UNIVERSITE DE YAOUNDE II - SOA
FACULTE DES SCIENCES
JURIDIQUES ET POLITIQUES
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UNIVERSITY OF YAOUNDE II - SOA
FACULTY OF LAW AND
POLITICAL SCIENCES
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DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE
DEPARTMENT OF POLITICAL SCIENCE
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LA COOPERATION
DECENTRALISEE ENTRE LA FRANCE ET LE CAMEROUN :
UN VERITABLE PARTENARIAT ?
Mémoire présenté et soutenu en vue de
l'obtention partielle
Du diplôme de Master II en science politique
Par
BASSAMAGNE MOUGNOK Cyprien
Maîtrise en Science Politique
Sous la direction de
Louis Paul NGONGO
Maître de conférences
Université de Yaoundé II-SOA
Année académique 2005 -
2006
DEDICACES
Ø A mon père Jean-Marie MOUGNOK FRENCH
De qui j'ai reçu cette espérance : un
jour en Afrique viendront des hommes de lumière.
Ø A mes mamans Pauline, Mirabelle et Rosaire
Héroïnes dans l'ombre.
Ø A mes oncles Jean-Bosco OFAKEM, Georges Wandji
Témoins de ces temps d'errance.
REMERCIEMENTS
La présente étude est en réalité
un ouvrage collectif. Elle aura bénéficié des
contributions les plus diverses et les plus généreuses.
Tout d'abord, rendons grâce au Seigneur qui nous a, non
seulement permis d'arriver à ce niveau d'études, mais
également mis dans les conditions intellectuelle, physique et morale
nécessaires à l'aboutissement de ce travail.
Nous tenons à remercier notre directeur de
mémoire, le Professeur Louis Paul Ngongo pour ses conseils et sa
disponibilité. Qu'il trouve ici l'expression de notre profonde
reconnaissance. Nous pensons également à tous nos enseignants,
aînés académiques et camarades de promotion dont
l'assistance et les conseils ont été déterminants dans la
réalisation de ce travail.
Des remerciements particuliers aux Professeurs Sindjoun Luc,
Mouiche Ibrahim, Ntuda Ebode Joseph Vincent, Njoya Jean..., aux Docteurs Fogue
Tedom Alain, Aba Daniel..., à Monsieur Ndzana Louis-de-Gonzaque Anaclet
et à Madame Ongmilong Lucie pour le soutien qu'ils ont bien voulu nous
apporter tout au long de ce travail. Nous n'oublions pas notre famille de
Yaoundé et celle de Ndikiniméki qui nous ont soutenu sur le plan
moral et affectif durant toute la phase de formalisation de ce travail.
Aux membres du jury, toute notre gratitude.
Que tous ceux qui ont contribué de près ou de
loin à la réalisation de cette étude trouvent ici nos
remerciements les plus sincères.
LISTE DES SIGLES
A .E .F
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Afrique Equatoriale Française
|
A.M.F.
|
Association des Maires Français
|
A.P.D.
|
Aide Publique au Développement
|
C.C.E.
|
Commission des Communautés Européennes
|
C.C.R.E.
|
Conseil des Communes et Régions d'Europe
|
C.E.E.
|
Communauté Economique Européenne
|
C.N.C.D.
|
Commission Nationale de Coopération
Décentralisée
|
C.P.J.I.
|
Cour Permanente de Justice Internationale
|
C.U.D.
|
Communauté Urbaine de Douala
|
F.M.V.J.
|
Fédération Mondiale des Villes
Jumelées
|
G.R.E.T.
|
Groupe de Recherche et d'Echange Technologique
|
I.R.C.O.D.
|
Institut Régional de Coopération -
Développement
|
L. O. D.
|
Loi d'Orientation de la Décentralisation
|
M.I.N.A.T.D.
|
Ministère de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation
|
M.I.N.R.E.X.
|
Ministère des Relations Extérieures
|
O.N.G.
|
Organisation Non Gouvernementale
|
P.A.D.U.D.Y.
|
Programme d'Appui pour le Développement des Villes de
Douala et Yaoundé
|
P.E.C.O.
|
Pays de l'Europe Centrale et Orientale
|
P.N.U.D.
|
Programme des Nations Unies pour le Développement
|
INTRODUCTION GENERALE
Contexte général
Le 1er janvier 1960, le Cameroun, territoire sous
mandat français de 1919 à 1939, puis territoire sous tutelle
française de 1946 à 1959 accéda à
l'indépendance. Cet évènement était une rupture de
continuité dans l'ordre juridique, car il y eut transfert, au profit du
Cameroun des compétences jusque-là réservées
à la France (Oyono, 1990 : 9). En théorie le Cameroun et la
France devenaient des pays étrangers l'un par rapport à l'autre.
Nonobstant ce fait, les deux partenaires se trouvaient en quelque sorte
prisonniers des habitudes contractées pendant plusieurs décennies
de vie commune. La France, de ce point de vue, apparaît comme le pays
avec lequel le Cameroun entretient les relations les plus diversifiées,
privilégiées et consistantes (Kombi Mouelle, 1996). C'est le lieu
de rappeler que ces relations étaient essentiellement
interétatiques car reposant sur les accords de coopération
signés entre la France et le Cameroun au lendemain de
l'indépendance de celui-ci. Rares ont été les occasions
où les populations ont été directement et massivement
associées à l'effort de coopération internationale.
Mais, de plus en plus aujourd'hui, les collectivités
publiques locales s'engagent sur le plan international. Elles offrent ou
reçoivent des services, accordent des subventions ou contractent des
dettes avec les partenaires homologues situés au-delà des
frontières nationales (Nach Mback, 1994 : 2). C'est dans cet
état d'esprit que depuis le début des années 1980, un
nombre croissant de collectivités locales françaises s'engagent
en coopération au Sud. Ce phénomène a rapidement
reçu la dénomination de "coopération
décentralisée pour le développement" (Petiteville,
1995 : 7).
Sans sombrer dans un dépendantisme désuet, la
présente étude se propose de faire une sociologie fine et
détaillée des transactions objectives et/ou subjectives entre les
différents acteurs sans surestimer ou mésestimer l'apport de l'un
ou de l'autre dans le processus de coopération
décentralisée. Dès lors, contrairement à Charles
Nach Mback qui définit la coopération décentralisée
comme un apport essentiel des collectivités françaises à
leurs homologues Camerounais (Nach Mback, 1994 : 177), nous pensons que
cette nouvelle forme de coopération internationale prend au
sérieux le principe de réciprocité et c'est d'ailleurs la
raison pour laquelle notre étude s'intitule : la
coopération décentralisée entre la France et le
Cameroun : un véritable partenariat ?
Délimitation du champ
d'étude
· Sur un plan spatio-temporel
Dans le cadre de la coopération
décentralisée Nord-Sud, la France est en occident une figure de
proue. La branche française « cités
unies-France » de la F.M.V.J par exemple est particulièrement
active dans la promotion et la mise en oeuvre des relations de
coopération décentralisée. (Nach Mback : 1994, 18).
Pour s'en convaincre, il suffit de voir la politique volontariste qui anime les
autorités françaises quand à l'élaboration et
à l'opérationnalisation d'une législation cohérente
en la matière. Ce pays nous servira d'échantillon dans
l'hémisphère Nord non pas seulement du fait de son positionnement
sur la scène internationale en matière d'expertise en
ingénierie urbaine, mais également en raison de sa
proximité politique et culturelle avec certains pays d'Afrique Noire, en
l'occurrence le Cameroun. C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'il faut
comprendre Roger Gabriel Nlep quand il affirme que l'administration
territoriale des Etats Africains présente plus de similitudes que de
variances (Nlep, 1986).
Le Cameroun nous servira d'échantillon dans
l'hémisphère Sud du fait de sa position stratégique dans
la politique Africaine de la France(Oyono,1990). Ne dit-on pas souvent que le
Cameroun est une « Afrique en miniature » du fait de ses
caractéristiques particulières qui en font un
« microcosme de l'Afrique » ?
· Sur le plan chronologique
Nous voulons étudier cette nouvelle forme de
coopération internationale entre la France et le Cameroun depuis 1990.
Cette date marque la signature de la convention cadre franco-camerounaise
relative à la coopération décentralisée. Il ne
s'agit pas ici de croire qu'il n'existait pas de Coopération
Décentralisée franco- camerounaise avant cette date - d'ailleurs
la ville de Bafoussam (Cameroun) est jumelée à celle de Bayeux
(France) par un accord du 18 Février 1966 et dans sa forme actuelle, la
Coopération Décentralisée lie des collectivités des
deux pays depuis 1984 (Nach Mback, 1994) - mais de cerner les logiques qui sont
inhérentes à cette coopération à partir de
l'évènement de novembre 1990. Il n'est pas superfétatoire,
nous semble-t-il ,de rappeler que le socle institutionnel de la
Coopération Décentralisée est balisé à
l'origine par la convention- cadre de Madrid proclamée au sein du
conseil de l'Europe en 1980 (Ekoumou, 1991). Seulement, il faut remarquer que
cette coopération était restrictive car se limitant à la
sphère européenne et ayant pour objectifs avoués la
consolidation des relations de voisinage et la promotion des rapprochements
entre collectivités locales européennes. C'est à partir de
la convention de Madrid que le mouvement prendra une tournure vertigineuse pour
se répandre plus tard dans les autres continents. Certains Etats
d'Afrique noire connaîtront véritablement ce mouvement avec la
crise des autoritarismes ou tout simplement ce que Bourmaud(1997), empruntant
le vocabulaire de Jean François Bayart appellera plus tard la
« décompression autoritaire ».
Quelques clarifications
conceptuelles
Si les hommes prenaient la peine de s'entendre au
préalable sur les mots qu'ils allaient utiliser, il y aurait moins de
problèmes dans le monde. C'est fort de cette somptueuse
allégation d'Aristote (384-329) que nous voulons dégager la
spécificité de sens mieux, la polysémie que renferment les
concepts clés de notre étude à savoir, coopération
décentralisée, collectivités territoriales
décentralisées, partenariat...
1) La coopération
décentralisée
La notion de "coopération décentralisée"
est multidimensionnelle et certains auteurs cèdent à la tentation
de parler des « coopérations
décentralisées » (collectif de thiers, 1983). Mais la
coopération décentralisée est une et une seule (Nach
Mback, 1994). Dans la pratique, le même terme de
« coopération décentralisée » peut
revêtir des significations différentes et englober de
manière plus ou moins extensive l'ensemble des acteurs de la
coopération internationale. D'ailleurs, le règlement du conseil
d'Europe accorde la qualité d'agent de coopération
décentralisée à tous les acteurs dits "infra
étatiques" ; c'est-à-dire toutes les organisations et
personnes morales qui ne relèvent pas directement du gouvernement,
qu'elles soient publiques ou privées. Il peut s'agir de la sorte aussi
bien de collectivités et autorités territoriales ou locales que
d'associations, d'ONGs et autres partenaires publics ou privés.
En revanche, selon les termes du droit
français, la qualité et le statut d'agent de coopération
décentralisée sont réservés uniquement aux
collectivités et autorités territoriales car on considère
qu'il s'agit des relations décentralisées au sens public de
l'expression (Santus, 2003 : 8).
Pour Jean-Louis Vénard, la Coopération
Décentralisée s'entend aujourd'hui dans un double sens :
d'une part, les institutions de coopération tendent de plus en plus
à favoriser la mobilisation des collectivités locales des pays
développés au service du développement urbain en Afrique
en apportant des compléments de financement aux accords directs
passés entre villes du Nord et du Sud désignés sous le nom
de "jumelage - coopération". D'autre part, selon le sens qui lui est
donné par la CEE, la coopération décentralisée a
pour objet de mettre l'aide au développement directement à la
disposition des collectivités locales du Sud en contournant les
administrations centrales des Etats (Jaglin et Dubresson, 1993). Allant dans le
même sens, Franck Petiteville définit la coopération
décentralisée comme une nouvelle forme de coopération
internationale avec pour pendant l'acheminement de l'APD au Sud, aussi
utilise-t-il avec insistance l'expression "coopération
décentralisée pour le développement", pour
catégoriser les relations Nord-Sud (Petiteville, 1995). Remarquons que
ces différentes approches de la coopération
décentralisée Nord-Sud sont essentiellement
réductionnistes et constituent un facteur de minorisation de cette
nouvelle forme de coopération internationale car, occultant, mieux
faisant l'impasse sur les différentes interactions et/ou
légitimations réciproques qui sont à l'oeuvre dans ce jeu.
Laissons Bernard Dolez définir pour nous la "coopération
décentralisée".
Pour notre auteur, la coopération
décentralisée renvoie aux relations que les collectivités
territoriales nouent avec leurs homologues étrangers (Dolez, 1993).
Née dans un univers relationnel essentiellement interdépendant,
la coopération décentralisée regroupe l'ensemble des
actions de coopération internationale menées entre une ou
plusieurs collectivités territoriales (régions, communes et leurs
groupements) et une ou plusieurs autorités locales
étrangères dans un intérêt commun fut-il relatif. Il
s'agit finalement d'un ensemble de relations de solidarité et/ou de
partenariat que développent les collectivités locales
françaises avec leurs homologues Camerounais dans un
intérêt commun sinon égal du moins équitable.
2) Collectivités locales, territoriales,
décentralisées
On fait quelque fois la distinction entre la
collectivité territoriale caractérisée à la fois
par son étendue territoriale, ses attributions et son organisation d'une
part, et la collectivité locale, notion plus large qui englobe les
collectivités territoriales au sens strict défini ci-dessus et
des établissements publics territoriaux. Les établissements
publics territoriaux se caractérisent par une organisation liée
aux collectivités territoriales (il s'agit dans le cas Camerounais des
syndicats de communes).
Selon cette distinction, une commune est aussi bien une
collectivité territoriale qu'une collectivité locale alors que le
syndicat des communes serait un établissement public territorial et une
collectivité locale, mais pas une collectivité territoriale
(Finken, 1996 :13). Dans la pratique, on utilise indifféremment les
deux termes de même que l'expression "collectivité
décentralisée" pour désigner les constituants de
l'administration décentralisée du territoire. Il s'agit de
façon laconique des entités relevant du droit public,
localisées sur un portion du territoire national,
bénéficiant d'une personnalité juridique, d'une autonomie
financière et d'un pouvoir de s'administrer par les autorités
élues (Baguenard, 1980 ; Burdeau, 1980 : 400-401).
Les termes "infra étatique" ou "sub-étatique"
fréquemment mobilisés pour qualifier les collectivités
locales marquent la difficulté des internationalistes à
célébrer le deuil tant d'un statocentrisme que d'un
transnationalisme enthousiaste, que l'on remet heureusement en cause suite
à l'ouvrage de Risse-Kappen (1995). L'engagement des
collectivités locales sur la scène internationale est
fondé par l'ordre étatique et l'on ne voit pas, dans le cas
d'espèce, ce qui serait "infra étatique" ou "sub
étatique". On constate à contrario que les collectivités
locales et les services de l'Etat agissent de concert sur l'ensemble du
territoire national - ce qui est sans doute récent - mais invite
néanmoins à prendre en compte les évolutions globales de
l'action publique dans l'analyse des relations internationales (Vion ;
Négrier, 2002 : 7). Il en est de même des préfixes
"infra" ou "sub" qui suggèrent l'existence d'un jeu local
échappant au contrôle des administrations d'Etat. Ceci est certes
vrai mais fait l'impasse sur tout un jeu de légitimations
réciproques dans lequel se renforcent ou se limitent les
capacités d'action de tel ou tel autre protagoniste. Dans le cadre de ce
travail, nous utiliserons le concept d' « acteur gouvernemental non
central » cité par Hocking en 1993 (Négrier ;
Vion, 2002 : 8). Ce concept semble plus opératoire dans le cadre de
notre étude dans la mesure où, il sera question de voir dans une
certaine mesure comment l'Etat tend à pratiquer une logique de
sous-traitance en matière de politique étrangère en
confiant certains secteurs de son agenda politique saturé (Blom ;
Charillon, 2001) aux collectivités locales. Il va de soi cependant que
le concept d' « acteur gouvernemental non central » ne doit
pas être appréhendé sous le prisme de la
déconcentration administrative mais sous celui de la
décentralisation de la coopération internationale.
3) Le partenariat
Le mot partenariat est à la mode aujourd'hui. Le
banquier, l'entrepreneur se disent volontiers être partenaires de leurs
clients. Dans l'arène sociale et politique, on parle couramment de
partenaires sociaux. Même dans un couple, on parle de partenaires. Aucune
de ces définitions ne semble satisfaire à notre
préoccupation.
Par ce concept, entendons simplement un système de
relations construites par différents acteurs dans un univers relationnel
essentiellement interdépendant, prenant au sérieux le principe de
"réciprocité". C'est le lieu de rappeler que la
réciprocité est un principe de droit international selon lequel
un Etat subordonne l'exécution de ses engagements ou de ses obligations
à l'attitude équivalente de la part d'un autre Etat. L'article 55
de la constitution française de 1958 prévoit d'ailleurs une
condition de réciprocité d'application des traités ou
accords régulièrement ratifiés ou approuvés pour
que ceux-ci aient dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois (Debbasch ; Bourdon ;
Ricci, 2001).
La notion de partenariat implique finalement un
échange de prestations au service des intérêts mutuels des
parties (Nach Mback, 1994) : c'est une relation fondée
essentiellement sur la logique « donnant - donnant » et/ou
« win - win ».
Ainsi dépouillé des ambiguïtés
majeures qui en obstruaient le sens précis, nous espérons avoir
clarifié et précisé davantage notre objet d'étude.
Néanmoins, une inquiétude persiste ; celle de savoir
pourquoi une étude sur la coopération décentralisée
entre la France et le Cameroun ?
Intérêt du sujet
Ce travail s'inspire d'une étude menée sur
la coopération décentralisée pour le
développement entre la France et le Cameroun. Charles Nach Mback,
puisqu'il s'agit de lui, pense que la coopération
décentralisée entre les pays sus-indiqués est
caractérisée par un partenariat qui ne mentionne que les apports
de l'un (seul) des partenaires. Pour notre auteur, les faits ne permettent de
définir la coopération décentralisée que comme un
apport essentiel des collectivités du Nord à leurs homologues du
Sud. La notion de partenariat qui implique un échange de prestations au
service des intérêts mutuels des parties est ici vide de sens du
moins prise dans sa réalité matérielle et immédiate
(Nach Mback, 1994 : 177).
Ainsi libellé, le thème souligne la
nécessité de s'interroger sur les stratégies
inhérentes aux acteurs de cette nouvelle forme de relations
internationales. Il ouvre un pan de réflexion sur ce "partenariat",
malheureusement mis à mal par des conceptions boréocentriques et
somMaires qui consistent à faire des collectivités locales
Africaines en général et Camerounaises en particulier des
mendiantes assises sur des mines d'or, les sébiles aux mains,
prêtes à recevoir de l'aide de la part des collectivités
locales françaises sans que celles-ci reçoivent quelque chose en
retour ; ce qui doit être pris en compte ici de façon
provisoire.
Une raison supplémentaire a guidé notre choix
pour cet objet d'étude. Il nous aidera éventuellement dans une
perspective heuristique voire pratique à saisir les différentes
interactions complexes à l'oeuvre dans cette nouvelle forme de
coopération internationale et partant, à marquer un point pour
s'interroger sur la pertinence de ce partenariat.
Enfin, ce thème présente une
particularité en ceci qu'il nous permettrait de saisir la nature
complexe de la scène internationale où les collectivités
locales nordiques se mueraient derrière l'A.P.D pour assujettir sans
coup férir celles du Sud. L'encapsulation de leurs intérêts
dans les différents accords de coopération
décentralisée procéderait donc de cette démarche.
Dans le cas d'espèce, la « coopération
décentralisée » pour le développement
dissiperait les logiques de prédation dont sont porteuses les
collectivités locales françaises.
Revue de la littérature / Etat de la
question
Depuis plus d'une décennie, des travaux scientifiques
ont été réalisés sur la coopération
décentralisée. Ces travaux soulèvent parfois des
problématiques fondamentales. Mais aucun ne semble satisfaire notre
inquiétude en la matière. Aussi remarquons-nous que, ceux des
travaux que nous avons répertoriés sur la coopération
décentralisée entre la France et le Cameroun présentent
pour la plupart une tendance à la juridicisation de cette nouvelle forme
de coopération internationale. D'ailleurs, Charles Nach Mback par
exemple dans ses travaux s'intéresse à la nature juridique des
actes que posent les collectivités locales sur le plan international.
S'interrogeant sur les possibilités d'intervention des
collectivités locales dans la coopération internationale de
l'Etat, il en arrive à l'hypothèse de la permanence de la tutelle
de l'Etat en matière de coopération décentralisée
d'une part, et d'autre part aux libertés qu'autorise cette tutelle au
profit des acteurs de cette forme de coopération. Pour lui, en raison du
caractère inachevé de la décentralisation en Afrique en
général et au Cameroun en particulier qu'il caractérise
à partir de la catégorie « décentralisation
retenue », on ne saurait parler d'un véritable partenariat
entre la France et le Cameroun car finalement, on assiste simplement à
la création d'une nouvelle forme d'acheminement de l'A.P.D au Cameroun
(Nach Mback, 1994).
André-Magnus Ekoumou relève pour sa part la
nécessité d'une réorientation ou d'une nouvelle approche
des politiques de coopération pour le développement. Dressant le
constat de l'inefficacité de la coopération interétatique
pour le développement, l'auteur met l'accent sur la nouvelle forme de
coopération internationale qu'est la coopération
décentralisée et pense qu'elle peut pallier aux insuffisances de
la coopération classique internationale. Cependant, si l'on peut penser
un seul instant que cette étude indique que les relations entre les
collectivités locales françaises et leurs homologues Camerounais
constituent un indice de redéfinition des paradigmes d'analyses, il n'en
demeure pas moins qu'il y subsiste une préoccupation essentiellement
fondée sur la juridicisation de ces relations. Aussi affirme-t-il que
les accords de coopération décentralisée relèvent
du droit interne. Pour lui, la seule difficulté est celle de
déterminer, dans ce droit interne, si ces accords sont des contrats
administratifs ou des contrats de droit privé (Ekoumou, 1991).
Emboîtant le pas à Ekoumou, Achille Bassilekin
III pense que les accords de coopération décentralisée
sont des actes des tribunaux nationaux. Il observe également que la
coopération technique décentralisée met à mal les
constituants classiques de la souveraineté car l'Etat n'est plus
l'acteur unique sur la scène internationale : il est
désormais concurrencé par ce qu'il appelle les acteurs infra
étatiques (Bassilekin III, 1991). Les deux auteurs
sus-évoqués fondent leur affirmation sur une jurisprudence de la
C.P.J.I. qui dans l'affaire dite "des emprunts serbes et brésiliens"
déclarait que tout contrat qui n'est pas un contrat entre Etats
agissant en tant que sujets du droit international a son fondement dans une loi
nationale.
Sylvain Mvondo quant à lui mène une étude
qui porte sur les différentes manifestations et implications induites de
l'action des collectivités locales Camerounaises dans le champ
disciplinaire des relations internationales. A la lecture de ce travail, il
appert une mise en crise des constituants classiques de la souveraineté
étatique à travers la transnationalisation des relations
internationales par les collectivités locales. Pour Mvondo, on ne
saurait parler stricto sensu de mise en crise de l'Etat, car malgré la
multiplicité de flux de coopération décentralisée
qui échappent peu ou prou à l'Etat, il y a pourtant lieu de
remarquer un jeu de légitimation réciproque où l'Etat,
à un moment donné, confie un secteur de son agenda politique
saturé aux collectivités locales : d'où les processus
d'appropriation étatique des flux de coopération
décentralisée (Mvondo, 2006).
De même, faisant allusion à la convention-cadre
franco-camerounaise relative à la coopération
décentralisée, Martin Finken pense qu'il y aurait une certaine
contradiction entre cette dernière signée entre Etats et la
notion de coopération décentralisée intéressant au
premier chef les collectivités locales. C'est le lieu de rappeler
à juste titre que cette convention avait été conclue entre
le Ministre Français de la Coopération et du Développement
(Jacques Pelletier) et l'Ambassadeur du Cameroun en France (Nko'o Etoungou) et
non par les personnes publiques intéressées. Pour Finken, la
convention-cadre accorde une place secondaire aux collectivités locales
laissant par ricochet transparaître de part et d'autre le réflexe
jacobin (Finken, 1996).
Franck Petiteville semble mener une réflexion
sociologique et même politico-juridique de la coopération
décentralisée. C'est dans ce sens qu'il s'intéresse
à l'analyse d'une dizaine d'années de pratique de la
coopération décentralisée pour le développement
pour tenter d'évaluer l'apport, les spécificités et les
limites de cette nouvelle forme de coopération Nord-Sud. (Petiteville,
1995). Il est important d'indiquer, nous semble-t-il, que beaucoup de travaux
scientifiques ont été publiés dans le cadre des politiques
de décentralisation qui ont eu un impact assurément non
négligeable dans le processus de coopération
décentralisée (Oumbe Fone, 1989 ; Nguimdo, 1992 ;
Nanga, 2000...).
Finalement, il nous est resté, après lecture de
ces travaux, le constat que le sujet était loin d'être
épuisé ; et que, sans avoir la prétention d'y
arriver, nous pouvions contribuer, dans une modeste étude à
enrichir l'intelligence de cette nouvelle forme de relations internationales
qu'est la coopération décentralisée. En
réalité, nous voulons aborder cette coopération beaucoup
plus sous l'angle sociologique que juridique. Mais la précision de notre
contribution ne sera pourtant opératoire qu'en prenant appui sur une
problématique et des hypothèses bien élaborées.
Eléments de
problématique
La coopération décentralisée Nord-Sud
rencontre de nouveaux enjeux de développement au Sud auxquels elle
semble pouvoir répondre spécifiquement : la crise urbaine
dans les pays en développement appelle les modes de régulation
que maîtrisent à priori les villes du Nord. Dans un grand nombre
de pays du tiers-monde, les mouvements de décentralisation sont au coeur
des transitions démocratiques, ce à quoi les collectivités
locales françaises font valoir leur propre expérience en
matière de décentralisation. Dans le domaine économique
encore, la tendance actuelle au Sud est au désengagement de l'Etat, aux
initiations de petites entreprises, aux politiques d'accompagnement
local : les collectivités locales françaises mettent alors
en avant leur expérience du développement économique
local. Enfin, dans le domaine social, éducatif ou culturel, la
proximité des collectivités locales avec les acteurs de terrain
paraît susceptible d'ouvrir la coopération
décentralisée aux échanges sociaux, culturels avec le Sud
(Petiteville, 1995 : 7).
Seulement, peut-on conclure sans risque de se tromper, au
regard des éléments sus- évoqués à la
« misère du partenariat » en ce sens que la
réciprocité des gains manque cruellement dans la
coopération décentralisée France-Cameroun ? Peut-on
dire que les collectivités locales françaises apportent de l'aide
à leurs homologues Camerounais sans contrepartie fut-elle prise dans sa
réalité immédiate et matérielle ? Si non,
qu'est-ce qui justifie l'engagement des collectivités locales
françaises dans une relation de coopération
décentralisée, malgré le caractère inachevé
de la décentralisation au Cameroun ? Comment comprendre finalement
cette nouvelle forme de coopération internationale entre la France et le
Cameroun ?
Bloc des hypothèses
Madeleine Grawitz définit l'hypothèse comme une
proposition de réponse à la question posée. En sciences
sociales, les hypothèses peuvent porter sur des faits à
expliquer, sur des concepts, sur des généralisations empiriques,
sur des régularités observées et enfin sur des
contradictions entre des observations nouvelles et des notions
antérieures (Grawitz, 2001 : 398-399).
L'hypothèse principale autour de laquelle s'ordonne
notre recherche est la suivante : la coopération
décentralisée entre la France et le Cameroun est un partenariat
à part entière. Dans le cas d'espèce, l'engagement
international des collectivités locales françaises dans une
relation de coopération décentralisée avec leurs
homologues Camerounais n'est plus simplement motivé par une logique
humanitaire et/ou de solidarité mais davantage par
l'intérêt réciproque des différents acteurs dans un
univers relationnel essentiellement interdépendant. Nous nous situons
ici principalement dans la problématique du partenariat qui n'est pas,
au sens strict du terme, une aide à sens unique mais implique à
contrario un échange de prestations au service des intérêts
mutuels des parties : les collectivités locales françaises
et leurs homologues Camerounais y trouveraient chacune leur compte.
De cette hypothèse principale découle une
hypothèse secondaire : la coopération
décentralisée entre la France et le Cameroun est un partenariat
entièrement à part du fait de la spécificité des
moyens et des modalités d'action. C'est un partenariat qui laisse
entrevoir des logiques de subordination de la coopération
décentralisée à la coopération classique
internationale.
La validité de ces hypothèses commande qu'on
prenne appui sur un cadre méthodologique et /ou théorique bien
structuré.
Approche théorique
Une théorie est un système
élaboré à partir d'une conceptualisation de la
réalité perçue ou observée et constituée par
un ensemble de propositions dont les termes sont rigoureusement définis
et les relations entre les termes posées pour être
confirmées ou infirmées (Freyssinet - Dominjon, 1997 :
18).Le cadre théorique qui sous-tend notre analyse est celui du
transnationalisme, de l'individualisme méthodologique et du holisme
méthodologique.
1) Le transnationalisme
Formalisé dans le dessein de dépasser
l'égoïsme des intérêts nationaux par
l'intégration de ces derniers dans une société
internationale inédite (Roche, 1999 : 53), la théorie
transnationaliste étudie toutes les relations sociales qui, par
volonté délibérée ou par destination, se
déploient sur la scène mondiale au-delà du cadre
étatique national et qui se réalisent en échappant au
moins partiellement au contrôle ou à l'action médiatrice
des Etats (Badie ; Smouts, cités par Blom ; Charillon,
2001 : 121).
Il y a dans le transnationalisme la transcendance, le
dépassement et même le contournement de l'Etat. Mais celui-ci, en
raison de son appareil normatif et institutionnel en est le facteur
régulateur et le cadre de déploiement à priori. Le
transnationalisme regroupe quatre écoles distinctes mais unies par le
même souci de se différencier du réalisme : il s'agit
de l'école de l'impérialisme, de l'école du mondialisme,
du fonctionnalisme et de l'école de l'interdépendance complexe.
Dans le cadre de cette étude, le fonctionnalisme et l'école de
l'interdépendance complexe seront davantage explorés.
· Balisé par Joseph Nye et Robert Keohane1(*), le paradigme de
l'interdépendance complexe établit que les
relations internationales contemporaines ne peuvent plus être
envisagées à travers le cadre exclusif des relations
diplomatico-stratégiques car, en dehors des relations politiques
essentiellement orientées vers le pouvoir et la sécurité,
on note une prolifération d'interactions aussi bien culturelles,
économiques que sociales se développant peu ou prou en marge de
la souveraineté de l'Etat. Repensant les rapports entre l'individu et la
société, Norbert Elias (1987) en arrive à la conclusion
selon laquelle les relations de dépendance réciproque entre les
individus et la société se retrouvent à l'échelle
planétaire dans l'interdépendance des Etats qui, rapportée
à l'échelle des individus, suscite le sentiment d'appartenance
à une humanité globale (Roche, 1999 : 67) : chaque
acteur est uni à tous les autres par les interactions de natures
diverses.
Appliqué à la coopération
décentralisée France - Cameroun, la démultiplication
croissante des transactions inhérentes à cette nouvelle forme de
coopération internationale aurait favorisé la construction
d'interdépendances complexes entre les deux sociétés et
l'irruption de nouveaux acteurs sur la scène internationale. Ces
interdépendances complexes, du fait de leur
« fluidité », auraient favorisé la prise en
compte du principe de réciprocité et surtout, auraient permis
d'envisager la coopération décentralisée en terme de
configuration.
· Quant à l'approche
fonctionnaliste dont David Mitrany (1946) en est l'un des principaux
promoteurs, elle contribue certes à la théorisation d'une
scène internationale plus intégrée aux plans
économique, technique et culturel mais révèle surtout la
fonctionnalité idéologique et/ou idéocratique de la
coopération décentralisée qui constituerait, à un
moment donné, un des supports structurels que l'Etat mobiliserait dans
sa politique de coopération internationale. Dans le cas d'espèce,
on assisterait ni plus ni moins à une instrumentalisation des
collectivités locales par les différents Etats
concernés.
2) L'individualisme
méthodologique
Concept clé de la théorie économique
contemporaine et de la microéconomie qui repose sur le postulat de
« l'homo oeconomicus », la paternité du terme
individualisme méthodologique reviendrait à Karl Menger,
économiste marginaliste Autrichien qui l'aurait employé pour la
première fois en 1871. Selon R. Boudon, ce sont l'économiste
Friedrich Von Hacyek et le philosophe des sciences Karl Popper qui vont par la
suite populariser la notion d'individualisme méthodologique (cité
par Durand ; Weil, 1997 : 162). Ayant pour objectif avoué la
suppression des « boîtes noires » (Boudon cité
par Assogba, 1999 : 136), l'individualisme méthodologique comme
cadre théorique énonce que pour expliquer un
phénomène social quelconque, il est indispensable de reconstruire
les motivations des individus concernés par le phénomène
en question, et d'appréhender ce phénomène comme le
résultat de l'agrégation des comportements individuels
dictés par ces motivations (Durand ; Weil, 1997 : 161-162).
L'individualisme méthodologique, en grande partie issu de la
pensée wéberienne occupe une place fondamentale dans notre
étude. Elle emprunte largement à l'économie classique et
érige en dogme la liberté d'action que détiendrait
l'individu capable d'opérer des choix pour accroître sa
satisfaction. Dans la coopération décentralisée, ce
paradigme explicatif nous permet de comprendre et surtout de cerner les
stratégies, moyens et motivations des différents acteurs.
3) Holisme méthodologique
Dire d'une société qu'elle a une structure,
c'est se la représenter comme un ensemble de positions, de rôles
des groupes stratifiés liés les uns aux autres suivant un
schéma de rapports fonctionnels dans un équilibre constamment
refait. Dans cette perspective, rendre compte d'un phénomène
social c'est s'interroger sur les déterminismes sociaux qui expliquent
les comportements individuels (Beitone ; al, 2002) et qui affirment le
primat des structures sur les individus. Parce que les collectivités
locales font partie d'un vaste ensemble (l'Etat) et parce que celui-ci tend
à encadrer la coopération décentralisée pour
finalement l'intégrer dans sa politique de coopération
internationale, celles-là sont dans une certaine mesure
influencées par celui-ci.
Cependant, dans le cadre de la présente étude,
nous refusons de nous laisser enfermer dans cette « cage de
fer » qui voudrait que l'on analyse les transactions
inhérentes à la coopération décentralisée de
façon dichotomique : d'un côté l'individualisme
méthodologique, de l'autre le holisme. Nous prenons acte ici du pouvoir
structurel et de l'action stratégique dans une perspective
homogénéisante.
Les techniques de recherche
Toute recherche ou application de caractère
scientifique en sciences sociales comme dans les sciences en
général doit comporter l'utilisation des procédés
opératoires, rigoureux, bien définis, transmissibles et
susceptibles d'être appliqués à nouveau dans les
mêmes conditions adaptées au genre de problème et de
phénomène mis en cause. Ce sont là les techniques
(Grawitz, 2001 : 352). La technique représente les étapes
d'opérations limitées, liées à des
éléments pratiques concrets adaptés à un but
précis.
La présente étude est le résultat d'un
ensemble d'entretiens (2) et d'une exploitation rigoureuse des documents
généraux et/ou spécialisés (1).
1) L'analyse documentaire
L'exégèse des ouvrages et articles sur la
coopération décentralisée en général et la
coopération décentralisée France-Cameroun en particulier
nous aurait permis d'explorer sinon entièrement du moins en partie cette
nouvelle forme de coopération internationale.
D'autres sources documentaires à l'instar des accords
de coopération décentralisée, des textes de lois, des
mémoires et rapports ... nous ont également été
d'une importance non négligeable dans l'identification et surtout la
clarification de notre objet d'étude.
2) Les entretiens
L'entretien ou l'interview est une forme d'échange
verbale entre deux interlocuteurs ayant pour objectif de glaner certaines
informations relatives à un problème posé. Il s'agit d'un
procédé d'investigation scientifique utilisant un processus de
communication verbale pour recueillir des informations en relation avec le but
fixé (Grawitz, 2001 : 644). Les différents entretiens
réalisés, de part la richesse des informations fournies nous ont
permis de saisir les principales motivations des acteurs de la
coopération France-Cameroun. Sans doute, en raison d'un déficit
de données chiffrées (qui rentre ici dans le registre des
écueils rencontrés), notre étude se veut beaucoup plus
qualitative.
CHAPITRE I :
SOCIOGENESE ET CONFIGURATION
DE LA COOPERATION DECENTRALISEE
FRANCE - CAMEROUN
A la première moitié de la décennie 1980,
le concept "Coopération décentralisée" était peu
utilisé. Eu égard au monopole étatique des relations
internationales, la seule évocation du principe d'action à
l'extérieur des collectivités locales, soupçonné de
mettre en péril la souveraineté de l'Etat avait des accents
révolutionnaires (Petiteville, 1995 :9). Dans le cas
d'espèce, l'action extérieure des collectivités locales
portait atteinte au monopole de représentation et d'intervention que
détient traditionnellement l'Etat dans le champ disciplinaire des
relations internationales ; comme l'écrit Jean-Louis Autin, qu'on
le veuille ou qu'on le déplore, elle affecte directement ou non l'une de
ses prérogatives régaliennes (Alliès ;
Négrier ; Roche, 1994 :28). Il fallut revoir l'arsenal des
paradigmes et systèmes (Terray, 1987) à travers lesquels nous
essayons de saisir la réalité mouvante et protéiforme
qu'est la coopération décentralisée pour que finalement,
les craintes relatives à un empiètement des collectivités
locales sur les prérogatives diplomatiques de l'Etat soient très
rapidement dissipées. La science des relations internationales à
l'ère de la "glocalisation" devrait être appréhendée
beaucoup plus comme une discipline dynamique et non comme une discipline en
crise ; "transformations are normal, not pathological" (Sindjoun,
2001 :226).
Il n'est pas de notre propos de revenir sur ce pan de
réflexion longuement analysé et explicité, aujourd'hui
dépassé. En revanche, dans cette première articulation,
nous voulons cerner, d'un point de vue sociohistorique, les logiques qui ont
présidé à la formalisation de la coopération
décentralisée (Section I) et si possible indiquer la
configuration de cette nouvelle forme de coopération internationale
(Section II) entre la France et le Cameroun.
SECTION I : L'EMERGENCE
CONCEPTUELLE ET POLITIQUE DE LA COOPERATION DECENTRALISEE
L'action extérieure des collectivités locales
soulève un certain nombre d'interrogations quant à sa
genèse (Petiteville, 1996 : 11). S'agissant d'un
phénomène dont l'émergence n'est spécifique ni
à la France encore moins au Cameroun, il importe de le restituer dans le
contexte international.
La coopération décentralisée se trouve
aujourd'hui entre deux grandes tendances : la mondialisation et la
décentralisation (paragraphe 1). Toutefois, ce phénomène
n'aurait pu exister sans être nommé ; héritage des
jumelages traditionnels comme des mouvements de solidarité, la
terminologie s'est en effet montrée hésitante dans les premiers
temps du fait de la floraison des concepts qui traduisent cette nouvelle
réalité (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA
COOPERATION DECENTRALISEE A LA CROISEE DES CHEMINS DE LA MONDIALISATION ET DE
LA DECENTRALISATION.
L'émergence d'une approche nouvelle de la
coopération internationale (coopération
décentralisée) pendant les années 1980 est d'abord et
surtout le produit des mutations récentes du système
international que tend à légitimer le phénomène de
mondialisation (A). On assiste non seulement à l'irruption de nouveaux
acteurs sur la scène internationale qualifiés d'"acteurs
transnationaux" mais aussi à une nouvelle distribution de la puissance.
Elle est même le produit des mutations plus profondes de la gouvernance
publique, subséquente à la maturation progressive des politiques
de décentralisation (B).
A- LE PHENOMENE DE
MONDIALISATION
La montée en puissance de la coopération
décentralisée depuis les années 1980 correspond à
une période durant laquelle le concept de mondialisation s'est
imposé, englobant confusément diverses évolutions :
la transnationalisation des relations internationales (1),
l'internationalisation des affaires locales (2). Ce contexte global est
même commun aux collectivités territoriales du Nord et du Sud.
1) La transnationalisation
des relations internationales
Dans leur ouvrage Le Retournement du monde, Bertrand
Badie et Marie -Claude Smouts définissent les relations transnationales
comme « toutes relations sociales qui,par volonté
délibérée ou par destination,se déploient sur la
scène mondiale au -delà du cadre étatique national et qui
se réalisent en échappant au moins partiellement au
contrôle ou à l'action médiatrice des
Etats »(cités par Blom et Charillon, 2001 :121). Ainsi,
à côté des flux économiques, démographiques
et culturels qui échappent peu ou prou à l'initiative des Etats
s'affirment un certain nombre d'acteurs politiques et religieux auxquels il
convient désormais d'ajouter les collectivités
décentralisées (Petiteville, 1995).
L'origine des flux qui constituent les relations
internationales est diverse ou plurielle. Bien plus, l'émission
étatique des flux est relative (Sindjoun, 2002b :97). Dans le cas
d'espèce, l'Etat aurait manqué son projet de recherche
hégémonique et de totalisation de l'espace (Bayart ;
Mbembe ; Toulabor, 1992). Finalement, il serait contourné et
relativisé à travers les "modes populaires d'action
transnationale" (Sindjoun, 2002b). Ce faisant, loin d'établir
qu'à un « monde statocentré » s'est
littéralement substitué un « monde
multicentré » (Rosenau, 1990 ; Badie et Smouts, 1992), Il
est question de remarquer que les acteurs transnationaux mieux, les
collectivités locales participent d'une manière ou d'une autre
à la dilution du concept de souveraineté suivant le modèle
Wespthalien et, surtout, suscitent un remodelage de la configuration
hobbesienne de l'autorité souveraine (Mvondo, 2006).
La réalité des flux transnationaux est donc
permanente dans les relations internationales: transnational relations are
«regular interactions across national boundaries when at least one actor
is a non-state agent or does not operate on behalf of a national government or
an intergovernmental organization»2(*) (Risse-Kappen, 1995).
La montée en puissance des relations transnationales
constitutives d'un "monde multicentré" aurait finalement favorisé
l'action à l'extérieur des collectivités locales en ce
sens qu'elle aurait crée les conditions de la dynamique d'extension des
mobilités transterritoriales. L'Etat n'a jamais occupé à
lui tout seul le champ des relations internationales, il a entretenu des
relations de concurrence et/ou de complémentarité avec d'autres
acteurs qualifiés par Rosenau d' « acteurs hors
souverainté », c'est-à-dire qui échappent de
manière totale ou partielle à son contrôle souverain
(cité par Sindjoun, 2002b : 96). Que dire alors de
l'internationalisation des affaires locales qui semble être
consubstantielle aux flux des relations transnationales des
collectivités locales ?
2) L'internationalisation
des affaires locales
La mondialisation dans laquelle s'inscrit toute action de
coopération décentralisée a considérablement
élargi le spectre géographique de destination des projets et les
opportunités de partenariat par-delà les continents. Si l'Europe,
puis l'Afrique restent les deux pôles majeurs, la mondialisation et la
libération des énergies locales ouvrent de nouvelles perspectives
de coopération comme en témoignent les partenariats plus
récents entre les collectivités des pays émergents et
celles du Nord dans une perspective d'apport mutuel pour le
développement (Santus, 2003 :13).
L'internationalisation des affaires locales dont nous parlons
ici est la conséquence logique de la transnationalisation des flux
inhérents à la coopération décentralisée. En
fait, les collectivités locales, dans leur dynamique d'extension hors
des frontières nationales (Petiteville, 1996) subvertissent le principe
de territorialité et finalement, transnationalisent la vie politique
locale (Badie ; Smouts, 1992) en exerçant sur le plan international
des compétences qui leur sont reconnues sur le plan interne. Ces
compétences sont résumées à partir de la
catégorie d' « affaires locales ».
Au-delà du caractère imprécis et insaisissable de la
notion d' « affaires locales » (Baguenard, 1980), l'on peut
également souligner le caractère introuvable de celle-ci tant sur
le plan national que sur le plan international (Chapuisat, 1983) du fait de
l'absorption de l'intérêt local par l'enjeu des relations
interétatiques. D'ailleurs, Woerlin (1977) prend l'exemple de la
construction d'une station d'épuration d'eau réalisée
conjointement par une commune française et une commune italienne. Une
telle coopération internationale est basée sur des
compétences reconnues localement à chacun des partenaires. Mais,
si par hypothèse, l'exécution de la convention entre les deux
communes se poursuit au moment où leurs Etats respectifs rompent leurs
relations diplomatiques, la coopération décentralisée
sera-t-elle sauve ? On ne voit pas comment (Nach Mback, 1994 :73).
Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas ici de reprendre
l'abondante littérature sur le contenu juridique de la notion d'affaires
locales. Bien plus, il s'agit non seulement de montrer dans le cadre des
mutations qu'infère la science des relations internationales l'enjeu de
la "glocalisation" - c'est-à-dire, pour emprunter le vocabulaire de
Roberston l'inextricable liaison entre le local et le global - mais aussi la
transformation et/ou la substitution du local à l'international, mutatis
mutandis.
C'est l'ensemble des compétences reconnues aux
collectivités locales sur le plan interne qui feront à priori
l'objet des relations de coopération entre les collectivités
locales françaises et leurs homologues Camerounais dans un contexte
sociopolitique marqué par la décentralisation.
B- LES EFFETS INDUITS DE LA
DECENTRALISATION
Partout où elle s'est développée,
l'action extérieure des collectivités locales a
bénéficié d'un contexte déterminant de
décentralisation territoriale (1) ; - qu'il s'agisse de
dispositions juridiques anciennes, de réformes récentes ou d'un
desserrement progressif du contrôle étatique sur l'action des
collectivités locales (Petiteville, 1995 :16)- et surtout des
politiques de démocratisation (2).
1) Le contexte de la
décentralisation : le cas du Cameroun
Introduit dans le vocabulaire politico-administratif du pays
depuis plus d'une décennie, la décentralisation occupe une grande
place dans la vie politique camerounaise et suscite de nombreuses
préoccupations aussi bien chez les différentes
personnalités politiques nationales que chez les organismes d'aide
bilatérale et multilatérale. Après les fondations
engagées avec la récente révision constitutionnelle de
Janvier 1996, d'autres jalons viennent d'être posés en vue de la
transformation effective du Cameroun en « Etat unitaire
décentralisé ».
En effet, la session parlementaire de Juin 2004 a eu pour
point d'orgue l'adoption de trois lois relatives à la
décentralisation. Il s'agit de la loi n°2004/017 portant
orientation de la décentralisation, celle n°2004/018 fixant les
règles applicables aux communes et la loi n°2004/019
régissant les régions. Sursaut républicain pour les
adeptes bien endoctrinés à l'hymne de la gouvernance, pis-aller
pour les fédéralistes convaincus, artifice pour les
séparatistes abreuvés à la source d'un irrédentisme
malveillant (Obam-Evina, 2004 :12), la décentralisation reste pour
le Cameroun une entreprise noble que l'on devrait bâtir d'une
démarche circonspecte. Il suffit de se munir des lunettes de sociologue
pour comprendre l'utilité d'en rappeler les principes de base qui ne
sont pas aussi clairement compris que pourrait le laisser penser la
banalisation du concept.
Par opposition à la centralisation, la
décentralisation est caractérisée par une
répartition des compétences entre plusieurs personnes
morales : l'Etat, les collectivités locales, les
établissements publics... Il ne s'agit pas pour le pouvoir central de
déléguer quelques unes de ses prérogatives à des
représentants locaux mais, de transférer certaines de ses
compétences administratives à des personnes morales distinctes
(Finken, 1996 :12). L'article 2 de la loi d'orientation de la
décentralisation définit d'ailleurs la décentralisation
comme un « transfert par l'Etat aux collectivités
territoriales [...] des compétences et des moyens
appropriés ». Dans cette perspective, le pouvoir central
n'exerce plus sur les collectivités décentralisées un
pouvoir hiérarchique mais, un simple contrôle plus ou moins
serré qui en Afrique subsaharienne en général et au
Cameroun en particulier, porte le nom de « tutelle ».
Suivant les conseils de Jacques Baguenard, la décentralisation suppose
l'existence d'une sphère de compétences spécifique au
bénéfice des collectivités locales, des activités
locales prises en charge par les autorités locales indépendantes
du pouvoir central tant pour leur nomination que pour leur révocation et
une gestion autonome des affaires locales (Baguenard, 1980). C'est même
la maturation de cette décentralisation dans les pays
industrialisés (Finken, 1996) et le caractère progressif des
politiques de décentralisation dans les pays du Sud qui auraient
favorisé l'envol de la coopération décentralisée
Nord-Sud car, ils auraient accru la marge d'autonomie des collectivités
locales et crée les conditions de la dynamique d'extension de leurs
activités hors des frontières nationales (Petiteville, 1995). La
coopération décentralisée est donc l'un des multiples
effets induits de la décentralisation (Thoenig, 1992) dont on ne saurait
prématurément disjoindre de la démocratisation de
l'Etat.
2) Le processus de
démocratisation de l'Etat
Lors d'un conseil des ministres, Monsieur François
Mitterand (1981) alors Président de la République
Française affirmait que la France a eu besoin d'un pouvoir fort et
centralisé pour se faire. Elle a aujourd'hui besoin d'un pouvoir
décentralisé pour ne pas se défaire (Mitterand, 1981).En
contribuant à définir un style particulier de relations entre le
pouvoir central et les autorités locales, la décentralisation
engendre des effets induits sur la contexture et le fonctionnement du
système politico-administratif (Baguenard, 1980 :73). S'il convient
de souligner avec force que l' « on ne change pas la
société par décret », on s'attend
néanmoins à ce que la décentralisation structurelle agisse
sur les pratiques administratives.
Les motivations relatives à la "reconstruction de
l'Etat" sont liées dans une certaine mesure à son processus de
démocratisation. Il ne s'agit pas en tant que tel de remettre en cause
la forme de l'Etat, mais le mode d'exercice du pouvoir. La
démocratisation de l'Etat a pour objectifs avoués
l'approfondissement et l'enracinement de la démocratie. De même,
la coopération décentralisée recherche une implication
directe des populations dans les processus des relations internationales de
leurs pays respectifs. C'est une coopération à l'échelle
humaine qui veut promouvoir une administration du bas vers le haut (Ingwat II,
1992) et vice versa. Dès lors, loin d'établir qu'à une
« démocratisation par le haut » s'est
littéralement substituée « une démocratisation
par le bas », nous voulons montrer dans une perspective
interdépendantiste, l'interaction stratégique entre les deux
niveaux d'interprétation de la réalité sociale que sont le
« haut » et le « bas ». Cependant, le
terme "démocratisation de l'Etat par le haut » nous semble
plus opératoire car, elle n'implique pas l'exclusion des autres forces
sociales. Simplement, la pression de celles-ci est contrôlée et
canalisée par les élites dirigeantes.
La coopération décentralisée, au regard
des précisions apportées ci-dessus émerge dans un climat
politique marqué par les phénomènes de mondialisation et
de décentralisation. Ce qu'il importe de souligner ici avec force c'est
la transnationalité à travers les "solidarités
translocales", les "solidarités en réseau" (Sindjoun,
2002b :17) ; la décentralisation ne vient que renforcer et/ou
consolider cette approche nouvelle de la coopération internationale.
Toutefois, ces relations transnationales des collectivités locales ne
sont pas le fruit d'une génération spontanée : elles
ont une histoire assez complexe qui remonte en premier lieu aux jumelages.
PARAGRAPHE 2 : LA
COOPERATION DECENTRALISEE : UNE DYNAMIQUE ISSUE D'UNE HISTOIRE
COMPLEXE
L'histoire de la coopération
décentralisée est analysée de différentes
manières selon les interlocuteurs et selon le cadre dans lequel ils
s'inscrivent (cadre national ou local ; prise en compte des
collectivités locales dans le strict cadre des entités
nationales...). Cette diversité est due en grande partie au fait que la
coopération décentralisée a été
développée par des personnes et réseaux divers plus que
par des processus institutionnels (ACT Consultants - Gret, 2006 :12).
Dans le cadre de la présente étude, nous
proposons d'étudier cette histoire en deux articulations : d'une
part la catégorisation des relations transnationales des
collectivités locales (B) et d'autre part, le phénomène
des jumelages (A).
A- LE MOUVEMENT DES
JUMELAGES
Les jumelages intercommunaux représentent la
première forme de relations établies entre les
collectivités locales des pays différents. Ils sont nés
d'une vocation humaniste de contribuer à la "parlementarisation" de la
scène internationale et de rapprocher les peuples dans des contextes
internationaux difficiles (Petiteville, 1995 :12). Traditionnellement, les
relations entre collectivités locales furent les jumelages des villes.
L'histoire des jumelages a connu trois étapes majeures à savoir
les jumelages - réconciliation (1), les jumelages - compréhension
(2) et finalement les jumelages - coopération (3).
1) Les jumelages -
réconciliation
Le mouvement de jumelages - réconciliation naît
au lendemain de la deuxième guerre mondiale et se structure en 1951 avec
la création d'un conseil des communes d'Europe (CCE) suivie de la mise
sur pied de la fédération mondiale des villes jumelées. Le
CCE deviendra plus tard le Conseil des Communes et Région d'Europe
(CCRE) (Nach Mback, 1994 :5).
En réalité, ce mouvement, dès sa
naissance a pour objectifs principaux de rapprocher les peuples français
et allemands jusqu'alors ennemis et de favoriser ainsi la reprise des relations
diplomatiques entre les deux pays dans un élan de solidarité et
de fraternité. C'est dans ce sens que Bernard Stasi écrit qu'au
lendemain de la deuxième guerre mondiale, un certain nombre d'hommes qui
d'ailleurs avaient souffert de la guerre ont eu l'idée de lancer des
jumelages entre villes françaises et allemandes (Stasi, 1989 :75).
Dès lors, le mouvement des jumelages - réconciliation se
confinait à la seule sphère de l'Europe occidentale mettant de ce
fait les Etats socialistes de l'Europe de l'Est à l'écart. Il
fallut attendre la guerre froide pour que le mouvement des jumelages -
réconciliation subisse une mutation non moins profonde qui, finalement
débouchera sur un autre type de jumelages : les jumelages -
compréhension.
2) Les jumelages -
compréhension
Les jumelages - compréhension ont été
constitués en pleine guerre froide par les villes de l'Ouest dites
libérales avec leurs homologues de l'Est dites socialistes afin de
favoriser le dialogue et l'entente entre leurs peuples respectifs. Dans
l'optique de rapprocher les peuples éloignés les uns des autres
par les clauses iniques des traités passés entre les puissances
de l'Est et de l'Ouest pendant et après la deuxième guerre
mondiale (Nach Mback, 1994 :6), la F.M.V.J entreprit d'entrouvrir des
«fenêtres de communication » dans le dessein de contribuer
à la construction d'une solidarité pan-européenne. Mais,
il fallut aller plus loin.
3) Les jumelages -
coopération
Il s'agit des jumelages établis entre les villes des
pays industrialisés avec leurs homologues du tiers monde après
les indépendances (Petiteville, 1995). A en croire Charles Nach Mback,
c'est la nécessité d'intégrer les préoccupations de
développement dans le mouvement de jumelages qui a poussé la
F.M.V.J à réorienter, dès les années 80, sa
politique vers une coopération Nord - Sud pour le développement
(Nach Mback, 1994).
Les échanges effectués dans le cadre de ces
différents jumelages avaient une portée essentiellement
culturelle qui les maintenait dans les relations platoniques (Petiteville,
1995). Dans cet ordre d'idées, comment appréhender
désormais les relations transnationales des collectivités
locales ? Autrement dit, comment qualifier l'action à
l'extérieur des collectivités locales ?
B- LES CATEGORIES
D'APPREHENSION DES RELATIONS TRANSNATIONALES DES COLLECTIVITES LOCALES
La terminologie s'est montrée hésitante en
Europe dans les premiers temps devant la floraison de concepts qui qualifient
le phénomène. En effet, il existe plusieurs formes de relations
des collectivités locales françaises avec l'étranger.
Toutefois, les plus importantes et consacrées par des textes juridiques
ou de doctrine institutionnelle sont au nombre de trois.
1) La coopération
interrégionale
La notion de coopération interrégionale
recouvre toute coopération entre des régions françaises et
des entités de taille régionale étrangères,
notamment au sein de l'union européenne et n'impliquant pas
forcément un voisinage géographique (Santus, 2003 :7).
2) La coopération
transfrontalière
C'est une forme particulière de coopération
décentralisée. Au sens strict, elle correspond aux relations de
voisinage qui s'instaurent avec des partenaires directement au travers des
frontières terrestres de la France (Santus, 2003). D'ailleurs, la
convention cadre européenne sur la coopération
transfrontalière des collectivités ou autorités
territoriales (1980) en son article 2 alinéa 1 la définit comme
toute concertation visant à renforcer et à développer les
rapports de voisinage entre collectivités ou autorités
territoriales relevant de deux ou plusieurs parties contractantes, ainsi que la
conclusion des accords et des arrangements utiles à cette fin.
Le "transfrontiérisme" se réduit ainsi aux
relations entre collectivités immédiatement situées de
part et d'autre d'une frontière internationale (Nach Mback,
1994 :8) ; il fait partie d'un concept plus vaste : la
coopération décentralisée.
3) La coopération
décentralisée
La coopération décentralisée est mise en
oeuvre par la loi « Administration territoriale de la
république » du 6 Février 1992 et repose sur des
conventions liant la collectivité française à un
partenaire clairement identifié. Selon les termes de cette loi, la
coopération décentralisée est définie en fonction
seulement de ses acteurs et non de sa finalité ni de son contenu stricto
sensu. Il s'agit de la coopération entre des collectivités
locales françaises et étrangères (ou leurs groupements),
conduite sous leur seule et pleine responsabilité. Les
collectivités locales peuvent faire appel à d'autres acteurs
(ONG, acteurs publics ou parapublics...) mais conservent la maîtrise
d'ouvrage des actions. Dans la pratique, les termes de "coopération Nord
- Nord", de coopération "Nord - Sud", ou encore de "coopération
Ouest - Est" sont souvent utilisés ; la coopération
décentralisé s'applique à l'ensemble de ces cas de figure
(Santus, 2003).
A partir de la définition
sus-évoquée de la coopération décentralisée
selon laquelle elle renvoie aux opérations de coopération mises
en oeuvre directement, ou sous leur impulsion, ou avec leur soutien, par les
collectivités territoriales (Petiteville, 1995 :22), On constate
que le critère d'existence de la coopération
décentralisée demeure l'intervention d'une collectivité
territoriale fut-elle indirecte. Dans le cas contraire, le concept de
coopération décentralisée deviendrait une expression
galvaudée, ouverte à toutes formes de coopérations
associatives, commerciales, techniques. La coopération
décentralisée n'est donc pas le fruit d'une
génération spontanée. Elle est le résultat de la
congruence des mutations récentes de l'action publique consubstantielle
à un nouveau mode de gouvernabilité.
La coopération décentralisée
France-Cameroun met aussi en scène une diversité d'acteurs dont
les interactions sont déterminantes quant à son
opérationnalité.
SECTION II : LA
CONFIGURATION DE LA COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN
Il n'est point de connaissance possible des relations
sociales sous quelque forme que ce soit sans analyse de sa configuration,
c'est-à-dire au sens de Norbert Elias, la figure globale et toujours
changeante que forment les joueurs (cité par Sindjoun, 2002b : 37). Le
modèle de la configuration permet non seulement d'avoir accès aux
joueurs ou acteurs de la coopération décentralisée
(Paragraphe1)sans absolutiser leur nature étatique ou transnationale ,
mais aussi de penser les interactions complexes entre les acteurs dans une
perspective dynamique et même complémentaire (Paragraphe 2) ;
en cela, il permet de dépasser le clivage Etat / collectivités
locales ou l'inverse.
PARAGRAPHE 1 : DE LA
DIVERSITE D'ACTEURS EN PRESENCE
La coopération décentralisée France -
Cameroun au sens large du terme est constituée d'intervenants divers
dont les modes d'actions varient selon qu'on est en France (A) ou au Cameroun
(B).
A- LES PRINCIPAUX ACTEURS
DE LA COOPERATION DECENTRALISEE EN FRANCE
En France, plusieurs acteurs sont impliqués dans le
phénomène de coopération décentralisée,
chacun a son titre et à des degrés divers (les ONGs, Associations
locales, Ministère de l'Intérieur, le Département de la
Culture et de la Francophonie, celui des Départements et Territoires
d'Outre-mer, les Organisations Non Gouvernementales,...). Mais, il y a
principalement les Collectivités Locales (1), les Ministères des
Affaires Etrangères, de la Coopération et du Développement
(2).
Dans la présente articulation, il ne s'agit pas
de présenter tous les acteurs de la coopération
décentralisée France - Cameroun, tâche herculéenne
au regard de la diversité d'acteurs en présence. Ce qui importe
ici c'est de cerner les principaux acteurs et si possible leurs
différents rôles.
1) Les collectivités
locales françaises (Communes, régions, départements)
Elles ont une pratique ancienne du jumelage, notamment avec
leurs homologues africains. Avec l'émergence de la
décentralisation et du débat démocratique en Afrique, ces
relations de jumelages évoluent progressivement, quoique de façon
inégale parfois, vers les relations de collectivité locale
à collectivité locale. Nous avons vu que le critère
d'existence de la coopération décentralisée demeure
l'intervention d'une collectivité locale fut-elle indirecte car, dans le
cas contraire, le concept de coopération décentralisée
deviendrait une expression galvaudée, ouverte à toutes formes de
coopération associatives, commerciales, techniques... (Petiteville,
1995). Du fait de la reconnaissance du principe de la libre administration sur
le plan interne, les collectivités locales françaises se sont
orientées vers la mise en oeuvre de la démocratie locale, le
renforcement de la capacité des collectivités à organiser
des services publics... Leur intervention s'exerce dans différents
domaines : l'information, la sensibilisation et la formation des
élus, la formation civique, l'aide à la mobilisation des
ressources. Elles améliorent l'accompagnement des collectivités
africaines en matière de formation, d'animation de la vie
économique locale, d'exercice de la démocratie locale,
d'amélioration de la gestion financière, d'activation de la
médiation sociale. En tant qu'interface entre la société
civile et la puissance publique, les collectivités locales jouent
finalement un rôle déterminant dans la production des politiques
publiques en France. Mais qu'est-ce qu'une politique publique ?
Dans la littérature spécialisée sur les
politiques publiques, les définitions vont de la qualification minimale,
« tout ce que le gouvernement décide de faire ou de ne pas
faire » à des définitions plus complètes
où la politique publique se présente comme « un
processus de production d'une série d'actes ou de non actes qu'une ou
plusieurs autorités publiques choisissent d'engager dans un domaine
spécifique » (Muller, 1990). Toutefois, pour revenir à
la question relative aux acteurs de la coopération
décentralisée en France, il est important de rappeler que la
coopération décentralisée en France fait l'objet d'une
coordination nationale à travers les Ministères des Affaires
Etrangères, de la coopération et du développement.
2) Le rôle conjoint
des Ministères des Affaires Etrangères, de la Coopération
et du Développement
A travers les Ministères des Affaires
Etrangères, de la Coopération et du Développement, l'Etat
déploie un effort de mise en phase des diverses initiatives locales de
coopération internationale. Il s'agit de faciliter et, si besoin est,
d'accompagner la mobilisation et l'action des collectivités
territoriales dans le cadre de la politique générale de
coopération définie par les autorités centrales de l'Etat
(Nach Mback, 1994 :78). Les Ministères des Affaires
Etrangères, de la Coopération et du Développement
interviennent de manière conjointe à travers trois organes
institutionnels à savoir : la commission nationale de la
coopération décentralisée (a), le bureau de la
coopération décentralisée (b) et le
délégué à l'action extérieure des
collectivités locales (c).
a) La commission nationale de la coopération
décentralisée
C'est la loi du 6 Février 1992 de l'Administration
Territoriale de la république qui établit la naissance d'une
commission nationale de la coopération décentralisée en
France. La création de cette commission avait été
annoncée par le Ministre Jacques Pelletier de la Coopération et
du Développement à Rennes en 1990 en remplacement de la
commission de coopération décentralisée
créée par lui-même un an plus tôt (Nach Mback, 1994).
Sa mission est triple :
Il s'agit d'informer les collectivités
françaises sur l'idée, le droit et la pratique de la
coopération décentralisée et si possible de mettre
à la disposition des principaux acteurs de la coopération
décentralisée des informations relatives au contexte et à
l'environnement institutionnel, financier, technique, socio-culturel dans
lequel vont s'inscrire leurs actions. Il s'agit également d'une mission
de sensibilisation dont l'objectif est d'impulser et d'orienter les
collectivités locales françaises porteuses de projets de
façon individuelle vers des pôles de rencontre entre acteurs
français agissant en coopération sur des thèmes ou dans
les domaines similaires. Enfin, la commission mobilise les acteurs prestataires
de services afin qu'ils inscrivent leurs actions dans le sillage des
collectivités locales. L'objectif étant de créer une
synergie entre ceux-là et celles-ci au service de la coopération
décentralisée (Nach Mback,1994). Organe à pouvoir
consultatif, la C.N.C.D dans son action reçoit des coudées
franches de la part d'autres institutions.
b) Le bureau de la coopération
décentralisée
Lors d'une interview accordée à la revue "Ville
en Développement" n°5 en Septembre 1989, Gilles Guillaud
jusqu'alors responsable du bureau de la coopération
décentralisée affirmait que c'est en Octobre 1986 qu'une section
de coopération décentralisée est créée au
Ministère de la coopération et du développement (Nach
Mback, 1994 :82). Le bureau de la coopération
décentralisée travaille en étroite collaboration avec le
Ministère des Affaires Etrangères et s'occupe des soutiens
financiers que l'Etat apporte aux initiatives de coopération
internationale des collectivités locales. Ainsi, finalement, les
financements sont gérés par le bureau de la coopération
décentralisée en étroite collaboration avec le
délégué à l'action extérieure des
collectivités locales.
c) Le délégué à l'action
extérieure des collectivités locales
Installé auprès du secrétaire
général du Ministère des Affaires Etrangères, le
délégué à l'action extérieure des
collectivités locales a été institué par une
circulaire du premier ministre en 1983 (Nach Mback, 1994). Il a pour mission de
recueillir les informations se rapportant aux rapports qu'entretiennent les
collectivités locales françaises avec leurs homologues
étrangers, assurer une action générale de coordination
entre les différents services des administrations centrales de
l'Etat...
D'une manière générale, l'action
à l'extérieur des collectivités locales en France
connaît une influence de la part des Ministères des Affaires
Etrangères, de la Coopération et du Développement. Comme
nous l'avons souligné ci haut, l'Etat à travers ses
démembrements cherche à faire participer les collectivités
locales à l'élaboration de sa politique internationale. Mais
qu'en est-il au Cameroun ?
B- LES ACTEURS DETERMINANTS
DE LA COOPERATION DECENTRALISEE AU CAMEROUN
Tout comme en France, la coopération
décentralisée au Cameroun mobilise beaucoup d'acteurs (ONGs,
Organisations paysannes, Chefferies traditionnelles, Associations
locales...).Mais, les plus déterminants sont les collectivités
locales (1), les Ministères de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation, celui des Relations Extérieures (2).
1) Les collectivités
locales Camerounaises
La commune constitue le premier niveau de
décentralisation territoriale au Cameroun (la Communauté urbaine
peut en être considérée comme une variante). Le second
niveau - la région - pourtant institué dans le cadre de la
nouvelle constitution (1996) est toujours mis en veilleuse quant à son
opérationnalité. Les Provinces, Départements,
Arrondissements et Districts ne sont que des circonscriptions administratives,
expression de la déconcentration administrative (Finken, 1996).
Il est important de rappeler que la constitution de 1960
faisait de la province une collectivité locale en disposant en son
article 46 que « les collectivités locales du Cameroun sont
les provinces et les communes ... Ces collectivités s'administrent
librement par des conseils et dans les conditions prévues par la
loi ». Elle fut promulguée alors que les communes
étaient les seules collectivités territoriales instituées
par le colonisateur. Peut être en raison de l'absence d'un
précédent colonial et du fait que cette constitution n'a
fonctionné que 19 mois, aucune province n'a jamais été
érigée en collectivité locale (Finken, 1996 :14).
Quoi qu'il en soit, la commune, collectivité
officielle de base constitue généralement l'acteur principal et
non unique de la coopération décentralisée au Cameroun.
Elle a une mission générale de développement local et
d'amélioration du cadre et des conditions de vie de ses habitants
suivant l'article 3 alinéa 1 de la loi n° 2004/018du 22 Juillet
2004 fixant les règles applicables aux communes. Ces communes3(*) sont catégoriellement au
nombre de quatre : Les communes rurales dans les zones rurales, les
communes urbaines dans les villes de moyenne importance, les communes urbaines
d'arrondissement dans les villes de Douala et Yaoundé coiffées
chacune par une communauté urbaine. Ces deux dernières sont
nées de la loi du 15 Juillet 1987 portant création des
communautés urbaines.
Toutefois, l'action à l'extérieur des
collectivités locales Camerounaises, comme en France connaît
à certains moments l'intervention de l'Etat, ceci à travers ses
différents démembrements que sont les Ministères des
Relations Extérieures, de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation.
2) L'action conjointe des
Ministères des Relations Extérieures, de l'Administration
Territoriale et de la Décentralisation
Dans le domaine de la coopération
décentralisée au Cameroun, les administrations centrales
impliquées sont le Ministère de l'Administration Territoriale et
de la Décentralisation (assurant la tutelle sur les collectivités
territoriales) et le Ministère des Relations Extérieures
(responsable de la mise en oeuvre de la politique générale de
coopération internationale définie par l'Etat). En dehors du
décret n° 77/91 du 27 Mars 1977 qui donne pouvoir au
Ministère de l'Administration Territoriale d'autoriser les initiatives
des collectivités locales en matière de coopération
décentralisée4(*), aucun texte législatif ou réglementaire
ne régit directement les interventions de l'Etat en matière de
coopération décentralisée (Nach Mback, 1994 :88-89).
Le Ministère de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation, celui des Relations Extérieures, en la
matière ont pour rôle de faciliter les contacts entre les
collectivités locales Camerounaises et leurs homologues
étrangers. Au MINATD plus précisément, la cellule du
développement et de la coopération décentralisée de
la direction des collectivités locales est chargée du suivi des
actions portant sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement ou de
promotion des politiques gouvernementales et locales ; des interventions
des collectivités locales en matière économique,
d'aménagement et de planification ; du développement des
initiatives locales, des relations avec les collectivités locales
étrangères de même nature, les organisations
gouvernementales et non gouvernementales (Finken, 1996). Le Ministère
des Relations Extérieures dans le cadre de la coopération
décentralisée s'emploie principalement à vérifier
la cohérence entre les actions extérieures des
collectivités locales et la politique générale de
coopération internationale définie par l'Etat.
La configuration de la coopération
décentralisée France - Cameroun laisse entrevoir les logiques de
tutélisation et d'autonomisation des collectivités locales aussi
bien sur le plan national qu'international.
PARAGRAPHE 2 : DE LA
TUTELISATION RIGIDE A L'AUTONOMISATION PROGRESSIVE DES COLLECTIVITES
LOCALES : UN PASSAGE EXISTENTIEL DE LA COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE -
CAMEROUN
Les collectivités locales sont une création de
l'Etat. Elles participent de la politique de décentralisation
administrative dans les Etats à structure unitaire. La politique de
décentralisation administrative est largement tributaire du pouvoir
central qui en est l'inspirateur philosophique. Cette politique est
tendanciellement totalisante et ne laisse aux collectivités locales que
des interstices d'autonomie. Dans ce domaine bien plus qu'ailleurs, le pouvoir
central exerce son magistère répressif sur toute
velléité périphérique ambitieuse. Cette attraction
centripète des collectivités "périphériques" se
traduit par la haute surveillance tutélaire du pouvoir central (A). Elle
a même une ambition totalisante (Njoya, 2006 :258). Mais, la
coopération décentralisée dispose aussi d'une autonomie
qui se consolide progressivement (B). D'ailleurs, comme le précise
Réné Chapus, l'idée même de tutelle comporte celle
d'autonomie (Chapus, 1988 : 265).
A- LES COLLECTIVITES
LOCALES ET LA HAUTE SURVEILLANCE TUTELAIRE DU POUVOIR CENTRAL : LE CAS DU
CAMEROUN.
Alors que la coopération décentralisée
nécessite une grande souplesse dans les formes et une certaine
célérité dans les procédures des autorités
de tutelle qui doivent laisser aux magistrats municipaux une marge de manoeuvre
considérable dans leurs contacts avec leurs homologues étrangers,
la tutelle sur les communes au Cameroun, à entendre les experts de la
Banque mondiale est jugée actuellement stérilisante. Par sa
lourdeur, son manque de discernement quant aux actes qui y sont soumis, le fait
qu'elle provoque la remontée de tous les contrôles, elle paralyse
le développement des initiatives (Nach Mback, 1994 : 34). Dans le
cadre de notre analyse, c'est la loi n°77/91 du 25 Mars 1977 (et ses
modifications subséquentes) déterminant les pouvoirs de tutelle
sur les communes, les syndicats de communes et les établissements
communaux qui réglemente la coopération
décentralisée au Cameroun. Au-delà du caractère
rigide des textes régissant le pouvoir de tutelle sur les communes (1),
l'on peut également noter des dissonances dans les politiques de
décentralisation au Cameroun (2).
1) La rigueur des
textes
Le régime juridique de l'action extérieure des
collectivités locales au Cameroun tel que prévu par le
décret n° 77/91 du 25 Mars place celles-ci sous une forte tutelle
assurée par le Ministre chargé de l'Administration Territoriale.
Ce texte donne la possibilité aux collectivités locales de mener
des actions au-delà des frontières nationales à travers
les magistrats municipaux ; mais, fait dépendre une telle
possibilité d'une autorisation préalable du Ministre
chargé de l'Administration Territoriale. En effet, ce texte dispose en
son article 89 : « Le Ministre de l'Administration
Territoriale décide des missions à accomplir hors du territoire
national par les délégués du gouvernement, les Maires et
les Administrateurs Municipaux, ainsi que de l'opportunité des jumelages
des communes avec celles des pays étrangers » (Nach Mback,
1994 : 30).
Cette subordination des relations transnationales des
collectivités locales Camerounaises à l'autorité du MINATD
révèle ni plus ni moins le caractère centralisateur de
l'organisation territoriale de l'Etat au Cameroun dans la pure tradition
jacobine ; c'est une politique restrictive et même
« tendanciellement totalisante » qui ne laisse aux
collectivités locales que des interstices d'autonomie. Dans le cas
d'espèce, le MINATD semble jouir d'un pouvoir quasi-absolu car
contrôlant de près ou de loin les collectivités locales
à travers certaines autorités déconcentrées ;
les gouverneurs ou les préfets eux-mêmes placés sous son
contrôle. Il y a comme l'écrit Roger Gabriel Nlep, une graduation
entre les différentes autorités investies du pouvoir de tutelle,
mais le Ministère de l'Administration Territoriale se trouve être
le lieu géométrique vers lequel doivent converger [...] les
mesures prises en matière de tutelle par ses représentants
territoriaux (Nlep, 1986). La lourde tutelle du pouvoir central
hypothèque ainsi la liberté des collectivités
décentralisées et donne à la décentralisation un
caractère retenu et même illusoire. Les difficultés de
municipalisation de la coopération décentralisée au
Cameroun révèlent également un hiatus jamais comblé
entre les normes et les réalisations, entre la parole et l'acte.
2) De la dissonance entre
politique parlementaire et politique pragmatique.
A partir de Bailey, il convient d'effectuer une distinction
entre "politique parlementaire" c'est-à-dire la politique telle que
prescrite par les normes, telle que annoncée dans le discours et la
"politique pragmatique" c'est-à-dire telle qu'elle se fait
concrètement. Dès lors, il peut arriver que la politique
parlementaire consacre la liberté communale et que, au même
moment, la politique pragmatique reconduise l'idée de tutelle
d'où la dynamique de décentralisation (dans les normes, le
discours) et de recentralisation (dans les faits). Il est évident que le
caractère illusoire de la liberté communale est tributaire du
manque de cohérence mieux de la dissonance apparente entre le discours
politique et l'action politique : il y a une sorte de discontinuité
entre le discours, les normes et les faits. Ainsi, au mépris de la
formule chère à Bourdieu selon laquelle le discours politique est
une "parole créatrice qui fait exister ce qu'elle énonce" (Kombi
Mouelle, 1996 : 46), l'autorité Camerounaise s'est plutôt
consacrée au maintien de la tutelle (jugée stérilisante
)sur les collectivités locales. Par cet acte, elle a contribué au
raidissement de la tutelle sur les collectivités locales, mettant par
ricochet à nu la rupture entre la politique parlementaire et la
politique pragmatique au cameroun.
A titre d'illustration, dans son projet de
société Pour le libéralisme communautaire, l'actuel
chef de l'Etat Camerounais, son excellence Monsieur Paul Biya annonçait
dans son « objectif n°9 » que les populations
devraient être capables de choisir librement leurs représentants
(Biya, 1986 :140). Précisant davantage sa promesse
généreuse, l'auteur ajoutait que la pleine participation
démocratique des citoyens à la gestion de leurs communes
respectives sera garantie par l'élection compétitive et libre de
leurs représentants au niveau des municipalités (Biya, 1986).
Pourtant, curieusement, même l'instauration des communes urbaines
d'arrondissement dans les villes de Douala et de Yaoundé qui sont les
deux plus grandes métropoles municipales au Cameroun laisse l'essentiel
de la gestion urbaine aux communautés urbaines dirigées par des
autorités locales sans assise démocratique aucune (Nach Mback,
1994 :188). C'est le lieu de rappeler que, nommé par décret
présidentiel, le délégué du gouvernement dispose de
tous les pouvoirs et détient toutes les attributions normalement
dévolues à un Maire ; ce qui est calamiteux pour la
décentralisation car, si l'on s'en tient aux conseils de Jacques
Baguenard (1980), elle suppose la prise en charge des affaires locales par les
autorités locales indépendantes du pouvoir central tant pour leur
nomination que pour leur révocation , l'élection de la
municipalité n'étant qu'un gage réel de l'autonomie
communale (Nlep, 1986).
De façon laconique, il est clair que les politiques de
décentralisation au Cameroun sont marquées par la dynamique de
décentralisation (dans les normes, le discours politique) et de
recentralisation (dans les faits). Sans doute, cette situation trouve son
explication dans le caractère progressif de la décentralisation
au Cameroun. Mais, soulignons tout de même que les collectivités
locales disposent d'une autonomie qui se consolide progressivement.
B- L'AUTONOMISATION
PROGRESSIVE DES COLLECTIVITES LOCALES : VERS UNE CO-PRODUCTION DU
PHENOMENE COOPERATION DECENTRALISEE ?
Aussi paradoxale que cela puisse paraître,
l'idée de tutelle comporte celle d'autonomie du moins tel que ce terme
est entendu en droit administratif. En effet, l'exercice d'un pouvoir de
tutelle ou plus exactement d'un pouvoir de contrôle sur une
collectivité locale suppose en même temps une marge de manoeuvre
laissée à celle-ci car, le pouvoir central reconnaît et
codifie les limites des compétences dévolues aux
collectivités locales (Nach Mback, 1994 :105). Dans le cadre de la
coopération décentralisée, on observe tout un processus
d'autonomisation des collectivités locales.
Le principe de progressivité consacré dans
la L.O.D. traduit à la fois le souci de prudence et de méthode
dans la dévolution des compétences attribuées aux
régions et communes qui se matérialiseront de façon
incrémentale. Mais un recours excessif au principe de
progressivité pour justifier les atermoiements interminables pourrait
s'avérer contreproductif. Ainsi que le note Alain Didier Olinga, il
reste que l'abus de la progressivité risque soit de créer une
désaffection par rapport au projet (désuétude avant
expérimentation) soit de produire les "effets pervers" de tous
ordres5(*).
Quoi qu'il en soit, les collectivités locales
Camerounaises dans l'établissement des relations transterritoriales avec
leurs homologues français disposent d'une marge de manoeuvre certaine
qui ne dilue pas en tant que tel le pouvoir monopolistique exercé par
l'Etat : l'autonomie ne renvoie pas nécessairement à
l'indépendance car nous sommes toujours dans le cadre d'un Etat
unitaire. D'un oeil inquisiteur, on remarque plutôt une
démultiplication d'interactions stratégiques entre l'Etat et
les collectivités locales (1) régies par le principe de
subsidiarité (2) qui, finalement laisse entrevoir une sorte de
co-production du phénomène.
1) L'interaction Etat /
collectivités locales décentralisées dans le processus de
la coopération décentralisée
La collectivité locale est "le masque sous lequel
avance l'Etat" (Sindjoun, 2002a :156). Le développement local et la
démocratie qui sont au fondement de la coopération
décentralisée constituent le flanc apparent de sa justification
institutionnelle ; du moins sont-ils idéocratiquement
surévalués afin de produire des "effets de croyances" (Njoya,
2006).
Le développement de la coopération
décentralisée est tributaire de l'allégement de la tutelle
administrative sur les collectivités locales. Ce desserrement de
l'étau intervient non seulement en raison de "l'agenda politique
saturé" de l'Etat (Charillon et Blom, 2004 : 97), mais aussi du
fait de la recherche de la nécessaire cohérence et
complémentarité de l'action publique. D'ailleurs en France par
exemple, les collectivités locales reçoivent un soutien financier
et logistique de la part du pouvoir central en fonction des objectifs à
atteindre par celui-ci et celles-là. Comme le précise Charles
Nach Mback (1994), l'Etat a passé entre 1987 et 1990 des contrats de
plan avec les collectivités territoriales, contrats dans lesquels
étaient inscrits des crédits de soutien à leur programme
d'action internationale. Plus globalement, les collectivités locales
françaises ont défini avec l'Etat, pour la période 1979 -
1993 un ensemble d'objectifs pour lesquels elles souhaitaient s'engager avec
lui. Les réalisations étant alors supportées, du point de
vue des charges, de manière paritaire par les deux parties selon les
termes d'un contrat pluriannuel qu'elles ont passé à cet effet.
(Nach Mback, 1994 : 84).
En comparaison à la situation qui prévaut en
France, la coopération décentralisée au Cameroun semble
bénéficier d'un soutien non moins négligeable du pouvoir
central à travers ses démembrements que sont principalement le
MINATD et le MINREX. Ce soutien est d'ailleurs apparent dans
l'établissement ou la formalisation des liens de coopération
décentralisée, dans l'élaboration des
« contrats-types » à l'usage des
collectivités locales Camerounaises dans leurs relations de partenariat
avec l'extérieur. Il y a donc des synergies dans la conception et
l'opérationnalisation des politiques publiques entre le
« haut » et le « bas ».Seulement, nous
ne le soulignerons jamais assez, ces synergies, du fait de leur
"fluidité"et en raison de la recherche de la cohérence et de
l'éfficacité de l'action publique, nécessitent une
reconnaissance sinon pratique du moins formelle des compétences
dévolues à chaque acteur de la coopération
décentralisée.
2) La coopération
décentralisée France - Cameroun et l'observance du principe de
subsidiarité
La mobilisation du principe de la "subsidiarité du
local" comme mode de gouvernabilité des relations entre l'Etat et les
collectivités locales dans le processus de coopération
décentralisée obéit à un appel d'air venant des
strates les plus diverses de la société. La subsidiarité
est un principe opérationnel qui permet de prendre les décisions
au niveau le plus décentralisé dès lors que le passage au
niveau supérieur ne s'impose pas. Cette notion qui prend tout son sens
dans la mise en oeuvre des compétences concurrentes était
définie ainsi dans le traité de Maastricht : "Dans les
domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la
communauté n'intervient, conformément au principe de
subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de
l'action envisagée ne peuvent être réalisés de
manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des
dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux
réalisés au niveau communautaire. (Administration et
citoyenneté n°1 :5). La subsidiarité est donc au coeur
des problématiques de recherche de la cohérence, de la
complémentarité et de l'efficacité de la
coopération décentralisée car ainsi que le note Alain
Didier Olinga, l'exigence de subsidiarité postule en règle
générale que les actions visant à la satisfaction des
besoins des populations soient menées au niveau institutionnel le plus
proche desdites politiques.
CONCLUSION DU CHAPITRE
1
La coopération décentralisée n'est donc
pas le fruit d'une génération spontanée. Elle est le
résultat de la congruence des mutations récentes de la
scène internationale et des politiques de décentralisation. En
réalité son histoire remonte en premier lieu aux jumelages
(Petiteville, 1995). De même, l'action à l'extérieur des
collectivités locales soulève un certain nombre de
problèmes tant sur le plan interne que sur le plan international. Mais,
il n'est plus de notre propos de revenir sur ce pan de la coopération
décentralisée longuement analysé, explicité et
aujourd'hui dépassé. Ce qu'il convient de souligner ici et de
manière forte, c'est la démultiplication des interactions entre
l'Etat et les collectivités locales qui laisse entrevoir une sorte de
co-production du phénomène coopération
décentralisée. En réalité, l'Etat en raison de son
agenda politique saturé confie une partie de ses compétences
(nationales et internationales) a des personnes morales distinctes : les
collectivités locales. C'est ici que se pose la problématique de
la nature des actes des collectivités locales sur la scène
internationale. La personnalité juridique internationale des
collectivités locales passe par une définition interne suivie
d'une reconnaissance internationale.
S'il est vrai que cette "immédiateté normative
internationale" érige les actes de coopération
décentralisée en actes juridiques internationaux (Nach Mback,
1994 :110), il nous semble tout de même que les conventions entre
les collectivités locales Camerounaises et leurs homologues de
l'hexagone ne peuvent en aucun cas être des « traités
internationaux ». Seul un sujet de droit international a la
capacité requise pour conclure un traité puisque par
définition, celui-ci est un acte conclu entre sujets de droit
international. Si l'on excepte les organisations internationales et dans une
moindre mesure les mouvements de libération nationale, seuls les Etats
ont la capacité de conclure une convention internationale (Claisse,
1994 :23-24). Dans le vocabulaire des relations internationales, on
utilise très souvent le concept de para-diplomatie dont le
préfixe tient compte de l'incapacité diplomatique d'ordre
juridique des collectivités locales. Il laisse ouverte la question de
savoir si leur action à l'étranger est susceptible d'avoir de
manière officieuse et informelle des effets politiques (Petiteville,
1995 : 20). C'est donc vers l'examen des enjeux et des défis de la
coopération décentralisée France - Cameroun que nous nous
orientons maintenant.
CHAPITRE II :
ENJEUX ET DEFIS DE LA
COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN
L'émergence, le positionnement et les actions des
collectivités locales s'organisent selon les lectures de leur
environnement et surtout des objectifs qui sont combinés de
manière protéiforme, si bien qu'on ne peut construire sans risque
de se tromper une typologie des stratégies qui soit à la fois
simple et exhaustive. On peut néanmoins caractériser les
composantes majeures de ces stratégies à partir de leurs
finalités et des questions qu'elles posent aux collectivités
locales. Comme le remarque Santus (2003), du point de vue de l'Etat
français, l'action des collectivités françaises et de
leurs groupements à l'international constitue un enjeu majeur de
promotion
- de l'Europe par leur dynamique d'ouverture des citoyens et
des territoires, du transfrontalier aux pays de l'Europe centrale et orientale
(PECO),
- de l'aide au développement par leur engagement
croissant dans la politique française de coopération
internationale,
- de la présence et de l'influence française
économique et culturelle par leur contribution essentielle au
rayonnement de la France (Santus, 2003 :15).
De même, la coopération
décentralisée au niveau intercommunal poursuit des objectifs
similaires à ceux dévolus au niveau communal à
savoir :
- oeuvrer pour un territoire ouvert sur le monde,
- contribuer à promouvoir à l'extérieur
l'activité économique, culturelle ou encore touristique des
acteurs de son territoire,
- se préparer pour l'avenir dans le contexte de la
mondialisation et de la concurrence accrue entre les territoires ... (Santus,
2003).
Par la présente, qu'il nous soit permis d'analyser
essentiellement les enjeux et défis de cette nouvelle forme de
coopération internationale pour la France tant il est vrai que les
collectivités locales françaises dans leur dynamique d'extension
hors des frontières nationales (Petiteville, 1995 :16) seraient mus
par un « désir narcissique » (Adda et Smouts, 1989)
de rayonnement international à bon marché (Section I), corollaire
des politiques françaises d'aide au développement (Section II).
Il ne faut pourtant pas tomber dans le piège de croire que cette forme
de coopération ne présente aucun enjeu ni défi pour le
Cameroun, ce qui ne serait qu'un leurre, car la France comme le Cameroun attend
chacun quelque chose de celle-ci.
Seulement, il faut reconnaître que le choix de la
"France" nous est imposé en partie par le thème car, n'oublions
pas que certains clament haut et fort que les faits ne permettent de
définir la coopération décentralisée que comme un
apport essentiel des collectivités du Nord à leurs homologues du
Sud (Nach Mback, 1994), ce qui doit être pris en compte dans le cadre de
cette étude de façon provisoire.
SECTION I : LA
PROBLEMATIQUE DE LA CONSOLIDATION DU RAYONNEMENT INTERNATIONAL DE LA FRANCE
Dans un contexte d'accélération de
l'interdépendance entre sociétés et de brouillage de la
distinction entre interne et externe, il est difficile d'envisager
l'établissement et la survie d'un régime politique sans prendre
en considération les facteurs d'ordre externe. A la différence de
l'Angleterre, la France n'a jamais pleinement accepté le verdict de
l'histoire des relations internationales au XXe siècle. Le
basculement de la puissance au détriment des vieux Etats
européens lui est toujours apparu comme une injustice et comme un danger
contre lequel il convenait de s'organiser (Bourmaud, 1997).
Depuis la formation du système franco-africain, les
enjeux franco-africains sont fondés, d'une part sur la volonté de
puissance française dont le rayonnement est en partie lié
à la stabilité politique et au développement
économique des Etats africains francophones. Les longs discours sur le
devoir de solidarité de la France vis-à-vis de ces Etats
n'étaient que subterfuges masquant les objectifs plus réalistes
à savoir entretenir ou relancer les activités économiques,
les flux internationaux de manière à maximiser les profits des
opérateurs tant publics que privés français (Efangon,
2000 :131). La coopération décentralisée pour le
développement signifiait que la prospérité des
collectivités locales Camerounaises pourtant conditionnée par
celle de leurs homologues de l'hexagone devait donner la priorité
à l'expansion de celles-ci.
Quoi qu'il en soit, le rayonnement international de la France
passe inéluctablement par la promotion d'une modernisation
administrative dans "les Suds" calquée sur le modèle
Français d'administration publique (Paragraphe 1), bien que celle-ci
subit des logiques de réinvention et de réinterprétation
de la part des autorités locales politiquement intéressées
(Sindjoun, 2002a). Il est même tributaire des "dynamiques des nouvelles
politiques urbaines" (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'ENJEU DE
L' « OCCIDENTALISATION » DE L'ORDRE POLITIQUE LOCAL
Au sens de Bertrand Badie,
l'«occidentalisation » de l'ordre politique est utilisée
de manière synonymique avec le concept de "mimétisme
administratif" qui consiste notamment en la position de centralité ou
en la valeur de référentiel attribuée à l'occident
en général, à la puissance colonisatrice en particulier
dans l'imaginaire institutionnel et la pratique politique des Etats
post-coloniaux africains (Sindjoun, 2002a :47). Il s'agit ni plus ni moins
d'une tentative de transposition du modèle français
d'administration publique en Afrique (Badie, 1992) ayant pour principale
vocation de contribuer à consolider l'influence de la France dans le
monde (Petiteville, 1995: 120). Curieusement, Marcel Merle met en doute
l'existence d'un modèle occidental d'Etat. Il préfère
parler des modèles occidentaux car la catégorie "Etat" n'est
qu'un modèle abstrait dont les formes ont revêtu dans son propre
terroir d'origine, des incarnations très diverses (Merle,
1993 :166)6(*). Luc
Sindjoun constate pour sa part que le concept d'"Etat européen"
utilisé par Jacques Lagroye dans son désormais
célèbre Sociologie politique est dans une large mesure un
fétiche ou alors un baobab qui cache mal la forêt des trajectoires
multiples et contradictoires du politique dans l'espace dit Européen. Le
concept d'"Etat Occidental" est dans une certaine mesure une construction au
même titre que le concept d'"Occident" qu'il faut éviter de
naturaliser. D'ailleurs, l'analyse de l'Etat en Afrique est un biais
référentiel qui s'aplatit dans les jugements éthiques et
verse en définitive dans un universalisme hypocrite qui consiste
à la tentation d'imposition d'un modèle déposé
d'Etat et à la disqualification des trajectoires indigènes du
politique (Sindjoun, 2002a :15-16).
Il ne s'agit pas pour autant de tomber dans le piège de
l'absolutisation de la réinvention étatique (Badie et Hermet,
1989 : 171-175) qui admet le quasi-enfermement de l'analyse dans le ghetto
de la spécificité érigée en
irréductibilité car, avant la réinvention et la
réinterprétation locales, l'Etat moderne dans la plupart des pays
d'Afrique noire procède du rapport de dépendance avec l'Occident
(Sindjoun, 2002a). Il serait donc judicieux d'analyser le
phénomène en procédant d'une démarche diachronique
(A) voire évolutive, ce qui permettra éventuellement de cerner la
quasi-opérationnalité du phénomène au Cameroun (B).
A- AUX RACINES DU
PHENOMENE
L'« occidentalisation » de l'ordre
politique au Cameroun est une construction historique coloniale et
néocoloniale. Sa fonctionnalité actuelle est tributaire de cet
"imprinting". S'il est vrai que la coopération
décentralisée peut être soupçonnée de
contribuer, toutes proportions gardées, au façonnement du
système administratif Camerounais sur le modèle français -
façonnement qui date de la colonisation (1) et qui a été
entretenu par la coopération post-coloniale (2) - il est tout aussi vrai
que ce sont précisément les analogies historiques, juridiques et
linguistiques (Petiteville, 1995 :122) entre le système
administratif français et celui du Cameroun qui permettent et justifient
cette nouvelle forme de coopération internationale.
1) L'administration
coloniale au Cameroun
Comme l'écrit Louis Paul Ngongo (1987), ce terme
imprécis recouvre toutes les formes d'organisation imposées au
Cameroun par les métropoles anglaises et françaises, institutions
politiques et structures administratives. Il s'agit en fait d'un régime
d'exception comme en témoignent ses origines, la confusion des pouvoirs
qui le caractérise et les structures administratives qui le supportent
(Ngongo, 1987 :119).
Si l'on s'en tient à l'histoire du continent africain,
personne ne peut nier que la plupart des modèles d'encadrement qui ont
fini par prévaloir à l'époque contemporaine ont
été exportés et implantés par les
Occidentaux7(*). L'Etat au
Cameroun serait donc un Etat exporté (et non importé), et
implanté par les occidentaux (Sindjoun, 2002a : 37). Dans le cas
d'espèce, la colonisation ne saurait être considérée
comme une parenthèse dans l'histoire du pays. Elle a été
un modèle de socialisation administrative, de transmission des attitudes
politiques, des modèles régaliens. Elle a même servi de
paravent pour projeter dans les colonies les habitudes métropolitaines
(Ngongo, 1987 : 114). Dans le cadre de cette étude, nous proposons
d'analyser le phénomène au Cameroun en prenant pour point de
départ l'année 1916, date de départ des derniers Allemands
du Cameroun (Mveng, 1963 ; Ngongo, 1987 ; Finken, 1996).
En effet, au sortir du début de la première
guerre mondiale principalement en 1916, la résistance Allemande contre
l'invasion du condominium franco-britannique va être réduite
après la prise de la forteresse de Mora. L'Allemagne est alors
boutée hors du Cameroun mais consciente de ce que la victoire finale se
fera en Europe, elle amène avec elle tous ses fidèles pour
s'installer à quelques encablures de Douala c'est-à-dire dans
l'île de Fernando Pô. Les Allemands partis, Anglais et
Français décident de se partager le territoire ainsi obtenu comme
ils l'avaient fait des territoires de l'empire Ottoman en Asie. La France
récupère d'abord la portion du territoire qu'elle avait
cédée aux Allemands en Novembre 1911 suite à l'affaire du
Maroc. Le reste est partagé avec l'Angleterre qui ne prend cependant
que 1/5 du territoire conquis alors que c'est elle qui avait menée toute
la campagne de conquête, la France ayant été battue au
début des hostilités. La France prend les 4/5 dont le port de
Douala qui reste l'unique voie de communication navigable avec l'AEF.
La France - puisque c'est elle qui nous intéresse ici
- opte pour l'administration directe, bras séculier de la politique
d'assimilation (Finken, 1996 : 28). Louis Paul Ngongo remarque que
l'assimilation vise l'intégration de l'empire à la
métropole et suppose comme moyen la réduction des écarts
(économiques, culturels et politiques) entre les deux entités. Un
tel objectif ne peut être atteint que si l'on met en place dans les
colonies des structures administratives et politiques identiques à
celles de la France. Ainsi, pour les français, il s'agirait d'organiser
les colonies sur le modèle de la centralisation napoléonienne
(Ngongo, 1987 :112). Contrairement aux britanniques, les français
procèdent dans leur territoire à une administration territoriale
centralisée et assimilationniste inspirée de la tradition
jacobine. La décolonisation du Cameroun aurait-elle permis d'enrayer le
phénomène ? La réponse à cette question n'est
pas aisée d'autant plus que certaines pratiques administratives ont
survécu à celle-ci.
2) L'administration
Camerounaise pendant la période post-coloniale
Toute nation qui a vécu une aventure impériale
en garde une nostalgie de grandeur, même si cette aventure a
été coûteuse humainement et moralement (Defarges,
1994 :65). En dépit de la diversité des puissances
coloniales au Cameroun (Ngoh, 1988), seul le modèle administratif
français antérieur à la réforme des années
1980 semble déterminer la dynamique centralisatrice de l'Etat au
Cameroun (Sindjoun, 2002a).
Le 1er Janvier 1960, le Cameroun, territoire sous
mandat français de 1916 à 1939 puis territoire sous tutelle de
1946 à1959 accéda à l'indépendance. Cet
évènement était une rupture de continuité dans
l'ordre juridique, car il y eut transfert au profit du Cameroun des
compétences jusque - là réservées à la
France (Oyono, 1990 :9). Cela supposait de la part du jeune Etat la
possibilité de devenir maître de son destin et de son attitude
dans le concert des nations. Cela impliquait davantage une autonomie de
décision et un libre arbitre en matière de politique nationale et
internationale. Malheureusement, en modernisant le Cameroun, la France dans sa
volonté de "partir pour mieux rester" (Smith et Glaser, 1997 : 19)
accéléra le processus de socialisation administrative des
autorités locales Camerounaises. C'est la problématique de la
francisation des cadres de l'administration et de la quasi-instrumentalisation
de l'élite politique locale qui servirait éventuellement de
courroie de transmission de l'idéologie néo-coloniale. A ce
propos, Abel Eyinga pense qu'au lieu de parler de la coopération
franco-Camerounaise, il serait peut être judicieux de parler de
coopération franco-française ou des relations de la France avec
son ombre (Eyinga, 1978).
Signalons que cette conception de la coopération entre
la France et le Cameroun est minorisante, voire réductionniste car, non
seulement elle reprend les catégories éculées de l'analyse
dépendantiste, mais elle occulte également les logiques de
réappropriation et de réinvention de la part des autorités
locales politiquement intéressées.
Néanmoins, la coopération a quand même
permis à la France de maintenir ses positions dans ses anciennes
possessions d'outre-mer et de perpétuer en somme certaines
données coloniales (Bourgi, 1980 : 383). Il s'agissait pour la
France d'une façon ou d'une autre de diffuser sa culture administrative
et sa langue. Personne d'autre ne l'a aussi nettement déclaré que
Georges Pompidou : « De tous les pays, la France est celui qui
tient le plus profondément à l'exportation de sa langue et de sa
culture » (cité par Essama, 1984 :71). Cette exportation
de la culture française semble être opératoire au Cameroun
tant il est vrai que la France par le biais de la coopération
décentralisée tend à favoriser le phénomène
d'acculturation, heureusement mis à mal parfois par les trajectoires
politique et socio- culturelle du pays.
B- LES LOGIQUES
D'EXPORTATION D'UN MODELE IMPOSE ET LA DISSEMINATION INSIDIEUSE DES
RATIONALITES IMPERIALES
Jamais au cours de son histoire la France ne s'est
résignée au repliement ; elle a toujours
éprouvé le besoin d'agir bien au-delà de son hexagone
(Essama, 1984 :70). En tentant de se replier sur elle même, la
France risque de se sentir diminuée. C'est pourquoi, un rayonnement,
oeuvre d'hommes prêts à s'expatrier et d'une culture
prétendant à l'universalité lui est nécessaire
(Essama, 1984). La culture au sens large du terme constitue un puissant
instrument d'influence. Même si les africains souhaitent affirmer leur
spécificité culturelle (Gonidec, 1996), l'Afrique, dans un
contexte d'accélération de l'interdépendance et de
brouillage de la distinction entre l'ordre interne et externe est tributaire du
monde extérieur, mutatis mutandis. Sans pour autant sombrer dans un
dépendantisme désuet (Bourmaud, 1997), il s'agit ici de restituer
les logiques de transfert de savoir-faire, allant de l'exportation des
compétences des collectivités françaises (1) à la
création d'une sorte de "communauté épistémique"
(2).
1) L'exportation des
compétences des collectivités locales françaises au
Cameroun
Dans leur ouvrage Droit international du
développement, Feuer et Cassan notent que l'un des objectifs de
l'assistance technique est (ou devrait être) de faciliter et
d'accélérer la formation des techniciens, des cadres
administratifs et des gestionnaires des pays en développement par le
moyen de conseils donnés par des spécialistes des pays
développés ou des pays en développement plus
avancés (Gonidec, 1996 : 86-87). C'est sans doute parce que le
système administratif camerounais est inspiré du centralisme
jacobin et, parce que les collectivités françaises s'en sont
quelque peu émancipées depuis la réforme de 1982 que, ces
dernières peuvent prétendre sans quelque raison, faire part
à leurs homologues camerounais de leur expérience
récente.
De manière générale, comme l'écrit
Petiteville (1995), les analyses des politiques de coopération
administrative ayant pour objet les administrations des pays en
développement donnent lieu à des bilans critiques. L'auteur qui
élabore la réflexion la plus approfondie sur l'expérience
française de coopération administrative, Marie-Christine Kessler,
relève trois types de dysfonctionnements récurrents de ce type de
coopération : son caractère souvent bureaucratique, rigide
et opaque, le manque d'originalité des moyens utilisés, enfin un
ethnocentrisme dominant qui fait de la coopération administrative de la
France une simple transposition du modèle français
d'administration publique ayant pour principale vocation de contribuer à
consolider l'influence de la France dans le monde (Petiteville, 1995 : 120). A
entendre Mahamadou Danda, le Niger offre un cas typique de mimétisme
institutionnel au regard de ses programmes largement inspirés du
modèle français (Danda, 1997). Ce qu'il convient de souligner ici
c'est la qualité de l'assistance apportée par les
collectivités françaises à leurs homologues camerounais.
Même si l'on admet la compétence certaine et le dévouement
de la majorité des experts et spécialistes sur le terrain, qu'ont
conseillé ces experts ? Qu'ont enseigné ces maîtres ?
Et qu'ont fait ces volontaires payés ? Surtout, dans quelle mesure
leurs conseils, leur enseignement et leur travail volontaire servent-ils les
intérêts de leur pays d'origine ou celui des Etats et /ou
collectivité locales dans lesquels ils exercent leurs
activités (Mende, 1975 :76)?
Cette tentative de transposition au Cameroun du modèle
français de décentralisation par le biais de l'assistance
technique est reconnue par le Ministère de la coopération qui se
défend cependant et de manière générale
d'ambitionner une exportation vers l'Afrique du modèle de
décentralisation en vigueur dans l'hexagone : « les
propositions des rapporteurs qui avaient pour objet de définir les
orientations recommandées par le groupe pour améliorer l'appui de
la coopération à la mise en oeuvre de la décentralisation
n'ont pas été élaborées par référence
à l'expérience Française de décentralisation. Au
contraire, tout au long de ses travaux, le groupe a eu la constante
préoccupation de fonder sa réflexion sur la connaissance que ses
membres ont du contexte dans lequel ces réformes sont engagées,
de ses contraintes et des premiers effets de décentralisation en cours
d'application8(*) ».
Mais Les inquiétudes de la Coopération
Française se trouvent ailleurs. Il s'agit davantage des
conséquences que pourrait avoir sur l'image de la France un échec
des processus engagés. De l'entretien de Charles Nach Mback avec le
préfet Jean Clauzel, alors président du groupe
sus-indiqué, il ressort qu'il était demandé à
ceux-ci d'éviter de donner leurs institutions en exemples ou en
modèles (Nach Mback, 2003 :228-229).
Dans tous les cas, l'exportation des compétences des
collectivités françaises au Cameroun est une
réalité. Elle procède du "démiurge" Occidental du
transfert de technologie et de savoir-faire. A titre d'illustration, dans le
cadre de la coopération urbaine C.U.D - Région d'Alsace,
plusieurs stages sont organisés périodiquement pour les cadres
municipaux de Douala, soit dans les services municipaux en Alsace, soit dans
les écoles de formation alsaciennes. C'est ainsi qu'une formation de
deux mois a été dispensée à Jacques Doumbé,
cadre de la C.U.D au centre international de l'Eau de Nancy par les soins de
l'IRCOD-Alsace ; Bebey Dallé, chef de service des concessions et
réseaux à la C.U.D a bénéficié d'un stage
à Strasbourg en Mai-Juin 1991 pour l'entretien des feux de signalisation
routière (Nach Mback, 1994 :167).
Si tant est que la notion de transfert de techniques s'entend
du transfert de connaissances systématiques nécessaires à
la fabrication d'un produit, à l'application d'un procédé
ou à la prestation d'un service, il est tout aussi vrai que technique et
savoir-faire constituent l'ensemble des connaissances, de l'expérience,
de l'habileté nécessaires à la production d'un bien ou
d'un ensemble de biens et, éventuellement, à
l'établissement d'une entreprise à cet effet (Nach Mback,
1994 :163-164). Ici se pose la question de savoir si le transfert de
techniques peut-être purement imitatif. Autrement dit, quelles techniques
pour quel développement ?
Il n'est plus de notre propos de revenir sur cet aspect de la
coopération France-Cameroun que nous avons longuement analysé et
explicité. Ce qu'il convient de souligner ici c'est le caractère
ambiguë de cette coopération qui sous-tend finalement la formation
d'une sorte de « communauté
épistémique ».
2) La coopération
décentralisée France-Cameroun : vers la création
d'une communauté épistémique
Le concept de « communauté
épistémique » est utilisé par Stéphane
Engueleguele pour traduire l'émergence des réseaux d'experts ou
"think tanks" qui, par la diffusion des idées, structurent la politique
nationale et internationale (Engueleguele, 1998). Cette communauté
constitue en réalité ce que Jean François Bayart,
empruntant le vocabulaire d'Antonio Gramsci désigne par « bloc
hégémonique franco-africain » (Njoya,
2006 :305).
La diffusion du modèle d'administration au Cameroun
appartient au registre de la "policy bandwagoning". C'est une situation de
"path dependency", c'est-à-dire de dépendance sentier, de
dépendance aux pratiques initiales de traitement politique du territoire
(Sindjoun, 2002a :47-48). Comme le souligne notre auteur, la reprise des
technologies administratives françaises de contrôle territorial
est un placement au sens économique du terme. L'inscription de
l'ingénierie administrative sur le registre du "comme la France"
relève de la recherche du standing institutionnel ; c'est une
conduite rationnelle, adéquate, orientée par la quête de la
légitimation internationale sous le couvert du modèle
administratif français (Sindjoun, 2002a). Le transfert des technologies
administratives françaises est aussi une modalité de
réalisation hégémonique des élites locales car,
l'acclimatation équatoriale du jacobinisme leur permet de
contrôler la vie politique nationale. Dans une société
culturellement dépendante, le référentiel français
a une fonction de "chloroforme" des consciences, de dissimulation de l'enjeu
réel de la centralisation. Dans l'imaginaire français,
l'exportation des technologies et savoir-faire des collectivités
françaises participeraient de la volonté de celles-ci de
moderniser et/ou d'- « occidentaliser » l'ordre politique
au Cameroun. Mais comme nous l'enseigne Samuel Huntington (1993), l'idée
de modernisation n'est pas assimilable à celle de
l'occidentalisation : le monde serait donc loin d'être en voie
d'homogénéisation.
Partant du postulat selon lequel la compétition
idéologique Est-Ouest a cédé la place à un
affrontement culturel entre le monde occidental et le reste du monde,
Huntington est conduit alors à s'opposer à la perspective d'une
possible universalisation de la démocratie sous forme
d'occidentalisation du monde. Prenant l'exemple du fondamentalisme religieux,
il souligne l'antinomie existant entre une planète plus ouverte - et
donc plus moderne - et un monde plus anti-occidental que jamais, la
démocratie servant au besoin à légitimer le refus des
valeurs occidentales (Roche, 2001 : 252). L'Etat au Cameroun (Bayart,
1985) est un Etat exporté qui connaît des logiques de
réinvention (Bayart et Hermet, 2001) et de
réinterprétation de la part des autorités locales
politiquement intéressées (Sindjoun, 2002a).
D'une manière ou d'une autre, ces tentatives
d'exportation des compétences des collectivités locales
participent, nous ne le dirons jamais assez, du besoin du rayonnement
international de la France dont l'inscription de la collectivité locale
dans la trame urbaine mondiale en est tributaire.
PARAGRAPHE 2 :
L'INSCRIPTION DES COLLECTIVITES LOCALES FRANÇAISES DANS LA TRAME URBAINE
MONDIALE
Les collectivités locales considèrent de plus en
plus qu'elles peuvent conforter ou dynamiser leur développement en
s'inscrivant dans des réseaux d'échange et de coopération
qui leur apporteront une visibilité et une « présence
réelle » dans la trame internationale de la croissance. Chaque
collectivité locale, si elle entre dans ce jeu se dote ainsi d'une
stratégie d'acquisition d'un statut, d'un rang (A) dans un
système international en pleine recomposition et dont la ville du Sud
(Cameroun) ne constitue qu'un nouvel enjeu de coopération internationale
(B).
A- DE LA NECESSITE D'UN
POSITIONNEMENT SUR LE MARCHE INTERNATIONAL EN MATIERE D'EXPERTISE EN INGENIERIE
URBAINE
Suivant le principe « mieux vaut être
à la tête d'une politique qui devra se faire tôt ou tard,
même malgré nous », les collectivités
françaises s'engagent en coopération au Sud dans le dessein de se
poser en championne des bonnes pratiques de la coopération
décentralisée sur la scène internationale, ceci à
travers la construction d'images valorisantes à usage communicationnel
externe (1), la théâtralisation des échanges (2)
inhérents à cette nouvelle forme de coopération
internationale.
1) La construction d'images
valorisantes à usage communicationnel externe
Selon Christian Le Bart, la communication peut servir aux
collectivités territoriales à trois buts différents :
celui de parfaire la démocratie locale, celui de faciliter la
réélection et enfin celui de promouvoir leur territoire (Le Bart,
1999 :415). Ces trois buts se confondent le plus souvent dans la pratique
quotidienne. A entendre Pierre Albine (2005), ces trois buts sont
présents à l'esprit des collectivités locales
françaises lorsqu'elles communiquent avec leurs homologues du Sud avec,
semble-t-il, un accent mis sur la promotion du territoire (Albine,
2005 :91).
La communication est donc un moyen de promouvoir un territoire
et une équipe en place dans son action. D'ailleurs, il semble
évident que, dans le subtil dosage entre désir authentique de
coopération et le désir narcissique de voir celle-ci
(collectivité locale) reconnue au plan international, la seconde
préoccupation prend ici singulièrement le pas sur la
première, quelle qu'en soit le mobile : désir de
construction d'images valorisantes à usage communicationnel externe,
intérêts économiques de positionnement sur le marché
international de la coopération urbaine, quête hexagonale de
légitimité vis-à-vis de l'Etat français,
compétition entre collectivités locales françaises dans la
course à la séduction d'investisseurs internationaux
(Petiteville, 1995 :79). Curieusement, certaines villes françaises
ne font pas en tout cas mystère de cet aspect des choses. Comme dans le
cadre de la coopération Nantes-Dschang, la coopération entre la
communauté urbaine de Lyon (France) et la ville de Cordoba (Argentine)
fait par exemple l'objet d'un bilan tout à fait favorable pour la
première tant il est vrai que cette collaboration lui aura permis de se
positionner comme un interlocuteur international, de développer sa
capacité d'intervention et de mobilisation de partenaires multiples
(Petiteville, 1995 : 80). Les propos les plus éclairants à
cet égard ont été tenus par un haut fonctionnaire du
Ministère des Affaires Etrangères pour qui les retombées
industrielles qui peuvent résulter de la coopération dans le
domaine de l'urbanisme et en particulier de l'habitat peuvent être
très importantes. Bien gérée et avec plusieurs
partenaires, une coopération peut ne prélever qu'un temps
réduit sur le travail du personnel municipal et les retombées en
termes d'images et de contrats pour des entreprises régionales peuvent
être très importantes (Petiteville,1995).
Pour ne pas conclure, remarquons simplement que si les
collectivités françaises s'engagent en coopération avec
leurs homologues Camerounais, c'est parce qu'il s'est constitué ces
dernières années, un véritable marché international
de l'expertise en ingénierie urbaine dont les gisements financiers ne
sont pas moindres. Dans sa stratégie d'insertion, mieux de
positionnement sur le marché international, la collectivité
locale française procède aussi de la théâtralisation
des échanges.
2) La
théâtralisation des échanges
La coopération décentralisée est tout
d'abord le moyen pour les élus locaux de se mettre en scène
(Balandier, 1992), d'où l'importance accordée par les deux
parties au protocole et au symbolique dans le cadre de l'échange
(Krykwinski, 2002). Toute convention de jumelage fait l'objet d'une signature
par les officiels à la fois en France et dans le pays partenaire. Elle
s'accompagne généralement de festivités importantes pour
célébrer l'évènement (Krykwinski, 2002 : 63).
Ce dispositif protocolaire et symbolique apparaît également dans
la célébration et l'accueil fastueux de la venue des
délégations étrangères sur le territoire du pays
partenaire. C'est le cas du Maire de Tigeaux qui rencontrera un accueil
particulièrement chaleureux de la part des populations de la
localité d'Akoeman qui auraient minutieusement constitué des
groupes de danses folkloriques pour cette visite et qui se seraient
associées au chef de village "Akoezolé" pour exécuter
l'hymne national français (Mvondo, 2006 :79).
La convention de jumelage donne également lieu
à un échange de discours entre l'élu local et le chef de
la délégation ; le premier exprime émotion et
plaisir, replace l'échange dans le cadre général du
partenariat, rappelle et valorise le chemin parcouru par le partenaire depuis
le début de la coopération et présente rapidement les
perspectives d'échanges pour le futur ; le second exprime gratitude
et reconnaissance, évoque l'importance du rôle joué par le
partenaire pour soutenir et accompagner les changements au niveau local et,
conclut sur de nouvelles pistes de coopération. Même s'il faut
tenir compte de la relative périodicité de ces rencontres, leur
caractère protocolaire situe leur enjeu ailleurs, dans une fonction de
ritualisation de la rencontre interculturelle : rite de la
réception officielle, avec sa pompe, ses discours sur l'amitié
indéfectible entre le peuple français et le peuple camerounais,
rites qui auront pour effets de réduire symboliquement le
décalage culturel, de baliser le chemin pour des engagements de
coopération effectifs (Petiteville, 1995 : 264).
Par ailleurs, le partenariat fait l'objet d'une forte
médiatisation : la signature de la convention de jumelage comme
l'accueil des délégations dans le cadre du jumelage sont toujours
publicisés par la presse locale. A titre d'illustration, le journal
local Nantais « Nantes-passion » a relaté le
déroulement des cérémonies marquant la signature du
partenariat Nantes - Dschang (Mvondo, 2006).
Le jumelage est donc un symbole dont la
référence apporte un surcroît d'internationalité
à l'action publique locale. Il est fréquent que, lorsque les
élus locaux français s'engagent dans un grand projet visant
à augmenter l'attractivité de la ville, ils le placent sous le
signe des villes jumelées (Vion, 2000) ; faisant pour ainsi dire de
la ville du Sud un enjeu de la coopération internationale.
B- LA VILLE DU
CAMEROUN : NOUVEL ENJEU DE LA COOPERATION INTERNATIONALE ?
Jusqu'à la décennie 1980, l'urbanisation du
tiers monde n'était pas un thème prioritaire de la
coopération internationale (ACTconsultants-GRET, 1992). Elle
était plutôt perçue comme un symptôme de mal
développement qu'il fallait endiguer. Pour ne pas être totalement
inexistante, la coopération urbaine demeurait marginale, qu'il s'agisse
de la coopération bilatérale française en Afrique ou de
l'action du PNUD dans l'ensemble des pays en développement (Petiteville,
1995: 56). La France a été l'un des premiers pays à
traduire sur le plan institutionnel de nouvelles priorités en
matière de coopération urbaine, avec la création d'un
bureau du développement urbain au Ministère de la
coopération (Petiteville, 1995).
La coopération décentralisée entre
villes françaises et grandes métropoles du Sud constitue l'aspect
le plus spectaculaire et le plus innovant de la coopération Nord-Sud,
tant il est vrai que les villes françaises se présentent comme
détentrices d'une véritable expertise de l'ingénierie
urbaine dont elles prétendent capitaliser les acquis auprès de
leurs homologues du Sud aux prises avec des problèmes
d'aménagement, de gestion et de planification qui sont à la
mesure d'une croissance urbaine incontrôlée . Il ne s'agit en
aucun cas d'une coopération délestée de tout enjeu
politico-idéologique, celle-ci étant d'ailleurs conçue
comme une politique de faire-valoir et de rayonnement international. On ne
manquera pas alors de retrouver à l'échelle de la
coopération entre villes françaises et Camerounaises, le syndrome
du rapport narcissique que la France entretient avec le Sud où la
générosité du verbe dissimule la parcimonie des moyens
(Adda et Smouts, 1989) : il s'agit d'un enjeu de puissance. La notion
de puissance est à nouveau au coeur des débats car toute
réflexion soucieuse de bien cerner les relations internationales fait
intervenir le concept de puissance.
Classiquement, la puissance d'un Etat se mesurait à sa
capacité à contrôler un espace donné, à
dégager les ressources matérielles ou symboliques indispensables
à l'exercice d'une stratégie d'influence durable, à
dessiner un projet politique mobilisateur de soutien. Cette
problématique de la puissance reste dans bien de cas pertinente
(Efangon, 2000 : 199) mais, elle commence à être
relativisée dans le cadre des théories de
l'interdépendance dont Norbert Elias semble faire figure de
précurseur dans les années 1970. Ces théories, dans le
cadre de la compétition mondiale, mettaient beaucoup plus l'accent sur
les plans économique et financier (Keohane ; Nye, 1977) que sur le
plan militaire. Finalement, les théoriciens de l'interdépendance
en arrivent à la conclusion selon laquelle il n'existe plus de puissance
hégémonique au sens Gramscien du terme, ni de puissance purement
politico-stratégique.
Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts quant à eux
pensent que la puissance se définit à présent comme la
capacité de contrôler les règles du jeu dans un domaine
clé de la compétition internationale (Badie ; Smouts, 1995).
Ce qui compte, c'est la capacité d'un pays à structurer une
situation de telle sorte que les autres pays fassent des choix ou
définissent des intérêts qui s'accordent avec les siens
propres (Nye, 1990 :173) : c'est le pouvoir de cooptation (Soft
power) qui s'oppose ici au pouvoir de commandement "Hard power" (Nye, 1992).
Le grand apport des interdépendantistes fût de
montrer les faiblesses des analyses antérieurs en terme de puissance
globale, d'hégémonie totale en y substituant ce que Pierre
Hassner a appelé une théorie de l'interdépendance
inégale comme réciprocité imparfaite (Hassner, 1974). Dans
un système d'interdépendance inégale, la relation est
logiquement asymétrique (réciprocité imparfaite) mais nul
ne peut complètement imposer sa volonté (domination
incomplète). D'où la question de savoir comment utiliser les
atouts dont dispose une collectivité locale A dans un domaine
donné pour en tirer bénéfice dans une collectivité
B (Efangon, 2000 : 201). C'est tout le problème de la
transférabilité de la puissance d'un domaine dans un autre
"fungibility". La puissance se compose aujourd'hui de phénomènes
réels comme l'économie, les stratégies culturelles ou les
communications mais aussi, et c'est beaucoup plus neuf d'une capacité de
jouer sur une toile de fond multilatérale et de s'adapter
continuellement à la nouvelle géométrie mondiale
(Boniface, 1998 :41-42). Dans cette perspective, c'est au fond moins le
rang que l'on peut tenir qui importe que le rôle que l'on peut
concrètement jouer qui devient décisif. Il s'agit donc ni plus ni
moins d'une politique de commercialisation de l'image de la France.
L'importance de l`image est d'ailleurs ce qui est certainement le plus nouveau
dans la détermination de la puissance - non les images de la
télévision - mais la perception que l'on a d'un pays (Boniface,
1998).
La coopération urbaine entre les villes
françaises et leurs homologues Camerounais offre finalement, à
n'en point douter, un cadre d'exhibition, de monumentalisation de la puissance.
Il semble ici que le syndrome narcissique de la coopération Nord-Sud que
Jacques Adda et Marie-Claude Smouts ont mis en valeur dans la politique de la
France face au Sud soit également inhérent à la
coopération décentralisée France - Cameroun.
SECTION II : LES
PRINCIPAUX DEFIS DE LA COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN
La coopération décentralisée entre les
collectivités locales Camerounaises et leurs homologues de l'hexagone
pose de nombreux défis dont les plus importants, nous semble-t-il, sont
la promotion d'un développement local durable assorti des politiques
d'aide au développement (paragraphe 1), la valorisation des
compétences locales à l'échelle national et international
(paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA
PROMOTION D'UN DEVELOPPEMENT LOCAL DURABLE ET LA DEMOCRATISATION DE
L'ADMINISTRATION
A- LE DEVELOPPEMENT LOCAL
DURABLE ET LES POLITIQUES D'AIDE AU DEVELOPPEMENT
Si des modèles comme la démocratie, la bonne
gouvernance ou les droits de l'homme et libertés publiques sont
généralement admis comme des normes universelles, le concept de
"développement local durable" semble s'imposer moins facilement. A la
croisée des chemins de l'économique, l'environnement ou le
social, il est né d'une peur majeure apparue dans les années 1980
dû aux mouvements de surproduction et de surconsommation de telle sorte
que, la gouvernance mondiale s'est mobilisée sur le sujet et plusieurs
sommets dits "de la terre" se sont employés à promouvoir des
mesures de nature à empêcher, sinon retarder le désastre
annoncé. Dans les années 1990, des partenariats plus globaux
à dominante institutionnelle et territoriale, d' « aide
à la gouvernance locale » ou « d'appui
institutionnel » ont émergé et semblent être une
réponse pertinente au défi actuel de l'essor conjoint de la
mondialisation et de la décentralisation. Les collectivités
françaises ne sont pas les seules à être confrontées
à la maîtrise de l'urbain. Tandis que la dimension internationale
du développement des territoires, leur attractivité, le dynamisme
des acteurs socio-économiques deviennent des enjeux majeurs à
prendre en compte dans la promotion d'un développement durable (Santus,
2003 : 21), la promotion du développement local durable dans les
« Suds », modèle élaboré,
affiné et testé au Nord est consubstantielle aux politiques
d'aide au développement ;la coopération
décentralisée se contentant d'être un paravent pour la
construction des balises néolibérales (2) et surtout une nouvelle
politique d'acheminement de l'aide au développement (1).
1) La coopération
décentralisée : une nouvelle recette d'acheminement de
l'aide au développement ?
Dans les pays du Sud où le processus de
décentralisation n'est pas toujours achevé, la coopération
décentralisée revêt un autre sens et semble renvoyer
plutôt à une nouvelle forme d'aide au développement
(Finken, 1996 : 66-67). D'ailleurs, pour Jean-Louis Venard, la
coopération décentralisée s'entend aujourd'hui dans un
double sens : d'une part, les institutions de coopération tendent
de plus en plus à favoriser la mobilisation des collectivités
locales des pays développés au service du développement
urbain en Afrique, en apportant des compléments de financement aux
accords directs passés entre villes du Nord et du Sud, d'autre part,
selon le sens qui lui est donné par la communauté
économique européenne (CEE), la coopération
décentralisée a pour objet de mettre l'aide au
développement directement à la disposition des
collectivités locales du Sud en contournant les administrations
centrales des Etats (Jaglin ; Dubresson, 1993 : 24).
Remarquons tout de même que la coopération
décentralisée peut certes être considérée
comme une nouvelle technologie d'acheminement de l'aide au
développement, mais fétichiser ou naturaliser cette
appréhension de la coopération décentralisée,
reviendrait à faire l'impasse sur tout un jeu de légitimation
réciproque, d'où l'importance de remuer la problématique
suivante : A quoi sert l'aide publique en Afrique ? Qui aide
qui ? Et comment ?
Les gouvernements des grandes puissances le reconnaissent
ouvertement : le propos de l'aide dite au développement n'est pas
d'abord d'assurer le développement des pays pauvres mais de garantir
leurs intérêts dans certaines parties du monde, qu'ils soient
commerciaux, stratégiques ou tout simplement culturels ou politiques
(Brunel, 1997 : 55-56). Dans le cas d'espèce, ce ne sont pas les
pays les plus pauvres qui sont aidés en priorité par la France,
mais ceux qui lui sont le plus utile dans une optique qui est d'abord
clientéliste. Ainsi, parmi les objectifs de l'aide publique, le
développement des pays pauvres n'est pas la première
priorité (Brunel, 1997) ; elle contribue à contrario
à promouvoir la culture néolibérale.
2) La coopération
décentralisée : cheval de Troie de l'idéologie
néolibérale au Cameroun
L'approche néolibérale prône
l'application stricte et mécanique de certains préceptes :
la dérégulation, la libéralisation des prix, l'ouverture
des marchés... En s'inspirant de l'hypothèse de la
« main invisible » d'Adam Smith, tout ce qui nuit au
libre-échange doit être combattu au nom de la rationalité
économique (Blom ; Charillon, 2001).
Dans le cadre de la coopération
décentralisée France-Cameroun, les collectivités locales
françaises et les organismes internationaux d'appui au
développement en relations de coopération avec les
collectivités Camerounaises assureraient la construction des balises
néolibérales et la perpétuation d'un contrôle
idéologique des entités locales. La diffusion de la logique
marchande serait portée par ces institutions auprès des
collectivités locales Camerounaises en vue d'opérationnaliser les
cadres structurels favorables à l'épanouissement de sa dynamique.
Dans cette perspective, les politiques internationales de promotion d'un
développement local participatif fondé sur les principes de la
bonne gouvernance, de la démocratie locale et d'un accroissement du
processus de décentralisation conduiraient à une socialisation
locale de la culture néolibérale de compétitivité
(Latouche, 1998 :9). Le rôle croissant des experts commis par ces
agences internationales à l'entreprise de construction d'un
développement local n'induirait pas seulement l'internationalisation des
affaires locales ou la prédominance des acteurs internationaux dans le
processus d'élaboration et de mise en oeuvre des politiques nationales,
il rendrait aussi compte de l'enjeu politico-idéologique du champ local
ou communal dans l'expansion mondiale de la culture économique du
marché (Latouche, 1998). Cette idéologisation de l'espace
sociopolitique de la coopération décentralisée France-
Cameroun viserait dès lors à garantir la pérennité
du contrôle et de l'influence des acteurs dominants du
développement par la construction d'une culture politique
néolibérale que les acteurs locaux pourraient reproduire dans une
perspective réflectiviste (Roche, 2001 : 141).
Finalement, la coopération décentralisée
servirait de courroie de transmission de l'idéologie
néolibérale et, comme nous le verrons plus tard, à la
"démocratisation" de l'administration.
B- LE DEFI DE LA
DEMOCRATISATION DE L'ADMINISTRATION
Par "démocratisation" de l'administration, entendons
la promotion de l'implication des populations à la gestion des affaires
locales (1). Dans le cadre des relations transnationales des
collectivités locales, cette situation favorise le contournement des
arcanes bureaucratiques centrales et partant, la subversion sociale par le bas
(2).
1) L'implication des
populations à la gestion des affaires locales
Lors du sommet africités dont le thème
était « assurer l'accès aux services de base dans les
collectivités locales », Jacques pélissard,
Député -Maire de Lons-le-saunier, premier vice Président
de l'A.M.F, a ouvert, avec Pierre-André Wiltzer, Ministre
délégué à la Coopération et à la
Francophonie et Jean Marie Bockel, Président de l'A.M.G.V.F et membre du
bureau de l'A.M.F, les journées politiques du sommet (5 et 6
décembre 2004). A cette occasion, il a rappelé l'importance
d'affirmer le rôle des collectivités locales, espaces de
cohésion sociale, d'expression citoyenne et de démocratie. Il
faut et c'est un combat commun, parfaire en Afrique comme en France, la
décentralisation, c'est-à-dire la montée en puissance des
pouvoirs locaux de plein exercice9(*).
Il y a là en filigrane l'idée de
l'indigénisation de la démocratie, constitutive de la
décentralisation. L'exercice effectif de la démocratie locale
suppose l'adhésion des populations au principe d'une participation
responsable à la gestion des affaires locales, c'est-à-dire au
principe de citoyenneté. Cette participation se traduit par le droit de
chacun d'attendre de la collectivité sa contribution à l'effort
collectif par le paiement d'impôts ou le cas échéant, par
la participation à des activités d'intérêt commun.
Dans le cas d'espèce, la décentralisation territoriale viserait
à renforcer les initiatives locales et à impliquer les
populations dans la gestion de leurs propres affaires. Ces dernières
pouvant ainsi partager le pouvoir décisionnel avec les pouvoirs publics
dans un souci de démocratie participative. C'est dans le dessein
d'encourager cette nouvelle donne que Monsieur Jacques Chirac, (alors
Président de la République Française) à la
conférence de la Baule ouverte le 20 Juin 1990 tient un discours dont la
teneur suit : « la France liera tout son effort de contribution
aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté. Il est
évident, poursuit-il, que l'aide normale de la France sera plus
tiède en face des régimes qui se comporteraient de façon
autoritaire sans accepter d'évolution vers la démocratie, et
enthousiaste vers ceux qui franchiront le pas avec courage (Njoya, 2006 :
306).
Toutefois, bien que l'indigénisation de la
démocratie et l'exigence d'une plus grande implication des populations
à la prise de décision concernant la gestion des affaires locales
soient les objectifs le plus souvent évoqués, il apparaît
en fin de compte que ces objectifs ne seraient pourtant pertinents pour la
France que dans la mesure où ils concouraient à assurer le
contournement des arcanes bureaucratiques et partant, à favoriser la
subversion sociale par le bas.
2) Le contournement des
arcanes bureaucratiques centrales : la tendance à la subversion
sociale par le bas
Les assises de la coopération Franco-Camerounaise qui
se sont tenues les 30 Novembre et 1er Décembre 2004 à
Yaoundé (capitale politique du Cameroun) sur le thème
« faire des relations entre collectivités locales un axe
majeur de la coopération France / Cameroun » ont
été l'occasion pour les internationalistes de cerner l'un des
enjeux majeurs de la coopération décentralisée.
On peut à priori mettre à l'actif de la
coopération décentralisée une capacité
évidente à contourner les arcanes bureaucratiques traditionnelles
de la coopération administrative d'Etat à Etat. Comme le remarque
Zaki Laïdi dans le cadre de la coopération urbaine entre la banque
mondiale et l'Afrique, ayant eu des difficultés à conserver la
maîtrise de ses projets urbains en négociant avec les Etats
centraux, la banque mondiale cherche aujourd'hui à négocier sa
coopération urbaine directement avec les municipalités
(Laïdi, 1989). Il en est de même pour la Coopération
Française qui proclame que seule une nouvelle approche des
problèmes urbains par les pays intéressés et par la
communauté internationale permettra de prendre en main ces
transformations. Ce n'est pas tant au niveau central que ce sera possible, mais
en favorisant plutôt les initiatives et les contributions des habitants
et des communautés de base et en s'appuyant sur des collectivités
locales aux pouvoirs et aux moyens renforcés (Petiteville,
1995 :115). A y voir de près, les
« périphéries » deviennent un
réservoir de ressources et de matières premières où
il faut puiser avec le maximum de risque, avec ou sans l'aval de
l'autorité centrale : Il s'agit ici d'une stratégie de
pénétration "abdominale" du système, c'est-à-dire
une tendance affichée à traiter directement avec les cadets et/ou
partenaires sociaux, parfois non officiels, organisant pour ainsi dire la
"subversion sociale par le bas" (Njoya, 2006 : 322). La
professionnalisation des interventions et la valorisation des
compétences locales à l'échelle nationale et
internationale ne sont pas en reste dans cette stratégie
d'instrumentalisation de la coopération décentralisée.
PARAGRAPHE 2 :
PROFESSIONNALISATION DES INTERVENTIONS ET VALORISATION DES COMPETENCES LOCALES
A L'ECHELLE NATIONALE ET INTERNATIONALE
A- LA PROFESSIONNALISATION
DES INTERVENTIONS
La professionnalisation des acteurs ou plus largement le fait
de pouvoir s'appuyer sur des acteurs disposant d'une compétence forte et
spécifique d'organisation en amont et d'animation de la
coopération est l'un des principaux défis pour la
coopération décentralisée au développement. Le
rôle de la coopération technique a longtemps fait oublier qu'une
compétence technique ne constitue pas nécessairement une
compétence de coopération. La coopération de territoire
à territoire, politisée et appuyée sur la mobilisation
d'acteurs divers, ainsi que sa confrontation de fait à la
professionnalisation des ONG pose d'une manière nouvelle la question des
compétences humaines (ACTconsultants-GRET, 2006 :40). Le
partenariat fait le choix légitime de l'éducation et de la
formation plutôt que du pur assistanat. Il décide d'agir en amont,
sur la formation et l'information des acteurs en France, plutôt qu'en
aval en accordant des subventions dont on ne sait l'usage qu'il en sera fait
(Krykwinski, 2002 : 34). Bien des Maires africains se plaignent qu'on leur
envoie des jeunes coopérants, à la bonne volonté
indiscutable mais qu'ils doivent eux-mêmes former.
Le problème majeur auquel on est confronté ici
est celui de la difficulté d'opérationnaliser le passage d'une
coopération « d'assistance » à un partenariat
stratégique et d'appui institutionnel dû à l'insuffisance
des compétences requises de part et d'autre. La construction d'un
partenariat stratégique et l'animation de ce partenariat doivent
être le premier objectif d'une coopération
décentralisée. Dans ces domaines, l'enjeu de compétence
est très largement partageable entre les partenaires ;
généralement aucun des deux n'est au départ très
affûté : c'est donc un champ important de coopération
réciproque (ACTconsultants-GRET, 2006). Il ne s'agit plus seulement des
compétences techniques ni même de la catégorisation
technique des pans de travail mais d'une formalisation de nouveaux savoirs, de
nouvelles stratégies, de nouveaux domaines d'expertise.
Finalement, comment reconnaître les innovations, les
capitaliser et les diffuser en terme de compétences, de
savoir-faire ? Comment éviter en même temps le risque d'une
technocratisation des acteurs et des animateurs de la coopération
décentralisée ? Qu'est-ce qui relève
véritablement d'un besoin de professionnalisation des élus
locaux ?
L'enjeu prioritaire doit être ici de
répondre à la nécessité d'une approche politique et
stratégique de la coopération décentralisée et
à la recherche d'une dynamique réciproque « de
territoire à territoire ». De ce point de vue, la
professionnalisation des interventions des collectivités locales
Camerounaises serait un moyen pour leurs homologues de France à les
préparer à un éventuel partenariat stratégique de
moins en moins destructuré. Ce désir de professionnaliser les
interventions dans les "Suds" participe aussi de la politique de valorisation
des compétences locales à l'échelle nationale et
internationale.
B- LA VALORISATION DES
COMPETENCES LOCALES A L'ECHELLE NATIONALE ET INTERNATIONALE
Si le dynamisme et l'animation de la scène locale sont
importants pour des raisons avant tout locales, mais aussi dans une certaine
mesure par rapport à l'image extérieure de la ville, le
rayonnement lui, suit une logique inverse. Il est, comme son nom l'indique,
beaucoup plus tourné vers l'extérieur de la ville, mais cette
dernière en attend quand même des effets au niveau local (Albine,
2005 :99). Les collectivités locales cherchent à cultiver
cette image de marque notamment au niveau de la coopération
décentralisée. Du fait de leur engagement financier fort et en
raison de l'ancienneté de cette politique, les collectivités
françaises peuvent prétendre disposer d'une expérience et
d'une expertise qui font elles-mêmes partie de cette image de marque et
qui sont aujourd'hui reconnues au plan national comme international. Cette
politique d'image des collectivités locales par rapport à la
coopération a des retombées aussi bien sur la scène
nationale qu'à l'extérieur. Si elle se justifie par un terreau
favorable et par une volonté affichée de transparence par rapport
à l'usage des fonds publics, il n'en reste pas moins qu'elle est
utilisée principalement pour structurer un territoire et lui donner une
identité, c'est-à-dire assurer sa promotion auprès de tous
les destinataires locaux et extérieurs (Albine, 2005 : 102-103).
CONCLUSION DU CHAPITRE
2
La coopération décentralisée entre la
France et le Cameroun présente de nombreux enjeux et défis pour
les différents partenaires. Mais, dans le souci de démontrer que
cette nouvelle forme de coopération internationale pourrait faire
l'objet d'un véritable partenariat entre la France et le Cameroun, nous
nous sommes proposés d'étudier spécifiquement les enjeux
pour la France ; non pas que cette coopération ne présente
aucun enjeu ni défi pour le Cameroun, mais parce que la
démystification des enjeux et défis pour la France constitue un
important point d'attaque de la thèse selon laquelle cette
dernière ne recevrait, mieux n'attendrait rien en retour dans le
« partenariat » qui la lie au Cameroun.
Ainsi, nous avons vu que l'engagement des
collectivités françaises en relation de coopération avec
leurs homologues Camerounais est conditionné par un
« désir narcissique » de rayonnement sur la
scène internationale. Ce rayonnement passe nécessairement par la
promotion de la modernisation administrative dans les "Suds" empreinte d'une
teinte d' "occidentalisation" de l'ordre politique local10(*), subséquente des
logiques d'exportation des compétences des collectivités locales
françaises, des politiques d'images,... Ceci passe aussi par la
promotion des politiques d'aide au développement, cheval de Troie de
l'idéologie néolibérale dont les populations locales
Camerounaises reproduiraient dans une perspective réflectiviste (Roche,
2001). La professionnalisation des interventions, la promotion d'un
développement durable, la valorisation des compétences des
collectivités locales ne sont pas en reste dans ce processus
d'instrumentalisation de la coopération décentralisée.
Finalement, d'un oeil inquisiteur on pourrait dire, pour paraphraser Clausewitz
que la coopération décentralisée est la continuation de
la politique par d'autres moyens. Ceci pourrait induire dans une logique
hypothético-déductive que la coopération
décentralisée France - Cameroun est un partenariat à part
entière et même entièrement à part.
CHAPITRE 3 :
LA COOPERATION
DECENTRALISEE FRANCE-CAMEROUN : UN PARTENARIAT A PART ENTIERE ET
ENTIEREMENT A PART
Après avoir essayé de retracer la
sociogenèse et la configuration de la coopération
décentralisée France-Cameroun, après avoir
présenté ses principaux enjeux et défis, il va s'agir dans
la présente articulation de voir en quoi cette nouvelle forme de
coopération internationale entre la France et le Cameroun peut
aujourd'hui prétendre au titre de partenariat au sens strict du
terme.
La coopération décentralisée a, nous
l'avons vu, dépassé le stade du simple jumelage folklorique et/ou
protocolaire, est passée de façon saisissante à la
promotion de l'intérêt réciproque des acteurs pour un
développement durable de leur territoire dans un contexte de
mondialisation et de décentralisation (Santus, 2003 : 14). A partir
de cette étude, nous voulons vérifier si les flux
inhérents aux relations transterritoriales des collectivités
françaises et camerounaises pourraient expliquer et surtout justifier la
coopération décentralisée France-Cameroun en tant que
partenariat à part entière (section1) et même,
entièrement à part (section 2).
SECTION 1 : UN
PARTENARIAT A PART ENTIERE
Les actions de coopération décentralisée
continuent trop souvent à être conçues comme une aide d'un
territoire nanti à un territoire démuni. C'est d'ailleurs la
posture épistémologique de Charles Nach Mback pour qui la
coopération décentralisée est essentiellement un apport
des collectivités du Nord à leurs homologues du Sud (Nach Mback,
1994 :117). Pourtant, aussi paradoxale que cela puisse paraître, la
notion de partenariat insiste sur la « nécessaire
réciprocité » (Santus, 2003). Il s'agit d'une
coopération qui, bien que partie sur des bases protocolaires, s'est
étoffée tant au niveau de la technicité des actions, que
de la diversité d'acteurs, affichant à long terme l'objectif de
réciprocité et, cherchant à changer ou à corriger
le système mondial actuel (Albine, 1999 : 13). Dans cette
perspective, rendre compte de la coopération décentralisée
France-Cameroun en tant que partenariat à part entière
consisterait non seulement à l'identifier aux principales
théories de l'échange social (paragraphe 1), mais
également à la mettre à l'épreuve de la robustesse
de la réciprocité (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : THEORIES ET
CONCEPTS DE L'ECHANGE SOCIAL
Alors qu'il constitue une des dimensions essentielles de
l'anthropologie, un chapitre important de la sociologie voire de
l'économie, l'échange ne constitue pas en tant que tel un objet
ni une préoccupation reconnue de la science politique (Médard,
1995 :15). Néanmoins, l'échange politique n'est pas absente
de la littérature ; tout le courant gravitant autour de la
"political economy", du « public » ou
« collective choice » et du choix rationnel se rattache
plus ou moins directement à la notion de marché ou
d'échange politique (Claeys et Frognier, 1995). Pourtant, il suffit de
se munir des lunettes de sociologues pour décrypter la
consubstantialité de l'échange aussi bien à la vie
politique qu'à la vie sociale. Aussi nous semble-t-il que, par rapport
à l'intérêt qu'il revêt dans la coopération
décentralisée - univers relationnel essentiellement
interdépendant - ce phénomène de l'échange est
étudié à partir de certaines perspectives qui gagneraient
à être conceptualisées : il s'agit principalement des
conceptions anthropologique (A) et sociologique (B) de l'échange social.
Cependant, s'il est utile de choisir une théorie plutôt qu'une
autre et même de la pousser jusqu'à l'absurde afin de la tester et
de la soumettre aux feux de la critique, invariablement, la critique
démontre que la prétention d'une théorie à tout
expliquer aboutit à un échec. Ce n'est pas tant parce qu'une
théorie n'explique pas tout qu'elle n'explique rien. Dans le cadre de ce
travail, nous ne consacrerons pas un développement particulier à
l'économie néo-classique qui, rappelons le, repose sur le
postulat de l'« homo oeconomicus » ; celle-ci se
trouvera constamment à l'arrière-plan à la fois au titre
de modèle et d'anti-modèle.
A- LA TRADITION
ANTHROPOLOGIQUE DE L'ECHANGE SOCIAL
Les théories de l'échange social ont pendant
longtemps été influencées par l'anthropologie, notamment
à partir du traitement qu'elle réserve à l'échange
- don (2) dans les sociétés primitives. Sans doute, en
raison de l'approche holistique (1) de l'échange - don, l'anthropologie
a contribué à établir les lettres de noblesse de
l'échange social en tant que « fait social total »,
entretenant pour ainsi dire le structuralisme.
1) Le primat de l'analyse
structurelle : le « système des prestations
totales »
Pour l'analyse structurelle (holisme méthodologique),
la société (ou l'économie) ne sont pas réductibles
à la somme des individus qui la compose (Beitone ; al,
2002 :13-14). Dire d'une société qu'elle a une structure,
c'est se la représenter comme un ensemble de positions, de rôles
des groupes stratifiés liés les uns aux autres suivant un
schéma de rapports fonctionnels dans un équilibre constamment
refait. Dans le cas d'espèce, rendre compte d'un phénomène
social c'est s'interroger sur les déterminismes sociaux qui expliquent
les comportements individuels (Beitone ; al, 2002) et qui affirment le
primat des structures sur les individus : c'est la posture
épistémologique des anthropologues classiques qui ont longtemps
défendu le structuralisme tels Malinowski, Lévi-Strauss...
auxquels il convient d'ajouter Mauss avec sa notion de « fait social
total » (Mauss, [1923] 1960).
Dans les sociétés primitives, ce ne
sont pas les individus, mais ce sont les collectivités qui s'obligent
mutuellement, échangent et contractent ; les personnes
présentes au contrat sont des personnes morales, clans, tribus,
familles, qui s'affrontent et s'opposent soit en groupes, soit par
l'intermédiaire de leurs chefs (Mauss, [1923] 1960). La notion de
« fait social total » doit être entendue ici de
manière synonymique avec celle de "prestations totales" (Etienne ;
Mendras, 1999). Dans le cas sus indiqué, il y a prestation totale en ce
sens que c'est bien tout le clan, toute la tribu qui contracte pour tous, pour
tout ce qu'il possède et pour tout ce qu'il fait, par
l`intermédiaire de son chef (Etienne ; Mendras, 1999). La
théorie anthropologique de l'échange social propose
vigoureusement une conception holistique de celui-ci. Ceci est d'ailleurs plus
saisissant dans le traitement qu'elle réserve à l'échange
- don.
2) L'anthropologie de
l'échange - don
Comme le fait remarquer Jean-François Médard,
Malinowski, à propos de la Kula fut le premier à souligner la
différence radicale reconnue par les indigènes des îles
trobriand entre l'échange cérémoniel et le troc, mais
c'est à Marcel Mauss que revient le mérite d'avoir proposé
une interprétation de l'échange de dons en termes
d'échange symbolique et non plus économique (Médard,
1995 :17-34). Alors qu'il mène une réflexion sur le don en
terme d'échange dans les sociétés primitives, ce qui
paraît en faire une transaction économique comme toutes les
autres, Mauss observe que la plupart des échanges économiques se
font sous la coupe d'échanges de dons. Cependant, ces échanges de
dons ne doivent en aucun cas être réductibles à
l'échange économique.
Le « potlatch » ne peut donc
être interprété à la manière de Boas comme un
prêt à intérêt, mais comme « une
compétition agonistique dont l'enjeu est le prestige et non
l'enrichissement » : si le don appauvrit économiquement,
il enrichit symboliquement. Dans le cas d'espèce, ce que les clans
échangent, ce n'est pas nécessairement des biens et des
richesses, des meubles et des immeubles, pour tout dire des choses utiles
économiquement. Ce sont avant tout des politesses, des festins, des
rites, des services militaires, des danses, des fêtes, des foires dont le
marché n'est qu'un des moments et où la circulation des richesses
n'est qu'un des termes d'un contrat beaucoup plus général et
beaucoup plus permanent (Etienne ; Mendras, 1999). L'enjeu de
l'échange va au-delà des biens échangés. Ici,
l'obligation de rendre n'est pas de nature juridique encore moins
économique, elle est d'ordre moral : il y a bien plus dans
l'échange que les objets échangés (Lévi-strauss,
1949). Comme Claude Lévi-strauss l'a si bien démontré,
s'appuyant sur le tabou de l'inceste qui m'oblige en me refusant ma soeur, de
l'offrir à un autre pour obtenir mon épouse, l'échange
constitue en lui-même un lien social primordial (Lévi-strauss,
1949).
Finalement, dans l'échange - don apparaît en
filigrane l'idée de réciprocité, même si celle-ci
peut être considérée comme "imparfaite". C'est le point de
vue de Bourdieu pour qui, il n'existe vraiment pas de
réciprocité. Celle-ci ne correspondrait qu'à une
idéologie visant à transformer le capital économique en
capital symbolique ; le capital symbolique étant la seule forme
possible d'accumulation lorsque le capital économique n'est pas reconnu
(Bourdieu, 1980 : 201). Ainsi, pour notre auteur, l'échange est
toujours inégal et le principe de réciprocité ne serait
qu'un voeu pieux ou même une expression politiquement correcte consistant
à nier le caractère profondément inégal de
l'échange. Ce qu'il importe de souligner ici et de façon forte
c'est le principe d'équité et non d'égalité qui
prévaut le plus souvent et si une réciprocité
inégale est perçue comme équitable, ce n'est
nécessairement pas l'effet de l'idéologie (Médard, 1995).
Les analyses sociologiques de l'échange social ont été
largement influencées par la tradition anthropologique de
l'échange - don.
B- LA TRAJECTOIRE
SOCIOLOGIQUE DE L'ECHANGE SOCIAL
Alors que les théories anthropologiques de
l'échange - don paraissent en conformité avec une démarche
totalisante, les théories sociologiques de l'échange se
s'inscrivent à contrario dans une perspective empreinte d'individualisme
méthodologique (1), brouillant de ce fait le rapport entre
échange social et échange économique (2).
1) De la
nécessité d'une approche stratégique de l'échange
social
Le principe de l'individualisme méthodologique
énonce que pour expliquer un phénomène social quelconque -
que celui-ci relève de la démographie, de la science politique,
de la sociologie ou de toute autre science sociale particulière - il est
indispensable de reconstruire les motivations des individus concernés
par le phénomène en question, et d'appréhender ce
phénomène comme le résultat de l'agrégation des
comportements individuels dictés par ces motivations. Et cette
proposition est valable quelle que soit la forme du phénomène
à expliquer, qu'il s'agisse d'une singularité, d'une
régularité statistique, qu'il se traduise par un ensemble de
données quantitatives ou qualitatives etc. (Durand ; Weil,
1997 :161-162).
Contrairement au holisme méthodologique,
l'individualisme méthodologique ne surestime pas les contraintes
sociales et l'influence exercée par la société, les
classes sociales ou la structure sur le comportement des individus
(Montoussé ; Renouard, 2003). L'individu ne saurait être
appréhendé comme une pâte molle sur laquelle viendraient
s'inscrire les données de son environnement, lesquelles lui dicteraient
ensuite son comportement dans telle ou telle situation (Assogba,
1999 :45). Le comportement d'un individu n'est jamais totalement
déterminé puisqu'il peut choisir entre plusieurs systèmes
de valeurs : l'individu est un être agissant dont l'action
possède une finalité, ou plus précisément une
rationalité qui est cependant limitée. Les difficultés
rencontrées par le modèle d'un individu parfaitement rationnel
ont amené certains sociologues (Raymond Boudon, Michel Crozier...)
à proposer celui d'un individu à la rationalité
limitée tout en maintenant la primauté de l'individu sur la
structure (Montoussé ; Renouard, 2003 :66). Dans le cas
d'espèce, expliquer le comportement rationnel d'un acteur, c'est mettre
en évidence les « bonnes raisons » qui l'ont
poussé à adopter tel comportement, telle attitude ou telle
croyance étant donné son passé, les ressources et son
environnement (Etienne ; Mendras, 1999).
Dans l'analyse de ces « bonnes raisons »,
Raymond Boudon a privilégié le paradigme utilitariste selon
lequel les acteurs agissent selon leur intérêt (Durand ;
Weil, 1997). Il s'agit d'un modèle construit à partir du postulat
de l'homo oeconomicus qui traduit la volonté d'un individu de maximiser
son utilité. S'intéressant principalement aux sources des
intentions des acteurs - valeurs morales et tentant d'en rechercher les raisons
objectives - (Durand ;Weil, 1997 :166), Boudon met en place un
modèle qu'il dénomme « modèle
cognitiviste », qui s'appuie sur deux types de
rationalité :
- « rationalité instrumentale (ou
utilitaire), fondement du paradigme utilitariste qui n'explique qu'une partie
du comportement des acteurs et, qui correspond à la recherche de
l'intérêt de chacun d'eux.
- La rationalité axiologique fondée sur les sens
qu'accorde l'individu à son action ou aux raisons qui le conduisent
à adopter tel ou tel comportement (Durand ; Weil, 1997).
L'individualisme méthodologique pose qu'on ne peut
expliquer un phénomène social par une cause qui lui serait
extérieure. Pour rendre compte d'un phénomène social, il
faut partir de la motivation des acteurs. Sans doute, en raison d'une
démarche épistémologique empreinte d'individualisme
méthodologique qui, finalement, introduit la condition restrictive que
les raisons du sujet doivent pouvoir être décrites dans le seul
vocabulaire des coûts et des avantages, l'échange social peut
parfois donner l'impression d'être un échange économique
sans qu'il soit nécessairement réductible à celui-ci.
2) Du rapport entre
échange social et échange économique
Selon Peter Blau comme pour Simmel ou Gouldner,
l'échange social au sens large peut être considéré
comme sous-jacent aussi bien aux relations entre groupes qu'entre individus,
sous-jacent au conflit comme à la coopération et aux relations
distantes entre les membres d'une communauté n'entretenant pas de
contacts directs (cité par Médard, 1995 : 22-23). L'une des
spécificités de l'échange social est qu'il repose sur un
ensemble d' « actions volontaires des individus qui sont
motivées par les avantages en retour qui sont
anticipés ». Dans le cas d'espèce, l'échange
social est un pari sur la réciprocité, il doit donc être
orienté vers des fins qui ne peuvent être réalisées
que par l'interaction avec d'autres personnes. Ces fins, à entendre Jean
François Médard peuvent être expressives ou instrumentales,
selon qu'elles sont orientées vers la poursuite de récompenses
immédiates ou celle de valeurs ultérieures (Médard,
1995 : 20-23).
Les théories sociologiques de l'échange social
ont subi une influence non négligeable de l'anthropologie
générale notamment à partir du traitement que Marcel Mauss
réserve à l'échange - don. C'est d'ailleurs ce qui
explique l'importance de la notion de réciprocité ainsi que
l'homologie qu'on observe entre échange social et échange des
dons à la seule différence que dans l'échange social, il
n'y a pas le plus souvent d'échange de dons au sens de cadeaux. Il
s'agit plutôt d'échanges non matériels que
matériels, informels que formels, mais la double nature symbolique et
sociale de l'échange de dons est présente dans cet
échange. Ce changement de perspective - passage de l'anthropologie
à la sociologie - n'est pas nécessairement propre à des
postures épistémologiques différentes liées
à une discipline scientifique ou à une culture nationale :
« constater que les sociétés modernes sont beaucoup
plus différenciées que les sociétés "primitives"
relève d'un constat empirique qui ne présuppose pas à une
quelconque allégeance à l'évolutionnisme »
(Médard, 1995).
Les théories usuelles de l'échange social, nous
l'avons vu, dans la mesure où elles se fondent sur l'individualisme
méthodologique, partent du postulat de la rationalité des
acteurs. Dans cette perspective, elles transposent une démarche
économique à des comportements non économiques.
Finalement, elles vont appliquer au domaine social les postulats fondateurs de
l'économie néo-classique que l'on résume sous l'expression
« homo oeconomicus ». Dans la mesure où les
partenaires de l'échange social poursuivent des intérêts
réciproques (sinon il n'y aurait pas échange), dans la mesure
où ils envisagent des bénéfices et des coûts, y
compris des coûts d'opportunité, l'échange social se
rapproche de l'échange économique mais la signification des biens
économiques ne se réduit pas à celle des biens
matériels ; elle inclut les biens sociologiques. S'il est admis que
la sociologie de l'échange social a longtemps été
influencée sinon contaminée par une analyse de type utilitariste,
il ne faut pas aller jusqu'à confondre les deux types d'échanges.
Les échanges économiques reposent sur une obligation
contractuelle alors que les échanges sociaux s'appuient sur une base
morale. De plus, la théorie néo-classique n'a pas affaire
à des acteurs mais à un marché, alors que dans les formes
variées de la théorie de l'échange social, la relation
longitudinale d'échange est le concept central autour duquel la
théorie est organisée (Emerson, 1976). Vu sous cet angle, l'enjeu
central de l'échange social ce n'est donc ni un échange de biens
au sens large du terme, ni même un échange de services, mais c'est
l'établissement et la préservation de la relation sociale.
Cette ambiguïté que l'on rencontre chez les
théoriciens de l'échange constitue un reflet de la
réalité sociale et pas seulement une maladresse de leur part.
aussi faut-il affirmer la spécificité de l'échange social
sans évacuer pour autant la prise en considération de sa
dimension économique (Médard,1995 : 28). C'est d'ailleurs ce
que fait Bourdieu (1980) dans la mesure où il réduit l'analyse
des pratiques symboliques à une « économie des
pratiques symboliques ».
C) LES PARADOXES DE
L'ECHANGE SOCIAL
Très souvent, on convoque un vocabulaire
essentiellement dichotomique pour caractériser l'échange. Aussi
utilise-t-on les catégories d'échange social / échange
économique, échange matériel / échange symbolique,
choix rationnel / choix irrationnel, microsociologie / macrosociologie ... Nous
pensons qu'il est intéressant, d'un point de vue heuristique, de
dépasser ces analyses manichéennes en considérant au moins
certaines d'entre elles comme des paradoxes, c'est-à-dire au sens d'Yves
Barel comme des logiques doubles. Ainsi, l'échange - don de Marcel Mauss
dont les exemples les plus patents sont la "Kula" et le "potlatch"
(Etienne ; Mendras, 1999 : 102-103) présente le paradoxe d'un
don en principe généreux et gratuit, mais en
réalité intéressé, en principe volontaire mais en
réalité obligatoire.
On se souvient à juste titre que lorsque Marcel
Mauss sous-titrait l'Essai sur le don, « Essai sur les formes
archaïques du contrat », il était convaincu à
l'issu d'une recherche ethnographique bien menée que le don était
fait avec la certitude qu'il serait rendu. Emboîtant le pas à
Mauss, Emerson conclut qu'un grand nombre des comportements
considérés par la théorie de l'échange ne sont pas
motivés explicitement par les avantages qu'ils sont censés
apporter. Et pourtant, paradoxalement, de tels comportements
généralement entraînent ces avantages en retour (Emerson,
1976 :340). On ne peut se contenter d'une étude dichotomique de
ces deux types d'échange considérés comme des
idéaux (Médard, 1995). Il faut donc prendre acte de la
contradiction sans surestimer ou mésestimer l'un ou l'autre.
Dans le même ordre d'idées, nous refusons de
nous laisser enfermer dans cette « cage de fer » (Braud,
2001) qui voudrait que l'échange soit analysée d'un
côté à partir d'une perspective holistique (qui met
l'accent sur les déterminismes sociaux) et de l'autre à travers
celle de l'individualisme méthodologique (qui repose sur
le postulat de l'homo oeconomicus) ; on observe à contrario un
va et vient permanent entre les deux niveaux d'observation de la
réalité. Nous considérons donc que l'acteur est à
la fois rationnel et irrationnel et qu'il faut prendre acte à la fois du
pouvoir structurel et de l'action stratégique.
Quoi qu'il en soit, l'essentiel ici pour le politiste c'est
de reconnaître la fonction de l'échange, c'est de rendre compte du
principe de réciprocité inhérent à l'échange
social. Au regard de ces différentes théories de l'échange
social, peut-on déceler les gênes de réciprocité
dans la coopération décentralisée France-Cameroun ?
Si oui, comment comprendre cette nouvelle forme de coopération
internationale entre la France et le Cameroun ?
PARAGRAPHE 2 : LA
COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE-CAMEROUN A L'EPREUVE DE LA ROBUSTESSE DE LA
RECIPROCITE
La notion de coopération s'oppose à celle de
conflit. Théoriquement, elle peut être définie comme un
mode de relations internationales qui implique la mise en oeuvre d'une
politique poursuivie pendant une certaine durée de temps et
destinée à rendre plus intimes, grâce à des
mécanismes permanents, les relations internationales dans un ou
plusieurs domaines déterminés sans mettre en cause
l'indépendance des unités concernées (Gonidec, 1974 :
390-396). A cette première définition de la coopération,
que nous propose Jean François Gonidec, nous pouvons en ajouter une
autre.
En effet, le terme coopération a succédé
à beaucoup d'autres tel que celui d'aide aux pays sous
développés ou en voie de développement (Essama,
1984 : 47), il y a dans ces variations quelque chose de réel. Dans
une politique de coopération avec les pays en voie de
développement, ceux qui donnent et ceux qui reçoivent doivent
faire des échanges dans lesquels chacun apporte quelque chose à
l'autre11(*) car la
« coopération fondée sur la réciprocité
peut être un facteur créateur d'ordre en soi » (Axelrod,
1992 : 171). Cette démarche nous semble opératoire dans le
cadre des jumelages franco-Camerounais dans la mesure où la logique du
« Donnant - Donnant » y serait sinon totalement parfaite du
moins présente. Pour s'en convaincre, peut-être serait-il
intéressant d'identifier la question de la réciprocité (A)
à partir des transactions collusives inhérentes à cette
nouvelle forme de coopération internationale entre la France et le
Cameroun (B).
A- LA QUESTION DE LA
RECIPROCITE
1) Le principe de
réciprocité
L'échange social est un pari sur la
réciprocité. Cette notion exprime le fait que la
coopération repose sur la logique du « donnant -
donnant » qui consiste à donner mais aussi à recevoir.
On ne peut la concevoir comme une aide à sens unique du Nord vers le
Sud ; c'est pourquoi la question de la réciprocité ne
relève pas nécessairement du financement puisque la
coopération décentralisée est avant tout financée
par la France (Albine, 1999). Les effets retours (Allou ; Di Loreto, 2000)
du Sud vers le Nord sont d'une toute autre nature (Albine, 1999 : 48).
L'apport des collectivités locales camerounaises à leurs
homologues de l'hexagone est plus indirect comme le lien social (Lévi
Strauss, 1949) que peut créer la mobilisation citoyenne autour d'un
projet.
La réciprocité est alors sans doute
présente si on fait abstraction de la différence de nature entre
les échanges. En effet, on apprend toujours de l'autre, de sa culture ce
qui peut constituer en soi un échange. Néanmoins, il faut
constater que le plus souvent, cette réciprocité se fait au
travers d'actions symboliques. Des biens symboliques comme le prestige ou le
pouvoir peuvent, nous le savons bien, s'échanger contre des biens
matériels. Les biens matériels eux-mêmes sont à des
degrés variables des supports de symboles alors que les produits
symboliques ne peuvent se passer totalement de supports matériels.
L'échange social au sens plein du terme n'implique pas
nécessairement la circulation des biens de nature économique. Il
se réfère à des valeurs rares, qu'il s'agisse du prestige,
de l'honneur ou du pouvoir. Ces biens symboliques et non économiques au
sens substantif du terme relèvent en partie d'une logique de la
rareté quand bien même ils ne sont pas traduisibles en prix
(Médard, 1995 : 29).
En sortant de l'apport concret pour entrer dans le retour
immatériel, doit-on nécessairement réduire la notion de
"réciprocité" à une idéologie comme le fait
Bourdieu (1980) lorsqu'il affirme qu'il n'y a jamais vraiment
réciprocité car l'échange est toujours
inégal ? N'est-elle qu'« un voeu pieux ou même une
expression politiquement correcte consistant à nier le caractère
profondément inégal de l'échange » (Allou ;
Di Loreto, 2000 : 104 - 107) ?
La complexité de cette question tient au
caractère polymorphe du terme réciprocité que chacun
comprend finalement à sa façon. Il est évident que la
réciprocité ne peut se réduire à des
opérations comptables encore moins au financement. Il s'agit à
contrario de « s'enrichir et de progresser ensemble, c'est trouver
ensemble des réponses à des enjeux de développement
commun » (Allou ; Di Loreto, 2000). Il serait
particulièrement intéressant de noter que cette notion de
réciprocité est un vocabulaire propre à la
coopération Nord-Sud, alors qu'il ne se pose pas dans la
coopération Nord-Nord comme si cette notion avait pour objet de masquer,
de pallier, de rééquilibrer un échange jugé quoi
qu'il en soit inégal. Dans tous les cas, l'essentiel ici c'est de
reconnaître que dans le cadre de la coopération
décentralisée Nord-Sud, les objets échangés ne
peuvent pas être de même nature. C'est d'ailleurs pourquoi parfois
l'apport du Nord peut être matériel et donc quantifiable alors que
celui du Sud est immatériel. Raymond Aron avait été
frappé par cet aspect des choses ; il s'attacha tout d'abord
à démontrer que la politique ne pouvait jamais prétendre
être rationnelle. D'après lui, l'erreur commise par ses
prédécesseurs résidait dans le choix d'une
définition trop étroite de l'intérêt. Originellement
envisagé en termes purement matériels, l'intérêt
pouvait dans ces conditions être quantifié et rationalisé.
Une décision politique était donc jugée rationnelle quand
son coût était inférieur au profit attendu, or
« le coût et le profit d'une guerre ne sont pas susceptibles
d'une évaluation rigoureuse » (Roche, 2000 : 106-107).
L'Etat peut certes poursuivre des objectifs matériels tels
l'accroissement de sa richesse, la soumission d'une population voisine, ou
la conquête de nouveaux territoires. Encore faut-il ajouter à
ces intérêts matériels la notion d'intérêts
immatériels, les ambitions historiques d'une nation intègre
également des buts non susceptibles d'être quantifiés tels
la recherche de la puissance, la poursuite de la gloire ou encore le triomphe
d'une idée. Que les hommes puissent mourir pour des principes abstraits
conduisit Raymond Aron à considérer que la politique
n'était jamais totalement raisonnable.
Dans le cadre de la coopération
décentralisée, très souvent on attribue aux
collectivités locales Camerounaises un savoir-faire en terme
d'ingénierie sociale, notamment la participation citoyenne, l'animation
des quartiers, etc. C'est ici que la réciprocité est
appréciée par certains Maires à son juste titre.
C'est dans cette mouvance que le Maire de Tigeaux rencontrera un accueil
particulièrement enthousiaste des populations de la localité
d'Akoeman qui auraient minutieusement constitué des groupes de danses
folkloriques à l'occasion de cette visite et fait exécuter la
« Marseillaise » par le chef de village
« Akoezolé » et ses administrés.
Les « effets retours » dans le partenariat
France-Cameroun ne peuvent être de même nature car les attentes et
les moyens de chacun ne sont pas les mêmes : la notion de
partenariat qui implique un échange de prestations au service des
intérêts mutuels des parties est donc bel et bien effective.
D'ailleurs, elle transparaît également dans la dimension
internationale de l'interdépendance.
2) La dimension
internationale de l'interdépendance
Gilles Breton écrit que l'espace au sein duquel chacun
de nous évolue quotidiennement ne coïncide plus avec celui
défini par les frontières de nos sociétés
d'appartenance. Nous sommes désormais inscrits dans des relations
sociales ou rapports sociaux, qu'ils soient culturels, économiques,
politiques ou autres, qui n'ont pas du tout la même délimitation
socio-spatiale et cette possibilité qui nous est offerte de nous
inscrire dans un nombre plus grand de lieux d'appartenance qui sont
eux-mêmes éclatés spatialement est le résultat d'un
ensemble de processus sociaux qui se condensent dans ce qu'il est convenu
d'appeler la globalisation (Efangon, 2000 : 184).
La coopération décentralisée s'est
développée nous l'avons vu, dans un univers relationnel
essentiellement interdépendant. Michel Crozier et Erhard Friedberg ont
tenu à faire le distinguo qu'il y a entre "interaction" et
"interdépendance". Il y a interaction entre acteurs lorsqu'ils sont ou
se sentent liés par des fonctions complémentaires. Il y a
interdépendance de ces acteurs à l'intérieur d'un contexte
global ; cependant dans l'interaction, un des acteurs peut cesser de se
sentir complémentaire de l'autre, tandis que dans l'organisation ils
doivent le demeurer (Crozier ; Friedberg, 1977: 144).
Dans le cadre des théories de l'interdépendance,
Norbert Elias semble faire figure de précurseur dans les années
70 (Efangon, 2000 : 199-200). Il analyse la société en terme
de configuration c'est-à-dire comme une figure mouvante et changeante et
souligne la différence de vulnérabilité d'un même
Etat selon différents domaines de la compétition
internationale : dans chaque secteur considéré, un jeu
spécifique s'y déroule, une hiérarchie particulière
s'y établit. Un Etat puissant dans le domaine (de l'ingénierie
urbaine par exemple) peut ne pas l'être dans un autre (ingénierie
sociale). Finalement, dans un monde caractérisé par l'entre-
croisement des réseaux et des intérêts, il n'y a plus de
puissance au sens gramscien du terme. L'échange social recouvre une
séquence d'actes créateurs de phénomènes
d'interdépendances. Ce qu'il faut souligner ici et de façon forte
c'est le caractère interdépendant des différents acteurs
de la coopération : les collectivités locales
françaises jouissent d'une expertise en matière
d'ingénierie urbaine qu'elles partagent avec leurs homologues
camerounais, de même, celles-ci disposent d'une expertise en
matière d'ingénierie sociale qu'elles partagent avec
celle-là et vice versa.
Soulignons tout de même que dans un système
d'interdépendance entre "acteurs inégaux", la relation est
nécessairement asymétrique (réciprocité imparfaite)
mais nul ne peut complètement imposer sa volonté (domination
incomplète). Les collectivités françaises et Camerounaises
s'obligent mutuellement. Ceci est d'ailleurs apparent dans les transactions
collusives entre les collectivités locales françaises et
camerounaises.
B- SOCIOLOGIE DES
TRANSACTIONS COLLUSIVES INHERENTES A LA COOPERATION DECENTRALISEE
Le concept de « transactions collusives »
est utilisé par Michel Dobry pour traduire des systèmes sociaux
« complexes » qui se caractérisent par la
multiplicité et l'enchevêtrement en leur sein, de sphères
sociales, secteurs ou « champs » différenciés
les uns des autres, plus ou moins autonomes, fortement
institutionnalisés et dotés de logiques sociales
spécifiques à chacun d'entre eux (Dobry, 2002 : 103-120).
Dans la présente articulation, nous proposons
de faire une sociologie fine et détaillée des transactions
collusives inhérentes aux relations transnationales des
collectivités locales c'est-à-dire, dans le cadre de la
présente étude, d'identifier l'apport concret des
collectivités locales camerounaises (1) à leurs homologues
français, mutatis mutandis (2).
1) L'apport des
collectivités locales camerounaises
Marcel Rudloff, alors président du conseil
régional d'Alsace affirmait péremptoirement que la région
d'Alsace n'a pas vocation à devenir un organisme charitable d'aide au
tiers-monde. Elle s'ouvre aux pays en développement pour des raisons
sociales et économiques (Nach Mback, 1994 : 180-185). Sans aucun
doute, en raison de la difficulté à identifier ces
intérêts sociaux et économiques des collectivités
françaises à partir des accords et conventions, certains
africains (populations, associations, employés et élus
municipaux) sont enthousiasmés par l'intérêt que leur
portent leurs homologues Français. Ils y voient des marques de
confiance, d'amitié, d'engagement humain et moral ; une
démarche généreuse d'ouverture à leur mode de vie
et à leur culture ; des préoccupations réconfortantes
quant à leurs perspectives de développement, une volonté
qu'ils jugent rare, de prise en compte de leurs besoins à la base
(Petiteville, 1995 : 261).
Pourtant, suivant le conseil de Georges Washington (1732 -
1799) selon lequel « aucune nation ne doit être crue au
delà de ses intérêts », on remarquera que les
flux de la coopération décentralisée que reçoivent
les collectivités locales camerounaises de la part de leurs homologues
de l'hexagone seraient empreints d'une logique de rentabilité que nous
nommerons volontiers ici « contrepartie ». Cette
contrepartie peut être appréhendée en terme d'ouverture
d'espaces de commerce pour les entreprises locales en France, de lutte
contre le chômage en France, d'organisation d'un cadre d'exploitation
des essences des forêts Camerounaises dont la démarche pourrait
être initiée par la collectivité locale camerounaise en vue
de constituer un appât à la formalisation des liens de
coopération décentralisée (Mvondo, 2006).
- La coopération décentralisée comme
nouvelle technologie de conquête des débouchés au Cameroun
est d'une importance significative pour les collectivités
françaises. A en croire Charles Nach Mback, les missions alsaciennes de
prospection et d'évaluation de Juin et Septembre 1986 à Douala et
à Nyée ont permis de mettre en évidence des
opportunités commerciales dans des secteurs tels que
l'électricité, l'électronique, le téléphone,
la mécanique et l'agro-alimentaire. Le projet d'électrification
de Nyée a ainsi été réalisé par un organisme
alsacien, l'association L. Baldner. D'autres entreprises ont déjà
étudié leur implantation compte tenu des
« marchés ciblés » selon l'expression de
Marcel Rudloff (Nach Mback, 1994 : 183 - 184). On se souvient
également à juste titre que le président Rudloff demandait
un crédit de 75.000 FF pour favoriser une meilleure
pénétration dans les marchés locaux des produits alsaciens
présents au Cameroun. Partant de l'hypothèse selon laquelle
« la ville de Douala avait bénéficié d'un
financement de près d'un million de francs pour réaliser des
infrastructures et souhaitait bénéficier d'une assistance
technique, Marcel Rudloff suggérait qu'une mission soit menée
pour estimer les besoins et voir de quelle manière une telle assistance
qui ne peut qu'avoir des retombées favorables à l'économie
régionale, serait réalisable » (Nach Mback, 1994 :
184). Sous cet angle, les collectivités locales camerounaises offrent
à leurs partenaires de l'hexagone des possibilités de trouver de
nouveaux marchés ou débouchés sur le plan
international : la coopération décentralisée peut
être un puissant levier à terme pour développer le commerce
extérieur.
- De même, la tendance croissante de certaines
municipalités françaises à affecter aux chantiers des
populations des jeunes français en difficulté d'insertion sociale
peut donner l'image d'une coopération utilisant l'Afrique en
général et le Cameroun en particulier comme banc d'essai,
palliatif ou exutoire aux problèmes d'intégration sociale en
France (Petiteville, 1995 : 265). C'est le cas de la coopération
décentralisée entre la région d'Alsace et la
communauté urbaine de Douala (C.U.D) où certains responsables
locaux se plaignent de ce que leurs homologues français leur font
parvenir des jeunes coopérants à la bonne volonté
indiscutable mais qu'ils doivent eux-mêmes former.
- Dans le même ordre d'idées, ce n'est un secret
pour personne, les forêts camerounaises présentent un
intérêt particulièrement saisissant aux yeux des
collectivités françaises. Dans le cadre de la coopération
rurale, ces forêts sont généralement mises en valeur par
l'élu local et sa collectivité pour s'assurer de
l'établissement des liens de coopération avec son homologue de
l'hexagone.
Au regard de ce qui précède, l'on est
tenté de conclure que la collectivité locale camerounaise apporte
bel et bien quelque chose de concret à la collectivité locale
française même si cet apport peut être
considéré comme "relatif"si l'on se situait dans une perspective
essentiellement économiciste. On ne peut donc conclure de façon
péremptoire à la « misère du
partenariat » (Nach Mback, 1995 : 177) car l'engagement des
différentes collectivités locales serait empreint de logiques de
rentabilité fussent-elles économique ou sociologique. D'ailleurs,
ne dit-on pas souvent que le Maire de la commune urbaine de Tigeaux
(France), reçu deux fois entre 2001 et 2004 à Akoeman dans
le cadre du partenariat qui lie sa collectivité à celle d'Akoeman
(Cameroun), aurait laissé découvrir son entreprise
proxénitiste à travers le prétexte d'un projet de
réinsertion scolaire et professionnelle des jeunes filles issues de la
localité d'Akoeman qu'il faisait recruter lors de ses différents
voyages (Mvondo, 2006 : 111) ?
L'essentiel pour le politiste ici c'est de reconnaître
la valeur, le poids de la contrepartie fut-elle imparfaite. Curieusement, les
intérêts des collectivités locales françaises en
relation de partenariat au Cameroun à partir des différents
accords de coopération décentralisée sont moins
évidents sans être moins importants. Qu'en est-il des
collectivités locales camerounaises ?
2) L'apport des
collectivités locales françaises
Presque tous les accords passés entre les
collectivités locales françaises et leurs homologues du Cameroun
portent sur l'aide, l'investissement que celles-là apportent à
celles-ci. La coopération décentralisée est ainsi
caractérisée par le partenariat qui à son tour ne
mentionne que les apports de l'un (seul) des partenaires (Nach Mback, 1995). A
titre d'illustration, il est clairement établi dans la convention Nantes
- Dschang (qui repose sur un projet touristique) en son article 3 que la
ville de Nantes s'engage à verser à son homologue du Cameroun une
subvention qui s'élève à 47.300 € (quarante sept
mille trois cent euros), somme qui sera non révisable dans le cadre de
la réalisation du « projet tourisme » dont le
montant global s'élève à 85.600 € (quatre vingt cinq
mille six cents euros) pour le compte de l'exercice 200412(*). C'est l'occasion de rappeler
que cette convention ne fait nulle part mention de l'apport de la ville de
Dschang.
Comme nous l'avons vu, ceci ne veut pas dire que la ville de
Dschang n'apporte rien à son homologue de l'hexagone. Tout au contraire,
l'"encapsulation" des intérêts des collectivités
françaises (qui existent bel et bien) traduit la volonté de
celles-ci de réduire cette coopération à l'assistanat,
à un partenariat déséquilibré qui ne
privilégierait que l'apport de l'un (seul) des partenaires, ce qui est
un leurre.
De façon laconique, disons simplement que la France
intervient auprès des communautés urbaines de Yaoundé et
Douala par le programme d'appui au développement des villes de Douala et
Yaoundé (PADUDY) et auprès des communes Camerounaises dans le
cadre des contrats de ville. C'est dans ce contexte qu'on assiste
généralement au transfert de savoir et savoir-faire en
matière d'ingénierie urbaine de développement
économique local, d'affectation des financements aux projets de
développement au profit des collectivités camerounaises. Dans
l'appui au service voirie apporté par la ville de Mulhouse à la
ville de Douala par exemple, l'apport de la collectivité
française repose sur la formation d'un cadre de la C.U.D reçu en
stage, et la livraison d'un engin d'entretien des routes. Il est clair que, ne
serait-ce qu'à partir des différentes conventions, les
collectivités locales françaises apportent beaucoup d'un point de
vue quantitatif dans les transactions avec leurs homologues Camerounais mais,
cela ne doit pas nécessairement conduire à mésestimer
l'apport fut-il symbolique de celles-ci.
Toutefois, il serait peut être aussi important de
souligner la spécificité de la coopération
décentralisée France-Cameroun par rapport aux autres formes de
coopération internationale
SECTION II : UN
PARTENARIAT ENTIEREMENT A PART
L'hypothèse que nous avançons dans cette
articulation est celle de la spécificité de la coopération
décentralisée par rapport à la coopération
interétatique dans un cadre général (paragraphe 1) et,
surtout, l'originalité du partenariat France - Cameroun qui laisse
entrevoir des logiques de subordination de cette nouvelle forme de
coopération internationale à la coopération
interétatique (paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : DU RAPPORT
ENTRE COOPERATION DECENTRALISEE ET COOPERATION BILATERALE
En comparaison à la coopération
interétatique qui est d'abord et surtout une coopération d'Etat
à Etat, mobilise les assistants techniques permanents, engage des
financements lourds ou de grands projets à long terme, la
coopération décentralisée n'est ni un instrument nouveau
de la coopération, ni un secteur nouveau de la coopération, mais
une approche nouvelle de la coopération avec ses méthodes et ses
moyens spécifiques (Nach Mback, 1994).
En effet la principale vertu de la coopération
décentralisée est l'esprit de partenariat qui l'anime. Les
collectivités du Nord et les organismes qu'elles mobilisent apportent
à leurs partenaires du Sud leurs compétences professionnelles
dans une relation de face à face, de coopération (Nach Mback,
1994 :9). Les principales caractéristiques de la coopération
décentralisée (A) montrent une évolution du système
d'acteurs et des modalités d'action (B).
A- LES PRINCIPALES
CARACTERISTIQUES DE LA COOPERATION DECENTRALISEE
D'après le rapport sur la
« coopération décentralisée pour le
développement urbain » proposé par ACT Consultants -
GRET (2006), la coopération décentralisée présente
quatre caractéristiques majeures : c'est une coopération de
territoire à territoire, une coopération politique de maire
à maire, une coopération transversale qui repose sur la
réciprocité. Mais, la coopération
décentralisée est avant tout une coopération de territoire
à territoire.
- La notion de territoire est entendue ici au sens du
périmètre approprié par un système d'acteurs et
d'actions et identifié par un pouvoir institutionnel. Elle recouvre
à la fois une géographie - en premier lieu administrative au sens
de la collectivité territoriale - et une prise en compte de l'ensemble
des acteurs locaux. La coopération décentralisée s'inscrit
dans une « dynamique de développement local »,
dynamique de plus en plus reconnue aujourd'hui comme composante du
développement (ACTconsultants-GRET, 2006 :45). Cette
coopération renvoie inévitablement à la prise en compte et
à l'articulation de différentes échelles sociales et
spatiales.
- La coopération politique de Maire à Maire
place de fait la question du pouvoir local au coeur de la coopération
décentralisée et de ses objets. Nous avons vu que le
critère d'existence de la coopération décentralisée
demeure l'intervention d'un élu local ou d'une collectivité
locale fut-elle indirecte car, dans le cas contraire, le concept de
coopération décentralisée deviendrait une expression
galvaudée, ouverte à toutes formes de coopération
associatives, commerciales, techniques (Petiteville, 1995). La question du
pouvoir local qui est au coeur de la coopération
décentralisée est déclinée par les
collectivités locales selon deux axes étroitement liés
à savoir le renforcement du pouvoir local et de ses moyens
d'action : c'est la problématique de l'appui institutionnel, le
développement de la citoyenneté et de la participation :
c'est la problématique de la démocratie locale et du
développement partagé (ACTconsultants-GRET, 2006 : 45).
- La coopération décentralisée est aussi
une coopération « transversale » du moins en
principe et en tendance si ce n'est pas toujours le cas en
réalité. C'est une coopération orientée par la
demande plus que par l'offre, elle procède d'une identification
attentive des besoins de développement de la collectivité tierce
et de la mise en oeuvre d'un réel partenariat. Cette démarche
permet la mise en oeuvre d'une approche transversale du développement
local à partir de laquelle les objets précis de
coopération sont définis au fur et à mesure de la mise en
oeuvre du partenariat (ACTconsultants-GRET, 2006 : 46).
- Enfin, c'est une coopération de
réciprocité parce qu'elle doit être justifiée aux
yeux des citoyens par les avantages qu'ils en retirent des deux
côtés et, parce qu'elle met en jeu des dynamiques de
développement local, qui ne peuvent être construites qu'au regard
des spécificités de chaque territoire. Au regard des
caractéristiques de cette nouvelle forme de coopération
internationale, l'on peut noter une évolution du système
d'acteurs et des modalités d'action.
B- UNE EVOLUTION DU SYSTEME
D'ACTEURS ET DES MODALITES D'ACTION
Alors que la globalisation et/ou la mondialisation peuvent
donner le sentiment aux citoyens - et aux élus eux-mêmes - que le
pouvoir politique n'exerce plus qu'une influence restreinte, la
coopération décentralisée contribue à construire un
nouvel espace politique, à l'échelle même de cette
mondialisation, au sein duquel des actions conjointes peuvent renforcer les
capacités des exécutifs locaux. Dans la même veine, la
coopération décentralisée crée des espaces
d'initiatives et de mobilisation de la société civile, de
dialogue entre les actions institutionnelles et associatives. Elle est
perçue par les élus comme pouvant contribuer au renouvellement de
leurs relations avec les citoyens, à l'enrichissement de la
démocratie locale à travers des enjeux et des actions
partagées (ACTconsultants-GRET, 2006 : 28). Même s'il est
vrai que les collectivités locales sont des organisations politiques,
leurs motivations sont plutôt humanitaires. Ce point de départ
fait qu'elles basent leurs projets sur la participation communautaire et sur
une direction locale, qu'elles écoutent et finalement tirent les
leçons. Mais ce n'est pas tant à cause de leur
« humanitarisme » qu'elles réussissent, mais leur
« humanitarisme » les entraîne vers certains modes
d'action qui se trouvent être les moyens les plus efficaces de motiver
les gens et de répandre de nouvelles idées (Ekoumou, 1991). Le
danger ici serait alors d'invalider les politiques qui marginalisent la masse
laborieuse de la société : c'est la problématique de
la coopération non-étatique qui a pour souci premier la
préservation des intérêts de la population locale.
Toutefois, au regard de la convention cadre France-Cameroun
pour la coopération décentralisée, la "coopération
décentralisée" ne serait elle qu'un habillage juridique, un
artifice consistant à faire passer la coopération
interétatique pour une coopération entre collectivités
locales, par conséquent dissimuler le réel ?
PARAGRAPHE 2 : LA
SUBORDINATION DE LA COOPERATION DECENTRALISEE A LA COOPERATION
INTERETATIQUE : ANALYSES A PARTIR DE LA CONVENTION - CADRE
FRANCO-CAMEROUNAISE POUR LA COOPERATION DECENTRALISEE.
Certains domaines des Relations Internationales connaissent
classiquement des accords conclus entre des représentants
d'administration ou de personnes morales de Droit public. C'est par exemple le
cas de la convention - cadre Franco-Camerounaise pour la coopération
décentralisée (Ekoumou, 1991). Elle a été
signée le 20 Novembre 1990 non par les personnes publiques
intéressées à savoir les collectivités locales mais
par le Ministre Français de la Coopération et du
Développement (Jacques Pelletier) et l'Ambassadeur extraordinaire et
plénipotentiaire de la République du Cameroun en France (Nko'o
Etoungou).
Martin Finken (1996) y voit une contradiction entre cet
accord signé entre Etats et la notion de coopération
décentralisée qui intéresse au premier chef les
collectivités locales (Finken, 1996 : 69). En
réalité, la signature de la convention - cadre
Franco-Camerounaise relative à la coopération
décentralisée n'a pas par elle-même crée un
mouvement d'impulsion, ni lancer un nouveau mode d'action. Elle s'inscrit
simplement dans la volonté des Etats d'encadrer cette nouvelle forme de
relations internationales pour finalement l'intégrer dans sa propre
politique de coopération internationale : c'est la
problématique de la subordination de la coopération
décentralisée à la coopération classique.
En effet, l'exégèse de la convention-cadre de
1990 relative à la coopération décentralisée,
à partir de son cadre organique (A) laisse transparaître le
rôle passif des collectivités locales (B) qui deviennent
finalement des acteurs mineurs dans le processus de décentralisation de
la coopération internationale.
A- LE CADRE ORGANIQUE DE LA
CONVENTION-CADRE
Nous nous proposons d'étudier dans la présente
articulation les principaux constituants de la convention-cadre.
En effet, cette convention fait de la grande commission mixte
Franco-Camerounaise de coopération l'instance suprême de
définition de la coopération décentralisée.
Pourtant, comme le fait remarquer Nach Mback (1994 : 57), cette grande
commission est un instrument de la coopération classique (1) et la
sous-commission de liaison pour la coopération
décentralisée n'en est qu'un bras séculier (2).
1) La grande commission
mixte, un instrument de la coopération bilatérale
La commission mixte est un instrument diplomatique liant des
Etats (Tonye, 1989 : 17). Selon le dictionnaire de la terminologie du
droit international, la commission mixte est un organe crée par deux ou
plusieurs Etats qui en désignent chacun de leur côté, les
membres [...] et chargé d'examiner et de régler par voie
d'entente (commission mixte de caractère diplomatique), soit par
décision à caractère obligatoire pour les Etats
(commission mixte de caractère arbitral) les questions qui leur sont
soumises (cité par Tonye, 1989 : 16).
Il existe donc deux types de commissions mixtes : les
commissions mixtes de caractère diplomatique se chargent des questions
de politique internationale entre les Etats membres alors que celles de
caractère arbitral s'attachent à régler les
différends entre les Etats membres. La notion même de commission
mixte vient de ce que les Etats y sont représentés par leurs
délégués respectifs. De fait, « l'introduction
de la technologie des commissions mixtes dans la diplomatie Camerounaise trouve
son origine dans la pratique par la France coloniale de la mise en place dans
ses territoires d'outre-mer, d'une étroite coopération
bilatérale dans les domaines économique, financier, culturel et
technique. Cette pratique dont le but était de visser les territoires
coloniaux et de les assimiler à la métropole a chevauché
les indépendances à travers les accords passés entre la
France et les nouveaux Etats indépendants d'Afrique Francophone
dès 1960. Ces accords prévoyaient toujours des procédures
d'information et de consultation mutuelles ainsi que des réunions
périodiques pour harmoniser les positions sur des sujets
d'intérêt mutuel » (Nach Mback, 1994 : 58).
La grande commission mixte Franco-Camerounaise de
coopération décentralisée appartient au registre des
commissions mixtes de caractère diplomatique. Elle est la continuation
de la coopération interétatique et dépend
entièrement des autorités étatiques des deux pays.
Créée par un « protocole entre le gouvernement de la
République Unie du Cameroun et le gouvernement de la République
Française »13(*), gérée par le Ministère des
Affaires Etrangères en France et celui des Relations Extérieures
au Cameroun, la grande commission mixte Franco-Camerounaise est chargée
d'examiner l'ensemble des problèmes se rapportant à la
coopération Franco-Camerounaise, les orientations et les impulsions qui
pourraient se révéler nécessaires.
En tout état de cause, il se dégage à la
lecture des textes une constance : les commissions mixtes s'occupent des
questions liées aux relations intergouvernementales. D'ailleurs,
l'accord créant la commission mixte Cameroun - Grande Bretagne
signé le 1er septembre 1987 à Yaoundé par
exemple dispose : « la commission mixte est chargée de
rechercher les voies et moyens de renforcer la coopération
économique, scientifique, technique et culturelle entre les deux
gouvernements » (Nach Mback, 1994 : 59). Quel sort
réservé alors à la sous commission de liaison ?
2) La sous commission de
liaison, bras séculier de la Grande commission mixte.
La convention-cadre en son article 1er
« institue dans le cadre de la grande commission mixte
Franco-Camerounaise une sous-commission bilatérale
dénommée "sous-commission" de liaison Franco-Camerounaise pour la
coopération décentralisée ». Elle est
placée d'après les termes de l'article 2 alinéa 1, sous la
tutelle conjointe du Ministre français chargé de la
Coopération et du Développement et du Ministre Camerounais des
Relations Extérieures. Elle est chargée de faciliter dans le
respect du libre choix des collectivités territoriales des actions de
coopération décentralisée (article 3), d'examiner les
protocoles qui pourraient être conclus entre les collectivités
territoriales françaises et Camerounaises pour la mise en oeuvre de
projets de coopération décentralisée, de contrôler
la conformité de ces protocoles avec les réglementations
nationales en vigueur (article 4). La sous-commission de liaison pose ici des
actes sous forme de conclusion ou d'orientations. Ceux-ci ont valeur de simples
propositions et sont soumises « à l'approbation de la grande
commission mixte Franco-Camerounaise » (article 5 alinéa 1).
Il y a comme une graduation entre les différents organes investis du
pouvoir, mais la grande commission mixte se trouve être le lieu
géométrique vers lequel doivent converger toutes les mesures
prises en la matière. D'ailleurs, le fonctionnement de la
sous-commission de liaison est assuré entre deux sessions par une
permanence. Celle-ci consiste en un secrétariat permanent dirigé
conjointement par un représentant français nommé par le
Ministre chargé de la Coopération et du Développement et
un représentant Camerounais nommé par le Ministre chargé
des Relations Extérieures.
Quoiqu'il en soit, la sous-commission de liaison qui se
réunit au moment de la tenue de la grande commission mixte est
subordonnée à celle-ci, et celle-ci aux Etats. Quelle place
occupent finalement les collectivités locales dans la
convention-cadre ?
B- LE ROLE ACCESSOIRE DES
COLLECTIVITES LOCALES
Nous avons vu que le critère d'existence de la
coopération décentralisée demeure l'intervention d'une
collectivité locale fut-elle indirecte car, dans le cas contraire, le
concept de coopération décentralisée deviendrait une
expression galvaudée, ouverte à toutes formes de
coopérations associatives, commerciales et techniques (Petiteville,
1995). Curieusement, la participation des collectivités locales aux
travaux de la sous-commission de liaison est réglée de
manière secondaire par la convention-cadre. Suivant l'article 2
alinéa 2 de la convention-cadre, la sous-commission de liaison associe
les collectivités territoriales et les organismes
intéressés par la réalisation et le développement
des projets de coopération décentralisée selon des
modalités qu'elle détermine. Dans le cas d'espèce, c'est
la sous-commission elle-même qui détermine les modalités de
la participation à ses travaux des collectivités locales qui
deviennent finalement des éléments extérieurs à
celle-ci. Pourtant, la moindre des choses aurait été qu'elles
fussent membres statutaires de la sous commission de liaison ou en tout cas,
qu'il fût assuré que leur participation aux travaux de cette
instance influençât de manière significative les
décisions finales. Une modalité pour y parvenir aurait
été par exemple une composition paritaire de la sous-commission
de liaison, composition associant à nombre égal, d'un
côté le représentant des collectivités locales et de
l'autre ceux des Etats afin que tant les prérogatives de l'Etat et les
intérêts des collectivités soient pris en compte (Nach
Mback, 1994 : 62). D'ailleurs il existe en France par exemple la C.N.C.D
pour le développement qui réunit de façon paritaire des
représentants de l'Etat et des représentants des
collectivités territoriales françaises à raison de quatre
pour les régions, quatre pour les départements et huit Maires. A
chaque fois, il est assuré une représentation égalitaire
de l'Etat et des acteurs directement concernés (Guillaud cité par
Nach Mback, 1994).
Ce qu'il importe de souligner ici et de manière forte
c'est le rôle passif des collectivités locales qui sont
considérées comme des acteurs mineurs (et non comme des acteurs
majeurs) de cette nouvelle forme de coopération internationale. C'est ce
qui explique la réaction de stupéfaction de Martin Finken (1996)
qui en arrive à la conclusion selon laquelle « la convention-cadre
accorde une place secondaire aux collectivités locales » (Finken,
1996 : 69).
En tout cas, l'encadrement et/ou le contrôle de la
coopération décentralisée n'est pas en soi une mauvaise
chose, il est même indispensable pour assurer la cohérence entre
les diverses interventions inhérentes à cette forme de
coopération, la nécessaire préservation des
intérêts et des prérogatives de l'Etat afin que les
collectivités locales agissent dans la limite de leurs
compétences. Mais, lorsque le contrôle de l'Etat aboutit en fin de
compte à écarter du processus de la coopération
décentralisée les collectivités locales qui en sont
pourtant les véritables acteurs, c'est le contenu et l'esprit même
de cette forme de coopération qui risquent de s'en trouver vidés
(Nach Mback, 1994 : 65).
CONCLUSION DU CHAPITRE
3
Nous avons vu que le partenariat France-Cameroun est non
seulement un partenariat à part entière (du fait de la robustesse
de la réciprocité) mais également un partenariat
entièrement à part (avec ses méthodes et ses moyens
spécifiques). Dans ce dernier aspect de la coopération
France-Cameroun, nous nous situons dans la problématique de la
réinvention des instruments de coopération internationale de
l'Etat. Autrement dit, au regard de la convention-cadre franco-camerounaise de
coopération décentralisée, l'on est tenté de dire
que pour l'Etat, la coopération décentralisée est la
continuation de la coopération interétatique par d'autres moyens.
Mais est-il possible aujourd'hui de ranger au même pied
d'égalité l'Etat et la collectivité locale sur la
scène internationale ? Pour qu'un Etat ait une personnalité
internationale, il lui faut un gouvernement, une population et un territoire.
Une collectivité locale pourrait-elle s'en prévaloir ? D'une
certaine manière oui. Si on prend l'exemple d'une commune, elle a un
gouvernement (local), une population (locale) et un territoire communal.
Là s'arrête la comparaison, nous n'allons pas jusqu'à dire
qu'une commune aurait les mêmes prérogatives qu'un Etat (Ekoumou,
1991 : 9).
CONCLUSION GENERALE
Dans sa thèse sur la coopération
décentralisée pour le développement entre la France et le
Cameroun, Charles Nach Mback affirme sans ambages que« les faits ne
permettent de définir la coopération décentralisée
que comme un apport essentiel des collectivités du Nord (France)
à leurs homologues du Sud (Cameroun) » (Nach Mback, 1994 : 177).
Sans doute parce que trop pressé de remuer les cendres de l'approche
dépendantiste des relations internationales, l'auteur a
négligé certains détails qui, mis en exergue commandent la
prudence.
Qu'il nous soit donné l'audace de penser que
l'engagement international des collectivités locales françaises
dans une relation de partenariat avec leurs homologues Camerounais ne se
justifie plus simplement par une logique humanitaire, mais davantage par
l'intérêt réciproque pour la promotion d'un
développement durable de leurs territoires respectifs dans un univers
relationnel essentiellement interdépendant. La
"réciprocité" dont nous parlons ici exprime le fait que la
coopération consiste à donner mais aussi à recevoir. On ne
peut la concevoir comme une aide à sens unique du Nord vers le
Sud ; c'est pourquoi la notion de réciprocité ne saurait
être réduite à des opérations comptables encore
moins au financement puisque la coopération décentralisée
est avant tout financée par le Nord (Albine, 1999).Dans le cadre de ce
partenariat, les « effets retours » sont d'une toute autre
nature car les moyens et les attentes de chacun ne sont pas identiques.
Nous avons vu que l'échange social au lieu de reposer
sur une obligation juridique, repose sur une obligation morale et ceci
même si les conditions d'intérêt en sont partie
intégrante. C'est la raison pour laquelle le partenariat France-Cameroun
ne peut être réduit à l'utilitarisme qui caractérise
l'échange économique. Des biens symboliques comme le prestige,
l'honneur ou le pouvoir peuvent, nous le savons bien, s'échanger contre
des biens matériels. Dans le cadre des jumelages Franco-camerounais,
l'aide matérielle de la commune française est rendue par les
habitants de la commune camerounaise sous forme de manifestations culturelles.
De même, la contrepartie des collectivités Françaises dans
ce partenariat peut être appréhendée en terme d'ouverture
d'espaces de commerce pour les entreprises locales en France, de lutte contre
le chômage en France, d'organisation d'un cadre d'exploitation des
essences des forêts camerounaises dont la démarche est parfois
initiée par la collectivité camerounaise en vue de constituer un
appât à la formalisation des liens de coopération
décentralisée.
Quoi qu'il en soit, le partenariat France-Cameroun est un pari
sur la réciprocité, il doit être orienté vers des
fins qui ne peuvent être réalisées que par l'interaction
entre les acteurs. Ces fins peuvent être expressives ou instrumentales,
selon qu'elles sont orientées vers la poursuite de récompenses
immédiates ou celles des valeurs ultérieures (Médard,
1995). Mais, en sortant de l'apport concret pour entrer dans le retour
immatériel, on est en droit de se demander si la
réciprocité n'est pas en fin de compte « un voeu pieux
ou même une expression politiquement correcte consistant à nier le
caractère profondément inégal de
l'échange » (Allou ; Di Loreto, 2000). Ce jugement de
valeur qu'on peut ou non partager ne s'impose pas scientifiquement dans la
mesure où, si la réciprocité recouvre le plus souvent un
échange inégal, c'est en fonction des valeurs occidentales que
l'échange inégal est alors considéré comme
arbitraire. L'impossibilité dans laquelle on se trouve de pouvoir se
référer à une mesure objective de la valeur introduit un
flou dans l'évaluation. Ce flou peut éventuellement laisser une
place à la manipulation idéologique. Mais une fois de plus, c'est
le principe d'équité et non d'égalité qui
fonctionne le plus souvent et si une réciprocité inégale
peut être ressentie comme équitable, ce n'est pas
nécessairement l'effet de l'idéologie (Médard, 1995 :
19-20).
Il serait donc périlleux de souscrire hâtivement
aux thèses sommaires qui présentent la coopération
décentralisée entre la France et le Cameroun comme un apport
essentiel des collectivités locales du Nord à leurs homologues du
Sud, comme un partenariat vide de sens du fait du déséquilibre
des prestations qui donnent finalement à cette dernière une
allure d'assistance (Nach Mback, 1994). Madeleine Grawitz (2000) ne nous le
rappelait-elle pas déjà de façon implicite lorsqu'elle
affirmait que, en sociologie le risque est grand car les hommes s'imaginent
facilement connaître la société dans laquelle ils
vivent ?
En tout cas, il se peut plutôt qu'il y ait dans le cadre
de ces nouvelles relations internationales une démultiplication
d'interactions dont le caractère complexe laisse entrevoir une
réciprocité. D'ailleurs, c'est dans le cadre de ces interactions
complexes que la France chercherait sinon à promouvoir son rayonnement
sur le plan international du moins à disséminer
l'idéologie néolibérale au Cameroun que les acteurs locaux
politiquement intéressés pourraient reproduire dans une
perspective réflectiviste (Roche, 2000). Il ne s'agissait pas ici de
reprendre les catégories éculées de l'analyse
dépendantiste, laquelle considère les réformes politiques
du Sud comme totalement subordonnées à celles du Nord. Il
s'agissait ici de faire une sociologie fine et détaillée des
transactions objectives, voire subjectives entre les différents acteurs
en évitant de surestimer ou de mésestimer l'apport de l'un ou
l'autre dans le processus de la coopération décentralisée
France-Cameroun.
A cet égard, la littérature sur la
coopération décentralisée que nous avons produite a
constamment pris en compte le principe de réciprocité. Nonobstant
l'«encapsulation » de l'apport des collectivités locales
camerounaises dans les différents accords de la coopération
décentralisée, il y a pourtant lieu de remarquer que les
intérêts des collectivités locales françaises sont
moins évidents sans être moins importants. John Pilger (1998) ne
semble donc pas s'être trompé, lui qui dans son ouvrage Hidden
agenda rappelait aux journalistes et autres hommes de science qu'il ne
suffisait pas de se considérer comme des messagers s'ils ne comprenaient
pas le message diffusé et le mythe qui l'entoure, s'ils ne comprenaient
pas que dans le quotidien des médias, de nombreuses informations servent
la propagande des puissances occidentales, nous privant ainsi souvent de la
compréhension du sens exact des événements ;
événements dont les enjeux ne sont pas toujours visibles
à première vue et donc qui demandent un minimum d'exploration
avant d'être diffusés (Cité par Ntuda Ebode, 2000 :
365-366).
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ANNEXES
TABLE DES MATIERES
DEDICACES
i
REMERCIEMENTS
ii
LISTE DES SIGLES
iii
INTRODUCTION GENERALE
1
CHAPITRE I :
SOCIOGENESE ET CONFIGURATION DE LA
COOPERATION DECENTRALISEE
FRANCE - CAMEROUN
15
SECTION I : L'EMERGENCE CONCEPTUELLE ET
POLITIQUE DE LA COOPERATION DECENTRALISEE
16
PARAGRAPHE 1 : LA COOPERATION DECENTRALISEE A
LA CROISEE DES CHEMINS DE LA MONDIALISATION ET DE LA DECENTRALISATION.
17
A- LE PHENOMENE DE MONDIALISATION
17
1) La transnationalisation des relations
internationales
17
2) L'internationalisation des affaires locales
18
B- LES EFFETS INDUITS DE LA DECENTRALISATION
19
1) Le contexte de la
décentralisation : le cas du Cameroun
20
2) Le processus de démocratisation de
l'Etat
21
PARAGRAPHE 2 : LA COOPERATION
DECENTRALISEE : UNE DYNAMIQUE ISSUE D'UNE HISTOIRE COMPLEXE
22
A- LE MOUVEMENT DES JUMELAGES
22
1) Les jumelages - réconciliation
22
2) Les jumelages - compréhension
23
3) Les jumelages - coopération
23
B- LES CATEGORIES D'APPREHENSION DES RELATIONS
TRANSNATIONALES DES COLLECTIVITES LOCALES
24
1) La coopération interrégionale
24
2) La coopération
transfrontalière
24
3) La coopération
décentralisée
24
SECTION II : LA CONFIGURATION DE LA
COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN
25
PARAGRAPHE 1 : DE LA DIVERSITE D'ACTEURS EN
PRESENCE
25
A- LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA COOPERATION
DECENTRALISEE EN FRANCE
26
1) Les collectivités locales
françaises (Communes, régions, départements)
26
2) Le rôle conjoint des Ministères des
Affaires Etrangères, de la Coopération et du
Développement
27
B- LES ACTEURS DETERMINANTS DE LA COOPERATION
DECENTRALISEE AU CAMEROUN
29
1) Les collectivités locales
Camerounaises
29
2) L'action conjointe des Ministères des
Relations Extérieures, de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation
30
PARAGRAPHE 2 : DE LA TUTELISATION RIGIDE A
L'AUTONOMISATION PROGRESSIVE DES COLLECTIVITES LOCALES : UN PASSAGE
EXISTENTIEL DE LA COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN
31
A- LES COLLECTIVITES LOCALES ET LA HAUTE
SURVEILLANCE TUTELAIRE DU POUVOIR CENTRAL : LE CAS DU CAMEROUN.
31
1) La rigueur des textes
32
2) De la dissonance entre politique parlementaire
et politique pragmatique.
32
B- L'AUTONOMISATION PROGRESSIVE DES COLLECTIVITES
LOCALES : VERS UNE CO-PRODUCTION DU PHENOMENE COOPERATION
DECENTRALISEE ?
34
1) L'interaction Etat / collectivités
locales décentralisées dans le processus de la coopération
décentralisée
34
2) La coopération
décentralisée France - Cameroun et l'observance du principe de
subsidiarité
35
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
37
CHAPITRE II :
ENJEUX ET DEFIS DE LA COOPERATION
DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN
38
SECTION I : LA PROBLEMATIQUE DE LA
CONSOLIDATION DU RAYONNEMENT INTERNATIONAL DE LA FRANCE
40
PARAGRAPHE 1 : L'ENJEU DE L'
« OCCIDENTALISATION » DE L'ORDRE POLITIQUE LOCAL
41
A- AUX RACINES DU PHENOMENE
42
1) L'administration coloniale au Cameroun
42
2) L'administration Camerounaise pendant la
période post-coloniale
43
B- LES LOGIQUES D'EXPORTATION D'UN MODELE IMPOSE
ET LA DISSEMINATION INSIDIEUSE DES RATIONALITES IMPERIALES
44
1) L'exportation des compétences des
collectivités locales françaises au Cameroun
45
2) La coopération
décentralisée France-Cameroun : vers la création
d'une communauté épistémique
47
PARAGRAPHE 2 : L'INSCRIPTION DES COLLECTIVITES
LOCALES FRANÇAISES DANS LA TRAME URBAINE MONDIALE
48
A- DE LA NECESSITE D'UN POSITIONNEMENT SUR LE
MARCHE INTERNATIONAL EN MATIERE D'EXPERTISE EN INGENIERIE URBAINE
48
1) La construction d'images valorisantes à
usage communicationnel externe
49
2) La théâtralisation des
échanges
50
B- LA VILLE DU CAMEROUN : NOUVEL ENJEU DE LA
COOPERATION INTERNATIONALE ?
51
SECTION II : LES PRINCIPAUX DEFIS DE LA
COOPERATION DECENTRALISEE FRANCE - CAMEROUN
53
PARAGRAPHE 1 : LA PROMOTION D'UN
DEVELOPPEMENT LOCAL DURABLE ET LA DEMOCRATISATION DE
L'ADMINISTRATION
53
A- LE DEVELOPPEMENT LOCAL DURABLE ET LES POLITIQUES
D'AIDE AU DEVELOPPEMENT
53
1) La coopération
décentralisée : une nouvelle recette d'acheminement de
l'aide au développement ?
54
2) La coopération
décentralisée : cheval de Troie de l'idéologie
néolibérale au Cameroun
55
B- LE DEFI DE LA DEMOCRATISATION DE
L'ADMINISTRATION
56
1) L'implication des populations à la
gestion des affaires locales
56
2) Le contournement des arcanes bureaucratiques
centrales : la tendance à la subversion sociale par le bas
57
PARAGRAPHE 2 : PROFESSIONNALISATION
DES INTERVENTIONS ET VALORISATION DES COMPETENCES LOCALES A L'ECHELLE NATIONALE
ET INTERNATIONALE
58
A- LA PROFESSIONNALISATION DES INTERVENTIONS
58
B- LA VALORISATION DES COMPETENCES LOCALES A
L'ECHELLE NATIONALE ET INTERNATIONALE
59
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
60
CHAPITRE 3 :
61
LA COOPERATION DECENTRALISEE
FRANCE-CAMEROUN : UN PARTENARIAT A PART ENTIERE ET ENTIEREMENT A PART
61
SECTION 1 : UN PARTENARIAT A PART ENTIERE
62
PARAGRAPHE 1 : THEORIES ET CONCEPTS DE
L'ECHANGE SOCIAL
62
A- LA TRADITION ANTHROPOLOGIQUE DE L'ECHANGE
SOCIAL
63
1) Le primat de l'analyse structurelle : le
« système des prestations totales »
63
2) L'anthropologie de l'échange - don
64
B- LA TRAJECTOIRE SOCIOLOGIQUE DE L'ECHANGE
SOCIAL
65
1) De la nécessité d'une approche
stratégique de l'échange social
65
2) Du rapport entre échange social et
échange économique
67
C) LES PARADOXES DE L'ECHANGE SOCIAL
68
PARAGRAPHE 2 : LA COOPERATION
DECENTRALISEE FRANCE-CAMEROUN A L'EPREUVE DE LA ROBUSTESSE DE LA
RECIPROCITE
69
A- LA QUESTION DE LA RECIPROCITE
70
1) Le principe de réciprocité
70
2) La dimension internationale de
l'interdépendance
72
B- SOCIOLOGIE DES TRANSACTIONS COLLUSIVES
INHERENTES A LA COOPERATION DECENTRALISEE
73
1) L'apport des collectivités locales
camerounaises
74
2) L'apport des collectivités locales
françaises
76
SECTION II : UN PARTENARIAT ENTIEREMENT A
PART
77
PARAGRAPHE 1 : DU RAPPORT ENTRE
COOPERATION DECENTRALISEE ET COOPERATION BILATERALE
77
A- LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DE LA
COOPERATION DECENTRALISEE
78
B- UNE EVOLUTION DU SYSTEME D'ACTEURS ET DES
MODALITES D'ACTION
79
PARAGRAPHE 2 : LA SUBORDINATION DE LA
COOPERATION DECENTRALISEE A LA COOPERATION INTERETATIQUE : ANALYSES A
PARTIR DE LA CONVENTION - CADRE FRANCO-CAMEROUNAISE POUR LA COOPERATION
DECENTRALISEE.
80
A- LE CADRE ORGANIQUE DE LA CONVENTION-CADRE
80
1) La grande commission mixte, un instrument de la
coopération bilatérale
81
2) La sous commission de liaison, bras
séculier de la Grande commission mixte.
82
B- LE ROLE ACCESSOIRE DES COLLECTIVITES LOCALES
83
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
85
CONCLUSION GENERALE
86
BIBLIOGRAPHIE
90
ANNEXES
96
TABLE DES MATIERES
106
* 1 Nye,J., R. Keohane.1972
Transnational relations and world politics. Cambridge: Harvard University
Press.
- 1977. Power and interdependence: world politics in
transition. Boston: Little Brown.
* 2 Il s'agit d'une
démultiplication des interactions entre acteurs au-delà du cadre
étatique (avec au moins un acteur non étatique qui n'agit pas
sous le couvert de l'Etat ou d'une organisation internationale).
* 3 Voir Décret
n°2007/117 du 24 avril 2007 sur la nouvelle carte communale au
Cameroun.
* 4 Le texte dispose en son
article 89 « Le Ministère de l'Administration Territoriale
décide des missions à accomplir hors du territoire national par
les délégués du gouvernement, les Maires et les
Administrateurs Municipaux ainsi que de l'opportunité de jumelage des
communes avec celles des pays étrangers ».
* 5 Voir bulletin d'analyses et
de débats de l'association des anciens élèves Camerounais
de l'ENA de Paris, vol.1 p.6.
* 6 Note critique
consacrée à l'ouvrage de Bertrand Badié, L'Etat
importé (PP 102 - 167) publié dans Revue Esprit, n°197,
Décembre 1993 (sous le titre "La crise des relations internationales".
* 7 On pourrait, pour s'en
convaincre, partir par exemple de la conférence de Berlin qui symbolise
le partage de l'Afrique par les occidentaux. Les pays Africains, en raison du
principe sacro-saint de l'intangibilité des frontières n'ont pas
modifié les frontières héritées de la
colonisation.
* 8 Lire le rapport final sur la
décentralisation en Afrique Sub-saharienne, document de travail, Paris,
Octobre, 1995, p.3.
* 9 Lire document sur le sommet
africités, 2004.
* 10 Heureusement mise à
mal par les logiques de réinterprétation et de réinvention
de la part des autorités locales politiquement
intéressées.
* 11 Discours sur la
coopération prononcé par M. Pompidou alors premier ministre
français à l'assemblée nationale le 10 Juin 1964.
* 12 Voir à ce sujet la
convention Nantes-Dschang d'Avril 2004 et celle d`Octobre 2005.
* 13 Signé le 21
février 1974 à Yaoundé, article 1er, archives
MINREX, Yaoundé.
|
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