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Regards sur la traduction juridique du développement durable

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par Cyrille Emery
Université du Maine - Master 2 recherche en géographie 2010
  

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Universite du Maine
Faculte de Lettres, Langues et Sciences humaines
Master 2 recherche en sciences humaines et sociales
Mention geographie & amenagement
Specialiti Politiques territoriales de developpement durable

Regards sur la traduction juridique

du developpement durable

L'exemple du marche public de

restauration scolaire de Strasbourg

Itlemoire dirige par

Mme le professeur Jeannine Corbonnois

Cyrille Emery

Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur
et n'engagent pas l'Université du Maine.

Université du Maine

Faculté de lettres, langues et sciences humaines

Master 2 recherche en sciences humaines et sociales Mention géographie & aménagement

Spécialité politiques territoriales de développement durable

Regards sur la traduction juridique

du développement durable

L'exemple du marché public de

restauration scolaire de Strasbourg

Cyrille Emery
2010

Mémoire dirigé par

Mme le professeur Jeannine Corbonnois

ABREVIATIONS

AJDA Actualité juridique du droit administratif

Bull. Bulletin (civil ou criminel de la Cour de cassation)

CA Cour d'appel

CAA Cour administrative d'appel

Cass. Cour de cassation

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

Cons. cone. Conseil de la concurrence (Autorité de la concurrence)

CE Conseil d'État

CE Ass. Assemblée du contentieux du Conseil d'État

CE Sect. Section du Conseil d'État

CEE Communauté économique européenne

Chr. Chronique

CJCE / CJUE Cour de justice des Communautés européennes / Cour de justice de l'Union européenne

Concl. Conclusions

D. Recueil Dalloz

D. Aff. Recueil Dalloz Affaires

Dr. adm. Revue Droit administratif

GAJA Grands arrêts de la jurisprudence administrative

Gaz. Pal. Gazette du Palais

JO Journal officiel de la République francaise

JOCE / JOUE Journal officiel des Communautés européennes / Journal officiel de l'Union européenne

JOAN Journal officiel de l'Assemblée nationale

Obs. Observations

Rec. Recueil

RDP Revue de droit public

RFDA Revue francaise de droit administratif

Sect. Section

TA Tribunal administratif

TC Tribunal des conflits

TCE Traité instituant la Communauté européenne (Traité de Rome)

SOMMAIRE

Sommaire détaillé en fin de document.

I. La difficile traduction juridique du developpement durable............................................ 6

A. Developpement durable : des definitions multiples....................................................................10

Une definition po/ysemique............................................................................................................................11

Les trois pi/iers du deve/oppement durab/e............................................................................................12

La soutenabi/ite forte et /a soutenabi/ite faib/e......................................................................................13

Une notion diffici/e a traduire juridiquement.........................................................................................15

B. Enjeux et debats .......................................................................................................................................16

Un constat qui ne fait pas /'unanimite ........................................................................................................16

Une experience ma/heureuse : /e droit du deve/oppement...............................................................19

Faut-i/ poser /a question autrement 7.........................................................................................................20

C. La bonne echelle spatiale : l'echelle territoriale ...........................................................................31

L'Etat n'est sans doute pas /a bonne eche//e............................................................................................31

Un substitut : /a gouvernance territoria/e.................................................................................................38

II. La traduction juridique du developpement durable a l'echelle territoriale ............40

A. L'exemple du locavorisme ....................................................................................................................41

La preference /oca/e : une mode promise a un be/ avenir .................................................................43

La preference /oca/e : une mode interdite par /e droit........................................................................47

Deve/oppement durab/e et /ocavorisme....................................................................................................51

L'interdiction imp/icite du x de/oca/isme » ..............................................................................................52

B. Le marche public de restauration scolaire de Strasbourg.........................................................54

Adoption d'un P/an c/imat territoria/..........................................................................................................54

Les caracteristiques du marche.....................................................................................................................56

Les enseignements du marche strasbourgeois.......................................................................................65

Conclusion............................................................................................................................................67

I. La difficile traduction juridique du développement durable

Ç Depuis le début de l'humanité, on sait qu'il faut adapter des règles générales aux cas particuliers : c'est ce que font quotidiennement les gouvernements des États. Il y a une interdépendance entre tous les niveaux de l'espace È1 (i-P. Paulet).

A l'issue du sommet de Copenhague, les États ont démontré leur relative incapacité à s'accorder sur des objectifs contraignants. S'ils acceptent volontiers de reconna»tre l'urgence qui s'attache à de nouvelles formes de développement économes en carbone et en ressources naturelles, ils peinent à traduire ce constat en objectifs. Et à transformer ces objectifs en une production normative, c'est-à-dire en droit.

Pour ce qui concerne la France, les 257 articles de la loi 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement2 (Grenelle II) constituent néanmoins un engagement substantiel et cohérent en faveur de la traduction juridique des objectifs de développement durable.

L'article 254 de la loi souligne ainsi, qu'Ç en référence à ses engagements internationaux et nationaux en matière de territoires et de villes durables, l'État encourage les projets territoriaux de développement durable et les agendas 21 locaux portés par les collectivités territoriales ou leurs groupements È. Ë cette fin, l'État pourra conclure en vertu de la loi, des conventions territoriales particulières pour fixer des modalités d'accompagnement d'ordre technique et financier de ces projets.

Le projet de recherche ici présenté porte sur la traduction des objectifs du développement durable dans les textes normatifs, de l'échelon international à l'échelon territorial. Il part d'un constat que personne (ou presque) ne conteste. Depuis cinquante ans, l'humanité est entrée dans une phase sans précédent de son histoire :

Ç En 2007, pour la première fois, l'espèce humaine est devenue majoritairement urbaine. La population mondiale s'accro»t de 70 millions d'individus par an. La survie de plus de la moitié de la population mondiale est menacée par la hausse du niveau marin. 1,2 milliard d'individus sont touchés par les risques de désertification. 1 milliard

1 Paulet (J.-P.), Géographie urbaine, Paris, éditions Armand-Colin, 2009, p. 112.

2 JO 13 juillet 2010 ; Le Moniteur des travaux publics et du b%otiment, 23 juillet 2010, cahier détaché n2.

d'individus n'ont pas accès à une eau saine. 930 millions de personnes vivent dans des bidonvilles. Depuis 1960, l'empreinte écologique de l'homme a triplé ; l'utilisation des pesticides a été multipliée par 4 ; la banquise a fondu à 40 %. 50 % des espèces vivant sur Terre pourraient avoir disparu d'ici 2100 >>3.

A ce rythme, la plupart des experts affirment que le développement économique actuel n'est plus soutenable ; et qu'il nous conduit tout droit à l'ab»me. Depuis plus de quarante ans, des universitaires, des politiques, des chercheurs de tous horizons, se mobilisent pour alerter l'opinion mondiale.

En 1968, les fondateurs du Club de Rome ont demandé à des chercheurs du Massassuchetts Institute of Technology (MIT), et notamment au professeur Dennis Meadows et à son épouse Donnella, de rédiger un rapport sur les limites de la croissance. En 1972, ce rapport intitulé Ç Limits to Growth >> dresse un constat sombre pour l'avenir de l'humanité. De cette analyse, conduite à partir d'un modèle mathématique, il résulte que si les hommes ne modifient pas sensiblement leurs modes de vie, si la croissance démographique se poursuit et si les ressources non renouvelables sont pillées à un rythme aussi effréné, l'humanité court inévitablement à sa perte.

La réputation des rédacteurs du rapport, celle des membres éminents du Club de Rome et la date de la publication du rapport - un an avant le premier choc pétrolier - firent de ce document un best-seller mondial vendu à quinze millions d'exemplaires.

Les chocs pétroliers et la crise des ressources naturelles et des matières premières semblent pour le moment avoir donné raison aux auteurs du rapport. Le professeur Dennis Meadows a actualisé en 2004 les conclusions initiales auxquelles il était parvenu. Celles-ci demeurent identiques, voire plus alarmistes qu'elles ne l'étaient à l'origine.

Parallèlement, la stabilité du monde, consécutive aux accords de Yalta et à la guerre froide, a volé en éclat avec l'effondrement du mur de Berlin. La disparition de l'empire soviétique a laissé face à face des pays occidentaux, riches mais éprouvés par plusieurs chocs pétroliers, et une recherche incessante des matières premières, les pays de l'ExUrss, ruinés par cinquante ans de Ç communisme >>, et des pays en développement ou émergents dont le destin est, à ce jour encore, incertain.

3 Citoyens de la Terre, Palais de l'Élysée, 2 février 2007.

C'est à cette période qu'appara»t la notion de développement durable (qui était déjà utilisée dans le rapport << Meadows È) : à la fois comme une réponse à la question environnementale (y compris celle de la ma»trise des ressources), et comme une réponse à la question du déséquilibre entre nations riches et pays pauvres.

Créée en 1983 au sein des Nations Unies, la Commission mondiale pour l'environnement et le développement (CMED) a rendu un rapport présenté par Mme Gro Harlem Bruntland en 1987. Ce rapport, dénommé << Notre avenir à tous È, eut un retentissement planétaire, et on lui doit d'avoir popularisé la notion de développement durable.

Aujourd'hui, tous les pays, toutes les entités publiques régionales ou locales, réfléchissent et préparent l'avenir de l'homme sur la Terre. Mais si la prise de conscience est réelle, elle est encore récente. Et les solutions contestées.

Ë ce stade, on se demande si le développement durable va rester à l'état de projet utopique, ou bien s'il va finir par prendre corps dans nos sociétés. De ce point de vue, le niveau d'intégration (ou la mesure de l'intégration) du développement durable dans notre droit international, national puis local (par voie contractuelle ou unilatérale), peut être révélatrice de la volonté des pouvoirs publics d'en faire le paradigme de leurs politiques publiques.

Jusqu'à ce jour, le développement durable n'était pas vraiment apparu comme un élément obligatoire pour la mise en Ïuvre des politiques publiques, notamment au niveau territorial. Jusque là en effet, seul le code des marchés publics, depuis l'entrée en vigueur du décret du 1er aoüt 2006, imposait explicitement aux collectivités publiques de prendre en compte les objectifs du développement durable dans leurs décisions d'achat (article 5). Mais ce code ne donnait aucune définition du développement durable.

Des ministères ont été créés, des constats établis, des << Grenelle È organisés, des engagements pris. Mais si ces engagements ne se transforment pas en une production normative, c'est-à-dire en un corpus d'obligations (ou de responsabilités) assorties de sanctions, alors les déclarations, les discours ou les accords ne serviront à rien.

C'est à ce constat désabusé que la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle II) apporte partiellement une réponse. Complétant le code de l'environnement, elle vient ajouter à l'article L. 110-1 dudit code un III et IV libellés de la manière suivante :

Ç III. L'objectif de développement durable, tel qu'indiqué au II, répond, de facon concomitante et cohérente, à cinq finalités :

1° La lutte contre le changement climatique ;

2° La préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources ;

3° La cohésion sociale et la solidarité entre les territoires et les générations ; 4° L'épanouissement de tous les êtres humains ;

5° Une dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation responsables.

IV. L'Agenda 21 est un projet territorial de développement durable. È

Les dispositions contenues à l'article 253 de la loi du 12 juillet 2010 contiennent ainsi des affirmations qu'on ne saurait contredire et qui ne peuvent que rallier la majorité des suffrages. Si leur valeur est incontestable, leur portée est néanmoins particulièrement faible. On ne voit pas comment il sera possible de sanctionner le non respect d'objectifs de développement durable, traduits par cinq finalités dont le contenu est aussi généreux qu'impossible à appréhender en droit4.

Comme l'explique le professeur Jacques Chevalier, Ç la norme juridique est à la fois le produit de rapports de force politiques et un instrument privilégié d'objectivation de l'ordre politique et de régulation des comportements politiques È (J. Chevalier, Paris, CURAPP, 1993, p. 5). Ë ce stade, on voit bien que la loi révèle le consensus produit par les deux Ç Grenelle È successifs et qu'elle opère en effet une objectivation de l'ordre politique autour de priorités nationales. On ne voit pas comment appliquer ces dispositions juridiquement.

4 On pourrait naturellement soulever dans un litige l'absence d'Agenda 21 au niveau territorial. Mais l'Agenda 21 n'est pas rendu obligatoire par ces dispositions. Et aucune sanction n'est prévue en cas d'absence de ce document.

Pierre Lascoumes ajoute qu'une analyse de l'action publique dans laquelle le droit prend toute sa place s'impose dans le domaine du droit de l'environnement, oü il est démontré que la loi ne saurait être réduite à un impératif et à son application, qu'une << politique ne peut ainsi être résumée à un ensemble de commandements et que les activités d'interprétation et de mobilisation par les différentes catégories d'acteurs sociaux sont déterminantes dans la réalisation des objectifs >>5. Mais justement, oü est cet << ensemble de commandements >> qui caractérise le droit ?

Le professeur Jacques Commaille explique, pour sa part, que << le jeu des règles de droit ou avec elles lors des mises en Ïuvre des politiques peut faire également l'objet d'approches croisées, de même que l'évaluation des politiques publiques est susceptible d'appara»tre indissociable d'une évaluation législative, la recherche de l'efficacité du droit étant liée à celle de l'efficacité des politiques concernées >>6. L'idée que le droit est la traduction d'objectifs politiques et que leur évaluation permet à son tour de modifier le droit est incontestable. Encore faut-il que l'on ait une définition de ce que pourrait être le développement durable. Car, ce qui est remarquable, c'est que la loi en France utilise les termes de développement durable, mais elle se garde de les définir.

A. Développement durable : des définitions multiples

Il est admis en général que la première occurrence des termes << développement durable >> date de 1980 Dans un document intitulé << stratégie mondiale de la conservation >>, des organismes internationaux, dont le programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), énoncent que, << pour que le développement soit durable, il doit prendre en considération des facteurs sociaux et écologiques ainsi que des facteurs économiques, la base des ressources vivantes et non vivantes et les avantages et les inconvénients à long et à court termes des mesures de rechange possible. >> Mais d'autres définitions de cette notion existent, à commencer par celle issue du Rapport Bruntland en 1987, qui est communément admise.

Le concept de développement durable repose à la fois sur des facteurs environnementaux et sur des facteurs économiques et sociaux qui en sont inséparables. On distingue en général la << soutenabilité forte >> et la << soutenabilité faible >>.

5 P. Lascoumes, L'Eco-pouvoir, environnements & politique, Paris, La Découverte 1994, p. 3.

6 J. Commaille, << Droit et politique >> in Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Lamy et PUF, 2003, p. 480.

L'exemple du marché public de restauration scolaire de Strasbourg A.1. Une définition polysémique

Il n'existe pas à proprement parler de définition unique du développement durable au niveau international. En 1989, un membre de la Banque mondiale, John Pezzey, recensait 37 acceptions possibles des termes «sustainable development»7. Toutefois, on s'accorde en général sur la définition issue du Rapport Bruntland en 1987 : << Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs >>.

Mais la notion même de << développement durable >> est parfois critiquée. Elle ne rendrait pas compte en effet, de toutes les nuances contenues dans la notion anglosaxonne de << sustainable development >>, ou << développement soutenable >>. La notion de développement durable peut effectivement être prise, en anglais, dans le sens d'une croissance économique qu'il s'agir de faire durer, alors qu'il s'agit au contraire d'adopter un mode de croissance plus respectueux de l'homme et de son environnement, et non pas de faire << durer >> la croissance pour elle-même. En dépit de ces critiques, les termes de développement durable sont aujourd'hui couramment utilisés.

La notion de développement durable contient deux perspectives : l'une inter générationnelle et l'autre intra générationnelle. On appelle encore ces deux axes, la solidarité horizontale (entre même générations), et la solidarité verticale (entre générations successives). Ainsi entendue, la notion de développement durable contient à la fois l'idée selon laquelle nous devons laisser aux générations futures de quoi subvenir à leurs propres besoins, et celle qui vise à permettre à toutes les populations d'une même génération de parvenir à disposer d'un minimum de ressources et de droits (ce qui concerne plus particulièrement les pays en développement ou les pays émergents.)

Enfin, la notion de développement durable s'appuie traditionnellement sur trois piliers : économique, social, environnemental, ce dernier étant souvent mis en exergue. Dans la mise en Ïuvre des politiques de développement durable, on distingue généralement la << soutenabilité >> forte et la << soutenabilité >> faible.

7 Pezzey (J.), Economic analysis of sustainable growth and sustainable development, World Bank, Environment Department, Working Paper n 15.

Regards sur la traduction juridique du développement durable A.2. Les trois piliers du développement durable

Définissant une solidarité inter et intra générationnelle, le développement durable repose sur trois piliers (ou volets).

Le premier volet s'intéresse à l'environnement. Il est lui-même abordé sous trois angles complémentaires : le climat (atmosphère et interactions, avec les océans notamment), la biodiversité (diversité des espèces animales et végétales) et les ressources naturelles (eau, ressources dites fossiles et naturelles). Le volet environnemental est celui qui identifie le mieux le concept de développement durable, mais l'on aurait tort de le limiter à cet aspect.

Deux autres volets sont en effet indissociables : l'économique et le social. Sur ces deux plans, le développement durable (ou soutenable) reste, il faut le rappeler, l'une des formes possibles du développement, mais il y en a d'autres. Dans le modèle issu du Rapport Bruntland, il ne s'agit pas de refuser la croissance économique comme moteur du développement. La croissance est en effet indispensable pour permettre, d'une part, l'émergence des pays pauvres et, d'autre part, pour soutenir l'innovation technologique et scientifique. Celle-ci doit en effet permettre à l'humanité de dépasser les limites physiques inhérentes aux ressources que dispense la planète. Ainsi comprise, la croissance économique est envisagée sous la forme de deux défis indissociables et elle est assortie d'une limite. Premier défi de la croissance : aider l'émergence des pays en développement. Deuxième défi : stimuler l'innovation. La limite : ne pas affecter de manière irréversible le capital de ressources naturelles disponible sur terre.

Le volet social, enfin, vise à répartir équitablement les fruits de cette croissance Ç soutenable È, en permettant aux populations d'une même génération de disposer au moins du minimum de droits (les droits de l'Homme) et du minimum de ressources nécessaires pour sortir de la pauvreté (eau, énergie, alimentation). Il s'agit également de faire en sorte que, d'une génération à l'autre, la répartition de ces droits et de ces ressources s'améliore.

Ainsi entendu, le développement durable est un véritable défi lancé à l'humanité tout entière.

Le'gende : Les trois piliers du de'veloppement durable

Pour Ludovic Schneider, il conviendrait d'ajouter à ce schéma un quatrième cercle relatif à la gouvernance8.

A.3. La soutenabilité forte et la soutenabilité faible

Parmi ceux qui soutiennent le concept de développement durable, il existe encore des nuances. On distingue en effet les partisans de la Ç soutenabilité forte >> et les partisans de la Ç soutenabilité faible >>.

Pour les tenants d'une soutenabilité faible, il est possible de poursuivre dans la voie de la croissance tant que les ressources détruites par l'économie sont substituables entre elles. Ainsi, pour l'économiste Robert Solow9, si la croissance épuise les ressources en pétrole, une nouvelle ressource énergétique, dégagée par l'augmentation des marges sur l'approvisionnement en énergie, prendra le relais. Et ainsi de suite. Il n'y a donc pas de limite à la croissance, du moins tant qu'il se trouve des ressources substituables. L'innovation technologique peut en outre prendre le relais des ressources non renouvelables : ainsi en va-t-il du nucléaire, une nouvelle forme d'énergie due au

8 Schneider, L., Le développement durable territorial, Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 6.

9 Solow, R., Growth Theory : An Exposition, Oxford University Press, 2000.

progrès scientifique. Les partisans de cette thèse vont jusqu'à affirmer que la croissance économique est bénéfique pour l'environnement. Gene Grossman et Alan Krueger, professeurs à Princeton, tentent de démontrer que la < courbe de Kuznets >> est applicable au phénomène de la pollution10. Ainsi, pour ces auteurs, après une période d'augmentation, la pollution finit par atteindre un point culminant, puis par décroitre. Cela s'explique selon eux parce que, à partir d'un certain niveau de pollution, la substitution de ressources ou de process moins polluants devient rentable, et qu'elle est donc préférée par les agents économiques.

Les tenants de la < soutenabilité forte >> estiment, pour leur part, qu'un grand nombre de ressources ne sont pas substituables entre elles, à commencer par l'eau. Ils considèrent que la croissance économique ne doit pas affecter le capital de ressources naturelles disponible sur terre. Ils constatent que l'empreinte écologique de l'homme ne cesse de s'étendre, et que la < courbe de Kuznets >> n'existe pas pour la plupart des déchets et des pollutions ayant un caractère global11. L'économie doit donc s'adapter, en se soumettant à une régulation ou à une réglementation appropriée. On en revient à la question du droit.

Mais il ne faut pas oublier les adversaires du développement durable. Certains, partisans d'une sorte de théorie du complot, estiment que la planète n'est nullement en danger et que le concept est exploité à des fins politiques ou commerciales. Pour d'autres, au contraire, le développement durable est un alibi démagogique pour ne rien faire. Ce sont les partisans de la décroissance ; ils estiment que la planète ne peut plus supporter le pillage dont ses ressources font l'objet. Pour eux, il n'est plus question de développement durable, c'est-à-dire au fond de < croissance durable >>, mais bien d'une décroissance durable. Telle est la thèse de l'économiste Nicolas Georgescu-Roegen12.

Ë défaut d'une définition juridiquement admise, on peut sans doute s'en tenir pour le moment à la définition politiquement admise : < Le développement durable est un

10 Grossman et Krueger, Environmental Impacts of a North American Free Trade Agreement, Cambridge MA, 1991.

11 Voir par exemple, Robert Underwood Ayres, professeur à l'Insead (Fontainebleau). Selon lui : < It is possible to have economic growth - in the sense of providing better and more valuable services to ultimate consumers - without necessarily consuming more physical resources. This follows from the fact that consumers are ultimately not interested in goods per se but in the services those goods can provide. The possibility of de-linking economic activity from energy and materials ("dematerialization") has been one of the major thèmes >>.

12 Voir La décroissance. Entropie, écologie, économie, Paris, éditions Sang de la terre, trad. par J. Grinevald et I. Rens, 1979.

développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs >> (Gro Harlem Bruntland, Notre futur à tous, ONU CMED 1987). Au regard de ce qui précède, on voit bien qu'une telle définition est très incomplète.

A.4. Une notion difficile a traduire juridiquement

Pour Carmine Camerini, < la notion de développement durable ne peut pas être conçue simplement comme point d'équilibre entre le système écologique et le système économique car il est tout à fait inutile de satisfaire les besoins de la nature et d'oublier les besoins des êtres humains. La notion de développement durable reste de ce point de vue une notion anthropocentrique qui renouvelle la relation de l'Homme avec le Temps, en déployant ses effets sur le futur et en restreignant l'importance du présent >>13. Ë ce stade, le concept est trop large, trop théorique, pour faire l'objet d'une traduction juridique.

Cela tient sans doute au fait que le développement durable est le fruit d'une pensée complexe. D'après Guy Loinger, < le développement durable est une pensée de l'interface entre les systèmes, et d'une interface forte. A la fois entre les champs des trois sphères de base de la notion de développement durable (NDLA : environnemental, économique et social) mais également et surtout en termes d'articulation entre ces notions du point de vue des logiques sociales, des systèmes institutionnels et politiques, et des systèmes organisationnels, et cela à travers les logiques du temps d'une part, et les logiques de l'espace d'autre part. D'oü cette idée, à savoir que cette notion est la forme pratique, au sens de praxis, de la pensée complexe. Le développement durable, c'est la mise en pratique de la pensée complexe >>14.

Pour d'autres encore, il s'agit d'un < processus spécifique de développement qui permet de < répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs >> (NDLA : Rapport Bruntlnad, 1987) (É) Née du constat que le mode de fonctionnement de la sphère économique risque de compromettre à plus ou moins brève échéance l'habitabilité de la Terre, la notion de

13 Camerini (C.), Les fondements épistémologiques du développement durable entre physique, philosophie et éthique, éd. L'Harmattan 2003.

14 Loinger (G.), < Leçons des expériences récentes d'indicateurs territorialisés du développement durable dans le champ de la gouvernance locale >> in La dynamique de l'évaluation face au développement durable, Limoges 2003, éd. L'Harmattan 2004

développement durable vise à fonder une pratique écologiquement et socialement responsable de la vie économique >>15.

Est-ce à dire que le développement durable serait un concept flou, inapte à recevoir une traduction juridique impliquant des comportements déterminés de la part des acteurs concernés ? C'est ce que pense Mme Bürgenmeier : Ç De nombreuses interprétations nourrissent des controverses sur le développement durable. Un chercheur à la Banque mondiale a dénombré plus d'une vingtaine de définitions du développement durable qui sont utilisées actuellement (Pezzey, 1980). Le concept défini au sein de l'ONU reste donc flou et ne se clarifie que par l'action politique qui cherche à le rendre opérationnel>>16.

Ë défaut de définir le développement durable, il faudrait à l'inverse recenser les politiques publiques qui contribuent au développement durable et en dresser l'inventaire. Encore faut-il être d'accord sur les objectifs en question, et c'est peu dire que le consensus ne règne pas au sein de la communauté internationale.

B. Enjeux et débats

B.1. Un constat qui ne fait pas l'unanimité

L'urgence du développement durable repose sur l'affirmation préalable d'un constat, dont l'établissement suppose lui-même la réponse à trois questions. Première question : y a-t-il oui ou non une dégradation de la nature dans la période contemporaine ? Deuxième question : si dégradation il y a, celle-ci trouve-t-elle oui ou non son origine dans l'activité humaine (facteur anthropique) ? Enfin, troisième question : s'agit-il oui ou non d'un phénomène irréversible ?

