5.3 L'APPRENTISSAGE D'UN METIER : UNE VOIE D'INSERTION
SOCIOPROFESSIONNELLE
Lassées de vivre dans une situation de
dépendance totale et de continuer par subir une marginalisation sans
cesse croissante de la part de leur communauté, limitées dans
leur désir de poursuivre leurs études, certaines personnes
handicapées choisissent la voie d'une formation professionnelle au
détriment de la mendicité.
A cet effet, la maîtrise d'un métier après
la formation est l'une des conditions incontournables de l'insertion
socioprofessionnelle.
Durant leur formation dans différents métiers
dont la durée d'apprentissage varie de deux à trois ans (cf.
tableau 14), les personnes handicapées font preuve d'une aptitude et
d'une capacité de maîtrise du métier. TCHAKPANA K. E.,
(2004 : 74) pense d'ailleurs que l'hostilité ou
l'indifférence des parents à envoyer les personnes
handicapées en apprentissage ne dépend pas de leur
incapacité, elle dépend plutôt d'un manque de confiance et
d'espoir en leur avenir. Abondant dans le même sens, il ajoute que
« cette attitude ségrégationniste de la
collectivité à l'égard des personnes handicapées
provient de l'ignorance de la capacité réelle et effective de
celles-ci à apprendre voire exercer un métier »
TCHAKPANA K.E., (op. cit). C'est dire que les personnes handicapées sont
capables autant que les personnes valides d'apprendre et d'exercer un
métier.
Cette réalité se reflète dans les
résultats de notre étude. Ces résultats montrent en effet
que les personnes handicapées, arrivent à respecter (tant bien
que mal) non seulement les temps réglementaires de formation (cf.
tableau 15), mais aussi deviennent tous aptes à exercer les
métiers de leur formation quels qu'ils soient (cf. tableau 13).
Toutefois, elles éprouvent certaines difficultés
liées à la discrimination, à l'assimilation rapide de la
formation et à la manipulation des outils (personnes ayant un handicap
d'un membre supérieur) en début de formation. Elles souffrent
surtout d'un manque de soutien financier, matériel et moral en ce sens
qu'une proportion non négligeable de ces personnes assure elle
même sa formation (cf. tableau 16).
Au-delà de quelques actes de discrimination auxquels
font face les personnes handicapées en début de formation, elles
bénéficient généralement d'une bonne ambiance et
entretiennent de bons rapports avec leurs camarades d'atelier qui finissent par
les accepter et par sympathiser avec eux (cf. tableau 17).
5.4 L'APPUI A L'INSERTION SOCIOPROFESSIONNELLE
L'une des préoccupations des personnes
handicapées après la rééducation et la formation
est l'intégration à la vie professionnelle. Cette
intégration n'est possible que par la création de leur propre
atelier, par l'insertion dans le secteur public ou en se faisant embaucher par
un particulier. Sur la base des résultats de l'étude, l'on
constate que l'insertion professionnelle des personnes handicapées
après leur formation n'est pas toujours effective. Ces personnes dans
leur tentative d'insertion se heurtent à plusieurs obstacles.
Dans le secteur public, on note l'absence d'une mise en oeuvre
d'un ensemble de mesures par l'Etat pour assurer l'insertion professionnelle et
économique et donc le bien-être des personnes
handicapées.
Les employeurs ont des idées négatives
préconçues et basées sur des représentations
dévalorisantes véhiculées dans la société.
Ils regardent plus le handicap que les potentialités de la personne.
Cette attitude des employeurs inhibe leurs chances d'insertion dans le secteur
privé.
N'ayant que de maigres chances d'insertion dans le secteur
public et privé, les personnes handicapées ont
développé des stratégies individuelles d'insertion
professionnelle qui consistent à créer leurs propres ateliers.
Mais, là aussi se pose un certain nombre de
problèmes. Il s'agit du manque de moyens financiers, matériels et
d'un appui technique (recherche du marché, gestion des ressources...)
(cf. tableau 21). Cet état de choses fait que la plupart des personnes
handicapées passe plus de trois ans après l'obtention de leur
diplôme avant de s'installer de façon personnelle ou en
association avec d'autres personnes handicapées (cf. tableau 20).
Face au besoin d'aide pour s'installer et face au manque de
rigueur des stratégies de suivi en matière d'insertion
professionnelle, l'on assiste à l'émergence de nouvelles
stratégies mises à jour par les personnes handicapées pour
lutter contre le chômage.
En effet, pour lutter contre le chômage, les personnes
handicapées s'associent en groupements afin d'unir leurs forces et
créer plus facilement un atelier. Cette stratégie vient comme
pour suivre ce conseil de DOGBE.Y. E., (1983 : 95) qui dit que face aux
difficultés de la vie et à l'hostilité de la nature, il
est nécessaire de se mettre ensemble et d'exécuter un contrat de
participation et de solidarité garantissant à chacun le minimum
vital et l'assistance de tous les membres du groupe en cas d'invalidité.
Cette même stratégie d'association en groupement explique le fait
que bon nombre des enquêtés aient le statut d'associés dans
les ateliers (cf. tableau 12).
D'autres par contre choisissent d'appartenir à des
associations qui se chargent de porter leurs projets de création
d'atelier à la connaissance des bailleurs intervenant dans ce domaine.
Cette seconde option a permis à bon nombre de personnes
handicapées de bénéficier d'aides plus ou moins
suffisantes (cf. tableau 24) et de diverses formes de la part des ONG parmi
lesquelles Handicap International fait bonne figure (cf. tableau 23).
Notons par ailleurs que cette étude a aussi
révélé l'existence d'une méfiance, voire même
d'une crise de confiance entre certaines associations et leurs
adhérents. A cet effet un enquêté s'est confié en
ces termes : « j'ai l'impression que les associations auxquelles
nous appartenons font de nous un objet de commerce. Grâce à nos
projets, elles reçoivent des financements mais ne veulent pas en retour
investir comme il faut dans nos activités ».
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