Chapitre 1
Commandabilité et commande des
systèmes non linéaires de dimension
finie
1.1 Problème de Dubins sur des surfaces à
courbure négative [MS.10]
Soit (M, m) une variété
riemannienne connexe, orientable et complète. Indiquons par N
= UM son fibré tangent unitaire. Les points de
N sont les couples (p, v), oil p ?
M, v ? TpM et
m(v, v) = 1. Pour tout å >
0 nous pouvons considérer le problème de Dubins qui
consiste à trouver, pour tous
(p1,v1),
(p2,v2) ? N, une
courbe ã [0,T] ? M
paramétrée par son abscisse curviligne dont la courbure
géodésique est bornée par å, telle
que ã(0) = p1,
ÿã(0) = v1,
ã(T) = p2,
ÿã(T) = v2 et
minimisant T. Dans la suite nous nous restreignons au cas oil
M est de dimension deux. Le problème de Dubins
s'écrit alors comme le problème de temps minimum :
(Då) qÿ =
f(q) +
ug(q), q ? N, u ?
[-å,å],
oil f est le générateur
infinitésimal du flot géodésique sur N et
g est le champ de vecteurs engendrant la rotation sur les
fibres de N de vitesse angulaire constante égale
à 1. Les contrôles admissibles sont toutes les fonctions
mesurables u à valeurs dans l'intervalle
[-å, å].
En 1957 Dubins ([54]) détermina la structure globale
des trajectoires optimales de (Då) sur R2
muni de la structure euclidienne : ce trajectoires optimales sont la
concaténation d'au plus trois arcs de cercle de rayon 1/å
ou de segments. Des conditions nécessaires
supplémentaires sur les longueurs des arcs d'une concaténation
optimale ont été obtenues par Sussmann et Tang ([109]). Des
problèmes de type Dubins ont été étudiés
pour les surfaces simplement connexes à courbure constante ([44, 68,
84]), également en dimension supérieure à deux ([85, 86,
110]).
Une motivation du travail de recherche présenté
ici (et de l'article précédent [MS.11]) vient de la remarque que,
en généralisant le problème de Dubins du cas euclidien
à une surface riemannienne quelconque, la commandabilité de
(Då) devient une propriété
difficile à établir.
Nous sommes poussés à considérer une
propriété intrinsèque de M invariante par
changement d'échelle : savoir si (Då)
est commandable pour tout å > 0. Cette
propriété a une interprétation géométrique
évidente si l'on remarque que la projection sur M des
trajectoires de (Då) donne l'ensemble des
courbes C1 sur M dont la courbure
géodésique est bornée par å. Nous
pouvons donc reformuler la propriété mentionnée ci-dessus
en disant que (M, m) est uniformément connectable
par arcs si, pour tous (q1, v1),
(q2, v2) ? N et
pour tout å > 0, il existe une courbe
ã : [0, T] - M
de courbure géodésique inférieure à
å joignant q1 à
q2 et telle que ã'(0) =
v1, ã'(T)
= v2.
Un premier résultat, que nous obtenons par des arguments
de stabilité au sens de Poisson, est le suivant.
Proposition 1.1 Soit M
une surface riemannienne complète et connexe. Alors
M est uniformément connectable par arcs si au
moins l'une des deux propriétés suivantes est
vérifiée : (a) l'aire de M
est finie, (b) le flot
géodésique sur M est topologiquement
transitif.
Le rôle de la courbure gaussienne K :
M - R de (M, m) dans l'étude de la
connectabilité uniforme par arcs de M est
suggéré par la structure de l'algebre de Lie engendrée par
f et g. En effet,
[f,
[f,g]](q) =
--K(ð(q))g(q)
pour tout q E N, oil ð :
N - M est fa fibration canonique (cf., par exemple, [106]).
Dans [MS.11] nous avons étudié, en collaboration
avec Y. Chitour, le cas oil la courbure sur M est positive.
Dans la suite nous considérons le cas oil la courbure gaussienne de
M est négative. On sait alors que M
peut être identifiée avec un espace quotient
X/, oil X est une surface d'Hadamard
(c'est-à-dire, une variété de dimension deux simplement
connexe à courbure négative) et est un groupe
d'isométries de M préservant l'orientation qui
agit librement et de façon discontinue sur X.
Nous pouvons démontrer le résultat suivant.
Théorème 1.2 Soit
M une surface riemannienne complète, connexe
et dont la courbure gaus- sienne K est
négative. Soit X le revêtement universel
de M. Alors M est
uniformément connec-
table par arcs si au moins l'une des deux
propriétés suivantes est satisfaite : (i) M
est du premier
f
type ; (ii) pour tout r > 0 et
tout secteur S de X,
supp?S BX(p,r) KdA =
0.
Rappelons que M est du premier type si
l'ensemble limite de est égal au bord idéal de X
(cf. [16]). La notation BX(p, r)
indique l'ensemble des points de X qui ont distance
riemannienne inférieure à r de
p.
Nous pouvons transformer les conditions suffisantes pour que
M soit uniformément connectable par arcs du
théorème 1.2 en conditions nécessaires et suffisantes en
introduisant des restrictions sur le comportement de K.
Théorème 1.3 Soit
M une surface riemannienne complète, connexe
dont la courbure gaussienne K est majorée par
une constante strictement négative. Alors M
est uniformément connectable par arcs si et seulement si
M est du premier type.
Théorème 1.4 Soit
M une surface riemannienne complète, connexe
dont la courbure gaus- sienne K est
négative et minorée. Supposons que M
est du deuxième type est notons X
son
revêtement universel. Alors M
est uniformément connectable par arcs si et seulement si
pour
f
tout r > 0 et tout secteur
S de X, supp?S
BX(p,r) KdA = 0.
Dans le cas oil K change de signe nous pouvons
démontrer le résultat suivant. Proposition 1.5
Soit M une surface riemannienne dont le
groupe fondamental est de type fini. Soit K
bornée et négative à l'extérieur d'un
sous-ensemble compact de M. Supposons que
tout
demi-cylindre riemannien de M est
strict. Alors M est uniformément connectable
par arcs si et
f
seulement si, pour tout demi-plan H
contenu dans M et pour tout
r > 0, supp?H BM
(p,r) KdA =
f
?U BM (p,r) KdA <
0.
0. En particulier, (i) M est
uniformément connectable par arcs si
fM KdA > --oc; (ii)
M n'est pas uniformément connectable par arcs
s'il existe r > 0 et un demi-cylindre riemannien
U C M tels que
supp
Rappelons qu'un sous-ensemble U de M
est dit un demi-cylindre riemannien s'il est
difféomorphe à S1 ×
[0, 8) et qu'il est dit strict si
K8(U) = - j U KdA -
k(?U) =6 0, oh
k(?U) est l'intégrale de la courbure
gaussienne de ?U. Le théorème de Cohn-Vossen
garantit alors que K8(U)
> 0 (cf. [104]).
Nous terminons cette section par un résultat sur la
structure des trajectoires optimales du problème de Dubins. Ce
résultat peut être obtenu comme une conséquence du Principe
du Maximum de Pontriaguine (cf., par exemple, [6]).
Proposition 1.6 Tout arc singulier d'une
trajectoire temps-optimale de (Då)
est le relèvement d'un segment géodésique
(indépendamment du signe de K). Si
K est majorée par une constante strictement
négative et å est suffisamment petit,
alors toute trajectoire temps-optimale de
(Då) est la concaténation
d'un arc bang, un arc singulier et un arc bang (chaque arc ayant
éventuellement longueur nulle).
|