IV. DISCUSSION
4.1. Limites méthodologiques
Le principal biais dans cette étude réside dans
la sélection des cas. En effet, il n'y avait pas de critère
strict de recrutement des enfants. Il est vrai que le critère principal
d'admission est basé sur l'état de malnutrition (un indice
poids-pour-taille < -3 écarts types de la médiane de
référence NCHS/OMS ou la présence d'oedèmes
symétriques affectant au moins les pieds) mais des critères
secondaires d'admission, bien que justifiés ont été
appliqués. La conséquence est que des enfants qui
n'étaient pas en malnutrition sévère et d'autres qui
n'étaient même pas en malnutrition, ont été admis
pour la réhabilitation nutritionnelle.
4.2. Analyse des enfants sortis guéris et de l'ensemble
des enfants admis au CREN
Sur l'ensemble des enfants suivis au CREN de Tenghin au cours
de l'année 1999, 196 enfants sont sortis guéris. Cela
représente un taux de guérison de 71,3%. Cependant, comme le
montre la figure 2, seulement 68% (133) des enfants sortis guéris
satisfaisaient au principal critère de sortie. Curieusement, 8 (4,1%)
des 196 enfants ont été déclarés guéris et
sont sortis bien que n'ayant enregistré le moindre gain de poids. Une
analyse plus poussée montre que, de ces 8 enfants, 6 (75,0%)
étaient des garçons, 4 (50%) étaient infectés par
le VIH, 7 (87,5%) n'avaient pas été vaccinés contre la
rougeole (le statut vaccinal du dernier n'était pas
spécifié), 1 (12,5%) enfant présentait des oedèmes,
4 (50%) avaient plus de 23 mois.
Le non respect du critère de sortie des enfants atteste
l'incapacité du CREN à faire face à la demande (en moyenne
30 enfants par mois).
Le taux de guérison obtenu au CREN est plus faible que
celui obtenu par d'autres auteurs en Afrique. 79,5% par Main en 1975 au Burkina
Faso [15], 87,5% par Beau et al. en 1993 au Sénégal [16], 79,5%
en 2000 par Sall et al. au Sénégal [17], 85% par Mouko et al. en
2007 au Gabon [18].
L'âge médian des enfants admis au CREN
était de 16 mois. Le même âge est retrouvé chez les
enfants sortis guéris. Les enfants admis au CREN de Tenghin
étaient plus âgés que ceux concernés par les
études de Villamor et al. en 2005 en Tanzanie [18] et Bitwe et al.
(2006) à Goma en Afrique Centrale [19] dans lesquelles l'âge
médian était respectivement de 13,0 et 12,8 mois. Par contre,
Ils étaient plus jeunes que ceux concernés par l'étude de
Sall et al. en 1999 à Dakar au Sénégal avec un âge
médian de 19,11 mois [20] et 17,0 mois pour Bachou et al. en 2006
à Kampala en Ouganda. La tranche d'âge de 12-23 mois était
la plus touchée par la malnutrition et représentait plus de la
moitié de l'échantillon aussi bien chez les enfants sorts
guéris (53,1%) que pour l'ensemble de l'échantillon (52,4%). La
prédominance de cette tranche est retrouvée dans la
littérature [15,21,22,23,24]. C'est pendant cette
période qu'intervient le sevrage associé le plus souvent
à une alimentation de complément inadapté.
L'échantillon des enfants sortis guéris montrait
une prédominance du sexe masculin (57,7%). Il en était de
même pour l'échantillon de l'ensemble des enfants admis au CREN
(57,5%). Cette tendance avait été observée par d'autres
auteurs [15,19,20,21,24]. Cette prédominance masculine serait
liée à une plus grande sensibilité des garçons
à la malnutrition alors que l'anthropométrie moyenne est peu
différente entre garçons et filles au moment du sevrage [25, 13].
21,4 et 21,1% des enfants sortis guéris et de
l'ensemble des enfants admis au CREN présentaient des oedèmes
à l'admission. Bitwé et al. [19] avaient relevé une
proportion plus faible (12,5%) alors que Bachou et al. [26] notaient une
proportion plus élevée et qui était de (50%). Les
différences observées sont dues au fait que le CREN, en principe
ne reçoit que les enfants malnutris, donc une probabilité plus
forte de recruter des enfants oedémateux alors que les hôpitaux
reçoivent tous les enfants malades parmi lesquels on peut retrouver les
malnutris.
La proportion des enfants vaccinés contre la rougeole
était plus élevée chez ceux sortis guéris (17,5%)
par rapport à l'ensemble des enfants admis au CREN (12,9%). Les enfants
malnutris mais qui avaient été vaccinés contre la rougeole
semblaient donc mieux bénéficier de la réhabilitation
nutritionnelle. La couverture vaccinale contre la rougeole est très
faible chez les enfants admis au CREN de Tenghin. Cette faible couverture
vaccinale contre la rougeole chez les enfants malnutris avait été
évoquée par d'autres auteurs au Burkina Faso [22,27].
La prévalence au VIH était plus basse chez les
enfants sortis guéris (9,7%) par rapport à l'ensemble des enfants
admis au CREN (12,9%). Les enfants malnutris infectés par le VIH
semblaient bénéficier d'une plus faible réhabilitation
nutritionnelle comparativement aux enfants non infectés si on tient
compte du gain d'un kg de poids comme critère principal de sortie du
CREN.
41,8% soit plus de 2 enfants sur 5 admis au CREN avaient la
diarrhée à l'admission. De nombreux auteurs dont Agbessi en 1987
[28], Tondé en 1999 au Burkina Faso [23], ont mis effectivement en
parallèle l'incidence de diarrhée et le développement
d'une malnutrition et parlent plus généralement d'une
corrélation entre l'état infectieux et l'état
nutritionnel. La forte proportion d'enfants ayant la diarrhée dans notre
échantillon confirme l'argument de Somé en 1999 au Burkina Faso
[6] qui rapportait qu'un enfant malnutri sur trois présentait une
diarrhée à son entrée dans un CREN. Duboz et al. en 1988
[29] toujours au Burkina Faso notait que les maladies diarrhéiques
étaient bien plus fréquentes chez les enfants malnutris que chez
les biens portants, et qu'elles atteignaient leur maximum au moment du sevrage
de l'enfant.
Plus d'un enfant sur 25 (4,8%) admis au CREN avait
déjà séjourné antérieurement au CREN pour
une réhabilitation nutritionnelle. Ce taux de rechute est plus faible
par rapport à ceux relevés en 1987 en Tanzanie (10,1%) par Van
Roosmalen [30] et en 2000 par Sall et al. au Sénégal (5,5%) [17].
Mais dans l'ensemble, ces taux traduisent l'incapacité ou
l'incompétence des mères à adopter les conseils et
recommandations reçus sur la prise en charge nutritionnelle des enfants.
Presque tous les enfants admis au CREN (94,3%) avaient un
taux d'hémoglobine inférieur à 12g/dl. Ces enfants
étaient anémiés et le taux d'hémoglobine moyen
était de 8,4g/dl. Ce taux est proche de ceux relevés par Sall et
al. en 1999 au Sénégal (7,2g/dl) [20 ] et par Bachou et al. en
2006 en Ouganda (9,0g/dl) [26].
Au niveau nutritionnel, 95,5% des enfants sortis guéris
étaient en malnutrition aigue sévère (indice poids pour
taille <-3) à leur admission au CREN. Tous les enfants
n'étaient pas en malnutrition et cela s'explique au vu des
critères secondaire de recrutements appliqués dans la pratique au
CREN. Cependant, 89,7% des ces enfants se situaient en dessous de - 3
écarts types par rapport à la médiane de
référence en ce qui concerne le Z-score périmètre
brachial pour âge et présentaient donc un haut risque de
décès. Ils devraient donc bénéficier d'une prise en
charge adéquate aussi bien sur le plan nutritionnel que médical.
Or l'équipe du CREN de cette période (trois infirmières et
trois animatrices) ne semblait pas suffisamment compétente pour faire
face à ce besoin.
L'ensemble des enfants admis au CREN souffraient plus d'une
malnutrition aigue sévère (95,5%) que d'une malnutrition
chronique sévère (36,7%).
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