WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La scène alternative de Poitiers

( Télécharger le fichier original )
par Maxime Vallée
Université de Poitiers - UFR Sciences Humaines et Arts - Master 1 Civilisation Histoire et Patrimoine 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II- Le Confort Moderne : de nouvelles bases pour un nouveau départ

Le 20 mai 1985 ouvre sur les flancs de la vallée du Clain, au coeur du faubourg du Pont-Neuf (au n° 185), le lieu baptisé par LOH « le Confort Moderne ». Presque deux ans après son jubilé et ses adieux festifs, l'association poitevine refait surface dans la vie culturelle et, à l'image de l'ensemble de sa carrière, réapparait en grande pompe, de façon éclatante. Une semaine entière de spectacles en tous genres (vidéo, théâtre, « musique inclassable mais appréciable »49, rock etc.) dans un espace culturel flambant neuf marque le renouveau de LOH, et le début d'une nouvelle ère pour la culture alternative à Poitiers, qui dispose désormais d'un point d'ancrage. Cette partie va nous permettre de comprendre en quoi ce lieu a permis de répondre aux problèmes rencontrés par l'association au début des années 1980, et également de mettre en lumière les spécificités de ce centre culturel très novateur et précurseur en France.

A/ Un lieu pour L'oreille est hardie : de la friche industrielle au centre culturel

Ouvrir un lieu totalement à leur disposition a constitué pour les membres de LOH une solution viable aux problèmes rencontrés jusqu'en 1983. Permettant à l'association de conserver son indépendance vis-à-vis de la programmation artistique, le Confort Moderne règle les soucis d'inadaptation des infrastructures municipales ou privées aux spectacles proposés par l'association. Mrme si le manque d'espace dédié a permis aux membres de l'association de laisser libre cours à leurs envies #177; ce qui a débouché sur des manifestations insolites comme une série de « concerts dans les arbres » en 1978, 1980 et 198250, ou un concert subaquatique organisé à la piscine de Bellejouane, oil les spectateurs devaient se baigner pour écouter la musique51 #177; cela a surtout constitué un frein à l'organisation de spectacles, et ce à plusieurs niveaux. Tout d'abord, ~tre dépendant des structures culturelles de la

49 Archives en ligne du Confort Moderne : http://www.confort-

moderne.fr/layout.php?r=152&sr=153&id_intrazik=24074 , La Charente Libre du 25 mai 1985, consulté le 18 avril 2011.

50 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1981-juillet 1982), La Nouvelle République du 6 juin 1982.

51 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1982-juillet 1983), La Nouvelle République du 21 octobre 1982.

Ville était en inadéquation avec la rapidité d'exécution de LOH pour mettre sur pied une manifestation. Fazette Bordage52 explique ainsi :

« Avoir une salle rapidement pour organiser une soirée concert, c'était impossible. Il fallait faire les demandes des semaines à l'avance. Parfois, nous voulions organiser des concerts pour le soir mrme, mais avec les salles municipales, il fallait s'y prendre au moins deux semaines à l'avance. »53

Le Confort Moderne étant à la totale disposition de l'association, il lui permet de realiser des projets emanant des cycles courts de production evoques plus haut. Par ailleurs, c'est un lieu qui a été préalablement façonne, amenage durant plusieurs mois par les membres de la structure et qui est ainsi plus adapte aux types de spectacles proposes que les locaux delivres par la municipalite ou les institutions : lors du concert de The Cure en 1981, le journaliste remarque ainsi que « l'amphi [Descartes] s'avérait trop petit »54, ou en 1979, LOH est oblige de reprogrammer à la dernière minute le concert de 12°5 devant l'inadaptation des locaux du Musée Sainte Croix. Il est bien sûr évident que l'organisation de concerts de type rock ou derives pose un certain nombre de problèmes dans l'enceinte de salles qui ne sont pas équipées pour la sonorisation des artistes ou pour l'accueil du public, lorsque la fosse est remplie de sièges et ne permet pas aux spectateurs d'exprimer l'énergie degagee lors de ce types d'événements. Yorrick Benoist55 declare par exemple « on en a marre de voir des concerts de rock assis dans des sièges en mousseline. »56 Par ailleurs, même si une salle comme les Arènes de Poitiers aurait constitue un cadre adapte à des concerts de musiques amplifiees, il est evident que la capacité d'accueil élevée et le coût de location qui y est lié n'auraient pas permis à LOH d'y organiser des manifestations. Le Confort Moderne constitue en cela le resultat des « mouvements musicaux de la fin des années 1970 et du début des années 1980 [...] qui ont posé de façon plus sensible la question du sous-equipement de nombreuses villes en salles de repetitions

52 Membre de l'Oreille est Hardie, Fazette Bordage est l'un des quatre piliers ayant fondé le Confort Moderne. Coordinatrice du reseau europeen de salles de concerts Trans Europe Halles de 1994 à 2000, elle investit un nouveau lieu dedie à la recherche artistique en 2001 et intègre la même annee une mission interministérielle sur les nouveaux territoires de l'art. Elle continue depuis 2010 ce mrme travail de valorisation à titre independant.

53 RAFFIN Fabrice, op. cit., p. 37.

54 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1981-juillet 1982), Centre Presse du 10 octobre 1981.

55 Membre de l'Oreille est Hardie, Yorrick Benoist est l'un des quatre piliers ayant fondé le Confort Moderne. Il est aujourd'hui directeur d'une agence de production de musiques traditionnelles : Run Productions.

56 MOUILLE Thierry, op. cit. (source audio-visuelle).

et de concerts. »57 On remarque qu'à Poitiers, c'est par des pratiques radicales, fidèles aux principes Do It Yourself que les membres de LOH répondent au manque de réponses de la Ville concernant à la mise à disposition de locaux aptes à recevoir des concerts de musiques amplifiées, ou des spectacles vidéos.

Prenant acte de ce dialogue de sourds, l'association prend elle-même ses dispositions et décide d'ouvrir un lieu qu'elle pourrait pleinement exploiter. En 1984, les membres de LOH, motivés par le succès du Meeting de juin 1983, repèrent ainsi « d'anciens entrepôts abandonnés par l'entreprise d'électroménager Confort 2000, situés Faubourg du Pont Neuf. Ils contactent le propriétaire qui accepte de leur louer le site. »58 Le bail est signé le 13 septembre 1984 entre les propriétaires, Marcel Breuil et son fils Roger, entrepreneur dans le b~timent d'une soixantaine d'années, et le président de LOH Pascal Delaunay.59 Le document stipule la location pour une durée de neuf ans à compter du 1er septembre 1984, et pour la somme de 13 500 francs H.T. par mois, d' « un logement en entrant avec un rez-de-chaussée surmonté d'un étage, 18 garages à droite, 3 garages à gauche, un ensemble de locaux situés de part et d'autre d'une cour centrale »60 et la possibilité d'y faire tous les travaux nécessaires au développement d'une activité culturelle. Le propriétaire, qui s'est pris d'affection pour « ces petits jeunes qui en veulent »61, laisse donc la possibilité à LOH de façonner le lieu pour qu'il s'approche le plus possible de leurs attentes. On voit tout de même que ce genre de pratiques se distingue de celles employées à Paris notamment, au début des années 1980, qui consistaient dans certains cas à investir des lieux désaffectés de manière illégale, à les « squatter », pour offrir au public de véritables alternatives culturelles. Gérard Biot, raconte le départ de « Rock à l'Usine » (un squat situé à Montreuil diffusant des concerts de 1983 à 1986) qui découle du constat suivant :

« [...] tous les groupes [évoqués] plus tard, avaient beaucoup de mal à se produire... Sur Paris, très peu de salles laissaient de la place à ces groupes-là, même les M.J.C., le

57 TEILLET Philippe, « Eléments pour une histoire des politiques publiques en faveur des « musiques amplifiées » » in Les Collectivités locales et la culture, les formes de l'institutionnalisation, XIXe-XXe siècle, sous la dir. de Philippe Poirrier, Paris, Comité d'Histoire du ministère de la Culture ~ Fondation Maison des sciences de l'Homme, 2002, p. 368.

58 RAFFIN Fabrice, op. cit., p. 66.

59 ACM : « Baux », Bail locatif du 185, Faubourg du Pont Neuf entre MM. Breuil et L'Oreille est Hardie, 13 septembre 1984.

60 Ibidem.

61 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1985-juillet 1986), Elle du 18 novembre 1985.

milieu socioculturel était très aseptisé... Rock à l'Usine est parti de ce constat. Il y a plein de lieux désaffectés, qui ne servent à rien, des espaces énormes, pourquoi ne pas s'emparer d'un lieu comme ça et faire, comme certains squats intra-muros, mais à une plus grande échelle ? »62

LOH conserve donc l'idée de redonner vie à des friches industrielles laissées à l'abandon, mais s'inscrit dans une forme de légalité qui lui permet d'échapper à la précarité et aux menaces d'expulsion. Par ailleurs, cette légalité permet jà l'association d'tre aidée dans la rénovation des b~timents qui devaient voir de simples entrepôts devenir un complexe multimédia comprenant un bar, un espace de concert et une galerie d'exposition. Le Confort Moderne bénéficie ainsi d'une aide de 700 000 francs de la part de la Direction Départementale de la Culture qui lui permet de financer la moitié des travaux d'aménagement, le reste étant comblé par un emprunt,63 et l'équipement du lieu est assuré par une série de subventions de diverses provenances atteignant plus d'un million de francs :

350 000

250 000

30 000

270 000

145 000

37 000

Ville de Poitiers

Direction Régionale des Affaires Culturelles

Fonds d'Intervention Culturelle

Fonds Régional d'Art Contemporain

Conseil Régional

Direction du Développement Culturel

Provenance des subventions d'équipements du Confort Moderne
(montants en francs)
64

On remarquera ici l'engagement important de l'État derrière ce projet, puisqu'hormis la Ville de Poitiers et le conseil Régional, les autres institutions sont toutes des organes gouvernementaux, décentralisés ou non. Cet ensemble d'instances

62 RUDEBOY Arno, op. cit., p. 132.

63 ACM : « Press Book de l'Oreille est Hardie » (septembre 1985-juillet 1986), Elle du 18 novembre 1985.

64 ACM : « Subventions », Dossier de subventions (1984-1985).

majoritairement rattachées au ministère de la Culture et leur engagement financier auprès de projets culturels originaux montrent bien le revirement de la politique culturelle française depuis la fin du mandat de Valéry Giscard d'Estaing. Cette collaboration avec les institutions semble préfigurer un fonctionnement plus stable de LOH. Il va maintenant nous falloir analyser celui-ci.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"