Pour la grande majorité des scientifiques, le dérèglement climatique et l'épuisement des ressources naturelles trouvent leur origine dans l'activité humaine, et les deux phénomènes présentent des risques d'irréversibilité. La loi du 12 juillet 2010, dite Ç Grenelle II >>, ne dit pas autre chose : Ç L'objectif de développement durable répond (É) à cinq finalités : 1 La lutte contre le changement climatique >>. Les experts ne contestent pas, de manière générale, l'existence de cycles naturels (variabilité naturelle),

15 Maréchal (J.-P.), Ç Développement durable >> in Dictionnaire des risques, Paris, sous la direction d'Yves Dupont, éditions Armand Colin 2004.

16 Bürgenmeier (B.), Économie du développement durable, Bruxelles, éditions de Boeck, 2ème édition 2005.

et notamment une activité solaire plus intense ces dernières années ; mais de tels phénomènes ne suffisent pas, selon eux, à expliquer l'évolution récente du climat et de l'état des ressources naturelles. En d'autres termes, l'homme aggrave fortement l'évolution actuelle du climat et de l'état des ressources disponibles.

Pour une minorité d'experts cependant, les données obtenues depuis quelques dizaines d'années seulement ne peuvent être interprétées sur une longue période et ne révèlent pas d'irréversibilité. La concentration en CO2 n'évolue pas, selon eux, en fonction des activités humaines, mais principalement en raison de l'interaction entre les océans et l'air (par absorption ou rejet de CO2 en fonction de la température). Le facteur anthropique serait négligeable, c'est notamment la thèse du professeur Claude Allègre.

Par ailleurs, comme on l'a vu, les plus optimistes considèrent que la pollution, qui est réelle, suit une Ç courbe de Kuznets È, c'est-à-dire qu'après une période d'augmentation, elle devrait baisser en raison d'un phénomène d'allocation des ressources aboutissant à combattre les effets de cette pollution.

Peut-on contribuer à définir des objectifs, des politiques et une gamme d'instruments juridiques à partir d'un constat aussi peu consensuel ? Pour tenter de mettre tout le monde d'accord sur le constat, un rapport dénommé Millenium Ecosystem Assesment a été publié en 2005, à la demande du Secrétaire général des Nations Unies. Ce travail, l'un des plus importants entrepris par l'humanité depuis ses origines, a permis d'obtenir des résultats concrets, à la fois en ce qui concerne l'état des ressources naturelles et de l'évolution du climat.

Que dit le rapport ? S'agissant de l'eau, le rapport affirme que la quantité d'eau extraite des rivières et des lacs pour l'irrigation, les besoins domestiques et l'usage industriel a doublé au cours des 40 dernières années. Il précise que, depuis le début des années 1980, environ 35 % des mangroves ont disparu, 20 % des coraux dans le monde ont été détruits et 20 % de plus ont été sérieusement dégradés. Ces constituants essentiels des écosystèmes avaient mis plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'années à se constituer.

Les auteurs du rapport constatent également que les activités humaines produisent aujourd'hui plus d'azote utilisable biologiquement que tous les processus naturels combinés, et que plus de la moitié des engrais azotés manufacturés jamais utilisés ont

été appliqués depuis 1985. Le rapport constate que l'afflux d'azote dans les océans a doublé depuis 1860 ; que l'utilisation d'engrais phosphorés et le taux d'accumulation du phosphore dans les sols agricoles ont triplé entre 1960 et 1990.

En ce qui concerne les aspects économiques et sociaux du développement durable, le rapport note qu'en 2001, 1 milliard de personnes survivaient avec un revenu inférieur à un dollar par jour. Il ajoute que l'inégalité dans les revenus a augmenté au cours de la dernière décennie. Un enfant qui na»t en Afrique sub-saharienne a 20 fois plus de risques de décéder avant l'âge de cinq ans qu'un enfant qui na»t dans un pays industriel ; mais surtout, selon le rapport, cette disparité est plus grande qu'il y a une décennie. En dépit de la croissance de la production alimentaire par personne durant les quatre dernières décennies, le rapport estime que 856 millions de personnes étaient en état de malnutrition en 2000-2002, soit 32 millions de plus qu'en 1995-1997.

Enfin, toujours selon le rapport, environ 1,1 milliard d'êtres humains n'ont toujours pas accès à l'eau pour leurs besoins quotidiens. La pénurie d'eau touche entre 1 et 2 milliards de personnes dans le monde. Depuis 1960, le ratio entre l'utilisation de l'eau et les réserves d'eau accessibles s'est accru de 20 % par décennie.

La réponse juridique pourrait se trouver au niveau des arbitrages, c'est-à-dire au niveau de la prise de décision. C'est que laissent entendre deux chercheurs canadiens : Ç Il est de plus en plus difficile, socialement et politiquement, de faire des choix sans tenir compte des effets et des conséquences de nos priorités de développement ou de nos choix en matière d'investissement dans les infrastructures publiques ou industrielles. Le principe d'un développement viable semble, en théorie du moins, faire largement consensus. Dans les faits toutefois, cette idée se transforme souvent en alibi démagogique pour apaiser les bonnes consciences. Il y a une marge entre un souci véritable de favoriser un développement compatible avec une vision écologique de l'environnement et un discours idéologique qui se greffe après coup sur des choix ou des stratégies économiques qui, de prime abord, semblent définies exclusivement en fonction d'une lecture strictement économique ou sectorielle du développement, lecture qui ne tient pas compte des effets néfastes à moyen ou long terme des décisions prises

aujourd'hui. Comment les priorités économiques et environnementales peuvent-elles être conciliées avec le programme d'un développement viable ou Ç durable >> ? >>17.

Cette difficulté à traduire ou à concilier entre eux des objectifs mal définis transpara»t encore dans l'analyse d'Emmanuel Torres : Ç En s'intéressant à l'environnement urbain et à la problématique de la ville durable, l'économie rencontre un certain nombre de difficultés notamment dues à la nature actuelle de ses méthodes (très centrées sur la valorisation monétaire), au croisement de questionnements sur deus réalités difficiles à conceptualiser : la ville et l'environnement, et à la difficulté de transformer les grands principes généraux du développement durable en concepts opératoires débouchant sur l'action locale >>18. Il n'en va pas autrement pour le droit, comme le montre l'échec du droit du développement dans les années soixante.

B.2. Une expérience malheureuse : le droit du développement

Au milieu des années soixante, des juristes ont tenté de créer un nouveau droit, le droit du développement. Ce droit du développement était entendu comme Ç l'ensemble des règles juridiques ayant directement pour objet de promouvoir le développement économique, social, culturel des pays sous-développés >>19. Le droit du développement est né à la suite de la décolonisation. Il s'agissait alors de doter les pays ayant acquis leur indépendance de systèmes juridiques leur assurant une stabilité suffisante, et un cadre de nature à faire émerger le développement économique tant attendu. Pour l'auteur de cet article, quel que soit le modèle de développement choisi, on retrouve des problèmes semblables : Ç En premier lieu, toute politique de développement exige à la fois l'intervention de l'État et une adhésion de la population. Le droit du développement doit intervenir dans ces deux domaines. Le développement nécessite un financement, lequel doit s'appuyer sur un certain nombre d'institutions juridiques. Enfin, on a pris de plus en plus conscience que, si le développement doit être d'abord l'Ïuvre de chaque pays, il requiert des collaborations internationales de diverses natures >>20.

17 Hamel (P.), et Bélanger (Y.), Québec 2000 : quel développement ?, Montréal, Presses universitaires du Québec 1992.

18 Torres (E.), Ç L'Économie de l'environnement appliquée à la ville. De l'orientation des systèmes locaux vers plus de durabilité et de qualité >> in Développement durable et territoires, Frédéric Héran, Paris, éditions L'Harmattan, 2001.

19 Granger (R.), ÇDéveloppement économique et social - droit>>, Encyclopaedia Universalis, Paris, 1969, vol. 5, p. 510.

20 Ibid, p. 511.

Curieusement, l'auteur ne fait ici que décrire un processus de développement commun à tout pays à un moment donné de son histoire. Il n'y a rien de spécifique à évoquer la nécessité de doter un État d'institutions juridiques lui permettant de fonctionner et de se développer. Il est intéressant en revanche, de constater avec l'auteur, que l'Çun des impératifs du développement sur lequel l'unanimité se fait, c'est que sa réalisation réclame l'adhésion de la population tout entière et sa mobilisation pour le développement >>21.

Le droit du développement, contemporain de la période de décolonisation, n'a pas connu le succès que ses auteurs pouvaient en attendre22. Il est tombé aux oubliettes, mais les efforts de conceptualisation que cette construction sans lendemain ont nécessité peuvent être utiles à la construction d'un droit du développement durable en évitant les écueils du Ç droit du développement >>. Il faut peut-être poser la question autrement.

B.3. Faut-il poser la question autrement ?

Il faut peut-être poser la question autrement. Si le droit a du mal à émerger, n'est-ce pas en raison de l'absence de concept ? En d'autres termes, il faut peut-être reconsidérer la manière dont l'environnement est abordé au sein du développement durable.

B.3.1. (Re)définir la notion d'environnement

Les textes normatifs pris par la France en matière environnementale remontent au moyen-âge. En 1291, une ordonnance est édictée par Philippe IV le Bel pour encadrer le statut et l'activité des Ç Ma»tres des Eaux & Forêts >>. En 1346, Philippe VI de Valois adopte l'ordonnance de Brunoy sur l'administration des Eaux & Forêts. Quant au premier Code forestier, il date de 1827 (1860 en Haute-Savoie).

21 Ibid, p. 511.

22 Granger (R.), Ç Pour un droit du développement dans les pays sous-développés >>, in Mélanges Hamel, Paris, 1961.

Le'gende : Grande ordonnance des eaux et forêts de St Germain-en-Laye (1669).

En 1669, à la demande de Louis XIV, Colbert adopte également un texte connu sous le nom de Ç Grande ordonnance des Eaux et Forêts de Saint-Germain-en-Laye È. Mais il ne s'agit pas encore d'un droit de l'environnement au sens oü on l'entend aujourd'hui, même si l'on peut y discerner une certaine préoccupation à l'égard du développement durable. L'ordonnance de Colbert s'intéresse principalement à répartir le privilège de la chasse au profit de la noblesse. Cela étant, afin de protéger les cultures, elle dispose que Ç les ayants droit de chasse ne peuvent chasser sur terres ensemencées, champs de blé et dans les vignes depuis le 1er mai, jusque la moisson È.

Dans la période contemporaine, après la Convention internationale de Paris de 1902 sur la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, une loi sur la protection des sites et milieux naturels est adoptée en 1906.

Une étape très importante est franchie en 1995. La loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement (dite Ç loi Barnier È), s'appuyant sur le traité de Maastricht, consacre pour la première fois en France, le principe précaution. Dans sa rédaction initiale, la loi insère dans le Code rural un article L. 200-1 qui pose les quatre principes fondamentaux sur lesquels doit reposer le droit de l'environnement :


· Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coüt économiquement acceptable;

· Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coüt économiquement acceptable;

· Le principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur;

· Le principe de participation, selon lequel chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses23.

Mais il faut attendre l'an 2000 pour que soit adopté un Code de l'environnement dont la rédaction avait été décidée en 1992.

Depuis 2005, la protection de l'environnement est désormais inscrite dans le bloc de constitutionnalité avec la Charte de l'environnement de 2004, adoptée en Congrès par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005. Ce texte a été rédigé sur la base des propositions formulées en avril 2003 par une commission animée par Yves Coppens.

Parallèlement, la protection de l'environnement s'est étendue aux entreprises. Avec la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 (loi NRE), les sociétés cotées doivent désormais ajouter à leur rapport annuel la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité. C'est ce qu'on appelle la Ç responsabilité sociétale des entreprises >> (RSE).

Pour Pierre Lascoumes, la question de l'environnement Ç n'a acquis de visibilité sociale, n'a émergé en tant que problème, n'a été construite comme objet de représentation qu'à partir du moment oü des pouvoirs publics ou des groupements privés en ont fait un objectif pour leurs actions ou leurs revendications (...). C'est pourquoi, d'ailleurs, les représentations de la notion même d'environnement et le contenu que l'on place sous les termes d'environnement et le contenu que l'on place sous les termes de «protection» et de «défense» varient considérablement selon les acteurs sociaux concernés >>24. Dans sa première édition, en 1969, l'Encyclopaedia

23 Loi nO 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement (Ç Loi Barnier >>), art. 1er.

24 Lascoumes (P.), L'Eco-pouvoir, environnements & politique, Paris, La Découverte 1994.

Universalis considérait d'ailleurs l'environnement, soit comme une notion liée aux beaux-arts, soit comme l'élément que doit prendre en considération l'architecte lorsqu'il conçoit un ouvrage25. On était loin de l'acception actuelle de la notion d'environnement. Cette même encyclopédie était en revanche plus diserte en ce qui concerne l'écologie. Au terme des développements consacrés à cette entrée, les auteurs considèrent que deux tendances s'amorcent à cette époque : Ç La première est l'extension des recherches consacrées aux écosystèmes artificiels, créés et entretenus par l'homme, autrement dit la prise en considération de l'homme comme partie intégrante des écosystèmes. Une telle démarche revient à fonder sur des bases biologiques solides une nouvelle géographie humaine analysant la place de l'homme dans les milieux oü il vit. La seconde tendance vise à une interprétation plus synthétique encore du monde vivant et s'attache aux problèmes généraux, à l'échelle de vastes régions ou à celle de la biosphère tout entière, car c'est dans ce cadre que l'exploitation des ressources, la lutte contre les pollutions, la défense des équilibres biologiques et l'aménagement des territoires pourront être menés avec le maximum d'efficacité È26.

Même si les dispositions qui encadrent le droit de l'environnement reprennent un certain de nombre de principes énoncés dans le cadre du développement durable, celuici appara»t comme un concept que le droit a du mal à appréhender. En cela, le droit n'est d'ailleurs que le reflet de sociétés aux prises avec des enjeux qui, souvent, les dépassent. Les difficultés à traduire le développement durable en un corpus juris découlent tout d'abord de ce que les règles qui tendent à encadrer le phénomène sont prises le plus souvent au niveau des États alors que les défis à relever sont planétaires, et alors que les mesures concrètes à prendre devraient l'être pour la plupart au niveau local, c'est-à-dire au niveau des territoires au sens oü on l'entend habituellement.

En d'autres termes, l'État n'est sans doute pas la bonne échelle pour la production de normes en la matière, alors qu'il est le seul niveau oü peuvent être édictées des normes réellement contraignantes. Ensuite, l'échec de la théorisation du droit du développement dans les années soixante n'incite guère à l'optimisme, mais cette expérience peut cependant fournir matière à réflexion dans la société post-moderne.

25 F. L., Ç Environnement È, Encyclopaedia Universalis, Paris, 1ère édition 1969, vol. 6, p. 310.

26 M. L. et C. F. S., Ç Écologie È, l'Encyclopaedia Universalis, Paris, 1ère édition 1969, vol. 5, p. 923.

Regards sur la traduction juridique du développement durable B.3.2. Envisager la création d'une agence internationale

La première approche consiste naturellement à envisager la création d'une organisation internationale dédiée à ces questions. Comme a pu l'expliquer Jacques Attali, << chacun sent bien qu'il faudrait avoir en ce monde des institutions financières internationales solides, capables de maitriser les risques financiers engendrés par les fonds spéculatifs, de financer les grandes infrastructures sociales et physiques des mégalopoles à venir, de maitriser les grandes pandémies, de réduire la pauvreté et d'organiser la réduction des émissions des gaz à effet de serre È27.

C'est aussi ce qu'a proposé depuis longtemps Jacques Chirac : << Si l'entente internationale fait défaut, si les égo
·smes et l'irresponsabilité prennent le dessus, le monde ne parviendra pas à enrayer la machine infernale du réchauffement climatique È28.

Malheureusement, si les États semblent s'accorder sans difficulté sur le constat et sur la nécessité d'agir, ils ne parviennent pas à ce mettre d'accord sur les moyens à mettre en Ïuvre. L'échec de Copenhague sur des objectifs contraignants fait écho à la résistance qu'ont opposé jusqu'à ce jour les États à la création d'une organisation internationale qui viendrait concurrencer l'Organisation des Nations Unies.

B.3.3. Monétiser l'environnement

Ë défaut de pouvoir mettre sur pied un véritable droit international de l'environnement, doté d'une organisation internationale propre, disposant de moyens financiers et coercitifs appropriés, il pourrait être opportun de réfléchir, au moins, à la mise en valeur de ce qui constitue notre environnement à tous. L'idée n'est pas nouvelle, et elle peut assez aisément produire du droit.

Pour Nadia Bela
·di, on pourrait envisager de valoriser socialement la protection de l'environnement avec l'émergence d'un ordre public écologique. Selon elle, la prise de conscience écologique de la communauté internationale (États et société civile) est susceptible de provoquer un réel changement de logique et, ainsi, de renforcer les règles

27 Attali (Jacques), << A quoi sert le FMI ? È, Blog L' Express.fr, 11 juill. 2007.

28 Chirac (Jacques), Troisième forum mondial du développement durable, Sénat français, 1er décembre 2005.

relatives à la matière environnementale29. C'est cette direction qu'esquissaient le professeur Yves Coppens et les coauteurs du rapport pour la préparation de la Charte constitutionnelle de l'environnement : Ç L'idée que l'on ne peut pas substituer indéfiniment du capital humain ou technologique aux ressources naturelles définit un développement durable. Il est en effet loin d'être acquis que les services écologiques actuellement rendus par les écosystèmes puissent être systématiquement reproduits de façon artificielle, ou qu'il faille les reproduire. On compte parmi ces services gratuitement rendus par la nature : la purification de l'air et de l'eau, la décomposition des déchets, la régulation du climat, la régénération de la fertilité des sols, la production et la préservation de la biodiversité, laquelle procure les ressources nécessaires à l'agriculture et à certains secteurs industriels, notamment pharmaceutique. La substitution est le plus souvent impossible. C'est par exemple le cas du climat. Mais quand bien même elle serait possible, la question de son opportunité se pose sur un triple registre. Économiquement en premier lieu : le coüt de la substitution peut être élevé voire exorbitant. Esthétiquement : une nature aux paysages souillés, privée d'un grand nombre de ses espèces sauvages, oü tous lesdits services seraient anéantis ou défaillants, est-elle désirable ? Enfin, d'un point de vue éthique, un monde oü il faudrait acheter l'air respirable, serait-il encore humain ? >>30.

Concrètement, le principe évoqué par le rapport consisterait à Ç monétiser >> les services que nous rend notre environnement afin de l'intégrer dans les circuits de l'économie. C'est, à une échelle plus large, le même principe de fonctionnement que celui à l'origine de la taxe carbone.

B.3.4. Les travaux de Ronald Coase et l'apparition du principe pollueur-payeur

A l'origine de la monétisation de l'environnement se trouvent les travaux d'un économiste d'origine écossaise, qui fit carrière à l'Université de Chicago, et y créa le Journal of Law & Economics, Ronald Coase. Il a reçu le prix Nobel d'économie en 1996 pour ses travaux sur l'économie du droit.

Le plus important, et le premier des articles du professeur Coase, a été publié dans le journal précité en 1960 : Ç Le problème du coüt social >>. L'auteur expose sa théorie de

29 Voir Bela
·di (N.), La lutte contre les atteintes globales à l'environnement : vers un ordre public écologique ?, Bruxelles, éditions Bruylant, 2008.

30 Coppens (Yves) et al., Rapport pour la préparation de la Charte constitutionnelle de l'environnement, avril 2003.

la manière suivante : << On peut en donner pour exemple type l'usine dont la fumée a des effets nuisibles pour les voisins. L'analyse économique d'une situation de ce genre se fait habituellement en mettant l'accent sur la divergence entre le produit privé et le produit social de l'usine (É). Selon la conclusion que semblent en tirer la plupart des économistes, cette analyse démontre qu'il est souhaitable soit de tenir le propriétaire pour responsable du dommage causé à ceux qui souffrent de la fumée, soit d'imposer au propriétaire une taxe dont le montant variera en fonction de la quantité de fumée produite et qui sera l'équivalent en argent du dommage causé, soit enfin d'interdire la présence d'une telle usine >>31. Pour le professeur Coase, << les mesures ainsi proposées sont inappropriées car elles ont des résultats qui ne sont pas nécessairement ni même habituellement souhaitables >>.

Pour lui, cette panoplie de solutions n'est envisageable que si l'on considère qu'il n'y a pas de coüts de transaction. Or, comme le démontre Ronald Coase, l'économie réelle est affectée par des coüts de transaction qui ont un effet sur l'allocation des ressources. Cette argumentation a donné lieu à l'énoncé d'un << théorème >> qui n'a pas été formulé par Coase mais le professeur George J. Stigler sous le nom de << théorème de Coase >>. Pour lui, << dans des conditions de concurrence parfaite, les coüts de transaction privé et social sont égaux >>32. Le professeur Guido Calabresi a énoncé cette idée d'une autre manière : << Si l'on suppose un comportement rationnel de la part des acteurs et qu'il y absence de coüts de transaction ainsi qu'absence d'entrave juridique à la négociation, toutes les affectations inefficientes de ressources seront corrigées par des ententes conclues sur le marché >>33. Le juge Richard Posner a à son tour développé cette idée en l'affinant de la manière suivante : << (Si) les coüts de transaction sont nuls, l'attribution initiale d'un droit de propriété Ð par exemple au pollueur ou à la victime de la pollution Ð sera sans effet sur l'allocation efficiente des ressources >>34.

Comme on le constate, ce << théorème >> fut exposé << en creux >>. Il ne se vérifie que dans l'hypothèse oü les coüts de transaction sont nuls, et cette hypothèse co
·ncide avec un marché sur lequel règnerait une concurrence pure et parfaite. Or de telles hypothèses

31 Coase (R.), << Le problème du coüt social >>, Le coi2t du droit, Paris, éditions des PUF, mai 2000, p. 23 (trad. du professeur Yves-Marie Morissette).

32 Stigler (George J.), The Theory of Price, New York, Macmillan, 1966, p. 113.

33 Calabresi (Guido), << Transaction Costs, Resource Allocation & Liability Rules : A Comment >>, Journal of Law & Economics, 1968, 11, p. 67.

34 Posner (Richard), Overcoming Law, Cambridge, Harvard University Press, 1995, p. 406.

sont naturellement théoriques et il n'existe pas concrètement de marché sur lequel les coüts de transaction seraient égaux à zéro.

Du fait de sa formulation, on a mal compris le sens à donner au << théorème de Coase È. On a cru pendant longtemps que << l'école de Chicago È fondée par le professeur Coase se donnait pour objectif d'éliminer tous les coüts de transaction, et donc le droit, afin de créer les conditions d'un marché totalement libre sur lequel règnerait une concurrence pure et parfaite.

Cette interprétation (me) para»t inexacte et ferait de cet économiste le père de l'économie ultralibérale, ce qu'il n'a jamais prétendu. D'abord Coase n'a jamais formulé lui-même le << théorème È dont la paternité lui a été attribuée. Au contraire, la théorie dont il est l'auteur vise, concrètement, à constater que les coüts ne sont jamais nuls dans l'économie réelle. Et puisqu'ils ne sont jamais nuls, ils affectent l'allocation des ressources. C'est pourquoi le secours du droit est nécessaire pour corriger les déséquilibres qui en résultent.

Et c'est précisément pour corriger les effets liés au coüt social tiré du droit de polluer que Ronald Coase a suggéré la mise en Ïuvre de mécanismes de type pollueurpayeur, qui consistent pour les agents économiques, à acquérir sur un marché créé à cet effet, des droits à polluer à un tarif suffisamment élevé pour que l'acheteur ait intérêt à éviter de polluer. Ce sont ces travaux, ainsi que les critiques et les enrichissements dont ils ont été l'objet dans les années soixante qui sont à l'origine de l'apparition du principe pollueur-payeur au début des années soixante-dix.

La première expression de ce principe est à chercher dans une recommandation de l'OCDÉ adoptée en 1972. Pour cette institution, << en matière d'environnement, les ressources sont généralement limitées et leur utilisation dans le cadre des activités de production et de consommation peut entra»ner leur détérioration. Lorsque le coüt de cette détérioration n'est pas pris en compte de manière adéquate dans le système des prix, le marché ne reflète pas la rareté de ces ressources au niveau national et international. Il est donc nécessaire que les pouvoirs publics prennent des mesures pour réduire la pollution et réaliser une meilleure allocation des ressources en faisant en sorte que les prix des biens dépendant de la qualité et/ou de la quantité des ressources d'environnement reflètent plus étroitement leur rareté relative et que les agents économiques en cause agissent en conséquence. Dans bien des cas, pour assurer que

l'environnement soit dans un état acceptable, il ne sera ni raisonnable ni nécessaire de dépasser un certain niveau dans l'élimination de la pollution, en raison des coüts que cette élimination entra»nerait. Le principe à appliquer pour l'imputation des coüts des mesures de prévention et de lutte contre la pollution, principe qui favorise l'emploi rationnel des ressources limitées de l'environnement tout en évitant des distorsions dans le commerce et les investissements internationaux, est le principe dit "pollueurpayeur". Ce principe signifie que le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives aux susdites mesures arrêtées par les pouvoirs publics pour que l'environnement soit dans un état acceptable. En d'autres termes, le coüt de ces mesures devrait être répercuté dans le coüt des biens et services qui sont à l'origine de la pollution du fait de leur production et/ou de leur consommation >>35.

Naturellement, un tel principe ne pourrait avoir un effet réel que s'il était adopté à l'échelle internationale.

B.3.5. Dommage collectif et responsabilité individuelle

Compte tenu de la difficulté évidente à rendre concrets les principes adoptés au niveau international, le recours à la responsabilité est susceptible de rendre service à ceux des États qui veulent adopter une attitude concrète dans leur lutte pour le développement durable. Ë défaut d'une règle ex ante (le principe polleur-payeur), une règle ex post peut être envisagée au niveau de chaque État : l'engagement de la responsabilité du ou des auteurs de dommages à l'environnement.

Mais pour engager la responsabilité, individuelle ou collectivité du ou des auteurs de tels dommages, encore faut-il disposer d'un instrument de mesure. Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi posent la délicate question de cette mesure. Pour eux, il existe deux méthodes : ÇLa première repose sur des estimations des dommages et la seconde sur des estimations des coüts >>36. Selon eux, la première branche de l'alternative consiste à estimer les dommages causés à l'environnement par l'activité humaine. Cette mesure est indispensable, mais elle répond surtout à des considérations d'intérêt général permettant d'orienter les politiques publiques. Elle ne permet pas directement d'obtenir l'évaluation de tel ou tel dommage causé par tel ou tel auteur.

35 OCDE, recommandation du 26 mai 1972 - C(72)128, dans sa rédaction du 7 juillet 1989 - C(89)88/Final.

36 Stiglitz (J.), Sen (A.) et Fitoussi (J.-P.), Vers de nouveaux systèmes de mesure, Paris, éditions OdileJacob, novembre 2009, p. 323.

La seconde branche de l'alternative se subdivise, selon les auteurs, en deux méthodes. La première consisterait à mesurer les coüts d'entretien, Ç c'est-à-dire l'évaluation de ce qu'il en coüterait pour remédier à la dégradation de l'environnement>>37. Cette méthode présenterait l'intérêt d'obtenir une mesure adaptée à chaque type de dommage causé à l'environnement, et aux coüts nécessaires pour réparer les dégâts causés. Pour les auteurs, cette méthode permettrait en outre d'évaluer ce qu'aurait été le prix réel du marché si ces coüts avaient été intégrés aux échanges économiques sur le marché. On retrouve ici l'idée du coüt social exposée par Ronald Coase dans les années soixante.

La seconde méthode propose un modèle économique fondé sur une hypothèse exprimée de la manière suivante : Ç Quel niveau de PIB serait atteint si les producteurs et les consommateurs faisaient face à une série différente de prix relatifs dans l'économie en raison de l'existence de prix réels pour les fonctions environnementales ? >>38. On appelle cette méthode la modélisation économique verte.

Ces méthodes de mesure présente des inconvénients pour les juristes, et ce, à deux niveaux. Le premier niveau concerne l'élaboration de la norme, le second la mesure de la responsabilité de l'agent économique lorsqu'il est mis en cause par une ou des victimes.

Au premier niveau, ces instruments de mesure, dont l'utilité intrinsèque n'est pas contestable, ne permettent pas d'élaborer une réglementation opérationnelle. Au second niveau, elle ne permet pas d'évaluer les dommages causés et de les faire réparer par leurs auteurs à des conditions reproductibles d'un litige à l'autre avec la possibilité de prévoir soi-même le coüt du dommage qui risque d'être causé à autrui et ce qu'il en coüterait pour le réparer. Or les mécanismes d'anticipation sont tout aussi nécessaires au droit qu'ils le sont à l'économie.

Ces énonciations appellent quelques remarques. L'affirmation selon laquelle ces instruments de mesure (à les supposer établis, ce qui n'est pas le cas rappelons-le), ne permettraient pas d'élaborer une réglementation opérationnelle repose sur le fait que les agrégats macro-économiques utilisés, et la mesure qui en résulte, sont calculés ex post. Ils n'ont donc aucune valeur de prédiction, ou en tout cas une valeur plutôt faible. En ce

37 Ibid.

38 Ibid.

sens, ils ne permettent de construire une réglementation appropriée, puisque la réglementation a toujours pour finalité d'encadrer un comportement futur, c'est-à-dire un comportement qu'on peut dans une certaine mesure prévoir. Sauf exception, la loi, et a fortiori la réglementation, ne saurait régir des situations passées : c'est le principe de non-rétroactivité qui est à la base même de toute construction juridique.

Quant à la répartition d'un coüt global à l'environnement sur les agents économiques, elle n'est pas vraiment opérationnelle du point de vue de la mise en Ïuvre effective de la responsabilité de ces agents. Il y a d'ailleurs une contradiction entre responsabilité et répartition du coüt des dommages causés à l'environnement sur les agents économiques. En effet, dès lors qu'on répartit un coüt global sur l'ensemble des acteurs, on organise un système de réparation forfaitaire qui ne permet plus d'en demander réparation aux auteurs individuellement par la suite. Non bis in idem, dit le droit ; en d'autres termes, on ne juge pas deux fois les mêmes faits. On ne peut donc pas à la fois organiser un système de répartition collective du coüt des dommages causés à l'environnement, demander à chacun des auteurs de ces dommages une réparation individuelle.

Aux critiques adressées par les juristes s'ajoutent celles que formulent les géographes. Pour certains d'entre eux, ces instruments de mesure ne sont pas pertinents. Pour Paul Arnould et Laurent Simon, Ç les indicateurs sous-estiment les questions d'échelle spatiale, de territoires, mis à part quelques réflexions pertinentes se limitant à envisager l'articulation du local et du mondial È39.

La difficulté à établir de bons indicateurs n'est que le reflet de la difficulté à penser le développement durable.

En définitive, il faut sans doute se rallier à l'idée qu'il n'existera pas de système de droit appuyé sur une définition juridique du développement durable avant longtemps. On peut dès lors rejoindre Philippe Bontems et Gilles Rotillon qui évoquent la nécessité d'un dialogue : Ç Nous sommes convaincus que les réponses à apporter aux défis environnementaux actuels ne peuvent être trouvées que si les conditions d'un dialogue entre les acteurs sont réunies, de façon à assurer la cohérence sinon de leurs normes de

39 Arnould (P.), Simon (L.), Géographie de l'environnement, Paris, éditions Belin, Belin atouts, novembre 2007, p. 163.

références, du moins de leurs perceptions des risques et leurs anticipations, cruciales notamment en présence d'irréversibilités >>40.

Cela nous amène naturellement à envisager le niveau auquel ce dialogue doit être noué.

C. La bonne échelle spatiale : l'échelle territoriale

Un constat s'impose. Selon l'Institut français de l'environnement, en 2005, le total des dépenses de protection de l'environnement s'est élevé à 35,2 milliards d'euros, soit 2,1 % du produit intérieur brut (+ 5,5 % par rapport à 2004). Les collectivités locales françaises ont supporté un quart du total de ces dépenses. Celles-ci concernent majoritairement la gestion des eaux usées et des déchets, mais aussi la protection de la biodiversité et des paysages, que les collectivités locales ont financé à 45 % en 2005. Les entreprises restent les premières à financer la protection de l'environnement, avec 12,5 milliards d'euros en 2005, suivies par les ménages, avec 11,1 milliards d'euros. Cependant, leurs dépenses progressent moins vite que celles des ménages et de l'ensemble des administrations depuis 200041.

C.1. L'État n'est sans doute pas la bonne échelle

Certes, le professeur Jaqueline Morand-Deviller l'exprime avec force : Ç Le droit de l'environnement a une vocation universelle, qui bouscule à la fois les frontières du temps - il s'adresse aux générations futures - et celles de l'espace - il se décline au niveau international avant de se préciser au niveau national >>42. Mais d'autres auteurs évoquent un droit transnational plutôt qu'un droit international. Ils considèrent qu'on est en présence d'une agrégation d'intérêts nationaux, certes relativement consensuelle, plutôt que dans la construction d'un droit à l'échelle planétaire. C'est ce qu'évoque le philosophe Jean-Philippe Pierron : Ç Face à des enjeux planétaires, il faut une réponse institutionnelle planétaire. Le droit transnational est sur ce point une de ces institutions relayant le projet politique d'un développement durable, en inventant une médiation originale entre sa visée universelle d'un juste et durable développement, et la localisation des enjeux >>.

40 Bontems (P.) et Rotillon (G.), L'Économie de l'environnement, éd. La Découverte 2007.

41 Ifen, 23 aoüt 2007 : www.ifen.fr/uploads/media/de118.pdf.

42 Morand-Deviller (J.), Le droit de l'environnement, Paris, éditions des PUF, Que sais-je ?, mars 2009, p. 4.

Les rares décisions juridictionnelles rendues à l'échelle internationale en matière d'environnement laissent quand même entrevoir l'émergence d'un droit international en matière de développement durable. Dans une décision du 24 mai 2005, la Cour permanente d'arbitrage de La Haye a ainsi été amenée un litige opposant le Royaume de Belgique à celui des Pays-Bas. Dans cette affaire, les Pays-Bas avaient créé une réserve naturelle le long de la ligne ferroviaire historique du Ç Rhin de fer >>, et cherchaient à empêcher sa remise en service. La Belgique alléguait de son côté que la revitalisation de cette ligne ferroviaire aiderait à amorcer une évolution du transport routier vers le transport ferroviaire participant ainsi à la réduction de gaz à effet de serre dans une optique de développement durable. Pour la Cour, Ç le droit environnemental et le droit du développement ne sont pas des solutions alternatives mais se renforcent mutuellement, tel des concepts intégraux qui requièrent, lorsque le développement peut causer un dommage important à l'environnement, l'application d'un devoir de prévenir, ou du moins, de limiter un tel dommage. (É) Ce devoir, selon le Tribunal, fait désormais partie du droit général international. Ce principe s'applique non seulement de façon autonome mais aussi lors de la mise en Ïuvre de traités spécifiques entre les États >>43.

En 1997 déjà, la Cour internationale de Justice avait eu l'occasion de se prononcer sur le concept de développement durable : Ç Au cours des %oges, l'homme n'a cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons économiques et autres. Dans le passé, il l'a souvent fait sans tenir compte des effets sur l'environnement. Gr%oce aux nouvelles perspectives qu'offre la science et à une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l'humanité -- qu'il s'agisse des générations actuelles ou futures --, de nouvelles normes et exigences ont été mises au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d'instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées, non seulement lorsque des États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé. Le concept de développement durable traduit bien cette nécessité de concilier développement économique et protection de l'environnement >>44. Malheureusement, ces énoncés ont

43 Cour permanente d'arbitrage, 24 mai 2005, Ç Ijzeren Rijn, Royaume de Belgique c. Royaume des Pays-Bas >>, 59, 114.

44 Cour internationale de justice, Ç Gabcikovo-Nagymaros Dam >>, 25 September 1997, Hungary v. Slovakia, I.C.J. Rep., 37 I.L.M. (1998) 162.

une portée relativement faible sur l'application, par les États, des principes qu'ils posent.

Cette relative impuissance de la communauté internationale amène à se retourner vers l'État. Mais celui-ci n'est pas non plus le meilleur niveau d'intervention pour agir concrètement sur le développement durable. Il ne l'est pas, d'abord, parce que les questions environnementales n'ont pas de frontières, alors que l'État est enserré dans les limites de sa souveraineté territoriale. L'eau, l'air et les pollutions qui l'affecte passent les frontières sans demander d'autorisation à quiconque, du moins tant que ces frontières ne sont pas des frontières naturelles (reliefs, océans et mers, fleuves et rivières). Il n'est pas non plus la bonne échelle spatiale, ensuite, à l'égard des collectivités locales, parce que c'est au niveau des territoires qu'il est possible d'agir concrètement, comme on l'a vu (cf. supra). Pourtant, l'État garde d'une certaine manière un monopole sur la production des normes, légales ou réglementaires, qui s'appliquent sur le territoire national, et donc, sur la multitude des territoires locaux. Pour le dire autrement, la territorialité du droit est essentiellement nationale. Elle ne peut être que subsidiairement internationale ou infranationale. Ainsi, la loi du 7 janvier 1983 énonce que Ç le territoire national est le patrimoine commun de la nation >> ; le territoire est national, pas local. La loi du 2 février 1995 sur l'environnement en fait autant en ce qui concerne Ç les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent >>45.

Pour Gilles Massardier, Ç défaillances de l'État et difficultés pour les autorités publiques en général de se faire entendre, comme le montre le cas AZF, dans le tohubohu des Ç finalités vécues >> et des logiques des différentes actions, encastrement de ces logiques et des niveaux d'action (européen, national, local), constituent autant de raisons qui ont poussé certains analystes à insister sur l'ingouvernabilité comme résultat de la perte des repères et des mécanismes pour Ç faire tenir ensemble >>>>46. Et l'auteur ajoute : Ç Est-ce une intervention des autorités publiques bâtie intentionnellement selon la mise en branle de leur finalité choisie a priori qui détermine un objectif à atteindre avec des moyens publics et un dispositif tangible de politique publique (personnel, budget, règles formelles...) ? Ou bien, au contraire, est-ce une accumulation d'actions

45 On notera que ce sont les espèces animales et végétales qui sont le patrimoine commun de la nation, et non les animaux et les végétaux eux-mêmes.

46 Massardier (G.), Politiques et actions publiques, Paris, éditions Armand-Colin, sept. 2003, p. 6.

disparates de la part d'acteurs multiples, dont les autorités publiques (...) qui finissent tout de même par produire, a posteriori, un système collectif d'action et le dispositif tangible de politique publique qui lui sied ?È (Massardier, G., ibid).

Le premier défi consisterait déjà à démêler les objectifs assignés aux différents niveaux auxquels l'action publique est engagée.

Mais le juriste est aussi confronté à l'enchevêtrement des échelles spatiales, à l'intérieur desquelles la norme est édictée. Tout d'abord, les maires ont des pouvoirs pour faire respecter la tranquillité, la sécurité et la salubrité publiques47. C'est aussi, bien sür, la municipalité qui élabore les documents d'urbanisme et délivre les autorisations de construire, d'aménager ou de démolir. Et, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), les communes doivent prévoir, dans leur PLU48 et leur SCOT49, des dispositions relatives à l'environnement et un projet d'aménagement et de développement durable (PADD). L'article L. 121-1 du Code de l'urbanisme énumère les différents objectifs à atteindre. Dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 2010 (Ç Grenelle II È), il dispose que : Ç Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable :

L'équilibre entre :

a) Le renouvellement urbain, le développement urbain ma»trisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la mise en valeur des entrées de ville et le développement rural ;

b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ;

c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ;

La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la

47 Voir notamment art. L. 2113-2 et s. du Code général des collectivités territoriales.

48 Plan local d'urbanisme.

49 Schéma de cohérence territoriale.

satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements et de développement des transports collectifs ;

3 La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la ma»trise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature È50.

Ë côté des communes, ou plutôt au-dessus, les préfets ont également un certain nombre de prérogatives. Ils doivent ainsi, désormais, autoriser les décharges contenant les déchets inertes de chantiers. Les départements gèrent les services d'incendie et de secours (Sdis) qui ont aussi en charge la protection de l'environnement. Quant aux communes ou d'agglomération, elles peuvent exercer facultativement cette compétence depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1999, dite Ç Chevènement È.

Les régions ont quant à elles compétences sur les parcs naturels régionaux et elles peuvent demander à l'État le transfert à leur profit des plans d'élimination des déchets industriels et des plans pour la qualité de l'air.

Avec la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, out ceci n'empêche pas les communes de Ç prendre des décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en Ïuvre à leur échelon (principe de subsidiarité) È51.

Ce mille-feuille juridique, dont on n'a donné ici que quelques exemples, est assez difficile à décrypter. Comme le montrent Paul Arnould et Laurent Simon, l'enchevêtrement des structures territoriales est Ç un véritable mal français, difficilement guérissable (...). Les régions n'ont pas disqualifié les départements. Les

50 Article L. 121-1 du Code de l'urbanisme modifié par la loi n 2010-788 du 12 juillet 2010, art. 14.

51 Morand-Deviller, Le droit de l'environnement, Paris, éditions des PUF, Que sais-je ?, p. 24.

communautés de communes font doublon avec les cantons. Les pays singent les arrondissements. Comment gérer l'environnement dans ces cadres administratifs proliférants ? >>52.

Pour être complet, il faut ajouter qu'à cet enchevêtrement spatial s'ajoute un enchevêtrement du temps, ou des chronologies. La législation, notamment en ce qui concerne le droit de l'urbanisme et de l'aménagement, ne cesse de changer. Ainsi, dans un rapport rendu public en 1998, Jean Auroux avait constaté qu'en l'espace de trois siècles, la région Rhône-Alpes avait fait l'objet de 36 découpages, soit environ un découpage tous les 8 ans, et que ces découpages correspondraient à 4058 maillages de toutes tailles53. Difficile dans ces conditions d'envisager des politiques à long terme sur un territoire...

Selon Ludovic Schneider, si Ç le développement durable peut (et doit) être appliqué à tous les niveaux d'action : de l'État à l'individu en passant par les entreprises et les collectivités (É), il y a cependant une échelle pour laquelle la notion de développement durable prend plus de sens encore : le territoire >>54. Il ne fait aucun doute que le territoire, au sens oü l'entend cet auteur, est une échelle spatiale appropriée pour mettre en Ïuvre une politique de développement durable.

Or pour les professeurs de droit Jean-Bernard Auby et Hugues Périnet-Marquet, à la différence des normes à vocation nationale (lois et décrets en général), l'une des rares branches du droit qui édicte des règles au niveau territorial est essentiellement le droit de l'urbanisme. Il s'agit pour eux d'un Ç droit substantiel, c'est-à-dire de normes qui gouvernent l'occupation de l'espace urbain elles-mêmes, celles qui disent quelles activités immobilières sur un terrain donné sont interdites, limitées ou encadrées >>. Le droit de l'urbanisme est donc, ou pourrait être, le support privilégié pour la traduction juridique du développement durable au niveau des territoires. Ë condition d'en élargir la définition.

Erwan Le Cornec considère dans sa thèse que la définition du droit de l'urbanisme est d'ailleurs trop limitée, notamment en ce qu'elle restreindrait la définition de l'urbanisme à son étymologie, c'est-à-dire à l'espace urbain par opposition à l'espace qui

52 Arnould (P.), Simon (L.), Géographie de l'environnement, Paris, éditions Belin atouts, novembre 2007, p. 35.

53 Auroux (J.), La réforme des zonages et l'aménagement des territoires, 1998.

54 Schneider (L.), Le développement durable territorial, Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 9.

ne serait pas urbain (rural notamment). Il propose pour sa part d'entendre Ç par règles d'urbanisme ou servitude d'urbanisme, (...) les normes de droit substantiel prises en application du Code de l'urbanisme, émanant du législateur ou du pouvoir réglementaire, ayant pour objectif de fonctionnaliser l'espace de façon générale en lui attribuant des affectations particulières, et opposables à toutes personnes publiques ou privées ainsi qu'aux modes individuels ou collectifs d'occupation et d'utilisation du sol >>55. Mais là encore, on se trouve face à une définition assez en deçà de l'ambition qu'appelle le développement durable.

De plus, l'échelle territoriale présente un certain nombre d'inconvénients, et ce, pour deux raisons. La première est liée au risque de confusion entre intérêts privés et publics, qui peut donner lieu à des dérives, telles que celles que l'on a pu observer récemment à la suite des inondations qu'a subies la commune de l'Aiguillon-sur-Mer le 28 février 201056. La seconde raison tient au défaut que présente une réglementation de l'urbanisme trop locale pour satisfaire aux exigences de l'aménagement du territoire.

Ainsi, Jean-Louis Harouel observe que, Ç les pouvoirs publics ont perçu les dangers du mitage, mais ils demeurent en pratique assez impuissants face au processus d'urbanification assez diffuse qui défigure les paysages. La décentralisation ne permet

guère de résistance à la pression des intérêts privés (...) >>57. Bien qu'il soit le niveau se manifeste concrètement la règle de droit en matière d'urbanisme, le territoire est une

échelle qui présente des inconvénients pour l'édification de la norme. Au-delà de ces deux inconvénients, l'échelle locale ne permet pas d'appréhender les phénomènes environnementaux dans leur globalité, c'est-à-dire au niveau planétaire. Cette constatation renvoie naturellement à l'échelle internationale, mais comme on va le voir, si ce niveau permet de penser les problèmes, il n'est pas à ce jour celui auquel les dits problèmes peuvent être résolus concrètement.

Pour faire face à ces obstacles, les autorités locales et régionales ont trouvé un palliatif, que l'État s'est d'ailleurs empressé d'encourager : la gouvernance territoriale.

55 Le Cornec (E.), La prise en compte de l'environnement par les règles locales d'urbanisme, Paris, thèse dactylograhoiée, 1997, dir. Yves Jégouzo.

56 Une adjointe au maire a été soupçonnée d'avoir fait en sorte de déclarer constructibles des terrains inondables, puis de les avoir fait céder à son fils promoteur immobilier. Sur la tempête elle-même, voir Miossec (Alain), Ç Mers et littoraux entre recherche scientifique et émotions médiatiques : faut-il craindre la montée des eaux ? >>, in Faut-il s'inquiéter pour la Terre ?, Paris, La Géographie, n°1535, mai 2010, p. 7.

57 Harouel, J.-L., Ç Urbanisme >>, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, éditions Lamy et PUF, 2003, p. 1496.

Regards sur la traduction juridique du développement durable C.2. Un substitut : la gouvernance territoriale

Pour Erik Orsenna, < les résultats révèlent qu'en moyenne, le coüt de réalisation d'un objectif environnemental donné est beaucoup plus élevé si l'on applique des réglementations contraignantes que si l'on utilise des instruments d'incitation tels que les taxes sur les émissions ou les permis négociables >>58.

Cela explique la faveur dont jouit la gouvernance territoriale en matière de développement durable. En effet, selon Michel Casteigts, < l'émergence de la gouvernance locale s'inscrit (É) au confluent de la territorialisation des politiques et de la diversification des échelles de l'action publique >>59.

Mais pour que les politiques publiques territoriales ne se < contredisent >> pas, une coordination est nécessaire. Pour que les objectifs des entreprises implantées sur le territoire et celle de la collectivité qui en assure le développement ne se heurtent pas de front, une coordination est nécessaire. Ce constat a amené les parties prenantes à privilégier la concertation et la corégulation pour la mise en Ïuvre de leurs politiques territoriales de développement durable.

La corégulation est promue par la Communauté européenne comme un instrument de < bonne gouvernance >>. A cet effet, à l'initiative de la France, une communication a été publiée le 8 octobre 200860, à laquelle était annexée un projet de charte européenne de la coopération en matière d'appui à la gouvernance locale. Ce texte est né des constats suivants :

· L'importance de la dimension locale du développement ;

· La diversification des acteurs de la coopération impliqués à l'échelon local (Etats, collectivités territoriales, société civile, secteur privé) ;

· Des interventions souvent parallèles voire concurrentes ;

58 Orsenna (E.), ibid, p. 192.

59 Casteigts (M.), < Optimisation du développement durable et management territorial stratégique : de la gouvernance locale à la transaction sociale >>, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, hors série 6 | 2009, [En ligne], mis en ligne le 09 novembre 2009. URL : http://vertigo.revues.org/8987. Consulté le 31 juillet 2010.

60 Les autorités locales : des acteurs en faveur du développement {SEC(2008)2570}, 8 octobre 2008, COM(2008) 626 final.


· La nécessité d'une meilleure harmonisation des actions de coopération dans l'appui à la gouvernance locale, afin d'en renforcer d'efficacité.

Mais comme le montre Apolline Roger, la distance entre le discours sur la corégulation et la réalité de sa pertinence pour mettre en Ïuvre une politique environnementale ambitieuse est importante. Les limites de la corégulation à cet égard sont clairement dévoilées lorsqu'elle est utilisée uniquement comme un substitut à une réglementation que l'autorité publique concernée ne peut pas ou ne veut pas adopter. En revanche, lorsqu'elle est utilisée dans un cadre réglementaire approprié, la corégulation appara»t comme une méthode intéressante pour accro»tre la participation des destinataires et la flexibilité de la norme61.

Pour cette auteure, une solution envisageable consisterait à permettre < aux entreprises engagées dans une corégulation d'être exemptées du respect du droit applicable : une taxe, ou un permis d'activité par exemple. Dans ce cas, la situation est sécurisée vu qu'il existe une norme plancher, et les entreprises sont fortement incitées à s'engager volontairement pour éviter la contrainte règlementaire. Les Pays-Bas et le Danemark ont obtenu de bons résultats en procédant de la sorte (Glasbergen, 1998 ; Croci, 2005) >>62. On manque de recul sur de telles pratiques s'agissant de la France, pays oü l'intervention étatique a été élevée au rang de religion. De surcroit, ces assouplissements incitatifs ne sont pas envisagées à ce stade au niveau infra étatique.

Enfin, on peut émettre un doute sur un dispositif de corégulation qui présente la réglementation comme une menace, à laquelle il pourrait recouru en cas d'échec. Comme l'indique Apolline Roger, < le levier d'action principal reste donc la menace de l'adoption d'une réglementation >>63. Cette conception anglo-saxonne du droit est difficile à comprendre pour les juristes continentaux, habitués à traiter les problèmes de droit par le recours à la loi et au règlement.

61 Roger (Apolline), < Quelle implication des destinataires de la norme ? La voie de la corégulation >>, VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement, Hors série 6 | 2009, [En ligne], mis en ligne le 9 novembre 2009. URL : http://vertigo.revues.org/8956. Consulté le 20 juillet 2010.

62 Roger (A.), ibid., point 27.

63 Roger (A.), ibid., point 11.

II. La traduction juridique du développement durable à l'échelle territoriale

Ç En théorie, la fin de la géographie signifie que la localisation n'a désormais plus d'importance »64 (R. O'Brien).

Le philosophe Jean-Philippe Pierron pose une question qui est au cÏur de la problématique : << Comment articuler l'universelle conscience des enjeux engagés Ð préserver la terre et l'humanité Ð, et l'historicité particulière des situations Ð l'hic et le nunc, l'ici et maintenant des acteurs et de leurs cultures ? Cette dialectique de l'universel et de l'historique s'explicite dans le << penser global, agir local >>. Elle porte une tension interne, délicate pour qui veut exercer une responsabilité. Quel est le bon niveau de décision à engager pour promouvoir un développement durable : instance mondiale, nationale, régionale, territoriale, individuelle ? >>65.

De son côté, à l'issue d'une démarche pragmatique, et pour résoudre l'équation << global v. local >>, Ludovic Schneider66 propose le recours à 7 instruments, parmi ceux, très nombreux, qui existent en la matière :

· L'Agenda 21 local << qui est un cadre de travail global pour la mise en Ïuvre d'une politique de développement durable à l'échelle d'un territoire >> ;

· Le Plan climat territorial << qui est un plan stratégique centré sur une réflexion énergie/climat >> ;

· La méthode Bilan carbone® de l'Ademe << qui est un outil de diagnostic des émissions de gaz à effet de serre d'une collectivité et/ou d'un territoire >> ;

64 O'Brien (R.), O'Brien, Richard, Global Financial Integration - The End of Geography, London, Pinter, 1992.

65 Pierron (J.-Ph.), Penser le développement durable, Paris, éditions Ellipses, novembre 2009, p. 185.

66 Schneider (L.), Le développement durable territorial, Paris, éditions Afnor, décembre 2009, p. 71

· Le guide SD 21000 de l'Afnor Ç qui vise à présenter des recommandations d'ordre stratégique et opérationnel pour la prise en compte des enjeux de développement durable >> ;

· La grille RST 02 Ç qui est un outil permettant de questionner un projet vis-à-vis des enjeux de développement durable >> ;

· Le modèle Afaq 1000NR Territoires de l'Afnor, Ç qui est une évaluation tierce partie de la maturité des pratiques de développement durable d'une collectivité >> ;

· Collectivités 21 Ç qui est un outil d'évaluation basé sur une grille de questionnement >>.

Ces deux approches sont révélatrices du fossé qui sépare, d'un côté l'affirmation de grands principes à caractère universel - auxquels on ne peut que se rallier -, et, de l'autre, la mise en Ïuvre pratique de ces grands principes, spécialement à l'échelle territoriale.

Par ailleurs, ces grands principes sont eux-mêmes sujets à discussion et leur traduction n'est pas toujours aussi évidente qu'on pourrait le croire. Prenons l'exemple du commerce équitable. Cette modalité d'échange économique aboutit à faire acheter, par les pays développés de l'hémisphère Nord, des produits de l'agriculture cultivés dans l'hémisphère Sud. Le commerce équitable s'avère ainsi contraire à l'objectif de développement durable qui vise à diminuer l'émission des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Un kilo de pommes de terre qui a parcouru 10 000 km a émis plus de CO2 que des pommes de terre achetées à proximité de leur lieu de consommation. C'est de ce constat qu'est né, il y a quelques années déjà, le locavorisme. Un comportement qui s'oppose, conceptuellement, au commerce équitable, tout en visant pourtant à atteindre également des objectifs de développement durable.

A. L'exemple du locavorisme

Ç Locavore >>67, le néologisme est plutôt étrange. On le doit, semble-t-il, à une étudiante californienne et il a été consacré comme Ç mot de l'année >> dans la dernière édition de l'Oxford American Dictionary en 200868, et il est entré dans le Larousse en 2010. Le locavore est un être humain omnivore qui consomme de la nourriture

67 Voir le site www.locavores.com.

68 http://blog.oup.com/2007/11/locavore/, 12 novembre 2007, page consultée en octobre 2009 [en ligne].

produite, récoltée et distribuée localement ; d'oü son nom. Pour les Ç locavores È, l'alimentation doit provenir d'un rayon inférieur à 100 miles (160 km). Exit, les bananes, ananas et autres fruits exotiques. Exit aussi les fruits et légumes hors saison. De rares exceptions sont admises : pour les épices notamment, ainsi que pour le poisson et les crustacées.

Le rayon de 100 miles a été choisi à partir de San Francisco (CA), oü le mouvement est né en 2005. La carte ci-dessous montre l'impact de ce rayon à partir de la ville.

Le'gende : 100 miles autour de San Francisco (Carte Google Map - 2010).

Ë l'occasion de la journée mondiale de l'environnement ouverte à San Francisco en juin 2005 réunissant plus de 100 maires, trois femmes et un homme ont lancé le

locavorisme : Lia McKinney, Jessica Prentice, Dede Sampson et Sage Van Wing. Iis'agissait au début de relever un défi : consommer exclusivement une nourriture produite localement pendant un mois entier, le mois d'aoüt.

Pour les locavores, l'achat de produits locaux répond à la fois à une logique de vie personnelle et à un raisonnement économique69. Ainsi, l'un des adeptes notait, dans le New York Times, en avril 2007 : << We have a situation in California where we export as many strawberries as we import. It's gotten ridiculous [Nous sommes dans une situation en Californie, qui fait que nous exportons autant de fraises que nous en importons. C'est devenu ridicule] >>70. Pour les locavores, la consommation d'une nourriture produite localement est un objectif de développement durable : << For the Locavores and others who believe in eating locally, doing so affects the planet's top three problems: the fact that we're on the downhill side of the supply of oil and other fossil fuels, environmental deterioration and economic issues, all of which will be addressed by World Environmental Day meetings this week >> [Pour les locavores et les autres qui croient aux vertus d'une alimentation produite et consommée localement, ce comportement aura un effet sur trois des problèmes majeurs de la planète : le fait que nous sommes sur la pente descente en ce qui concerne la production de pétrole et des autres énergies fossiles, la détérioration de l'environnement et les problèmes économiques ; trois problèmes qui seront traités à l'occasion de la journée mondiale de l'environnement cette semaine]71.

La simplicité du << locavorisme >> est à première vue séduisante. Mais cette nouvelle mode, << très tendance >>, s'oppose à la fois aux principes qui fondent le droit communautaire, le droit de la commande publique et, à certains égards, il s'oppose également aux principes qui fondent le développement durable.

A.1. La preference locale : une mode promise à un bel avenir

S'inscrivant dans une stratégie de développement durable, le commerce équitable organise des échanges économiques entre les pays développés et des producteurs désavantagés situés dans des pays en développement. Il vise à assurer une juste rémunération du travail de ces producteurs et à établir avec eux des échanges plus

69 Le mouvement touche même les entreprises. Ainsi, le restaurant du siège de Google aux États-Unis a été baptisé café 150 car tout ce qui y est servi est produit dans un rayon de 150 miles. C'est plus que ce que s'imposent les locavores, mais la logique est la même.

70 << Preserving Fossil Fuels and Nearby Farmland by Eating Locally >>, 25 avril 2007, http://www.nytimes.com/2007/04/25/dining/25loca.html?pagewanted=2&_r=2, page consultée le 25 juillet 2010 [en ligne].

71 << Diet for a sustainable planet. The challenge : Eat locally for a month (You can start practicing now) >>,
San Francisco Chronicle, 1er juin 2005, http://www.sfgate.com/cgi-

bin/article.cgi?f=/c/a/2005/06/01/FDGF7CV4KP1.DTL&hw=locavores&sn=001&sc=1000, page
consultée le 26 juillet 2010 [en ligne].

équilibrés. L'émergence des locavores n'est pas sans conséquence pour le commerce équitable. Les Ç antilocavores È considèrent en effet que si l'on cesse d'acheter des haricots verts du Kenya, on va appauvrir les paysans africains. En fait, le commerce équitable et le locavorisme traduisent deux tendances opposées du développement durable : celle qui veut à tout prix faire des économies d'énergie (et donc de transport), et celle qui veut distribuer plus équitablement les ressources de la planète, quitte à transporter les produits de l'agriculture sur de longues distances.

A.1.1. Le commerce équitable, commerce énergivore ?

Les locavores partent d'un constat : aux États-Unis, avant de parvenir jusqu'à l'assiette de l'Américain affamé, les aliments parcourent en moyenne 1 500 miles, soit environ 2 400 kilomètres. Pour les fondateurs du mouvement, Ç cette mondialisation de l'approvisionnement alimentaire a des conséquences sérieuses pour l'environnement, notre santé, nos collectivités et nos papilles. Une grande partie des produits alimentaires stockés dans des greniers alentours doit être expédiée à l'autre bout du pays pour être redistribuée et prendre le chemin du retour en direction de nos supermarchés. Ces transports à longue distance ont un coüt non évalué (pollution de l'air et réchauffement de la planète, coüts écologiques de la monoculture à grande échelle) qui n'est pas directement payé à la caisse È. A ce stade, une précision s'impose : les Ç locavores È ne constituent pas une secte. Ils n'ont même pas une vie à part comme les 200 000 Amish américains, par exemple. Ce sont des gens ordinaires qui ont fait un constat et ont décidé d'en tirer les conséquences.

A.1.2. Le locavorisme : un retour à la tradition ?

Acheter les légumes du jardin, en respectant les saisons, les cycles lunaires et en restant près de chez soi ; voilà une règle de vie qui se défend facilement, surtout en période de crise. Pour L'Express72, le fait de décider de réduire la distance d'approvisionnement de 2 400 à 160 km Ç a des conséquences en cha»ne. Ecologiques, en premier lieu : on diminue drastiquement son empreinte carbone en n'achetant plus ni crevettes tha
·es, ni mangues péruviennes importées par avion, ni tomates ayant traversé un continent d'un bout à l'autre en camion. A la place, on soutient des producteurs locaux, et on mange de saison, salades du matin et fruits cueillis à point È.

72 Briet (Marie-Odile), Ç Connaissez-vous les locavores ? È, L'Express, Paris, édition du 11 septembre 2008, http://www.lexpress.fr/styles/psycho/connaissez-vous-les-locavores_563018.html, page consultée le 2 juillet 2010 [en ligne].

En France, note l'hebdomadaire, le mouvement a pris racine il y a une dizaine d'années. Depuis, l'Association pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap) a pris de l'ampleur. Au départ, quelques consommateurs passaient contrat avec un mara»cher, s'engageant à lui acheter sa récolte moyennant un abonnement hebdomadaire. Ç Aujourd'hui, dans certaines régions, le succès est tel que se met en place, progressivement, un vrai système d'alimentation local ! Dans l'agglomération de Pau, par exemple, 12 Amap nourrissent désormais 800 familles, et le contenu des paniers est à 90 % local. È L'idée ne séduit pas seulement les familles. Elle se pratique déjà dans les partenariats public-privé (PPP). Ainsi, dans un entretien au Moniteur des travaux publics et du b%otiment du 8 février 2008, le président de l'Agence des PPP du Québec, Pierre Lefebvre, expliquait : Ç On voit que la majeure partie des matériaux provient d'un rayon de 150 km. La raison pour laquelle on fait cela, c'est pour éviter l'émission de gaz à effet de serre des camions qui viennent de pays très lointains. a fait en sorte que l'industrie locale travaille. C'est important. È (Le Moniteur, n° 5 437, p. 72). C'est du locavorisme appliqué au BTP.

A.1.3. La position du rapport Pitte-Coffe du 4 mars 2010

Le professeur de géographie Jean-Robert Pitte et le journaliste Jean-Pierre Coffe ont remis, le 4 mars 2010, à la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, un rapport visant à améliorer la restauration universitaire73.

Pour les deux auteurs, Ç en tant qu'établissements publics, les Crous doivent passer des marchés globaux pour l'ensemble de leur rayon d'action. Dans certaines grandes académies, le nombre de sites d'enseignement supérieur est très élevé et la dispersion oblige à des transports de denrées sur de grandes distances. Les règles de passation des marchés publics peuvent être aménagées en répartissant les marchés par secteurs géographiques (allotissements). Ces pratiques qui ne semblent pas générales doivent être précisées et diffusées par le Cnous. Certaines denrées telles que l'huile, les conserves ou les boissons pourraient faire l'objet d'un marché national géré par le Cnous, ce qui permettrait sans doute d'obtenir des tarifs plus bas et, peut-être, de minimiser les variations brutales de tarifs (à Bordeaux en 2008 : + 72 % sur l'huile, + 44 % sur les pommes rouges, + 16 % sur le porc, + 20 % sur les steacks hachés). En

73 Pitte (Jean-Robert), Coffe (Jean-Pierre), Rapport visant à améliorer la restauration universitaire, ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 4 mars 2010 : http://www.enseignementsuprecherche.gouv.fr/cid50758/ameliorer-la-restauration-universitaire.html, page consultée le 20 juillet 2010 [en ligne].

revanche, les produits frais pourraient avantageusement faire l'objet de marchés segmentés, beaucoup plus liés aux fournisseurs locaux. C'est tout à fait possible et cela existe déjà pour le pain, par exemple, dans certains Crous. Naturellement, cela existe déjà pour le pain, par exemple, dans certains Crous. Naturellement, cela impliquerait que les agriculteurs, mareyeurs, bouchers et PME agro-alimentaires diverses se structurent de manière à garantir une sécurité des approvisionnements. Les Chambres d'agriculture et de commerce pourraient réfléchir avec les responsables des Crous aux aménagements possibles de l'offre de denrées alimentaires. Les Amap (Associations pour le maintien de l'agriculture paysanne) pourraient prendre en charge l'approvisionnement des boutiques ou marchés étudiants dont il sera question plus loin, voire des fruits et légumes. Si l'approvisionnement local se développe, la restauration universitaire reflétera beaucoup mieux les spécificités régionales et les saisons. Le lien Crous-acteurs régionaux s'en trouvera renforcé. Le bilan carbone s'en trouvera sensiblement amélioré. Enfin, le coüt des matières premières devrait pouvoir être abaissé. Il n'est pas raisonnable que des pommes bio servies à Paris proviennent du Sud Tyrol, au Nord de l'Italie. On imagine le coüt de transport de ces pommes qui doivent transiter en camion par le col du Brenner ou par les voies ferrées transalpines. En arrière-plan, se pose bien entendu la question de l'insuffisance quantitative et du coüt de la production bio en France. >>

Les deux auteurs prennent l'exemple d'Orléans : Ç Les pommes locales un peu tachées sont en vente chez les producteurs à 0,10 euro le kilo ; elles permettent de confectionner d'excellentes compotes, tartes, pommes cuites au four. Parfaites, à manger au couteau, elles valent 0,30 euro le kilo. Or, les pommes servies dans les restaurants universitaires d'Orléans sont achetées par le Crous, dans le cadre d'un marché général de fruits et légumes, entre 0,80 euro et 1 euro. De plus, elles proviennent souvent de l'hémisphère sud et ont souvent passé des mois en chambre froide, perdant une grande partie de leur valeur vitaminique et gustative. >>

Ce constat récent met en évidence le conflit latent qui oppose le commerce équitable au locavorisme. Dans l'exemple précité, on ignore si les dites pommes ont été achetées dans le cadre du commerce équitable ; mais le problème serait le même de toute manière. Achetées dans l'hémisphère Sud, elles auront parcouru une grande partie de la surface du globe avant d'atterrir dans l'assiette du consommateur. Une situation

d'autant plus choquante, pour le professeur Pitte et M. Coffe, qu'il existe à proximité des lieux de consommation, une production de pommes tout à fait satisfaisante.

Il se trouve toutefois qu'en l'état actuel du droit, il est impossible de donner directement une préférence aux productions locales dans l'attribution des marchés publics.

A.2. La preference locale : une mode interdite par le droit

Actuellement, le droit ne permet en aucun cas à l'acheteur public de devenir locavore, même s'il en a la ferme volonté. La préférence locale, qu'elles qu'en soient les modalités, demeure strictement interdite. Cette interdiction résulte aussi bien des principes du droit communautaire que de ceux issus du droit interne. Et il n'y a pas d'exception.

A.2.1. L'interdiction en droit communautaire 1° La libre circulation des marchandises

L'interdiction de la préférence locale est l'un des principes fondateurs de la construction européenne. En effet, la construction de la Communauté économique européenne a été fondée sur l'affirmation de quatre libertés : la liberté de circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services.

L'Union européenne, structure politique instituée à l'échelle d'un continent entier74, vise à créer un grand marché intérieur sans barrières douanières. Doivent être également interdites, à ce titre, toutes les mesures ayant un effet équivalent aux dites barrières douanières. On les appelle les << mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives (Meerq) >>75. Plus précisément, les Meerq ont << pour objet ou pour effet de restreindre spécifiquement les courants d'exportation de manière à assurer un avantage particulier à une production nationale ou au marché intérieur de l'Etat intéressé au détriment de la production ou du commerce des autres Etats membres >>76. Dans ces conditions, un acheteur public << locavore >> serait accusé de favoriser systématiquement les entreprises locales au détriment des autres entreprises européennes.

74 Dont les frontières restent toutefois l'objet de débats qui n'ont pas leur place ici.

75 CJCE 11 juill. 1974, << Proc. du Roi c. Beno»t et Gustave Dassonville >>, aff. 8-74, Rec. p. 837.

76 CJCE 8 nov. 1979, << Groenveld >>, aff. 15/79, Rec. p. I-3409 - 1er avril 1982, << Holdijk >>, aff. 141 à 143/81, Rec. p. 1299.

L'affaire du << cassis de Dijon È est emblématique et est bien connue de tous les juristes spécialisés en droit communautaire. Dans cette affaire, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que la réglementation allemande, qui n'autorisait pas la commercialisation d'alcools de fruits ayant une teneur inférieure à 32° d'alcool, était contraire aux principes du traité, car, de fait, elle écartait le cassis de Dijon, qui titre moins de 32°77. Plus tard, elle a jugé que la distinction faite aux Pays-Bas entre les bières brassées traditionnellement et les autres bières était une Meerq, car la protection du consommateur n'interdisait pas à ce dernier de consommer des bières brassées différemment78. Les restrictions à la libre circulation des marchandises sont donc interdites en Europe et ne peuvent être admises qu'à titre exceptionnel, notamment pour des raisons de santé publique (on pense naturellement à la << vache folle È). Mais de toute manière, dans une telle hypothèse, la restriction à l'importation ou à l'exportation doit être limitée dans le temps.

2° L'interdiction du protectionnisme local

Dans le cadre d'une politique harmonisée au niveau européen, comme l'est le droit des marchés publics, le juge condamne, de manière plus directe, tout protectionnisme local au nom du principe de non-discrimination issu du traité79. Il sanctionne même les mesures incitatives. La Cour a ainsi dit pour droit qu'une campagne publicitaire de promotion des produits irlandais, financée par le gouvernement, n'était pas conforme aux règles du traité, car une telle campagne incite les consommateurs à acheter des produits irlandais80. De même, elle a jugé que des mesures d'incitation à l'achat de produits nationaux par le biais d'aides financières81 étaient contraires au traité, ou que l'obligation faite aux entreprises grecques d'acheter exclusivement des caisses enregistreuses comprenant dans leur fabrication une valeur ajoutée en Grèce au moins égale à 35 %82 devait être regardée comme illégale au regard du droit communautaire. Il va de soi que le raisonnement communautaire est entièrement applicable aux achats

77 CJCE 20 févr. 1979, << Rewe-Zentral AG, Bundesmonopolverwaltung fur Branntwein È, aff. 120/78, Rec. p. 649.

78 CJCE 17 mars 1983, << Kikvorsch È, Rec. p. 947. Ë noter que lorsqu'une politique a été harmonisée au niveau communautaire, ce qui est le cas des marchés publics, la notion de Meerq ne trouve plus à s'appliquer ; il suffit de s'appuyer directement sur un manquement au droit communautaire. Pour les marchés publics, on peut se demander si des Meerq ne pourraient pas subsister en decà des seuils européens qui commandent l'application des directives sur les marchés publics.

79 CJCE 20 mars 1990, << Du Pont de Nemours Italiana SpA c. Unità sanitaria locale di Carrara È, aff. 21/88, Rec. I, p. 899 -- 11 juillet 1991, << Laboratori Bruneau È, aff. C-351/88, Rec. I-3641.

80 CJCE 24 nov. 1982, << Commission c. Irlande È, aff. C- 249/81, Rec. p. 4005.

81 CJCE 5 juin 1986, << Commission c. Italie È, aff. C-103/84, Rec. p. 1 759.

82 CJCE 24 juin 1992, << Commission c. Grèce È, aff. C- 137/91, Rec. p. 4023.

publics. Mais le droit interne, lui aussi, prohibe les discriminations à caractère géographique. Il le fait au nom du principe constitutionnel d'égalité.

A.2.2. L'interdiction en droit interne 1° L'interdiction nette du localisme

En France, le juge considère invariablement la préférence locale comme une illégalité, quel qu'en soit le motif et quelles qu'en soient les modalités. Pour ce faire, le juge ne s'appuie pas seulement sur le droit communautaire, dont il est le juge de droit commun sur le territoire national, mais sur le droit interne lui-même. L'arrêt de principe en la matière date du 29 juillet 1994. Dans cette décision, le Conseil d'Etat constate que Ç la commission d'appel d'offres [...] a décidé [...] d'attribuer le marché de préférence à une entreprise locale lorsque celle-ci présenterait des propositions n'excédant pas 4 % du devis d'éventuels soumissionnaires, cela dans le souci de favoriser le maintien des emplois locaux et l'acquittement, au bénéfice de la commune, des taxes professionnelles ; il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation locale de l'entreprise chargée d'exécuter les travaux ait été une des conditions de bonne exécution du marché >>. Le juge rappelle que Ç les motifs tirés de la nécessité de favoriser l'emploi local et d'équilibrer les finances locales par l'acquittement de la taxe professionnelle sont sans rapport avec la réglementation des marchés >>83.

Le tribunal administratif de Rennes lui a embo»té le pas. A la suite d'un appel d'offres ouvert, un marché avait été attribué à un groupement formé à l'initiative des entreprises déjà titulaires du marché antérieur, et ce, en raison de Ç leur compétence, de leur bonne connaissance des lieux, de la qualité de la prestation assurée et des difficultés qui résulteraient du changement d'entreprises >>. Le marché a été annulé : Ç Il est constant, dit le juge, d'une part, que la compétence de la société (...) n'est pas discutée, d'autre part, que les critères locaux ainsi avancés n'avaient pas été expressément spécifiés dans l'appel d'offres ; qu'ils reviennent, en outre, à favoriser les entreprises déjà titulaires du marché et géographiquement proches de son lieu d'exécution ; qu'une telle pratique, qui contrevient gravement au principe de la libre concurrence sur lequel

83 CE 29 juill. 1994, Ç Commune de Ventenac-en-Minervois >>, n° 131 562, Lebon tables, p. 1035. Début novembre, on pouvait lire dans un journal local héraultais la publicité suivante : Ç En ce début de récession, mairies, agglos, conseils général et régional... Dans vos investissements, donnez la priorité aux commerçants et artisans locaux qui, par leurs impôts et taxes alimentent vos budgets. Et choisissez le «journal Y», premier média local, pour les informer de vos avis d'appel public à la concurrence. >> (Source : blog Ç Lex Libris >> du Monde.fr, 6 nov. 2008).

repose la réglementation des marchés publics, entache d'irrégularité la procédure poursuivie È84. Pour des raisons identiques, l'acheteur public ne peut pas non plus inciter uniquement les entreprises locales à soumissionner à ses propres marchés. Dans l'affaire oü était en cause la passation d'un marché de programmation pour la réalisation d'une antenne du musée du Louvre à Lens, le juge a censuré une procédure adaptée pour un marché de 35 000 euros, estimant la publicité insuffisante. Quand on regarde le fond du dossier, on découvre que l'avis avait été publié par un journal local, ainsi que sur le site Internet de la région, alors que la plupart des programmistes susceptibles d'être intéressés étaient situés justement en dehors de ladite région. C'est d'ailleurs la publication à titre informel par Le Moniteur des travaux publics et du b%otiment qui a permis à ces cabinets d'être finalement avertis85. Et, de même qu'une campagne incitant les consommateurs à acheter des produits nationaux est irrégulière au regard du droit communautaire (CJCE 24 nov. 1982 et 5 juin 1986, préc.), une campagne de promotion locale du site Internet régional de l'acheteur public aura pour effet de favoriser plus particulièrement les entreprises locales.

De manière plus générale, l'acheteur public ne peut utiliser des moyens locaux pour assurer la publicité de ses intentions d'achat, même en dessous des seuils, sauf si la concurrence locale est suffisante. Mais cela reste difficile à vérifier avant le lancement de la procédure, puisqu'on ne peut savoir s'il y aura suffisamment de candidats qu'au terme de celle-ci. Et il suffirait qu'une entreprise située en dehors de la zone ciblée par le support local démontre qu'elle aurait pu être intéressée pour que la procédure se retrouve irrégulière (CE 7 oct. 2005, préc.). La seule parade est de retenir au moins un support dont l'efficacité ne peut être contestée en raison de son audience auprès des entreprises du secteur économique concerné. En pratique, la tendance à protéger le tissu économique local demeure très forte et, d'une certaine manière, elle se comprend. Mais ce raisonnement n'est jamais admis par le juge. Tout au plus peut-il se voir atténué lorsque la proximité de l'entreprise est une condition nécessaire à la bonne exécution du marché.

2° L'atténuation du principe

84 TA Rennes 5 avril 1995, Ç Préfet du Morbihan c. Syn. intercommunal de Rochefort-en-Terre È, nO 942 005.

85 CE 7 oct. 2005, Ç Région Nord - Pas-de-Calais È, nO 278 732, concl. D. Casas, Le Moniteur, 28 oct. 2005, p. 98, Y.-R. Guillou ; Contrats publics nO 49, nov. 2005, p. 77, A. Hourcabie et A. Tabouis.

Le principe peut être atténué lorsque l'exécution du marché (mais pas sa passation) comporte une exigence de proximité de l'entreprise, notamment lorsque son intervention doit pouvoir être très rapide en cas de panne. Encore faut-il que cette condition soit correctement appliquée, car cela n'implique nullement que l'entreprise ait son siège localement. Il peut suffire qu'elle justifie de moyens de déplacement suffisamment rapides (Revues Marches publics, n° 237, oct.-nov. 1988, p. 4, pour un marché de maintenance de travaux), ou d'une installation assez proche qu'elle pourra établir après l'attribution du marché86. Mais l'acheteur ne peut exiger que cette installation soit antérieure à l'attribution du marché. Sinon, le choix pourrait être sanctionné, là encore, pour protectionnisme local.

A.3. Développement durable et locavorisme

Dès lors, si les acheteurs publics souhaitent procéder à des achats éco responsables en vertu de l'article 5 du Code des marchés publics, il leur para»tra préférable de recourir à des spécifications techniques, plutôt qu'à des critères de sélection des offres. Les cahiers des clauses techniques particulières peuvent ainsi comporter des stipulations renvoyant à des normes, telles que des agréments techniques ou des référentiels élaborés par des organismes de normalisation (art. 6 du Code). Les documents de consultation peuvent définir les performances ou exigences fonctionnelles des prestations en y intégrant des caractéristiques environnementales. L'administration peut ainsi se référer à un écolabel (art. 6 VII). A priori, rien n'interdirait d'obliger les produits à afficher un bilan carbone incluant le transport sur le lieu de consommation. Mais ces spécifications ne peuvent pas faire mention d'un mode ou d'un procédé de fabrication particulier, ou encore d'une provenance, ni faire référence à une marque ou à un brevet, dès lors qu'une telle mention ou une telle référence aurait pour effet de favoriser ou d'éliminer certains opérateurs économiques, ou certains produits. Ainsi, dans l'affaire du pont Storebaelt au Danemark, la CJCE a sanctionné le manquement de l'administration au droit communautaire, pour avoir lancé une procédure prévoyant Ç l'utilisation la plus large possible de matériaux, de biens de consommation, de main d'Ïuvre et de matériel danois È87. De plus, l'acheteur ne peut en principe se référer aux spécifications d'un produit précis, même sans le nommer88. Il est donc impossible de faire appel à une entreprise, en lui imposant à son tour de faire appel une entreprise

86 CE 14 janv. 1998, Ç Soc. Martin-Fourquin È, n° 168 688.

87 CJCE 22 juin 1993, Ç Commission c. Royaume du Danemark È, aff. 243/89, Rec. I-3353.

88 CE 11 sept. 2006, Ç Commune de Saran È, n° 257 545, AJDA 2006, p. 2140.

locale choisie à l'avance89. L'acheteur public doit préserver la liberté d'accès, l'égalité de traitement et la transparence des procédures de passation, ces trois principes formant le Ç droit commun de la commande publique >> qui répond au droit communautaire ainsi qu'à des exigences de valeur constitutionnelle90. Cela n'interdit pas à la collectivité de définir son besoin en privilégiant le Ç bio >> par exemple, ce caractère étant une qualité intrinsèque du produit acheté. Mais elle ne peut pas imposer une provenance, à moins que celle-ci ne soit la condition déterminante de l'achat du produit (appellations d'origine contrôlée notamment). Enfin, l'acheteur peut fixer des spécifications techniques allant au-delà des normes en vigueur, même si cela aboutit à restreindre la concurrence, mais uniquement lorsque les nécessités du service public l'exigent, condition appréciée strictement par le juge91. A la lumière de ces développements, une constatation s'impose : l'apparition d'acheteurs publics locavores en France n'est pas pour demainÉ

A.4. L'interdiction implicite du Ç délocalisme È

Inversement, et bien que le cas n'ait pas été traité explicitement par la jurisprudence, l'acheteur public qui imposerait l'achat de produits issus du commerce équitable, en exigeant qu'ils aient été produits dans l'hémisphère Sud imposerait tout autant une condition de localisme, mais à l'envers. Mais il s'agirait plutôt ici de Ç délocalisme >>92, c'est-à-dire d'une condition de situation géographique non liée à l'objet du marché lui-même. En d'autres termes, il ne saurait être question de défavoriser la production locale au seul motif qu'elle est locale. Le principe d'égalité impose qu'hormis les hypothèses dans lesquelles une condition géographique est obligatoire93, la localisation du fournisseur ne puisse constituer un motif de discrimination pour l'accès aux marchés.

89 CE 29 juillet 1998, Ç Commune de Léognan >>, Lebon tables, p. 1017.

90 Cons. const. 26 juin 2003, déc. n° 2003-473 DC.

91 CE Sect. 3 nov. 1995, Ç District de l'agglomération nancéienne >>, n° 152 484.

92 Les locavores les appellent les distavores.

93 Un cas bien connu est celui de l'entretien des espaces verts. Il peut être légalement imposé au prestataire de disposer d'une implantation locale pour exécuter les prestations qui sont attendues de lui (taille des haies, tonte des pelouses, arrosage, élagage, etc.). Mais cette exigence doit être une condition d'exécution du marché public, et non pas une condition (ou un critère) de son attribution. En d'autres termes, l'implantation locale du candidat ne peut pas être exigée préalablement à sa candidature, à condition toutefois que celui-ci s'engage à exécuter le marché selon les stipulations du contrat, et qu'il soit en mesure de démontrer comment il répondra aux exigences du marché si son offre est retenue : en pratique, le marché indiquera un délai d'intervention, sans imposer une implantation locale. Et il appartiendra à l'entreprise candidate de démontrer de quelle manière elle entend y répondre (Voir sur ce point CE 14 janv. 1998, Ç Soc. Martin-Fourquin >>, n° 168 688, préc).

Quand on essaye d'appréhender les politiques territoriales en matière de développement durable, on imagine souvent les collectivités territoriales en leur qualité d'acteurs sur le territoire, au sens oü elles peuvent réglementer localement l'activité des entreprises et des particuliers, oü elles peuvent agir localement par le biais de conventions ou d'aides publiques, et inciter les entreprises et les particuliers à modifier leurs comportements. Tout cela est vrai, et reste essentiel à la réussite de l'action publique territoriale en matière de développement durable. Mais les collectivités territoriales sont aussi, elles-mêmes, des consommatrices de ressources, et elles émettent des gaz à effet de serre. Par ailleurs, les contrats et marchés qu'elles sont amenées à passer pour les besoins des services publics produisent, directement ou indirectement, des effets sur les politiques de développement durable dont elles sont parties prenantes par ailleurs.

C'est cet aspect là que la ville de Strasbourg a plus particulièrement pris en compte, en déclinant sa politique de développement durable dans le cadre des objectifs adoptés par la Communauté urbaine de Strasbourg.

B. Le marché public de restauration scolaire de Strasbourg

L'exemple de Strasbourg est intéressant à bien des égards. Depuis 2008, la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) et les communes qui la composent ont fait du développement durable un axe politique fort. La Communauté a défini en particulier un Plan climat territorial visant notamment à la réduction de ses propres émissions de gaz à effet de serre.

B.1. Adoption d'un Plan climat territorial

Par délibération en date du 10 juillet 2009, la Communauté urbaine a adopté son plan climat. La délibération précise que Ç le Plan climat territorial [doit être] un plan d'actions locales, mais qui s'intègre dans une approche globale des enjeux liés au réchauffement climatique. Ainsi, plusieurs engagements internationaux, européens et nationaux ont déjà été pris, à travers le protocole de Kyoto (1997), le sommet de Johannesburg (2002) ou le Plan climat territorial national (2004) qui a mis en avant le rTMle prépondérant des collectivités territoriales et locales dans la lutte contre les changements climatiques en définissant le Ç Plan climat territorial È. Aujourd'hui, ajoute la délibération communautaire, il est reconnu scientifiquement, que pour limiter le réchauffement climatique à 2° en moyenne, il sera nécessaire, au niveau mondial, de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES) à partir de 2020 et de les réduire par 2 à l'horizon de 2050 par rapport au niveau d'émissions de 1990. Cet effort planétaire demande un effort encore accru des pays industrialisés, qui sont les principaux responsables des émissions passées et actuelles. Pour ces pays, l'objectif de réduction des émissions à l'horizon 2050 est celui d'un facteur 4 au minimum È.

Dans ce cadre, la Communauté urbaine de Strasbourg a mis à l'étude la création d'une agence locale du climat et de l'énergie dans le cadre du Plan Climat Territorial, agence qui pourrait agir à l'échelle de l'Eurodistrict. La Communauté urbaine indique qu'elle adhère d'ores et déjà à des réseaux internationaux Ïuvrant pour limiter le réchauffement climatique (Énergies cités, ICLEI, etc.). La dimension de mobilisation internationale autour des questions climatiques présente un enjeu fort. D'une part, les réflexions et actions de la CUS peuvent utilement se nourrir des expériences d'autres collectivités, et d'autre part, la CUS peut par ce biais contribuer à la mobilisation internationale. A cet égard, la délibération propose que la CUS s'associe à la convention des maires portant un engagement d'aller au-delà des objectifs des 3x20 fixés par

l'Union européenne. Cette initiative portée par Energies cités, a déjà rassemblé près de 500 maires.

B.1.1 Les grandes lignes du Plan climat de la Communauté urbaine de Strasbourg

Le Plan climat territorial de la Communauté urbaine de Strasbourg

Premier axe. Agir sur le fonctionnement de la CUS pour être exemplaire

Amélioration énergétique de nos bâtiments

Réduction de l'impact des déplacements générés par le fonctionnement de la collectivité

Eco-conditionnalité de nos politiques d'achats

Renforcement de nos politiques de coopération décentralisée

Second axe. Favoriser l'élaboration les actions pour le climat des 28 communes de la CUS, et des partenaires de la CUS

Accompagner les actions des communes de la GUS

Inciter les partenaires proches de la GUS à engager une action de type plan climat

Soutenir les actions du monde associatif pour le climat et l'énergie

Troisième axe. Elaborer un projet de territoire prenant en compte les objectifs climatiques et fédérateurs pour les acteurs locaux

Les principaux secteurs et pistes d'actions

L'habitat et l'urbanisme

Les transports

Les déchets

Le développement économique et l'industrie

Une démarche participative globale

Le forum du Plan climat : comité scientifique, réseau des élus du développement durable de la GUS, groupe des acteurs internes

Les modalités et le calendrier de mise en Ïuvre

Elaboration d'un Bilan carbone

Réalisation d'un inventaire territorial des émissions

Finalisation du Plan climat territorial de la GUS

Source : délibération du 10 juillet 2009.

Regards sur la traduction juridique du développement durable B.1.2. Le levier des politiques d'achat public territoriales

Parmi les nombreux chantiers ouverts par la Communauté urbaine en application du Plan climat territorial figure celui des politiques d'achat. Ce secteur est intéressant à étudier, dans la mesure oü il implique à la fois le secteur public en sa qualité d'acheteur, et le secteur privé, qui doit faire en sorte de répondre aux exigences exprimées par la collectivité publique. L'achat public est donc un levier efficace pour imposer aux entreprises la prise en compte des objectifs du développement durable dans leur processus de fabrication, puisque ces entreprises doivent les prendre en compte, au moins pour pouvoir exécuter correctement les marchés publics qui leur sont attribués.

La délibération de la Communauté urbaine de Strasbourg résume parfaitement ce qui est attendu dans ce domaine : Ç Le secteur des achats est très vaste et couvre l'ensemble de l'activité de l'administration (matériels et consommables informatiques, véhicules et engins, fournitures administratives, papier, produits d'entretien, matériaux de construction et de voirie, éclairage public, restauration, ...) avec la production de gaz à effet de serre (GES) lors de la fabrication de ces derniers et lors de leur usage. L'empreinte carbone globale est importante et doit être réduite. L'adhésion à la démarche d'achat éco responsable est un premier pas pour l'intégration de critères environnementaux dans les marchés de fournitures et de prestations È.

B.2. Les caractéristiques du marché

Sur ce point, le marché public de restauration scolaire passé en 2009 par la ville de Strasbourg est un bon exemple de la mise en Ïuvre du développement durable à l'échelle territoriale. L'adjointe au maire chargée des marchés publics et de la politique d'achats, Chantal Augé, a répondu aux questions du Moniteur des travaux publics & du b%otiment et du site d'information achatpublic.info. Pour elle, la commande publique est effectivement un levier qui peut entrainer les fournisseurs dans une démarche plus systématique. En 2009, la ville a commencé à insérer de manière substantielle des exigences environnementales et sociales dans son marché de restauration scolaire.

L'avis d'appel public à candidature pour ce marché94 a été publié le 23 juillet 2009 au Journal officiel de l'Union européenne95. La description de l'objet du marché était la

94 On notera qu'il s'agit d'un accord-cadre mais, par souci de simplification, on utilisera ici le terme de marché public.

95 Avis n° 202988-2009, 23 juillet 2009.

suivante : Ç fourniture de repas pour les restaurants scolaires des écoles maternelles et élémentaires et les établissements d'accueil de la Petite Enfance de la Ville de Strasbourg - marché à vocation de développement durable È. Les critères d'attribution du marché à l'offre économiquement la plus avantageuse étaient libellés de la manière suivante :

1. Valeur technique. Pondération : 45.

2. Prix des prestations. Pondération : 35.

3. Développement durable. Pondération : 20.

La prise en compte des différentes facettes du développement durable au cours de l'opération a séduit le jury de la deuxième édition des Trophées de la commande publique, placée sous le parrainage du ministère du Budget, qui lui a attribué la première place dans la catégorie Ç achat durable È à l'occasion du Salon des maires et des collectivités locales (Smcl). Ç La loi sur le Grenelle de l'environnement impose un minimum de 20 % d'aliments issus de l'agriculture biologique dans toute la restauration collective à partir de 2012. Nous n'avons pas attendu cette date pour introduire du bio dans la restauration scolaire qui représente 33 % de la restauration collective È, poursuit l'adjointe aux marchés publics. Ç Chaque jour environ 5 800 repas sont livrés dans les restaurants scolaires de la ville qui ne disposent pas de cuisine centrale mais uniquement de fours pour réchauffer les plats livrés. Avec cette démarche ambitieuse, nos objectifs étaient de réduire de 3 % par an au minimum les émissions de CO! générés par les repas livrés, de promouvoir une alimentation fondée sur la consommation d'aliments respectueux du développement durable, de développer la filière d'agriculture biologique, de promouvoir l'emploi des personnes en difficulté d'insertion, complète Michèle Jean-Olive, coordinatrice des achats à la ville. Nous avons essayé d'exploiter au mieux les possibilités offertes par le code des marchés publics, mais aussi d'avoir un rTMle éducatif et citoyen. Nous souhaitons sensibiliser les élèves, mais aussi leurs parents et entourage à développer des comportements respectueux du développement durable et à réduire leurs émissions de CO! È, ajoute Madame Augé.

B.2.1. 22 % à 44 % d'alimentation biologique dans les assiettes

La ville a commencé à travailler sur le marché fin 2008. Si elle n'a pas fait appel à une assistance extérieure pour la rédaction du cahier des charges, son service des achats

et de la commande publique a veillé à fournir à la direction de l'éducation une réponse adaptée à ses besoins. Ç Pour la préparation des menus, nous devions rester dans un certain équilibre nutritionnel, leur connaissance spécifique du domaine nous a beaucoup aidé. Nous avons également sollicité l'avis de l'agence de l'environnement et de la ma»trise de l'énergie (Ademe) et demandé des conseils aux organismes qui ont des connaissances en matière d'insertion sociale, tels que les relais emplois-chantiers. Nous avons également regardé ce qui avait été fait par d'autres collectivités È, précise la coordonnatrice. Des fréquences minimales par catégorie d'aliments biologiques (légumes fruits, produits laitiers frais, viande ou Ïufs, pain, céréales ou légumes secs), ont été définies dans le Cctp (1). La fréquence sera différente si l'école fait partie des sites expérimentaux. Ç Toutes les écoles de la ville vont avoir du bio dans leurs assiettes. Mais l'offre en aliments issus de l'agriculture biologique est à l'heure actuelle insuffisante. Le marché stipule que les repas doivent être composés au minimum de 22 % de bio. Ce pourcentage est élevé à 44 % pour 15 % des restaurants scolaires désignés en tant que sites expérimentaux. Ainsi par exemple pour les légumes la fréquence minimale est de deux fois par semaine, quatre fois par semaine pour les sites expérimentaux, pour la viande ou les Ïufs deux fois par mois ou une fois par semaine, détaille Michèle Jean-Olive. Si l'offre en produits bio est suffisante, l'expérimentation pourra être étendue à d'autres sites par avenant È, poursuit-elle.

B.2.2. Bio implique-t-il local ? L'exemple de Lons-le-Saunier

Sur ce point, on peut citer également l'exemple de la ville de Lons-le-Saunier, dont le député-maire, Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, est un spécialiste du droit de l'environnement souvent cité parmi les Ç ministrables È ces dernières années. Le rapport Pitte-Coffe fait état de la politique alimentaire de la ville de Lons-le-Saunier : Ç L'utilisation de produits bio locaux est à encourager vivement. Elle semble inaccessible et trop onéreuse pour tous les responsables qui ont été interrogés à ce sujet. Pourtant, il existe un excellent exemple hors Cnous, celui de la ville de Lons-leSaunier (Jura). Une cuisine centrale, placée sous la direction de M. Thévenet, y prépare tous les repas de restauration collective (écoles, collèges, lycées, hôpitaux, maisons de retraite, prison, restaurants municipaux) exclusivement à partir de produits bios. Les marchés sont passés avec des fournisseurs locaux et les coüts entrent dans des contraintes budgétaires semblables à celles des Crous. È

En dépit de l'intérêt de cet exemple, on ignore malheureusement à quelles conditions la ville jurassienne a pu retenir exclusivement des Ç fournisseurs locaux >> comme l'indique le rapport. La préférence locale étant interdite, comme cela a été rappelé, le caractère local des aliments ne peut être utilisé comme un critère de sélection pour l'attribution du marché aux fournisseurs. La ville de Strasbourg a eu du mal à éviter cet écueil. Bien qu'elle fait tous les efforts possibles pour ne pas mentionner dans le cahier des charges du marché sa préférence pour le recours à des fournisseurs, elle a néanmoins précisé, s'agissant du pain, que celui-ci devrait être acheté auprès des boulangeries locales. Une telle mention est illégale. Comme on l'a déjà vu, la ville pouvait décrire les caractéristique attendues du pain, notamment sa fraicheur, sans pour autant imposer d'implantation locale.

Mise à part cette irrégularité, commune à un grand nombre d'acheteurs publics, la ville de Strasbourg a procédé différemment pour décrire ses attentes à l'égard du marché de restauration scolaire. Elle a élaboré une grille afin de calculer le coüt carbone. Cette grille est inspirée du tableur Carbone Cantine élaboré par David Jadaud.

B.2.3. Une grille pour calculer le coOt carbone

20 % de la note globale, c'est la pondération accordée par Strasbourg au critère Ç développement durable >>, découpé en deux volets : le volet environnemental pondéré à 13 % et le volet insertion sociale pondéré à 7 %. Ç Pour ce premier volet nous avons utilisé deux sous-critères, le coüt carbone de 5 menus-types et les conditions d'approvisionnement des aliments. S'agissant du sous-critère coüt carbone, la ville a fonctionné par simulation. Nous avons remis aux candidats un cadre de réponse permettant de calculer le coüt en kilogrammes équivalents carbone pour la réalisation de ces menus-types pour 6 000 repas. Chacun des candidats devait indiquer le lieu de provenance, le nombre de kilomètres entre le lieu de provenance et Strasbourg et le mode de transport, routier, fluvial, ferré, aérien >>, détaille la coordinatrice des achats. Au-delà de la simulation, le titulaire, dont le marché a été conclu à compter du 1er septembre 2009, devra rendre des comptes à la ville lors de l'exécution du marché. Ainsi il est tenu de diminuer les émissions de CO! liées aux prestations du marché au minimum de 3 % chaque année. Ç Ce minimum de 3 % par an est l'application du Ç facteur 4 >> du protocole de Kyoto. En introduisant le protocole en droit interne, la France s'est engagée à diviser par 4 ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. La traduction de ce principe revient à une diminution de 3 % par an >>, précise Chantal

Augé. En cas de non respect de cette exigence, la ville pourra ne pas reconduire le marché. Ç Pour contrôler le respect de cette obligation, le titulaire devra fournir trimestriellement une liste indiquant les tonnages utilisés pour chaque aliment qui entre dans la confection des repas livrés durant la période concernée. Il devra de plus, indiquer systématiquement les lieux de provenances et les modes de transports des aliments. Pour nous aider dans le contrôle, nous nous sommes dotés d'un calculateur carbone pour établir les tonnes équivalent CO! du marché È, précise Michèle Jean-Olive.

B.2.4. Le tableur Carbone Cantine

Élaboré par David Jadaud et mis à jour en aoüt 2009, le tableur Carbone Cantine permet de faire une estimation des émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux choix des aliments. Il permet aussi de simuler l'impact des modifications tout en s'assurant du respect des principales contraintes nutritionnelles et du volume de produits issus de l'agriculture biologique.

Principe de définition du facteur d'émission de chaque produit
(D. Jadaud, Tableur Carbone Cantine, 28 aoOt 2009).

Le principe de Carbone Cantine
(D. Jadaud, Tableur Carbone Cantine, 28 aoOt 2009).

Selon l'auteur, Ç chaque aliment est associé à une série de données : - facteur d'émission de la production en agriculture conventionnelle - coefficient en cas de production biologique - coefficient de saisonnalité, en cas de production hors saison - majorations liées au mode de conservation (surgélation, réfrigération, conserve, séchage) - majoration liée aux processus de transformation - majorations liées au transport (importation hors Europe, importation Europe-Méditerranée, production nationale ou locale) - composition nutritionnelle (protides, lipides et glucides). È

En ce qui concerne l'origine géographique des aliments, Carbone Cantine distingue quatre situations : - les importations hors Europe-Méditerranée ; - les importations depuis l'Europe ou la Méditerranée ; - les productions nationales ; - les productions locales. En combinant les données extraites d'une étude Ademe - Bio IS pour les fruits et légumes exotiques ou hors saison pour l'année 2006, Carbone Cantine pose l'hypothèse suivante pour les importations hors Europe-Méditerranée :


· Le volume global dépasse les 4 000 000 tonnes. Le transport aérien ne concerne que 1 % de ce volume qui est considéré ici comme négligeable.

· Le volume total des émissions de GES est estimé à 1 000 000 tonnes éq. CO2. Le transport aérien pèse pour 24 % sur ce total. On ne s'intéresse ici qu'aux denrées qui transitent par bateau et par camion, ce qui représente 760 000 tonnes éq. CO2 de GES.

· Les produits hors saison représentent 63 % des volumes importés (37 % pour les produits exotiques). On fait l'hypothèse que le transport aérien se répartit uniformément entre ces deux catégories.

· Le hors saison représente 53 % des émissions et l'exotique 47 %, ce qui représente respectivement 402 800 et 357 200 tonnes éq. CO2.

Carbone Cantine conclut à une majoration à appliquer de 66 kg éq. C / t de fruits exotiques. Pour les productions venant d'Europe ou de Méditerranée, le tableur part du scénario suivant :

· Distance 1 800 km (Alméria - Bourges) ;

· Transport par tracteur routier non réfrigéré : 29,4 g éq C / t.km.

On obtient alors une majoration de 53 kg éq. C / t. Le tableur Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon) retient une majoration de 42 kg éq. C / t.

Pour les productions nationales et locales, l'auteur de Carbone Cantine construit les scénarios suivants :

· Production nationale : distance 585 km (Bourges-Strasbourg) parcouru avec un porteur de PTAC compris entre 11 et 19 tonnes (74,9 g éq. C / t.km) ;

· Production locale : distance 37 km (Issoudun-Bourges), réalisée en 3,5 tonnes (331,7 g éq. C / t. km).

Carbone Cantine conclut à une majoration de 44 et 12 kg éq. C / tonnes pour les productions nationales et locales.

B.2.5. Les limites du tableur Carbone Cantine

Nous avons mis en évidence les données du tableur Carbone Cantine liées à l'origine géographique des aliments. Carbone Cantine fait entrer, néanmoins, dans son calcul, un

certain nombre de données telles que le caractère séché, appertisé de l'aliment ou emballage, ainsi que l'éventuelle production sous serre chauffée.

Dans tous les cas, le transport conduit à une majoration de 12 à 66 kg éq. C / t.

C'est ce tableur qui semble avoir inspiré la grille d'appréciation des offres des prestataires candidats au marché de Strasbourg.

B.2.6. L'insertion sociale

En ce qui concerne le second sous-critère de développement durable lié aux conditions d'approvisionnement des aliments, la coordinatrice des achats de Strasbourg, Mme Jean-Olive, explique que les candidats devaient désigner les mesures qu'ils prendraient lors de l'exécution du marché en faveur du respect de l'environnement, telles que l'utilisation de logiciel d'optimisation des livraisons, des véhicules de livraison Ç propres È, recours à l'éco conduiteÉ En matière d'insertion sociale, un minimum de 27 heures de travail effectuées par du personnel en insertion, par tranche de 10 000 euros hors TVA de prestations facturées était exigé des candidats. Les candidats devaient mentionner dans leur offre le volume horaire dédié à l'insertion professionnelle en plus de ce minimum, la qualité du tutorat et le niveau de qualification pouvant être acquis par le personnel en insertion lors de l'exécution du marché, développe la responsable. Le titulaire, qui embauche déjà du personnel en insertion, s'est engagé à faire réaliser 32 heures de travail en insertion par tranche de 10 000 euros hors TVA, et à recruter du personnel supplémentaire parmi les publics en difficulté. Ç L'exigence d'insertion professionnelle comme condition d'exécution du marché et critère de jugement des offres a permis d'obtenir des offres intéressantes sur ce point È, se félicite Michèle Jean-Olive. Le relais emploi chantiers de Strasbourg a été fortement associé à la démarche. Il a apporté sa collaboration lors de l'analyse des offres. Il sera également chargé de contrôler le respect de la clause lors de la mise en Ïuvre du marché.

Pour répondre aux conditions du marché, l'Alsacienne de restauration s'est engagée à travailler avec l'Organisation professionnelle de l'agriculture biologique en Alsace (Opaba) et avec une coopérative, la Solibio, qui vise à faciliter l'approvisionnement de produits biologiques pour la restauration collective.

Regards sur la traduction juridique du développement durable B.2.7. Conditions d'exécution du marché strasbourgeois

Des conditions d'exécution à caractère environnemental ont été fixées dans le marché. Ainsi pommes, carottes, céleri, chou blanc et rouge et tomates en saison estivale devront obligatoirement provenir de l'agriculture biologique (label AB ou équivalent). << Nous avons imposé au titulaire de respecter l'équilibre nutritionnel et le rythme des saisons dans le choix des aliments composant les menus. Pour sensibiliser les jeunes générations, une animation trimestrielle sera organisée pendant le repas sur le rTMle de l'alimentation sur la santé et la préservation de l'environnement. Nous allons prochainement valider le thème de la première animation È, explique la coordinatrice.

En définitive, l'Alsacienne de restauration a adhéré totalement aux objectifs poursuivis par la collectivité strasbourgeoise. Après avoir formulé l'offre économiquement la plus avantageuse et avoir obtenu le marché, l'entreprise a devancé les objectifs qui lui étaient assignés. Ainsi, selon les Dernières nouvelles d'Alsace, << dans son cahier des charges concernant le marché pour les écoles, la Ville de Strasbourg nous demandait de réduire de 3 % les émissions de CO2 (dioxyde de carbone) générées par nos repas È, rappelle Jean-Yves Fontaine, directeur général de l'Alsacienne. << On a signé pour juin 2010, mais finalement on s'est piqués au jeu et on tiendra l'objectif dès janvier È, poursuit le chef d'entreprise96. Un objectif qui a été atteint avant l'heure, en definitive97.

Comme on le constate, la ville de Strasbourg est allée très loin dans l'intégration du développement durable à son marché public de restauration. Ainsi, même les serviettes en papier doivent être composées de papier recyclé non blanchi, toute indication de marque ou de société étant proscrite pour ne pas engendrer de pollution liée à l'utilisation d'encres d'impression. En cas de circonstances exceptionnelles, telles qu'une panne de lave-vaisselle, le titulaire doit être en mesure de fournir de la vaisselle à usage unique, vaisselle qui doit être bien sür recyclable.

96 «Une cuisine allégéeÉ en carbone», Les Dernières nouvelles d'Alsace, 23 octobre 2009 : http://sitemap.dna.fr/articles/200910/23/cuisine-allegee-en-carbone,strasbourg,000012347.php, page consultée le 2 juillet 2010 [en ligne].

97 L'Alsacienne de restauration a réalisé un petit film qui présente le marché de restauration de la ville de Strasbourg : http://www.alsaciennederestauration.fr/IMG/swf/ELIORDD.swf, page consultée le 10 juillet 2010 [en ligne].

L'exemple du marché public de restauration scolaire de Strasbourg B.2.8. Le prix par repas n'est pas affecté pas les exigences de développement durable

Le marché de la restauration scolaire de Strasbourg représente 33 millions d'euros au maximum sur quatre ans. En dépit des exigences environnementales et sociales, les prix proposés par les entreprises de restauration ont été inférieurs aux prévisions de la ville. Ainsi les prix donnés par la société retenue, l'Alsacienne de restauration, sont de 3,41 euros hors TVA par repas et de 3,72 euros hors TVA pour les sites expérimentaux. Selon les fonctionnaires territoriaux, Ç les prix ne représentent pas de surcoüt par rapport aux prix des marchés antérieurs È, souligne Michèle Jean-Olive.

B.3. Les enseignements du marché strasbourgeois

B.3.1. Pour l'acheteur public : le critère Ç développement durable È a permis l'émergence de la meilleure offre

Au final, c'est le critère du Ç développement durable È prévu à l'article 5 de l'actuel Code des marchés publics qui a été décisif, et ce sans tenir compte de la proximité du prestataire ou des fournisseurs. Ç Ce critère a permis de départager les offres de façon significative. Ces derniers se sont vu attribuer des notes très différentes sur ce critère, contrairement à la valeur technique et au prix, pour lesquels les offres étaient très proches È, conclut Madame Jean-Olive. En ce sens, la prise en compte du développement durable pour la sélection de l'offre économiquement la plus avantageuse dans les marchés publics s'est avérée discriminante, c'est-à-dire opérationnelle, et elle a donc permis de classer aisément les offres et de faire émerger l'offre économiquement la plus avantageuse pour la collectivité.

B.3.2. Pour les entreprises : un marché qui a imposé une évolution des pratiques

Par ailleurs, la passation de ce marché a été riche d'enseignements pour les entreprises candidates. Elle leur a permis de s'engager réellement dans une démarche de développement durable en remettant en cause leurs propres pratiques. La directrice Qualité de l'Alsacienne de restauration, Caroline Dietrich, est ainsi à l'origine d'une étude complète de l'impact des activités de l'entreprise sur le développement durable, qui s'est conclue lors de la passation du marché strasbourgeois. Pour elle, Ç l'étude a mis en évidence, pour la période étudiée, des émissions de l'ordre de 4 400 tonnes d'équivalent CO2 soit 2,5 kg par repas ou encore les émissions annuelles moyennes de 500 français. L'enjeu se situe clairement au niveau des matières premières mises en Ïuvre pour confectionner les repas qui sont à l'origine de plus de 73 % des gaz à effet de

serre. A ce poste stratégique se rajoutent 3 postes prioritaires que sont les procédés internes (9 % de l'impact), les emballages (5 %) et le fret (3 %). C'est sur ces 4 postes principaux que nous concentrerons toute notre énergie en vue d'une réduction globale annuelle de 3 % demandée par la ville de Strasbourg. Au lancement de notre Bilan carbone, nous avions tous des certitudes quant aux postes les plus émetteurs au sein de notre cuisine centrale. Les résultats nous ont vraiment surpris ! Nous n'envisagions pas un tel impact pour les matières premières agricoles et avions largement surestimé celui du fret vers nos clients. Sans ce bilan carbone, nous aurions consacré beaucoup d'énergie à des postes pour lesquels le retour sur investissement aurait été minime et nous serions, peut être, passés à côté de l'essentiel. Aujourd'hui nous savons quels leviers actionner pour réduire nos émissions et les plans de progrès sont déjà en cours È.

Légende : les 4 axes d'action principaux de l'Alsacienne de restauration
(matériaux entrants hors emballages, procédés internes, fabrication et fin de vie des emballages et fret).

On peut tirer deux enseignements de cet exemple strasbourgeois. Le premier, c'est que les entreprises n'ont pas toutes (encore ?) intégré dans leur stratégie la nécessité du développement durable. L'observation de la représentante de la ville selon laquelle les entreprises Ç se sont vu attribuer des notes très différentes sur ce critères È, alors que les différences de prix étaient en définitive très faibles, est révélatrice d'un niveau d'apprentissage disparate. Elle montre que la prise de conscience du développement durable ne se traduit pas encore dans la politique commerciale des entreprises.

Il est vrai également que l'Alsacienne de restauration était titulaire de ce marché depuis de nombreuses années, et que celui représentait environ 10 % de son chiffre d'affaires. Cela constitue une motivation supplémentaire par rapport aux concurrents.

Le deuxième enseignement à tirer de l'exemple strasbourgeois, c'est naturellement l'impact que peuvent avoir les collectivités territoriales sur la mise en Ïuvre de politiques de développement durable au niveau local. Parce qu'elle a adopté pour ellemême un Plan climat territorial, parce qu'elle a décidé pour elle-même la réalisation d'un Bilan Carbone, la Communauté de Strasbourg, et en son sein la ville de Strasbourg, ont été amenées à imposer à leurs cocontractants le respect d'objectifs qu'elles s'étaient fixé pour elles-mêmes. Or, la commande publique représente environ 10 % du produit intérieur brut français et en moyenne 15 % du produit intérieur brut des États de l'Union européenne. C'est dire que les collectivités territoriales peuvent, en leur qualité d'acheteurs publics, influer fortement sur la mise en Ïuvre de politiques de développement durable par les acteurs privés (ou publics d'ailleurs) qui sont leurs partenaires économiques privilégiés.

Conclusion

Ë la lumière des développements qui précèdent, on constate que deux voies d'accès au développement durable coexistent. La première voie est celle qui, au niveau mondial, de conférences en symposiums, de traités en conventions, fait émerger peu à peu une conscience planétaire ; une conscience à même de mesurer les enjeux, de constater l'urgence et d'alerter les populations.

L'autre voie est celle qui, modestement, contribue à l'élaboration de normes ou de certifications ; c'est celle qui participe à des processus de corégulation ; celle qui met en Ïuvre, à l'échelle des territoires, des objectifs de développement durable, tant au niveau environnemental qu'aux niveaux économique ou social.

On se demande si ces deux démarches s'appuient l'une sur l'autre, ou bien si elles se développent parallèlement. D'un côté, des discours nous appellent à ne pas détourner notre regard pendant que la maison brüle. De l'autre, une ville comme Strasbourg introduit des objectifs de développement durable dans les repas qu'elle sert aux écoliers en ne s'appuyant, en fait, que sur l'article 5 du Code des marchés publics qui ne pourrait, de toute manière, faire l'objet d'aucune sanction par le juge s'il n'était pas respecté. Le

professeur Beno»t Delaunay, lui-même, constate que le développement durable ne s'impose pas juridiquement à la commande publique, si ce n'est en encourageant des comportements vertueux : Ç La commande publique (É) si elle n'est pas au premier abord gouvernée par le développement durable, tisse des liens de plus en plus étroits avec elle. C'est ainsi que d'un principe de neutralité du droit de la commande publique à l'égard du développement durable, le droit semble en être successivement venu à une neutralité bienveillante, puis même encourageante, positive dirait-on aujourd'hui. La promotion du développement durable conduira sans nul doute à aller plus loin encore demain (É) >>98. C'est dire en peu de mots qu'aujourd'hui le développement durable ne s'impose pas vraiment à la commande publiqueÉ

C'est sans doute là que se situe la principale difficulté à assurer la traduction juridique du développement durable. Il faut à la fois transposer les grandes déclarations de principe en règles de droit opératoires, et transposer un enjeu planétaire en actions territoriales concrètes. Pour Jean-Paul Paulet, Ç il n'y a pas de contradictions entre le local et les objectifs globaux. En effet, le respect d'une éthique mondiale permet d'appliquer, sur le plan local, des mesures nécessaires, même si elles déplaisent >>99.

De ce point de vue, les deux Ç Grenelle >> successifs font appara»tre qu'il reste du chemin à parcourir. Mais la loi du 12 juillet 2010 montre déjà la voie. Elle constitue en tout cas un bel effort collectif qui devra être poursuivi et approfondi.

C.E.

98 Delaunay (B.), Ç Le développement durable, avenir de la commande publique ? >>, Dossier commande publique et développement durable, Contrats publics - L'Actualité de la commande et des contrats publics, février 2010, n 96, p. 3.

99 Paulet (Jean-Paul), Géographie urbaine, Paris, éditions Armand-Colin, 2009, p. 112.

SOMMAIRE DÉTAILLÉ

I. La difficile traduction juridique du developpement durable............................................ 6

A. Developpement durable : des definitions multiples....................................................................10

A.1. Une definition po/ysemique............................................................................................................................11

A.2. Les trois pi/iers du deve/oppement durab/e............................................................................................12

A.3. La soutenabi/ite forte et /a soutenabi/ite faib/e......................................................................................13

A.4. Une notion diffici/e a traduire juridiquement.........................................................................................15

B. Enjeux et debats .......................................................................................................................................16

B.1. Un constat qui ne fait pas /'unanimite ........................................................................................................16

B.2. Une experience ma/heureuse : /e droit du deve/oppement...............................................................19

B.3. Faut-i/ poser /a question autrement ?.........................................................................................................20 B.3.1. (Re)definir /a notion d'environnement................................................................................................................20 B.3.2. Envisager /a creation d'une agence internationa/e.........................................................................................24 B.3.3. Monetiser /'environnement.......................................................................................................................................24 B.3.4. Les travaux de Rona/d Coase et /'apparition du principe po//ueur-payeur..........................................25 B.3.5. Dommage co//ectif et responsabi/ite individue//e ...........................................................................................28

C. La bonne echelle spatiale : l'echelle territoriale ...........................................................................31

C.1. L'Etat n'est sans doute pas /a bonne eche//e............................................................................................31

C.2. Un substitut : /a gouvernance territoria/e.................................................................................................38

II. La traduction juridique du developpement durable a l'echelle territoriale ............40

A. L'exemple du locavorisme ....................................................................................................................41

A.1. La preference /oca/e : une mode promise a un be/ avenir .................................................................43 A.1.1. Le commerce equitab/e, commerce energivore ? ............................................................................................44 A.1.2. Le /ocavorisme : un retour a /a tradition ?..........................................................................................................44 A.1.3. La position du rapport Pitte-Coffe du 4 mars 2010........................................................................................45

A.2. La preference /oca/e : une mode interdite par /e droit........................................................................47 A.2.1. L'interdiction en droit communautaire ...............................................................................................................47 1° La /ibre circu/ation des marchandises.........................................................................................................................47 2° L'interdiction du protectionnisme /oca/ .....................................................................................................................48 A.2.2. L'interdiction en droit interne .................................................................................................................................49 1° L'interdiction nette du /oca/isme...................................................................................................................................49 2° L'attenuation du principe..................................................................................................................................................50

A.3. Deve/oppement durab/e et /ocavorisme....................................................................................................51

A.4. L'interdiction imp/icite du x de/oca/isme » ..............................................................................................52

B. Le marche public de restauration scolaire de Strasbourg.........................................................54

B.1. Adoption d'un P/an c/imat territoria/..........................................................................................................54 B.1.1 Les grandes /ignes du P/an c/imat de /a Communaute urbaine de Strasbourg....................................55 B.1.2. Le /evier des po/itiques d'achat pub/ic territoria/es.......................................................................................56

B.2. Les caracteristiques du marche.....................................................................................................................56 B.2.1. 22 % a 44 % d'a/imentation bio/ogique dans /es assiettes..........................................................................57 B.2.2. Bio imp/ique-t-i/ /oca/ ? L'exemp/e de Lons-/e-Saunier.................................................................................58 B.2.3. Une gri//e pour ca/cu/er /e co^t carbone..............................................................................................................59 B.2.4. Le tab/eur Carbone Cantine.......................................................................................................................................60 B.2.5. Les /imites du tab/eur Carbone Cantine...............................................................................................................62 B.2.6. L'insertion socia/e .........................................................................................................................................................63 B.2.7. Conditions d'execution du marche strasbourgeois.........................................................................................64 B.2.8. Le prix par repas n'est pas affecte pas /es exigences de deve/oppement durab/e.............................65

B.3. Les enseignements du marche strasbourgeois.......................................................................................65 B.3.1. Pour /'acheteur pub/ic : /e critere o deve/oppement durab/e » a permis /'emergence de /a mei//eure offre.............................................................................................................................................................................65 B.3.2. Pour /es entreprises : un marche qui a impose une evo/ution des pratiques......................................65

Conclusion............................................................................................................................................67

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· Ritimo/Solagral, Pour un commerce équitable, Paris, éditions Charles-Léopold-Mayer, 1998.

· Stiglitz (Joseph), Sen (Amartya) et Fitoussi (Jean-Paul), Vers de nouveaux systèmes de mesure, Paris, éditions Odile-Jacob, novembre 2009.

· Veyrer (Yvette) (dir.), Comprendre le développement durable, Bordeaux, éditions Sceren Crdp, octobre 2008.

Périodiques

· << Commande publique et développement durable È, Contrats Publics - L'Actualité de la commande et des contrats publics, Paris, éditions Le Moniteur, n° 96, février 2010.

· << Bilan Planète - Les temps forts et les acteurs de l'année 2009 È, Paris, Le Monde, horssérie, novembre 2009.

· << Construire durable È, Paris, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, hors-série, mai 2010.

· << Grenelle II - Loi portant engagement national pour l'environnement È, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, cahier détaché n° 2, n° 5565, 30 juillet 2010.

· Revue Internet Développement durable et territoires,
http://developpementdurable.revues.org/

· Revue Internet VertigO, hors série << La gouvernance à l'épreuve des enjeux environnementaux et des exigences démocratiques È, 2009-6.

· Revue Internet Cybergeo, http://cybergeo.revues.org/

· Revue Internet Créville, http://www.crevilles.org/

Annexes

1. Le tableur Carbone Cantine, Dominique Jadaud - aoüt 2009.

2. Délibération du adoptant le Plan climat territorial de la Communauté urbaine de Strasbourg - 10 juillet 2009.

3. Communiqué de presse du relatif à l'introduction de repas à faible coüt carbone par la ville de Strasbourg - 28 janvier 2010.

Carbone Cantine

Carbone Cantine est destiné aux chefs de cuisine et aux intendants pour leur faciliter la prise en compte de l'impact sur le réchauffement climatique des menus servis en restauration collective.

Il s'agit d'un tableur qui permet de faire une estimation des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) liées aux choix des aliments. Il permet aussi de simuler l'impact des modifications tout en s'assurant du respect des principales contraintes nutritionnelles et du volume de produits issus de l'agriculture biologique.

Les différents facteurs d'émission et coefficients utilisés dans le tableur sont explicités cidessous. Les valeurs peuvent être facilement modifiées, à la fois pour intégrer l'évolution des connaissances et des règles de la comptabilité carbone, mais aussi pour adapter le tableur aux particularités éventuelles d'une cuisine centrale.

L'objectif n'est pas de fournir une valeur exacte des émissions de GES, mais d'en donner une estimation et surtout d'évaluer les économies de GES réalisables en modifiant telle ou telle pratique tout en s'assurant du respect des contraintes nutritionnelles1.

1. Principe de calcul

2

2. Documentation des facteurs d'émissions

4

2.1. Facteur d'émission de base

4

2.2. Coefficient en cas de production biologique

7

2.3. Majoration de saisonnalité

7

2.4. Majoration liée au mode de conservation

7

2.5. Majoration liée à la transformation

8

2.6. Majoration liée à l'origine géographique

9

3. Contact

10

1Recommandation relative à la nutrition Ð 4 mai 2007 - Groupe d'Etude des Marchés de restauration Collective et de Nutrition (GEMRCN)

1. Principe de calcul :

Les critères nutritionnels s'intéressant à la composition de séquences de 20 menus consécutifs, les émissions de GES sont estimées sur cette même base.

Chaque aliment est associé à une série de données :

- facteur d'émission de la production en agriculture conventionnelle

- coefficient en cas de production biologique

- coefficient de saisonnalité, en cas de production hors saison

- majorations liées au mode de conservation (surgélation, réfrigération, conserve, séchage) - majoration liée aux processus de transformation

- majorations liées au transport (importation hors Europe, importation Europe-Méditerranée, production nationale ou locale)

- composition nutritionnelle (protides, lipides et glucides)

Fig. 1 Principe de définition du facteur d'émission de chaque produit

Les produits qui rentrent dans la fabrication des plats sont définis à partir des aliments, en précisant le mode de production, le mode de conservation, l'origine et s'il faut tenir compte du processus de transformation. La saisonnalité est prise en compte automatiquement, à partir du mois défini pour la séquence de menus, dans le cas de produits frais, produits en Europe.

Pour chaque produit, il est demandé de renseigner deux autres champs le cas échéant :

- préciser si le produit est frit ou pré-frit (information qui est prise en compte dans les

critères nutritionnels)

- l'impact sur les ressources halieutiques dans le cas de produits de la mer.

Pour chaque composante on définit les produits qui rentrent dans sa fabrication et les grammages qui sont associés.

Fig. 2 Principe de Carbone Cantine

Certains champs spécifiques sont renseignés pour chaque composante, afin de permettre la vérification des critères nutritionnels sur la séquence de menus.

Entrées :

- cruditéPlats protidiques :

- plat frit ou préfrit - plat à base d'oeuf

- plat à base de poisson

- viande non hachée de boeuf, de veau ou d'agneau, et abats de boucherie

- préparation ou plat prêt à consommer à base de viande, de poisson, d'oeuf et/ou de fromage, contenant moins de 70 % de viande, de poisson ou d'oeuf

Garnitures :

- plat frit ou préfrit

- légume cuit, autre que sec

- légume sec, céréale ou féculent

Desserts :

- fruit cru

La séquence de menus est composée de 20 menus. Il faut préciser le mois, et définir chaque menu à partir des composantes disponibles. Pour chaque menu, il est possible d'ajouter du pain et de la salade.

Une fois la séquence complètement définie, le tableur donne les émissions de GES par repas, pointe les menus les plus émissifs et les critères nutritionnels non respectés le cas échéant.

2. Documentation des facteurs d'émission

2.1.Facteur d'émission de base

Les facteurs d'émissions de base proviennent essentiellement de la méthode Bilan Carbone®, développée par l'Ademe. Les autres proviennent

- soit du tableur Opération Carbone, développée pour les lycées par la région RhôneAlpes, à partir d'une étude réalisée par Guillaume Chouvellon,

- soit d'estimations établies par David Jadaud, de facon plus ou moins documentée.

La méthode Bilan Carbone® donne une incertitude par défaut de 30% sur le facteur d'émission d'un produit alimentaire.

Aliment

Facteur d'émission (g éq C / kg)

Source

Boeuf

4740

Bilan Carbone®2

Veau

12800

Bilan Carbone®

Porc

1220

Bilan Carbone®

Poulet de batterie

400

Bilan Carbone®

Poulet fermier

640

Bilan Carbone®

Pintade

580

Bilan Carbone®

Pintade fermière

730

Bilan Carbone®

Dinde

450

Bilan Carbone®

Dinde fermière

810

Ademe3

Canard

580

Bilan Carbone®

Oie

580

Identique au canard4

Mouton

3840

Bilan Carbone®

Lapin

500

Approximation à revoir4

Poisson

500

Ademe5

Crème fraiche

1580

Etablie sur la base du beurre4

Lait (demi écrémé)

316

Bilan Carbone®

Fromage pate cuite

3160

Bilan Carbone®

Fromage pate crue

1500

Bilan Carbone®

Yaourt

470

Bilan Carbone®

Beurre

3160

Bilan Carbone®

Îuf

300

Bilan Carbone®

Blé

92

Bilan Carbone®

Ma
·s

83

Etablie sur la base d'un rendement de 9 t /

ha6

2 Source Bilan Carbone® - Guide des facteurs d'émissions - Version 5.0 Calcul des facteurs d'émissions et sources bibliographiques utilisées Ð Janvier 2007 Ð www.ademe.fr

3 Source Ademe, citée dans le tableur Opération Carbone Ð Facteurs d'émissions Ð Opération Carbone lycée

4 Estimation D. Jadaud

5 Source Ademe, citée dans le tableur Opération Carbone Ð Facteurs d'émissions Ð Opération Carbone lycée. Il s'agit de la valeur donnée pour la seule pêche européenne, mais considérée ici comme valable pour n'importe quelle pêche. Cette valeur est établie sur la base d'une production de 2 kg de poisson / l de gazole (Rapport sur l'apport de la recherche à l'évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches, M. Marcel-Pierre Cléach, Sénateur), majorée de 10% pour la conservation et le transport. Cette valeur est relativement faible par rapport à la viande, et il faut veiller à ne pas effectuer de report massif et sans discernement vers des ressources halieutiques surexploitées (Bilan Carbone® donne 440 g eq C / kg pour la pêche européenne).

Farine de blé

133

Bilan Carbone·

Riz

750

Sur la base des seules émissions de

méthane7

Pates

150

Opération Carbone

Pain

150

Opération Carbone

Abricot

23

Opération Carbone8

Ananas

23

Opération Carbone8

Avocat

23

Opération Carbone8

Banane

23

Opération Carbone8

Cassis

23

Opération Carbone8

Cerise

23

Opération Carbone8

Coing

23

Opération Carbone8

Fraise

23

Opération Carbone8

Framboise

23

Opération Carbone8

Groseille

23

Opération Carbone8

Kiwi

23

Opération Carbone8

Mandarine

23

Opération Carbone8

Melon

23

Opération Carbone8

Mirabelle

23

Opération Carbone8

Mure

23

Opération Carbone8

Myrtille

23

Opération Carbone8

Nectarine

23

Opération Carbone8

Orange

23

Opération Carbone8

Pamplemousse

23

Opération Carbone8

Pastèque

23

Opération Carbone8

Pêche

23

Opération Carbone8

Poire

23

Opération Carbone8

Pomme

23

Opération Carbone8

Prune

23

Opération Carbone8

6 Estimation D. Jadaud. Le Bilan Carbone® donne les valeurs suivantes pour le ma
·s grain conventionnel (kg éq

C / ha) :

Emissions liées à l'utilisation des engrais

438

Emissions à la fabrication des engrais

220

Emissions liées à la consommation de carburant

81

Emissions liées à la fabrication des machines

7

Total

746

Avec un rendement de 9 t / ha (source Agreste, la FAO donne 8,6 t / ha), on obtient un facteur d'émission de 83 kg éq C / t de ma
·s

7 Estimation D. Jadaud, sur la base des seules émissions de méthane estimées à 120 g / kg (Source FAO, citée sur www.novethic.fr,

http://www.novethic.fr/novethic/planete/environnement/climat/comment_diminuer_concentration_methane_dan s_atmosphere/95687.jsp). Opération Carbone retient la valeur de 150 kg éq C / t de riz, valeur proposée par Guillaume Chouvellon.

8 Valeur proposée par Guillaume Chouvellon et retenue dans le tableur Opération Carbone - Facteurs d'émissions - Opération Carbone lycée.

L'IGBE donne une valeur de 0,2 kg éq CO2 / kg (54 g éq C / kg) pour la tomate belge produite en plein champ. Le Bilan Carbone® donne les valeurs suivantes pour la production de pommes de terre (kg éq C / ha) :

Emissions liées à l'utilisation des engrais

400

Emissions à la fabrication des engrais

201

Emissions liées à la consommation de carburant

131

Emissions liées à la fabrication des machines

6

Total

738

Avec un rendement de 42,6 t / ha (source Agreste), on obtient un facteur d'émission de 17 kg éq C / t. Carbone Cantine retient la valeur de 23 kg éq C / t par défaut pour toute production de fruits ou de légumes.

Raisin

23

Opération Carbone8

Rhubarbe

23

Opération Carbone8

Tomate

23

Opération Carbone8

Fruits secs

46

Opération Carbone8

Artichaut

23

Opération Carbone8

Asperge

23

Opération Carbone8

Aubergine

23

Opération Carbone8

Betterave

23

Opération Carbone8

Brocoli

23

Opération Carbone8

Carotte

23

Opération Carbone8

Céleri rave

23

Opération Carbone8

Céleri branche

23

Opération Carbone8

Champignon

23

Opération Carbone8

Chou

23

Opération Carbone8

Chou fleur

23

Opération Carbone8

Chou de Bruxelles

23

Opération Carbone8

Concombre

23

Opération Carbone8

Cote de Blettes

23

Opération Carbone8

Courge

23

Opération Carbone8

Courgette

23

Opération Carbone8

Endive

23

Opération Carbone8

Épinard

23

Opération Carbone8

Fenouil

23

Opération Carbone8

Haricots secs

46

Identique aux fruits secs9

Haricots verts

23

Opération Carbone8

Lentilles

23

Opération Carbone8

Navet

23

Opération Carbone8

Oignon

23

Opération Carbone8

Poireau

23

Opération Carbone8

Petit pois

23

Opération Carbone8

Poivron

23

Opération Carbone8

Pomme de terre

23

Opération Carbone8

Radis

23

Opération Carbone8

Salade

23

Opération Carbone8

Huile

250

Ademe2

Sucre

200

Bilan Carbone·

Biscuit

150

Opération Carbone8

Pâtisserie

300

Etablie à partir de fiches de fabrication10

Plat compose

800

Opération Carbone11

Préparation pâtissière salée

500

Etablie à partir de fiches techniques12

9 Estimation David Jadaud

10 Estimation David Jadaud, établie à partir des fiches techniques de fabrication de différentes pâtisseries au lycée Pérochon (79) et des facteurs d'émission Bilan Carbone®® v5. Le calcul donne 302 g éq C/ kg pour la crème pâtissière. Le tableur Opération Carbone propose 150 kg éq C / t de pâtisserie fra»che, et 300 kg éq. C / t dans le cas de pâtisserie surgelée.

11 Valeur issue de la version provisoire du Bilan Carbone® Campus, et retenue par le tableur Opération Carbone pour les préparations alimentaires élaborées composites réfrigérées

12 Estimation David Jadaud à partir de fiches techniques (quiche lorraine, friand). La préparation pâtissière salée comporte très souvent de la viande et du lait en poudre, ce qui explique l'écart par rapport à la pâtisserie sucrée.

2.2.Coefficient en cas de production biologique

Le choix a été fait ici de considérer la production biologique comme moins émissive de GES que la production conventionnelle, en conformité avec ce qui est présenté par Jean-Marc Jancovici sur le site Manicore et le tableur Opération Carbone. Cette approche est sans doute optimiste, elle est actuellement remise en cause par études récentes (PLANETE, Bio IS), du fait de la moindre productivité des filières biologiques. Toutefois les différents calculs ne prennent en compte l'impact global des pratiques agricoles, comme par exemple le stockage du carbone dans les haies. Celles-ci sont bien davantage présentes autour des parcelles en agriculture biologique.

Par défaut, on considère une réduction de 30 % des émissions de GES du produit issu d'une filière biologique par rapport à une production conventionnelle.

Pour les produits d'épicerie (huile, sucre, biscuit, etc), la réduction est prise ici de 20%.

2.3.Majoration de saisonnalitéLe tableur Opération Carbone considère la valeur de 730 kg éq C / t de légumes pour la

production sous serre chauffée. Cette valeur a été établie par Guillaume Chouvellon à partir de chiffres de la production française de tomates, pour une dépense énergétique supplémentaire estimée à 10 kWh / kg. Une étude de l'Ademe de Bio IS évoque une dépense énergétique supplémentaire identique, d'environ 850 kep / t toujours pour la tomate sous serre chauffée.

L'IGBE donne un surcoüt de 572 kg éq C / t pour la production belge de tomates sous serre.

La stratégie retenue ici est la suivante :

- la majoration saisonnière ne concerne que les produits européens (les produits importés de loin ne sont pas concernés)

- la majoration porte uniquement sur les produits frais (les produits secs, appertisés ou surgelés ne sont pas concernés)

- les saisons des différents fruits et légumes sont issues du site de l'association Consodurable13, elles sont donc établies au mois prés

- pour une production de saisonnière, la majoration est nulle

- pour une production dans le mois précédent ou dans le mois suivant la saison, la majoration est de 200 kg éq C / t

- pour une production en dehors de ces période, la majoration est de 730 éq C / t de fruits ou de légumes.

2.4.Majoration liée au mode de conservation

2.4.1 Aliment surgeléLa valeur retenue par défaut est de 227 g éq C / kg de produit. Elle est obtenue par différence

des valeurs proposées dans le tableur Opération Carbone :

- fruits et légumes surgelés : 250 g éq C / kg (source Version provisoire du Bilan Carbone® Campus) ;

- fruits et légumes frais : 23 g éq C / kg (source Guillaume Chouvellon).

Pour le pain, les pâtisseries ou les plats composites, la majoration retenue est de 150 g éq C / kg, toujours sur la bases des valeurs proposées par la tableur Opération Carbone (source Version provisoire du Bilan Carbone® Campus)

13 Association Consodurable www.consodurable.org

Siège : Ministère des PME, du Commerce, de l'Artisanat et des Professions libérales 68 Rue de Bellechasse, 75007 Paris - Tel : 33 (0)1 43 19 76 53 - Fax : 33 (0)1 43 19 76 58 - Mel : contact@consodurable.org

2.4.2 Aliment appertiséOn retient ici la valeur de 128 g éq C / kg. Cette valeur est estimée de la façon suivante :

- impact de l'Industrie Agro-alimentaire (IAA) estimé à 80 g éq C / kg pour les fruits et légumes14 ;

- impact de l'emballage (acier à 70% recyclé, masse d'emballage prise égale à 10 % de l'aliment) à 48 g éq C / kg.

2.4.3 Aliment séchéLe tableur Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon) propose une majoration de 23 g éq C / kg de fruits secs. On conserve cette valeur.

2.4.4 Aliment réfrigéréLe tableur Opération Carbone (Source Bilan Carbone® Campus) propose 100 g éq C / kg de fruits réfrigérés, ce qui représente une majoration de 77 g éq C / kg.

Remarque récapitulative :

On obtient finalement les valeurs suivantes pour la conservation des fruits et légumes (en kg éq C / t) :

 

Facteur retenu dans le tableur Opération carbone

Majoration retenue dans le tableur Carbone Cantine

Surgelé

250

227

Conserve

---

128

Réfrigéré

100

77

Sec

46

23

Une étude TNO15 réalisée sur le cycle de vie de 600 g de carottes en Hollande donne les rapports suivants pour les émissions de GES en fonction du mode de conservation :

 

Etude TNO

Surgelé

2,5

Conserve

1,5

Réfrigéré

1

Sec

---

2.5.Majoration liée à la transformation

Il s'agit ici d'évaluer l'impact de la transformation d'un aliment, afin de faire la différence entre des produits peu élaborés et les produits travaillés, comme les légumes de classe 4, par exemple.

Le tableur Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon) propose une majoration de 52 g éq C / kg pour la purée de fruit. On conserve cette valeur.

Cette valeur est assez proche de cette retenue pour l'impact de IAA estimé à 53 g éq C / kg (scénario optimiste) pour la viande14.

14 L'impact des choix alimentaires sur le climat - La filière alimentaire et ses conséquences en termes de bilans énergétiques et d'émissions de gaz à effet de serre - Année universitaire 2006-2007

15 Eco-efficiency and nutritional aspects of different product-packaging systems : an integrated approach towards sustainability - April 2006 - www.tno.nl

2.6.Majoration liée à l'origine géographique

Carbone Cantine distingue 4 situations :

- les importations hors Europe-Méditerranée ;

- les importations depuis l'Europe ou la Méditerranée ; - les productions nationales ;

- les productions locales.

2.6.1 Importations hors Europe-Méditerranée

On se place dans un contexte de restauration collective et donc on fait ici deux hypothèses :

- les aliments importés sont transportés exclusivement par mer et par terre (pas de transport aérien) ;

- les importations lointaines concernent majoritairement les fruits et légumes exotiques.

Les données ci-après sont extraites d'une étude Ademe - Bio IS16 pour les fruits et légumes exotiques ou hors saison pour l'année 2006.

- Le volume global dépasse les 4 000 000 t. Le transport aérien ne concerne que 1% de ce volume qui est considéré ici comme négligeable.

- Le volume total des émissions de GES est estimé à 1000000 t éq CO2. Le transport aérien pèse pour 24 % sur ce total. On ne s'intéresse ici qu'aux denrées qui transitent par bateau et par camion, ce qui représente 760 000 t éq CO2 de GES.

- Les produits hors saison représentent 63 % des volumes importés (37 % pour les produits exotiques). On fait l'hypothèse que le transport aérien se répartit uniformément entre ces deux catégories.

- Le hors saison représente 53 % des émissions et l'exotique 47 %, ce qui représente respectivement 402 800 et 357 200 t éq CO2.

Finalement, on obtient une majoration de 66 kg éq C / t de fruits exotiques. Guillaume Chouvellon propose une majoration de 50 kg éq C / t de produit importé hors Europe - Méditerranée.

2.6.2 Importations depuis l'Europe ou la Méditerranée

La majoration est calculée à partir du scénario suivant :

- distance 1800 km (Alméria - Bourges) ;

- transport par tracteur routier non réfrigéré : 29,4 g éq C / t.km17.

On obtient alors une majoration de 53 kg éq C / t.

Le tableur Opération Carbone (Source Guillaume Chouvellon) retient une majoration de 42 kg éq C / t.

2.6.3 Productions nationales et locales

Les scénarios sont les suivants :

- production nationale : distance 585 km (Bourges-Strasbourg) parcouru avec un porteur de PTAC compris entre 11 et 19t (74,9 g éq C / t.km17)

- production locale : distance 37 km (Issoudun-Bourges), réalisée en 3,5t (331,7 g éq C / t.km17)

16 Impact environnemental du transport de fruits et légumes frais importés et consommés en France métropolitaine - BIO Intelligence Service - ADEME - Octobre 2007

17 Source Bilan Carbone® - Guide des facteurs d'émissions - Version 5.0 Calcul des facteurs d'émissions et sources bibliographiques utilisées - Janvier 2007 - www.ademe.fr

Les majorations ainsi obtenues sont respectivement de 44 et 12 kg eq C / t pour les productions nationales et locales.

3. Contact

David Jadaud djadaud@free.fr

13 rue des tulipes - 79 200 Viennay

65

Délibération du Conseil de Communauté
du vendredi 10 juillet 2009

Plan Climat Territorial : lancement opérationnel du PCT de la CUS. Préambule

La communication relative au lancement du plan Climat exposé au Conseil de Communauté du 24 octobre 2008, a engagé une action politique globale qui doit aboutir à la traduction des objectifs de réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans tous les domaines de l'action publique dans notre agglomération. Le présent rapport a pour objet de définir les orientations stratégiques que souhaite porter la collectivité en matière de réduction des émissions de GES.

Le Plan Climat Territorial sera un plan d'actions locales, mais qui s'intègre dans une approche globale des enjeux liés au réchauffement climatique. Ainsi, plusieurs engagements internationaux, européens et nationaux ont déjà été pris, à travers le protocole de Kyoto (1997), le sommet de Johannesburg (2002) ou le Plan Climat Territorial National (2004) qui a mis en avant le rTMle prépondérant des collectivités territoriales et locales dans la lutte contre les changements climatiques en définissant le <<Plan Climat territorial È.

Aujourd'hui, il est reconnu scientifiquement, que pour limiter le réchauffement climatique à 2° en moyenne, il sera nécessaire, au niveau mondial, de stabiliser les émissions de GES à partir de 2020 et de les réduire par 2 à l'horizon de 2050 par rapport au niveau d'émissions de 1990. Cet effort planétaire demande un effort encore accru des pays industrialisés, qui sont les principaux responsables des émissions passées et actuelles. Pour ces pays, l'objectif de réduction des émissions à l'horizon 2050 est celui d'un facteur 4 au minimum.

L'Union européenne est très fortement engagée dans la mobilisation mondiale autour de la problématique du réchauffement climatique. Au niveau européen, des objectifs ambitieux, dits des << 3x20 È ont déjà été fixés. Ils consistent, à l'horizon 2020, à :

- réduire de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990,

- économiser 20 % de la consommation totale d'énergie,

- porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie.

La prochaine étape fondamentale sera la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui se tiendra en décembre 2009 à COPENHAGUE, pour laquelle l'Union Européenne affiche d'emblée une volonté très forte de renforcer les objectifs de réduction des GES pour les pays industrialisés en les portant à -30% en 2020.

L'Union européenne souhaite également mettre en place les outils économiques (outils de financement pollueur-payeur, marché mondial du carbone, etcÉ) de manière à accompagner une évolution qui demanderait des efforts supplémentaires d'investissement de l'ordre de 175 milliards € par an d'ici 2020 (source : UE) à l'échelle mondiale. Ces problématiques doivent être anticipées parce qu'elles représenteront autant d'opportunités pour les collectivités et les acteurs locaux.

La lutte contre le réchauffement climatique, qui passera par la recherche d'une meilleure efficacité énergétique, mais qui permet aussi d'agir en faveur de la biodiversité et de la qualité de l'air, est l'un des enjeux majeurs auxquels nos sociétés seront confrontées au XXI° siècle. Par ailleurs, le niveau de préparation et d'anticipation des territoires sera également un facteur clé d'attractivité dans les années à venir.

Pour atteindre ces objectifs de réduction des GES, il s'agit de revoir nos modes de vie, de consommation, et de nous doter des moyens adéquats permettant d'opérer les changements nécessaires. Les principaux leviers d'action pour réduire les émissions de GES se situent principalement au niveau de la consommation énergétique des bâtiments, dans le transport des personnes et des marchandises, et dans le comportement d'achat et de consommation.

Au-delà de notre territoire, il s'agit également d'assumer notre responsabilité au niveau mondial vis-à-vis des territoires touchés, ou en passe de l'être, par les désordres climatiques. De véritables migrations climatiques risquent d'avoir lieu parmi les populations des pays touchés, majoritairement parmi les plus pauvres de la planète. Il est donc essentiel d'accompagner une politique de prévention et d'adaptation aux changements climatiques des territoires fragilisés, de facon à réduire ou retarder les migrations forcées et les crises géopolitiques qu'elles peuvent générer.

Orientations stratégiques du Plan Climat Territorial de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS)

Les orientations stratégiques suivantes sont proposées en vue de l'élaboration du Plan Climat Territorial.

Orientations générales

Un objectifglobal de réduction de 30% des GES à l'horizon 2020

Il est proposé de s'inscrire d'emblée dans les nouveaux objectifs que l'UE va défendre à la conférence de COPENHAGUE. En effet, l'urgence vis-à-vis du changement climatique est de plus en plus avérée, et le temps de l'action rapide est venu.

La réduction des émissions de GES ne doit plus être percue comme une contrainte, qui handicaperait le développement économique, mais au contraire comme un facteur de la compétitivité et de l'attractivité de demain.

Les dispositifs de régulation, de taxation sur le carbone sont en préparation, les territoires et les structures, publiques comme privées, qui auront anticipé seront celles qui sauront le mieux se positionner face à la révolution économique de l'économie verte.

Il est proposé de décliner l'objectif global de réduction de 30% des émissions de GES, en un objectifs de 3x30 pour les actions propres de la collectivité et au niveau de son territoire. A savoir, d'ici 2020 :

- réduire de 30 % les émissions de GES par rapport à 1990,

- économiser 30 % de la consommation totale d'énergie,

- porter à 20 à 30 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie.

La création d'un fonds Plan Climat représentant 1% du budget de la collectivité

Sir Nicholas STERN a démontré dans son rapport de 2006 que des mesures d'anticipation à hauteur d'1% du PIB mondial permettraient d'éviter des coüts dus au réchauffement climatique 10 fois supérieur.

Cette approche pourrait être transposée à l'échelle de la collectivité. Certains projets, notamment d'économie d'énergie, ont leur propre rentabilité financière, directe ou gr%oce à des dispositifs d'aides comme les certificats d'économies d'énergie. On peut en quelques années, rembourser l'investissement par des économies de fonctionnement. D'autres projets, n'ont pas cette rentabilité financière, mais présentent un intérêt fort par l'impact qu'ils peuvent avoir en termes de réduction des émissions de GES.

Cette part d'investissement complémentaire, nécessaire pour une action renforcée sur le climat, pourrait être imputée sur un fonds Plan Climat, calibré sur 1% du budget de fonctionnement de la collectivité, soit environ 7 M€ par an.

La mise en place d'une agence locale du climat et de l'énergie

L'atteinte des objectifs globaux de réduction des GES repose sur une mobilisation de tous les acteurs locaux. L'élaboration du Plan Climat Territorial, à travers notamment les structures de gouvernance, qui sont proposées ci-dessous, contribuera à cette mobilisation des acteurs.

Néanmoins, il est nécessaire de se donner les moyens d'une mobilisation et d'une animation des acteurs dans la durée. Certaines villes, telle GRENOBLE, ont décidé de s'appuyer sur une structure d'agence locale de l'énergie.

Il est donc proposé de mettre à l'étude la création d'une agence locale du climat et de l'énergie dans le cadre du Plan Climat Territorial, agence qui pourrait agir à l'échelle de l'Eurodistrict.

Le positionnement de la GUS dans les réseaux d'acteurs internationaux

La CUS adhère d'ores et déjà à des réseaux internationaux Ïuvrant pour limiter le réchauffement climatique (Energies-cités, ICLEI, etcÉ). La dimension de mobilisation internationale autour des questions climatiques présente un enjeu fort. D'une part, les réflexions et actions de la CUS peuvent utilement se nourrir des expériences d'autres collectivités, et d'autre part, la CUS peut par ce biais contribuer à la mobilisation internationale.

A cet égard, il est proposé de signer la convention des Maires (cf. annexe), portant un engagement d'aller au-delà des objectifs des 3x20 fixés par l'Union Européenne. Cette initiative portée par Energies-cités, a déjà rassemblé près de 500 Maires.

Orientations pour le premier axe : Agir sur le fonctionnement de la CUS pour être exemplaire

Il s'agit d'optimiser le fonctionnement interne des services et des politiques de l'Administration comme effet levier pour essaimer plus particulièrement en :

- réduisant les émissions de GES,

- améliorant l'efficacité et réduire l'impact environnemental du fonctionnement de la collectivité,

- développant des méthodes et culture de management environnemental,

- promouvant un mode de développement économique et social Ç éco-compatible È.

Pour atteindre l'objectif des 3x30 plusieurs axes de travail seront déclinés :

Amélioration énergétique de nos bâtiments

Le patrimoine bâti de la CUS est composé de 450 bâtiments pour 410 900 m2. Cela
représente une consommation d'énergie totale en 2008 d'environ 68 GWh représentant

82 % des 83 GWh de consommations toutes énergies et usages confondus.

Les actions envisagées porteront sur :

- les rénovations thermiques des bâtiments (objectif équivalence THPE (très haute performance énergétique)) lors des réhabilitations,

- les constructions innovantes (norme BBC (bâtiment basse consommation)) pour les nouveaux projets,

- l'intégration des énergies renouvelables,

- les diagnostics énergétiques,

- l'amélioration de la gestion des bâtiments,

- les actions de sensibilisation en vue d'une modification des comportements.

Elles sont complétées par des interventions relatives à la qualité de l'air et à la santé, au confort d'été avec protection solaire, à l'intégration du végétal (toitures, espaces extérieurs) et à la gestion des eaux pluviales.

Réduction de l'impact des déplacements générés par le fonctionnement de la collectivité

Les transports représentent la deuxième source d'émission de GES dans notre administration. Près de 1 300 véhicules de toutes tailles, ainsi que 2 200 engins et petits matériels sont utilisés par les services.

Des projets sont en cours pour une rationalisation de l'usage du pool automobile de la CUS pour les déplacements professionnels des agents, une formation à l'éco-conduite ainsi que pour un renforcement de l'offre de véhicule d'auto-partage. A ce titre, des mesures de renouvellement du parc automobile de la CUS vers des véhicules plus propres sont confirmés (véhicules au gaz, électriques). Enfin, le recours à des systèmes de télé/vidéo conférence pourrait limiter ces déplacements.

Par ailleurs, les trajets domicile - travail des agents totalisent 86 millions de km. La CUS a initié un Plan de Déplacements Entreprises ambitieux, baptisé GEODES, qui incite au développement des modes actifs, des transports collectifs et du covoiturage pour les déplacements domicile-travail. Pour y arriver, GEODES intègre un ensemble de mesures :

- création de stationnement vélo et mise à disposition annuelle de vélos avec un tarif privilégié ;

- limitation du nombre de places de stationnement VP et mise en place d'un système de covoiturage avec réservation de places pour les covoitureurs ;

- augmentation des montants des dépenses d'abonnement de transports publics remboursés par l'employeur ;

Enfin, l'application de nouveaux critères en matière de transports et d'approvisionnement sont à prévoir dans les cahiers de charge de nos prestataires.

Eco-conditionnalité de nos politiques d'achats

Le secteur des achats est très vaste et couvre l'ensemble de l'activité de l'administration (matériels et consommables informatiques, véhicules et engins, fournitures administratives, papier, produits d'entretien, matériaux de construction et de voirie, éclairage public, restauration, ...) avec la production de GES lors de la fabrication de ces derniers et lors de leur usage. L'empreinte carbone globale est importante et doit être réduite.

L'adhésion à la démarche d'achat éco-responsable est un premier pas pour l'intégration de critères environnementaux dans les marchés de fournitures et de prestations.

Renforcement de nos politiques de coopération décentralisée

L'exemplarité de la collectivité passe également par ses actions en matière de coopération décentralisée Il s'agira de privilégier la contribution à des actions d'adaptation aux changements climatiques des territoires fragilisés, à travers le soutien à des projets permettant d'y limiter les émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports, des déchets, de l'énergie, du reboisement.

Orientations pour le second axe : Favoriser l'élaboration les actions pour le climat des 28 communes de la CUS, et des partenaires de la CUS

Il s'agit plus précisément de favoriser l'émergence de plans climat dans les communes de la CUS en passant par:

- l'élaboration et la mise en Ïuvre d'une stratégie Ç Climat È partagée, interne au territoire de la CUS,

- la mobilisation de tous les acteurs sur le territoire autour du plan climat (agents, élus des communes, partenaires, associations, professionnelsÉ).

Accompagner les actions des communes de la GUS

Un premier recensement des actions déjà entreprises ou programmées par les communes montre qu'elles sont sensibles aux enjeux du Plan climat. En effet, 17 d'entre elles ont déjà engagé des actions de diagnostics de performance énergétique, d'économies d'énergie sur les bâtiments publics, d'énergies renouvelables ou d'acquisition de véhicules propres.

Deux communes ont d'ores et déjà engagé une démarche globale : Illkirch-Graffenstaden qui a adopté un Plan climat territorial et Oberschaeffolsheim qui s'est dotée d'une Charte de l'environnement.

La Ville de Strasbourg engage également l'élaboration de son Plan Climat Territorial en parallèle de celui de la CUS.

Au-delà de ces actions, une approche transversale, à travers un échange des expériences et de bonnes pratiques de montage de projets, et une mutualisation des moyens humains et financiers, devrait permettre d'enclencher une véritable dynamique globale et concertée sur le territoire de l'ensemble de l'agglomération.

Une mise en cohérence des différentes actions nécessite non seulement d'associer les communes à la démarche mais d'en faire de véritables coproductrices du Plan climat territorial de l'agglomération strasbourgeoise.

Inciter les partenaires proches de la GUS à engager une action de type plan climat

Des acteurs tels que CUS-HABITAT, Habitation Moderne, CTS, Gaz de Strasbourg, le Port autonome de Strasbourg ou la SERS présentent des enjeux très importants en matière d'émissions de GES et sont également des prescripteurs importants, qui peuvent efficacement relayer l'action de la collectivité.

La CUS engagera un travail de partenariat avec ces entreprises pour favoriser l'émergence de plans climat.

Soutenir les actions du monde associatifpour le climat et l'énergie

Les associations sont des acteurs de terrain essentiels pour la réussite d'une démarche de plan climat. L'enjeu majeur du réchauffement climatique repose sur la prise de conscience de la nécessité de changer les comportements au quotidien.

De nombreuses associations ont développé un champ d'actions dans ces domaines depuis des années. Il s'agit de soutenir leurs initiatives et de permettre leur développement.

Les actions en lien avec le Plan Climat de la CUS et son plan Santé, seront les axes prioritaires pour le soutien des actions associatives d'éducation à l'environnement et la santé, en particulier à destination du public scolaire, mais aussi vers l'ensemble de la société civile.

Orientations pour le troisième axe : Elaborer un projet de territoire prenant en compte les objectifs climatiques et fédérateurs pour les acteurs locaux

L'action exemplaire des collectivités territoriales sur leur patrimoine ne permettra pas, seule, de lutter contre le changement climatique et de préparer notre territoire. Il importe de fédérer les acteurs privés et publics autour d'objectifs communs afin de démultiplier les actions.

Ce troisième volet du Plan climat porte sur le territoire de Communauté Urbaine de
Strasbourg, et s'attache aux consommations d'énergie et aux émissions de gaz à effet de

serre générées par les différentes fonctions et activités qui s'y déploient : habitat, activité économique, déplacementsÉ Il nécessite, pour ce faire, une pleine adhésion des acteurs privés de l'agglomération, partenaires de la collectivité dans la construction du territoire, parmi lesquels les entreprises, les associations et les particuliers. Les programmes d'actions mis en Ïuvre par les différentes communes de la CUS y contribueront également. L'objectif est de développer l'attractivité du territoire et son efficacité carbone, et de prendre les mesures nécessaires à l'adaptation au réchauffement climatique.

La responsabilité de la Communauté urbaine de Strasbourg porte ici sur

- la planification d'un développement durable et fédérateur de son territoire,

- la mise en place de politiques publiques incitatives vis-à-vis des différents acteurs afin de soutenir leurs actions,

- la mise en cohérence des différentes actions menées sur le territoire en faveur du développement durable, afin de concilier réduction des gaz à effet de serre et problématiques de santé, de pollutions, d'économieÉ,

- l'appui, technique et/ou financier, au montage de projets privés innovants contribuant à l'atteinte des objectifs du plan climat.

L'objectif des 3x30 en 2020 permet de s'inscrire véritablement dans la perspective du facteur 4, sachant que les émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 5,5% 2000 et 2006, en passant de près de 3,5 à environ 3,3 millions de tonnes équivalent CO2.

En 2004, les premiers bilans réalisés par l'Association pour la Surveillance et l'étude de la Pollution atmosphérique en Alsace (ASPA) montrent la répartition de ces émissions par principaux secteurs d'activités :

- la part prépondérante du bâtiment puisque le résidentiel/tertiaire représente 29% des émissions totales (au-delà du niveau national à 18,6%),

- l'impact quasi égal des transports routiers avec 26% des émissions, en légère hausse depuis 2000,

- la production d'énergie avec 21%,

- le traitement des déchets à 11%,

- l'industrie totalisant également 11% des émissions des gaz à effet de serre contre 20% en France,

- l'impact de l'agriculture est, lui, très faible étant donné le caractère fortement urbanisé de l'agglomération.

Les principaux secteurs et pistes d'actions

Des actions volontaristes et coordonnées sont à prévoir, avec une priorité qu'il est proposé de porter sur le résidentiel, les transports et les déchets, trois importants émetteurs de gaz à effet de serre sur lesquels la Communauté Urbaine de Strasbourg disposent de leviers via des actions et politiques incitatives. Les objectifs ciblés et les

programmes d'actions restent à définir. L'habitat et l'urbanisme

Le projet d'écocité Strasbourg-Kehl fixe les grands principes d'un développement urbain durable du territoire. Il s'appuie en particulier sur des projets expérimentaux d'éco-quartiers dont les études sont engagées, et qui intègrent une approche environnementale fortement axée sur la réduction de leur empreinte écologique (vers des quartiers << zéro émissions È). En s'appuyant sur les trames vertes et bleues de l'agglomération, il vise également à renforcer la place de la nature dans la ville, au cÏur de chaque quartier, pour son rTMle essentiel dans l'atténuation des effets du changement climatique en milieu urbain et dans le stockage du carbone.

La performance énergétique des bâtiments neufs est également un levier important pour la collectivité. Promue par le 4ème PLH, elle se traduit d'ores et déjà par une politique d'éco-conditionnalité des aides au logement social en fonction de la performance énergétique du projet. Le soutien à la réhabilitation du parc existant et à la requalification des quartiers sera également favorisé. Ces mesures sont très importantes pour lutter également contre la précarité énergétique. Les bailleurs sociaux, les promoteurs, les groupes d'autopromotion et les aménageurs sont à mobiliser.

Les transports

La limitation des mobilités grâce à une plus grande mixité des activités au sein des quartiers et à une plus grande compacité des zones d'urbanisation est à favoriser. Le Plan de Déplacement Urbain et le schéma de transports 2025 encourageront la poursuite de la politique de développement de transports en commun performants et des modes actifs (encouragement de la marche, itinéraires cyclablesÉ) ; la CTS, la SNCF et la Région Alsace seront, à ce titre, des partenaires privilégiés. Des actions visant à favoriser le changement de comportement des ménages en matière de déplacements devront aussi être définies (sensibilisation des ménages sur leur choix modal, conduite plus responsable, renouvellement du parc automobile privé).

En ce qui concerne le transport de marchandises, il s'agit d'améliorer l'organisation et la rationalisation des flux afin de limiter le nombre de véhicules circulant sur le territoire de la CUS et de limiter les kilométrages réalisés << à vide È. Pour le transport de longue distance, le ferroutage et le transport fluvial devront être favorisés.

Les déchets

Les axes stratégiques de la politique de gestion des déchets s'inscrivent dans les objectifs du Plan climat : réduction des déchets ménagers et assimilés au-delà des objectifs de 7% affichés pour 2014 par le Grenelle, amélioration des services de collecte et de traitement pour rechercher une meilleure efficacité (qualité, coüt, recyclage,

meilleure valorisation énergétique des filières de traitement existantes, transports alternatifs à la route) et tarification du service plus incitative à la protection de l'environnement. Des études viennent d'être engagées.

Le développement économique et l'industrie

Les actions envisagées dans ce secteur, qui seront précisées en articulation avec la stratégie économique en cours d'élaboration, portent sur : l'amélioration énergétique des process des industriels, le développement d'une Ç économie verte È (soutien aux éco-entreprises et au développement d'éco-activités), la mise en place de filières courtes (matériaux, débouchés pour une agriculture de proximité respectueuse de l'environnement et solidaireÉ), partenariats avec des fédérations du bâtimentÉ

La collectivité accompagnera les entreprises dans leurs démarches de réduction de leur impact climatique et environnemental.

Une démarche participative globale

Le Plan Climat Territorial de la CUS sera conduit en mode projet, sous la direction d'un comité de pilotage politique, en associant l'ensemble des services de la CUS, et avec l'appui d'intervenants extérieurs (Agence de l'environnement et de la ma»trise de l'énergie ADEME, Association pour la Surveillance et l'étude de la Pollution atmosphérique en Alsace ASPA, É).

Il est proposé d'accompagner le projet par une démarche de gouvernance reposant sur une large concertation des partenaires autour des quatre instances : le forum du Plan Climat, le comité scientifique, le réseau des élus du développement durable, le groupe des acteurs internes.

Le forum du Plan Climat :

Le forum du Plan Climat est une instance de concertation qui aura pour mission d'associer tous les acteurs du plan climat externe à la collectivité. Il permettra de recueillir des sur les actions proposées et mises en Ïuvre par la CUS dans le cadre du plan climat territorial. Il se réunira 2 à 3 fois par an, et sera ouvert aux élus des communes de la CUS, aux représentants associatifs, aux acteurs économiques, aux membres du comité scientifique, et plus largement au grand public.

Le comité scientifique :

Le comité scientifique réunira les experts susceptibles d'apporter leurs contributions techniques sur les différents volets du plant climat. Sa composition devra associer des scientifiques de différents horizons garants de la qualité des études et des actions.

Le réseau des élus du développement durable de la GUS :

Composé des élus des communes en charge de l'environnement et du développement durable, ce réseau permettrait d'assurer la mutualisation des expériences, la mutualisation des moyens humains et financiers ainsi que la concertation entre les communes de l'agglomération.

Le groupe des acteurs internes :

Au niveau des services de la CUS et des communes, composé des correspondants ou volontaires du plan climat territorial, le groupe des acteurs devra assurer la mobilisation de tous les agents de la CUS et des communes autour des actions engagées.

Les modalités et le calendrier de mise en Ïuvre

L'objectif est d'aboutir à l'élaboration du Plan Climat Territorial et de son programme d'actions concerté d'ici la fin de l'année 2009. Pour ce faire, différentes démarches seront engagées dans les prochains mois.

Elaboration d'un Bilan Garbone TM

L'ensemble des orientations d'actions en interne se fédère autour de l'établissement d'un Bilan CarboneTM de l'activité de la collectivité à mener avec l'appui d'une expertise dans le cadre d'un marché de services. Il intègre non seulement les GES générés directement par l'activité, mais aussi ceux produits indirectement (fabrication, livraison, É). Cette évaluation permettra de hiérarchiser les enjeux pour engager des réalisations effectives répondant aux objectifs de réduction évoqués ci-dessus.

Réalisation d'un inventaire territorial des émissions

Cet inventaire, réalisé par l'ASPA, permettra d'affiner sources d'émissions de gaz à effet de serre sur le territoire par différents secteurs d'activité. Il sera la base de l'étude de scénarios tendanciels, qui sera confiée à un prestataire spécialisé. Ces scénarios permettront de prioriser les objectifs de la collectivité et les mesures d'atténuation à engager selon leur efficacité carbone et leur calendrier de mise en uvre.

Finalisation du Plan Glimat Territorial de la GUS

L'ensemble du plan d'actions constituant le Plan Climat Territorial sera finalisé pour la fin de l'année 2009, en vue d'une mise en uvre des actions dès 2010.

Je vous demande de bien vouloir adopter le projet de délibération suivant :

Le Conseil
vu l'avis de la Commission thématique
vur proposition de la commission plénière
après en avoir délibéré
approuve

- les orientations générales exposées dans le présent rapport en vue de l'élaboration du Plan Climat Territorial de la Communauté urbaine de Strasbourg,

- les modalités de la démarche d'élaboration du Plan Climat Territorial exposées dans le présent rapport,

autorise

le Président à signer la convention des Maires, présentée en annexe, et portant engagement à dépasser l'objectif de l'Union Européenne de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020.

Adopté le 10 juillet 2009
par le Conseil de Strasbourg

Rendu exécutoire après
transmission au Contrôle de Légalité préfectoral
et affichage au Centre Administratif
Le 15 juillet 2009

CONVENTION DES MAIRES

CONSIDÉRANT que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé la réalité du changement climatique et le fait que la consommation d'énergie liée à l'activité humaine en est, dans une large mesure, responsable,

CONSIDÉRANT l'adoption par l'Union européenne le 9 mars 2007 du Paquet "L'énergie dans un monde en mutation", dans le cadre duquel elle s'engage unilatéralement à réduire ses émissions de CO2 de 20% d'ici 2020, gr%oce à une augmentation de 20% de son efficacité énergétique et à une part de 20% d'énergie produite à partir de sources renouvelables dans son bouquet énergétique,

CONSIDÉRANT que le Plan d'action de l'UE pour l'efficacité énergétique: réaliser le potentiel considère la création d'une "Convention des maires" comme une priorité,

CONSIDERANT que le Comité des Régions de l'UE met l'accent sur le besoin de joindre les forces locales et régionales, étant donné que la gouvernance à multiples niveaux est un outil efficace pour améliorer la portée des actions contre le changement climatique, et qu'il soutient donc la participation des Régions à la Convention des Maires,

CONSIDÉRANT notre volonté de suivre, dans le cadre de l'amélioration nécessaire de notre efficacité énergétique, les recommandations de la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable,

CONSIDERANT que nous sommes conscients de l'existence des Engagements d'Aalborg qui sont à la base de nombreux efforts actuels de durabilité urbaine et des processus d'Agendas 21 locaux,

CONSIDERANT que nous reconnaissons la responsabilité que partagent les autorités locales et régionales avec les gouvernements nationaux dans la lutte contre le réchauffement climatique et la nécessité que leur engagement dans ce domaine soit indépendant des autres parties prenantes,

CONSIDÉRANT que les communes et les villes sont responsables directement et indirectement (par le biais des produits et des services utilisés par les citoyens) de plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre découlant de la consommation d'énergie liée à l'activité humaine,

CONSIDÉRANT que l'engagement de l'UE de réduire ses émissions ne pourra être atteint que si les parties prenantes au niveau local, les citoyens et leurs groupements le partagent,

CONSIDÉRANT qu'il revient aux autorités locales et régionales, qui constituent le niveau d'administration le plus proche du citoyen, d'être des pionnières et de montrer l'exemple,

CONSIDÉRANT que nombre des actions de lutte contre les dérèglements climatiques qui s'imposent en matière d'efficacité énergétique et de sources d'énergie renouvelables relèvent de la compétence des gouvernements locaux ou ne seraient pas réalisables sans leur soutien politique,

CONSIDÉRANT que les États membres de l'UE peuvent tirer profit d'une action décentralisée efficace au niveau local dans leurs efforts visant à remplir leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre,

CONSIDÉRANT les efforts que déploient les gouvernements locaux et régionaux à travers l'Europe, afin de réduire la pollution responsable du réchauffement climatique gr%oce à des programmes d'efficacité énergétique, notamment dans le domaine des transports urbains durables, et à la promotion des sources d'énergie renouvelables,

NOUS, LES MAIRES, NOUS ENGAGEONS Ë:

Dépasser les objectifs fixés par l'UE pour 2020 en réduisant d'au moins 20% les émissions de CO2 sur nos territoires respectifs, gr%oce à la mise en Ïuvre d'un Plan d'action en faveur de l'énergie durable dans les domaines d'activité relevant de notre compétence. Cet engagement et le Plan d'action seront ratifiés dans le cadre de nos procédures respectives,

Préparer un bilan des émissions comme base pour le Plan d'action en faveur de l'énergie durable,

Soumettre le Plan d'action en faveur de l'énergie durable au cours de l'année suivant notre adhésion formelle à la Convention des Maires,

Adapter les structures urbaines, y compris en prévoyant des ressources humaines suffisantes, afin d'entreprendre les actions nécessaires,

Mobiliser la société civile dans notre territoire afin qu'elle prenne part au développement du Plan d'action ainsi qu'à l'identification des politiques et des mesures nécessaires pour mettre en Ïuvre et réaliser les objectifs du Plan. Le Plan d'action sera produit dans chaque territoire et sera soumis au Secrétariat de la Convention des maires dans l'année suivant la ratification de la Convention,

Produire un rapport de mise en oeuvre au moins tous les deux ans après proposition du Plan d'action à des fins d'évaluation, de suivi et de vérification,

Partager notre expérience et notre savoir-faire avec d'autres territoires,

Organiser des Journées de l'énergie ou des Journées de la Convention des maires en collaboration avec la Commission européenne et d'autres parties prenantes, afin de permettre aux citoyens de bénéficier directement des opportunités et avantages découlant d'une utilisation plus intelligente de l'énergie, et d'informer régulièrement les médias locaux sur les développements du Plan d'action,

Participer et contribuer à la conférence européenne de la Convention des maires pour une Europe de l'énergie durable organisée chaque année,

Diffuser le message de la Convention dans les forums appropriés et, plus spécifiquement, inviter d'autres maires à rejoindre la Convention

Accepter d'être privé de notre statut de membre de la Convention, à condition d'en avoir été informé au préalable par une lettre envoyée par le Secrétariat, dans les cas suivants :

i) incapacité de soumettre le Plan d'action en faveur de l'énergie durable dans l'année suivant
la signature formelle de la Convention,

ii) non-respect de l'objectif global de réduction du CO2 prévu dans le Plan d'action dO à
l'absence ou l'insuffisance de la mise en Ïuvre du Plan d'action,

iii) incapacité de soumettre un rapport à deux échéances de suite.
NOUS, LES MAIRES, APPROUVONS

La décision de la Commission européenne de créer et de financer une structure de soutien technique et promotionnel, y compris la mise en Ïuvre d'instruments d'évaluation et de suivi, de mécanismes visant à faciliter le partage de savoir-faire entre territoires et d'outils facilitant la reproduction et la multiplication des mesures efficaces, dans les limites du budget prévu,

Le rTMle de coordinateur de la Commission européenne de la conférence annuelle de la Convention des maires pour une Europe de l'énergie durable,

L'intention déclarée de la Commission européenne de faciliter l'échange d'expérience entre les territoires participants, et la proposition de recommandations et d'exemples de référence pour leur éventuelle mise en Ïuvre, et de faire le lien avec des activités existantes et des réseaux promouvant le rTMle des gouvernements locaux dans le domaine de la protection du climat. Ces exemples de

référence devraient faire partie intégrante de cette Convention, sous la forme d'annexes,

L'appui apporté par la Commission européenne à la reconnaissance et à la visibilité publique des villes et communes participant à la Convention, en utilisant un logo Énergie durable pour l'Europe et en mettant ses outils de communication au service de la promotion de l'initiative,

Le soutien appuyé du Comité des Régions en faveur de la Convention et de ses objectifs, en tant que représentant des autorités locales et régionales au sein de l'Union européenne,

L'assistance que les Etats membres, Régions, Départements, villes tutrices et autres structures institutionnelles soutenant la Convention apportent aux municipalités plus petites afin de permettre à ces dernières de remplir les conditions posées par la Convention,

NOUS, LES MAIRES, DEMANDONS QUE

La Commission européenne et les administrations nationales mettent en place des programmes de coopération et des structures de soutien cohérentes qui aident les signataires à mettre en Ïuvre leurs Plans d'action en faveur de l'énergie durable,

La Commission européenne et les administrations nationales considèrent les activités au sein de la Convention comme des priorités dans leurs programmes d'aide respectifs, informent les villes quant à la préparation des politiques et des programmes de financement pour le niveau local, et impliquent celles-ci dans ce même processus,

La Commission européenne négocie avec les acteurs financiers la création de dispositifs financiers visant à faciliter la réalisation des tâches prévues par les Plans d'action,

Les administrations nationales impliquent les autorités locales et régionales dans la préparation et la mise en Ïuvre des Plans d'action nationaux en matière d'efficacité énergétique et des Plans d'action nationaux pour la promotion des sources d'énergie renouvelables,

La Commission européenne et les administrations nationales soutiennent la mise en Ïuvre de nos Plans d'action en faveur de l'énergie durable qui soit en accord avec les principes, règles et modalités déjà convenus et ceux qui pourront l'être dans le futur à un niveau mondial par les parties prenantes, en particulier au sein de la Convention-Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). Notre engagement actif dans la réduction des émissions de CO2 pourrait aussi se traduire par un objectif global plus ambitieux.

NOUS, LES MAIRES, ENCOURAGEONS D'AUTRES COLLECTIVITES TERRITORIALES Ë SE JOINDRE Ë L'INITIATIVE DE LA CONVENTION DES MAIRES, AINSI QUE D'AUTRES ACTEURS MAJEURS CONCERNÉS Ë OFFICIALISER LEUR CONTRIBUTION A LA CONVENTION

ANNEXES

1. RTMle des autorités locales dans la mise en Ïuvre des actions

Des actions en faveur de l'efficacité énergétique, des projets favorisant le développement des énergies renouvelables et d'autres mesures relatives à l'énergie peuvent être développés dans les divers domaines d'activité relevant de la compétence des autorités locales et régionales.

· Consommateurs et prestataires de services

Les autorités locales et régionales occupent de nombreux bâtiments qui consomment des quantités substantielles d'énergie, que cela soit pour le chauffage ou l'éclairage. En introduisant des programmes d'économie d'énergie et des actions spécifiques dans les bâtiments publics, des économies considérables d'énergie peuvent être réalisées.

Les autorités locales et régionales assurent également la fourniture de services très consommateurs d'énergie comme le transport public ou encore l'éclairage public, pour lesquels des améliorations peuvent être apportées. Même lorsque ces services sont délégués à des prestataires privés, des mesures visant à diminuer la consommation d'énergie peuvent être introduites dans les conventions de délégation de gestion.

· Planificateurs, développeurs et régulateurs

L'aménagement du territoire ainsi que l'organisation des systèmes de transport relèvent de la responsabilité de la plupart des autorités locales et régionales. Des décisions stratégiques en matière de développement urbain telles que la lutte contre l'étalement urbain peuvent réduire la demande d'énergie liée au transport.

Les autorités locales et régionales peuvent souvent jouer un rTMle de régulateur, par exemple en fixant des critères en matière de performance énergétique ou en imposant l'intégration des énergies renouvelables dans la construction de nouveaux bâtiments.

· Conseil, incitation, exemplarité

Les autorités locales et régionales peuvent informer et inciter l'ensemble des acteurs du territoire, particuliers, entreprises, etc., à une utilisation plus efficace de l'énergie. Les campagnes de sensibilisation sont importantes afin d'obtenir le soutien de l'ensemble des acteurs aux politiques énergétiques durables. Les enfants, dans la mesure oü ils sont vecteurs d'information au-delà de l'école, jouent un rTMle particulièrement important dans les projets en matière d'économie d'énergie et d'énergies renouvelables. Il est également important que les autorités locales et régionales soient à l'avant-garde et montrent l'exemple en matière d'actions énergétiques durables.

· Producteurs et fournisseurs

Les autorités locales et régionales peuvent encourager la production locale d'énergie et le recours aux énergies renouvelables. Les systèmes de cogénération et de chauffage urbain utilisant la biomasse en sont de bons exemples. Les autorités locales et régionales peuvent également encourager le grand public à développer des projets en la matière en soutenant financièrement les initiatives locales.

2. Réseaux d'excellence

Il s'agit d'initiatives et de programmes proposant un modèle mondial de mise en Ïuvre réussie, dans des contextes urbains, de concepts de développement en matière d'énergie durable. Les représentants des réseaux d'excellence affirment à travers la Convention leur volonté de partager leur expérience et d'aider les villes et régions à mettre en Ïuvre des approches similaires, quand cela est réalisable et approprié. Ils s'engagent également à faciliter le transfert de savoir-faire en diffusant l'information, y compris des recommandations, en participant aux manifestations de la Convention des

maires et, d'une façon générale, en coopérant quotidiennement avec celle-ci.

De nouveaux réseaux d'excellence peuvent rejoindre la Convention à n'importe quel moment, pour autant :

· que leur potentiel soit évalué et jugé excellent par des experts agissant pour le compte de la Commission européenne,

· qu'ils soient soutenus par au moins un maire signataire de la Convention,

· qu'ils s'engagent à rédiger un programme de diffusion à destination des autorités locales membres de la Convention et à évaluer l'impact de leurs actions dans le cadre de la Convention.

3. Structures de soutien

La Convention des maires est ouverte aux villes européennes de toute taille. Les villes qui, du fait de leur taille, n'ont pas les ressources nécessaires pour préparer un bilan ou travailler à l'élaboration d'un Plan d'action devraient être soutenues par les structures disposant de telles capacités. Ces structures peuvent être des Régions, des Départements, des agglomérations, oü des villes assurant un rTMle de "tuteur". Chacune de ces structures sera reconnue comme un acteur clé du de la Convention. Leur degré d'engagement dans les activités de la Convention ainsi que les conditions spécifiques de cet engagement, et notamment les pouvoirs de décisions, seront détaillés dans un accord écrit.

Strasbourg, le 28 janvier 2010 Communiqué de presse

Introduction inédite de repas à faible coüt carbone dans les restaurants
scolaires de Strasbourg

L'introduction occasionnelle de repas sans viande avec substitution de protéines végétales, réalisée pour la première fois ce jeudi par la Ville de Strasbourg, en lien avec l'Alsacienne de restauration, est un levier non négligeable pour faire baisser de manière sensible l'impact environnemental des repas scolaires.

Depuis 2008, Strasbourg a fait du développement durable un axe fort de sa politique. Sensible aux enjeux climatiques, la Ville est en train de définir un Plan Climat qui lui permettra de réduire ses propres émissions de gaz à effet de serre. Ce Plan, en cours de finalisation, viendra conforter celui de la Communauté urbaine de Strasbourg, qui doit être approuvé lors du prochain conseil communautaire, prévu le 5 février. La Ville n'a, bien sür, pas attendu l'élaboration d'un tel Plan pour agir là elle oü elle pouvait. Un comportement qui a aussi valeur d'exemple, la commande publique servant aussi de levier pour entra»ner les fournisseurs dans une démarche similaire.

En 2009, Strasbourg a franchi une étape supplémentaire en insérant de manière substantielle des exigences environnementales et sociales dans son marché de restauration scolaire. La Ville n'a pas attendu l'année-butoir de 2012, fixée par le Ç Grenelle de l'environnement È, pour introduire un minimum de 20% d'aliments issus de l'agriculture biologique dans les assiettes des élèves.

Chaque jour, à Strasbourg, quelque 7000 repas sont livrés dans les restaurants des écoles et les structures de la petite enfance ne disposant pas de cuisine centrale. La Ville a donné pour consigne à l'Alsacienne de restauration, prestataire ayant remporté le marché de la restauration scolaire, de :

· réduire de 3% par an au moins les émissions de CO! générés par les repas livrés,

· privilégier autant que possible les aliments respectueux du développement durable et promouvoir par ce biais la filière d'agriculture biologique,

· valoriser l'emploi des personnes en difficulté d'insertion.

Strasbourg entend développer un rTMle à la fois éducatif et citoyen, en incitant les
élèves de même que leurs parents et entourage à développer des comportements

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Centre administratif Ð 1 parc de l'Etoile Ð 67076 Strasbourg cedex
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respectueux de l'environnement. Car agir sur ses choix alimentaires, en privilégiant des repas faibles en carbone, peut permettre de diminuer jusqu'à un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre, selon les experts.

Afin de sensibiliser plus avant les jeunes générations, une animation trimestrielle est de même organisée pendant le repas sur les liens entre alimentation et santé et sur la préservation de l'environnement.

Diminuer le coüt carbone des repas en milieu scolaire, une priorité
strasbourgeoise

En vue de répondre aux attentes de la Ville qui lui demande de diminuer de 3% les gaz carboniques générés par ses prestations, l'Alsacienne de restauration a d'abord procédé à un bilan carbone de l'activité de la cuisine centrale de Schiltigheim oü sont préparés tous les repas des écoliers strasbourgeois. L'étude a conclu que les émissions les plus importantes de CO! provenaient des matières premières, à savoir les aliments eux-mêmes et en premier lieu les viandes bovines.

Le recours à des aliments issus de l'agriculture biologique et provenant en priorité des champs voisins a ainsi été introduit à cette occasion. Désormais, les pommes, carottes, céleris, choux, blancs et rouges, et tomates en saison estivale, utilisés pour la confection des repas, sont systématiquement bio (label AB ou équivalent). La Ville en a fait une obligation auprès du prestataire. Elle a également exigé de lui la garantie que le respect de l'équilibre nutritionnel et du rythme des saisons seraient respectés dans le choix des aliments qui composent les menus.

A présent, il est proposé de remplacer de manière occasionnelle une viande bovine par des protéines végétales.

A terme, c'est toute la gestion des déchets et des emballages tout comme le transport des repas qui seront revus. Déjà, certaines dispositions ont été prises dans cette optique : les serviettes en papier sont en papier recyclé non blanchi, toute indication de marque ou de société est proscrite pour éviter toute pollution liée à l'utilisation d'encres d'impression.

L'insertion sociale, au coeur de cette démarche

Parce que le développement durable prend aussi en compte la dimension sociale, il a été ajouté à ce marché particulier de la restauration scolaire une clause d'insertion sociale qui a d'ores et déjà permis de créer plusieurs emplois.

Contact presse : Véronique PETITPREZ
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