées. C'est un temps disponible qui leur permet de
réaliser des démarches, d'aller à différents
rendez-vous ou pour « souffler » quand ils en ressentent le
besoin.
La fabrication des repas est confiée à un autre
établissement. Ils sont livrés chaque jour. Ce sont les
travailleurs handicapés sous la surveillance d'un salarié qui
effectuent dans le cadre de l'activité self-ménage, le
conditionnement des entrées et des desserts et qui assurent le service.
Les salariés et les travailleurs handicapés peuvent se restaurer
sur place de 12 heures à 13 heures.
Ses missions
« L'ESAT accueille des personnes adultes qui ne
peuvent, momentanément ou durablement, travailler dans des entreprises
ordinaires. Il propose un accompagnement individualisé, non
éducatif, adapté à la pathologie des usagers. Il a comme
mission d'ouvrir le travail en entreprises aux personnes atteintes de maladie
mentale.
Pour ce faire, la double mission de l'établissement se
concrétise par une prise en charge médico-sociale et un
accompagnement autour de l'activité professionnelle. "12(*)
Pour le fondateur, les salariés issus du secteur
sanitaire ou social n'avaient pas lieu d'être dans cette structure
essentiellement tournée vers le travail ce qui explique la sous
représentation de certains métiers.
L'organigramme
L'équipe est pour une part importante composée
de moniteurs d'atelier, tous issus d'entreprises diverses et n'ayant à
la base aucune formation relative aux handicaps. Ils sont au nombre de neuf,
tous à plein temps, répartis dans six ateliers. Leur
activité principale est l'accompagnement de l'activité
professionnelle.
Les moniteurs sont supervisés par deux moniteurs chef
d'ateliers, l'un chargé de la gestion des ateliers et le second en
charge de la qualité, de la sécurité, de l'informatique et
depuis peu des projets individuels.
L'accompagnement médico-social est assuré par
le médecin psychiatre à mi-temps. Il conseille
médicalement les travailleurs et assure le lien avec les psychiatres
référents ou les médecins généralistes. Il
participe aux réunions et émet un avis sur les admissions, les
réorientations et les projets individuels.
Une animatrice spécialisée, à temps
partiel 80% est chargée de la formation et de l'insertion.
L'assistante sociale travaille à plein temps. Elle
accueille et informe les nouveaux arrivants, s'occupe des sortants, participe
à l'élaboration et parfois au suivi des projets individuels. Elle
apporte des conseils aux travailleurs qui viennent la solliciter.
Une secrétaire et une comptable gèrent le
service administratif, une personne des services généraux assure
l'entretien des locaux.
Le directeur général de l'association nomme les
responsables des différentes structures. Le nouveau responsable de
l'ESAT a pris ses fonctions trois mois avant mon arrivée. Il est issu du
secteur marchand où il exerçait une fonction de directeur de
site.
Cet organigramme apparaît encore dans le projet
d'établissement actuel alors que depuis deux ans, l'animatrice
spécialisée est en préretraite et ne travaille plus que
trois demi-journées par semaine. Elle n'assure plus sa fonction relative
à la formation et l'intégration des usagers, celle-ci a
été confiée au moniteur chef d'atelier en charge de la
qualité, de l'informatique. Le médecin psychiatre a réduit
son temps de travail et assure sa fonction sur trois demi journées.
Les activités
L'ESAT représente pour la plupart des usagers un lieu
d'insertion et de travail réel car sans en avoir le statut, cette
structure en a les caractéristiques comme des horaires, des rythmes, des
postes de travail identifiés, des rôles et des fonctions bien
définies, des savoirs faire recherchés et enfin c'est une
activité rémunérée.
Comte tenu des particularités de ses usagers, seules
les activités de soutien de premier type sont mises en oeuvre. Le
travail s'articule autour de deux axes, les activités dans les ateliers
et les détachements individuels ou collectifs en entreprises.
Le travail en atelier
Il y a un atelier « travaux divers » dont
la tâche est de conditionner des filtres à piscine. Contrairement
à son appellation, c'est une activité unique
échelonnée sur l'année. Une monitrice d'atelier l'encadre
et elle a en charge vingt travailleurs handicapés.
L'atelier sous-traitance accueille vingt sept personnes et
réalise des travaux de conditionnements divers, des montages
électriques et mécaniques, fabrique des fils à couper le
beurre pour des entreprises industrielles et commerciales ou pour d'autres
établissement de travail protégé. Il est encadré
par une monitrice d'atelier et est renforcé par le moniteur chef
d'atelier notamment pour tous les montages mécaniques et
électriques.
L'atelier espaces verts/entretien des locaux est pris en
charge par deux moniteurs d'atelier qui ont douze travailleurs sous leur
responsabilité. Ils effectuent divers travaux paysagés tels que,
tonte des pelouses, taille de haies et de végétaux,
débroussaillage, élagage, taille d'arbres, plantation et
création de jardins et en période creuse. Ils réalisent
aussi des travaux de rénovation et d'entretien, peinture, papier peint,
revêtement de sol. Tous ces travaux sont effectués pour des
collectivités, des industriels ou des particuliers.
L'atelier prestations administratives est encadré par
un moniteur et compte dix travailleurs handicapés qui réalisent
et expédient des mailings, assemblent des documents, ou les mettent sous
pli mécaniquement ou manuellement après pliage ou saisissent en
informatique des rapports, des comptes-rendus, des thèses, des bases de
données.
L'atelier façonnage d'imprimerie réalise des
travaux basés sur deux activités, la principale étant le
façonnage d'imprimerie, la fabrication de brochures piquées et de
documents reliés, cousus. L'activité annexe est tournée
vers des petits travaux de conditionnement. Deux moniteurs d'atelier prennent
en charge vingt et une personnes.
Le dernier atelier fonctionne sur deux activités
distinctes, le self-ménage et le conditionnement de matériel
pharmaceutique sur les lieux de l'entreprise fabricante. Deux monitrices se
partagent alternativement ces deux activités et encadrent trois
travailleurs pour le self et huit pour le conditionnement, ces huit personnes
sont issues des différents ateliers
Les détachements
Les objectifs du détachement individuel définis
par le projet d'établissement sont de : «favoriser la construction
de parcours d'insertion professionnelle articulée avec les projets
individuels des travailleurs ». Ils ont lieu dans des entreprises
adaptées ou dans les différents secteurs des entreprises du
milieu ordinaire et depuis peu dans le secteur public.
Les objectifs du détachement collectif
accompagné ne sont pas définis mais les tâches sont
énoncées par "emballage et lotage de composants
para-pharmaceutiques sur une ligne de conditionnement. Chaque jour, huit
travailleurs sont amenés sur leur lieu de travail. Ils sont
accompagnés par deux monitrices en rotation sur la semaine. Quarante six
personnes se partagent le travail dans cette usine.
Un détachement collectif non accompagné dans une
enseigne de vêtements ne figure pas non plus dans le projet
d'établissement mais occupe quatre personnes en rotation sur la semaine.
Les travailleurs se rendent dans le magasin par leurs propres moyens. Un
moniteur assure les transports du midi pour que les usagers puissent venir se
restaurer à l'ESAT.
Ces différents détachements ont, à
l'origine, pour objectifs de mettre les usagers en lien avec le monde ordinaire
de travail, de permettre à un nombre important d'entre eux de
bénéficier d'un régime d'alternance ESAT/Entreprise et de
répondre aux souhaits et aux projets des usagers.
1.4 Les usagers
Il y a actuellement 107 personnes présentes à
l'ESAT pour 96,5 équivalents temps plein dont 20 mi-temps. Le nombre
important de personnes rentrant et sortant de l'effectif fait varier
sensiblement le chiffre des effectifs.
62 hommes et 35 femmes âgés de 23 à 60
ans sont salariés à l'ESAT et 10 personnes sont actuellement en
stage dont 7 hommes et 3 femmes.
Les travailleurs perçoivent une Allocation Adulte
Handicapée et/ou une Pension d'invalidité.
Les compétences initiales sont variées, 2
personnes ont une maîtrise ou une formation de niveau égal
à une école d'ingénieur, 7 ont un niveau BTS, DUT ou DEUG,
12 ont un niveau baccalauréat ou une première année de
faculté, 47 ont un niveau d'études équivalent à un
CAP, BEP, 24 n'ont pas dépassé la fin de la scolarité
obligatoire et enfin 9 personnes ont un niveau scolaire impossible à
définir.
25% des personnes accueillies n'ont aucune expérience
professionnelle en milieu ordinaire, seules 5 d'entre elles ont une
expérience supérieure à 10 ans. Les autres n'ont connu le
milieu du travail que sur de courtes périodes, soit de 1 à 5 ans.
Ce phénomène est attribué au fait que les maladies
mentales dans leur grande majorité se déclarent entre 16 et 25
ans, soit au cours des études secondaires ou supérieures ce qui
explique le faible taux de professionnalisation.
« Les travailleurs sont
rémunérés en fonction du travail effectué, de la
motivation et de l'application apportées à ce travail ainsi qu'au
comportement général »13(*). 15 travailleurs sont à
20 % du SMIC, 12 sont à 15 %, 30 sont à 12%, 21 sont à 9%
et 13 à 5,5 %.
Les personnes en détachement individuel
perçoivent un salaire équivalent à 27 % du SMIC. 6
travailleurs sont en cours de changements de salaires dans le sens de la baisse
ou celui de la hausse. Les réévaluations ont lieu une fois par
an. Les stagiaires sont tous rémunérés à 5,5 % du
SMIC.
Les travailleurs handicapés sont majoritairement
célibataires, sans enfants.
44 d'entre eux bénéficient d'une mesure de
protection, tutelle ou curatelle.
Une grande majorité des personnes sont autonomes au
niveau du logement, les autres vivent en famille ou en foyer.
Plus de la moitié des travailleurs ont un permis de
conduire et/ou une voiture. Certains d'entre eux ont pour mission d'assurer la
livraison du matériel soit à l'ESAT soit à l'entreprise
commanditaire.
Les deux tiers de cette population sont atteintes de psychose
et plus particulièrement de schizophrénie, les autres, pour une
faible part, ont des troubles de la personnalité, des déficiences
auditives ou des séquelles de lésions cérébrales,
des troubles obsessionnels compulsifs.
C'est une population très
hétérogène au niveau de l'âge, des
compétences initiales et des problématiques. Tous les milieux
sociaux sont représentés.
Il y a une forte majorité d'hommes ce qui constitue une
inversion du sexe de la population majoritairement féminine il y a une
vingtaine d'années.
Un article canadien vient corroborer ce constat "les hommes
croient qu'ils sont moins susceptibles de souffrir d'une maladie mentale, mais
les données prouvent le contraire. Au Canada, 80% des personnes qui se
suicident sont des hommes"14(*).
Une proportion importante de ces personnes prend des
neuroleptiques pour stabiliser la maladie. Les usagers présents à
l'ESAT sont en principe stabilisés mais les rechutes et les
hospitalisations parfois sous contraintes restent fréquentes.
Les troubles les plus fréquemment observés
à l'ESAT
La maladie et les médicaments ont des incidences sur
l'hygiène de vie, sur l'assiduité, la ponctualité,
l'hygiène corporelle, vestimentaire. Les usagers ont parfois des
troubles du sommeil qui occasionnent des baisses de rythmes, des
assoupissements. Ils ont des difficultés à prendre des
initiatives, des décisions. Au niveau du geste professionnel, il est
remarqué des lenteurs d'exécution, des maladresses qui abaissent
leur rendement voire les rendent improductifs. Les personnes ont une moindre
endurance, ils sont plus fatigables que la norme. Les médicaments
engendrent parfois des tremblements, des troubles de la coordination qui
empêchent le geste ou le ralentissent.
Tous ces phénomènes physiques, psychiques ou
cognitifs ont une incidence grave sur l'identité de la personne qui ne
se reconnaît pas dans cet être maladroit, hypovigilant et en perte
de ressources au niveau du savoir et du savoir faire. Cela génère
un manque de confiance en soi, une sous-estimation des compétences qui
conduit petit à petit à une dévalorisation de soi et
à un repli en soi. La maladie mentale peut être aussi à
l'origine de peurs, d'angoisses, de phobies qui coupent de la relation à
l'autre et rendent la personne vulnérable dans toutes les situations
où le contact social ne peut être évité, comme les
transports en commun pour se rendre à l'ESAT, la restauration
collective, le travail dans l'atelier.
Bien entendu une seule personne ne devra pas faire face
à tous ces problèmes, de plus les caractéristiques
personnelles, culturelles, sociales et professionnelles subsistent
malgré la maladie.
2. Naissance du projet
![]()
2.1 La loi 2005 et les passerelles vers le milieu
ordinaire
Les mises à disposition
Depuis le 1er janvier 2005, « pour leur
permettre de rejoindre le milieu ordinaire, les travailleurs handicapés
pourront être mis à disposition d'une entreprise afin d'exercer
une activité à l'extérieur de l'ESAT auquel ils
demeureront rattachés » 15(*)
L'accès aux contrats de travail de droit commun
« Lorsqu'une personne accueillie en ESAT conclut un
contrat à durée déterminée, un contrat
d'accompagnement dans l'emploi (CAE) ou contrat initiative-emploi (CIE) , elle
peut bénéficier avec son accord ou celui de son
représentant, d'une convention passée entre l'ESAT, son employeur
et éventuellement le service d'accompagnement à la vie sociale.
La personne handicapée devient alors salariée de
l'entreprise »16(*). L'article précise qu'en cas de rupture de
contrat, la personne est réintégrée de plein droit dans
son ESAT d'origine ou dans un autre.
Les mises à disposition sont une reprise de dispositifs
existants. Les travailleurs de l'ESAT Pierre Doussinet
bénéficient de cette ouverture sur le milieu ordinaire et de
cette passerelle vers des emplois en entreprises. Les détachements
individuels sont proposés à des personnes qui réunissent
les capacités et les compétences susceptibles de faciliter leur
intégration. Les détachements collectifs permettent aux usagers
de rester en contact avec les réalités du milieu ordinaire de
travail, de côtoyer d'autres personnes que celles de l'atelier, de
reprendre des repères, de se resocialiser, d'accéder à un
salaire supérieur. C'est une passerelle intermédiaire entre le
travail à l'ESAT et le détachement individuel.
2.2 Le nouveau projet associatif
L'association, suite à un colloque en 2006 et à
sa participation à un travail, en juin 2007, sur l'insertion
professionnelle des personnes handicapées psychiques en présence
de représentants de l'état et de l'Agefiph, a fait état
d'une réorientation de sa politique en matière d'insertion
professionnelle, dont un des supports serait un accompagnement de la
transition. « La fédération a élaboré un
texte très structuré et très concret montrant la
coopération indispensable entre les structures sanitaires et
médico-sociales, le propos étant particulièrement
illustré par l'organisation et les pratiques de Messidor autour de la
transition »17(*).
Une rencontre entre les membres de l'association et celle de
Messidor implantée en Rhône-Alpes a eu lieu pour poser les bases
d'un futur partenariat entre l'ESAT et cette structure gestionnaire
d'entreprise de travail protégé de transition. Elle a eu lieu en
dehors de toute présence de l'équipe salariée de l'ESAT.
2.2.1 Le responsable de l'ESAT
Il a été nommé en juin 2007. Il est
ingénieur des mines et titulaire d'un DESS CAAE (diplôme
d'études supérieures spécialisées, certificat
d'aptitude à l'administration des entreprises). Il a travaillé de
2000 à 2005 pour une entreprise agroalimentaire. Il n'avait aucune
connaissance en lien avec le fonctionnement économique et social d'un
ESAT ou à celui du handicap psychique. Il est maintenant à la
tête d'une structure qui présente beaucoup de similitudes avec une
entreprise du milieu ordinaire. Il a pour mission de répondre aux cadres
réglementaires et donner corps aux nouvelles orientations
définies par l'association et enfin de gérer un
établissement en profonde mutation structurelle, culturelle,
financière et organisationnelle. Il a, par ailleurs, une volonté
très affirmée d'ouvrir l'ESAT à d'autres pratiques.
Cette volonté affichée de l'association et de la
direction de saisir les opportunités offertes par la loi 2005 se heurte
à la réalité vécue par les usagers et les
professionnels.
2.2.2 Bilan des actions de formation et
d'intégration
Il a été réalisé pendant la
période de stage et révèle que de 1999 à 2005, il y
a eu huit sorties dont trois en entreprises adaptées. Trois des ces huit
personnes ont été réintégrées à
l'ESAT, une personne a fait une rechute, une autre en a fait le choix et la
dernière a été licenciée par l'entreprise
adaptée qui l'employait parce qu'elle a cessé son
activité.
Différents facteurs interviennent pour expliquer ce
faible taux de sorties. Ils ont été analysés par
l'animatrice spécialisée chargée du volet formation et
accompagnement des usagers vers le milieu ordinaire de travail :
« Le salaire à l'embauche n'est pas
forcément attractif. Il peut être moins important que celui
perçu en tant que travailleur handicapé entre l'AAH et la
rémunération ESAT.
Les conditions matérielles sont parfois un frein aux
détachements et à l'embauche parce que des facteurs externes
rentrent en ligne de compte, comme le fractionnement des horaires, le manque de
moyens de locomotion ou le coût des moyens de transport. Les conditions
de travail doivent être compatibles avec leur style de vie et leurs
moyens actuels.
Le niveau initial donne parfois accès à un
travail qui sollicite la mise en oeuvre des mêmes compétences mais
cela reste rare. Les tâches proposées sont souvent peu
attractives, voire dévalorisantes.
Les formations en alternance ont donné les meilleurs
résultats, ce qui peut démontrer que les personnes
handicapées psychiques ont besoin d'une ré-inscription dans un
cursus de formation pour retrouver des repères et recouvrer le
désir de travailler en milieu ordinaire. Mais cela nécessite en
amont un important travail de re-mobilisation des travailleurs et demandent un
financement très conséquent. Dans le cadre de l'ESAT les
formations à long terme ont été financées par des
fonds européens ou régionaux ».
Ce bilan fait ressortir un taux moyen de sorties de moins de
1%, taux comparable aux établissements de même type et
amène à deux questions, le milieu ordinaire de travail est-il
accessible à des personnes atteintes de handicap psychique et
l'insertion en milieu ordinaire fait-elle partie des priorités de
l'institution ?
2.3 Les freins à l'insertion
2.3.1 La loi 2005 peut-elle constituer un frein à
l'insertion?
Elle réaffirme la vocation médico-sociale des
ESAT ainsi que leur rôle dans l'insertion des personnes
handicapées et dans le même temps, elle définit de
nouvelles conditions d'emploi en structure d'aide par le travail et fixe de
nouveaux droits pour les usagers.
La question qui se pose alors est de savoir comment l'ESAT
appliquera ces nouvelles directives tout en gérant le paradoxe
décrit par Jean .René LOUBAT comme étant un
« grand écart permanent entre finalités sociales et
contraintes économiques »18(*). La rémunération des congés
maladie a déjà donné lieu, par exemple, à une
augmentation substantielle des absences puisqu'en moins d'un an, elles sont
passées de 9% à 15%. Certains usagers ont intégré
les avantages qu'ils pouvaient tirer de ce nouveau système. Il faut
rappeler que la structure doit déjà faire face à un taux
absentéisme déjà fort important dû à la
maladie mentale.
Quels pourraient être alors les choix possibles pour
répondre à cette double injonction :
Laisser partir des usagers qui, par leur aptitudes et leur
savoir faire, sont les plus à même de rentabiliser certains
secteurs d'activités et qui permettent par leurs actions d'accueillir
des personnes moins « rentables » et à qui la
structure est nécessaire pour se reconstruire.
Sélectionner les entrants pour compenser les
départs de ceux qui intègrent le milieu ordinaire du travail.
Prendre le risque d'accentuer les sorties alors que le milieu
ordinaire ne s'ouvre aux personnes handicapées que parce qu'il y est
contraint financièrement et ou parce qu'il y a des aides ponctuelles
pour l'aménagement d'un poste.
Prendre le risque de confronter les usagers à une
personne ou une entreprise déterminée par altruisme ou
philosophie à accueillir une personne malade mentale, mais qui ne sera
pas accompagnée dans sa démarche à la hauteur des besoins
de l'entreprise ni à ceux des usagers.
2.3.2 Les représentations
"Elles constituent un processus par lequel les personnes
reconstruisent la réalité et lui donnent sens, produisant un
savoir social qui influence la nature des relations entre personnes et entre
groupes. Ce processus suppose que la personne, confrontée
quotidiennement à une multitude d'informations, les simplifie, les
transforme, les interprète et se les réapproprie sous cette
nouvelle forme pour pouvoir communiquer et agir en
société"19(*).
Les représentations sociales de la maladie
mentale
« Les troubles psychiques pâtissent d'une
image extrêmement négative dans l'esprit du grand public. En fait,
ce sont les gens souffrant de troubles psychiques qui sont gravement
pénalisés.[...] La souffrance psychique dérange, fait
peur, ou pire, n'est pas crédible.[...] Les représentations des
"maladies mentales" engendrent la peur, donc l'intolérance et
l'exclusion. [...].Les représentations fausses sont bien
évidemment le résultat d'une absence d'information ou d'une
information erronée. Le "malade mental", comme on dit de manière
globale, mélangeant dans une fraternelle confusion toutes les formes de
souffrance psychique, est dangereux et incurable. Il est interné dans
des asiles où il est soigné (sans que l'on sache bien de quels
soins il s'agit) par des gens que l'on appelle les "psy" et qui sont en
général aussi fous que leurs malades. Les mots "maladies
mentales" pèsent d'un poids très lourd. Le public ne sait pas que
800 000 personnes sont suivies en France dans le seul secteur public pour
troubles psychiques dont 73000 sont hospitalisées tous les ans. Le
public ne sait pas que personne n'est à l'abri et qu'aujourd'hui 25% des
français connaissent dans leur entourage quelqu'un qui est en
difficulté. Le public ne sait pas que la souffrance psychique va du
chagrin d'amour à la schizophrénie en passant par toutes les
conséquences traumatisantes des accidents de parcours de l'existence."
20(*)
Mes représentations
Je suis une professionnelle qui côtoie la
"différence " depuis de nombreuses années mais ce n'est pas sans
appréhension que je me suis volontairement orientée vers ce
secteur.
Mon image de la "folie" est liée à
l'événementiel puisque je n'ai jamais été
confrontée par un proche à la maladie mentale. Ce sont donc les
médias qui, par intermittence, ont attirés mon attention en
relatant des faits extrêmement graves comme l'assassinat des
infirmières de Pau.
De tels évènements ne se sont pas produits
pendant la période de stage. La réalité vécue
à l'ESAT a été toute autre. J'ai côtoyé des
personnes dont les corps et les mots révélaient le handicap
psychique ce qui me permettait de me positionner en tant que professionnelle de
me différencier de l'autre, de me distancier parce que je savais
identifier la problématique et agir ou ne pas agir en
conséquence. Mais le plus déstabilisant a été de me
confronter à l'invisibilité du handicap qui dans un premier temps
ramène à soi et à la fluctuation des limites entre le
normal et le pathologique, puis questionne. Pourquoi ces personnes sont-elles
à l'ESAT alors que rien dans les attitudes, le langage ou les
compétences ne révèlent une quelconque atteinte de leur
intégrité psychique ? Cela donne une résonance toute
particulière aux propos d'Alfred Musset : "Ne
pouvant se
corriger de sa
folie, il
tentait de lui
donner l'
apparence de
la
raison".
Les représentations des employeurs
« La propension à discriminer les personnes
handicapées concernant l'emploi (accès à l'emploi et
qualité des emplois occupés) existe dans la population
française, même si la volonté d'intégrer est
indubitable ; il semble que la croyance selon laquelle le handicap
signifie systématiquement «faible productivité» soit
tenace et qu'une fraction non négligeable des individus
préfèrent que les personnes handicapées travaillent dans
des lieux réservés, plutôt qu'en milieu ordinaire. Cette
discrimination, intériorisée par les personnes
handicapées, ayant pourtant des capacités productives à
priori comparables aux autres individus, entraîne un sous investissement
éducatif de leur part".21(*)
Les limites de l'entreprise
Les entreprises du milieu ordinaire savent créer des
adaptations de postes pour des personnes handicapées moteurs, visuelles
ou malentendantes, elles peuvent proposer des tâches adaptées
à une personne déficiente intellectuelle. Mais, la maladie
mentale ne se compense pas, les mesures appropriées applicables aux
autres ne le sont pas aux personnes atteintes de handicap psychique. De plus,
il est difficile pour les employeurs de comprendre et de réduire la part
de l'imprévisible.
La maladie mentale confronte à cette
réalité qui ne peut être maîtrisée
complètement ni par le malade ni par celui qui l'emploie. Ainsi
même si un employeur est satisfait de la prestation d'un usager, il
hésite à l'embaucher parce que la méconnaissance et le
manque d'informations sur le handicap psychique génèrent presque
obligatoirement craintes et incompréhension.
2.4 Les freins institutionnels
2.4.1 Le quotidien des moniteurs est-il un frein à
l'insertion?
L'ESAT est pris en tension entre commandes sociales et
contraintes du marché. Les moniteurs jouent un rôle
déterminant au niveau de la production des biens et de la satisfaction
des clients comme dans une entreprise ordinaire, mais ils doivent aussi assumer
la particularité d'un ESAT, la gestion des gains et des pertes
d'activités. Ces différentes fonctions ont pour
conséquence de laisser peu de temps à la mission d'accompagnement
des travailleurs handicapés.
De plus les usagers, en comparaison d'une population
déficiente intellectuelle, sont plus voire totalement autonomes dans les
tâches et nécessitent peu de surveillance. Les règles de
sécurité sont bien intégrées et ils respectent
celles du règlement de fonctionnement. Les plus compétents
d'entre eux apportent souvent une aide spontanée à ceux qui le
sont moins. De fait, ils sollicitent peu l'attention des moniteurs.
Les moniteurs sont toutefois confrontés à
d'autres facteurs inhérents au fonctionnement institué ou
à la particularité des personnes qu'ils ont en charge, ils
ont :
Un nombre important de travailleurs dans certains ateliers ne
favorisant pas l'instauration d'une relation individuelle de qualité.
Paradoxalement un atelier qui comporte peu d'individus est souvent assujetti
à une demande de qualité et de rentabilité de travail qui
ne laisse pas beaucoup de place à un accompagnement ciblé sinon
celui de rendre le travailleur le plus performant possible dans sa
tâche.
Un turn-over conséquent des entrants et des sortants.
Chaque année, il y a 20% d'entrées et de 10 à 15% de
sorties dont moins d'1% sur un emploi en milieu ordinaire.
20% d'absences régulières liées à
la maladie mentale et un taux en augmentation constante des congés
maladies depuis que l'ESAT assure le maintien de la
rémunération.
Des départs constants vers des détachements
individuels et inconstants vers des détachements collectifs.
Enfin les moniteurs n'ont pas assez d'informations
quantitatives et qualitatives relatives à l'usager pour identifier les
besoins et les capacités de la personne et adapter l'accompagnement
relationnel à sa problématique. Ils n'ont pas pour la plupart de
formation particulière en matière de prise en charge de personnes
atteintes de troubles psychiques.
2.5 Les limites des usagers
Les travailleurs qui seraient capables de quitter
l'établissement ne le souhaitent pas toujours. A la question avez-vous
un projet d'insertion professionnel en milieu ordinaire (voir document en
annexe 1), ils ont évoqué ce qui pour eux constituait un frein
à une insertion en milieu ordinaire de travail
Le stress et la perte de mes moyens. (37 ans)
Avant je n'avais que des CDD et entre alternance de
chômage et d'hospitalisation, je vivais dans une grande
précarité (42 ans).
A 53 ans, on ne va pas travailler dans le milieu ordinaire, je
veux attendre d'être arrivée à la retraite.
Je n'ai aucune idée, je ne me sens pas capable d'aller
faire des stages parce que je n'ai plus confiance en moi. Je ne me vois pas
dehors (34 ans).
Le dehors c'est pénible. Déjà
pour moi, c'est pénible de faire le trajet pour venir au CAT, je ne suis
pas rassurée (34 ans).
Je préfère rester dans le milieu
protégé parce que personne ne fait de remarque sur ma lenteur et
il n'y a pas de risques de chômage.
Ce n'est pas une question de motivation qui m'empêche
d'envisager une réinsertion professionnelle mais je ne me sens pas la
force de quitter le milieu protégé. Il y a une
méconnaissance des employeurs sur nos problèmes particuliers (37
ans).
Je n'ai pas de qualification et le marché du travail
est fermé. Je serais intéressée par la vente mais je
préfère rester au CAT (36 ans).
Je n'ai pas de projet à l'heure
actuelle, mon projet c'est les détachements. Mes projets impossibles de
les réaliser, je voulais être psychiatre ou journaliste. (39 ans).
Les usagers dans leur grande majorité n'émettent
pas le désir de quitter l'ESAT même s'ils ont les capacités
suffisantes pour le faire. Il s'agit pour beaucoup d'entre eux
« d'une désorganisation de
l'intentionnalité »22(*) propre à certains troubles psychiques. Mais
les usagers peuvent aussi tout simplement ne pas souhaiter quitter un
établissement qui a mis au point des méthodes de travail
adaptées à leurs compétences, développé des
stratégies de production prenant en compte leurs capacités
effectives et leurs limites, où la dimension de l'accompagnement et du
soutien est toujours présente et surtout qui ne porte pas de jugement
sur ce qu'ils sont. Travailler en ESAT, améliore leur état
mental. le fait de travailler a un effet thérapeutique qui favorise leur
réadaptation psychique, leur donne le sentiment d'être comme les
autres et d'être insérés dans la société au
même titre qu'un salarié d'une entreprise du milieu ordinaire.
2.6 Le projet d'établissement
Chaque structure a l'obligation de revisiter son projet tous
les cinq ans pour réajuster son fonctionnement aux modifications de son
environnement et aux besoins des usagers. L'association réfléchit
aux moyens à mettre en oeuvre pour faciliter le passage des usagers du
milieu protégé au milieu ordinaire. Cela aurait du donner lieu
à la réécriture du projet d'établissement en
concertation avec l'équipe pour lui permettre de s'interroger sur ce qui
en interne constitue un frein à l'insertion.
L'ESAT a t-il mis en place un travail d'équipe
valorisant les sorties vers le milieu ordinaire ?
Le passage en milieu ordinaire est-il une priorité, ou
intervient-il lorsque des opportunités se présentent?
L'ESAT est soumis à de fortes pressions
économiques et budgétaires, est-il dans son intérêt
de laisser partir les travailleurs les plus productifs ?
L'ESAT a-t-il les moyens humains, financiers et
méthodologiques pour favoriser l'acquisition de compétences
professionnelles et pour programmer et organiser des actions en faveur de la
formation et l'intégration en milieu ordinaire ?
L'ESAT peut-il préparer qualitativement et
quantitativement l'usager à un travail en adéquation avec le
marché de l'emploi en milieu ordinaire ?
Les informations collectées sur les usagers
permettent-elles de savoir combien d'entre eux possèdent
véritablement la motivation, les capacités et le potentiel pour
concrétiser une demande d'insertion professionnelle ?
L'ESAT a-t-il les outils et la méthodologie pour
évaluer la pertinence et la faisabilité d'une intégration
en milieu ordinaire ?
Durant les vingt premières années de son
existence, l'ESAT a réinséré chaque année, 4 %
d'usagers en milieu ordinaire. Mais la crise économique actuelle et son
corollaire, le chômage ne facilitent pas l'accès à l'emploi
des travailleurs handicapés.
Toutefois dans le cadre des lois 2002 et 2005, l'équipe
a l'obligation d'aborder une nouvelle approche de l'usager, et ainsi de
réinterroger les missions institutionnelles et les finalités de
l'accompagnement afin de définir de nouvelles stratégies. Il
serait dommage qu'elle ne le fasse qu'en réponse à des
obligations internes ou externes et qu'elle ne saisisse pas
l'opportunité de réorienter ses pratiques sur un projet de
désinstitutionalisation de certains usagers. « Une
organisation trouve sa raison d'être dans la mission qui lui est
confiée et, dans le même mouvement, lui donne du
sens »23(*).
3. Préparer la transition
![]()
Introduction
Je tenais à dire, avant de passer à ce qui
constitue la dernière étape de cet écrit, que j'ai
rencontré des salariés qui malgré un contexte
économique morose et des conditions de travail difficiles, m'ont
étonnée par leur professionnalisme, leur écoute et leur
savoir faire.
Avant 2002, il n'existait pas de projet d'établissement
mais toutes les pratiques de cette organisation reposent sur les valeurs
thérapeutiques, symboliques, sociales et économiques du travail.
Le travail protégé est considéré comme facteur
d'insertion économique et sociale en permettant à la personne de
trouver une place dans la société.
La loi de rénovation de l'action sociale et
médico-sociale nécessite d'élaborer une approche plus
holistique du handicap et d'introduire des techniques et des procédures
visant à formaliser le sens des actions entreprises et à en
évaluer la pertinence pour les usagers. Or, ce qui m'est apparu,
après une période d'observation, c'est que le projet
d'établissement était la réponse à une commande
publique, mais n'était pas le reflet d'une réalité
vécue par les usagers et par certains membres de l'équipe. Son
élaboration a donné lieu à un travail collectif cependant
le consensus autour des missions ne semble avoir été
trouvé que dans l'écriture car il n'a pas abouti à une
modification des pratiques. Il s'agit alors, pour les cadres de l'ESAT et
notamment pour le chef de service d'opérer un recentrage du projet
d'établissement en direction des usagers, de construire une
méthodologie qui les prennent en compte dans leurs dimensions
personnelles, de structurer des pratiques centrées sur leurs besoins et
leurs attentes pour qu'à terme ils puissent mettre en oeuvre des
compétences et des aptitudes, issues de l'expérience, compatibles
avec les ressources internes et externes de leur environnement et notamment
celle qu'ouvre la loi 2005 en terme d'insertion professionnelle.
Les changements à produire sont d'importance et
reposent sur la volonté d'une équipe de dix huit personnes, soit
quatorze équivalents temps plein et la présence de cent usagers.
Ils requièrent une réorganisation des services, une
amélioration des outils et à mon sens de s'appuyer dans un
premier temps sur le savoir et l'expérience des opérateurs
spécialisés en insertion.
3.1 L'expérience des opérateurs
spécialisés en insertion de personnes handicapés
psychiques
Ceux-ci décrivent les étapes
préparatoires à un projet d'insertion et sont unanimes en qui
concernent les moyens à mettre en oeuvre pour qu'elle soit possible au
regard de la problématique de la pathologie mentale.
Il y a nécessité
D'évaluer la personne, d'une part pour mesurer la
symptologie et les risques que l'on lui fait courir et d'autre part pour
vérifier sa capacité à intégrer un dispositif
d'insertion et estimer ses capacités à occuper un emploi en
milieu ordinaire.
D'élaborer et de construire un partenariat avec
l'usager par l'intermédiaire d'entretiens individuels fréquents
pour présenter les dispositifs existants, pour échanger autour
des problématiques sociales, médicales et pour engager une
réflexion sur l'impact de la maladie et du traitement dans un
environnement de travail. Puis de préparer le projet individuel en
déterminant avec l'usager quel type d'emploi il aimerait trouver,
quelles sont les compétences et les aptitudes qu'il doit acquérir
et enfin l'informer sur ses futures conditions de travail et lui en exposer les
contraintes.
D'assurer un suivi : "La qualité de ce suivi et son
maintien dans la durée sont indispensables pour se donner toutes les
chances de consolider l'insertion et de maintenir la personne en emploi de
façon relativement durable"24(*). L'accompagnement est un facteur déterminant
de l'insertion. La plupart des opérateurs démontrent que la prise
en charge des personnes handicapées psychiques nécessitent un
suivi minimum de dix huit mois mais que dans l'absolu, une période de
trois ans serait plus adaptée parce que les rechutes interviennent
autour de la troisième année de placement.
La description de ces différentes étapes
souligne l'importance de la phase préparatoire à l'emploi qui
repose essentiellement sur la qualité de l'accompagnement. Modifier les
conditions de l'accompagnement suppose que l'équipe accepte de passer
d'une organisation « contrainte » à la
rentabilisation des activités commerciales à celle d'une
organisation en recherche d'équilibre entre logique commerciale et
logique sociale.
3.2 Accompagner le changement en posant les bases d'une
autre organisation
Les propositions qui vont suivre retraceront ce que j'ai
initié et proposé pendant la période de stage et les
suggestions et les recommandations que je pourrais faire à une
équipe dans une fonction de chef de service Je m'appuie pour cela sur ma
pratique professionnelle, sur la formation théorique CAFERUIS et sur
l'ensemble des éléments recueillis lors de rencontres avec la
Direction, les membres de l'équipe et enfin avec les usagers.
3.2.1 La gestion des conflits
Leur gestion me semblait être une priorité parce
qu'ils sont l'expression de différents entre salariés, et surtout
révélateur d'un climat d'insécurité et d'un manque
de consensus autour des objectifs. Ils nécessitent d'être
identifiés pour comprendre ce qui constitue les divergences de point de
vue.
Les conflits interpersonnels sont les plus importants et
dénotent d'une absence de contrôle ou d'une complaisance à
l'égard de certains salariés, ce qui a été le cas
avec les directions précédentes. Ils sont inscrits dans
l'histoire de la structure et s'invitent de façon récurrente dans
les réunions, ce qui occasionne des dysfonctionnements et nuit à
la dynamique de l'équipe. Pour y mettre un terme, il me semblerait
qu'une redéfinition des fiches de poste serait la solution la plus
adaptée à la situation. Les rôles et les tâches de
chacun des professionnels doivent être clairement identifiés par
la définition des champs d'intervention respectifs.
Quant ils ne sont pas interpersonnels, les conflits sont dus
à un fonctionnement en flux tendus dans les ateliers aggravés par
les départs constants de travailleurs vers des entreprises du milieu
ordinaire. Ils ne prennent pas racine sur le sens de ces détachements,
mais sur la nécessité d'avoir des usagers présents en
continu sur ces différents secteurs d'activité ESAT/entreprises.
Il serait souhaitable de revisiter en équipe, quels sont les objectifs
des détachements collectifs au regard du projet des usagers ou de
questionner les contradictions du système parce que plus qu'une
ouverture sur le milieu ordinaire du travail ou une passerelle vers une
intégration, le détachement collectif est ou est devenu une
activité économique rentable qui n'est pas représentative
d'un projet d'établissement centré sur les besoins de l'usager.
Ils sont aussi révélateurs d'un stress
lié à la gestion des pertes et des gains d'activité et
à la nécessité de travailler avec des moyens
diminués et des exigences de qualités accrues. Le chef de service
dans ce cadre ne peut faire que le constat d'une situation qui s'accentue et
qui est relayée par de nombreux cadres du secteur. Toutefois le
directeur pourrait atténuer ce phénomène en informant les
salariés sur la situation économique de l'ESAT qui pour
l'année 2007, par exemple, est équilibrée. Les moniteurs
pourraient ainsi se distancier de la productivité et se consacrer
à l'accompagnement de l'usager.
Les conflits sont encore accentués par l'absence de
réunions transversales. Elles favorisent, quand elles sont
instituées, la communication des salariés sur les dispositifs
institutionnels et sur l'analyse des pratiques et permettent à une
équipe de répondre à la question posée par Brigitte
BOUQUET, « Jusqu'où l'organisation est-elle cohérente
avec les finalités et les valeurs dont se réclame
l'institution ?»25(*) . Depuis l'arrivée du nouveau responsable, les
réunions techniques ont été remplacées par des
réunions institutionnelles d'une heure tous les quinze jours qui ne
contentent personne.
La régulation des relations entre salariés doit
nécessairement passer par une réorganisation en insistant en
particulier sur le développement de la communication. Dans cette
structure, il existe peu de temps et de lieux consacrés à
l'analyse des pratiques et à une réflexion sur la qualité
de la prise en charge des usagers et ceux qui existent, nécessitent
d'être aménagés différemment.
3.2.2 Développer la communication autour des besoins
des usagers
Les Réunions :
Les salariés font état, souvent
individuellement, que les réunions ne sont pas constructives et ne sont
que perte de temps. Les problèmes à traiter relatifs aux usagers
ou à l'activité commerciale sont, de fait, souvent abordés
et parfois solutionnés pendant des temps de communication informelle,
notamment pendant le repas. Ce n'est pas comme le définit Michel MOULET
« une zone d'autonomie et de liberté ». C'est un
mode de communication qui n'est pas marginal mais institué comme
réponse à une absence de temps consacré aux besoins des
professionnels.
Donner des espaces de paroles et d'échanges aux
salariés est essentiel et nécessite de les séparer
nettement les temps de réunion institutionnelle. L'ESAT a besoin de
redéfinir son utilité sociale, ses missions et ses valeurs et de
réajuster ses pratiques inscrites parfois de façon
routinière dans son fonctionnement. Il se heurte actuellement à
des bouleversements méthodologiques auxquels les salariés doivent
être associés pour assurer la pérennité sociale et
économique de son fonctionnement.
Les réunions représentent pour moi un moment
clef de la vie d'une institution. Il est fondamental que des temps
d'information et de communication soient clairement repérés et
inscrits dans un planning annuel de fonctionnement.
Il faudrait, en tout premier lieu, restaurer les
réunions techniques et les construire autour de deux temps
différenciant ce qui appartient aux activités commerciales, de ce
qui doit relever d'une réflexion autour des pratiques. Une
réunion d'une heure par mois serait consacrée à la gestion
des activités en présence des moniteurs d'atelier et
animée par le moniteur chef d'atelier en charge de la gestion des
ateliers. Une autre serait animée par le chef de service et
réunirait tous les professionnels autour des besoins des usagers.
Favoriser une communication transversale et ascendante serait une de mes
priorités.
Des réunions institutionnelles regroupant l'ensemble
des salariés à chaque fin de trimestre permettraient de garantir
la cohérence, de maintenir un sentiment d'appartenance et de faire le
point sur les sujets à traiter le trimestre suivant.
Les réunions de coordination des cadres. Compte tenu
des injonctions économiques et réglementaires auxquelles le
responsable doit faire face, il souhaite déléguer certains de ces
pouvoirs. Mais cela va nécessiter un réajustement du rôle
de chacun et notamment celui du moniteur d'atelier chef chargé des
activités commerciales au regard de la fonction de chef de service,
coordinateur des projets qui n'est pas reconnue actuellement. Le chef de
service « doit être pleinement pourvu de l'autorité, de
la compétence et des moyens nécessaires pour remplir sa
mission »26(*).
Le responsable doit asseoir un équilibre entre l'activité
commerciale et l'accompagnement des usagers.
Chaque réunion fera l'objet d'un ordre du jour soumis
quelques jours auparavant aux salariés concernés. Les questions
émanant des participants devront être portées à la
connaissance de la direction et/ou le chef de service avant son ouverture.
3.2.3 Donner du temps
Aucun des salariés de l'ESAT n'a de temps de
préparation prévu au planning. Ceux qui ne sont pas en charge
directe des travailleurs s'organisent comme ils l'entendent en fonction des
besoins de l'institution. Par contre, les moniteurs n'ont pas de temps
affecté pour préparer les différentes réunions
auxquelles ils participent. Ils sont constamment en charge des usagers. Ils
doivent être associés aux transformations qui se profilent. Il est
important de transférer du temps économique à du temps de
préparation pour que s'installent de nouvelles pratiques.
L'annexe n° IX de la convention collective de
195127(*), stipule que
dans le cadre de la durée hebdomadaire de travail les personnels
d'encadrement des ateliers consacreront les 9/10 de leur temps de
travail avec les adultes handicapés. Le 1/10 du temps de travail
restant en activités diverses définies sous l'autorité de
l'employeur, notamment préparation du travail, rapports avec les
entreprises, réunions de synthèse, et effectuées sous son
contrôle.
Les moniteurs devront déterminer quels sont les temps
forts et les temps faibles de leur activité économique afin
d'inscrire dans leur fonctionnement 1/10, soit 3 heures 50 de leur temps
à l'écriture des documents relevant de leur fonction, grille
d'évaluation, rapport de synthèse et élaboration du projet
individualisé.
3.2.4 Redéfinir la fonction des moniteurs
d'atelier
Certains moniteurs s'interrogent sur le sens à donner
à leur pratique, mais ils ont du mal à faire entendre leur
différence. Leurs fonctions actuelles sont essentiellement d'assurer
l'organisation de l'atelier et le service aux entreprises alors que la
volonté exprimée par les lois 2002 et 2005 est la prise en compte
de la personne accueillie. Cela m'amène à poser la même
question que René LOUBAT, qui sont les vrais clients de l'ESAT
« les donneurs d'ouvrage ou les travailleurs en situation de
handicap » ? 28(*). L'accompagnement des travailleurs handicapés
est phagocyté par les contraintes économiques et
organisationnelles. Si le vrai « client » est l'usager, il
y a lieu alors de redéfinir les fonctions de moniteurs d'atelier.
Le CERF TP (Centre d'étude, de recherche et de
Formation du Travail protégé) a identifié quatre fonctions
principales :
« Analyser individuellement et collectivement les
situations rencontrées et partager un diagnostic avec une équipe
de travail, fonction guidance/accompagnements,
Se doter d'outils pertinents d'évaluation des
capacités instrumentales des personnes accompagnées et des
situations de travail, fonction évaluation et conception des espaces
d'activité
Participer au développement et /ou au maintien des
potentialités des personnes accompagnées, fonction
apprentissage/formation
Participer au développement économique et
social de son environnement professionnel, fonction, organisation/gestion de
production ».29(*)
Ces fonctions définissent les termes d'une prise en
charge résolument tournée vers un accompagnement centré
sur les besoins et les attentes de l'usager. Poser les bases d'un autre
référentiel métier serait une priorité mais cela
nécessitera que le responsable et l'équipe engagent une
réflexion sur l'organisation du secteur d'activités. Il est
impensable de remplir l'ensemble de ces fonctions dans un atelier où
vingt à vingt sept travailleurs sont sous la responsabilité d'un
seul moniteur.
3.2.5 Informer et communiquer
Dans l'équipe, ce sont les moniteurs qui ont les
contacts les plus fréquents avec les usagers. Il serait logique qu'ils
contribuent à la définition des objectifs à mettre en
oeuvre pour concrétiser les différentes missions définies
par le cadre réglementaire et par l'association. Ces objectifs
nécessitent de développer des compétences autres que
celles liées à l'organisation et à la rentabilisation du
secteur d'activité. Or si la plupart des moniteurs sont au fait des deux
dernières lois 2002 et 2005, ils n'ont pas encore intégré
les modifications profondes qu'elles allaient générer sur les
règles et les usages établis antérieurement et n'ont pas
tous mesuré la portée de l'évaluation externe. Le
développement de nouvelles stratégies doit passer par une
information et une communication sur les nouvelles orientations pour que la
nécessité de changement soit clairement perçue par
l'ensemble des salariés.
Les temps impartis à l'information et à la
communication sont restreints et ne sont pas facilités par l'agencement
des locaux. Les ateliers sont éloignés les uns des autres et les
informations comme la documentation sont entreposées dans la partie
administrative où les moniteurs ont peu l'occasion de se rendre. L'ESAT
possède un parc informatique fonctionnant en réseau mais son
utilisation est réservée aux activités économiques
et n'est pas ou peu axé sur un partage des ressources documentaires.
La responsabilité de chef de service est d'assurer une
bonne communication dans l'entreprise pour harmoniser les fonctionnements des
professionnels et favoriser l'échange et la capitalisation des
connaissances.
3.2.6 Optimiser le potentiel du personnel
L'enjeu du changement pour L'ESAT est d'intégrer les
contraintes externes et de développer son adaptabilité à
un environnement en pleine mutation, dont la plus importante est l'ouverture
sur l'emploi en milieu ordinaire. La formation est un axe de
développement que le chef de service se doit d'accompagner pour ceux qui
veulent acquérir des compétences complémentaires et
s'ouvrir à d'autres pratiques, et de soutenir et mobiliser les
salariés à s'engager dans le changement.
Définir des stratégies de formation, notamment
celles des moniteurs d'atelier pour les faire passer d'une logique
institutionnelle basée sur le travail à une logique de service et
d'accompagnement de l'usager, est l'une des actions prioritaire à
engager.
3.2.7 Modifier les critères d'embauche
Dans les trois années à venir, des
salariés vont quitter l'entreprise. Le responsable a
l'opportunité d'ouvrir l'ESAT à une nouvelle politique de
recrutement en définissant les qualifications et les compétences
attendues des futurs moniteurs d'atelier.
Le poste d'animatrice spécialisée va être
vacant dans les prochains mois. Son remplaçant devra réinvestir
le pôle formation, les détachements individuels et les projets
professionnels.
Son rôle serait de développer des actions en lien
avec les entreprises et de constituer un réseau local, de rechercher en
priorité des lieux de stages en rapport avec le niveau initial de
l'usager, pour lui donner accès à un travail qui sollicite la
mise en oeuvre des mêmes compétences et où les tâches
proposées seraient attractives. Toutes ces étapes doivent se
construire sur une étroite collaboration entre tous les intervenants de
l'ESAT car les travailleurs ont besoin d'être soutenus et
accompagnés dans toutes les phases de leur projet d'insertion. Cette
personne devra en outre établir un lien étroit avec les
différents services spécialisés dans la formation ou le
placement de travailleurs handicapés psychiques en entreprises.
3.2.8 Les détachements collectifs
Les détachements restent malgré leurs
imperfections actuelles, une alternative à l'emploi la plus
adaptée à la particularité du handicap psychique. Mais ils
doivent faire l'objet d'une redéfinition en équipe
pluridisciplinaire car actuellement ils ne sont plus qu'une filière
économique. De plus l'ESAT est dans une véritable
dépendance financière vis-à-vis d'un des
détachements collectifs, puisque le travail réalisé pour
cette entreprise représente 70% de son activité commerciale. Il
faut évaluer le risque de la perte possible de cette activité et
trouver d'autres lieux de détachements, puis reposer la question du
sens. Quels sont les fondements qui ont posé les bases de cette
pratique, quelle en est sa logique, quelle prestation de service le
détachement rend-il aux usagers, quelles perspectives leurs
offre-t-il ? Les usagers doivent continuer à
bénéficier d'un régime d'alternance ESAT/Entreprise parce
que cela correspond aux besoins et aux attentes de ceux qui ne pourront pas
quitter l'ESAT. Mais pour ceux qui seraient susceptibles de concrétiser
un projet d'insertion en entreprise, il est primordial que les
détachements collectifs redeviennent un palier qui les amène
progressivement à sortir des murs de l'ESAT et à
reconquérir des savoirs, savoirs faire et savoir être.
3.2.9 Les activités
Mon objectif serait de proposer aux salariés, en accord
avec la direction, de réfléchir à la création d'un
atelier où la demande de performances serait plus importante pour
préparer les usagers à des conditions de travail qui ne soient
pas aménagées en fonction de leurs compétences actuelles
mais en fonction des exigences de rentabilité et d'adaptabilité
aux taches et aux situations des entreprises du milieu ordinaire. Il existe des
locaux libres qui pourraient être utilisés par le responsable de
l'ESAT et donner lieu à la création d'une activité qui
assurerait un début d'autosuffisance, plus de latitude par rapport
à l'offre des entreprises et plus d'intérêt pour les
usagers.
3.3. Structurer l'organisation autour des besoins des
usagers
3.3.1 Dossier unique et secret professionnel
partagé
Depuis la loi 2002, l'établissement est dans
l'obligation de constituer un dossier unique consultable par l'usager. Cela
ouvre à l'opportunité de rendre lisible son parcours et de
mesurer l'efficacité de son accompagnement.
Le dossier unique a aussi l'avantage d'assurer une gestion
fiable des informations et d'en partager le contenu avec tous les
professionnels ce qui devrait moins pénaliser les moniteurs d'atelier
qui n'ont accès qu'à des informations partielles qui ne sont pas,
à mon sens, suffisantes. Le savoir qu'ils acquièrent de la
personne repose essentiellement sur les observations réalisées
dans le cadre de l'atelier. Cela réduit l'usager à un
présent qui n'est révélateur que d'une partie de son
identité et aboutit à un phénomène relaté
par un usager, « L'équipe est sympathique mais certains
moniteurs nous infantilisent et ne nous respectent pas. ».
Ces propos sont tenus par une jeune femme qui a
été chef d'entreprise pendant dix ans et est atteinte de troubles
bipolaires. Ils interrogent sur la qualité de l'accompagnement et sur le
regard que pose les professionnels sur leur différence. Ce qu'elle
relate est un épiphénomène qui n'est pas
révélateur des relations instituées entre usager et
moniteur mais qui nécessite d'être traité par une
démarche managériale appropriée.
Ces attitudes ou ces paroles relèvent de sanctions
disciplinaires quant il est constaté un manque de respect de
l'intégrité physique et morale de l'usager. Mais avant tout,
elles attestent d'un manque de formation et d'informations sur la
problématique de la maladie mentale et de ses conséquences. Le
secret professionnel partagé pourrait asseoir les bases d'une
connaissance qualitative et quantitative des usagers et améliorer
l'accompagnement.
De plus, cela permettrait de travailler en équipe sur
l'élaboration d'actions de communication en direction des futurs
employeurs. Ils doivent être informés sur la personne qu'ils
seront amenés à accueillir par une sensibilisation au handicap
psychique. Cette action doit être mise en oeuvre sans pour autant
dévoiler des informations confidentielles ou intimes. Il est important
aussi de définir les limites de cette information car il ne faut en
aucun cas stigmatiser une personne avant son arrivée dans
l'entreprise.
Les usagers, par l'intermédiaire du CVS ou par celui
des activités de soutien, pourraient être associés à
cette réflexion et déterminer ce qu'ils leur sembleraient utiles
de dévoiler ou non à un futur employeur.
3.3.2 L'accueil des stagiaires
Le temps est un facteur qui conduit subrepticement l'usager
à s'installer dans une routine qui sécurise son parcours. Il est
nécessaire à la stabilisation de la maladie, à
l'adaptation à un nouvel environnement et à la reprise de
repères, mais il freine sans aucun doute les sorties vers
l'extérieur. Instruire le stagiaire sur les différentes
possibilités qui s'ouvrent à lui, dès la période
d'essai peut construire la première étape d'un projet de
désinstitutionalisation progressive et à l'ouverture d'un projet
encadré vers un travail en milieu ordinaire. Cela suppose que
l'équipe se tourne résolument vers des prestations plus
individualisées reposant notamment sur la qualité des premiers
entretiens.
3.3.3 Guide des entretiens
L'accueil des stagiaires et le suivi des travailleurs de
l'ESAT reposent sur des entretiens donnant un état des lieux des besoins
et des attentes l'usager. A l'heure actuelle, les écrits relatifs
à l'usager sont les informations recueillies par l'assistante sociale et
par le médecin psychiatre et le coordinateur des projets. Il n'y a pas
ou peu de traces des écrits des moniteurs d'atelier. La restitution par
oral de l'entretien préalable à la réunion de projet
dénote parfois d'un manque de savoir faire qui ne permet pas de
s'enrichir de connaissances et d'informations sur l'usager et laisse place
à une grande subjectivité.
Je proposerais donc d'élaborer un guide pour aider les
membres de l'équipe à structurer les entretiens et à
faciliter les échanges d'informations. Il pallierait aux
difficultés d'expression de part et d'autre et ne laisserait pas de
place à l'improvisation ou à l'humeur du moment. Cela garantirait
à l'usager une certaine neutralité et objectivité dans sa
conduite puisqu'il reposera sur une trame commune. La formalisation par
écrit laissera une trace à laquelle les différents
partenaires et l'usager pourront se référer. Le dossier unique
n'a pas pour objectif de n'être qu'un document administratif mais bien
d'être le lien entre le passé, le présent et le futur en
construction de l'usager et la mémoire des actions entreprises par les
membres de l'équipe.
La qualité de l'entretien repose aussi sur la
qualité de l'accueil de l'usager et sur le temps qui peut lui être
consacré. Un ou des lieux pourraient être aménagés
pour garantir un minimum de confort et de discrétion à
l'écart de l'atelier.
3 2.4 L'évaluation des compétences
Pour les deux paragraphes suivants, il est important de
signaler que compte tenu du nombre important de travailleurs handicapés
et du nombre restreint de salariés, l'examen de la situation des usagers
autour du projet individuel n'a lieu qu'une fois tous les deux ans. Cela
suppose alors de poser les bases d'une organisation qualitative.
Une grille d'évaluation avait été
élaborée en équipe, (voir document en annexe 2). Cependant
les moniteurs relataient, lors de rencontres informelles, qu'elle avait des
inconvénients majeurs.
Elle devait être remplie tous les mois ce qui ne leurs
semblait pas justifié et elle ne différenciait pas les niveaux de
compétences des usagers. De plus, elle ne permettait pas de
déceler si une personne avait re-acquis assez de compétences et
de savoirs faire pour intégrer le milieu ordinaire. Elle n'était
pas utilisée par une partie de l'équipe. Elle ne servait pas de
support à l'élaboration du projet individuel et enfin, je ne
trouvais pas l'outil en adéquation avec les exigences requises pour
accompagner l'usager vers une insertion en milieu ordinaire.
Evaluer l'usager aurait dû renvoyer l'équipe
à se positionner sur ses pratiques, à les définir pour
construire une trame commune de référence culturelle et
professionnelle. « La question du référentiel est
centrale dans la démarche évaluative puisqu'il constitue ce par
rapport à quoi les acteurs se mettent d'accord pour
évaluer »30(*) Une grille d'évaluation aide à la
définition du service rendu aux usagers. Elle interroge sur
l'activité en terme qualitatif et quantitatif et sur les objectifs
recherchés. Elle donne un cadre à l'intervention, donne du sens.
Elle quantifie les performances de l'usager et donne une base la plus objective
possible à ce qui doit être observé. Elle procure les
moyens de se confronter à la subjectivité et interroge sur ce qui
la motive. L'évaluation doit permettre à l'usager
d'apprécier sa valeur et de lui apporter un savoir sur lui-même
qui à terme peuvent infléchir le cours de son histoire.
Personne à l'ESAT n'avait été
formé à l'évaluation des compétences et à la
méthodologie de projet. Pour aider et accompagner l'équipe dans
sa démarche d'appropriation des outils de la loi 2002, j'ai
initié la protocolisation d'actions et de conduites en m'appuyant sur
mes compétences et sur des documents et les connaissances acquises
pendant la période de stage
Je me suis inspirée d'une étude
réalisée par le réseau Galaxie31(*), spécialisé en
insertion professionnelle des personnes handicapées psychiques pour
créer une nouvelle grille. Cette étude décrit dans chaque
champ, cognitif, professionnel, relationnel et identité personnelle,
quelles sont les difficultés rencontrées par les personnes
atteintes de maladie mentale. Ces difficultés ont été
reformulées pour les faire apparaître sous forme d'aptitudes afin
de mesurer plus précisément les capacités et les
compétences mais aussi le rapport de l'usager à lui-même et
à son environnement.
La nouvelle grille reprend aussi certains des critères
inscrits dans celle réalisée par l'équipe. Elle a
été expérimentée dans chaque atelier une fois sinon
deux et les remarques des moniteurs et des usagers, quand il a
été possible de les associer à ce travail, ont
été prises en considération et ont modifié la
structure de la grille initiale.
L'outil élaboré (voir document en annexe 3)
permet d'identifier les savoirs faire mais aussi les savoirs, et savoirs
être et répond à la nécessité
d'évaluer l'usager en fonction de critères quantifiables et
qualifiables qui soient transférables en milieu ordinaire. Se mettre en
action pour réaliser un travail, une tâche ne peut être,
à mon sens, réduit à des aptitudes professionnelles et
comportementales. Comme l'indique Christophe Dejours,
« le fait de travailler » fait appel
à une multitude de processus : « des gestes, des savoir-faire,
un engagement du corps, la mobilisation de l'intelligence, la capacité
de réfléchir, d'interpréter, de réagir à des
situations, mais c'est aussi le pouvoir de sentir, de penser et
d'inventer »32(*).
3.3.5 La personnalisation de l'accompagnement
L'essentiel de l'énergie de l'association Croix Marine
et de l'ESAT s'est polarisé sur l'écriture du projet
d'établissement et sur la mise en oeuvre de la démarche
qualité.
Pour le projet individuel, L'ESAT a répondu au cadre
réglementaire en instituant un dossier unique où sont
répertoriés un rapport de synthèse et des entretiens
individuels, un rapport sur la réunion de projet, un rapport sur le
suivi du projet individuel. Ces différents documents sont
centralisés par le moniteur chef d'atelier, coordinateur des projets.
Mais de mon point de vue, la "mécanique" de production du projet
n'était pas satisfaisante d'une part parce que la grille
d'évaluation ne servait pas de support à son élaboration
et d'autre part parce que la réunion s'apparentait à une
formalité administrative visant à recueillir des informations
générales sur l'usager et à transcrire ses souhaits.
A aucun moment n'était évoqué l'aspect
opérationnel du projet qui aurait dû faire ressortir comment, avec
qui et avec quels moyens; l'équipe prévoyait d'aider l'usager
à produire des changements, à améliorer ses
compétences, à modifier ses attitudes. La loi
2002 demande expressément aux
établissements du secteur social et médico-social
« d'assurer à l'usager une prise en charge et un
accompagnement individuel de qualité favorisant son
développement, son autonomie et son insertion, respectant son avis
éclairé ou celui de son représentant ».
La capacité de l'ESAT à personnaliser les
services rendus devait nécessairement passer par la production de
projets adaptés aux spécificités de chaque usager. Pour
répondre à cette exigence, j'ai constitué un dossier
technique pour soutenir l'équipe dans sa démarche d'appropriation
d'outils et notamment la méthodologie de projet. Je me suis
appuyée sur les dispositifs que j'utilise à l'IMP et qui
pouvaient en l'état s'adapter aux besoins de l'équipe et à
ceux des usagers.
Comme pour la grille d'évaluation, j'ai
accompagné la démarche en informant et communiquant sur la
fonction déterminante du projet individuel qui invite à revisiter
les pratiques pour passer de l'intention à l'action, pour optimiser la
qualité de l'accueil et moduler les réponses apportées
à la problématique de l'usager. Pour les moniteurs d'atelier, le
projet individuel doit avoir pour fonction de redynamiser et d'accentuer leur
fonctionnement autour des besoins des usagers en les engageant à
définir des objectifs opératoires et
hiérarchisés.
Au cours de cette période, je me suis heurtée
à la résistance voire à l'opposition des moniteurs ayant
le plus d'ancienneté parce que c'est une méthodologie qui prend
du temps et nécessite d'en comprendre le mécanisme d'une part et
d'autre part parce que pour eux, le fonctionnement actuel correspond aux
missions qui leur ont été confiées par les directions
précédentes et par l'association. Par contre une majorité
des salariés ont adhéré à la démarche parce
qu'elle les aidait à construire une autre approche des usagers, à
situer le cadre de leurs interventions, à positionner leurs pratiques
ailleurs que dans le champ de l'activité commerciale. Le travail
engagé leur a permis de faire entendre leur différence et de se
construire une identité de travailleur social plus en rapport avec leurs
attentes.
Il demeure une dernière étape à
formaliser pour mettre en adéquation la méthode avec l'intention
de personnaliser le service à rendre à l'usager. C'est donner un
cadre aux réunions de projet. Elles devront s'appuyer sur une trame
commune de recueil d'informations.
Chaque dossier comportera un compte rendu des entretiens, le
résultat de l'évaluation des compétences pour permettre de
dresser un bilan des capacités et des comportements et faire ressortir
les points forts et les points faibles de l'usager et le recueil de ses
attentes. Tous ces documents seront archivés dans un dossier unique pour
assurer la traçabilité de toutes les actions effectuées.
Le temps initial imparti à chaque usager est d'une demi-heure ce qui me
semble être insuffisant si l'on veut à la fois être
informé sur la personne par les différents intervenants et poser
les bases de son accompagnement. Une heure voire une heure trente me
paraîtrait plus judicieux d'autant que l'examen de la situation de
l'usager n'est possible actuellement que tous les deux ans.
3.3.6 Construire un nouveau savoir et savoir faire des
usagers
Malgré la détention de diplômes, d'une
capacité intellectuelle souvent performante et d'une expérience
professionnelle, certains usagers peuvent difficilement intégrer le
milieu ordinaire parce qu'ils ont une perte d'efficience cognitive et
relationnelle. Le marché de l'emploi a des exigences professionnelles
très fortes dans certains secteurs d'activité ce qui ne peut
faire, actuellement, l'objet d'une formation pratique à l'ESAT. Ces
emplois qualifiés restent difficilement accessibles à une
population fragilisée par l'instabilité de la maladie et par les
échecs successifs rencontrés dans les parcours professionnels
antérieurs. Pour la plupart des usagers, il ne reste souvent qu'à
faire le deuil du travail rêvé et d'accepter des emplois moins ou
sous-qualifiés mais qui demandent néanmoins de s'approprier de
nouveaux savoirs théoriques et pratiques. Du fait de la
particularité de la maladie mentale, les formations doivent être
associées à des périodes de stages et à un suivi
individualisé puisque ce sont ces pratiques qui donnent les meilleurs
résultats. Les bénéficiaires de l' ESAT cotisent à
la formation professionnelle continue et ont donc la possibilité
d'effectuer des stages de formation complémentaire. Mais des formations
de ce type sont longues et coûteuses et requièrent de constituer
un réseau de partenaires. Cette fonction doit être définie
comme prioritaire et sera affectée à celle ou celui qui
remplacera l'animatrice spécialisée.
3.4 Favoriser l'expression des usagers
La plupart des institutions accueillant des personnes n'ayant
pas ou peu accès au langage se heurtent à cet aspect de la loi
2002 parce qu'elles ne savent pas comment donner une place à la parole
de l'usager quand le handicap restreint sa capacité à se faire
entendre. A l'ESAT, la problématique se situe à un autre niveau
que celui du langage et de la compréhension. Pour moi, et dans ce
contexte particulier, favoriser l'expression des usagers va au delà de
la mise en oeuvre des outils prévus par la loi 2002. Elle
nécessite de repenser les modes de communication et de modifier la
conception que les professionnels se font de l'usager et du rôle qu'il a
à jouer dans son parcours et dans l'institution.
Les travailleurs de l'ESAT ont démontré, par
l'intermédiaire du questionnaire et par la participation de certains
à la grille d'évaluation et l'élaboration de leur projet,
qu'ils étaient en capacité de comprendre et d'analyser les
pratiques de la structure et en mesure de se poser en tant qu'acteur de leur
parcours même si cela nécessitait un ajustement par rapport
à leur pathologie.
La mise en place de telles actions ont fait surgir des
réticences et résistances de quelques membres de l'équipe
à l'égard d'un mode relationnel qui nécessite le
développement de réponses particulières du fait de sa
nouveauté. Les réticences formalisées sont à
entendre et comprendre car elles s'appuient sur l'observation continue de
personnes fragilisées par les fluctuations de la maladie. Les
résistances sont apparues parce que l'introduction de telles pratiques
remet en cause les bases du rapport aidant/aidé, inscrit dans le champ
du médico-social depuis des décennies. La libération de la
parole de l'usager et le renforcement de ses droits exposent le salarié
à un contre pouvoir et « interroge en profondeur les
modalités et la nature de la relation entre professionnels et
usagers »33(*).
Mon rôle de cadre intermédiaire est d'entendre et
comprendre les réticences et de faire tomber les résistances car
le cadre définit par la loi se doit d'être appliqué
même s'il nécessite des ajustements.
De plus, j'ai démontré que ce mode de
communication avec l'usager, sur les différentes prestations
proposées, apportait des informations qualitatives et construisait une
relation plus équitable ne remettant pas en cause, pour le moment, le
rapport usager/salarié. Les travailleurs de l'ESAT ont simplement
révélé des ressources qui ne demandaient qu'à
être utilisées et valorisées.
Cependant à terme, les nouvelles conditions de prises
en charge vont avoir des conséquences sur la responsabilisation de
l'usager. La loi 2002 est très claire à cet égard en
indiquant que « la participation directe de l'usager à la
conception et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et
d'accompagnement qui le concerne sera recherchée ». De plus le
contrat de soutien et d'aide par le travail va modifier considérablement
les rapports entre usagers et professionnels et ces derniers doivent les
intégrer comme un nouveau processus relationnel parce qu'il leur est
demandé de modifier leurs représentations et leurs pratiques.
3.5 Le soutien de deuxième type
L'ESAT est une structure dans laquelle aucune action de
soutien n'a pas trouvé sa place. Son absence
résulte du fait que le fondateur ainsi que les membres de
l'équipe pensent qu'il n'y a pas lieu d'intervenir dans un autre champ
d'activité, d'autant qu'au sein de l'association existent des structures
qui prennent en charge tout ce qui n'est pas référé au
travail. L'ESAT est avant tout un lieu de travail. Pourtant
« fournir aux personnes accueillies une activité
professionnelle adaptée ainsi que des soutiens sociaux, psychologiques,
médicaux et éducatifs qui permettront son épanouissement
personnel et son intégration sociale » sont deux missions
distinctes redéfinies dans la loi 2005. Le soutien de deuxième
type est donc à inscrire dans les pratiques institutionnelles. Il doit
trouver sa place et sa légitimité et servir de support à
des actions en faveur des usagers : réunions collectives ou
individuelles sur des projets d'insertion en entreprise, travail sur la
re-médiation cognitive, constitution de groupes de paroles
encadrés par le médecin psychiatre ou par l'assistante sociale,
selon les besoins. Il pourrait aussi infléchir le taux
d'absentéisme et ralentir les passages à mi-temps en permettant
à certains travailleurs de couper le rythme de la semaine parce qu'il
ouvrirait sur un temps différent de celui du travail, dans un espace
où l'on attend rien de l'usager, juste qu'il soit lui.
3.6 Ouvrir sur l'extérieur
Le directeur a entrepris différentes démarches
pour pallier la méconnaissance et le déficit d'informations sur
le handicap psychique. Il a ouvert les portes de l'ESAT à l'organisation
d'une réunion du club des 1000 entreprises auvergnates. Ce sont dans la
plupart des ateliers, les travailleurs handicapés, comme il l'avait
demandé, qui ont dialogué avec les entrepreneurs et
restitué leur savoir et savoir faire sur leur poste de travail. Les
invités ont été impressionnés par le
professionnalisme des usagers et certains se sont engagés à
donner des travaux plus en relation avec leurs compétences. Suite
à cette visite, les chefs d'entreprise ont
bénéficié d'une information visant à les
sensibiliser à la problématique du handicap psychique en
insistant notamment sur la différence qui existait entre maladie mentale
et déficience intellectuelle. Cela pourra avoir à terme avoir une
incidence sur les prochaines propositions de travail.
Il a reçu et fait visiter la structure à des
étudiants en psychologie. Il leurs a été donné une
information sur le fonctionnement d'un ESAT spécialisé dans
l'accueil de personnes atteintes d'un handicap psychique. Ils ont
appréciés de pouvoir adjoindre la théorie à des
observations de terrain.
Ces différentes actions participent à l'objectif
du responsable d'ouvrir l'ESAT à d'autres pratiques. Informer et
communiquer sur le handicap psychique est une étape importante pour
faire évoluer les représentations de ceux qui seront
appelés à côtoyer ces personnes dans le cadre d'une
entreprise ou dans celui d'un accompagnement psychologique.
Dans cette troisième partie, j'ai voulu
démontrer qu'il existe une marge de progrès pour diversifier les
approches du handicap psychique par le recentrage des pratiques sur la
personnalisation de l'accompagnement des usagers mais que cela requérait
en amont de réorganiser en profondeur le fonctionnement de l'ESAT.
Il reste une dernière étape à finaliser
pour répondre aux exigences de l'évaluation externe qui, on le
sait, appuiera son expertise sur l'observation des pratiques sur le terrain.
Le Directeur de l'ESAT doit, en concertation avec l'ensemble
des membres de l'équipe, passer à l'écriture d'un projet
d'établissement qui redéfinisse clairement les missions et les
actions à mettre en oeuvre pour répondre aux besoins et aux
attentes des usagers. Dans ce cadre particulier, il y a lieu de
privilégier « le processus qui contribuera à la
constitution ou au renforcement d'une culture commune, à l'appropriation
par tous du projet » en cherchant « à impliquer
l'ensemble des professionnels, voire des usagers ».34(*) .
4 Conclusion
![]()
J'ai sans doute donné, à certains d'entre vous,
le sentiment que je suis arrivée à l'ESAT comme devant une page
blanche et que j'ai par l'intermédiaire de ma plume, refonder,
rénover et restructurer un établissement spécialisé
dans l'accueil de personnes handicapées psychiques.
Cela n'est pas le cas, j'ai ajusté mon positionnement
de chef de service à une culture et à des pratiques
catégorielles qui offrent depuis plus de cinquante ans, par
l'intermédiaire de l'association et de l'ESAT, une alternative tout
à fait appropriée à l'hospitalisation. J'ai simplement,
parce que je n'avais au départ aucune connaissance d'un fonctionnement
social et économique d'un ESAT, pas plus que d'information ou de
compréhension des particularités des usagers et parce que j'avais
un vécu institutionnel important, posé un autre regard sur une
structure et des personnes confrontées à des changements
importants auxquels elles doivent s'adapter. Outre le fait d'être dans
l'obligation de répondre à un cadre réglementaire, il
était nécessaire d'amener l'ESAT à se poser la question du
sens. Les valeurs transmises par l'association et ses fondateurs doivent faire
l'objet d'une réflexion et mobiliser tous les acteurs parce que le
travail comme valeur thérapeutique, sociale et économique ne peut
à lui seul satisfaire les attentes et les besoins des usagers.
Dès lors, il me paraissait important de redéfinir un projet de
service qui trouve une place à des actions éducatives et/ou
thérapeutiques pour personnaliser le service rendu aux usagers en
contrepoint de l'activité économique assignée au besoin
institutionnel de maintenir économiquement viable un lieu d'accueil et
de travail.
Pour beaucoup d'usagers, la limite de la faisabilité et
de la pertinence de leur parcours restera l'ESAT, lieu approprié pour
finaliser un projet de travail et de vie sur un long terme. Les outils et les
méthodologies préconisés garantiront une prise en charge
de qualité et favoriseront leur participation à la vie
institutionnelle.
Pour les personnes susceptibles d'intégrer le milieu
ordinaire et pour qui l'équipe aura mis tout en oeuvre pour qu'ils
soient préparés à cela, il s'agira de déterminer la
pertinence d'un tel projet. La progression des traitements
thérapeutiques modifie les paramètres qui limitaient auparavant
l'insertion. Il y a une meilleure connaissance des maladies qui facilitent le
repérage des rechutes. Les hospitalisations sont de plus courtes
durées et les traitements s'affinent. Les conséquences directes
de ces améliorations sont que les niveaux d'étude et de
professionnalisation des personnes atteintes de handicap psychique augmentent.
Ces différents paramètres associés, aux
possibilités qu'offre la loi 2005 et au projet proposé dans le
cadre de cet écrit peuvent à terme, peuvent amener l'ESAT
à augmenter de façon significative les insertions en milieu
ordinaire de travail et permettre à des personnes qui sont depuis
longtemps sur liste d'attente de trouver une place en milieu
protégé.
Mais l'environnement en constante évolution requiert de
mesurer finement les risques que l'on fait courir à des personnes car en
dépit des avancées cruciales de la prise en charge
thérapeutique, elles ont besoin d'appuyer leur stabilisation et leur
développement sur le secteur hospitalier et médico-social. Or la
réduction importante du nombre de lits en hôpital freine les
prises en charge en cas de rechute. Il y a de plus un manque de places en
structures spécialisées dans l'accueil de personnes atteintes de
troubles psychiques, soixante cinq personnes sont en attente de place à
l'ESAT. Pourra-t-on, dans ce cas et comme le prévoit la loi 2005,
garantir un retour à un usager ne pouvant répondre aux
contraintes d'un emploi en milieu ordinaire ?
Tous ces phénomènes m'incitent, dans mon
rôle de chef de service, à une grande prudence, d'autant que
depuis la promulgation des lois 2002 et 2005, l'ensemble de la population
française est confrontée à une récession
économique qui a des répercussions sur l'emploi des
salariés des entreprises du milieu ordinaire ce qui ne va pas, à
coup sur, favoriser l'insertion de travailleurs atteints d'un handicap.
5 Bibliographie et sites Internet
![]()
Bulletin du réseau Transition, n°5, juin 2007
Convention collective nationale des établissements
privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non
lucratif du 31 octobre 1951, édition de juillet 2003, annexe n° IX
Diriger un établissement ou un service en action
sociale et médico-sociale, M. JAEGER, Editions Dunod, avril 2007
Dossier les travailleurs sociaux ont-ils peu du changement Les
cahiers de l'Actif, septembre /octobre 2000, n° 292/293.
Essai de définition et de réalisation du
placement tutélaire, Pierre DOUSSINET et Courbaire de MARCILLAT,
Archives de médecine sociale, novembre 1948
Etre cadre dans l'action sociale et médico-sociale,
B.DOBIECKI et D.GUAQUERE, ESF éditeur, mars 2007
Guide de la fonction de chef de service dans les organisations
sociales et médico-sociales, P. LEFEVRE, éditions Dunod, avril
2001
Handicap et accès à l'emploi :
efficacité et limites de la discrimination positive - Christine Le
CLAINCHE et Geert DEMUIJNCK Centre d'Etudes de l'Emploi - Document de travail
n° 63 Juillet 2006
Handicap mental et vieillissement, G.ZIBRI et G.SARFATY,
Editions du CTNERHI, 1996
Handicap psychique, de la reconnaissance aux réponses
de terrain, CREAI Rhône-Alpes n° 139, juin 2007
La fonction d'encadrement du moniteur d'atelier, Centre
d'étude, de recherche et de formation du travail
protégé
Les défis de l'évaluation en action sociale et
médico-sociale, sous la direction de B. BOUQUET,
M JAEGER et I. SAULIEU, éditions Dunod février
2007
Les droits des personnes handicapées, supplément
ASH n° 2470, septembre 2006
MDPH info public, Puy de Dôme, n° 3
Maladie mentale et insertion professionnelle, C.TOULLEC,
Transcription de la conférence du 18 novembre 2003, février
2004.
Nouveau dictionnaire critique d'action sociale, sous la direction
de J.Y BARREYRE et B. BOUQUET, article de C.HUMBERT, éditions FAYARD,
novembre 2006
La société d'hygiène mentale du Centre,
documents et commentaires sur vingt années d'action sociale
spécialisée, Pierre-Henri DOUSSINET, imprimerie Gaignault
Editeur, 1968.
Penser le management en action sociale et
médico-sociale, J.R LOUBAT, éditions Dunod, 2006
Psychologies des conduites à projet, J.P BOUTINET,
éditions Que sais-je, avril 2006
Sites Internet
www.ch-charcot56.fr,
Histoire de la psychiatrie, évolution du cadre
réglementaire
www-blogg.org/blog52241, Antipsy, la psychiatrie c'est fou
www.canadian-health-network,
article rédigé par Nora UNDERWOOD, octobre 2005
Groupe de travail sur le handicap psychique, Schéma
départemental des personnes handicapées de Seine Saint Denis
Dictionnaire suisse de politique sociale
www.serpsy.org/socio/livet4 E. ZARIFIAN, Des paradis plein la
tête, 1994
6 Annexes
![]()
Annexe 1
Résultats Enquête KIABI
10 décembre 2007
Le questionnaire a été effectué
auprès de 17 personnes sur 18 initialement prévues.
Les entretiens se sont étalés sur une
période de deux mois.
Ils ont eu lieu en individuel.
Les personnes avaient le choix de répondre ou non au
questionnaire, il y a eu 100% de volontaires.
Toutes les personnes interrogées sont salariées
à plein temps, il y a
10 femmes et 7 hommes dont la moyenne d'âge est de 39 ans,
le plus jeune ayant 31 ans et le plus âgé 53 ans.
7 personnes ont un permis et/ou une voiture.
53% des personnes ont une ancienneté dans l'ESAT
comprise entre 0 et 5 ans, 33 % ont entre 6 et 10 ans d'ancienneté, 2
personnes ont respectivement 17 et 22 ans de présence à
l'ESAT.
Interruption du détachement
9 personnes sur 17 ont interrompu leur travail ou n'ont pas
renouvelé leur période d'essai à KIABI entre juin 2006 et
septembre 2007
Raisons évoquées
4 personnes relatent que lors de la première
période de stage, la Direction de KIABI avait promis une embauche qui
n'a pas été concrétisée,
1 personne est partie en détachement individuel,
1 personne refusait de continuer aux conditions
proposées par l'entreprise,
1 personne avait souffert de la chaleur l'été
parce qu'il n'y avait pas de climatisation.
2 essais n'ont pas été renouvelés.
33 % d'entre elles évoquent qu'au cours du temps, il y
avait une demande de rentabilité de plus en plus importante notamment
quand la personne référente de l'accompagnement dans l'entreprise
n'était pas présente ou à certaines périodes de
l'année comme à Noël et au moment des soldes.
Résultat global de l'enquête
Est-ce que l'alternance travail ESAT et prestations
extérieures vous convient?
Oui : 10 personnes
Non: 7 personnes sont concernées par cette réponse
dont 5 qui estiment que le temps de détachement était trop long
et 2 qui trouvent que le temps de détachement n'était pas assez
long.
Dans les paragraphes a, b, c, plusieurs réponses pourront
avoir été données par la même personne. Les points
font ressortir le positif et le négatif. Ils sont classés par
ordre d'importance.
a).Conditions de travail
Points négatifs
Pénibilité de la position debout pendant 8 heures :
8 fois
Cadences trop importantes : 3 fois
Travail répétitif : 2 fois
Demande trop de concentration: 3 fois
Difficulté d'organisation sans consigne : 2 fois
Confinement : 1 fois
Endroit morbide, pièce encombrée : 1 fois
Pas de mise à disposition du matériel : 1
fois
Problème lié à la chaleur : 1 fois
Points positifs
Travail en autonomie : 6 fois
Pas d'observation particulière : 3 fois
b) Intérêts des tâches
demandées
Points négatifs
C'est inintéressant: 5 fois
Tâches répétitives : 4 fois
Points positifs
Ça me plait : 3 fois
Il faut :
Compter, trier: 2 fois
Prêter attention: 1 fois
Se maintenir à un rythme de travail: 1 fois
Être autonome, travailler seul et en toute liberté :
2 fois
S'organiser : 1 fois
Faire preuve de rapidité : 2 fois
Inintéressant mais cela change du CAT : 2 fois
Ne se prononce pas : 1 fois
c).Contacts avec les salariés de KIAB
Points positifs
Bons : 9 fois
Bons mais peu fréquents : 7 fois
Contact de bonne qualité avec la responsable du rayon
bébé : 4 fois
Points négatifs
L'isolement dans la réserve est évoqué 5
fois
Rapport difficile avec la direction : 3 fois
Distant : 1 fois
Certains salariés ne disent pas bonjour : 1 fois
Aucun contact : 1 fois
d). Y aurait-il des modifications à apporter au
fonctionnement de KIABI par la suite ? (Question abordée en
cours d'enquête par 2 personnes)
-Il faudrait faire évoluer les mentalités en
dialoguant plus avec certains responsables.
-Il ne devrait pas y avoir de pression par rapport au
rendement. Il ne faut pas oublier que nous sommes des travailleurs
handicapés. Ils n'ont pas à profiter de nous.
-Il serait nécessaire de mettre de l'ordre dans la
réserve parce que parfois le passage est obstrué par des
marchandises. Le confinement est gênant, il empêche le contact avec
les salariés de KIABI
-Améliorer les approvisionnements en matériel et
emporter les portants en notre présence afin de savoir s'ils sont
complets et si les pièces ont été comptabilisées.
Visite plus régulière d'un responsable de l'ESAT afin de prendre
connaissance et de résoudre les problèmes relationnels entre
travailleurs.
Quel rôle joue L'ESAT dans votre
parcours?
-Il protège au niveau financier et au niveau
relationnel. Il protège de l'exclusion et du chômage.
-Il protège de la précarité et encadre au
niveau de la santé. Le système est plus souple qu'à
l'extérieur.
-Le travail au CAT donne un but et redonne confiance en
soi.
-L'accompagnement est parfait. L'ESAT est le meilleur moyen
thérapeutique et un tremplin pour la sortie en milieu ordinaire. Mais il
faut savoir tourner la page car quand on ne s'y sent plus bien, il vaut mieux
tenter une sortie.
-Il m'a redonné du travail et une vie sociale. Le CAT
m'a sauvé la vie. Il m'a appris aussi à être plus
tolérante et généreuse avec les gens en difficulté.
L'équipe est sympathique mais certains moniteurs nous infantilisent.
Et les détachements en particulier ?
-Les détachements proposés aident au processus
d'évolution.
-Les détachements, c'est
comme le travail au CAT mais en externe.
-C'est un tremplin vers la réinsertion mais c'est
surtout l'accompagnement qui est aidant.
-Le détachement permet de re-côtoyer le milieu
ordinaire.
-Le détachement évite l'angoisse de rester au
CAT où les tâches ne sont pas variées. -Le travail de CAT,
ce n'est pas un métier comme les autres. Cela n'est pas valorisant
surtout au regard des autres. S'il n'y avait pas l'AAH, le salaire ne serait
pas motivant.
-Le détachement répond aux besoins
d'insertion.
-Le détachement me permet de sortir du CAT.
Question subsidiaire n'ayant pas de relation avec le
détachement KIABI
Avez-vous un projet d'insertion professionnelle
?
Raisons évoquées pour le non
Le stress et la perte des moyens,
La précarité que génèrent les
alternances de chômage et d'hospitalisation,
L'âge,
Le manque de confiance en soi,
Le dehors qui est évoqué comme étant
pénible,
La méconnaissance des employeurs sur les
problèmes particuliers,
Le manque de qualification et le marché du travail
fermé,
Les détachements suffisent parce qu'ils
répondent aux besoins.
Raisons évoquées pour le oui
Être embauché,
Renouer des liens sociaux,
Refaire des stages,
Faire une formation,
Travailler en milieu ordinaire mais pas à temps
complet.
Sortir de l'ESAT, milieu peu propice à
l'épanouissement.
Retrouver un emploi.
Annexe 2
![]()

Annexe 3 / Dossier technique
![]()
La grille d'évaluation et les critères
dévaluation
La grille d'évaluation s'est inspirée d'une
étude réalisée par le réseau Galaxie35(*), spécialisé en
insertion professionnelle des personnes handicapées psychiques. Elle
décrivait dans chaque champ, cognitif, professionnel, relationnel et
identité personnelle, quelles étaient les difficultés
rencontrées par les personnes atteintes de maladie mentale. Ces
difficultés ont été reformulées pour les faire
apparaître sous forme d'aptitudes.
Elle reprend aussi les différents items inscrits dans
la grille réalisée par les membres de l'équipe.
Elle a été expérimentée dans
chaque atelier une fois sinon deux et les remarques des moniteurs et des
usagers, quand il a été possible de les associer à ce
travail, ont été prises en considération et ont
modifié la structure de la grille initiale.
L'évaluation et l'usager quand il est
associé à son élaboration
L'évaluation fait prendre conscience à l'usager
de la façon dont il est perçu par les autres et notamment par les
salariés de l'ESAT. Elle favorise la relation entre plusieurs individus
qui n'ont pas le même statut mais qui doivent coopérer. C'est
alors mettre l'usager en réciprocité avec celui qui
l'évalue et permettre d'engager une communication sur ses
compétences et ses points faibles .C'est aussi lui octroyer le droit et
la capacité de s'exprimer sur les modes de prises en charge
réalisés par l'équipe. Elle crée des repères
quant à ses compétences actuelles, facilite un repositionnement
au regard de celles acquises avant la maladie et lui permet d'imaginer qu'il
peut en reconquérir d'autres.
Les professionnels et l'évaluation
Evaluer l'usager renvoie à se positionner sur ses
pratiques, à les définir parce que:
C'est construire en équipe une trame commune de
référence culturelle et professionnelle,
C'est s'interroger sur l'activité de l'atelier en
terme qualitatif et quantitatif et sur les objectifs recherchés,
C'est donner un cadre à l'intervention, donner du
sens,
C'est quantifier les performances de l'usager en donnant une
base la plus objective possible de ce qui doit être
observé,
C'est se donner les moyens de se confronter
à la subjectivité et s'interroger sur ce qui la motive :
dégradation de la relation usager/moniteur, usure professionnelle,
besoin de l'usager de changer d'atelier ou d'être orienter vers un
détachement collectif ou individuel,
C'est rendre compte des capacités de
l'usager à un instant T et l'amener par l'intermédiaire du projet
individuel à se préparer à des changements, à
améliorer ses compétences initiales ou à tendre vers leurs
reconstitutions.
C'est porter un regard clinique, technique sur le fait de
travailler. C'est observer l'engagement du corps, les gestes, les savoirs faire
mais aussi l'intelligence, la capacité de réfléchir,
d'interpréter et de réagir à des situations, de penser,
d'inventer, d'établir des relations de travail et sociales ;
C'est approfondir la situation de chaque personne et faire
émerger les besoins spécifiques pour affiner la prise en
charge,
C'est s'interroger sur les moyens à mettre en oeuvre
pour que le projet individualisé puisse devenir opérationnel.
Évaluation des Compétences
Niveau 1 Tâches simples*
Niveau II/ Tâches complexes*
*Rayer la mention inutile
NOM :
Prénom :
Age :
Date d'entrée dans l'ESAT:
Atelier concerné :
Activité concernée :
Évaluation réalisée par :
En date du :
"Les compétences recouvrent l'ensemble des
capacités qui permettent à l'individu d'accomplir des actions
adaptées à l'environnement. L'acquisition des compétences
permet à l'individu de développer les aptitudes à
travailler avec d'autres personnes et de faire face aux exigences de travail.
Elles favorisent aussi la capacité à s'approprier les normes
(sociales) imposées par la société et contribuent à
la réalisation de soi et à l'autonomie quotidienne. Elles
construisent l'identité de la personne et créent du lien
social"36(*).
I Les Compétences Cognitives :
"Ce champ concerne les fonctions complexes, multiples
regroupant l'ensemble des activités mentales (pensées,
perception, action, volonté, mémorisation, rappel apprentissage)
impliquées dans la relation de l'être humain avec son
environnement et qui lui permettent de manipuler des connaissances
(associations, rétroaction, traitement de l'information,
résolution de problèmes, prise de décisions...)."37(*)
+ -
|
|
Compétences Cognitives
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5
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4
|
3
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2
|
1
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Repérage dans le temps
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Intègre et respecte les horaires de travail
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Respecte les temps de repos
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S'organise dans le travail
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Est capable d'anticiper la tâche suivante
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Capacités à former et à
enchaîner des idées
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A des facilités d'apprentissage
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Comprend et assimile les consignes
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Analyse et à réagit en fonction des consignes
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Intégration et assimilation des consignes
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Saisit et suit la parole de l'autre
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Saisit ce qui est important
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|
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Mémorise et conserve les consignes
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|
|
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|
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Attention
Concentration
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Est capable de se concentrer
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Maintient son attention sur un temps long
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Mobilisation du savoir
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Sait lire, écrire, compter
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Peut organiser et communiquer sa pensée et ses savoirs.
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Les conserve et les utilise quelle que soit la situation
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Capacités de jugement et de raisonnement logique
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Discours compréhensible
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Comportement adapté aux situations
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Interprétation adaptée des propos et de la conduite
d'autrui
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Interprétation inadaptée des propos et de la
conduite d'autrui
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|
Faire apparaître les points qui ne peuvent être
comptabilisés
II Les Aptitudes Professionnelles
"Le travail c'est ce qu'implique, du point de vue humain,
le fait de travailler : des gestes, des savoir-faire, un engagement du corps,
la mobilisation de l'intelligence, la capacité de
réfléchir, d'interpréter de réagir à des
situations, mais c'est aussi le pouvoir de sentir, de penser et
d'inventer"38(*).
+ -
|
|
Aptitudes professionnelles
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5
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4
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3
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2
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1
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Vitesse d'exécution / adresse
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Adresse
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Rapidité d'exécution
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Incapacité motrice
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Savoirs-faire
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Coordonne et adapte ses gestes
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Réalise un travail de qualité
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Planifie et organise son travail
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Se concentre, porte attention
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Est constant et régulier dans son travail
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Analyse et évalue son travail
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Prend conscience des erreurs
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Apporte des améliorations
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Respecte le matériel
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Respecte les consignes de sécurité et les
règles d'hygiène
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Endurance
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Résiste à l'effort
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Reste vigilent
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Fatigabilité
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Besoin d'un aménagement du temps de travail
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Aptitudes décisionnelles
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Structure et organise ses pensées et ses actes
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Prend des décisions et des initiatives
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Aptitudes
comportementales
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Établit une relation adaptée avec ses
collègues
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Écoute et collabore avec le moniteur
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Tolère la pression liée au travail
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Agressivité envers les autres
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Agressivité envers lui même
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Isolement
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Aptitudes générales
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Présence régulière au travail
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Adaptabilité aux différents postes de travail
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Autonomie
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Fiabilité
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Souci d'évoluer
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Faire apparaître les points qui ne
peuvent être comptabilisés
III Les Aptitudes sociales/Habiletés
" Les habiletés permettent à la personne
de devenir autonome dans ses apprentissages et d'être capable de
s'adapter aux situations continuellement changeantes de son environnement.
Selon J.Favrod, les habiletés sociales recouvrent l'ensemble des
capacités spécifiques qui permettent à une personne
d'accomplir une performance jugée socialement adaptée".39(*)
+ -
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|
Aptitudes Sociales
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5
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4
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3
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2
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1
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Liens et repères sociaux
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Capacités à faire des démarches de
manière autonome
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Capacités à entrer en relation avec l'autre
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Capacités à travailler en équipe
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Capacités à respecter les fonctions
hiérarchiques
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Capacités à se conformer à un
règlement
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Capacités à respecter les règles sociales
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Savoirs être et comportement
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Tenue adaptée
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Langage adapté
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Comportement adapté
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Gestion de l'hygiène de vie
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Hygiène corporelle
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Hygiène vestimentaire
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|
|
|
.
IV L'identité personnelle
"...L'identité personnelle résulte de
l'expérience propre à un sujet de se sentir exister et reconnu
par autrui en tant qu'être singulier mais identique, dans sa
réalité physique, psychique et sociale. L'identité
personnelle est une construction dynamique de l'unité de la conscience
de soi au travers de relations intersubjectives, des communications
langagières et des expériences sociales".40(*)
+ -
|
|
Identité personnelle
|
5
|
4
|
3
|
2
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1
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Perception de soi
|
Estimation réaliste des compétences
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Confiance en soi
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Perception objective du travail effectué
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Acceptation des remises en question
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Perception de soi et de ses
compétences
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Bonne représentation de sa place dans l'ESAT
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Connaît ses limites et ses compétences
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Sur estimation des compétences
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Sous estimation
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Gestion du stress
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Anxiété
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Peurs diverses (dans la foule, dans les transport, dans
l'atelier)
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Conduites d'évitement
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Gestion émotionnelle
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Réactivité proportionnée aux situations
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Attitude adaptée aux situations
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Contrôle des émotions
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Gestion relationnelle
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Positionnement adapté en matière de relations
sociales
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|
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Intégration au groupe
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Habiletés décisionnelles
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Vision pratique et concrète des choses
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Accepte de prendre des décisions
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Adapte les décisions aux situations
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Accepte les changements
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|
|
|
Faire apparaître les points qui ne peuvent
pas être comptabilisés
Définition des critères
dévaluation :
La grille d'évaluation, la représentation des
résultats sous forme de radars, et les objectifs d'amélioration
des compétences constituent la phase préliminaire à la
rédaction du projet.
La grille est constituée de quatre champs, les
compétences cognitives, les aptitudes professionnelles, les aptitudes
sociales et l'identité personnelle donnant une image globale de
l'individu parce qu'une personne ne peut pas être comprise et
aidée si elle n'est évaluée que sur ses compétences
professionnelles.
L'évaluation peut être réalisée par le
moniteur d'atelier et/ou par toute personne acteur du projet de l'usager.
Dans l'intérêt de l'usager, il peut être utile
d'évaluer ses compétences dans les différentes
activités auxquelles il prend part, atelier, détachement
collectif, détachement individuel.
L'usager, dans la mesure du possible et si son état le
permet, doit être associé à toutes les phases de
l'évaluation pour répondre au cadre réglementaire de la
loi 2002 qui stipule que l'usager doit être associé à la
conception et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et
d'accompagnement qui le concerne.
La grille est la même pour tout le monde mais il est
fait un distinguo entre le niveau I qui correspond à des tâches
simples et le niveau II qui correspond à des tâches complexes.
Il y a 5 critères d'évaluation :
Le 5 correspond à un niveau très satisfaisant,
Le 4 correspond à un bon niveau,
Le 3 correspond à un niveau moyen,
Le 2 correspond à un niveau faible,
Le 1 signifie que les critères évalués ne
sont pas acquis ou sont en cours d'acquisition.
Les radars
La restitution de l'évaluation par l'image
facilite la lecture en rendant visible et compréhensible ce qui
constitue les points forts et les points faibles de l'usager. Elle permet en
outre d'analyser les résultats et de formuler des pistes de travail avec
l'usager
Exemples d'analyse possible des radars
Monsieur V (page 26) 37 ans, il a travaillé pendant
trois ans comme aide de cuisine en milieu ordinaire et est présent
à l'ESAT depuis quatre ans.
Le radar fait apparaître des discordances importantes au
niveau de l'évaluation des compétences réalisées
sans lui, par trois personnes distinctes. Le tracé rose restitue
l'appréciation d'une monitrice dans le cadre de l'atelier filtre, le
bleu celle de l'animatrice spécialisée dans l'activité
self-ménage et le jaune celles repérées à
l'occasion d'un détachement collectif dans une usine pharmaceutique
encadré par une monitrice d'atelier. Ces différents tracés
regroupés en un seul plan ont suscité beaucoup de
réactions parmi les moniteurs car ils faisaient apparaître de
très grandes différences d'appréciation qui pouvaient
être interprétées de différentes
façons :
Un désintérêt de l'usager pour une
activité (filtre),
Une analyse subjective de la part de la monitrice de
l'atelier filtre ou des deux autres personnes,
Une activité (filtre) qui ne permet pas de faire
émerger des compétences significativement repérables par
rapport à une autre,
Les deux autres activités sollicitent-elles des
registres de compétences plus complexes qui conviennent mieux à
l'usager et pouvant amener à la conclusion que cette personne a sans
doute besoin d'un changement d'atelier afin que son potentiel puisse
s'exprimer ?
Madame H (page 27) a 49 ans, et est titulaire d'un BEP de
secrétariat, mais elle n'a jamais travaillé en milieu ordinaire.
Elle est à l'ESAT depuis 17 ans à plein temps à l'atelier
façonnage.
Le radar laisse entrevoir que les aptitudes professionnelles
sont le point fort de cette personne étant entendu qu'elle n'est capable
d'accomplir que des tâches extrêmement simples et
répétitives, mais elle souligne la faiblesse des
compétences cognitives et sociales et l'absence d'une structuration
homogène de l'identité personnelle. De plus des crises d'angoisse
récurrentes viennent entraver son activité qui est
déjà très réduite et gêne celles des autres
usagers.
La grille d'évaluation, le radar et un rapport
circonstancié des moniteurs vont permettre d'argumenter objectivement la
demande de réorientation auprès de la MDPH (Maison
Départementale des Personnes Handicapées). Les demandes
précédentes n'avaient pas été prises en compte par
cette instance parce que Madame H avait fait valoir son désir des rester
à l'ESAT. .

Monsieur V....
Niveau 1 Tâches simples

Madame H....
Niveau 1 Tâches simples
La démarche projet ou la personnalisation du
service rendu
Le projet individualisé est la colonne
vertébrale de l'accompagnement d'une personne handicapée. Son
élaboration, sa conduite, son évaluation constitue une des bases
de référence du projet d'un établissement et la garantie
de sa mise en oeuvre est une des missions des membres de l'équipe.
Le projet individualisé a diverses fonctions :
Celui de redynamiser le parcours de l'usager, de l'inciter
à formaliser ses attentes au regard de sa situation et de ses
compétences, de lui faire prendre du recul et de la distance par rapport
à sa problématique, de poser des objectifs et de planifier des
actions à réaliser dans un temps déterminé.
C'est une mise en mouvement qui passe forcément par
une prise de risques mesurés qui doivent permettre à la personne
de s'approprier un nouvel équilibre et de se réinvestir dans
l'action.
Il se doit d'être l'expression du désir de
l'usager, et surtout l'expression de ce que les équipes doivent mettre
en oeuvre pour qu'il puisse atteindre ou concrétiser ce qu'il a
projeté. Le projet doit définir les bénéfices
attendus et les modalités pour y parvenir en définissant les
objectifs et les moyens.
Le projet est un support pour les membres de l'équipe
parce qu'il permet
De revisiter les pratiques et d'optimiser la qualité
de l'accueil,
De moduler les réponses apportées à la
problématique de l'usager,
De redynamiser le fonctionnement de l'atelier,
De formaliser les attentes au regard des résultats
attendus,
De définir des objectifs précis qui
garantissent contre l'arbitraire, le ponctuel, l'urgent et le subjectif,
De construire un écrit qui engage de part et d'autre,
De pouvoir établir des priorités
référencées aux besoins de l'usager et tenant compte des
besoins liés au fonctionnement de l'atelier.
Il s'agit d'une démarche qui permet à l'usager
et à l'équipe d'encadrement d'amorcer un processus de changement.
Fiche objectifs d'amélioration des
compétences
La déclinaison des items sous cette forme permet
d'aborder le projet sous une forme simple en permettant à l'usager de
s'approprier les actions qu'il aura à engager avec les membres de
l'équipe pour améliorer ou modifier des attitudes ou des
comportement et acquérir de nouvelles compétences
Objectifs d'amélioration des compétences
pour les 12 mois à venir
Points Forts
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Points Faibles
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Points à améliorer
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Projet et objectifs opérationnels
|
Demande de formation
|
SIGNATURE SIGNATURE SIGNATURE
De l'usager Du moniteur d'atelier Du directeur
Fiche évènement
Elle vient en appui de l'évaluation. Elle vise à
noter mois après mois, toutes informations évènementielles
relatives à la vie de l'usager dans la structure comme les rechutes et
les besoins d'hospitalisation, les problèmes de comportement, les
modifications d'emploi du temps.
Fiche Événement
Mois
Fiche guide de l'entretien
Ce guide de l'entretien est issu du livre « Diriger
un établissement ou un service en action sociale et
médico-social »41(*), Cette fiche peut être conservée en
l'état pour les usagers dont le projet serait une sortie sur le milieu
ordinaire, une autre est en cours d'élaboration par le moniteur chef
d'atelier pour une proposition à l'équipe.
Les objectifs visés
Aider à structurer les entretiens et faciliter les
échanges d'informations,
Garantir une certaine objectivité dans la conduite de
l'entretien,
Laisser une trace écrite à laquelle les
différents partenaires pourront se référer en cas de
nécessité,
Garantir à l'usager une certaine neutralité
puisque chaque entretien repose sur une trame commune.
Pallier aux difficultés d'expression de part et
d'autres.
Guide d'entretien
"Favoriser un développement professionnel
personnalisé par une extension des compétences du
bénéficiaire"
Souhaitez-vous suivre une formation professionnelle?
Si oui, laquelle?
Sinon, pourquoi?
Avez-vous demandé à bénéficier d'une
formation?
Quelle réponse vous a-t-on donné?
Souhaitez-vous visiter les entreprises pour lesquelles travaille
l'ESAT?
Avez-vous fait un stage dans une entreprise extérieure?
Si oui, comment cela s'est-il passé?
Souhaitez-vous travailler dans une entreprise
extérieure?
Si oui, laquelle et pourquoi?
Pensez-vous avoir les capacités pour cela?
Souhaitez-vous travailler dans un atelier
protégé?'En cas d'adhésion: savez-vous ce qu'est un
atelier protégé?)
Si oui, pourquoi?
Pensez-vous avoir les capacités pour cela?
Souhaitez-vous que l'on vous aide à réaliser ce
souhait?
Diplôme : CAFERUIS
Certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement
Et de responsable d'une unité d'intervention
sociale
|
Nom du candidat : LE NUZ
Prénom : Nadine Session Mai
2008
|
Handicap Psychique et Intégration Professionnelle
Enjeux Humains et Institutionnels,
un changement nécessaire
|
Note de synthèse
Il existe en France des établissements de travail
protégé spécialisés dans un type particulier de
handicap. L'ESAT en fait partie et a depuis 1964 mis en oeuvre des actions qui
ont concourues à ce que des personnes atteintes de maladie mentale
puissent avoir une alternative à une hospitalisation en milieu
psychiatrique.
Les lois 2002 et 2005 et les mutations économiques
invitent à ré-interroger les missions institutionnelles et
à compléter et perfectionner les pratiques existantes.
L'enjeu institutionnel est de mettre la structure en
conformité avec les exigences de la loi 2002 et de saisir les
opportunités qu'offre la loi 2005 qui facilite le passage entre le
milieu protégé et le milieu ordinaire
C'est dans ce cadre que j'ai choisi d'apporter une aide
technique à une structure qui doit paradoxalement assurer des charges
économiques de plus en plus importantes et évoluer vers une
amélioration de la qualité du service rendu car les
particularités des personnes atteintes de maladie mentale imposent
l'aménagement d'une véritable personnalisation de
l'accompagnement pour qu'une insertion en milieu ordinaire soit pertinente et
viable dans le temps.
|
Nombre de pages : 50
Nombre de pages annexes : 19
|
Centre de formation :
IRIS, Institut de ressources en intervention sociale, 115 avenue
d'Argenteuil
92600 Asnières sur Seine
|
* 1 Source MDPH info public, Puy
de Dôme, n° 3
* 2 Source Les droits des
personnes handicapées, supplément ASH n° 2470, septembre
2006
* 3 Source
www.ch-charcot56.fr,
Histoire de la psychiatrie, évolution du cadre
réglementaire
* 4 Source,
www-blogg.org/blog52241, Antipsy, la psychiatrie c'est fou octobre 2006,
* 5 Source, Histoire de la
psychiatrie, Centre Hospitalier Charcot
* 6 La société
d'hygiène mentale du Centre, documents et commentaires sur vingt
années d'action sociale spécialisée, Pierre-Henri
Doussinet, imprimerie Gaignault Editeur, 1968, p 29
* 7 Source, Histoire de la
psychiatrie, Centre Hospitalier Charcot
* 8 Internet, Groupe de travail
sur le handicap psychique, Schéma départemental des personnes
handicapées de Seine Saint Denis, page 4
* 9 Handicap psychique, de la
reconnaissance aux réponses de terrain, CREAI Rhône-Alpes n°
139, juin 2007, page 4
* 10 Essai de définition
et de réalisation du placement tutélaire, Pierre Doussinet et
Courbaire de Marcillat, Archives de médecine sociale, novembre 1948
* 11 La société
d'hygiène mentale du centre, documents et commentaires sur vingt
années d'action sociale spécialisée, imprimerie Gaignault
éditeur, 1968, p41
* 12 Projet
d'établissement
* 13 Projet
d'établissement
* 14 In http://
www.canadian-health-network,
article rédigé par Nora Underwood, octobre 2005
* 15 Les droits de la personne
handicapée, supplément au n° 2470 des ASH du 22 septembre
2006, page 86
* 16 Idem
* 17 Bulletin du réseau
Transition, n°5, juin 2007, page 5
* 18 Penser le management en
action sociale et médico-sociale, éditions Dunod, mai 2006
* 19 Dictionnaire suisse de
politique sociale
* 20In
www.serpsy.org/socio/livet4 E. Zarifian, Des paradis plein la tête,
1994, p 179-180
* 21 Handicap et accès
à l'emploi : efficacité et limites de la discrimination
positive - Christine Le Clainche et Geert Demuijnck Centre d'Etudes de l'Emploi
- Document de travail n° 63 - Juillet 2006, page 31
* 22 Maladie mentale, handicap
psychique et insertion professionnelle, un état de la question dans le
réseau galaxie P. VIDAL-NAQUET, septembre 2003, page 16
* 23 Diriger un
établissement ou un service en action sociale et médico-sociale,
ouvrage coordonné par M. JAEGER, éditions Dunod, avril 2007, page
304
* 24 Maladie mentale et
insertion professionnelle, C.TOULLEC, Transcription de la conférence du
18 novembre 2003, février 2004, page 3
* 25 Les défis de
l'évaluation en action sociale et médico-sociale, sous la
direction de B. BOUQUE, M. JAEGER et I. SAINLIEU, éditions Dunod,
février 2007, page 188
* 26 Cours de droit d'Anne
Gaëlle Le Guillou.
* 27 Convention collective
nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins,
de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951,
édition de juillet 2003 , annexe n° IX page 173
* 28 Penser le management en
action sociale et médico-sociale, J.LOUBAT, éditions DUNOD, mai
2006, page 344
* 29 La fonction d'encadrement
du moniteur d'atelier, Centre d'étude, de recherche et de formation du
travail protégé, page 6
* 30 Les défis de
l'évaluation en action sociale et médico-sociale, sous la
direction de B. BOUQUET, M. JAEGER et I. BEAULIEU, éditions Dunod,
février 2007, page 184
* 31 Les besoins
spécifiques des personnes en situation de handicap psychique au regard
de l'emploi, note rédigée pour le réseau Galaxie par D
.ARRIVE, C. COLOMBO et M. LEROUX, décembre 2004
* 32 Les défis de
l'évaluation en action sociale et médico-sociale, sous la
direction de B.Bouquet, M.Jaeger et I.Saulieu, éditions Dunod
février 2007, page 268
* 33 Diriger un
établissement ou un service en action sociale et médico-sociale,
ouvrage collectif coordonné par M.JAEGER, éditions Dunod, avril
2007, page 234
* 34 Nouveau dictionnaire
critique d'action sociale, sous la direction de J.Y BARREYRE et B. BOUQUET,
article de C.HUMBERT, éditions FAYARD, novembre 2006, page 458
* 35 Les besoins
spécifiques des personnes en situation de handicap psychique au regard
de l'emploi, note rédigée pour le réseau Galaxie par
D.Arrive, C.Colombo et M.Leroux, décembre 2004
* 36 Les besoins
spécifiques des personnes en situation de handicap psychique au regard
de l'emploi, note rédigée pour le réseau Galaxie par
D.Arrive, C.Colombo et M.Leroux, décembre 2004, page 7. E-Mail :
galaxie@infa-formation.com.
* 37 Terminologie de
neuropsychologie et de neurologie du comportement, L.Berube, Éditions de
la Chenelière Inc, 1991
* 38 Les défis de
l'évaluation en action sociale et médico-sociale, sous la
direction de B.Bouquet, M.Jaeger et I.Saulieu, éditions Dunod
février 2007, page 268
* 39 Les besoins
spécifiques des personnes en situation de handicap psychique au regard
de l'emploi, note rédigée pour le réseau Galaxie par
D.Arrive, C.Colombo et M.Leroux, décembre 2004, page 6. E-Mail :
galaxie@infa-formation.com.
* 40 Le dictionnaire de
psychologie, R.Doron et F.Parot, éditions PUF
* 41 Diriger un
établissement ou un service en action sociale et médico-social,
ouvrage coordonné par marcel JAEGGER, Edition Dunod, avril 2007, page
518
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