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La problématique de la rénovation des sciences sociales africaines;lecture et reprise de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale

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par Barnabé Milala Lungala Katshiela
Université de Kinshasa et université catholique de Louvain - Thèse de doctorat 2009
  

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4.2.1. Remise en question du naturalisme de John Searle

L'écriture hiéroglyphique symbolise le Kpr (kheper), c'est-à-dire la loi de la transformation du Devenir par le « scarabée  sacré ». Le scarabée place sa larve dans la bouse qu'il enroule, qui, après une période donnée donne un autre scarabée adulte. Ce schéma a inspiré sans doute le naturalisme searlien qui refuse « de chercher en dehors de la nature un principe explicatif de la nature. C'est dans la nature qu'il se trouve, car la raison est dans la nature, soit qu'elle y oeuvre (Dewey), soit qu'elle en émerge à un niveau donné(Sellers) ».670(*) Cette dernière alternative coïncide bien avec la conscience qui, chez Searle, émerge du processus neurophysiologique, d'un processus physicaliste. Dans le naturalisme américain en général « la conscience dans un être qui possède le langage dénote l'aperception (awarness) ou la perception des significations. L'esprit est au corps ce que la raison est à la nature, son entéléchie seconde ».671(*)

Au demeurant, et dans l'ensemble, « héritier de Peirce, le naturalisme américain est métaphysique, d'une métaphysique qui se nourrit de la science, en utilise les méthodes et en adopte les conclusions : il est à la fois ontologique, expérimental et évolutionniste. Peirce, dit Schneider, «conclut la théorie des universaux comme faisant partie intégrante des sciences de la nature et considère son système des catégories comme une analyse formelle des procédés scientifiques et une ontologie ».672(*)  La nature est donc « la somme totale de ses propres conditions », elle est -« l'objet global, les parties observées plus les parties interpolées »- le seul fait existant en soi. L'esprit est un élément de ce complexe, mais il n'est ni sa propre condition ni la condition des autres objets ».673(*) Il n'y a pas une extériorité, c'est donc une doctrine immanentiste.

John Dewey qui est plus proche de William James d'un pragmatisme qui mise sur les résultats de l'action, « dirait volontiers d'ailleurs qu'il n'y a rien à voir dans la nature, pas de substances en tout cas, rien que des transactions. Les distinctions établies entre, `l'homme et le monde, l'intérieur et le public, le moi et le non -moi', le sujet et l'objet, l'individuel et le social, le privé et le public, etc... sont en réalité des parties (au sens de participants : parties) dans des transactions biologiques ».674(*) Le concept d'expérience transactionnelle est central dans sa philosophie ; c'est pourquoi il est considéré par Gérard Deledalle comme un des pères de la démocratie américaine.

Pour la tendance naturaliste, l'égalité, la liberté et la propriété sont déduites des conditions de la Création. Tout ce qui appartient en propre à un individu, ne peut lui être enlevé sans son consentement. Dieu a donné à tous les hommes la possession et la jouissance commune. 675(*) Le naturalisme frise en fin de compte une position religieuse, tout s'explique par la Nature. Le naturalisme biologique s'opère dans une pensée gnostique d'un Dieu acosmique comme le théorise un peu Hans Jonas. Il est important de souligner le fait que la question qui est au centre de notre étude implique tout le réel. Par exemple, à la suite de la notion de processualité du réel, poser le problème de contexte de l'esprit dans la philosophie de l'esprit, c'est poser la question du réel même, vouloir savoir : Quel est le « lieu »de l'esprit ? Jean De Munck pose cette question et tente d'y répondre : pour lui, «  il n'y a pas un dehors et un dedans, un organe spirituel dans une extériorité chaotique, un Moi-qui-pense dans un contexte informe et dénué d'universalité. Si la raison est une procédure discursive, l'esprit ne se tient pas face au monde, mais se mêle à lui, s'y mélange et l'épouse, de sorte que l'un et l'autre se conditionnent réciproquement dans un échange sans fin ».676(*) C'est ce que nous appelons le naturalisme non auto-transcendant. Dans ce sens « l'esprit est, comme le souligne Putnam, intrication pragmatique avec le monde et avec autrui »677(*), affirme De Munckqui ajoute : « Les procédures de l'esprit sont instituées, et ce sont ces institutions qui les ancrent dans les contextes mondains. Inversement, les institutions mettent en forme les contextes d'usage, et les rendent accessibles à l'esprit ».678(*) Il n'y a pas à proprement parler d'extériorité dans une ontologie de ce genre. C'est un immanentisme cosmologique.

Le processualisme du réel ici est internaliste. Et d'ajouter que « l'esprit dénote tout le système de signification en tant qu'incorporé dans les opérations de la vie organique ».679(*) Il faut dire aussi, ce texte le prouve, que le naturalisme est lié à la sémiotique. Or, la sémiotique peircienne anticipe la révolution pragmatique de Ludwig Wittgenstein.

4.2.3. La reconstruction d'un modèle de tradition congolaise

Cette étude tente de présenter épistémologiquement une notion opératoire que partagent toutes les grandes civilisations et subsumer la conception générale à laquelle se réfèrent les philosophies dominantes et même la science en général.

Nous nous situons ici d'un point de vue des traditions typiquement congolaises pour illustrer la composante linguistique de la création de la réalité sociale sous la forme sacrée de la création par le Verbe,le point de départ de la théorie anglo-saxonne des « actes de la parole ». A ce propos T. Fourche et H. Morlighem, dans leurs commentaires de ce qu'ils appellent Une bible noire680(*), ne se limitent pas au travail fort salutaire de conservation de textes et d'une restitution de la pensée ; ils essaient de reconstruire des multiples concepts centraux.

Marc Poncelet affirme que sur le plan strictement épistémologique, en ce qui concerne l'Histoire sociale de la pensée coloniale et congolaise, un des premiers grands débats épistémologiques au Congo est celui qui eut lieu à l'IRCB (Institut Royal Colonial Belge) à l'âge d'or du champ colonial savant des années 30. La tendance dominante était le refus de situer le savoir des autochtones dans le processus général de l'histoire de l'humanité. C'est en l'occurrence le mémoire de Tiarko Fourche et de H. Morlighem médecin et aide -médecin de leur état, parce qu'il « fut ajourné pour sa part pour complément d'information ».681(*) Et pour cause : « L'ethnologie catholique (a) combattu systématiquement toute tentative d'interprétation (considérée comme `hâtive', 'littéraire' ou `spéculative') visant à insérer les observations ethnologiques dans un schéma évolutionniste susceptible de tracer les axes d'une histoire universelle et raisonnée des croyances religieuses humaines ».682(*)

Le tort de T. Fourche et H. Morlighem, chercheurs en médecine naturelle et des techniques phytothérapiques - est d'avoir osé , contre l'avis des ethnologues ecclésiastiques coloniaux ,présenter à propos des congolais des conceptions qui rencontraient d'autres traditions universelles. Les commentaires de T. Fourche et H. Morlighem sur les différents thèmes qu'ils recueillent dans Une Bible noire se réfèrent à la comparaison des traditions congolaises - Luba (Lulua, Songhé, etc.) -Lunda (Pende, Cokwe, Bindji, etc.)- ou à plusieurs grands foyers des cultures tels l'Egypte antique, le Hindou683(*), la conception médiévale, etc.

La création par le Verbe, cette conception dans Une bible noire semble uniquement renvoyer à la tradition de l'Egypte antique : Selon T. Fourche et H. Morlighem,Le « Ku-Ela-Diyi », en tshiluba, émettre une parole (impérative), un ordre, le « verbe » (plur. »Ku-Ela-Meyi »- on dit par exemple à la 2ème et 3ème personne du singuler : Wela Meyi (Ouela Meyi) est comparable dans sa forme et dans son esprit au «  Ouzou Medou »des Egyptiens antiques (Voir A.MORET : Le Nil et la Civilisation Egyptienne ,page 439). Mais dans le langage courant, cette expression, qui garde en certains cas toute sa valeur impérativement symbolique a pris le sens commun de « parler ». (Parler : Ku -Akula - Faculté de la parole : Diakula).684(*)

Tout cela est lié à une vision du monde. A propos des spéculations cosmiques touchant aux étoiles, aux galaxies et à la voie lactée, nos auteurs rapprochent certains termes d'Une Bible noire à la conception médiévale, notamment à propos de ce que Une Bible noire appelle des Choses primordiales ou Choses Aînées, « Il nous arrive, disent -ils, de dire « éléments » (terme absent du vocabulaire des indignes, qui ont pourtant une conception médiévale) et « astres », pour traduire ces « choses aînées ».685(*) De par ces références, nos auteurs procèdent méthodologiquement à des comparaisons topologiques.

En ce qui concerne le sujet se rapportant aux couleurs : «  Cette conception des « couleurs de création » est à rapprocher de la conception Hindu des sept rayons qui ont, aux termes de la doctrine ésotérique, teinté successivement la création. Le rapprochement est d'autant plus frappant que le mot de sens très général « Dikolo »(pl. Makolo ,en Tshiluba ) dont l'intention signifie ici « couleur »,se traduit par « rangée », « ligne », « rayon »,avec une nuance qui suggère l'ordonnance ;que ne traduit pas exactement le gris, mais toutes les couleurs non franche, sera subdivisé lui-même en quatre teintes ; soit en tout, sept couleur ;blanc, noir, rouge, indécis, blanchâtre, noirâtre et rougeâtre ».686(*) Cette pensée peut être resituée dans l'histoire de la Pensée en général.

* 670 Gérard DELEDALLE, La philosophie américaine, De Boeck  Université, Bruxelles, 1998, p.96

* 671 Ibidem, p.99.

* 672 SANTAYANA, Scepticisme and Animal Faith, New York, Charres Scribner's, Ins, 1923, p.VII, cité par Gérard DELEDALLE, La philosophie américaine, De Boeck  Université, Bruxelles, 1998, p.96.

* 673 Ibidem.

* 674 Ibidem, p.101.

* 675 Philipe RAYMOND et Stéphane RIALS, (Dir.), Dictionnaire de la philosophie politique, Puf, Paris, 1996, Pp.354-355.

* 676 Jean De MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, Puf, Paris, p.9.

* 677 Ibidem, p.10.

* 678 Ibidem.

* 679 Gérard DELEDALLE, La philosophie américaine, p.96

* 680 C'est un recueil qui réunit des cosmogonies traditionnelles de la région congolaise qui va de la rivière Lomami à la rivière Kasaï, en RD Congo.

* 681 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire sociale du siècle d'africanisme belge, Dissertation doctorale, Université de l'Ille I, Tome I, 1995, (inédit), p.461.

* 682 Ibidem, p.462.

* 683 Ibidem, p.65 ; les commentaires soutiennent qu'à propos de la physiologie d'Une bible noire, la conception de ce qui est appelé ici les centres de l'homme, liés à des facultés et pouvoirs, réunit des notions particulières de physiologie et une notion très comparable à celle de Chakras Hindu. Cakras: Sanskrit: «roue». Un lieu de concentration d'énergie et de conscience situé dans les corps intérieurs de l'être humain. Ce sont les centres nerveux, plexus et ganglions, ainsi que les glandes qui correspondent aux chakras principaux, qui se trouvent dans le corps physique, le long de la colonne vertébrale, du bas jusqu'au sommet du crâne. (Notons qu'il y a correspondance, et non identité entre les chakras et les centres nerveux, glandes, etc.) Il y a sept chakras principaux qui sont les plus connus et le plus souvent décrits dans les livres. Mais en réalité, il y en a d'autres encore. On peut voir les chakras par le psychique; ils ressemblent à des lotus aux nombreux pétales de diverses couleurs. Voir: manipura-chakra, muladhara-chakra, nadi, sahasrara-chakra.

* 684 Tiarko FOURCHE et Henri MORLIGHEM, Une bible noire, Max Arnold, Bruxelles, 1976 , p.37.

* 685 Ibidem, p.19.

* 686 Ibidem, p.24.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore