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Double juridiction de la forêt gabonaise : cas de la forêt de Mondah

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par Mnuela MINTSA
Unibersité Omar Bongo - DEA (Master Recherche) 2010
  

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Section 2 : L'Etat et la forêt

2.1. Institutionnalisation de la Mondah

Avant 1934, début de l'exploitation de la forêt de la Mondah, peuplements riches d'okoumé: un permis industriel de 12400ha, attribué à la société forestière de la Mondah (SFM) 1934, retrait de cette concession par le service forestier et mise en réserve de 12.400 ha par arrêté « Gubematorial » du 22 février 1934. Une parcelle de forêt d'environ 10.200 hectares, située dans la région de la rivière Mondah, au nord de Libreville, est constituée en forêt domaniale classée et dénommée « forêt classée de la Mondah » par arrêt du 16 février 1951. Ainsi, le domaine classé est essentiellement la « forêt de la Mondah », qui est la première forêt gabonaise a avoir été constituée en réserve forestière, en raison de la diversité des espèces animale et végétale que regorgeait cette foret à cette époque.

Le fondement juridique est l'article 4 du décret du 20 mai 1946 : la forêt est soustraite à l'exercice des droits d'usages coutumier. Elle est classée pour être d'abord protégée contre les défrichements agricoles et non contre l'exploitation forestière. Ses limites sont modifiées, par le décret présidentiel du 24 octobre 1967, par le déclassement de trois parcelles, soit 2.225 hectares au profit des populations locales. Sa superficie passant alors à 7.975 hectares. De nouveaux déclassements faits en 1977 et en 1980 sont annulés par le décret numéro 1403/PR/MEFCR du 17 octobre 1983, texte qui régit actuellement la forêt classée de la Mondah. Pour les besoins du parc d'activités scientifiques du Ministre Léon AUGE, une superficie de 500hectares fut déclassée.

Si le concept de "forêt classée" à un sens en 1946, il n'est pas une catégorie juridique précise dans la loi de 1982, c'est un ensemble de catégories. Mais le décret du 17 octobre 1983 précise les restrictions d'utilisation, notamment les défrichements de toutes nature, la chasse, la pêche et l'exploitation sans titre des produits forestiers. Le statut de forêt de protection ou de forêt récréative préciserait ces objectifs, par rapport à la loi de 1982 et au projet du code forestier.

La forêt de la Mondah a été affectée à l'Institut National d'Études Forestières (INEF), qui est l'actuelle École Nationale des Eaux et Forêts (ENEF), par le décret du 24 juin 1969 pour les besoins de son enseignement, comme zone expérimentale et d'aménagement. Le décret du 08 juin 1974 définit son mode de gestion: traitée en futaie d'okoumé mélangée de quelques essences diverses, elle peut faire l'objet de coupes, réalisées par l'école au cours de son enseignement, ou vendues par adjudications publiques.

2.2. L'Etat et le foncier forestier

La main mise de l'Etat rend anecdotiques les droits coutumiers des populations réduites et dispersées dans les massifs forestiers. On peut se demander si les réglementations forestières appliquées à la Forêt ont suffisamment considéré les populations rurales face à leurs besoins.

Au Gabon, le foncier forestier est d'abord très largement un foncier de l'Etat. Les codes forestiers successifs, comme le code foncier actuels issus de la colonisation reprennent explicitement le principe du décret de 1935 qui exclut les produits forestiers de la catégorie des produits agricoles et fixe le principe: « Tous les biens vacants et sans maître appartiennent au domaine public ». Ayant ainsi limité, précarisé et réduit la légitimité de la gestion foncière traditionnelle des populations locales, l'Etat possède, en zone de forêt dense comme en zone de savane, la maîtrise et l'exerce de la gestion de la grande majorité des espaces de végétation naturelle.

Mais il n'est pas exclut que dans l'article 253 du nouveau code forestier n° 016/1 du 31 Décembre 2001, il est stipulé que : « Article 253: L`exercice des droits d'usages coutumiers est libre et gratuit dans le domaine forestier rural pour les membres de la communauté villageoise vivant traditionnellement à proximité de ce domaine et sous réserve du respect des règlements restrictifs pour nécessiter d'aménagement ou de protection d'aménagement ». Il est effectivement autorisé aux populations rurales d'exercer des usages coutumiers dans les 5 km réservés à partir de la route et autres voies de transport. Dans cette surface, il n'est pas autorisé aux populations rurales d'abattre des essences qui répondent aux critères exploitables. Les populations rurales peuvent chasser des animaux partiellement protégés en respectant les périodes d'ouvertures et fermetures de la chasse. Elles peuvent également faire des usages coutumières dans des rivières en pratiquant la pêche à condition de ne pas empoisonner les cours d'eau avec des produits toxiques. Les problèmes que nous avons souvent avec les villageois ne peuvent pas être vu comme conflit car si les populations reconnaissent l'autorité de leur pays c'est une façon de reconnaître également les lois qui régissent cet État, elles ne doivent plus contester les lois édictées. Il y a peut-être une incompréhension ou un manque d'information aux populations rurales. Ainsi monsieur Nganga,36(*) directeur des études de l'E.N.E.F. déclare :

« Dans le nouveau code forestier il n'est dit nul part que les villageois ne doivent pas effectués leurs usages coutumiers dans la forêt. Au contraire l'article 25 du nouveau code forestier n° 016/1 du 31 Décembre 2001. Il est effectivement autorisé aux populations rurales d'exercer des usages coutumiers dans les 5km réservés à partir de la routière. Dans cette surface, il n'est pas autorisé aux populations rurales d'abattre des essences qui répondent aux critères exploitables. Les populations rurales peuvent chasser des animaux partiellement protégés en respectant les périodes d'ouvertures et fermetures de la chasse. Elles peuvent également faire des usages coutumières dans des rivières en pratiquant la pêche à condition de ne pas empoisonner les cours d'eau avec des produits toxiques ».

Il ajoute

Les problèmes que nous avons souvent avec les villageois ne peuvent pas être vus comme des conflits car si les populations reconnaissent l'autorité de leur pays ils doivent également reconnaissance et respect aux lois qui régissent cet État, elles doivent plus contester ces lois édictées. Il y a peut-être une incompréhension ou un manque d'information aux près des populations rurales. »

2-3 La dénaturation sous l'effet de la colonisation

La colonisation a constitué pour les peuples qui l'ont subie une véritable révolution. C'est pourquoi, avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de décrire les caractères généraux du contexte colonial.

Georges Balandier écrit que «... les rapports de domination et de soumission existant entre société coloniale et société colonisée caractérisent la situation coloniale »36. Et il définit ainsi la situation coloniale : «la domination imposée par une minorité étrangère, radicalement et culturellement différente, au nom d'une supériorité raciale (ou ethnique) et culturelle dogmatiquement affirmée, à une majorité autochtone, matériellement inférieure.»37

Philippe Lechat, parlant des différentes conceptions de l'administration des colonies (notamment l'autonomie, l'assujettissement et l'assimilation), conclut que «en réalité il y aura beaucoup d'assujettissement, très peu d'autonomie et un soupçon d'assimilation.». Qu'entend t-il par assujettissement? «L'assujettissement subordonne totalement les intérêts de la Colonie il ceux de la métropole, la domination étant économique (système du pacte colonial ou de l'exclusif), culturelle (la métropole impose sa civilisation, ses valeurs jugées supérieures à celle des pays d'outre-mer), et également politique et juridique, complémentaire des deux autres types de domination. L'appareil politique et juridique de la Métropole est en effet nécessaire pour asseoir sa domination économique et culturelle. Cette conception conduit à l'annexion pure et simple du pays colonisé ou à l'établissement d'un Protectorat, forme d'annexion déguisée. ». Ceci nous donne une idée du type de rapports qui existait entre la France et ses colonies et qui constituent la toile de fond de ses entreprises.

Voulant s'assurer un meilleur contrôle des territoires conquis, les Européens et en l'occurrence les Français dans le cas du Gabon, ont investi tous les aspects de la vie des peuples colonisés. Dans le domaine juridique, la puissance coloniale a opéré de deux manières: au niveau formel, par l'importation des modèles occidentaux d'institutions judiciaires et, au niveau pratique, par l'imposition des concepts et conceptions juridiques en vigueur en France.

Du point de vue formel, l'implantation effective des Français au Gabon et ailleurs s'étant déroulée dans un vide juridique, le développement des rapports franco-autochtones et la naissance de conflits y relatifs ont mis en évidence la nécessité d'administrer la justice dans les colonies. L'ordre judiciaire institué à cet effet n'était qu'une reproduction de celui en vigueur dans la métropole, avec sa hiérarchie, son personnel, ses procédures. C'est ce que l'on a appelé justice indigène.

Celle-ci comportait, en vertu de la catégorie d'indigène concernée, deux juridictions: celle des citoyens français et celle des gabonais. Cette dernière se composait: des Tribunaux de conciliation, des Tribunaux du premier degré, des Tribunaux du deuxième degré, une Chambre spéciale d'homologation qui jouait le rôle de la Cours de cassation. Le premier degré comportait des tribunaux coutumiers et des tribunaux du premier degré.

Cette structuration de l'ordre judiciaire portait atteinte aux ordres locaux en ce qu'elle les inscrivait dans une nouvelle donne. Chaque peuple a, en effet, son expérience particulière de l'institution judiciaire avec ses hiérarchies, ses autorités compétentes, ses instances et ses règles de fonctionnement. Apathi-Bassah écrit que la justice a toujours été un sous-produit de la culture et de la civilisation. Son organisation et son fonctionnement sont tributaires des conceptions philosophiques qui animent les peuples concernés.

A quel niveau donc pouvons-nous lire la dénaturation d'un système juridique? La dénaturation apparaît dans un premier temps au niveau des conceptions juridiques des populations. Mais bien plus encore elle se lit dans leur vision du monde. Parce que ce sont les populations qui portent ridée de l'ordre et qui le transmettent par divers moyens (éducation, écrits, pratique quotidienne, enseignement, etc.) à leurs descendants.

En conclusion, dire que le droit africain est dénaturé, c'est dire que dans la pensée africaine (c'est à dire les conceptions, les croyances, les convictions, les idéologies, etc.), son principe fondamental a été démantelé et remplacé par un autre principe. Cette dénaturation procède, de deux facteurs: l'entreprise coloniale et son corollaire, les modes de vie actuelles.

* 36 Nganga, Agent des Eaux et Forêts.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams