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L'analyse de l'opération de rapatriement ou opération baliste pendant la crise israélo-libanaise de 2006.

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par Axel Patinet
IEP de Lille - Master de communication publique 2006
  

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II) La prise de décision : l'action diplomatique française

Nous analyserons dans cette partie le processus de prise de décision politique en matière de politique étrangère. Nous tenterons de mieux comprendre la prise de décision politique de l'opération baliste et d'étudier ainsi l'action diplomatique française dans cette opération. L'étude que nous ferons de la prise de décision de l'opération baliste se situera dans une perspective de politique publique. Dans ce champ scientifique, la décision publique tient une place fondamentale car elle est en haut de la hiérarchie des actes publics. Ainsi, le moment de la décision semble représenter l'apogée du travail politique et administratif. Nous nous interrogerons donc sur l'élaboration de la politique et de la prise de décision (decision making) de l'opération baliste.

La problématique sous tendue par cette partie concerne la place du M.A.E dans le processus décisionnel en matière de politique étrangère. Il faudra ainsi se demander si le M.A.E a été fortement concurrencé dans la prise de décision politique de l'opération baliste. Même si il existe une pluralité d'acteurs impliqués dans le processus de décision, il faudra souligner dans cette partie l'existence d'un « milieu décisionnel central » selon l'expression de M.C.Kessler.45(*) Ce noyau décisionnel fort est constitué par des acteurs détenant des pouvoirs spécifiques conférés par les normes constitutionnelles et législatives, par les structures administratives qui institutionnalisent leurs rôles. Ce sont principalement le président de la République, le Premier Ministre, le ministre et le ministère des Affaires Etrangères. La décision publique sera donc un compromis entre ces multiples acteurs interdépendants.

On aura recours dans cette partie aux théories de R.Jervis et J. De Rivera sur le rôle des facteurs psychologiques biaisant la rationalité de l'acteur ainsi qu'aux analyses en termes de politique publique de Y.Mény et J.C Thoenig concernant le style décisionnel adopté et enfin les travaux de Allison et Halperin sur les contraintes organisationnelles et bureaucratiques subies par le décideur.

Nous verrons tout d'abord le rôle d'initiateur du premier ministre et du président de la république dans la délimitation et les modalités de la prise de décision. Puis, nous analyserons l'action du M.A.E à travers le rôle de ses différents acteurs internes. Nous nous fonderons sur l'analyse des discours et des déclarations officielles. Enfin, nous étudierons les autres acteurs en collaboration avec l'Etat français. Il s'agira de souligner dans ce dernier point une coopération multi-niveaux dans le processus décisionnel et montrer ainsi l'européanisation et l'internationalisation de toute politique publique et donc d'une politique étrangère concernant le rapatriement du Liban dans notre cas spécifique.

Les prises de décisions du premier ministre et du président de la république sont motivées par la poursuite d'objectifs précis. L'opération Baliste a été réalise entièrement sous commandement national. Pendant le conflit, une des préoccupations du président de la république a été de ne pas risquer d'insérer un trop grand nombre de forces supplémentaires dans la FINUL avant que les conditions qu'il avait posées en préalable n'aient été réunies. Il apparaissait donc politiquement plus logique d'affirmer que l'effort de la France n'était pas limité aux deux cents hommes affectés aux forces des Nations Unies mais comportait également l'opération Baliste qui mobilisait environ 1700 hommes.

La volonté d'apporter son aide aux ressortissants français s'inscrit donc dans «  une analyse de la place de la France dans le monde et sur l'observation de l'état des forces en présence. »46(*)De plus, comprendre le rôle d'initiateur du président et du premier ministre implique de définir le style décisionnel adopté.47(*) Celui ci fourni en effet un cadre quant aux modalités de la prise de décision.

Deux paramètres apparaissent essentiels pour mieux comprendre le processus décisionnel ; il s'agit tout d'abord du degré d'accord ou de désaccord qui existent entre les acteurs qui interviennent dans la décision à propos des objectifs et des valeurs. Le deuxième paramètre concerne lui le degré de certitude sur les moyens à mettre en oeuvre, la connaissance des faits. Le croisement de ces deux paramètres peut ainsi être résumé dans un tableau (cf. p.31) qui nous fournit un cadre conceptuel utile pour comprendre les caractéristiques décisionnelles de l'opération baliste.

Schéma du style décisionnel

Degré d'accord sur les objectifs, valeurs.

Degré de certitude sur les moyens et les faits

Elevé Faible

Processus programmé Processus négocié

Routines, automaticités, Débats idéologiques ;recours à l'ex-

Technicisation, bureaucratisation, -périence et la tradition.

Planification. Controverses officielles

Processus pragmatique Processus chaotique

Recours aux experts, empirisme, Evitement,décentralisation,recours à

Recherche de variantes stratégiques l'autorité,homme providentiel.

Elevé

Faible

L'analyse de ce schéma nous permet d'établir le style décisionnel adopté par les autorités françaises pour l'opération d'exfiltration des français hors du Liban .On peut en premier lieu, exclure les processus dit négocié et chaotique.

En effet, le processus négocié présente un faible degré d'accord sur les objectifs et les valeurs, querelle qui n'a pas lieu d'être ici dans le cadre d'un rapatriement ; les objectifs étant partagés par l'ensemble des autorités françaises (retour des ressortissants français) ainsi que les valeurs (respect du droit international, mise en avant des liens historiques entre la France et le Liban). Le processus chaotique lui est encore plus éloigné de la réalité de la prise de décision de l'opération baliste puisqu'il s'articule autour d'un faible degré d'accord sur les valeurs et sur les moyens à employer.

Enfin, le processus programmé ne correspond pas non plus à la réalité de par son aspect trop planifié et bureaucratisé incompatible avec la gestion d'une crise, d'un conflit tel que l'affrontement israélo-libanais de 2006.

Il apparait donc que c'est le processus pragmatique qui correspond le plus au style diplomatique adopté par les autorités françaises et ce, pour plusieurs raisons que nous allons expliciter. Le degré d'accord, dans ce modèle, sur les valeurs est élevé ce qui correspond au style de décision du gouvernement français pour l'opération Baliste. Ce type d'opération n'entraine pas en effet de débats idéologiques sur le fond. Cependant, les controverses peuvent exister quant aux moyens en mettre en oeuvre. Ainsi, le choix d'un rapatriement par voie navale a soulevé certaines critiques notamment de la part des partenaires européens de la France. Le recours à des experts à été un élément central notamment dans le cadre de la MASC (Mission d'Appui de la Sécurité Civile) puisque vingt experts en gestion de crise ont été envoyé par le gouvernement français. Il faut ajouter à ces experts d'autres équipes spécialisés pour un meilleur accompagnement et un soutien des rapatriés ; il s'agissait d'agents du M.A.E et du personnel de la croix rouge. La présence d'expert est un critère qui permet de déterminer si le style décisionnel est pragmatique ; leur présence tend donc à confirmer que la prise de décision de l'opération Baliste s'est faite de manière pragmatique.

Ce pragmatisme est renforcé par l'empirisme de la méthode qui doit tenir compte de la réalité du terrain. L'automatisation, la planification trop rigide sont ici impossibles car c'est la réflexivité des décideurs politiques qui importent .Ainsi, un des problèmes majeurs posés au gouvernement français était de savoir a quel moment précis les personnes allaient décider de partir. Beaucoup de ressortissants ne se trouvaient pas dans la ville de Beyrouth considérée alors comme trop dangereuse mais pouvaient trouver refuge dans la montagne libanaise. La difficulté était donc de savoir ou ils se situaient et quand ils souhaitaient partir. Ainsi, par exemple, au niveau de l'ambassade, lorsque 1 000 personnes étaient présentes sur les quais, le travail préalable avait nécessité 4 000 appels téléphoniques dont plus de 2000 sans réponses. 48(*)Sur les 2000 personnes ayant répondu, seulement la moitié désirait une aide au départ.

Le M.A.E et Philippe Douste-Blazy, ministère du M.A.E ont joué un rôle central dans le processus décisionnel de l'opération Baliste. Les ministres des Affaires Etrangères jouissent la plupart du temps d'un prestige particulier dans la galaxie gouvernementale, ce fut le cas de Talleyrand, Schuman qui ont laissé une empreinte forte dans l'histoire diplomatique française.

Il faudra s'interroger ici sur le poids du ministère et du ministre sur les événements et quelles sont les forces, pressions qui agissent sur le ministre. 49(*)Ces deux questions s'inscrivent en fait dans deux types d'interprétation ; l'une provient des spécialistes de la psychologie sociale et s'inscrit dans une tradition anglo -saxonne alors que l'autre provient des sociologues et politologues et se focalisent plus sur les contraintes administratives et organisationnelles qui entourent la prise de décisions. Nous aurons donc recours tout d'abord aux théories de R.Jervis et J. De Rivera sur la rationalité biaisé de l'acteur. Dans la lignée des analyses de Harold et M.Sprout50(*), ils vont montrer le rôle des « misperceptions » qui viennent biaiser la rationalité du décideur au moment de la prise de décision. Psychologue de formation, Jervis explicite ces perceptions inadéquates, définies comme des perceptions subjectives ne correspondant pas à la réalité objective de la situation, par les processus de dissonance cognitive.51(*)Ce concept appliqué dans le champ de la politique étrangère, suggère que l'acteur est amené à ne percevoir que les événements auxquels il s'attend (concept du « wishful thinking »), à se contenter d'une interprétation connue plutôt que de tenter d'explorer d'autres interprétations possibles, à ignorer des informations en contradiction avec ses croyances.

Il nous faut aborder et définir maintenant la seconde approche sur les contraintes organisationnelles et administratives qui déterminent le comportement de l'acteur en politique étrangère. L'analyse d'Allison52(*) se fondant sur l'étude de la crise des missiles de Cuba aboutit sur la conclusion qu'il existe un modèle organisationnel d'explication de la politique étrangère. Celle ci loin d'être le résultat final d'une décision rationnelle réfléchie de la part de l'acteur n'est qu'un ensemble d'outputs produits par les grandes organisations composant l'administration.

* 45 M.C Kessler,op .cit .,pp.19,20

* 46 M.C.Kessler, op.cit. pp.142,143.

* 47 Y.Mény, J-C Thoenig, op.cit. pp.229,230,231.

* 48 www.ambafrance-lb.org

* 49 L'historien Jean Baptiste Duroselle a consacré plusieurs ouvrages sur l « homme d'Etat ».On peut citer notamment cet ouvrage : Introduction à l'histoire des relations internationales, Paris, Armand Collin, 1946.

* 50 H.Srpout, M.Sprout, Man-Milieu Relationships Hypotheses in the Context of International Politics, Princeton, center for international studies, 1956.

Dans cet ouvrage, les auteurs distinguent le milieu psychologique des décideurs, c'est-à-dire le monde tel qu'il est perçu par les dirigeants politiques et le milieu opérationnel auquel ils sont confrontés, c'est-à-dire le monde réel dans lequel les décisions et actions vont être mis en oeuvre.

* 51 D'un coté et à cause de la complexité du monde à laquelle est confrontée tout individu, il existe des dispositifs cognitifs permettant d'intégrer les informations nouvelles dans un schéma d'interprétation préétablies et de maintenir ce faisant un ensemble relativement simple, stable de convictions et de croyances, de l'autre et à cause du stress psychologiquement inconfortable causé par une information dissonante par rapport à ses croyances, chaque individu s'efforce de réduire toute dissonance et de retrouver de la consonance en évitant les situations susceptibles d'aller à l'encontre de ses convictions les plus profondes .L'individu cherche donc à ne pas être désorienté dans son environnement.

Source: R .Jervis, Perception and Misperception in International Relations, Princeton, Princeton University Press, 1976.

* 52 G .Allison, Essence of Decision. Explaining the Cuban Missile Crisis, Little Brown, 1971.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus