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La difficile percée d'une modèle alternatif dans les rapports Nord-Sud: Le cas de Songha

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par Sophie Lavigne
Université du Québec à Montréal - Maîtrise 2005
  

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CHAPITRE VII

RÉSULTATS DE LA RECHERCHE : SONGHAÏ ET SES RAPPORTS AVEC LE NORD ET LE SUD

Ce chapitre illustre les rapports Nord-Sud à travers le cas de Songhaï. Il s'appuie sur l'histoire de Songhaï et l'expérience qu'il a su tirer de ses partenariats avec les bailleurs de fonds internationaux. L'histoire de la coopération internationale et les différents points de vues sur cette dernière permettent de situer la « troisième voie » de Songhaï dans le contexte des échanges internationaux. Le questionnement sur le transfert des nouvelles technologies, qui suivra, servira à illustrer les rapports de force entre bailleurs de fonds et bénéficiaires. Cette mise en place favorisera ensuite le questionnement sur les rapports entre le Nord et le Sud et ses alternatives possibles.

Le principal problème selon Nzamujo (2004) serait que les conceptions du monde de la coopération internationale en matière de développement reposent encore sur les théories keynésiennes du financement du secteur économique, pour favoriser le décollage économique ; or, cela serait une erreur dans la mesure où le développement ne repose pas sur l'apport du capital, ni sur l'aide internationale. Selon ce dernier, le développement, pour qu'il soit durable, repose en grande partie sur la mobilisation, la formation et la conscientisation des ressources humaines afin d'exploiter les ressources naturelles du pays.

7.1 Le développement selon le Nord et le Sud

Les définitions du développement varient selon l'endroit où l'on se trouve et la réalité quotidienne vécue. Le point de vue occidental sera sans doute différent, de celui de la personne qui en vit la réalité partiellement sans qu'elle touche les siens. Nzamujo (2004) fait ressortir les conflits inhérents à la coopération entre le Nord et le Sud. Les différentes parties viennent avec leurs bagages personnels et leurs conceptions du développement, il faut donc faire preuve de beaucoup de souplesse de part et d'autre pour arriver à comprendre les intérêts de chacun et les intégrer dans une vision commune.

Comment je vois le développement, je vais commencer par ça pour vous montrer où il y a des problèmes et des conflits. D'abord, nous en tant qu'Africains on voit ça de l'intérieur, parce que c'est le vécu pour nous. On voit ça tous les jours, ce sont nos parents, nos villages. Donc, la manière de l'extérieur dont on voit n'est pas la même chose. Chaque personne vient faire du développement avec des préconçus, avec une idée, une culture, une idée de ce qu'est le développement. Donc pour moi c'est normal qu'il y ait des différences et pour moi comment gérer la différence, je ne pense pas qu'on va se battre, se taper, j'accepte déjà, parce qu'on vient d'horizons différents et c'est normal qu'il y ait la « malcompréhension »; qu'il y ait des gens du Nord qui ne peuvent pas comprendre, qui malgré eux imposent, ça, c'est normal. Mais au-delà de ça, il y a des gens qui refusent, qui voient que voilà : l'Afrique, l'Amérique latine, l'Asie doivent faire comme nous. Comme pour le développement c'est qu'ils changent la manière pour faire comme nous. Et il y a l'autre groupe, qui lui, il ne croit même pas que c'est possible, mais il faut le faire parce qu'au niveau moral il y a des gens là, il faut leur donner des miettes, c'est comme des mendiants on leur donne parce qu'ils te dérangent et il faut laver la conscience. Ça aussi on n'est pas d'accord là-dessus (Entrevue avec Nzamujo, 2004).

Différentes perceptions du développement s'entrechoquent ; le modèle dominant (bailleurs de fonds internationaux) favorise l'implication dans le milieu par des approches sectorielles qui orientent le gouvernement dans la mise en place d'un processus plus démocratiques, à travers la décentralisation du pouvoir vers les communautés. Même si cette approche répond à des besoins locaux, elle consiste souvent à se servir des indicateurs classiques de développement tel que le Produit national Brut (PNB) pour mesurer l'aide à apporter aux pays en développement. Les services offerts par ces organismes (Banque Mondiale et FMI) sont d'octroyer des prêts aux pays en fonction de certains critères qui s'inscrivent dans des programmes sectoriels tels que la privatisation des appareils d'État et la libéralisation de leur marché. Ainsi, l'approche sectorielle passe par l'intermédiaire du gouvernement et la corruption interne ne permet pas toujours son optimisation. D'autres organisations comme OXFAM-Québec vont financer directement les O.N.G. locales selon leurs priorités. Ces deux approches sont différentes. La première passe par le gouvernement qui va ensuite redistribuer l'argent à des O.N.G. qui répondent au plan soumis par le bailleur de fonds. La seconde va directement donner aux O.N.G. locales. François Bourguignon6(*), économiste de la Banque Mondiale, admettait que les programmes de son institution ne répondaient pas toujours aux besoins des populations et que la façon de faire du développement devait s'adapter, devenir plus pragmatique. Un article de L'Aigle de Songhaï critiquait les méthodes traditionnelles de faire du développement qui ont cours à la Banque Mondiale et au FMI :

Les meilleurs partenaires au développement et les meilleurs amis des pays africains ne sont-ils pas ceux qui injectent davantage d'argent ou qui annulent sporadiquement des dettes contractées de longue date et qui étranglent sans aucun doute les économies déjà vulnérables ? La capacité de créativité, de conscience intérieure est dans ces conditions émoussées au détriment de la passivité, de l'oisiveté et du gain facile, toutes attitudes qui ne facilitent guère le décollage socio-économique des Africains par eux-mêmes (L'Aigle de Songhaï, développement, 2000, no 40-41).

L'injection d'argent est nécessaire aux infrastructures, mais elle doit être planifiée dans une perspective à long terme qui répond aux besoins des pays, aux défis locaux. Cette injection d'argent ne doit pas rendre les gouvernements et les populations apathiques, elle doit contribuer à créer des espaces d'innovation qui permettent aux gens d'être actifs dans leur développement.

En regardant les problèmes de l'Afrique, le retard accumulé par rapport aux autres continents, son incapacité de se mesurer et de mesurer les défis de demain (bouleversements économiques, les nouveautés accélérées, etc.), on a peur. On ne peut s'empêcher alors de dénoncer le « bricolage » qui s'observe en Afrique. En effet, le vrai développement ne signifie pas de toujours résoudre les problèmes ponctuels, de s'ériger en « sapeurs pompiers », mais de prévoir, d'anticiper les événements. Le développement ne peut se faire à la place des pauvres. Tout le monde est tenu d'y participer, qu'on soit dit « développé » ou « sous-développé », « pauvre » ou « riche ». C'est dans cette participation de tous que pourrait naître un vrai partenariat entre riches et pauvres. C'est de cette manière qu'on peut créer des sites d'excellence ou sites de croissance socio-économiques par des entreprises de jeunes qui s'installent en aidant les « soi-disant pauvres », en travaillant avec eux (L'Aigle de Songhaï, éditorial, 2000, no 40-41).

La formation et les apports techniques sont des moyens de redonner aux gens leur plein pouvoir et de leur permettre de trouver des solutions adéquates. Le représentant de l'USAID, lors de notre entrevue, nous expliquait que son organisation valorisait le secteur de l'éducation. C'est pour cette raison qu'il appuyait le Bénin, qui s'était engagé dans un processus de réforme de son système éducatif favorisant ainsi le développement de son pays. Le constat de l'USAID est que le développement ne peut venir que lorsque dans un pays, des citoyens éduqués et formés sont à même de résoudre leurs problèmes. Songhaï a donc été soutenue par l'USAID parce qu'elle répondait à la réforme éducative du gouvernement béninois, aux besoins locaux et aux critères de l'USAID.

Il est évident et largement admis de nos jours que le développement de l'Afrique passera par l'agriculture, il est tout aussi évident que ce développement ne peut se réaliser sans un potentiel humain qualifié. C'est conscient de cela que Songhaï depuis sa création, s'est donné entre autres missions, la promotion des acteurs de développement grâce à la promotion de l'entrepreneuriat agricole chez les jeunes africains (L'Aigle de Songhaï, formation, 2001, no 44).

Songhaï, comme modèle alternatif s'est adapté aux conjonctures internationales avec sa « troisième voie » afin de créer, par sa formation, un vivier d'entrepreneurs qui relanceront l'économie.

7.1.1 La « troisième voie» dans le jeu de la coopération Nord Sud

Le développement sur la base de la « troisième voie » ainsi que sur la base du modèle de solidarité internationale, favorise la prise en main de la population et la pérennité des projets parce qu'ils sont directement liés avec les préoccupations sociales.

On voit quel est notre problème, quel est notre talent, quels sont nos ressources humaines, naturelles, et tout ça. Avant de commencer, il faut faire le bilan de ce que nous avons, il faut développer la vison où vous allez. C'est ça pour moi le développement (Entrevue avec Nzamujo, 2004).

La durabilité d'un projet soutenu par une vision partagée par l'ensemble du groupe, est un critère qui va induire une importante transformation locale au niveau socio-économique.

Parce que le développement c'est moi-même, et on ne peut développer quelqu'un qui n'a pas une personnalité. Beaucoup de gens quand ils commencent le développement, ça ne marche pas. Les infrastructures, les bâtiments, oui, mais ce n'est pas durable. La durabilité consiste à une communauté déjà en marche et qui a une capacité d'absorption sélective (Entrevue avec Nzamujo, 2004).

La « troisième voie » mise beaucoup sur la durabilité du développement, et cette durabilité n'est possible que si la population s'approprie, non seulement le projet, mais aussi le processus par lequel il a été conçu. La mission de Songhaï qui consiste à changer les mentalités n'est autre chose que l'appropriation du développement par la communauté. Après avoir mis une communauté en marche il faut acquérir des savoir-faire et des technologies afin de rendre le projet concret et générateur de développement dans le pays. Ces savoir-faire et ces technologies doivent aussi faire partie de cette appropriation, de ce processus par lequel on fait sien ce qui est en dehors de nous.

* 6 http://web.worldbank.org

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry