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La scène alternative de Poitiers

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par Maxime Vallée
Université de Poitiers - UFR Sciences Humaines et Arts - Master 1 Civilisation Histoire et Patrimoine 2011
  

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III- Le Confort Moderne : dans l'air du temps sur deux tableaux

Comme nous venons de le voir la crise semblait donc réelle au sein du mouvement alternatif français, tout en épargnant Poitiers, comme peuvent en témoigner la formation de deux structures majeures : la Fanzinothèque et le label On a faim !. Une crise caractérisée chez les créateurs d'une part par l'affiliation au marché du disque de masse, ou par l'implosion de certains groupes moteurs peinant à associer reconnaissance nationale et fonctionnement alternatif ; et chez les structures organisationnelles d'autre part par une prise en compte de la culture rock émergente par les pouvoirs publics #177; rebaptisée plus pompeusement « musiques actuelles »222 ~

221 Entretien avec Gil Delisse du label musical « On a faim ! », propos recueillis le 7 mars 2011.

222 On en retrouve les traces dans les « Pôles régionaux de musiques actuelles » ou le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles » (IRMA).

récupérant une partie de la scène pour l'aseptiser. On observait donc « deux tendances naissantes des scènes françaises, une tendance institutionnelle, et une tendance « bordélique a» de l'instant. »223 En partant de ce constat, il va être intéressant d'observer la position du Confort Moderne, qui semble osciller entre ces deux directions.

A/ Un témoin intéressant de la situation de la scène alternative nationale

Dès le début de l'année 1989, le Confort Moderne se positionne comme à son habitude au coeur de la scène indépendante hexagonale : le festival « Rock en France » débute le 27 janvier et rassemble les formations musicales françaises les plus reconnues en dehors de l'industrie du disque. L'explosion médiatique du mouvement semble déjà avoir opéré et, selon le journaliste, à la question « mouvement alternatif ou Top 50 ? Le public du Confort a fait son choix. »224 Le rapport de force opposant deux façons différentes d'envisager la production de la culture semble donc avoir été acté dans la presse généraliste, qui commence à expliciter cet affrontement. Un intérêt tardif #177; si l'on considère que le mouvement alternatif a depuis longtemps pris ses quartiers à Poitiers à travers LOH et le Confort Moderne notamment #177; et tâtonnant : « il paraît que ce genre de groupes est farouchement opposé à une reconnaissance par la télévision et les médias. »225 Un courant culturel visiblement mal compris, puisque qu'il ne s'est jamais opposé à la reconnaissance, qu'il a atteint à la fin de la décennie, mais s'est plutôt souvent montré critique vis-à-vis des moyens pour y parvenir, c'est-à-dire des médias de masse et des canaux traditionnels, trop marqués par l'économie de marché. Le centre culturel confirme son attachement à ce pan « résistant » de la scène, qui tente de continuer un mouvement sur les bases qui ont forgé son identité et son succès, en organisant dès la fin de la même année la seconde édition du festival « Eat Some Rock a». Se déroulant successivement au Confort Moderne, à l'Agora et au Puits de la Caille, la manifestation a pour habitude de relayer les grands noms de la scène indépendante en associant différentes places culturelles associatives de Poitiers : Les

223 TIGAN Fabrice, « Poitiers Über Alles », sur le Forum Poitiers Bruits, http://poitiersbruits.bbconcept.net/t34-poitou-uber-alles-par-fab-tigan, consulté le 28 avril 2011.

224 ACM : « Press Book de L'oreille est hardie » (septembre 1989-juillet 1990), La Nouvelle République du 15 novembre 1989.

225 Ibidem.

Satellites et Les Wampas #177; pour ne citer qu'eux ~ lors de l'édition de 1988226 et Les VRP et Warum Joe entre autres en 1989.227

Dans le même temps, la salle poitevine entretient aussi des liens relativement étroits avec l'autre pendant de la scène, très critiqué au sein mrme du mouvement, qui finit au début des années 1990 par s'intégrer au marché du disque traditionnel. Le Confort Moderne reçoit ainsi les groupes et labels les plus controversés de la scène : La Mano Negra, groupe formé par le très médiatique Manu Chao, signé sur la major Virgin dès 1988, effectue un passage remarqué au Confort Moderne le 2 mars 1989 avec leur « nouveau morceau taillé pour faire un hit ».228 Concernant l'entourage de ce groupe né dans l'underground parisien et très vite rattaché au monde du show-business, le Confort Moderne a également accueilli dans la continuité de sa politique de soutien et de relais des structures indépendantes #177; comme lors de la soirée « Gougnaf Mouvement » mentionnée plus haut) #177; le label « Boucherie Production », qui produisait La Mano Negra, avant que le groupe soit signé sur Virgin. Bien que ce label soit indépendant, ses objectifs semblent privilégier à tout prix la reconnaissance par le grand public des groupes qu'il produit, plutôt que la simple édition de créations exclues des circuits traditionnels. Ces buts ont naturellement conduit Boucherie Production à adopter la « stratégie promotionnelle la plus efficace possible, tournée vers les médias rock, mais aussi les supports traditionnels »229 ce qui se démarque clairement de l'éthique alternative, qui cherche justement par définition à se démarquer de ces supports. Cette politique, partagée par certaines autres formations ou structures, a largement fait débat au sein de la scène alternative et a conduit les membres de Boucherie Production à être qualifiés de « bouchers aux dents longues. »230 Le Confort Moderne constitue donc un témoin fidèle de la situation de la scène alternative coupée en deux, qui connaît des « problèmes essentiellement économiques »231, liés à la gestion d'une audience de plus en plus importante, impliquant de plus en plus d'argent, rendant difficile la conservation

226 ACM : « Press Book de L'oreille est hardie » (septembre 1987-juillet 1988), Centre Presse du 9 juin 1988.

227 ACM : « Press Book de L'oreille est hardie » (septembre 1988-juillet 1989), La Nouvelle République du 6 juin 1989.

228

ACM : « Press Book de L'oreille est hardie » (septembre 1988-juillet 1989), La Charente Libre du 1er mars 1989.

229 AFP, On A Faim !, mai 1990 (n° 14), p. 10.

230 Ibidem.

231 Entretien avec Luc Bonet du label musical « On a faim ! », propos recueillis le 14 janvier 2011.

d'une éthique Do It Yourself. Conscientes des occasions offertes par ces difficultés et des nouveaux marchés à conquérir, « les majors vont revoir leur politique de production envers les musiques amplifiées. »232

« Les années 1990 seront celles d'une réaction des majors, qui, tout en conservant une mainmise globale sur les produits les plus vendeurs, vont investir dans les nouveaux courants musicaux en adoptant des procédés de sous-traitance généralisée de la production et, si nécessaire, de la promotion tout en contrôlant les processus de distribution. »233

Cela s'est traduit concrètement par une vraie campagne de séduction de la part des grandes maisons de disques, qui cherchaient à reprendre à leur compte un mouvement culturel en crise, comprenant certains éléments qui voyaient dans ces majors une solution pour obtenir des moyens financiers capables de répondre aux exigences financières liées à une audience de plus en plus importante. La plupart des grands labels se sont donc dotés de vitrines censées attirer les groupes issus de la mouvance alternative, par le biais de filiales soit disant indépendantes, mais rattachées aux majors : « Sony Music » crée ainsi le label « Squatt », qui porte un nom camouflant à peine les intentions d'attirer des formations issues d'un mouvement qui a mûri au sein des squats. À coté de cela, en plus de signer des groupes individuellement, les majors et leurs filiales ont également tenté d'assimiler directement les structures existantes, que ce soient les labels avec l'ensemble de leurs catalogues, ou les fanzines qui constituaient un outil de publicité touchant des publics qui n'étaient pas atteints par les majors. OAF ! #177; Fanzine a ainsi été approché par ces majors qui ne cachent pas leurs intentions de faire rentrer les canaux de la scène alternative dans des logiques commerciales : « On a vu que grâce au réseau des fanzines et des associations, certains groupes ont pu vendre énormément de disques. »234

On ne peut pas parler de cette récupération de la scène sans évoquer le rôle de l'État et de la politique culturelle mise en place lors des mandats exercés par Jack Lang en tant que ministre de la Culture. Le Centre d'information rock (CIR) est l'exemple le plus marquant de cette politique ayant permis cette intrusion du show-business dans le milieu indépendant. Créé en 1986 grâce à une subvention de 600 000 F. du ministère de la Culture, « le centre avait d'abord pour but de mieux

232 GUIBERT Gérôme, op. cit., p. 281.

233 GUIBERT Gérôme, op. cit., p. 280.

234 AFP, On a faim !, mai 1990 (n° 14), p. 17.

faire circuler l'information. Cet organisme édite alors « « L'Officiel du rock » [...] où figurent les contacts des acteurs des musiques actuelles (artistes, disques, scènes, médias...). »235 Ce qui a été reproché au CIR et à son journal, c'est qu'il n'y fut « presque jamais question de musique, on ne parle que de fric, de subvention, de sponsoring. À vous en dégouter... »236 Finalement, cette institution et le répertoire qu'elle a créé, au lieu de desservir les acteurs de la scène en les connectant entre eux, a facilité l'intrusion des majors qui n'a plus eu qu'à draguer dans ce vivier pour trouver des artistes correspondant aux nouveaux marchés. Cette mesure est donc allée dans le sens de la politique mise en place par l'État qui a largement favorisé l'institutionnalisation globale du mouvement, en témoigne la mesure d'aide financière accordée aux labels indépendants, à condition que ceux-ci soient constitués en SARL #177; donc de taille importante #177; laissant de côté les petites associations à but non lucratif.

Le Confort Moderne est donc implanté dans une scène qui se trouve au centre d'enjeux nationaux, qui semblent devoir déterminer l'issue de la crise dans laquelle elle est engluée. Pourtant, le centre culturel poitevin ne semble, entre 1989 et 1992, ne pas se positionner sur l'échiquier national (nous verrons s'il en est de mrme pour son fonctionnement), dans cet affrontement entre scène résistante et scène en voie d'institutionnalisation et/ou d'accession au show-business. Ne prenant pas parti, LOH continue donc de programmer à la fois des talents émergents et des valeurs sûres de la scène française. Toujours à l'avant-garde de l'innovation dans le champ musical, il faut aussi remarquer qu'une nouvelle culture, finalement dans la continuité de la scène rock #177; car également issue des couches sociales les moins favorisée, une culture urbaine, underground #177; s'invite à l'affiche du Confort Moderne : le Hip-hop commence ainsi à être programmé dans le centre culturel de Poitiers. Une fois de plus, l'association poitevine fait preuve de flair en programmant des artistes majeurs issus de cette scène : NTM y effectue ainsi son premier concert en province en 1990237 et IAM est à l'affiche en mai 1991.238 On peut donc dire que

235 GUIBERT Gérôme, op. cit., p. 273.

236

AFP, On a faim !, mai 1990 (n° 14), p. 17.

237 MOUILLE Thierry, op. cit., (source audio-visuelle).

238 ACM : « Press Book de L'oreille est hardie » (septembre 1990-juillet 1991), Majuscules du 1er mai 1991.

conformément à leur habitude, LOH et le Confort Moderne semblent continuer dans la voie empruntée depuis leurs origines.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand