2. Calcul et analyse des indices de satisfaction
Les indices de satisfaction varient de 0 à 2,83806 avec
une moyenne de 1,69634 et un écart-type de 0,43585. 50% des individus
ont un indice de satisfaction inférieur à 1,78866.
L'analyse d'aptitude de à mesurer la satisfaction est effectuée en
vérifiant pour chacune des variables incluses que la proportion
d'individus possédants les attributs à scores les plus faibles
baisse à mesure que la satisfaction augmente.
Tableau 3 :
Pourcentage d'individus ayant formulé de reproches sur les attributs
possédant les scores les plus faibles
|
1er quartile
|
2ème quartile
|
3ème quartile
|
4ème quartile
|
Ensemble
|
|
1,47851
|
1,78866
|
2,16678
|
2,83806
|
|
REACCESD = Oui
|
22,40
|
0,00
|
0,00
|
0,00
|
6,45
|
RELENTLO = Oui
|
69,40
|
44,16
|
0,48
|
0,00
|
36,16
|
Source : Calculs de l'auteur
On peut remarquer que tous les individus qui se sont plaints
de l'accessibilité se retrouvent dans le premier quartile. Le
pourcentage d'individus qui reprochent la lenteur et la lourdeur diminue
graduellement du 1er au 3ème quartile et est nul
dans le dernier quartile. On peut donc conclure que rend bien compte de la satisfaction des individus par rapport
à la qualité de la justice.
Contrairement à ce à quoi on pourrait
s'attendre, les individus de la région Nord sont en moyenne plus
satisfaits que ceux du Sud avec des appréciations plus uniformes.
L'indice moyen est en effet de 1,7195 au Nord contre 1,6887 au Sud avec des
écarts-types respectifs de 0,3776 et 0,4590. La différence entre
les indices moyens n'est cependant pas significative. De ces deux
éléments, il ressort que notre hypothèse H1 est
infirmée.
Tableau 4 :
Indice moyen de satisfaction suivant les régions
Région
|
Moyenne
|
Ecart-type
|
Nord
|
1,7195
|
0,3776
|
Sud
|
1,6887
|
0,4590
|
Ensemble
|
1,6963
|
0,4358
|
Source : Calculs de l'auteur
Ce résultat s'explique entre autres par la proportion
plus grande d'individus ayant formulé de reproche par rapport à
l'accessibilité (modalité ayant le score normalisé le plus
négatif) dans le Sud que dans le Nord : 9,26% contre 5,47%. Ce qui
peut paraître paradoxal au regard des données du tableau 1.
Tableau 5 : Test
d'égalité des indices moyens par région
|
Test de Levene sur
l'égalité des variances
|
Test-t pour égalité
des moyennes
|
|
F
|
Sig.
|
t
|
ddl
|
Sig. (bilatérale)
|
Hypothèse de variances égales
|
9,940667
|
0,00169
|
0,826067
|
629
|
0,40908
|
Source : Calculs de l'auteur
La distribution de est plus inégale dans la région Sud. L'indice de Gini
y est de 0,14367 contre 0,13159 dans la région Nord. L'indice de Gini
pour l'ensemble se situe à 0,13998. Ces valeurs sont cependant faibles
et on peut conclure à une faible concentration de la distribution de
l'indice de satisfaction.
Tableau 6 :
Indice de Gini selon les régions
Région
|
Indice de Gini
|
Nord
|
0,13159
|
Sud
|
0,14367
|
Ensemble
|
0,13998
|
Source : Calculs de l'auteur
L'inégalité totale provient plus des
inégalités intra-groupes que de l'inégalité
inter-groupe. L'indice intra-groupe est en effet de 0,07957 contre 0,06041 pour
l'indice inter-groupe.
Tableau 7 :
Décomposition de l'indice de Gini
|
Indice
|
Intra Gw
|
0,07957
|
Inter Gb
|
0,06041
|
Ensemble
|
0,13998
|
Source : Calculs de l'auteur
Les courbes de Lorenz associées aux distributions des
régions et pour l'ensemble sont pratiquement confondues comme le montre
le graphique 2. On peut tout de même voir que la courbe la plus proche de
la première bissectrice est celle de la région Nord. La courbe de
l'ensemble est au milieu et en dernier, on a la courbe de la région
Sud.
Graphique 2 :
Courbes de Lorenz selon les régions
B. Analyse
causale
1. Détermination des scores de propension (score
propensity)
Le score de propension est, pour chaque individu, la
probabilité d'utilisation des services de la justice. Le calcul de cette
probabilité est une étape importante pour la détermination
de l'effet de traitement sur les traités. On ne peut en effet construire
de contrefactuel que pour les individus dont le score appartient à
l'intersection des supports des distributions des scores des individus ayant
utilisé les services de la justice et des individus ne l'ayant pas
fait.
Cette probabilité est obtenue par une régression
logit. Les variables explicatives sont des caractéristiques
individuelles susceptibles d'affecter l'utilisation ou non des services de la
justice. La modélisation du score de propension doit se faire en
considérant le plus grand nombre de variables possibles. Nous
retiendrons ici comme susceptibles d'affecter l'utilisation des services de la
justice, les variables suivantes : l'âge, le sexe, la situation
matrimoniale, le milieu de résidence (nord/sud), le niveau
d'instruction, le fait de s'être rendu une fois dans un TPI, le nombre de
devoirs du citoyens connus, le nombre de droits de l'Homme connus et le nombre
de droits de l'enfant connus. Les résultats obtenus sont :
Tableau 8 :
Modélisation de la probabilité d'utilisation des services de la
justice
Variables
|
Coefficient
|
Ecart-type
|
Significativité
|
âge
|
-0.315
|
0.159
|
0.048 (**)
|
sexe (homme)
|
0.555
|
0.248
|
0.026(**)
|
situation matrimoniale (veuf)
|
-
|
-
|
0.000(***)
|
situation matrimoniale (marié)
|
-2.798
|
0.608
|
0.000(***)
|
situation matrimoniale (célibataire)
|
-4.207
|
0.621
|
0.000(***)
|
situation matrimoniale (divorcé)
|
-0.407
|
0.795
|
0.608 (NS)
|
niveau instruction (supérieur)
|
-
|
-
|
0.271 (NS)
|
niveau instruction (aucun)
|
-0.228
|
0.403
|
0.572 (NS)
|
niveau instruction (primaire incomplet)
|
-0.554
|
0.350
|
0.114 (NS)
|
niveau instruction (primaire)
|
-0.551
|
0.353
|
0.119 (NS)
|
niveau instruction (secondaire)
|
-0.529
|
0.262
|
0.044 (**)
|
s'est rendu une fois au TPI (oui)
|
4.347
|
0.583
|
0.000 (***)
|
nombre droits de l'enfant connus
|
-0.322
|
0.103
|
0.002 (***)
|
nombre droits de l'homme connus
|
0.013
|
0.053
|
0.804 (NS)
|
nombre devoirs du citoyen connus
|
0.007
|
0.092
|
0.940 (NS)
|
***=signicatif à 1%; **=significatif à 5%;
*=significatif à 10%; NS=Non Significatif
|
Prob > Chi2=0.00; Pseudo R² =0.499
|
Pourcentage de réaffectation correcte : 88%
|
Source : Calculs de l'auteur
Ainsi, les variables qui influent significativement sur la
probabilité d'utilisation des services de la justice sont :
l'âge, le sexe, la situation matrimoniale, le niveau d'instruction, le
fait de s'être rendu au moins une fois dans un TPI et le nombre de droits
de l'enfant connus. En dehors du sexe et le fait de s'être rendu au moins
une fois dans un TPI, toutes les autres variables sus-citées ont une
influence négative sur la probabilité d'utilisation des services
de la justice. En clair, le modèle suggère que les individus
âgés, les individus non-veufs, les individus ayant atteint le
niveau d'instruction secondaire et ceux connaissant les droits des enfants sont
moins enclins à solliciter les services de la justice que les autres.
Par contre, le fait d'être homme et de s'être rendu au moins une
fois dans un TPI affecte positivement la probabilité d'utilisation des
services de la justice.
Le milieu de résidence (nord/sud) n'est pas retenu dans
le modèle définitif parce qu'il détériore la
qualité de l'estimation.
2. Effet causal
Sur les 633 individus de l'échantillon de l'analyse,
209 ont utilisé les services de la justice selon la définition
retenue dans cette étude. Le reste, soit 424, n'ont pas utilisé
ces services. Respectivement 204 individus traités et 419 non
traités (groupe contrôle) ont été retenus pour
l'analyse causale après apurement automatique. Le calcul de l'effet
moyen sur les individus traités a été fait par la
procédure psmatch de stata9. Les scores de propension utilisés
pour l'appariement sont issus de la modélisation logit ci-dessus et la
méthode utilisée est celle du plus proche contrefactuel (nearest
neighbour). Le support commun est constitué de 195 individus
traités et de 419 non traités.
Les résultats se présentent comme suit :
Tableau 9 : Effet
moyen de l'utilisation des services de la justice
Nombre de traités
|
Nombre de contrôles
|
Effet moyen
|
Ecart type
|
t- Student
|
195
|
419
|
0,08586
|
0,06187
|
1,39
|
Source : Calculs de l'auteur
L'effet moyen de l'utilisation des services de la justice sur
la satisfaction exprimée est positive et est estimé à
0,08586. Cette différence entre les individus ayant utilisé les
services de la justice et ceux ne les ayant pas utilisé n'est cependant
pas significative à 5% (t-Student calculé < t-Student
théorique). L'utilisation des services de la justice n'influence donc
pas de manière significative la satisfaction des individus.
L'hypothèse de recherche H2 est donc rejetée.
II. Interprétations
des résultats et limites de l'étude
A. Interprétations
et recommandations
Les résultats de l'analyse montrent clairement que la
satisfaction des individus par rapport à la qualité des services
de la justice recouvre deux aspects essentiels : fonctionnel et
institutionnel. Mais les variables qui tendent le plus à
déterminer la satisfaction des individus sont l'accessibilité des
services de la justice et la célérité dans le traitement
des dossiers. L'étude met en lumière également un
phénomène qui doit interpeller les autorités à
divers niveaux du secteur de la justice : elle suggère que la
satisfaction va avec la corruption. L'idée selon laquelle les
populations du Nord seraient moins satisfaites que celles du Sud par rapport
à la qualité de la justice est fortement rejetée par les
résultats. La distribution de la satisfaction dérivée des
services de la justice est peu inégalitaire dans son ensemble.
L'idée selon laquelle la satisfaction serait concentrée par ceux
ayant gagné des affaires judiciaires n'est donc pas corroborée
par nos résultats. Les inégalités sont un peu plus
prononcées dans le Sud que dans le Nord sans que la différence
soit nette. L'analyse causale fait ressortir une différence positive
entre la satisfaction exprimée par les individus ayant utilisé
les services de la justice dans la période de référence et
ceux ne l'ayant pas fait. Mais cette différence n'est pas significative.
Au total, les résultats réaffirment la
pertinence des actions contenues dans le Programme Intégré de
Réforme des Systèmes Juridique et Judiciaire :
améliorer la qualité de la justice au Bénin passe par
l'extension de la couverture juridictionnelle afin de rendre la justice plus
accessible, l'amélioration des délais de traitement des dossiers
et la lutte contre la corruption ainsi que le renforcement de
l'indépendance et de la responsabilité des acteurs de la justice.
Les principaux axes de ce programme sont en effet la
réhabilitation des anciennes infrastructures judiciaires et la
construction de nouvelles, l'informatisation du traitement des dossiers, le
renforcement du personnel en quantité et en qualité, la lutte
contre la corruption, la promotion de l'indépendance et de la
responsabilisation des magistrats...Les résultats indiquent
également, comme le rapport d'évaluation à mi-parcours de
ce programme, que les actions exécutées jusque-là n'ont
pas encore un impact suffisant pour inverser les tendances lourdes
identifiées lors du diagnostic et de l'identification du programme.
Aussi formulons-nous les recommandations suivantes à l'endroit des
autorités à divers niveaux du MJLDH :
· Poursuivre et accélérer la
réhabilitation des anciennes juridictions et la construction de
nouvelles afin d'améliorer la couverture juridictionnelle ;
· Poursuivre et accélérer le recrutement
du personnel et sa formation ;
· Poursuivre et accélérer l'informatisation
du traitement des dossiers judiciaires ;
· Renforcer et moderniser l'arsenal législatif et
réglementaire ;
· Lutter contre la corruption dans le secteur de la
justice ;
· Renforcer l'indépendance et la
responsabilité des magistrats ;
· Sensibiliser les populations sur les enjeux et actions
de la réforme judiciaire ;
· Renforcer la promotion des droits humains par actions
d'Information-Education-Communication ;
· Renforcer le système de suivi-évaluation
de la réforme judiciaire notamment en réalisant des
enquêtes de grandes envergures sur la satisfaction des justiciables.
B. Limites de
l'étude
Les mesures utilisées dans ce travail sont
basées sur des réponses par nature, subjective. En effet, pour un
même niveau de prestation, les enquêtés peuvent se montrer
plus ou moins satisfaits en fonction de leurs attentes. Il est donc
nécessaire d'y ajouter des indicateurs plus objectifs et moins instables
tels que le taux de dossiers traités, la durée moyenne des
procès, la durée moyenne de détention préventive
et d'autres indicateurs internes au système judiciaire pour construire
une carte plus complète de la qualité de la justice au
Bénin. Par ailleurs, les méthodes d'appariement sur les niveaux
des variables de résultats peuvent être mal adaptées. On
peut en effet noter la persistance d'effets individuels inobservés,
même lorsque l'on introduit un grand nombre de caractéristiques
individuelles observables. C'est pourquoi, il est recommandé d'utiliser
la méthode des doubles différences (dite diff-diff) pour mieux
estimer l'effet causal. Mais cette méthode nécessite des
données de panel qui ne sont pas encore disponibles . Les limites de
l'étude tiennent également à la taille de
l'échantillon de l'étude et à sa qualité. La petite
taille de l'échantillon et le biais de sélection en faveur des
hommes limitent la portée des résultats obtenus.
Malgré toutes les faiblesses relevées, nos
travaux fournissent une première approximation de la satisfaction des
individus par rapport à la qualité des services de la justice et
l'effet des actions de la réforme judiciaire sur la satisfaction des
individus. Ils proposent surtout une démarche méthodologique
claire et rigoureuse pour des travaux ultérieurs sur ces questions.
|