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Handicap psychique et insertion professionnelle, enjeux humains et institutionnels, un changement nécessaire

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par Nadine LE NUZ
IRIS, Institut Régional en Intervention sociale - CAFERUIS 2008
  

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2.3 Les freins à l'insertion

2.3.1 La loi 2005 peut-elle constituer un frein à l'insertion?

Elle réaffirme la vocation médico-sociale des ESAT ainsi que leur rôle dans l'insertion des personnes handicapées et dans le même temps, elle définit de nouvelles conditions d'emploi en structure d'aide par le travail et fixe de nouveaux droits pour les usagers.

La question qui se pose alors est de savoir comment l'ESAT appliquera ces nouvelles directives tout en gérant le paradoxe décrit par Jean .René LOUBAT comme étant un « grand écart permanent entre finalités sociales et contraintes économiques »18(*). La rémunération des congés maladie a déjà donné lieu, par exemple, à une augmentation substantielle des absences puisqu'en moins d'un an, elles sont passées de 9% à 15%. Certains usagers ont intégré les avantages qu'ils pouvaient tirer de ce nouveau système. Il faut rappeler que la structure doit déjà faire face à un taux absentéisme déjà fort important dû à la maladie mentale.

Quels pourraient être alors les choix possibles pour répondre à cette double injonction :

Laisser partir des usagers qui, par leur aptitudes et leur savoir faire, sont les plus à même de rentabiliser certains secteurs d'activités et qui permettent par leurs actions d'accueillir des personnes moins « rentables » et à qui la structure est nécessaire pour se reconstruire.

Sélectionner les entrants pour compenser les départs de ceux qui intègrent le milieu ordinaire du travail.

Prendre le risque d'accentuer les sorties alors que le milieu ordinaire ne s'ouvre aux personnes handicapées que parce qu'il y est contraint financièrement et ou parce qu'il y a des aides ponctuelles pour l'aménagement d'un poste.

Prendre le risque de confronter les usagers à une personne ou une entreprise déterminée par altruisme ou philosophie à accueillir une personne malade mentale, mais qui ne sera pas accompagnée dans sa démarche à la hauteur des besoins de l'entreprise ni à ceux des usagers.

2.3.2 Les représentations

"Elles constituent un processus par lequel les personnes reconstruisent la réalité et lui donnent sens, produisant un savoir social qui influence la nature des relations entre personnes et entre groupes. Ce processus suppose que la personne, confrontée quotidiennement à une multitude d'informations, les simplifie, les transforme, les interprète et se les réapproprie sous cette nouvelle forme pour pouvoir communiquer et agir en société"19(*).

Les représentations sociales de la maladie mentale

« Les troubles psychiques pâtissent d'une image extrêmement négative dans l'esprit du grand public. En fait, ce sont les gens souffrant de troubles psychiques qui sont gravement pénalisés.[...] La souffrance psychique dérange, fait peur, ou pire, n'est pas crédible.[...] Les représentations des "maladies mentales" engendrent la peur, donc l'intolérance et l'exclusion. [...].Les représentations fausses sont bien évidemment le résultat d'une absence d'information ou d'une information erronée. Le "malade mental", comme on dit de manière globale, mélangeant dans une fraternelle confusion toutes les formes de souffrance psychique, est dangereux et incurable. Il est interné dans des asiles où il est soigné (sans que l'on sache bien de quels soins il s'agit) par des gens que l'on appelle les "psy" et qui sont en général aussi fous que leurs malades. Les mots "maladies mentales" pèsent d'un poids très lourd. Le public ne sait pas que 800 000 personnes sont suivies en France dans le seul secteur public pour troubles psychiques dont 73000 sont hospitalisées tous les ans. Le public ne sait pas que personne n'est à l'abri et qu'aujourd'hui 25% des français connaissent dans leur entourage quelqu'un qui est en difficulté. Le public ne sait pas que la souffrance psychique va du chagrin d'amour à la schizophrénie en passant par toutes les conséquences traumatisantes des accidents de parcours de l'existence." 20(*)

Mes représentations

Je suis une professionnelle qui côtoie la "différence " depuis de nombreuses années mais ce n'est pas sans appréhension que je me suis volontairement orientée vers ce secteur.

Mon image de la "folie" est liée à l'événementiel puisque je n'ai jamais été confrontée par un proche à la maladie mentale. Ce sont donc les médias qui, par intermittence, ont attirés mon attention en relatant des faits extrêmement graves comme l'assassinat des infirmières de Pau.

De tels évènements ne se sont pas produits pendant la période de stage. La réalité vécue à l'ESAT a été toute autre. J'ai côtoyé des personnes dont les corps et les mots révélaient le handicap psychique ce qui me permettait de me positionner en tant que professionnelle de me différencier de l'autre, de me distancier parce que je savais identifier la problématique et agir ou ne pas agir en conséquence. Mais le plus déstabilisant a été de me confronter à l'invisibilité du handicap qui dans un premier temps ramène à soi et à la fluctuation des limites entre le normal et le pathologique, puis questionne. Pourquoi ces personnes sont-elles à l'ESAT alors que rien dans les attitudes, le langage ou les compétences ne révèlent une quelconque atteinte de leur intégrité psychique ? Cela donne une résonance toute particulière aux propos d'Alfred Musset : "Ne pouvant se corriger de sa folie, il tentait de lui donner l' apparence de la raison". 

Les représentations des employeurs

« La propension à discriminer les personnes handicapées concernant l'emploi (accès à l'emploi et qualité des emplois occupés) existe dans la population française, même si la volonté d'intégrer est indubitable ; il semble que la croyance selon laquelle le handicap signifie systématiquement «faible productivité» soit tenace et qu'une fraction non négligeable des individus préfèrent que les personnes handicapées travaillent dans des lieux réservés, plutôt qu'en milieu ordinaire. Cette discrimination, intériorisée par les personnes handicapées, ayant pourtant des capacités productives à priori comparables aux autres individus, entraîne un sous investissement éducatif de leur part".21(*)

Les limites de l'entreprise

Les entreprises du milieu ordinaire savent créer des adaptations de postes pour des personnes handicapées moteurs, visuelles ou malentendantes, elles peuvent proposer des tâches adaptées à une personne déficiente intellectuelle. Mais, la maladie mentale ne se compense pas, les mesures appropriées applicables aux autres ne le sont pas aux personnes atteintes de handicap psychique. De plus, il est difficile pour les employeurs de comprendre et de réduire la part de l'imprévisible.

La maladie mentale confronte à cette réalité qui ne peut être maîtrisée complètement ni par le malade ni par celui qui l'emploie. Ainsi même si un employeur est satisfait de la prestation d'un usager, il hésite à l'embaucher parce que la méconnaissance et le manque d'informations sur le handicap psychique génèrent presque obligatoirement craintes et incompréhension.

* 18 Penser le management en action sociale et médico-sociale, éditions Dunod, mai 2006

* 19 Dictionnaire suisse de politique sociale

* 20In www.serpsy.org/socio/livet4 E. Zarifian, Des paradis plein la tête, 1994, p 179-180

* 21 Handicap et accès à l'emploi : efficacité et limites de la discrimination positive - Christine Le Clainche et Geert Demuijnck Centre d'Etudes de l'Emploi - Document de travail n° 63 - Juillet 2006, page 31

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon