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Lutte contre l'impunité et effectivité des droits des accusés : le doux chant de sirène du tribunal pénal international pour le Rwanda.

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par à‰lise LE GALL
Université Pierre Mendès France - Master 2 Droit 2010
  

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Master II: Théorie et pratique des Droits de l'Homme.

Stage professionnel au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

M émoire de stage

Lutte contre l'impunité et effectivité des droits des accusés:
le doux chant de sirène du TPIR.

« La Défense s'exerce parfois, comme le veut la formule, sans frontière.
A ussi, nous devons nous assurer qu'elle ne s'exerce pas sans conscience.
Et en toute connaissance de cause. »

Tiphaine Dickson, avocate au barreau du Québec et au TPIR.

Résumé du Mémoire.

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a été créé en 1994 par une Résolution du Conseil de sécurité des Nations--Unies, à la suite du plus foudroyant génocide de l'Histoire du XXème siècle. Depuis lors, il s'attèle à rendre des jugements en vue de sanctionner les principaux responsables du génocide et de violations graves du droit international humanitaire. Beaucoup d'espoirs ont été portés dans cette instance internationale créée quelques mois après la fin du génocide: symbole de lutte contre l'impunité, tribune pour la quête de la vérité et remède pour une réconciliation des peuples et un retour à la paix.

Seize ans plus tard ce symbole de lutte contre l'impunité peut--il sonner comme un exemple? Cette tribune a--t--elle permis la quête d'une vérité équilibrée et apaisante? Tels sont les éléments garantissant une réconciliation profonde du peuple Rwandais et l' effe ctivité d'une paix souhaitée. La réponse n'est pas évidente. Elle est assombrie par une réalité dérangeante hypothéquant l'exemplarité de ce Tribunal Pénal International ad hoc, dès lors qu'il s'agit de s'intéresser aux accusés et aux droits fondamentaux. C'est pourquoi en ce contexte de fin de mandat du TPIR, il est bon de se demander si il est possible de combattre l'impunité tout en préservant les droits des accusés?

L'é quilibre de ces deux notions: lutte contre l'impunité et droits des accusés est la garantie d'une réconciliation du peuple rwandais et du rayonnement salutaire d'une justice saine et équitable. Les plateaux égaux de la balance de justice sont gages de paix et de réconciliation des peuples. Perdre cet équilibre entre la lutte contre l'impunité et l'effectivité des droits des accusés, c'est faire défaillir le rayonnement d'une justice internationale.

Sommaire du Mémoire

I. Lutte contre l'impunité au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda

A) Une lutte contre l'impunité textuelle : la face émergée de l'iceberg.

B) La pratique de cette institution internationale : la face immergée de l'iceberg.

II . Une lutte contre l'impunité mettant en péril les droits des accusés.

A) Une volonté textuelle affirmée assurant la protection des droits fondamentaux des accusés.

B) Un constat de violations assombrissant ce principe d'équité du TPIR.

Glossaire du Mémoire

· Accusé: Personne à qui l'on impute une infraction pénale.

· Acte d'accusation: Document accusant formellement une ou plusieurs personnes d'avoir commis un crime ou une série de crimes.

· Conseil de Sécurité des Nations Unies: Organe exécutif de l'Organisation des Nations Unies dont la mission, selon la charte des Nations Unies, est la sécurité internationale. (article 24 de la charte des Nations unies.

Le Conseil de sécurité est composé de quinze membres, dont cinq membres permanents : Royaume--Uni, France, États--Unis, Russie et Chine. Ils disposent d'un droit de veto.

· Conventions de Genève: Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs protocole s additionnels de 1977 et 2005 constituent la pierre angulaire du droit humanitaire international, dont les règles sont faites pour limiter les conséquences de la guerre en offrant protection aux civils et à ceux qui ne sont pas impliqués dans le conflit (comme les combattants blessés et mis hors de combat). Conventions applicables aux conflits internationaux et nationaux.

· Détention préventive: La détention préventive est une mesure de détention provisoire visant à emprisonner jusqu'à la fin du procès un accusé.

· Droits fondamentaux: l'ensemble des droits subjectifs primordiaux pour l'individu, assurés dans un État de droit et une démocratie.

· Droit international humanitaire: Ensemble des lois cherchant à protéger les civils et les non combattants en temps de conflit civil ou international. Communément appelé «droit de la guerre» - en latin «jus in bello» - et largement décrit dans les Conventions de Genève

· Droit de la Défense: Concept en vertu duquel les personnes assujetties à des poursuites judiciaires, et notamment celles accusées de crimes, doivent voir leurs droits respectés à tout moment, de l'arrestation au jugement en passant par le procès, et doivent jouir pleinement des bénéfices conférés par ces droits - par exemple, les droits de la défense sont violés lorsqu'un accusé se voit refuser l'accès à un avocat. C'est ce que l'on appelle le «droit à un procès équitable» en droit international.

· Effectivité: Principe de droit international suivant lequel une situation n'est opposable aux tiers que si elle présente un degré suffisant de réalité.

· Juridictions « gacaca » : juridiction nationale Rwandaise, chargés de juger les
auteurs de génocide et de violations graves du droit international humanitaire.


· Impartialité: L'impartialité est l'absence de parti pris. Elle est généralement associée à la neutralité, l'équité, l'objectivité, la notion de justice.

· Indépendance: L'indépendance, pour un pays, une organisation politique ou une branche du gouvernement, est l'acquisition de sa totale souveraineté politique, par opposition au fait d'être régenté par une autorité suzeraine ou coloniale.

· Présomption d'innocence: Concept juridique selon lequel tout accusé est réputé innocent tant que sa culpabilité n'a pas été prouvée hors de tout doute raisonnable à l'issue du procès et de l'appel.

· Principe du non bis in idem: est un principe classique de la procédure pénale, déjà connu du droit romain, d'après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits. Cette expression désigne donc l'autorité de chose jugée au pénal sur le pénal qui interdit toute nouvelle poursuite contre la même personne pour les mêmes faits. Cette règle répond avant tout à un souci de protection individuelle de la personne poursuivie.

· Procès équitable: Procès qui doit respecter les règles de procédures imposées par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, lequel a le souci de donner des garanties à la personne poursuivie.

· Règlement de procédure et de preuve: Règles régissant les procédures et l'admissibilité des preuves dans la procédure judiciaire.

· Requête: Demande adressée au tribunal afin que celui--ci se prononce sur un point précis, par exemple sur la question de savoir si certains éléments de preuve, notamment des aveux, seront admis au procès, ou si, en raison d'erreurs, un nouveau procès doit avoir lieu.

· Responsabilité pénale individuelle : Concept selon lequel ce sont des individus et non des organisations ou des entités abstraites qui commettent des crimes et en sont tenus responsables.

· Statut: Texte fondateur établissant et régissant la juridiction, l'organisation et le fonctionnement de tribunaux tels que la CPI.

· Tribunal Pénal International pour le Rwanda: créé pour juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide et d'autres violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations du droit international commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1er Janvier et le 31 décembre 1994.

· Tribunal Pénal international pour l'Ex-Yougoslavie: a été institué le 25 mai 1993 par la résolution 827 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, afin de poursuivre et de juger les présumés responsables de violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l'ex--Yougoslavie depuis le 1er j anvi er 1991 c'est--à--dire durant les guerres en Croatie, en Bosnie--Herzégovine et au Kosovo, conformément aux dispositions de ses statuts.

Table des sigles.

CED H : Cour Européenne des Droits de l'Homme

ONU : Organisation des Nations Unies

OUA: Organisation de l'Unité Africaine

FAR: Force Armée Rwandaise

PIDCP : Pacte International des droits civils et politiques.

TPIR: Tribunal Pénal International pour le Rwanda

TPIY: Tribunal Pénal International pour l'ex--Yougoslavie

FPR : Front patriotique Rwandais

APR: Armée patriotique Rwandaise

M.X : affaire actuellement en cours au TPIR

M.Y : affaire actuellement en cours au TPIR

En 1959, suite à l'indépendance du Rwanda, des troubles politiques conduisent des dizaines de milliers de Rwandais d'ethnie tutsi à s'exiler en Ouganda, afin d'échapper à des tueries inter--ethniques. En quittant le Rwanda au moment de l'indépendance, les autorités belges laissent la direction du Rwanda entre les mains des Tutsis, qui ne représentent que 15% de la population. Mais peu à peu une élite hutu va se former avec la création en 1959 d'un parti hutu: le parmehutu, ayant pour finalité de reprendre la direction du pays. Cette crispation sur la volonté de diriger le pays est palpable par l'émergence de conflits inter--ethniques en 1959. En effet de nombreux Tutsis vont faire l'objet de persécutions, de massacres, et beaucoup de Tutsis menacés vont fuir par milliers en Ouganda, au Burandi, et au Congo--Kinshasa. Pendant les années 1960, de nombreuses tentatives de retour au pays par les Tutsis en exil vont être mises en échec, et auront pour conséquence de nouveaux massacres à l'encontre des Tutsis restés au Rwanda, par les Hutus, notamment en 1963.1 Quelques années plus tard en 1972 dans l'état voisin du Burundi, l'armée burundaise à majorité tutsi perpétue des massacres à l'encontre des Hutus burundais. Cette instabilité politique se reflétant au delà des frontières rwandaises affaiblit davantage le pouvoir du président rwandais Grégoire Kayibanda. Celui--ci dans un dernier espoir de retrouver une unité politique va accentuer ses efforts dans une politique nationale contre les tutsis. Et en 1973 des massacres sont à nouveau perpétrés, générant une nouvelle vague d'exil de tutsis.

C' est à ce moment, après des années de conflits inter--ethniques entre les tutsis et les hutus, que le président Hutu Habyarimana arrive au pouvoir. Les massacres qui s'en suivent vont entraîner des mouvements d'émigration, essentiellement en Ouganda. Rapidement les tutsis sont stigmatisés, comparés à des « cafards », des « cancrelats» et ceux qui font le choix de rester au Rwanda font l'objet de nombreuses persécutions. Ainsi pendant plus de 35 ans, le pouvoir sera exclusivement entre les mains de la majorité hutu avec à sa tête le général président Habyarimana. Mais la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), constitué pour l'essentiel de la seconde génération des Rwandais exilés en Ouganda, ne reste pas inerte devant cette monopolisation du pouvoir.

1 Entre 8 000 et 12 000 tutsis seront massacrés. Le journal «le monde» du 4 février 1964 parle de génocide et la Radio--Vatican parle de «terrible génocide jamais perpétré depuis celui des Juifs ».

Les Tutsis installés provisoirement en Ouganda, souhaitent rentrer au pays, mais leur retour est refusé. Le Front Patriotique Rwandais entraîné et armé, organise un retour par la force. C'est pourquoi le 1er octobre 1990, la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais lance depuis l'Ouganda une attaque contre le régime autoritaire du général--président Habyarimana.

D evant la menace extérieure oppressante et l'opposition intérieure grandissante, le régime se durcit et opère des interpellations d'environ dix mille Tutsis du Rwanda et d'Hutus complices des assaillants, notamment après une tentative d'attaque sur Kigali dans la nuit du 4 octobre 1990. Ces assaillants vont constituer par la suite le noyau dur des partis politiques d'opposition. Ceci marque donc le début du multipartisme ouvert sur fond de guerre civile. Entre la volonté de consolidation de leurs positions pour les belligérants, et la volonté tenace par les partis politique d'entrer au gouvernement, la pressi on poussera Habyarimana à céder en avril 1992.

D e nombreux massacres de Tutsis en découlent à Bugesera en mars 1992, à Gisenyi-- Ruhengeri en janvier 1991, à Gisenyi en décembre 1992, et en janvier 1993. En représailles, le Front patriotique Rwandais lance une «expédition punitive» en février 1993 et arrive à Kigali, après avoir commis de nombreux massacres. C'est dans ce contexte de violence, à travers notamment la pratique dite « Kubuhoza », que les partis politiques poursuivent leur implantation dans le pays.2 En août 1993, un accord de paix est conclu à Arusha entre le gouvernement et le FPR. Afin de s'assurer de l'application effective de cet accord, l'ONU envoie au Rwanda un contingent de quelque 2500 hommes: la MINUAR. Or le début de la mission onusienne va coïncider avec le coup d'État militaire du 21 octobre 1993 au Burundi au cours duquel le président hutu démocratiquement élu Melchior Ndaye trouve la mort. Cet événement va être largement exploité par la Radio et Télévision Libre des Mille collines, qui va par ailleurs diffuser des chants de guerre proscrits depuis la signature de l'accord de paix.

Parallèlem ent Frodoual Karamira, membre du comité directeur du plus grand parti d'opposition, le Mouvement Démocratique Républicain, organise un meeting politique à Kigali au cours duquel il lance le slogan «hutu power », qui traduit la

2 Pratique par laquelle les politiciens recrutent de force et tentent de chasser ou tout au moins déstabiliser les autorités locales (préfet, maires, conseillers municipaux) qui ne leur sont pas favorables.

radicalisation ethnique d'une partie des militants des mouvements politiques. En effet la plupart des formations politiques se disloquent alors en tendances extrémiste et modérée qui se disputent la légitimité.

Il va sans dire que cette dislocation au sein des partis retarde la mise en place du gouvernement et du parlement de transition prévus par les accords de paix d'août 1993. Le 5 janvier 1994, Habyarimana prête serment comme président de la République, mais l'investiture du gouvernement et du parlement n'auront jamais lieu, les blocages politiques persistant tant du côté du régime que du Front Patriotique Rwandais (FPR).

Le 21 février marque le début d'une escalade de violences, aboutissant à l'avènement d'une des pages les plus sombres et tragique de l'histoire du Rwanda et de la communauté internationale. En effet le 21 février 1994, le leader charismatique de l'opposition, le ministre des travaux publics Félicien Gatabazi, est assassiné devant son domicile à Kigali. Le lendemain, en guise de représailles, le président du CDR, Martin Bucyana, est lunché par une foule en colère à Butare (sud), la région natale de Gatabzi. De nouvelles violences éclatent, notamment à Kigali et à Cyangugu, le fief de Bucyana.

C' est dans ce contexte de guerre civile, de montée de l'extrémisme, de propagande anti tutsi dans certains médias, que survient l'événement tragique du 6 avril 1994 : l'assassinat du président Habyarimana par le crash de son avion présidentiel.

Dans la nuit du 6 Avril 1994, une phrase transmise sur les ondes de la radio, sonnera le clairon de 100 jours de terreur: « Abattez les grands arbres ». Pendant trois mois, la Radio Télévision Libre des Mille Collines encourage et guide jour après jour le massacre des Tutsis. Les milices Interhamwe3, l'ensemble des hutus extrémistes se chargent de massacrer à travers tout le pays les Tutsis, ainsi que certains Hutus modérés réputés hostiles à ce projet et considérés comme des «traîtres ». La population utilise essentiellement des machettes, des houes et des gourdins cloutés. Des barrières sont montées sur toutes les routes du Rwanda pour arrêter les fuyards qui sont massacrés sur place. Face à cette agitation, des hiérarchies parallèles sont organisées par les préfets poussant les autorités locales à mettre en place des massacres de grande

3 Issu du Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement.

ampleur.4 Ainsi par exemple, au prétexte de mise en sécurité, des Tutsis sont regroupés dans des lieux publics comme les stades, les bâtiments communaux, les écoles, les églises. Ils y seront massacrés par des groupes de miliciens, parfois précédés par les Forces Armées Rwandaises

Les massacres atteindront des sommets dans l'horreur et la cruauté. Des femmes enceintes sont éventrées pour tuer les foetus. Les violences sexuelles sont fréquentes et des tueries ont lieu au sein de familles mixtes. Horreur et cruauté caractérisent la rapi dité et de l'ampleur du génocide: en trois mois, un million de personnes sont tuées selon les autorités rwandaises, 800 000 selon l'ONU et l'OUA.

Dans cet événement tragique, il est à regretter l'inaction de la communauté internationale. D'ailleurs cette démission a été martelée par le général canadien Roméo Dallaire, commandant la MINUAR5. L'inaction de la communauté internationale a principalement pris appui sur l'existence de la guerre civile, prétexte permettant de détourner l'attention sur la réalité du génocide existant. La reconnaissance de l'existence d'un génocide par la communauté internationale interviendra bien trop tardivement, empêchant alors d'appliquer la convention internationale pour la prévention et la répression du génocide, et de faire ainsi cesser ces massacres.6

C ep endant dès lors que l'information d'un tel événement est relayée à l'échelle d'un continent puis du monde, cela ne devient plus l'apanage d'un peuple, du peuple rwandais, ni de puissances politiques. Il s'agit bien d'atrocités humaines qui peuvent être perceptibles par chaque être humain, citoyen du monde. Il n'y a alors plus de barrières, ni de différences culturelles, l'évidence est universelle, l'inacceptable est criant. Et face à cette force humaine amenant à une conscience mondiale, l'inaction est impossible. C'est pourquoi à défaut d'avoir pu agir à temps, le temps des remords laisse place à une volonté tenace d'être présent pour tenter de soulager une conscience secouée.

4 Alison Des Forges, Aucun témoin ne doit survivre, le génocide au Rwanda, Editions Karthala, 1999, p 261--306.

5 Force de l'Organisation des Nations--Unies destinée à soutenir les accords d'Arusha.

6 LANOTTE Olivier, La France au Rwanda (1990--1994) : entre abstention impossible et engagement ambivalents, P.I.E. Peter Lang, Centre d'Étude des crises et des conflits internationaux, 2007, p 512-- 529.

Ainsi, le 8 Novembre 1994, moins de quatre mois après la fin du génocide et des massacres qui ont coûté la vie à environ un million de Rwandais en moins de cent jours, le Conseil de sécurité des Nations Unies sur la base du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, crée par une résolution7 le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), dont le siège est fixé à Arusha en Tanzanie. Le TPIR reçoit alors comme mandat de « juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le 1 er Janvier et le 31 décembre 1994 »8. La compétence du TPIR est donc restreinte dans le temps à la différence de celle du TPIY, dont la juridiction n'a pas de date limite.

C e tribunal s'inscrit donc dans ce mouvement de justice transitionnelle qui inaugure un avant et un après le crime. Cette justice transitionnelle propose un mythe au sens de Paul Ricoeur, «elle identifie d'abord le mal, puis invite les institutions judiciaires ou extrajudiciaires à mettre en récit la tragédie survenue, avant de proposer sa résolution. C'est ce parcours qui aboutit à la reconnaissance publique du crime, et, si possible de l'aveu du criminel, lequel porte la promesse d'une métamorphose de la société, et, partant, réanime le vieux rêve d'une rédemption face aux forces des Ténèbres ». 9

C' est ainsi que le Conseil de sécurité précise notamment que les poursuites ainsi entamées «contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix» et contribueraient aussi à «faire cesser « les crimes «et à en réparer dûment les effets. ». Il souligne «qu'une coopération internationale est nécessaire pour renforcer les tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais» et décide «que tous les Etats apporteront leur pleine coopération au Tribunal international et à ses organes, (...) y compris l'obligation faite aux Etats de donner suite aux demandes d'assistance ou aux ordonnances émanant d'une Chambre de première instance. »10

7 Annexe 2, Résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU portant création du TPIR.

8 Annexe 3, Statut du TPIR annexé à la résolution 955 du Conseil de Sécurité portant création du Tribunal.

9 Pierre HAZAN, Juger la guerre, juger l'Histoire, PUF, 2007, p 80--110

1 0 Annexe 1 : Résolution 955 du Conseil de sécurité portant création du TPIR.

Ainsi, l'action du tribunal dépasse la dimension strictement judiciaire de la poursuite des auteurs du génocide. En effet les objectifs édictés par la résolution de l'ONU, réconciliation nationale, maintien de la paix, lutte contre l'impunité, appui aux tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais démontrent bien une volonté internationale d'apporter une réponse pénale et symbolique forte au troisième génocide du vingtième siècle. Mais il est à relever que pour beaucoup de Rwandais, la réalité des motivatio ns concernant la création de ce Tribunal international est toute autre: la mauvaise conscience internationale. La véracité de cette réalité ne peut qu'être appuyée par cette tragique défaillance d'intervention de la communauté internationale dans le génocide de 1994. De plus, son intervention à posteriori par la création de ce Tribunal International, pour sanctionner le crime une fois celui--ci commis, trouve un paradoxe: une ambition de réconciliation nationale, mais pourtant limitée dans le temps et l'espace.11 La réconciliation d'un peuple peut--elle se planifier à travers un temps déterminé? Le droit international se vit au présent, la réconciliation d'un peuple ne peut être une donnée pouvant faire l'objet d'une prévision temporelle: « le temps n'a aucune vertu productrice, et rien ne se fait par le temps, quoique tout se fasse dans le temps »12

D epuis 1994, le TPIR a évolué au regard des moyens de son existence. Avec plus de 800 employés, et un budget pour l'année 2008--2009 qui dépasse les 267.356.200 dollars 13. Il s'est développé en une institution conséquente sur le plan matériel et humain, capable théoriquement de mener à bien les missions qui lui sont conférées. Pour cela il est composé de trois chambres de première instance, de trois juges chacune et d'une chambre d'appel avec cinq juges.

En poursuivant les individus considérés comme les principaux responsables du génocide rwandais, le TPIR a joué un rôle important dans la délivrance d'une certaine justice aux victimes et aux survivants du génocide. Depuis le début du premier procès, le TPIR a émis, à compter du 1er Janvier 2010, quarante--neuf jugements concernant quarante accusés, dont neuf ont été jugés conjointement avec un ou plusieurs autres co--accusés. Trente--trois accusés ont été reconnus coupables, et sept ont été acquittés des

1 1 Annexe 3 : Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

1 2 GROTIUS Hugo, le droit de la guerre et de la paix, Elibron Classics series, 2006 livre II, chap..IV, I, p.210

1 3 http://fr.hirondellenews.com/content/view/6276/26/

crimes retenus contre eux. Depuis la délivrance de son premier jugement dans le cas Procureur contre Akayesu du 2 septembre 1998, le TPIR a évolué pour devenir un tribunal ad hoc ayant une empreinte notable sur le développement de la jurisprudence pénale internationale.

L'acti on du Tribunal Pénal International pour le Rwanda s'inscrit alors dans un processus de lutte contre l'impunité, s'articulant autour de trois objectifs: sanctionner les responsables, satisfaire le droit qu'ont les victimes de savoir et d'obtenir réparation, p erm ettre aux autorités de remplir leur mandat en tant que puissance publique garante de l'ordre publique. Cette lutte contre l'impunité face aux événements du génocide de 1994 met en scène des acteurs de taille : les victimes, le TPIR, mais aussi les Etats, dont la volonté politique est fondamentale.

La lutte contre l'impunité dans le cadre du TPIR poursuit un objectif louable: la réconciliation des peuples, de la nation, condition première pour le maintien de la paix. Or la réconciliation des peuples, le rétablissement de la paix sont des notions empreintes de politique, de social, mais difficilement de juridique. Ainsi allier la lutte contre l'impunité à cet objectif de réconciliation des peuples, c'est introduire une dimension politique et historique dans un processus juridique international, qui devrait se concentrer sur la notion de culpabilité, en dehors de toute autre considération, afin d'oeuvrer avec objectivité et impartialité dans le jugement des présumés génocidaires du Rwanda. Comme le dit si bien David Piaccoco, « L'histoire et la Justice ne peuvent s'écrire à la fois, avec le même crayon, sans distordre l'un ou l'autre; Le TPIR , plutôt que d'écrire l'Histoire et d'agir à titre de pacificateur, devrait être un forum de justice utilisé pour déterminer la culpabilité ».

Bien entendu la justice pénale internationale a une finalité répressive, cependant elle a peut--être tout autant un but préventif, dissuasif, voire « pédagogique ». 14 En effet face aux crimes de guerre, crimes contre l'humanité, la réparation pour les victimes est difficilement atteignable, la sanction ne peut paraître que disproportionnée face à l'horreur des faits vécus. Mais il reste alors la recherche de la Vérité, l'établissement des faits en réaction au révisionnisme, le devoir de justice à l'égard des victimes. Cependant

1 4 Sous la direction d'Hervé ASCENSIO, Emmanuel DECAUX et Alain PELLET, Droit international pénal, Cedin Paris X, Éditions A. DEDONE, 2000, p 1--15

l'action et les jugements du Tribunal Pénal International depuis sa création laissent entrevoir une justice à deux vitesses, mettant en lumière une recherche partiale de la vérité, de l'établissement des faits concernant les événements d'avril-juin 1994. Or la création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda ne doit pas véhiculer cette idée d'être une institution judiciaire internationale au service d'une partie au conflit, où encore sous l'emprise de considérations hautement politiques contraignant celle--ci à ne pas faire éclore une vérité historique, attendue du peuple rwandais. Le TPIR se doit d'être une institution judiciaire agissant dans un souci d'équité, de neutralité et d'indép endance afin de servir au mieux sa mission première : juger les principaux génocidaires. Ceci pourrait poser par la suite les balises d'un processus de réconciliation des peuples, et de la Paix. C'est pourquoi les juges de la chambre d'appel ont souligné l'importance de la confiance publique. C'est sur elle que repose l'édifice judiciaire: « Quand elle est trahie, il se lézarde. Elle est le ressort du respect et du sentiment de protection que la justice inspire. Si le ressort casse, elle en devient son fossoyeur. ». Et d'aj outer que la confiance publique recherchée n'est pas celle de la communauté internationale, mais bien avant tout la confiance publique du peuple Rwandais.

L'action du Tribunal Pénal International est encadrée par un arsenal législatif et juridique de grande ampleur. En effet l'essence de son existence trouve sa source dans la réalité de violations des droits de l'homme à grande échelle, et notamment de la perpétration d'un génocide Rwandais. Depuis la convention sur la prévention et la répression du génocide de 1948, il est clairement établit que tous actes commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie , un groupe national, ethnique, racial ou religieux constituent une violation des droits fondamentaux reconnus par l'ensemble de la communauté internationale. 15 De ce fait, les événements d'Avril - Mai 1994

1 5 Article 2 de la Convention de prévention et de répression de génocide du 9 décembre 1948: Dans la présente Convention, le génocide s'entend de l'un quelconque des actes ci--après, commis dans l'intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe;

b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe.

constituait bien un génocide.16 L'action du Tribunal Pénal International pour le Rwanda s'inscrit bien sur cette base: juger les présumés responsables du génocide rwandais et auteurs graves de violations du droit international humanitaire.17

D e cette mission première découle celle de rechercher la vérité pour l'intérêt d'une justice équitable, seul fondement solide de la réconciliation du peuple rwandais. Et comme dans tout procès pénal ou autre, la clé de voûte d'une «bonne justice» néce ssaire pour une acceptation du plus grand nombre, doit s'articuler autour de la notion d'équité. Équité pour l'accusation, mais aussi équité pour la défense. Le respect des droits fondamentaux aussi bien pour l'accusé, que pour la victime est un pilier essentiel. Car comme le décrit si bien Jean--Marie Biju--Duval « Défendre le droit d'un accusé à bénéficier d'un procès équitable, c'est se battre pour une justice internationale qui ne puisse être, dès demain, la risée de ses détracteurs ». Pour ce faire, dans le statut du TPIR, il existe un certain nombre de dispositions pour assurer le fonctionnement, l'organisation d'un tel procès. Ce sont des dispositions qui offrent des garanties d'équité aussi bien pour l'Accusation que pour la Défense. Et il est donc à rappeler, que l'accusé dispose des droits et des garanties fondamentaux reconnus non seulement à travers le statut du TPIR, mais également à la lumière d'une mappemonde de textes internationaux assurant la protection de ces droits fondamentaux. OEuvrer en ce sens lors d'un procès devant une instance internationale, c'est atteindre avec rigueur et finesse la mission de juger les présumés responsables du génocide, en ayant pour horizon effectif l'aboutissement d'une réconciliation nationale.

Dans ce contexte de fin de mandat du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, il est bon de s'intéresser plus particulièrement à l'articulation de la lutte contre l'impunité avec le droit des accusés. En effet l'objectif louable de lutte contre l'impunité au sein du TPIR s'insère--il dans un processus purement juridique, ou est--il parasité par des dimensions politiques, venant mettre en danger l'effectivité des droits de la défense? Sanctionner les responsables, pour une instance internationale tel que le TPIR doit être guidé par des considérations purement juridiques et objectives, et non par des considérations politiques, sociales, qui satisferaient une volonté extérieure au processus de justice du TPIR. La création d'une instance internationale pour juger de

1 6 N° ICTR--96--4--T, le Procureur contre Jean--Paul AKAYESU, 2 septembre 1998. 1 7Annexe 3, « Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda », p.1.

telle s infractions est justement guidée par ce souci d'impartialité et d'objectivité permettant d'axer toutes les actions sur cette notion de responsabilité et de culpabilité. Ceci est difficilement possible pour des instances nationales, dont le recul nécessaire pour juger de la responsabilité la culpabilité d'un accusé peut être insuffisant de par le joug historique, culturel et social pesant sur leurs actions. Lutter contre l'impunité ne ressort pas d'une conception objective. La perception et l'action de lutte contre l'impunité seront différentes selon le parti pris. La lutte contre l'impunité s'exercera en fonction des orientations voulues de celui qui détient le pouvoir de son exercice. Dans le contexte du génocide du Rwanda et du Tribunal Pénal International, les acteurs au service de cette lutte contre l'impunité sont divers. C'est pourquoi son action mêlera forcément des considérations subjectives, cherchant à satisfaire des intérêts différents selon qu'ils sont défendus par la communauté internationale, par le gouvernement rwandais, ou par les ONG. Cette différence d'intérêts peut entacher l'action première du TPIR d'être une instance pénale internationale impartiale, objective, chargée de juger les présumés responsables de violations graves du droit international humanitaire. Le TPIR, représentant une instance créée par la communauté internationale au travers du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ne possède pas une liberté d'action aisée.

Ainsi dans sa lutte contre l'impunité, l'action du TPIR est de déterminer en premier lieu qui sont ces présumés responsables: seulement des extrémistes hutus, ou peut--on également s'interroger sur la nécessité d'inculper des tutsis ayant eux aussi violés des normes du droit international humanitaire pendant la période du génocide. L'inculpation de présumés responsables de violations de droit international humanitaire chez les hutus, comme chez les tutsis, doit -elle relever de considérations politiques entachant alors l'accomplissement de ce principe impartial de culpabilité? Nul doute qu'il ne s'agit pas pour la communauté internationale au travers du TPIR de sanctionner pour sanctionner, cependant on peut s'interroger sur les travers de cette course à l'impunité. S'agit--il de satisfaire la conscience d'une communauté internationale, d'un gouvernement rwandais qui est représenté par les vaincus à savoir les Tutsis, ou tout simplement d'agir dans un souci de rendre une justice juste et équitable indépendamment des intérêts des parties. Dès lors qu'il s'agit d'être dans un schéma choisi ou subi de satisfaction de l'une des parties, il est clair que le processus judiciaire peut perdre de son impartialité, notamment au niveau de l'effectivité des droits des accusés. C'est pourquoi il est bon de se demander si au sein du Tribunal Pénal

International pour le Rwanda, il est possible de combattre l'impunité tout en préservant les droits des accusés?

Le champ d'étude sera effectué, au regard de l'analyse d'un travail de trois mois au sein d'une équipe de Défense du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, composée d'un conseil principal français, d'un co--conseil canadien, d'une assistante juridique, et de trois stagiaires. Équipe oeuvrant pour la défense de M. Callixte Nzabonimana, ancien ministre rwandais de la jeunesse et des sports du gouvernement par intérim de 1994, dont le procès a commencé le 9 novembre 2009 devant le TPIR et est toujours actuellement en cours. Son acte d'accusation modifié en octobre 2008 fait état de cinq chefs d'accusations: Génocide, entente en vue de commettre le génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide, extermination constitutive de crime contre l'Humanité, assassinat constitutif de crime contre l'Humanité.18

D ans un premier temps, nous soulignerons le contraste existant entre la lutte contre l'impunité telle que revendiquée par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda et son application concrète dans la pratique (I). Ceci au travers de l'étude de certains de ses jugements faisant état de jurisprudences, délivrant le message d'une lutte contre l'impunité effective. (A) Mais la face cachée de l'iceberg au travers de l'application par les instances du TPIR offre un bilan plus mitigé (B).

D ans une seconde partie nous démontrerons, que cette lutte contre l'impunité menée par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda conduit à mettre en péril l'effectivité des droits des accusés (II). Ceci malgré une volonté textuelle affirmée, assurant les droits des accusés (A), mais dont l'application au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda laisse entrevoir une pratique assombrissant ce principe d'équité du Tribunal Pénal International du Rwanda (B).

1 8 N° ICTR--98--44D--PT, Le procureur contre Callixte NZABONIMANA, acte d'accusation modifié, 4 octobre 2008.

I . Lutte contre l'impunité au sein du TPIR : un contraste dérangeant.

Ce contraste de l'effectivité de la lutte contre l'impunité sera étudié à travers la présence d'une lutte contre l'impunité textuelle, délivrant un message d'effectivité à la communauté internationale, mais représentant la face émergée de l'iceberg (A) Mais dont la face cachée de l'iceberg au travers de la pratique des instances du TPIR offre un bilan plus mitigé (B).

A. Une lutte contre l'impunité textuelle : la face émergée de l'iceberg.

1. Lutte contre l'impunité menée par le TPIR: une exemplarité en péril.

L'Article 1 du statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda dispose que « le Tribunal Pénal International pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'Etats voisins entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994, conformément aux dispositions du présent statut ». Il s'agit donc pour le TPIR d'agir dans la poursuite et le jugement de présumés responsables de violations graves du droit international humanitaire, en ayant un cadre d'action délimité à la fois dans le temps, mais aussi dans l'espace.

Lutter contre l'impunité, c'est en réalité poursuivre trois objectifs bien définis:

· En premier lieu, il s'agit de sanctionner les responsables, ici les auteurs de violations graves du droit international humanitaire de janvier à décembre 1994.

· Ensuite il s'agit de satisfaire le droit qu'ont les victimes de savoir et d'obtenir réparation.

· Et enfin c'est permettre aux autorités de remplir leur mandat en tant que puissance publique garante de l'ordre public.

C es trois objectifs déterminent le cadre dans lequel les acteurs du tribunal doivent
exercer leurs missions. De plus, la lutte contre l'impunité s'insère dans une dynamique

certaine de pouvoir agir pour une réconciliation nationale et un rétablissement et maintien de la paix19.

La notion d'impunité recouvre d'une part l'impunité juridique, puis l'impunité de fait, et enfin l'impunité qui se traduit par l'application d'une peine non proportionnelle à la gravité de l'infraction. L'impunité juridique existe au travers de moyens juridiques d'adoption des mesures d'amnistie, de clémence, de pardon ou encore de tout autre mesure qui peut emp êcher d'enquêter et de poursuivre les auteurs d'un crime.20L'impunité de fait s'illustre dès lors qu'une enquête n'est pas conduite pour déterminer les faits, quand on nie ou on couvre les faits ou les auteurs. Mais également lorsque les instances habilitées ne poursuivent pas les responsables des actes illégaux, à condition que cette attitude résulte d'une intention délibérée, de mobiles politiques ou de l'intimidation.21Et enfin l'impunité du fait de la non proportionnalité de la peine à la gravité d'un crime

La jurisprudence du TPIR est une preuve incontestable de sa contribution à la lutte contre l'impunité. Se rapporter à l'ensemble des jugements rendus depuis sa création permet de relever un certain nombre d'éléments attestant les avancées de la justice pénale internationale.

À ce titre, il est bon de relever l'affaire AKAYESU, premier jugement sur le Génocide, à
l'encontre d'une autorité locale investie par le pouvoir central et donnant ainsi à
l'entreprise criminelle la dimension d'une politique gouvernementale. Cet arrêt

1 9 Résolution du conseil de sécurité, portant création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda: « Convaincu que, dans les circonstances particulières qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix » Annexe en référence

20 NKURAYIJA, J.M.V., La répression du génocide rwandais face à la Convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, mémoire, UNR, Butare, octobre 2004; p.71,

2 1 La Commission nationale consultative des droits de l'homme et la commission internationale des juristes, rencontres internationales sur l'impunité des auteurs des violations graves des droits de l'homme, du 2 au 5 novembre 1992, ABRAX, Paris, 1992; p . 1 9 3 .

constitue la première pierre de l'édifice que représente la lutte contre l'impunité, concernant plus précisément les violences sexuelles.

AKAYES U, ancien maire de la commune de Taba, est accusé d'avoir autorisé des policiers et d'autres individus sous ses ordres à violer et torturer des femmes, pour la plupart Tutsis, qui lui avaient demandé protection. Il faut savoir qu'au départ le tribunal n'avait pas porté à l'encontre d'Akayesu des accusations de crimes de violences sexuelles. Cependant au cours des témoignages produits au procès, il a été rapporté le rôle déterminant joué par Akayesu dans la perpétration de ces viols. Avec l'appui d'un rapport publié en 1996 par l'organisme Human Rights Watch22, la Coalition pour les droits des femmes en situation de conflit a présenté au TPIR un mémoire d'amicus curiae dans lequel elle demandait au Tribunal de porter des accusations de viol et d'autres crimes de violences sexuelles à l'encontre d'Akayesu. Ainsi en 1997, le procureur va modifier son acte d'accusation pour y ajouter des chefs d'accusation de violences sexuelles. Ceci démontre clairement la volonté de sanctionner les responsables de crimes de violence sexuelle dans le cadre de la qualification de génocide comme mesure visant à entraver les naissances au sein du groupe Tutsi.

Traditionnellement, devant le TPIR, les crimes de violences sexuelles sont poursuivis au titre de crimes contre l'humanité sous la qualification de viols23, et au titre de violation grave de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole Additionnel II sous la qualification «d'atteintes à la dignité de la personne notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur.24 Mais les poursuites existent également parfois sous la qualification «d'autres actes inhumains» en référence à l'article 3 1.i) du Statut, ou encore «tortures» comme crimes contre l'humanité, ou comme actes constituant une violation grave de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole additionnel II (article 4.1 a du statut).

Mais dans l'affaire AKAYESU, la chambre est allée plus loin en déclarant que le viol constitue en l'espèce un crime de génocide. En effet dans le jugement il est indiqué

2 2 Rapport Human Right Watch, «Shattered Lives », 1996.

2 3 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. 2 4 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

que «la violence sexuelle faisait partie intégrante du processus de destruction particulièrement dirigé contre les femmes tutsies et ayant contribué de manière spécifique à leur anéantissement et à celui du groupe tutsi considéré comme tel »25 . C ette violence sexuelle telle qu'infligée dans l'affaire AKAYESU en particulier, constituait une étape dans ce processus de destruction du groupe tutsi en tant que tel, rappelant ici l'une des conditions d'existence d'un génocide. Il est notable qu'au travers de ce jugement, le message véhiculé par le TPIR n'est pas d'être une institution archaïque mais bien au contraire ancrée dans son temps, évolutive, capable d'entendre et d'intégrer de nouvelles incriminations. C'est de cette façon que le TPIR sert au mieux sa mission de sanctionner les présumés responsables de génocide et de violations graves du droit international humanitaire en ouvrant le champ des poursuites à celui non encore pleinement affirmé dans un cadre de justice pénale internationale.

L'effectivité de cette lutte contre l'impunité et d'ouverture plus large du champ des poursuites se retrouve dans l'affaire Jean KAMBANDA,26 où c'est la première fois qu'un chef de gouvernement a été arrêté, jugé et condamné pour crimes graves par un tribunal pénal international. Il s'agit donc d'une grande avancée au sein de la justice pénale internationale, impulsée par l'action du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Ce jugement poursuit assurément un double objectif dont le premier est de condamner un présumé responsable de violations graves du droit international humanitaire, et le second d'étayer un pilier solide et dissuasif, essentiel au sein de la justice internationale : pouvoir condamner des responsables politiques.

En effet, à partir de cet arrêt, il est incontestable que des dirigeants politiques pourraient être contraints de répondre de leurs actes devant la justice pénale internationale. Cette impulsion nécessaire et attendue sera reprise par la suite au sein des différentes juridictions internationales. Ainsi la jurisprudence du TPIR au travers de ce jugement, a été invoquée devant la chambre des Lords dans l'affaire PINOCHET,

2 5 N° ICTR--96--4--T, le Procureur contre Jean--Paul AKAYESU, 2 septembre 1998. 2 6 N° ICTR--97--23--S, Le Procureur c. Jean KAMBANDA, 19 Octobre 2000.

concernant sa demande d'extradition, ou encore pour l'inculpation et le transfert à La Haye de l'ancien dirigeant serbe Slobodan MILOSEVIC.

C ep endant cette affaire suscite déjà une remarque méritant une attention particulière afin de signaler modestement la première épine de cette lutte contre l'impunité exemplaire. En effet Jean Kambanda est également le premier repenti de l'histoire de la justice internationale puisque l'ancien Premier ministre a plaidé coupable de génocide. Coopérant avec le procureur, l'accusé avait alors décidé de témoigner à charge dans d'autres procès. Par la suite, il a donc été reconnu coupable le 1er mai 1998 sur la base de ses aveux, et sera condamné à la peine maximale, à savoir la prison à vie. Mais suite à sa condamnation, Jean Kambanda revient sur son aveu de culpabilité. En réalité, il expliquera avoir adopté une stratégie d'aveu pensant obtenir une réduction de peine, mais constatant l'échec de sa stratégie par sa condamnation, il s'est rétracté.

La chambre d'appel rejettera sa demande et confirmera le jugement et la sentence rendus en 1998. Il ne s'agit pas de rentrer dans des considérations purement subjectives conduisant incidemment à prendre position dans un sens ou dans l'autre. Mais il semble judicieux de faire part d'interrogations et de remarques afin de saisir avec objectivité le cadre dans lequel cette poursuite et ce jugement se sont opérés. Ceci dans cette volonté de ne pas être obnubilé par une sollicitude aveugle à l'égard d'une lutte contre l'impunité se voulant exemplaire conduisant inexorablement à une lutte contre l'impunité violant les principes du droit. Et l'on peut se demander si les contours de l'aveu de J. Kambanda ne disqualifient pas la juridiction pénale internationale. En tout cas pour certains analystes, les aveux de celui--ci révèlent la vraie nature du TPIR.27

Tout d'abord l'arrestation et la détention de Jean Kambanda posent une première interrogation, dès lors que l'on sait que celui--ci a été amené à Arusha et isolé avec le canadien Pierre Duclos, policier canadien accusé à plusieurs reprises devant les juridictions de son pays pour les faits de «conditionnement» du même genre que ceux subis par l'ex--Premier Ministre. Un doute est permis sur l'impartialité de cet interrogatoire et sur la bonne conduite de celui--ci, d'autant que c'est dans un lieu non

2 7 NGIRABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du mensonge et de l'injustice ,Editions Sources du Nil, collection le droit à la parole, 2006, (pp 482--485).

offi ci el que Kambanda consignera un document le 29 Avril 1998 sans qu'il ait bénéficié d'un conseil juridique remplissant les conditions d'indépendance et d'impartialité.28

D e plus, dans son livre, Augustin Ngirabatware, expose une analyse du document d'aveu de culpabilité de J.Kambanda, et il relève de nombreuses incohérences et affirmations fausses, permettant de douter de la véracité des propos de J. Kambanda.29De même que son analyse fait entrevoir une séparation difficile entre la responsab ilité individuelle et la responsabilité collective. Ce mélange perceptible des types de responsabilité jette un doute sur le respect des droits de la défense. Et de ce fait, il est permis de considérer que les propos d'Augustin Ngirabatware reflètent une réalité certaine, à savoir que c'est bien dans cet esprit que les procès sont conduits et les sentences prononcées à Arusha: «pour respecter le principe de la responsabilité individuelle des anciens membres du gouvernement et faire semblant de dire le droit pénal, le procureur cherche à individualiser les crimes tout en restant dans l'esprit de l'accord en question ».30

Sa condamnation a été diversement accueillie, l'accord entre l'ancien Premier ministre et le bureau du procureur resté secret dans une enveloppe a été décrié par les milieux de ceux qui sont généralement accusés d'être les responsables du «Génocide des Tutsis ». Par contre, dans les milieux du FPR, le gouvernement de Kigali, le Conseil de Sécurité des Nations--Unies et certaines organisations de Défense des Droits de l'Homme, la satisfaction était présente. Satisfaction d'autant plus grande, décrite ainsi par Augustin Ngirabatware, que «le programme d'anéantissement de tout le leadership hutu suivait son cours comme prévu et que l'accréditation de leurs thèses sur les événements du Rwanda devenait totale au sein de la communauté internationale et qu'ainsi donc le fruit du marché passé entre l'accusation et le coupable, auxyeux de l'actuel

2 8 KAMBANDA Jean, « Lettre de J. Kambanda au greffier du TPIR» avec pour objet «Commission de Me Olivier Michael, La Haye, le 11 septembre 1998.

2 9 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du mensonge et de l'injustice ,ibid., p 4 84--4 88) .

3 0 30 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du mensonge et de l'injustice ,Op.cit., p

4 8 8

pouvoir de Kigali et de ses sponsors, les absolvait entièrement d'une responsabilité quelconque dans le génocide de 1994 ».31

M ême si ce jugement reste une grande première en droit pénal international, son impact reste assombri par le contexte flou dans lequel s'est opérée cette condamnation, qui pousse à soulever les difficultés et pièges d'une lutte contre l'impunité qui se veut trop exemplaire et rapide, bafouant les garanties essentielles d'un procès équitable.

Le jugement rendu le 3 décembre 2003 dans l'Affaire «des médias du génocide» a lui aussi laissé des empreintes dans la jurisprudence internationale. Il s'agit au travers de la condamnation de Ferdinand NAHIMANA, Hassan NGEZE et Jean--Bosco BARAYAGWIZA de s'intéresser au rôle des journalistes lors du génocide rwandais de 1994. En l'espèce la chambre va préciser que les journalistes au lieu d'utiliser les médias pour promouvoir les droits de l'homme, les ont utilisés pour attaquer et détruire les droits humains les plus élémentaires.32

Le TPIR est également le créateur de décisions jurisprudentielles nouvelles, faisant ainsi de la lutte contre l'impunité un éventail crédible dans la conduite des poursuites. Ainsi c'est également par la jurisprudence du Tribunal Pénal International pour le Rwanda qu'une première est réalisé au sein de la justice pénale internationale: l'inculpati on, l'arrestation et le jugement d'une femme. En effet l'ancienne ministre de la famille et de la promotion féminine, Pauline NYIRAMASUHUKO a été poursuivie pour génocide et viol en tant que crime contre l'humanité.33Et enfin, le TPIR est également la première juridiction internationale à avoir appréhendé un artiste, en l'occurrence le

3 1 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du mensonge et de l'injustice ,Op.cit., p 485--490

3 2 N° ICTR--99--52--T, Le procureur contre Ferdinand NAHIMANA, Jean--Bosco BARAYAGWIZA, Hassan NGEZE, 3 décembre 2003.

3 3 N° ICTR--97--21--I, Le Procureur contre Pauline NYIRAMASUHUJO, acte d'accusation amendé selon le décision de la Chambre de Première Instance II du 10 Aout 1999.

musi ci en Simon BIKINDI, sur la base du message véhiculé par ses chansons pendant le génocide. 34

Cependant il s'agit là d'un regard primaire et s'en satisfaire, c'est omettre la face cachée de l'iceberg. En effet la lutte contre l'impunité à travers ses exemples de jugements ne peut être saluée à l'unanimité et doit faire l'objet de pondérations. Sinon c' est prendre le risque d'occulter une réalité dérangeante au sein d'une institution internationale, en fragilisant le souhait second mais non moins important qu'est la réconciliation nationale. Lutter contre l'impunité, c'est sanctionner les responsables de violations graves du droit international humanitaire. Or il est acquis que lors des événements de 1994, un génocide a été perpétré à l'encontre des Tutsis, et il est donc attendu que le TPIR inculpe et condamne les génocidaires. Il est clair au vu de l'exposé de certains jugements que c'est bien cette mission que le TPIR remplit avec audace et innovation. Cependant ce n'est pas tomber dans le révisionnisme, ni la négation que de soulever les faits réels permettant de dire qu'il y a également eu la perpétration de violations graves du droit international humanitaire par les Tutsis (FPR) à l'encontre de la population Hutu.35 Et il est légitime de se questionner sur les raisons de l'absence de poursuite, d'inquiétude, de jugement à l'encontre de ces responsables identifiés. Est--il alors possible d'oeuvrer avec détermination dans une lutte contre l'impunité ayant pour ligne de mire la réconciliation des peuples, si le devoir de justice n'est rempli qu'à l'égard d'un groupe ethnique : les Tutsis?

La création des Tribunaux Pénaux Internationaux représente le credo de la lutte contre l'impunité, puisque leur rôle consiste avant tout à juger les individus accusés de violations graves du droit international humanitaire. Cependant à la fin de leurs mandats respectifs, les tribunaux pénaux internationaux n'auront jugé qu'une centaine d'individus à peine, autrement dit une fraction minimes des personnes impliquées dans les crimes commis Cette réalité de la justice internationale confrontée, selon les termes du juge Goldstone, aux «enquêtes criminelles les plus importantes jamais engagées dans l'Histoire -- le nombre de suspects potentiels est considérable, les témoins se

3 4N ° ICTR--01--72--T, Le Procureur contre Simon BIKINDI, 2 décembre 2008.

3 5 D E S FORGES Alison, pour Human Rights Watch, Fédération Internationale des ligues des droits de l'Homme,Aucun témoin ne doit survivre, Op.cit., p 805--850.

comptent par dizaines de milliers et les victimes par millions» -- apporte une dimension politique toute nouvelle à la lutte contre l'impunité.

Et l'ensemble des arrêts étudiés ainsi que ce constat réel d'impunité de certains acteurs du génocide rwandais, démontre l'existence d'un choix, d'un parti pris de la part du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. La notion de choix implique nécessairement une subjectivité qui ne peut, ni ne doit, être attendue dans le cadre d'une justice internationale, au risque de conduire celle--ci dans une spirale dangereuse. Danger appréhendé en ces termes par Luc Côté : «ainsi sur la scène internationale, la lutte contre l'impunité devient-elle sélective et sera désormais confrontée à des choix difficiles aux dimensions politiques incontournables, notamment par rapport au processus de paix dont la justice internationale est parfois l'instrument ».36 Le choix de ne pas surplomber avec un recul nécessaire le poids des actes, l'objectivité des faits perpétrés, mais de s'asseoir à même un plateau, condu it inexorablement à faire pencher la balance d'un côté et perdre ainsi de vue la signification première d'une justice impartiale et indépendante.

C e manque d'impartialité et d'indépendance empêche d'agir dans l'optique d'une Justice saine et du droit. L'objectif initial de lutte contre l'impunité est perverti et aboutit malheureusement à une lutte pour l'impunité d'un groupe ethnique.

M ais n'était--ce pas une tâche d'autant plus périlleuse pour le Tribunal Pénal international pour le Rwanda, de lutter contre l'impunité dès lors que sa création et le mandat qui lui a été dévolue, était d'oeuvrer à travers la justice rendue , pour une réconciliation des peuples ? Les objectifs de justice et de paix peuvent--ils être portés par une même institution internationale?

3 6C ôté Luc, Justice Internationale et lutte contre l'impunité: dix ans de Tribunaux Pénaux Internationaux, dans «Faire la paix: concepts et pratiques de la consolidation de la paix », Presses de l'Université Laval, Québec, 2005, p.87--114.

2. Mariage difficile entre lutte contre l'impunité et l'objectif de réconciliation des peuples.

L'exemplarité de façade de la lutte contre l'impunité se retrouve atténuée dès lors qu'il s'agit de s'intéresser au contexte de création de l'instance internationale qui mène cette lutte. Le TPIR est une création du Conseil de Sécurité, à l'égard duquel il a l'obligation d'adresser un rapport annuel et d'en recevoir des instructions. De même que les juges du Tribunal élus par l'Assemblée générale, sont présélectionnés par le Conseil de Sécurité,37 avec le droit de veto pour les cinq membres permanents. L'action du TPIR est d'autant plus difficile qu'il a été crée par le Conseil de Sécurité de l'ONU sur demande de la partie victorieuse de la guerre d'agression, le gouvernement du FPR et parce que plusieurs dispositions de la résolution font jouer à ce dernier un rôle important dans le fonctionnement et dans les affaires judiciaires. Ainsi Paul Tavernier estime que la procédure de création des tribunaux pénaux internationaux n'a pas été neutre et de ce fait, risque «de favoriser l'impunité de certains hauts responsables et de constituer un obstacle à l'efficacité des tribunaux ».38Or il est attendu du TPIR qu'il identifie tous les criminels, quelles que soient leurs fonctions ou leur appartenance ethnique, afin qu'ils répondent de leurs actes, chacun individuellement. Ainsi le TPIR pourra prétendre agir dans le sens d'une véritable réconciliation nationale, du rétablissement et du maintien de la paix au Rwanda.

L'obj ectif de réconciliation pour être pleinement atteint suppose entre autre chose, la fin des hostilités, un règlement durable du conflit, la reconnaissance des crimes passés, le respect des droits de l'homme comprenant donc la jouissance des libertés fondamentales, le droit à la justice. Il convient de noter donc dès à présent, l'importance de cette reconnaissance des crimes passés dans son ensemble et non à l'égard d'une seule des parties des événements de 1994. En effet le Conseil de Sécurité n'a pas fait mention dans le préambule de la résolution de qui était responsable de ces actes de génocide et de ces violations du droit international humanitaire. Cette tâche relève du mandataire à savoir le TPIR au travers de ses actes d'accusations. Parler de réconciliation nationale, c'est également s'intéresser aux différents acteurs agissant

3 7 Annexe 3, Statut du TPIR article 12, paragraphe 3.

3 8 P. Tavernier, L'expérience des Tribunaux ad hoc, Revue internationale de la Croix--Rouge, 31 décembre 1997, no 828, p 647--663.

pour la réalisation de celle--ci. Il s'agit des représentants de l'État Rwandais, des forces militaires et politiques mais également de la population civile. Et par cette multiplicité d'acteurs, il n'est pas étonnant de devoir faire part à des exigences propres à chacun de ses acteurs, qui divergent, s'entrechoquent.

C'est dans ce contexte, que le Tribunal Pénal International doit agir, dans cette lutte contre l'impunité, avec pour dilemme omniprésent de concilier avec justesse la construction de la paix et le respect de la justice. Pour ce faire, cette instance internationale dispose de principes reconnus par l'ensemble de la communauté internationale, à savoir l'indépendance et l'impartialité. Face à l'action des différents tribunaux pénaux internationaux et leurs études, ces deux objectifs paraissent inconciliables pour certains. D'où des interrogations justifiées au sein des juristes de la communauté internationale: que peut bien signifier «réconciliation », comment un tribunal peut--il y arriver? Ne s'agit--il pas d'un objectif politique plutôt que juridique?

L' établis sement du TPIR n'est--il pas le résultat de tractations politiques devant le Conseil de Sécurité des Nations--Unies, menées suite à des échecs politiques, diplomatiques et militaires retentissants ? 39

La recherche inexorable de la justice constitue un obstacle à la paix, dès lors qu'un processus de réconciliation est fragilisé, par le fait qu'il soit mis en place par le rôle politique d'anciens chefs de guerre criminels tel que l'actuel Président de la république Rwandais, Paul Kagamé. Puisque cette recherche de la justice se verrait mise à mal par l'intérêt des vainqueurs gouvernant habilement le Rwanda. Cependant pour la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, il ne saurait y avoir de véritable paix sans justice et «fermer les yeux sur l'impératif de la justice uniquement pour parvenir à un accord, hypothèquerait ce dernier ».40 Il est démontré à travers de nombreuses tentatives de réconciliation, qu'aucune paix durable n'a pu s'établir sans l'intervention indép endante du judiciaire.

3 9 Silence sur un attentat, le scandale du génocide Rwandais, groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, éditions Duboiris, Avril 2003, p 8 3 -- 1 0 0

4 0« Pratiques constitutionnelles et politiques en Afrique: dynamiques récentes» Conférence de l'Organisation Internationale de la Francophonie--Bénin,, Cotonou, 29--30 s eptembre, 1er octobre 2005;.

La notion d'indépendance et d'impartialité prend une valeur supplémentaire dans ce contexte. Une institution ne saurait se prétendre judiciaire sans qu'elle ne soit indépendante. Il est du devoir d'une instance internationale d'agir en respectant ces principes, et de ne pas agir pour l'une ou l'autre version d'un conflit. Or une impunité, même partielle, hypothèque tout effort de réconciliation. C'est donc peine perdue d'espérer le règlement durable du conflit Rwandais en laissant impunies les graves violations des droits de l'Homme infligées à l'encontre de la population Hutu lors du génocide. Ainsi de quelle réconciliation peut--on bien parler lorsque des membres d'un seul groupe ethnique sont maintenus en détention, lorsque les crimes avérés des victorieux sont mis sous silence, et lorsque le pouvoir décide des témoins, des accusés et exerce des pressions significatives sur le procureur.41Enfin quelle volonté de réconciliation peut faire l'impasse sur l'attentat commis le 6 avril 1994 contre l'avion présidentiel rwandais?

La lutte contre l'impunité telle que menée par le TPIR, et notamment en ne poursuivant qu'un seul groupe ethnique jette un discrédit sur la motivation réelle de sa création. Car il ressort que la création de cette institution fut guidée non pas par la volonté de mettre sur pied une instance habilitée à rendre justice, mais plutôt d'une naissance dans un climat d'opportunité politique diverses. De même que cette mission de réconciliation des peuples se retrouve mise en doute par le sentiment d'avoir une instance pénale internationale oeuvrant pour une justice des vainqueurs et violant par la même sa neutralité et son impartialité. En effet il est perceptible au travers des différents jugements que le TPIR n'est pas attaché à procéder à un examen objectif de tous les aspects du conflit rwandais, mais bien plutôt d'aspects qui servent les intérêts des vainqueurs et du gouvernement de Paul Kagame. Certes l'institution proclame son voeu que plus jamais ne se reproduisent des massacres comme ceux du génocide Rwandais, mais « peut-on y arriver sans que la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité soit dite ? » 42

4 1 Carla Del Ponte a été limogée de son poste de Procureur du TPIR suites aux insistantes pressions du gouvernement rwandais, et grâce à l'appui des gouvernements américain et britannique, «Carla Del Ponte craint que Kigali n'exploite sa mise à l'écart du TPIR », Agence France--Presse, 9 Aout 2003.

4 2 De l'invisible attentat aux faux experts: le combat des avocats de la défense au
Tribunal Pénal International pour le Rwanda, Tiphaine Dickson «Silence sur un attentat,

Qui dit réconciliation dit forcément vérité comme préalable. Or la vérité dans le cadre du génocide rwandais est un idéal. Dans la réalité des faits, ce qui est réellement attendu du TPIR c'est l'existence d'un doute raisonnable concernant la culpabilité d'une personne. C'est l'histoire même du génocide qui s'écrit au fil des procès qui se déroulent à Arusha, et pour comprendre le comportement criminel d'un accusé, l'étude du contexte dans lequel il s'insère est un passage obligé. C'est pourquoi lorsqu'il est attendu d'une institution internationale qu'elle soit fédératrice, qu'elle contribue au processus de rétablissement et de maintien de la paix, dans un pays composé de différents groupes ethniques, elle ne doit pas chercher à occulter une vérité qui prend corps au fur et à mesure des procès, au risque de contrarier un gouvernement en place. C'est toute cette subtilité qui ressort des propos de Tiphaine Dickson, « la répétition, ad infinitum, du récit aimable et convenable quant au «génocide des tutsis »franchise exclusive? discrédite et subvertit toute notion de justice. Le fait d'occulter toute la vérité n'honore en rien les victimes innocentes des massacres: les hommes, les femmes, les enfants, et les vieillards, qu'ils soient tutsi, hutu, twa ou congolais. Ils avaient tous le droit de vivre dans un pays en paix. Et leur mémoire est trahie lorsque la justice refuse de lever le voile sur les causes d'une guerre qui aura fini par les faucher, sans procès. ».43

La certitude d'un génocide à l'encontre de la population tutsi lors des événements de 1994 est un fait irréfutable. Mais il est à rappeler que d'importantes tueries à caractère systématique ont eu lieu entre avril et septembre 1994 au fur et à mesure de l'avancée du FPR sur tous les fronts44. Il y a donc eu plusieurs sites de massacres des populations civiles exécutées par le FPR au cours de l'assaut final d'avril--juillet 1994 et durant les mois qui ont suivi la victoire du FPR sur les FAR en juillet 1994. 45 L' extermination des Hutus rwandais par le régime FPR s'est notamment illustré dans la

le scandale du génocide Rwandais » groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, éditions Duboiris, Avril 2003, p90--107.

4 3 De l'invisible attentat aux faux experts: le combat des avocats de la défense au Tribunal Pénal International pour le Rwanda, Tiphaine Dickson «Silence sur un attentat, le scandale du génocide Rwandais» groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, ibid., p83-- 100

44 Cf.infra, La pratique du Tribunal Pénal International pour le Rwanda : la face immergée de l'iceberg, p35--38

4 5 REYNTIENS Filip, Le Rwanda, les violations des droits de l'homme par le FPR/APR, Plaidoyer pour une enquête approfondie, Anvers, juin 1995.

destruction des camps de réfugiés hutu à l'Est du Zaïre et les massacres de leurs occupants.46

L'espérance d'une action pour l'effectivité d'une réconciliation nationale, ne peut avoir lieu dans ce contexte. En effet « C'est en identifiant tous les criminels que le TPIR cassera cette culture de l'impunité qui a toujours attisé la spirale de la violence au Rwanda en particulier et dans la région des Grands Lacs d'Afrique en général 47Or aujourd'hui « cette réconciliation est hypothéquée par des poursuites sélectives et discriminatoires » 48. Le malaise est d'autant plus perceptible que le 13 décembre 2000, dans une conférence de presse à Arusha, Carla Del Ponte annonce publiquement que des dossiers d'enquêtes sont constitués contre les membres du FPR. Elle a demandé une coopération des autorités rwandaises pour mener à bien ces poursuites. Mais cette timide initiative de Carla Del Ponte de lancer des poursuites contre des membres du FPR va lui valoir son éviction du TPIR. Ainsi il est constant, depuis 16 ans, que seuls les Hutus aient fait l'objet de poursuites parmi les cas connus du procureur. Les crimes graves pesant sur les Tutsis membres du FPR ne semblent pas être à l'ordre du jour.

Engager des poursuites à l'encontre des tutsis membres du FPR ayant commis des violations graves du droit international humanitaire oblige le Tribunal Pénal International pour le Rwanda à revenir sur le fil officiel de l'histoire du génocide Rwandais. Fil fragilisé par une autre vérité, pointant une réalité dérangeante autant pour l e gouvernement Rwandais que pour la communauté internationale. La lutte contre l'impunité ne peut s'accommoder de poursuites sélectives, au risque de contrarier un équilibre politique arrangeant aux yeux de la communauté internationale. Car dans ce cas, le citoyen du monde doit savoir que la lutte contre l'impunité telle celle menée par le TPIR ne s'inscrit pas dans un cadre de réconciliation des peuples, mais bien de réconciliation partielle ou partiale d'un peuple. Ceci va à l'encontre des principes de base attendus dans le cadre d'une justice pénale internationale. Ainsi le TPIR s'enlise dans une tâche qui n'est pas la sienne: écrire une histoire politiquement correcte, alors

4 6 Lettre, KAREMERA Edouard, La vérité d'abord, la justice ensuite, Janvier 2005, p 2--4

4 7 Jean--Pierre Edouard Komayombi, document, Rwanda, jusqu'où va le calvaire d'un peuple, Avril 1996.

48 Lettre KAREMERA Edouard, ibid, p 17--18

que « L'histoire et la Justice ne peuvent s'écrire à la fois, avec le même crayon, sans distordre l'un ou l'autre » comme le pointe David Paciocco49

Or cette discordance se retrouve dans la pratique du TPIR, et celle--ci se retrouve immergé car politiquement et juridiquement non avouable.

49 Professeur à l'Université d'Ottawa, Canada.

B. La pratique du TPIR: la face immergée de l'iceberg.

1. Une justice à deux vitesses entachant l'effectivité de la mission du TPIR

La mission dévolue au TPIR à travers son statut est de «poursuivre et de juger toutes les personnes présumées responsables des crimes contre l'humanité et autres violations du droit international humanitaire commis au Rwanda entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 ». L'article du statut est suffisamment clair sur les personnes justiciables devant le Tribunal. Aucun groupe ethnique n'est personnellement visé, et ceci est rappelé dans la lettre du 1er octobre 1994, adressée par le secrétaire général de l'ONU au Conseil de Sécurité en s'appuyant sur les conclusions du Rapporteur Spécial de la Commission des Droits de l'homme pour le Rwanda. Il est explicitement indiqué que les personnes appartenant «à l'une ou l'autre partie» du conflit armé ont perpétré des crimes contre l'humanité.50De même que dans le rapport du Secrétaire général de l'ONU servant de base à la création du TPIR, il est précisé que l'institution aura pour mission de juger avec impartialité et objectivité les responsables des crimes commis par «les deux côtés en conflit ». En effet, de nombreux rapports accusent l'armée patriotique Rwandaise (APR) de crimes de guerre, de crimes contre la paix et l'humanité lors des évènements de 1994 au Rwanda.51 Ainsi il était logique de s'attendre à ce que le TPIR traduise en justice tous les présumés responsables d'actes de génocide, de crimes contre l'humanité et des crimes de guerre perpétrés par les deux parties en conflit au Rwanda, durant la période couverte par la mandat du TPIR.

M ais alors, pourquoi pour certains le TPIR apparaît comme un tribunal au service du régime du FPR installé au pouvoir par la force des armes en 1994? S'agit -il là de remarques acerbes sans fondement objectif, nourries de frustration à l'encontre de

5 0 Rapport préliminaire S/1994/1125 et S/1994/1405, Commission Impartiale des Experts des Nations Unies sur le génocide Rwandais de 1994; Boutros Boutros--Ghali et al., The United Nations and Rwanda, 1933--1996, New--york, July 1996

5 1 Rapports Human Right Watch, Amnesty international, le centre International des Droits de la personne et du Développement démocratique.

cette institution internationale, ou d'une réalité bien connue? Pour tenter d'y apporter un éclaircissement, il suffit de regarder les jugements rendus par le TPIR lui--même, et de constater que chaque procureur du TPIR depuis sa création, s'est contenté uniquement de poursuivre une seule partie au conflit, à savoir les Hutus. Ainsi à première vue, on peut penser qu'il n'y a eu des violations du droit international humanitaire avérées que par les Hutus à l'encontre des Tutsis. Malheureusement c'est occulter une partie de l'histoire, qui a toute son importance, dans cette oeuvre de réconciliation des peuples.

En effet, il résulte de l'étude de l'ensemble de l'action du TPIR, qu'aucun acte d'accusation n'a été dressé à l'encontre de certains membres du FPR, et pourtant des enquêtes, des rapports d'experts ont mis à jour depuis 16 ans, l'existence de violations graves du FPR à l'encontre de Hutus lors des événements de 1994. Il ne s'agit pas ici de tomber dans le piège d'une discussion délicate concernant l'existence ou non «d'un double génocide », mais de s'arrêter à des faits concrets qui sans forcément atteindre la qualification de génocide, constituent juridiquement des violations graves du droit international humanitaire, tombant sous la compétence du mandat du TPIR. Autrement dit la mission du TPIR se doit de se maintenir au service d'une volonté non pas «de banalis er ou de neutraliser un crime par un autre, mais d'affirmer une exigence de justice ». 52

Le FPR tuera des milliers de civils pendant les combats et leur progression à travers la plupart des régions du Rwanda, mais également durant l'établissement de leur contrôle sur l'ensemble du pays. Au cours des affrontements, des personnes qui ne participaient pas aux combats furent tuées ou blessées par le FPR ou par les forces gouvernementales rwandaises, dans des attaques à l'arme lourde ou lors d'échanges de tirs légers. 53Ainsi de nombreux civils furent tués par balles dans la capitale, ainsi qu'à Byumbe et à Gitarama.54Bien entendu, s'intéresser à l'existence de possibles exactions de la part du FPR est une tâche ardue s'agissant d'un contexte de guerre civile et de

5 2 « Cette interprétation de double génocide n'est pas issue d'une volonté de banaliser ou de neutraliser un crime par un autre, mais d'affirmer une exigence de justice », Romy Brauman.

5 3 Filip Reyntjens et Serge Desouter, Rwanda. Les violations des droits de l'homme par le FPR/APR. Plaidoyer pour une enquête approfondie, Working papers Anvers, 1995.

5 4 Lettre de Joseph Matata au procureur général de la Cour Pénal International, Bruxelles, 23 Février 2009.

conflit armé interne. Ce contexte permettait aux dirigeants du FPR de déclarer que les miliciens seraient traités comme des combattants, position conforme aux conventions internationales. D'où les propos du commandant Wilson Rutayisire, porte--parole du FPR : « Nous tuons les Interhamwes que nous rencontrons et nous allons continuer à le faire ». Ce comportement sera d'ailleurs cautionné par Paul Kagame en mai 1994: « les m iliciens armés sur la ligne de front sont une cible légitime ».

Dans un certain nombre d'endroits, les soldats du FPR n'ont pas pris la peine de faire la distinction entre les miliciens armés potentiellement dangereux et les civils. Alison Des Forges s'attache à relever cette violation du jus in bello, dans le chapitre 17 de son livre «Aucun témoin ne doit survivre ». 55Ainsi, il est indiqué:

· à Rutongo, au nord de Kigali, des soldats du FPR auraient fait le tour des maisons pour assassiner des habitants qui n'étaient pas armés.

· À Murambi dans la préfecture de Byumba, ils tuèrent 78 personnes, dont 46 enfants entre le 13 et le 15 avril 1994.

· Lors de la prise par le FPR du complexe de l'église de Kabgayi, où des milliers de Tutsi étaient rassemblés dans des camps, des soldats du FPR tuèrent des civils hutus et abandonnèrent certains des corps, les bras attachés, dans les bois attenants à l'église.

L'ens emble des constatations du travail d'Alison Des Forges repose sur des témoignages, des rapports d'Human Rights Watch/ FIDH. Ils méritent d'être étudiés et mis en confrontation au sein du TPIR, avec la même considération que celle accordée aux témoignages et rapports faisant état du génocide des Tutsis et de violations graves perpétrées à l'encontre de la population tutsi.

En effet, il s'agit bien de violations au sens entendu par l'article 5à/51 des conventions de Genève. De même, une annexe à la lettre du 1er octobre 1994 de l'ancien Secrétaire général de l'ONU, Boutros B. Ghali, adressée au conseil de sécurité, détaille les faits reprochés aux Hutus, mais également les paragraphes 79 à 83 détaillent les faits reprochés au FPR. Pareillement le rapport de Robert Gersony, expert de nationalité

5 5 Des Forges Alison, pour Human Rights Watch, Fédération Internationale des ligues des droits de l'Homme,Aucun témoin ne doit survivre, Op.cit., p 817--840

américaine mandaté par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, estime que le FPR avait tué 25 000 à 45 000 personnes. D'autres rapports d'Amnesty International sur les crimes contre l'humanité commis par l'APR en avril--juillet 199456confirment ces diverses données.

C es exactions dans leur ensemble constituent indéniablement des massacres systématiques et généralisés perpétrés par l'APR 57. Ils peuvent être connus facilement du parquet du TPIR, puisque les actes retenus dans la courte énumération ci--dessus rentrent dans son mandat. C'est pourquoi la réflexion de Charles Nderyehe est juste : « L'égalité devant la loi, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse, est le fondement même d'une saine justice. Or force est de constater malheureusement que ce principe essentiel a été superbement ignoré par le TPIR ».58 Cette impasse ne peut contribuer à faire éclore la vérité sur le drame rwandais ni à favoriser une base de réconciliation entre les Rwandais.

Alors que le Tribunal Pénal International pour l'ex--Yougoslavie (TPIY) essaie de juger les deux parties au conflit, le TPIR assure l'impunité aux membres du régime FPR malgré les crimes avérés dont ils se sont rendus coupables depuis 1990 sur le territoire rwandais. Ce constat illustre une différence d'approche entre les deux Tribunaux Pénaux Internationaux face aux événements pour lesquels ils sont mandatés.

La réalité d'une justice à deux vitesses est révélée par une action du TPIR souvent divergente par rapport à l'action et aux jugements du TPY. Or ce sont deux institutions également créées pour promouvoir et harmoniser le droit international pénal. Il est donc attendu qu'il y est une similitude dans les lignes directrices. Or l'inégalité d'action apparaît au vu du taux de condamnations à l'emprisonnement à vie, beaucoup plus

5 6 Amnesty International, Rwanda, Reports of Killings and abductions, by the Rwandese patriotic Army, April -August 1994, octobre 1994.

5 7 L'Armée Patriotique Rwandaise (APR): faction armée et clandestine du Front patriotique Rwandais (FPR) de juillet 1994 à juin 2002. Depuis juin 2002 ce sont les Forces rwandaises de défense (FRD).

5 8 Les raisons objectives de la faillite du TPIR dans la réconciliation des Rwandais », Conférence internationale sur le TPIR, la Haye du 14 au 15 Novembre 2009.

élevé au TPIR qu'au TPY.59 L'emprisonnement à vie semble être la règle au TPIR alors qu'elle demeure l'exception au sein du TPIY. Une étude comparative menée par les détenus du TPIR appuie ce constat.60

Les modifications régulières et intempestives d'actes d'accusations incomplets, violent l'article 47 (c) du règlement de procédure et de preuve,61 et conduit de ce fait à des retards excessifs dans la conduite des procès contrariant ainsi l'effectivité de l'article 20 4.(c) du statut du TPIR62. Or devant le TPIY les actes d'accusation sont généralement conformes à l'article 47 (c), et les retards excessifs dans les jugements y sont pratiquement rares. En effet devant le TPIY, sur 60 cas examinés, 4 accusés seulement ont attendu plus de 5 ans avant d'être jugés. En revanche devant le TPIR, sur 25 cas examinés, 12 accusés ont attendu plus de 5 ans.63

D e même alors que le principe du double degré de juridiction semble prendre corps et sens au sein du TPIY, il n'en est pas de même au sein du TPIR. Contrairement au TPIY, la chambre d'appel du TPIR ne fait que confirmer les jugements rendus par les Chambres de première instance. Les rares cas de modifications par la Chambre d'Appel des peines infligées par les Chambres de première instance du TPIR se sont toujours faits en défaveur des accusés.64 Par contre au TPIY, la Chambre d'Appel a souvent modifié les peines en faveur des accusés jusqu'à prononcer des acquittements contre des personnes condamnées en première instance. La liberté d'appréciation des juges semble être plus aisée au sein du TPIY.

Enfin sur le plan de la libération anticipée, des condamnés du TPIY ont bénéficié de cette mesure alors qu'au TPIR cela n'est jamais arrivé. Un exemple peut être cité : une

5 9 Sur 22 sentences prononcées au TPIR jusqu'en 2005, 12 sont des emprisonnements à vie(soit 54, 5 % des cas), tandis que sur 58 sentences prononcées jusqu'en 2005 au TPIY, 1 peine d'emprisonnement à vie (soit 1, 7% )

6 0 «Mémorandum, une justice international discriminatoire et à deux vitesses », Les Détenus du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, 31 octobre 2005.

6 1 Annexe 4, Règlement de Procédure et de Preuve.

6 2 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

6 3 «Mémorandum, une justice international discriminatoire et à deux vitesses », Les D étenus du Tribunal Pénal International pour le Rwanda, 31 octobre 2005.

64 N°ICTR--97--20--A, Le procureur contre Laurent Semanza, 20 mai 2005 : peine porté de 25 ans à 35 ans; et N°ICTR--98--44A--T, le procureur contre Juvénal Kajelijeli, 1 Décembre 2003

requête introduite par le pasteur Elizaphan Ntakirutimana, condamné à 10 ans d'emprisonnement ,alors âgé de 80 ans et ayant effectué 9 ans en prison. Aucune suite favorable n'a été donnée. Sur quels fondements juridiques peut--on expliquer cette différenciation d'action entre le TPIR et le TPIY? Il n'y en a aucune de tenable. Cette discrimination entre détenus du TPIY et du TPIR est encore plus frappante quand on sait que les rares personnes acquittées par le TPIR sont maintenues en prison bien des anné es après leur acquittement, comme ce fut le cas pour André NTAGERURA, et Emmanuel BAGAMBIKI. 65

En mettant en place ces deux tribunaux ad hoc dotés d'instruments juridiques quasi identiques et d'une Chambre d'Appel unique, le législateur avait entre autres l'intenti on d'assurer l'harmonisation et l'équilibre entre les deux tribunaux et de promouvoir le droit international. Or dans ce contexte de fin de mandat du TPIR, le constat est amer. La pleine réalisation de sa mission de juger les présumés responsables du génocide et des violations graves du droit international humanitaire est en demi teinte, devant son refus de poursuivre les membres du FPR ayant commis des exactions à l'encontre de la population Hutu. De plus la discrimination existante entre le traitement des accusés du TPIR et du TPIY, quand bien même ce sont deux instances judiciaires créées par une résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU et ayant la même mission, renforce cette méfiance envers l'institution du TPIR. Comment le TPIR peut--il véhiculer un message de réconciliation des peuples au travers de son action, si l'essence même de sa création est bafouée, à savoir l'égalité. Cependant, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda est une institution judiciaire devant rendre justice avant tout. L'étude de cette institution fait rapidement comprendre que malgré une volonté de rendre une justice juste et équitable de par les membres qui la composent, cette tâche s'avère d'une extrême complexité dès lors que des intérêts politiques viennent peser dangereusement sur la balance, symbole de justice.

6 5 N° ICTR--99--46--T, Le procureur contre André NTAGERURA, Emmanuel BAGAMBIKI, et Samuel IMANISHIMWE, 25 Février 2004

2. Une proximité alarmante entre le TPIR et le pouvoir politique de Kigali.

Le contexte de création du TPIR peut permettre d'expliquer ce poids du politique au sein de celui--ci. La résolution portant création du TPIR émane du Conseil de Sécurité, organe politique auquel il est légalement soumis. En effet le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a l'obligation de lui adresser un rapport annuel, et d'en recevoir des « ordres ». De plus, les juges du Tribunal malgré le fait qu'ils soient élus par l'Assemblée Générale sont présélectionnés par le Conseil de sécurité, avec notamment le droit de véto pour les cinq membres permanents. Ceci découle de la lecture de l'article 12, paragraphe 3 du statut du TPIR. De même différents organes de l'Organisation des Nations Unies, comme son Secrétaire général, interviennent dans la nomination du procureur du TPIR et des différents postes du Tribunal. Le cadrage de ce tribunal est donc empreint d'une note politique particulièrement présente à tous les échelons de son fonctionnement. Cependant il serait illusoire de penser qu'une instance internationale, représentant la communauté internationale dans son ensemble puisse fonctionner sans une once de politique. Le TPIR est le fruit de la création d'États, apportant leur contribution dans la construction d'une justice internationale mais en gardant l'empreinte de leurs intérêts respectifs. Il existe une donnée juridique qui permet de faire face à une influence politique trop oppressante, à savoir l'impartialité. Or celle--ci est également douteuse. En effet la mission du TPIR est d'identifier tous les criminels, quelles que soient leurs fonctions, ou leur appartenance ethnique, afin qu'ils répondent de leurs actes individuellement selon le principe de la responsabilité pénale individuelle,. Or son action et son désir de répression ne semblent s'attacher qu'à la poursuite des génocidaires Hutus. Quand bien même des preuves, des enquêtes ont bel et bien démontré que la poursuite de tutsis pour violations graves du droit international humanitaire était de la compétence du Tribunal.

Cependant il faut savoir distinguer l'action de l'organe judiciaire et celle des membres qui la composent, professionnels du Droit, doués d'une indépendance et d'une impartialité réelles. Mais parfois l'ampleur des responsabilités et la grandeur de l'institution elle--même peuvent impressionner et faire reculer les plus téméraires d'entre eux. L'exemple de la gestion du dossier de l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana en est un exemple.

Le 6 avril 1994, vers 20 heures 30, un attentat contre l'avion du président provoque le décès de celui--ci, du président burundais et de leurs suites. Dès le lendemain de cet attentat, les massacres à grande échelle ont commencé, constituant le début du génocide Rwandais. Malheureusement aujourd'hui, aucun élément ne semble être disponible sur cet attentat et ses auteurs. Ce silence n'est qu'officiel, car officieusement des enquêtes, des rapports ont été réalisés sur cet événement. L'importance de cet évènement a été mit en lumière par le rapporteur spécial des Nations--Unies, René DEGNI SEGUI et la Commission d'experts mise en place en vertu de la Résolution 935 de 1994. Celui--ci indiquait: « l'accident survenu le 6 Avril 1994 et qui a coûté la vie au président de la République Rwandaise, Juvénal Habyarimana, semble bien être la cause immédiate des événements douloureux et dramatiques que connaît actuellement ce pays», et d'ajouter que « l'attaque contre l'avion du président doit être examinée par le rapporter spécial, dans la mesure où il peut y avoir des liens entre ceux qui l'ont commandité et les responsables des massacres ». Les différents rapports de l'ONU à ce sujet précisent clairement que cet événement est l'élément déclencheur du drame rwandais, « l'étincelle qui a embrasé ce pays en 1994 ». Le conseil de Sécurité de l'ONU se fonde sur ces éléments pour adopter la résolution portant création du TPIR.66 Se pose alors la question de savoir quelle est l'attitude du TPIR face à cet événement, déclencheur du génocide, pour lequel il a compétence?

Le TPIR sait et mesure l'importance de cet événement dans le déclenchement du génocide Rwandais, que ce soit au travers des actes d'accusations élaborés contre les personnes poursuivies, dont le parquet réaffirme le caractère déterminant, ou encore des témoignages d'experts lors de jugements, qui ont une position identique à celles des spécialistes de l'ONU. Cette concordance poussait même le procureur Carla Del Ponte à avoir ces propos : « s'il s'avérait que c'est le FPR qui a abattu l'avion, l'histoire du génocide devra être réécrite. Bien que cette situation n'atténue en rien la responsabilité des extrémistes Hutus dans la mort de centaines de milliers de personnes, elle ferait apparaître le FPR sous un jour nouveau. Le FPR a été jusque là considéré en Occident comme victime et comme celui qui a mis fin au génocide. »67 La profondeur de ces mots traduit toute la

6 6 Silence sur un attentat, le scandale du génocide Rwandais, groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles ONANA, op.cit., p73--82

6 7 Carla Del Ponte, interview au journal Aktuelt 17 mars 2000.

complexité et l'enjeu de cet événement, à savoir l'impact que pourrait avoir la détermination des auteurs de l'attentat sur les charges qui pèsent sur les accusés, et plus particulièrement sur la question de « planification de génocide ».

C ette conscience de l'importance de cet événement et le silence entourant sa vérité est visible dans la place accordée au non aux différents rapports et enquêtes. Un ancien enquêteur du bureau du procureur, Monsieur Hourigan, a rédigé en 1997 un rapport68 concluant que des militaires du FPR ont participé à la planification et à l'exécution de cet attentat, et que ces trois militaires se sont ouverts à eux, et ont donné des élément précis sur la manière dont les choses se seraient passées. Ce rapport a par la suite été communiqué à l'ancien procureur du TPIR, Madame Louise Arbour. Dans un premier temps, elle appuyait ce rapport, pour rapidement conclure que cet événement ne relevait pas de la compétence du TPIR, et ne devait dont pas faire l'objet d'une enquête. Le 7 Février 1997, Me Tiphaine Dickson, avocate dans le procès Rutaganda, plaide devant le TPIR une requête visant à ordonner au procureur de rendre publics tous les éléments de preuve qu'il détenait concernant l'attentat du 6 avril 1994, et l'Accusation de répondre : « Notre responsabilité n'est pas de mener une enquête sur l'écrasement de l'avion, ce n'est pas notre tâche ». En décembre 1999, le procureur Carla Del Ponte ajoutait: « Si le tribunal ne s'en occupe pas, c'est parce qu'il n'y a pas de juridiction en la matière. Il est bien vrai que c'est l'épisode qui a tout déclenché ». Or le tribunal dispose d'une compétence temporaire (incluant l'attentat du président HABYARIMANA) et matérielle (compétence du tribunal pour tout ce qui attrait à la préparation du génocide) lui permettant de poursuivre les auteurs de cet attentat.

Carla Del Ponte rappelait également qu'en 1998 le juge français Jean--Louis Bruguière a ouvert une enquête relative à l'attentat contre l'avion. Et celui--ci, après avoir interrogé de nombreux témoins dans divers pays, avait recueilli assez de preuves pour justifier un mandat d'arrêt international à l'encontre de l'actuel Président Paul Kagame. Son enquête concluait à la responsabilité des extrémistes hutus dans l'attentat perpétré en Avril

68 Mémorandum interne, rédigé par Michael Hourigan alors enquêteur auprès du Bureau des services de contrôle interne des Nations--Unies, 1 er Aout 1997..

1 994 contre l'avion du président Habyarimana. Cette enquête fut diversement accueillie et troubla par la suite, les relations diplomatiques entre le Rwanda et la France. 69

L' es sentiel ici, est de comprendre qu'il existe encore aujourd'hui, suffisamment d'éléments à la disposition du TPIR, pour que celui--ci enclenche une procédure judiciaire, afin de connaître les circonstances exactes de cet événement déclencheur du génocide, et poursuivre ainsi ces instigateurs.

C ette incohérence juridique démontre bien la partialité et la dépendance des actions du TPIR dépassant un cadre purement juridique. En 2000, face à ce silence, à cette attitude d'aveuglement de la part du TPIR, des voix se sont élevées contre ces manoeuvres diplomatiques. Le procureur est amené à faire part de son intention d'inculper des membres du FPR pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Mais dans un rapport officiel présenté le 24 juillet 2002 auprès du Conseil de Sécurité de l'ONU, le procureur en chef Carla Del Ponte indique que le gouvernement rwandais bloquait les procès du TPIR à Arusha puisque le parquet s'était enfin résolu à inculper des responsables du FPR au pouvoir à Kigali. En effet, dès son intention de poursuivre des membres du FPR, le régime du Président Paul Kagame exerçait des pressions telles qu'en 2003 avec l'appui des USA il obtient l'éviction pure et simple de Carla Del Ponte comme Procureur du TPIR et son remplacement par le gambien Hassan Bubacar Jallow dont la position est sans doute plus conforme à celle attendue par le gouvernement de Kigali.

Cette immixtion du politique et plus particulièrement du gouvernement Rwandais est chose courante au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Cette proximité est telle qu'elle met en péril la nécessaire indépendance et impartialité du Tribunal. En effet suite au propos de Carla Del Ponte concernant son intention de poursuivre des tutsis pour violations graves du droit international humanitaire, le gouvernement rwandais a rendu pratiquement impossible le déplacement des témoins convoqués à Arusha pour témoigner. Ceci constitue d'ailleurs une violation flagrante des droits de la défense et de la coopération exigée des états signataires de la résolution

69 Annexe 5, L'enquête du juge Bruguière n'est pas un vulgaire « Pétard mouillé ».

p ortant création du TPIR. Cette immixtion politique entrave des garanties judiciaires, mais le TPIR ne peut pourtant pas la dénoncer. Ce qu'une instance internationale indépendante et impartiale, aurait fait sans aucune difficulté. Il est donc compréhensible que le TPIR soit davantage à la recherche d'une confiance auprès du gouvernement de Kigali, plutôt qu'à la recherche d'une vérité et d'une justice dérangeante pour ce gouvernement. Plus encore, un accusé, J.B . Barayagwiza a été libéré le 3 novembre 1999 par la Chambre d'Appel du TPIR. En réaction, le gouvernement de Kigali suspendait sa coopération, précisant que sa reprise ne serait possible que si le tribunal s'engageait à revenir sur la décision concernant Barayagwiza70. Pareillement le gouvernement Rwandais a refusé d'octroyer le visa d'entrée au Rwanda à Mme Carla Del Ponte. 71 Afin d'assurer un fonctionnement tant bien que mal des poursuites, le procureur et la Chambre d'Appel furent obligés de s'exécuter. Une requête en révision de la décision d'élargissement fut déposée le 19 novembre 1999, et l'audience eut lieu le 22 Février 2000.

Le gouvernement rwandais marque son emprise sur l'audience par cette menace: « si les juges ne revenaient pas sur leur décision, le tribunal cesserait de fonctionner ».72 Jean--Bosco Barayagwiza fut maintenu en prison.

Le choix entre le droit et la justice d'un côté et la politique de l'autre est clairement opéré par la Chambre d'Appel, à savoir celui de renforcer les relations de coopération avec le TPIR, après qu'elles se soient distendues suite à l'affaire Barayagwiza.

Le gouvernement de Kigali a publié en novembre 2002 un communiqué d'une teneur agressive à l'encontre du procureur en chef du TPIR Carla Del Ponte, à la suite de sa rencontre à La Haye avec un groupe de leaders de l'opposition rwandaise en exil.

Enfin il est à retenir qu'un siège a été octroyé à un représentant du gouvernement
Rwandais afin d'assurer les relations entre Kigali et le TPIR. Ceci n'est en rien une

7 0 Communiqué du Gouvernement rwandais diffusé par Radio Rwanda le 6 novembre 1999

7 1 NGIRABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du mensonge et de l'injustice, op.cit.p 48 0 -- 5 0 0

7 2 Transcription de l'audience du 22 février 2000 , de l'affaire N° ICTR--99--52--T, Le procureur contre Ferdinand NAHIMANA, Jean--Bosco BARAYAGWIZA, Hassan NGEZE, 3 décembre 2003.

émanation juridique mais bien diplomatique et non prévue par le statut du TPIR. Or, le TPIR n'est ni une entité étatique, ni une organisation inter--étatique, mais bien une entité judiciaire, qui n'a nul besoin d'accepter un représentant officiel d'un pays, qui plus est celui du Rwanda, partie au conflit. Procéder ainsi, c'est bafouer l'une des garanties essentielles d'un procès équitable: montrer une collusion avec l'une des parties au conflit, une partialité rendue publique, sans état d'âme. Augustin Ngirabatware peut souligner que la représentation émane d'un gouvernement dirigé par une équipe dont certains membres sont justiciables devant la juridiction internationale. La crainte des avocats de la Défense quant à l'équité des procès et la sécurité des détenus est amplement légitime devant cette volonté du représentant rwandais occupant une fonction au TPIR « d'opérer à l'intérieur du Tribunal ».

D ans ce climat, nous pouvons comprendre la crainte des détenus, des conseils de Défense, mais aussi des défenseurs des droits de l'homme devant des propos tenus par différents procureurs du TPIR, donnant leur soutien et accord à la volonté du gouvernement rwandais de voir se tenir des audiences au Rwanda.

Il suffira ici de rappeler les motivations diverses qui ont conduit à installer le siège du TPIR à Arusha en Tanzanie. Il était notamment défendu la volonté de préserver l'indépendance et la neutralité du tribunal et de ses juges et d'assurer la sécurité des magistrats, celle des accusés et de leurs Conseils. La conduite des procès au Rwanda accroîtrait encore davantage cette immixtion du politique dans la tenue des affaires judiciaires. Le gouvernement rwandais a accentué sa volonté d'ingérence en réclamant notamment d'être autorisé à participer au choix des enquêteurs de la Défense. Ce qui fut refusé par le greffier du TPIR.

C ette crainte est justifiée au regard de la pratique de la justice Rwandaise actuellement en vigueur concernant le génocide Rwandais. Tout d'abord plusieurs milliers de personnes sont actuellement emprisonnées dans les prisons du Rwanda, dans des conditions déplorables. De nombreux rapports d'organisations non gouvernementales font état de violations de standards attendus concernant les conditions de détention de détenus. D'après le témoignage d'un co--conseil d'une équipe de défense, s'étant rendu sur place, il y existe des personnes détenues depuis plus de 15 ans sans aucun dossier, subissant des conditions de vie déplorable générées par une surpopulation carcérale

dérais onnable . Cet état de fait s'appuie sur une procédure juridique particulièrement dangereuse et bafouant le principe de la présomption d'innocence.

En effet pour être libéré, le FPR exige des détenus de se déclarer coupables. Les innocents refusant ce procédé d'auto culpabilisation se trouvent alors pénalisés.

Face à l'ampleur de la tâche devant le nombre croissant d'arrestations et de détenus, le gouvernement de Kigali a mis en place les tribunaux GACACA. La terminologie de ces GACACA n'est qu'une façade, protégeant la réalité du but poursuivi par l'instauration de ces tribunaux. Les propos de Kenneth ne pouvant être lus ainsi: « Les tribunaux Gacaca sont devenus un des outils de répression...que le gouvernement rwandais a établi au niveau communautaire pour juger les auteurs présumés du génocide... Comme beaucoup de Rwandais s'en sont rendus compte, être en désaccord avec le gouvernement ou faire des déclarations impopulaires peut facilement être qualifié d'idéologie du génocide, punissable par des peines allant de 10 à 25 ans. Cela laisse peu d'espace politique pour la dissidence. »73 De l'avis de nombreux experts, ces tribunaux sont bien au deçà des standards internationaux des droits de l'Homme. 74 Dès lors qu'à la lecture de la loi instaurant les GACACA, il est à comprendre que la loi autorise les juridictions Gacaca à connaître des accusations de crimes de guerre, crimes contre l'humanité, et de génocide, à l'exception de ceux commis par les membres du FPR et de son armée. Actuellement seuls sont jugés les membres de la communauté hutu suspectés d'implication dans le crime de génocide envers les Tutsis. Dans ce contexte, les propos de Charles Ndereyehe lors d'une conférence internationale sur le TPIR, à La Haye le 15 novembre 2009 prennent tout leur sens : « Comme il fallait s'y attendre, les juridictions Gacaca n'ont pas été mises en place pour désengorger les prisons, mais pour servir d'épurateur au régime du FPR».

L'ensemble des défenseurs des droits de l'homme et leurs associations, les ONG, des
membres du TPIR sont fermement opposés en ce contexte de fin de mandat du TPIR au
transfert d'affaires du TPIR aux juridictions rwandaises, suspectées par leur manque

7 3 Kenneth Roth, La puissance de l'horreur au Rwanda, Los Angeles Times, 11 Avril 2009 74 Amnesty International, Rwanda: Genocide suspects must not be transferred until fair trial conditions met, 2 novembre 2007.

d'indép endance et d'impartialité. Opposition d'autant plus vivace, que ce transfert est également décrié par des associations locales rwandaises75

Il est patent que l'action de la justice internationale, au travers du TPIR est entravée par une pression politique de la part du gouvernement rwandais, ne laissant pas les juges et procureurs maîtres de leurs actions. Le souci d'une justice saine et équitable se trouve entravé par ce refus de mettre à jour une version des faits pouvant mettre en branle la stature politique actuelle du Président en exercice au Rwanda. Dès le processus de création du TPIR, le politique occupe une place centrale. Il s'agit de préserver une version officielle du génocide rwandais afin de ne pas brusquer les intérêts de chaque État, partie au processus de réconciliation du peuple rwandais, pour ainsi mettre dans l'ombre d'éventuelles négligences (fautes?) dans la gestion du drame rwandais, quand il était encore possible d'y mettre un frein.

C ependant comme l'énonce Bernard Lugan: « La véritable histoire du génocide du Rwanda s'écrit devant le TPIR lors des longs procès qui s'y déroulent. Jour après jour, c'est une tout autre vision du drame qui apparaît, avec une totale remise en cause des postulats énoncés il y a une décennie. Et pourtant, l'acte d'accusation demeure figé sur ces certitudes anciennes ( ...).Les accusés subissent donc une procédure violant leurs droits, puisqu'ils sont poursuivis selon un acte d'accusation obsolète ». 76Or, il est attendu d'une justice internationale souhaitant oeuvrer pour la réconciliation des peuples, d'être attentive et évolutive face aux événements qu'elle doit juger. Son impartialité, et son indépendance face à des intérêts politiques ou non d'une des parties aux conflits, est gage de son exemplarité et de sa confiance. Le doute profitant à l'accusation en matière pénale, le doute raisonnable sur l'histoire du génocide telle qu'elle est véhiculée par l'actuel gouvernement rwandais, doit pousser le TPIR a s'émanciper du joug politique afin de retrouver toute sa stature et sa crédibilité dans un contexte de fin de mandat de celui--ci.

La politique répressive unilatérale actuellement poursuivie par le TPIR , avec cette chape de plomb d'un gouvernement rwandais oppressant, conduit le Tribunal à mettre en péril les garanties essentielles d'un procès équitable, auquel tout accusé,

7 5 Annexe 6, Rapport Réseau International pour la promotion et la Défense des Droits de l'Homme au Rwanda,

7 6 LUGAN Bernard, Rwanda, Contre enquête sur le génocide, Editions Privat, 2007, p255

même du pire crime peut prétendre. Cette attitude conduit ainsi à discréditer sa mission première de juger les présumés responsables de génocide et violations graves du droit international humanitaire et d'oeuvrer ainsi à la réconciliation des peuples et au maintien de la paix.

II . Une lutte contre l'impunité mettant en péril les droits des accusés.

Ce contraste d'une lutte contre l'impunité apparente d'une part, et immergée d'autre part entraîne inéluctablement des conséquences sur les droits des accusés, malgré une volonté textuelle affirmée assurant la protection de leurs droits fondamentaux (A). Mais le constat de leur application au sein de cette institution internationale assombrit le principe d'équité attendu dans toute juridiction internationale. (B)

A. Une volonté textuelle affirmée assurant la protection des droits fondamentaux du droit des accusés.

1. Au niveau international: une mappemonde protectrice.

Une juridiction internationale est une juridiction créée par un accord entre États (par exemple l'Accord de Londres, le Statut de la Cour Pénale Internationale) ou par un acte dérivé d'une organisation internationale. C'est ainsi qu'en ce qui concerne plus précisément le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, il découle de la création d'une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

L'arti cle 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques(PIDCP) du 16 Décembre 1996, reconnaît à toute personne le «droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ». Il découle de cet article que la protection des droits de la défense repose tant sur les garanties procédurales spécifiques au droit pénal que sur les attributs essentiels de la fonction juridictionnelle. Cet article pose le principe de garanties juridictionnelles réelles, à savoir des garanties qui assurent à l'accusé qu'il est jugé par un tribunal légalement constitué et en application des règles de droit. Ce souci de l'effectivité de ces différentes garanties par les acteurs de la justice internationale est visible, notamment à travers le travail d'analyse, d'étude, de questionnement ressortant dans les différentes décisions jurisprudentielles des tribunaux pénaux internationaux.

Ainsi dans l'affaire Dusko Tadic, la Chambre d'appel a vérifié la qualification du TPIY, comme un «tribunal établi par la loi ». Pour cela, son raisonnement est de considérer que le tribunal international est «établi par la loi» dès lors que ses règles de composition et de procédure garantissent les droits de la défense. C'est ainsi qu'au travers de ce raisonnement, les droits de la défense de la personne individuelle, jugée par un tribunal formé par la communauté internationale, constituent «la clef de voûte du système, en conciliant les attributs du droit « international» et « pénal» ».77

Les instruments universels de protection des droits de l'Homme et notamment le PIDCP doivent être respectés par les tribunaux internationaux créés sous l'égide des Nations Unies . C'est pourquoi les garanties procédurales prévues par l'article 14 des pactes ont été visées tant par le Secrétaire général que par les tribunaux. Il ne s'agit pas ici de dresser la liste de l'ensemble des droits de la défense. Cependant il peut être noté qu'en mati ère d'accusation en matière pénale au sein du PIDCP, la présomption d'innocence (article 14 paragraphe 2) est protégée, tout comme le droit à un double degré de juridiction (article 14 paragraphe 15), le principe de non bis in idem (article 14 paragraphe 7), ainsi que des garanties procédurales relatives à l'information et à la défense de l'accusé (article 14 paragraphe 3). Quant à l'article 15 du même texte, il impose le respect des principes de légalité des délits et des peines et de non-- rétroactivité de la loi pénale.

Ensuite, la mappemonde protectrice au niveau des sources internationales trouve également son expression au sein des Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels. Ce sont des traités internationaux contenant les règles fixant un cadre dans un contexte de guerre. L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève constitue une référence dans la protection des différents droits et notamment ceux des accusés, en interdisant plus particulièrement le meurtre, les mutilations, la torture (...) et les procès inéquitables. Cet article confirme une exigence de procès équitable, incluant donc le respect des droits des diverses parties au procès : exigences que 194 États parties, dont le Rwanda et la Tanzanie doivent respecter.

7 7 « Les droits de la défense », in H. Ascensio, E. Decaux, A. Pellet (dir.), Droit international pénal, Pedone, 2000, p. 791

Les droits de la défense sont des droits proclamés textuellement, cependant face à la rigidité textuelle, il est permis aux tribunaux pénaux internationaux de pouvoir agir en adé quati on avec le contexte particulier dans lequel ces droits s'exercent. Cette adaptabilité est louable et peut permettre une meilleure effectivité de ces droits. Dans l'affaire Duko Tadic, la chambre d'appel semble vouloir ainsi éviter une multitude de recours fondés sur les textes précités de protection des différents droits, notamment de ceux de la défense. En effet la chambre d'appel suggère que les tribunaux pénaux internationaux sont bien tenus de respecter les droits de la défense, tant en interprétant, voire adaptant la définition de ces garanties à la lumière du contexte particulier dans lequel ils agissent, celui de l'ordre international. 78

D e ce fait, il est impératif que le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, inscrit dans un cadre de justice internationale, intervienne dans une indépendance et une impartialité exemplaires. Or dans un contexte de joug politique sur l'institution judicaire, le danger de cette décision de la chambre d'appel est d'inciter, légitimer certaines interprétations restrictives des droits fondamentaux et notamment ceux des accusés.

De plus les décisions des tribunaux pénaux internationaux se réfèrent aux sources universelles mais aussi régionales par l'utilisation des conventions africaines, américaines et européennes des droits de l'Homme. S'il est difficile de définir leur place précise dans la hiérarchie des instruments juridiques utilisés par les tribunaux pénaux internationaux, ces conventions représentent un appui non négligeable dans cette recherche de protection et d'effectivité des droits des accusés. Ceci peut être illustré dans l'exemple suivant: si les garanties de l'article 6 de la CEDH ne sont pas respectés devant le TPIR ou TPIY les États coopérants pourraient se voir imputer la violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.79 De même l'arrêt de la CEDH S.W et C.R contre Royaume Uni, 22 novembre 1995 , montre bien que le principe de légalité s'applique non seulement en matière de droit pénal de fond (incrimination, sanction)

78 IT--94--1--AR72, 2 octobre 1995, paragraphe 42.: Relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence.

79 CEDH, Soering contre Royaume-Uni, 7 juillet 1989, à propos de l'extradition.

mais aussi en matière procédurale ou de droit pénal de forme. Ainsi donc le principe de légalité est garanti par des textes internationaux, régionaux mais aussi à l'article 18 de la constitution du Rwanda.

C ette protection des droits de la défense est assurée également à l'article 7 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, du 27 Juin 1981, qui contient notamment le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale. Enfin l'article 8 de la convention américaine relative aux droits de l'homme contient l'ensemble des garanties judicaires auquel un individu peut avoir droit.

D e cette mappemonde textuelle des droits de l'homme, il en ressort une exigence d'indépendance et d'impartialité, qui est renforcée par la notion large de « procès équitable », tel qu'elle ressort clairement de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des droits de l'homme. Toute la difficulté consiste à donner un contenu à ces notions.

L'indépendance du TPIR se mesure au fait qu'il ne peut être soumis à des ordres ou à des instructions provenant de l'extérieur de la juridiction. Le tribunal doit pouvoir prendre ses décisions uniquement sur la base des règles de droit et conformément à son intime conviction. Or évoluer au sein d'une équipe de Défense au sein de cette institution internationale, permet de saisir la difficulté de l'exercice. 80

L'impartialité quand à elle présuppose l'indépendance mais davantage encore. Définir l'impartialité comme une absence de préjugé ou de parti pris est cependant insuffisant car il existe deux façons de l'apprécier: subjectivement et objectivement. L'impartialité subjective s'apprécie eu égard aux dispositions personnelles des magistrats composant le Tribunal mais elle est difficile à caractériser puisqu'elle impli que de sonder les individus. En revanche l'impartialité objective se rapporte quant à elle aux apparences. Ainsi dans l'arrêt de la CEDH du 27 Aout 2002 Didier contre France, l'impartialité objective consiste à se demander si «indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l'impartialité de ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l'importance ».

8 0 Cf infra, un constat de violations assombrissant ce principe d'équité, p 59

La Cour Européenne des droits de l'Homme apporte son approche concernant le sens que doit revêtir l'impartialité dans l'arrêt Piersack du 1 er octobre 1982. En effet la Cour Européenne des Droits de l'Homme va retenir l'impartialité objectif au regard de « la confian ce que les tribunaux d'une société démocratique se doivent d'inspirer aux justiciables ». La juridiction doit donc offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime. Ici aussi l'exercice semble périlleux au sein du TPIR, dès lors qu'il est constaté que seuls des Hutus ont été jugés et condamnés 81

Pourtant cette mappemonde protectrice des droits de l'Homme, et soucieuse d'une justice indépendante et impartiale se retrouve au coeur même des bases textuelles encadrant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

8 1 Cf.supra, «la pratique du TPIR: le face immergée de l'iceberg, p 35 et s.

2. Au niveau du TPIR : une liberté d'interprétation.

Le statut du TPIR régissant les procédures internationales pénales en cours, confèrent une place au droit de la défense. Ceci est clairement établi à l'article 18 paragraphe 3 relatif aux droits du suspect, et l'article 21 relatif aux droits des accusés dans le statut du Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie. Concernant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, il s'agit des articles 17 paragraphe 3 et 20 du statut du TPIR et article 55 et 67 du statut de la Cour Pénale Internationale. La stricte réglementation de l'acte d'accusation est prévue aux articles 17.4), 20.4° du statut du TPIR,82 et article 47 B) et C) du Règlement de procédure et de preuve.83

Le droit de l'accusé est encadré aux articles 17.3 du statut du TPIR concernant le droit d'être défendu, et l'article 20 du statut du TPIR concernant les droits de l'accusé. Afin de saisir l'interprétation qui est faite par le TPIR de l'ensemble de ces droits, il est judicieux d'analyser ces droits à la lumière de décisions jurisprudentielles. Ainsi dans l'affaire Akayesu, l'appelant a demandé que son mémoire soit traduit afin de respecter son droit à être compris par les juges. Sa demande fut acceptée par la chambre au motif qu'une bonne administration de la justice et une égalité de traitement des parties l'imposent. Dans cette affaire, l'accusé a également présenté deux motifs d'appel concernant le fait d'avoir été privé du droit d'être défendu par le conseil de son choix et d'avoir été privé du droit à un conseil compétent. Ici la Chambre d'appel a retenu «en principe, le droit à l'assistance gratuite d'un avocat ne confère pas le droit de choisir celui--ci », et que «en pratique l'accusé indigent a la possibilité de choisir parmi les avocats figurant sur la liste ». En revanche concernant le droit à un avocat compétent, la chambre répond que la compétence de l'avocat est une présomption qui ne peut être renversée que par la preuve du contraire. Or en l'espèce, la preuve du contraire n'a pas été rapportée.

Autre jurisprudence intéressante, concernant l'application d'un droit à l'égalité des
armes entre l'Accusation et la Défense. Dans l'affaire Kayishema et Ruzindana84, la

8 2 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

8 3 Annexe 4, Règlement de procédure et de preuve du TPIR.

8 4 N° ICTR_95--1--A, Le procureur contre Clément KAYISHEMA et Obed RUZINDANA, jugement, 1 Juin 2001.

Défense a demandé des informations sur les moyens matériels d'enquête dont disposait l'Accusation afin d'exiger un équilibre avec ceux de la défense sur la base du principe de l'égalité des armes. Ceci a donc conduit la chambre à interpréter le sens de l'article 20 du statut du TPIR, et celle--ci a conclu qu'il s'agissait davantage d'une égalité de droits, que de moyens entendus comme les méthodes et ressources. En effet pour la chambre d'appel, l'égalité des armes entre la Défense et l'Accusation ne signifie pas nécessairement une égalité matérielle. Cette approche est beaucoup plus restrictive que celle de la chambre d'appel du TPIY sur cette question, qui conclut qu'il faut s'assurer que chaque partie doit avoir une chance raisonnable de défendre ses intérêts, sans être dans une situation désavantageuse par rapport à l'autre. 85Elle sous--entend que la défense des intérêts de chacune des parties se fait également à travers des méthodes et ressources et que l'égalité des armes comprend donc aussi un aspect matériel. De même que pour le Cour Européenne des droits de l'homme, l'égalité des armes ne s'entend pas nécessairement comme une égalité stricte, mais à tout le moins, qu'il faut éviter que, pour l'établissement de la preuve, une partie soit dans une situation de «net désavantage » par rapport à une autre86

C oncernant l'obligation d'informer le prévenu des charges qui pèsent contre lui dans les plus brefs délais, qui constitue une composante du droit à un procès équitable, la chambre d'appel a été amenée à y répondre dans l'affaire Barayagwiza87. Puisque sur le fondement du délai raisonnable de la procédure et de l'absence d'information prompte de l'accusé, la Chambre d'appel a décidé de la remise en liberté de l'accusé. Par cette décision, la chambre d'appel démontre que le TPIR dispose donc d'instruments et de moyens juridiques lui permettant de mettre fin à la poursuite d'un accusé en cas de violations graves des droits de l'accusé.

Le droit au procès équitable est prévu à l'article 19 du statut du TPIR concernant l'ouverture et la conduite du procès, l'article 21 concernant la protection des victimes et témoins et l'article 22.2 sur la motivation du jugement et enfin les articles 24 et 25 du

8 5 N °IT--94 -- 1 -- R, Le procureur contre Dusko TADIC, jugement du 15 juillet 1999, paragraphe 48.

8 6 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 23 octobre 1993, série A, n° 274, JCP 1994, I, n°3742, note F. Sudre.

8 7 N° ICTR--97--19, Le procureur contre J. BARAYAGWIZA, 3 novembre 1999.

Statut du TPIR pour l'appel et la révision88. Ici il est intéressant de relater l'acte d'appel présenté par Kayishema89, qui s'articule autour de cinq points, pour soulever l'iniquité de son procès. Tout d'abord la question de l'indépendance du tribunal, puis l'égalité des armes, la présomption d'innocence, le principe du contradictoire, et les délais de communication de pièces. La chambre d'appel va apporter des précisions sur l'interprétation qui doit être faite de ces différents droits, notamment sur la question de l'indépendance du tribunal. Ainsi elle considère que l'impartialité du juge se base sur un critère subjectif, l'indépendance du tribunal est basée quant à elle sur un critère objectif « en tant qu'organe judiciaire dont la compétence est définie par la résolution 955 du Conseil de Sécurité, il agit en toute indépendance par rapport aux organes des Nations Unies ». Ensuite dans l'affaire Rutaganda90, la chambre de première instance a, exceptionnellement, autorisé la défense à ajouter trois nouveaux témoins à sa liste initiale, au motif qu'il en allait de l'intérêt de la justice.

Enfin, dans l'affaire Kayishema et Ruzindana91, les juges ont affirmé que «le principe du droit au procès équitable fait partie du droit international coutumier. Il est confirmé par plusieurs instruments internationaux, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève... ». Ou encore dans le jugement Akeyesu, la chambre de première instance du TPIR faisait déjà référence aux droits de l'accusé «tels que reconnus par l'article 14 du Pacte International des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques ». L'illustrati on de la jurisprudence démontre les sources diverses et variées sur lequel s'appuie le TPIR pour mettre en pratique la textualité des droits inscrits dans son statut et dans son règlement de procédures et de preuves.

C ependant il est à noter que cette place accordée aux droits de la défense ne constitue qu'un bref passage au sein du corpus du statut du TPIR et de son règlement de preuves et de procédures. En effet l'ensemble des autres dispositions est presque exclusivement consacré aux structures du greffe, des juges et du procureur, sans aucune prévision de structuration symétrique du contre--pouvoir de la défense. Car il faut savoir que la Défense est un organe indépendant, qui ne fait l'objet d'aucune disposition concernant

8 8 Annexe 3 : Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

8 9 N° ICTR--95--1--A, Le procureur contre KAYISHEMA et RUZINDANA, 1 er Juin 2001.

9 0 N° ICTR--96--3--T, Le procureur contre RUTAGANDA, 6 décembre 1999.

9 1 N° ICTR--95--1--A, Le procureur contre KAYISHEMA et RUZINDANA, 1 er Juin 2001.

son fonctionnement, ses structures, son budget au sein du statut du TPIR. Un déséquilibre organique, renforcé par deux possibilités de sanctions «abus de procédure », ou « entrave à la procédure» ou «actes contraires à l'intérêt de la justice », largement utilisé par les juges au cours des procès. D'autant plus que ces possibilités de sanction sont laissés à l'appréciation arbitraire du juge et échappent pour l'essentiel au contrôle d'une juridiction d'appel. Ainsi lors de la tenue des procès, cette possibilité de sanctions ouverte aux juges et l'utilisation qu'ils en ont fait, est incompatible avec le droit absolu pour une défense d'user de tous les moyens de fait et de droit dès lors qu'ils ne sont pas déloyaux et respectant la morale. Dans la pratique cette possibilité de sanction est utilisée en dépassant les limites de sa création. Sa pratique s'apparente à un moyen d'évincer le droit absolu de la défense de soulever et soutenir librement toutes contestation de fait et de droit.

Le statut du TPIR assure entre autres des garanties fondamentales tels que la légalité du tribunal, les droits de la défense ou encore la règle de non bis in idem. C oncernant la légalité du tribunal, il est intéressant de faire un lien avec la décision du TPIY dans l'affaire Tadic, afin de savoir si le TPIY était un tribunal établi par la loi au sens de l'article 6--1 de la CEDH et 14--1 du PIDCP. Pour répondre à cette question, la chambre d'appel s'est penchée sur le critère organique, en énonçant que l'expression « établi par la loi» pouvait viser, en droit international, la création d'un tribunal par un organe non parlementaire mais «doté du pouvoir de prendre des décisions contraignantes ». Tel était le cas du Conseil de sécurité de l'ONU dont la résolution portant création du TPIR, constitue une mesure contribuant au rétablissement et au maintien de la paix au Rwanda. Un autre appui de la chambre d'appel réside dans un critère fonctionnel où les juges énoncent que pour être un «tribunal établi par la loi », la j uri diction doit « offrir toutes les garanties d'équité, de justice et d'impartialité, en toute conformité avec les instruments internationalement reconnus relatifs aux droits de l'homme ». La chambre d'appel concluait alors que ces garanties sont assurées devant le TPIY.

Un raisonnement par analogie serait la voix la plus facile concernant le TPIR, d'autant plus qu'à la lecture du statut du TPIR et de son règlement de procédure et de preuve, cela semble être le cas. Mais une toute autre lecture peut contrecarrer une telle pensée. En effet c'est au regard de leur effectivité que ces droits font difficulté. Certains des

droits de la défense peuvent effectivement entrer au conflit, du point de vue de la communication des pièces (avec le droit des témoins), garder l'anonymat (avec les intérêts d'un Etat à ne pas divulguer certains secrets). Étant entendu que devant les tribunaux pénaux internationaux, le système est fortement accusatoire, il est à craindre un déséquilibre entre l'accusation et la défense, la première disposant de moyens particulièrement plus importants.

S'agissant de la répression des crimes internationaux, les garanties de protection de la Défense paraissent plus aisément réalisables devant des juridictions constituées dans l'ordre International que par celles des États concernés par l'infraction. Le risque pour les tribunaux internes est d'avoir de sérieuses difficultés à remplir la condition d'impartialité. En effet « dès lors que les autorités étatiques sont dans de nombreux cas impliqués dans le conflit, les juridictions ordinaires se trouvent dans l'impossibilité soit d'assurer la répression, soit de garantir effectivement les droits de la défense; de fait leur indépendance semble également compromise, du moins tant que le conflit n'est pas effectivement résorbé ». Or à la lumière des développements précédents, une grande interrogation peut être soulevée concernant le TPIR. Certes, celui--ci, n'est pas le fruit direct d'une création étatique impliquée dans le conflit mais bien d'une instance internationale, à savoir le Conseil de sécurité de l'ONU, non partie au génocide Rwandais de 1994. Seulement au vu de certains éléments l'indépendance de cette institution n'est pas avérée et semble être sous le joug politique du gouvernement rwandais qui manie avec subtilité les rênes de cette institution judiciaire. De ce fait l'impossibilité de garantir effectivement les droits de la défense peut être craint au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Aucune spécificité du droit international pénal et de la procédure internationale pénale ne dispense les États et les organes des Nations Unies de respecter ce que l'on appelle communément « les droits de la défense » lorsqu'ils décident de créer une juridiction. Le Conseil de sécurité dans les résolutions 808 (1993) et 955 (1994) pose clairement que la traduction en justice des responsables des crimes en ex--Yougoslavie et au Rwanda s'impose comme un moyen de restauration et de maintien de la paix. Par cette mappemonde protectrice, il est à comprendre l'importance que l'institution se doit de présenter les caractères essentiels de la justice et de protection des droits

fondamentaux. En d'autres termes, créer un processus juridictionnel, sanctionnant la responsabilité des individus, suppose les droits de la défense. Sinon les décisions prises suivent le schéma d'une décision administrative, où les droits de la Défense n'ont que très peu de place. Dès lors la logique protectrice des droits fondamentaux va nécessairement contenir la logique répressive du droit pénal international.

Cette force textuelle de protection des droits, appuyée de jurisprudences diverses, agit comme un trompe l'oeil au regard d'une pratique mettant en doute l'effectivité de ces droits venant d'une mappemonde protectrice et évolutive, désireuse de protéger toujours plus les droits fondamentaux des droits de l'homme. La volonté de l'organe judiciaire qu'est le TPIR d'agir avec équité est perceptible au travers de jugements rendus, de décisions relatives à certaines requêtes. Mais cette volonté se débat dans les sables mouvants de politisation oppressante fragilisant les bases de sa construction.

B) Un constat de violations assombrissant ce principe d'équité du TPIR.

1. Garanties du procès équitable bafouées.

D'emblée il est intéressant de constater une réalité textuelle démontrant de manière objective l'existence d'une certaine logique de condamnation de la part du TPIR. En effet à la lecture des textes réglementant le statut et le fonctionnement du TPIR, il n'existe aucune disposition portant sur l'acquittement, pas plus que de dispositions pouvant porter sur l'indemnisation de la détention préventive en cas d'acquittement. Ceci démontre clairement la logique répressive du TPIR faisant ainsi de l'ombre à ce principe premier et essentiel qu'est la présomption d'innocence. Cette réalité est accentuée par le recours systématique à la détention provisoire.92

Ensuite il est judicieux de s'attarder sur l'examen de l'acte d'accusation en tant que matrice des faits et des incriminations qui doivent être prouvés par le ministère public. C'est une pièce maitresse, car c'est l'instrument de saisine du tribunal. Il qui doit en tant que tel décrire les faits reprochés à l'accusé de façon claire et exhaustive et indiquer les textes d'incriminations violés, de même que les qualifications légales applicables en l'espèce. La stricte réglementation de l'acte d'accusation est prévue à la fois dans le statut du TPIR (article 14 et 20.4), mais aussi dans son règlement de preuve et de procédure (articles 47 B et C).93 Après l'acceptation de l'acte d'accusation, le suspect acquiert le statut d'un accusé. Son importance étant capitale dans la conduite d'une procédure de jugement, l'acte d'accusation se doit légitimement de suivre les garanties et contribuer à la pleine réalisation des droits de la défense.

O r dans de nombreuses affaires, et notamment celle de C. Nzabonimana, l'acte d'accusation énonce de nombreuses imprécisions, alors même que celui--ci doit être un gage de clarté et d'extrêmes précisions. Tel que l'emploi de l'expression « ou avec d'autres» ayant compromis l'incrimination d'entente en vue de commettre le génocide,

9 2 N° ICTR--98--44C--T, le Procureur contre André RWAMAKUBA, Décision relative à la requête de la Défense en juste réparation, 31 janvier 2007.

9 3 Annexe 4, Règlement de Procédure et de Preuve du TPIR.

p erm ettant plus facilement d'ajouter ou de substituer n'importe quel autre individu.94 D e même qu'un recours au style impersonnel, alors même que ce sont les faits, et donc la désignation d'un sujet agissant qui permettent d'établir la responsabilité pénale individuelle, clairement définie dans l'article 6 du statut du TPIR.

Enfin cette garantie d'une préparation sérieuse et préalable dans la conduite de la Défense est sans cesse mise en difficulté par des actes d'accusation variables tombant au gré des pluies, souvent sans raison apparente ni valable. Ce fut notamment le cas dans l'affaire de M.X, ou l'acte d'accusation initial fut modifié à deux reprises. Mais aussi dans une affaire Y, ou un premier acte d'accusation fut dressé en septembre 2001, suivi d'une modification, intervenant près de 5 ans plus tard, soit en octobre 2006. Il s'agissait d'une modification nullement anodine et sans conséquence mais bien au contraire elle portait sur des éléments substantiels du premier acte d'accusation, juste un mois avant le début du procès (novembre 2006). Cela peut encore être l'introduction de nouveaux éléments à charge visant des faits matériels qui ne figuraient pas dans l'Acte d'accusation initial, ou encore la suppression de faits matériels pourtant présent dans le document initial. Devant des incriminations aussi graves comment peut--on préparer avec équité une défense digne de ce nom, lorsque la base des poursuites est mouvante? Est--ce respecter le droit de l'accusé à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre lui ? Est--ce également respecter son droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense en vertu de l'article 20(4)a) et b) du Statut? Clairement non.

De plus, alors qu`en matière pénale, le fardeau de la preuve incombe au Procureur, au Tribunal Pénal International pour le Rwanda, les rôles sont souvent inversés et c'est à l'accusé que l'on demande de prouver qu'il est innocent. Au lieu de profiter au prévenu, le doute profite ainsi à l'accusateur. Cet inversement de la charge de la preuve pourrait ne pas soulever de difficulté plus profonde en matière des droits de la défense, si les preuves rassemblées par la Défense étaient par la suite prises en considération à leur juste valeur. Cependant dans la pratique du TPIR, même lorsque l'accusé parvient à

9 4J EAN--PIERRE FOFÉ DJOFIA MALEWA, La question de la preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda: Le cas Cyangugu, points de vue concrets, Edition L'Harmattan, 2006, ISBN: 2--7475--9361--4, p141--150.

démontrer son innocence, ses preuves ne sont pas prises en compte dans le jugement. Parfois même la Chambre n'hésite pas à dénaturer les faits ou à inventer elle--même des faits qui n'ont jamais existé, ni avérés, pour condamner. Ce fut le cas dans l'affaire de Ferdinand Nahimana et Emmanuel Ndindabahizi, ou le premier fut condamné en première instance en tant que Directeur de la TTLM alors qu'il avait fourni la preuve qu'il ne le fut jamais. 95

Au sein de l'affaire en cours de Calixte Nzabonimana, il existe une autre atteinte au droit à un procès équitable.

C allixte Nzabonimana est actuellement détenu par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Suivant l'acte d'accusation actuellement en vigueur, il est accusé de cinq chefs d'accusation (génocide, entente en vue de commettre le génocide, incitation directe et publique à commettre un génocide, extermination constitutive de crime contre l'humanité et assassinat constitutif de crime contre l'humanité). Plusieurs des infractions reprochées à Callixte Nzabonimana se déroulent pendant la période du 7 au 11 avril 1994. Or Calixte Nzabonimana se défend contre ces accusations en invoquant notamment une défense d'alibi, puisqu'il était, pendant cette période, réfugié à l'ambassade de France à Kigali au Rwanda. Les informations et documents permettant de confirmer son alibi pour cette période sont détenus par la France. L'importance de ces documents est saisissable dès lors qu'ils supportent sa défense d'alibi. Ainsi le TPIR a enjoint la France à plusieurs reprises de fournir à Nzabonimana les informations qu'il recherchait. Malgré les demandes répétées du TPIR, les informations et la possibilité de les utiliser n'ont jamais été données à Callixte Nzabonimana. Ce refus conduisait la chamb re du TPIR chargée de juger Callixte Nzabonimana à demander au Président du Tribunal de dénoncer la France au Conseil de Sécurité, dans une décision du 4 mars 2010. Suite à cette décision, la France, après plus d'un an, a partiellement mis en oeuvre les ordonnances répétées à son égard, en communiquant des télégrammes incomplets et une liste de documents, sans par ailleurs mettre en place des mesures qui permettraient aux conseils de C.Nzabonimana de rencontrer ces personnes pouvant attester ou non de sa présence à l'Ambassade de France à Kigali lors des événements de 1994. Par cette

9 5 N° ICTR--99--52--T, Le Procureur contre Ferdinant Nahumana, Jean--Bosco Barayagwiza et Hassan Ngeze, 3 décembre 2003, paragraphe 559 et 567.

conduite la France a compromis le droit de Callixte Nzabonimana à un procès juste et équitable, en particulier en le privant des facilités nécessaires à sa défense et en l'empêchant d'obtenir la comparution de témoins d'alibi cruciaux.

C' est ainsi que le refus de coopérer de la France viole l'article 6 paragraphe 1, et 6 paragraphe 3(b) et (d) de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant à tout accusé le droit à un procès équitable. En effet Calixte Nzabonimana est victime d'un manquement de la France à ses engagements de coopération et d'assistance, découlant de sa signature du Tribunal Pénal International pour le Rwanda et également comme membre du Conseil de Sécurité de l'ONU. Or il a été souligné dans l'arrêt Salduz contre la Turquie que c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques. D'ailleurs l'article 6 de la CEDH impose à l'état une obligation positive.96Ainsi l'essence des garanties juridiques prévus à l'article 6 de la CEDH est non seulement d'offrir à un individu la possibilité de se défendre contre les accusations auxquelles il fait face, mais de s'assurer que le droit à cette défense soit effectif. Mais dans cette affaire, la conduite de la France fait en sorte que Callixte Nzabonimana est incapable de se défendre effectivement contre les infractions reprochées. C'est pourquoi fin Avril, une requête à été introduite par l'équipe de Défense de M. Callixte Nzabonimana auprès de la Cour Europé enne des droits de l'Homme, relativement à ce manquement de coopération et d'assistance de l'état Français.

O utre le droit à l'égalité des armes et des moyens, les droits de la défense supposent également que l'accusé ait le droit d'interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogatoire des témoins de la défense dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Les droits de la défense commandent d'accorder une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge ou à décharge et d'en interroger l'auteur.97 Or en l'espèce l'absence de toute confrontation, du fait de la délivrance d'information incomplète par l'État français sur les témoins présents prive en partie Callixte Nzabonimana du droit à un procès équitable. La France ne peut se retrancher derrière un quelconque intérêt légitime pour refuser de communiquer avec

9 6 Cour Européenne des Droits de l'Homme, Artico contre Italie, 13 mai 1980

9 7 Cour Européenne des Droits de l'Homme, Saïdi contre France, 22 septembre 1993.

précision les données essentielles permettant la mise en lumière d'un élément de preuve déterminant dans la défense de Callixte Nzabonimana.

Par cette attitude la France contrevient également à l'article 28 du statut du TPIR98 qui instaure cette obligation de coopération et d'assistance de la part des États signataires de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. Il faut donc prendre en compte le fait que les juridictions internationales pénales et donc le TPIR ne peuvent fonctionner qu'avec la coopération des États. Si les garanties de l'article 6 ne sont pas respectées devant le TPIR, il peut être attendu que les États coopérants se voient imputer la violation de la Convention à la lecture de nombreux arrêts de la CEDH tel que Soering contre Royaume--Uni, du 7 juillet 1989.

Ensuite concernant l'article 20 du statut du TPIR énonçant que «toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent Statut a droit d'être jugée sans retard excessif », certaines irrégularités peuvent être relevées au sein du TPIR. Un exemple pour illustrer ce propos: dans l'affaire X, l'accusé a été arrêté en juillet 2001, mis en détention en septembre 2001, et son procès n'a commencé qu'en novembre 2006, soit après soixante quatre mois de détention provisoire.

A ce propos, une remarque peut être formulée sur la question de la détention provisoire au niveau du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Le règlement de procédure et de preuve encadre les conditions d'une détention préventive en son article 64 99. L'incarcération du prévenu pendant la durée de l'instruction et du procès est un procédé qui est reconnu dans l'ensemble des système s p énaux. Cependant les textes internationaux confèrent généralement un caractère exceptionnel à la détention préventive, puisqu'au regard de la présomption d'innocence, la règle doit être la liberté. Cette règle est présente dans les textes internationaux à vocation universelle comme dans les textes plus régionaux. Ainsi le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en ces termes que «la détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être la règle (...) ». Cette

9 8 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda 9 9 Annexe 4, Règlement de procédures et de preuves.

disposition se trouve appuyée par la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui reconnaît à toute personne le droit à la liberté. 100 La détention préventive est donc l'exception, et ce postulat est d'autant plus visible dans les conditions qui encadrent le recours à cette détention préventive. En effet elle ne doit être ordonnée que si la loi l'autorise et s'il existe des motifs raisonnables de penser que les intéressés sont impliqués dans les infractions dont il est fait état, et si on peut craindre qu'ils ne prennent la fuite, ne commettent d'autres infractions graves ou n'obstruent gravement le cours normal de la justice si on les laisse en liberté. 101 Or suite à l'étude de l'ensemble des cas portés devant le TPIR depuis sa création, il en ressort que non seulement l'esprit et la lettre du Statut du Règlement de procédure et de preuve du TPIR font de la détention le régime de droit, et de la liberté le régime d'exception. Mais également par C `est une pratique bien réelle du TPIR depuis sa création: chaque accusé y ayant été présenté a fait l'objet d'une détention préventive d'une durée pouvant parfois poser des diffi cultés au regard de la garantie des droits de l'accusé, et notamment de l'article 20 du statut du TPIR.

Le débat sur la définition des termes «juger dans un délai raisonnable », ou encore «sans retard excessif» existe autant devant les juridictions nationales, qu'internationales. Présentement dans notre exemple, il est plus avenant de s'interroger sur l'existence d'une définition « interne» aux tribunaux Internationaux. Puisque l' organi sati on et l'ampleur d'un procès à l'échelle internationale, et d'une tout autre nature, qu'un procès au niveau national et régional. Ainsi dans l'affaire Bizimungu102, la Chamb re d'appel avait estimé que pour déterminer si le temps passé constituait un délai raisonnable ou excessif, il fallait considérer:

la durée du délai écoulé,

la complexité des procédures,

1 0 0 Convention Européenne des Droits de l'Homme », article 5 paragraphe 1

1 0 1 Huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, La Havane, 27 août --7 septembre 1990 : rapport établi par le Secrétariat, chap. I. sect. C, résolution 17, par. 2.

1 0 2 N° ICTR-99-50-T Le Procureur contre Casimir Bizimungu et al, Decision on Prosper Mugiraneza's Interlocutory Appeal from Trial Chamber II Decision of 2 October 2003 Denying the Motion to Dismiss the Indictment Demand Speedy Trial and for Appropriate Relief, 27 février 2004, p.3.


· le comportement des parties tout au long de la procédure,

· le comportement des autorités pertinentes

· le préjudice subi par l'accusé.

La pratique et la réalité des faits de notre affaire concernant ces conditions vont permettre de saisir cette problématique de l'effectivité de l'article 20 du statut du TPIR.

Relativement à la durée du délai écoulé dans l' affaire M. X, la détention préventive de soixante quatre mois peut soulever de légitimes questions quant à s outenir que ce délai d'attente de l'ouverture d'un procès se tiendrait dans un délai raisonnable. Ensuite, l'affaire M. X, n'est pas des plus complexes, puisqu'il s'agit d'un accusé qui est poursuivi en tant que défendeur unique, qui n'était ni une autorité politique ni une autorité militaire. S'agissant du comportement des parties, il est intéressant de constater dans cette affaire que le retard excessif de ce procès peut être légitimement imputé au Procureur. Il a usé de son jeu de «gain de temps» pour son enquête par la multiplication des modifications de son acte d'accusation, qui plus est sur des éléments substantiels, entraînant ainsi des retards dans la procédure. De plus le comportement des organes du tribunal a également contribué à porter préjudice à l'accusé. En effet, à la suite d'une requête du Procureur en modification de l'acte d'accusation datant de novembre 2005, il a fallu attendre presque une année entière pour que la Chambre rende sa décision. Elle ne sera rendue qu'en septembre 2006, soit un mois avant le début du procès, privant ainsi celui--ci, de son droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense en vertu de l'article 20(4)b) du Statut.103 Enfin en ce qui concerne précisément le préjudice subi, il est évident: la modification substantielle de l'acte d'accusation, plus de cinq ans après l'arrestation de l'accusé, entrave gravement ses droits à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. M. X n'a pas disposé des cinq années de détention préventive pour préparer une défense aux nouvelles charges.

C ette affaire n'est pas une exception dans la tenue des procès et de l'application concrète des droits des accusés au sein du TPIR. C'est une constatation déplorable qui p eut être relevée de manière plus ou moins flagrante dans de nombreux autres procès.

1 0 3 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Pour conclure sur cette question de l'effectivité de ce droit à être jugé dans un délai raisonnable, n'est--il pas scandaleux d'avoir des procès commencés en 2002 (Affaire Militaire I), 2004 (Affaire Militaire II) , et toujours actuellement en cours en 2010 ? Huit années de procès, ajoutées à des années de détention préventive ne violent--t--ils pas le droit d'être jugé dans un « délai raisonnable », assuré par l'article 20 du statut du TPIR?

Il ne s'agit pas ici de dresser un pamphlet sur l'action du Tribunal Pénal International, mais bien de rendre compte de violations évidentes et connues de certains droits des accusés. Dans un tel contexte, devant des faits aussi lourds, d'une cruauté terrifiante et d'une proportion sans précédent, il n'est pas aisé de dénoncer de telles situations. Cependant cette dénonciation s'appuie sur une volonté de promouvoir une justice équitable et saine à l'échelle internationale, soutenu par une visée d'exemplarité. La logique protectrice des droits fondamentaux va nécessairement pouvoir «contenir» la logique répressive du droit pénal, et plus particulièrement de la justice internationale.104 L'enjeu est de mettre en balance un désir de répression légitime avec l'effectivité de garanties procédurales. Ceci s'avère être une tâche ardue dans la pratique des juridictions nationales et plus particulièrement du TPIR.

1 04 Les droits fondamentaux: inventaire et théorie générale, Edition Université Saint-- Joseph, Centre d'études des droits du monde arabe, Renée KOERING JOULIN, Droits fondamentaux et droit pénal international, Novembre 2003.

2. Équilibre difficile entre désir de répression et garanties procédurales.

Il est certain que le désir de répression devient néfaste dès lors qu'il s'évertue à passer outre la recherche de garanties procédurales optimales. Or au travers de la pratique du TPIR, ce désir de répression agit comme un raz de marée, sur le fétu de paille des garanties procédurales attachées au droit des accusés.

Dans le contexte particulier de la tragédie rwandaise, des doutes persistent sur la valeur des témoignages sollicités alors que le témoignage est un élément central dans la conduite des procès. C'est d'autant plus vrai que la procédure appliquée devant le TPIR est en partie inspirée de la procédure accusatoire anglo--saxonne dans laquelle le témoignage est un élément de preuve capital. Le premier doute qui peut être relevé concerne la valeur des témoignages de l'accusation. En effet lors de l'étude du parcours des témoins de l'accusation, il est souvent relevé que ceux--ci ont été sélectionnés et préparés par les associations des victimes du génocide,105 tel que IBUKA, et AVEGA. Or ces associations sont des émanations du gouvernement de Kigali. Ensuite, dans l'affaire de M.Y, deux témoins qui étaient initialement cités comme des témoins à charge, ont ensuite contacter les avocats de la défense, afin d'être entendus comme témoins à décharge. Ces deux témoignages ont alors permis de mettre en lumière une pratique judiciaire douteuse, à savoir l'existence de fabrication de faux témoignages et intimidations des témoins à décharge. De même dans une autre affaire106, des témoins prisonniers de la défense ont fait part au Tribunal de leur regrettable expérience lorsqu'ils ont décidé de venir à Arusha témoigner à décharge pour Aloys Simba. Ils ont subi toute sorte d'humiliations, de brimades, de traitements dégradants et inhumains tout en ayant essuyé des mises en garde de la part de hauts responsables du TPIR. Beaucoup font également l'objet de pressions et de menaces de mort de la part de hautes personnalités du régime en place à Kigali.

D e plus, les détenus politiques poursuivis et condamnés au Rwanda sous le régime de la loi interne constituent inévitablement pour le gouvernement Rwandais une

1 0 5 N GI RABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du mensonge et de l'injustice, Op.cit., p 460 1 0 6 SADIKOU AYO ALAO, Conférence des Avocats près le TPIR, les décisions du TPIR peuvent-elles permettre la réconciliation des rwandais ?, La Haye 14, 15 novembre 2009

mine de témoins de complaisance recrutés sur la promesse de remises de peines ou de meilleures conditions de détention. Bien entendu la véracité de leurs propos peut être mise en doute mais il est un principe fondamentalement reconnu dans toutes les j uri dictions et dans toute relation humaine: celui de la présomption de bonne foi et de vérité dans toute parole. Ainsi même si un doute peut exister, doit--on pour autant rester de marbre devant cette répétition de situations au sein des affaires portées devant le TPIR. Des requêtes à ce sujet ont d'ailleurs été portées par les conseils de la Défense relativement à cette question. 107Mais plus encore, ces considérations subjectives peuvent être appuyées par un procédé de «plaider coupable », institué par la loi organique du 30 Aout 1996 au Rwanda. Pour être recevable au titre d'aveu, la déclaration du prévenu doit contenir une description détaillée de l'infraction (date, endroit, témoins, victimes, biens endommagés), ainsi que des renseignements relatifs aux co--auteurs et complices (article 53). Cette loi conditionne la recevabilité de l'aveu sur son caractère complet, motivé, et s'il comporte dénonciation d'un tiers. Est--ce une pratique attendue dans le cadre d'une justice équitable? Il est plus facile de passer outre ce type de pratique, car ne pas y passer outre, c'est mettre à néant la plupart des jugements rendus, et c'est surtout affecter la crédibilité, le travail du TPIR, pas seulement à l'échelle régionale mais bien devant la communauté internationale et ses supports financiers et politiques à l'aube de l'achèvement de son mandat. Effrayant bilan.

Le drame rwandais est une réalité indéniable. Ses auteurs doivent être poursuivis et réprimés de manière stricte et circonscrite aux vrais planificateurs d'une telle entreprise, de quelque bord qu'ils puissent être. Mais la nécessité pour les uns d'utiliser l'arsenal du TPIR pour parachever la quête du pouvoir politique a conduit le TPIR à encourager un véritable détournement de procédure, notamment en matière de témoignage. Parfois on peut regretter une rupture de l'égalité des armes, lorsque par exemple dans un procès, quarante sept allégations sont relevées mais seulement une trentaine de témoins autorisés. En effet, la rupture de l'égalité se comprend dans le fait qu'il est déjà difficile pour un témoin de retranscrire près de quinze après les faits sa perception des événements, et qu'en plus pour répondre à une ligne de défense efficace,

1 0 7 N° ICTR 98--41--T, Le procureur contre Théoneste Bagosora et consorts,Décision
relative à la requête portant sur l'allégation d'intimidation de témoins,
28 décembre 2004.

les témoins sont alors choisis pour témoigner sur plusieurs allégations. La crédibilité et la vigueur de ces témoignages peuvent en être émoussées de ce simple fait. Le schéma idéal dans une défense est de pouvoir présenter un témoin pour une allégation. Inutile d'ajouter que les moyens allégués et le temps alloués à l'Accusation pour ces enquêtes sont en déséquilibre avec ceux accordés à la défense. En effet, dans certains dossiers, le Procureur a disposé d'une durée de 8 ans pour réunir ses preuves et les présenter, alors que le contexte d'achèvement du mandat du TPIR conduit à donner à la défense de pourvoir à sa réplique en moins de 3 ans.

C oncernant les moyens, le Rwanda joue un rôle important dans l'approvisionnement des témoins. En effet de par son rapport politique avec le TPIR, il facilite considérablement l'approvisionnement du Procureur en témoins. Alors que la défense est obligée de parcourir le monde pour les trouver dans la diaspora, d'user d'enquêteurs hors pairs pour les retrouver et les convaincre de venir témoigner, et d'utiliser des moyens nécessaires à leurs collectes. Bien entendu, le règlement du Tribunal a prévu que les accusés bénéficieront d'un système d'assistance juridictionnelle, encore que ce système soumette la prise en charge des frais des défenseurs à l'accord préalable de leur programme par le greffe.

Ensuite le désir de répression ensorcelé de démons se constate dans l'analyse approfondie du travail et de la (non)rigueur du Procureur dans l'élaboration de l'acte d'accusation. En effet dans l'affaire de M Y, le désarroi est criant. De nombreux paragraphes d'allégations constituent son acte d'accusation. Un exemple portant sur un paragraphe d'allégation conduit à saisir cette soif de répression entachée de malhonnêteté . Ainsi une allégation portait sur une accusation d'incitation directe au génocide par l'accusé, à l'aide d'un mégaphone, lors d'un déplacement en voiture de celui--ci. Le témoin de l'accusation, à ce moment--là se trouvait emmitouflé dans une botte de foin, en hauteur, dans des plantations de caféiers, à plus de 500 mètres de la route. Il dit avoir pu voir clairement l'individu se trouvant dans la voiture avec ce haut parleur. Et pour ce témoin, l'identité de cet individu est l'accusé de cette affaire. Aucun problème à ce niveau. Le travail des enquêteurs de l'équipe de défense dans ce dossier a été, par bon sens, de se rendre sur place, et de procéder à une reconstitution des faits, à l'aide de matériaux permettant de retranscrire l'action (mètres, appareil photo, caméra). À la

suite de cette reconstitution, la conclusion faite par les enquêteurs est qu'il s'avère impossible, de l'endroit et dans la position dans laquelle se trouvait le témoin à charge, de pouvoir identifier l'individu en voiture portant un mégaphone. Cet exemple illustre clairement le manque de rigueur et de professionnalisme de l'équipe du Procureur, car il sera conclu que celle--ci ne s'est jamais rendu sur place, au Rwanda, auprès de cette route, pour confronter les assertions de leurs témoins avec la réalité du terrain. Est--il conforme à la loi et aux droits de l'homme que de tels actes d'accusation portant sur des événements d'une telle gravité, puissent être réalisés avec autant de légèreté? Il est dés olant de penser que cette attitude soit bénéfique pour la défense d'un accusé, car plus aisé ainsi d'apporter la preuve de sa non présence sur les lieux d'allégations diverses.

Le désir de répression «à tout prix» semble justifier la durée des détentions provisoires et de la durée des procès. En septembre 2008, un détenu depuis le 23 juillet 1997, assistant depuis plus de sept ans à son procès devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, demande à son avocat de mettre le tribunal devant ses responsabilités en raison de délais qui jusqu'à présent n'avaient jamais été égalés. En effet dans une requête du conseil principal, il est signalé que les 668 jours d'audiences font de ce procès le «plus long procès de l'histoire pénale moderne ». La dernière liste établie par le tribunal indiquait que la durée moyenne des détentions avant jugement était de huit ans et vingt jours. Ainsi ce détenu, ayant vécu jusqu'à présent onze ans et un mois de détention préventive, considère que ce délai «excède, et de loin, toute conception de procès équitable tenu dans un délai raisonnable », porté par les articles 19 et 20 du Statut du TPIR. Cela est conforté par une analyse comparative avec le TPY: sur quatre affaires presque similaires à celle de ce détenu, car mettant en scène des co-- accusés sur des faits de génocide et de crimes de guerre, aucune n'y aura dépassé les trois ans et sept mois de procès. De même aucun des accusés du TPIR n'a bénéficié jusqu'à présent d'un seul jour de libération provisoire contrairement à de nombreuses autorisations accordée par le TPIY.

La procédure actuellement mise en place au sein du TPIR sert ce désir de répression faisant de l'ombre aux garanties du procès équitable. La procédure s'exerçant au TPIR est celle du common law, autrement dit «procédure accusatoire ». Cette procédure est un système de justice qui s'appuie principalement sur les compétences,

habiletés des avocats des parties plaignantes et défenderesses pour défendre leur version des faits. Ces compétences et habiletés jouent un rôle fondamental afin de développer la crédibilité de chacun des parties plaignantes et défenderesse, et ainsi pouvoir convaincre le jury ou le juge, du bien--fondé de leurs prétentions. Nous pouvons comprendre dès lors l'impact de ce type de procédure dans le fonctionnement actuel du TPIR. L'absence d'organe d'instruction indépendant et impartial rend l'exercice des droits de la défense plus aléatoire puisqu'il lui incombe de produire, par ses propres moyens, les preuves qui lui sont favorables.

Les inégalités de temps, de moyens entre l'accusation et la défense au sein d'une procédure accusatoire, renforcent pour l'une ou l'autre des parties les violations des garanties attendues pour un procès équitable, notamment en matière de temps et de moyens nécessaires pour construire une défense. Indéniablement si une inégalité d'arme existe entre l'accusation et la défense, les juges qui ont le rôle de déterminer la vérité de la cause selon les éléments de preuve déposés devant la cour pencheront d'avantage pour un côté de la balance, symbole pourtant d'une justice équitable et impartiale. Ainsi dans la procédure accusatoire du TPIR, un doute raisonnable peut émerger concernant le rôle du juge en charge d'être un arbitre impartial entre les parties. Face à ce constat, une procédure mi--accusatoire, mi--inquisitoire trouve toute sa place, d'autant que cette procédure mixte est en oeuvre au TPIY. Ceci permettrait d'avoir une politique de répression respectant le principe de l'égalité des armes avec une instruction à charge et à décharge, évitant les risques de déséquilibre de moyens, de temps attribués à l'une ou l'autre des parties.

En effet le 8 et 9 juillet 1998, sous la présidence d'un juge américain, le règlement de procédures et de preuves du TPIY fut changé: un juge de la mise en état des affaires pénales a été institué pour contrôler l'action du Procureur pendant la phase de recherche des preuves. Suite aux différentes analyses portant sur l'action du procureur (cf , II, B, p 60--63 ) nul besoin de rappeler combien il semble important de contrôler l'action de celui--ci lors de la phase de recherche des preuves. En effet conformément à l'article 15 du statut du Tribunal108, le procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice des poursuites contre les auteurs d'actes de génocide et des

1 08 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

violations graves du droit international humanitaire. Il agit en toute indépendance, et compte tenu du nombre important de personnes susceptibles d'être poursuivies, un choix doit être opéré quant aux actes commis et aux personnes impliquées. Ce pouvoir revient au procureur du Tribunal pénal International pour le Rwanda. Le pouvoir discrétionnaire dont il est question ici reflète le principe de l'opportunité des poursuites, présent dans les systèmes accusatoires de common law. Cependant même si ce principe est largement soutenu sur le plan interne, il soulève plus de difficultés sur la scène internationale. Difficulté traduite en ces termes par louise Arbour: «domestic prosecution is never really seriously called upon to be selective in the prosecution of serious crimes. In the ICTR, prosecutor has to be highly selective before committing resources to investigate and prosecute ».109C'est pourquoi, il est attendu que l'exercice de pouvoir discrétionnaire sur la scène internationale soit suffisamment encadré et limité pour éviter toute apparence d'injustice et d'impartialité.

D ans le même temps, il a été décidé de confier aux magistrats de la juridiction de jugement un pouvoir de direction pour fixer l'ordre des dépositions, intervenir dans l'interrogatoire des parties et obliger les parties, dont le Procureur, à produire leurs preuves.

L'accusatoire et l'inquisitoire sont également présents dans la procédure suivie devant la Cour Pénale Internationale. Le procureur doit instruire à charge et à décharge (article 54 du statut).Une Chambre préliminaire a été instaurée ayant notamment pour objet d'assurer l'efficacité et l'intégrité de la procédure et de protéger en particulier les droits de la défense (article 56--1b du statut). De plus, il faut relever la création d'un barreau pénal international, spécialisé et indépendant du greffe. Ceci devrait renforcer l'exercice des droits de la défense.

Enfin, il faut faire état de procédés mettant en cause l'impartialité et l'indépendance de la justice exercée au sein du TPIR. Le désir de répression du TPIR semble vouloir poursuivre et agir dans le sens d'une relation des faits et de l'histoire du génocide rwandais de 1994, occultant une version de cet événement tragique. Récit d'une tragédie qui se construit authentiquement au fil témoignages des divers procès

1 09 ARBOUR Louise, Progress and challenges in international criminal justice, Fordham international law journal, Vol. 21, N°2, 1997, p 531.

ayant lieu au sein du TPIR depuis sa création. Témoignages de la défense, mais aussi parfois de l'accusation, corroborés d'enquêtes mise de côté110 allant dans un même sens : compléter et affiner une vérité officielle partielle, portée par le gouvernement rwandais et non l'ensemble du peuple rwandais. Vérité officielle cachant une réalité dérangeante: or on pouvait attendre du TPIR, que l'histoire officieuse du génocide rwandais soit portée par l'armure solide d'une institution internationale ayant pour mission de contribuer à la réconciliation des peuples et le rétablissement de la paix. Cette tension est palpable dans l'exercice de la fonction de conseil de défense d'un accusé au sein du TPIR. Dernièrement l'arrestation de Peter Erlinder, avocat au TPIR en est un exemple criant. Peter Erlinder a été arrêté le 28 mai 2010 par la police rwandaise. Pour justifier cette arrestation le régime de Kigali l'accuse de nier le génocide dans divers écrits et déclarations, et d'attenter à la sécurité nationale.111 Seulement il faut également ajouter à ce stade, afin de bien saisir le contexte, qu'il assure également la défense de l'opposante Victoire Ingabire, et qu'il est également le président de l'association des avocats de la défense devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda. La teneur de ses propos est la suivante: sa conviction que le Front patriotique Rwandais (FPR, ex rébellion dirigée par l'actuel président Paul Kagamé) est responsable de l'attentat qui a causé la mort de l'ancien président, Juvénal Habyarimana, à l'origine du génocide de 1994. De tels propos sont constitutifs au Rwanda de négationnisme et punis de 25 ans de prison. Le parallèle avec l'instruction du juge Jean--Louis Bruguière dans l'enquête sur l'attentat saute aux yeux: cette même hypothèse argumentée par le contenu de cette enquête a provoqué la rupture diplomatique entre le Rwanda et la France pendant trois ans et des relations difficiles avec le TPIR.

S eulement une question se pose : véhiculer le constat que des violations graves du droit international humanitaire ont été réalisées par des militants du FPR à l'encontre de la population Hutu pendant le génocide du Rwanda, est--ce constitutif d'une quelconque négation du génocide rwandais? La réponse politique semble être positive, mais il est attendu une réponse juridique qui est assurément négative. En tout état de cause, la

1 1 0 Cf.supra, une proximité alarmante entre le TPIR et le pouvoir politique de Kigali, p41 1 1 1 Annexe 7 « Peter Erlinder l'homme qui agace Kigali », « le TPIR s'oppose à Kigali dans l'affaire Erlinder ».

gestio n de l'affaire Peter Erlinder, de ses éventuels aveux, de sa tentative de suicide, sont à prendre avec une extrême réserve.

Le manque d'indépendance notoire du TPIR avec la politique du gouvernement rwandais empêche le TPIR d'effectuer une répression en accord avec les garanties attendues d'un procès équitable et l'effectivité des droits fondamentaux, Le déséquilibre dans les armes de la défense est donc une nouvelle fois visible. Les recherches de témoins par l'équipe de défense, ses déplacements sur les lieux du génocide et donc au Rwanda afin de dresser un axe de défense, achoppent une nouvelle fois sur des complications inacceptables en matière de justice internationale. Agir, construire une défense dans un état de droits en péril, avec des obstructions, des risques d'arrestations pour négationnisme au simple motif de défendre un accusé de génocide, ne témoigne pas des garanties procédurales permettant d'oeuvrer pour une justice juste et équitable. Ainsi dans l'affaire de Callixte Nzabonimana, l'un des enquêteurs de l'équipe de défense devant se rendre sur place pour rencontrer un témoin, fut mis en rétention administrative pendant plus de 48 heures et soumis à un interrogatoire dès son arrivée sur le territoire rwandais.

Le fait de réprimer et de prendre des mesures punitives à l'encontre des comportements contrevenant aux lois doit être fait dans le respect de cette mappemonde protectrice des droits fondamentaux. C'est la condition nécessaire pour que cette répression soit acceptée et exemplaire, et qu'un peuple meurtri par des événements tragiques puisse vivre dans une humanité reconquise au travers d'une justice équitable. L'Homme pourrait ainsi percevoir son reflet dans l'exercice de cette justice internationale, qui devient alors pleinement actrice d'une réconciliation des peuples et du rétablissement de la paix.

Conclusion

En 1994, la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies portant création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda avait prévu à celui--ci un mandat de dix ans. Force est de constater que depuis 2004, de multiples résolutions conduisent à repousser inexorablement la fin de son mandat à une date ultérieure. La dernière résolution en date prévoit la fin du mandat du TPIR en 2011.

La stratégie d'achèvement du TPIR prend du temps: « Le temps qui émousse toutes choses, le temps qui travaille à l'usure du chagrin comme il travaille à l'érosion des montagnes, le temps qui favorise le pardon et l'oubli, le temps qui console, le temps liquidateur et cicatrisateur n'atténue en rien la colossale hécatombe: au contraire, il ne cesse d'en aviver l'horreur (...) les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles, c'est-à- dire ne peuvent pas être prescrits ; le temps n'a pas de prise sur eux ».112Cette date butoir repoussée au fil des années ne traduit pas tant une idée sous jacente que les criminels seront poursuivis jusqu'à la fin des temps, mais bien la complexité d'exercice du mandat du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Ave c beaucoup d'entrain et de détermination, le TPIR s'attèle dès 1994 à sa mission première: sanctionner les principaux responsables du génocide rwandais et de violations graves du droit international humanitaire. Agissant en écho avec le Tribunal Pénal International pour l'Ex--Yougoslavie, de nombreuses décisions jurisprudentielles vont permettre d'étoffer une matière encore naissante : le droit international pénal.

En effet c'est par certains jugements du TPIR et du TPIY que des notions théoriques ont pris toute leur dimension et leur profondeur. Notamment concernant la notion de crime de génocide, en y intégrant les violences sexuelles, précisant ainsi davantage l'élément moral de l'infraction de génocide. Les décisions du TPIR ont également permis d'ouvrir le champ des poursuites aux responsables politiques, aux médias, aux artistes, et pour la première fois à l'encontre d'une femme. Ces décisions sont d'une importance capitale

1 1 2 JANKELEVITCH VLADIMIR, Pardonner? Dans l'horreur et la dignité, Edition Seuil, 1997.

car porteuse de symboles au sein d'une communauté internationale. Symbole d'égalité, d' ouverture dans cette lutte contre l'impunité.

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda apporte beaucoup au sein de la Communauté Internationale, sa stature a rappelé et rappelle encore aujourd'hui combien il est important de combattre l'impunité des crimes contre l'humanité, et c'est ainsi qu'il a servi d'appui pour la construction de la Cour Pénale Internationale: «ces tribuna ux servent de tremplin pour la création d'une cour permanente: celle-ci présen terait l'avantage d'être stable et de n'être pas axée sur une région ou un situation déterminée »113. Le TPIR a également permit de révéler les failles possibles d'une juridiction pénale internationale.

Sa mission de sanctionner les principaux responsables du génocide et de violations graves du droit international humanitaire devait permettre d'oeuvrer pour une réconciliation des peuples ainsi que le rétablissement et le maintien de la Paix. Ici le bilan d'action du TPIR est beaucoup plus mitigé. L'emprise de considérations politiques (présentes depuis sa création) dans ses actions conduit à douter de sa probité. Une empris e conduisant le TPIR à un manque d'impartialité et d'indépendance certaines, mettant en exergue une impunité de fait. Comment justifier alors qu'aucune poursuite n'ait été diligentée à l'encontre de présumés responsables Tutsis de violations graves de droit international humanitaire, pourtant dénoncés dans de nombreux rapports d' experts ? Ce constat d'impunité de fait peut--il alors oeuvrer pour une réconciliation des peuples? Cette partialité dans le choix des poursuites ne peut mettre en lumière qu'une vérité de l'histoire du génocide : une vérité apaisant un peuple rwandais les Tutsis, mais non l'ensemble du peuple rwandais. Ce n'est pas La Vérité . Le Rwanda souffre ainsi d'une réconciliation nationale chancelante, comportant quelques notes d'animosités palpables.

Une lutte contre l'impunité sous la chape de plomb de considérations politiques parasite l'exercice d'une justice équitable au sein d'une institution judiciaire internationale, car dénuée d'impartialité et d'indépendance. Sous le joug politique du

1 1 3 Président du TPIY, M. Cassese, observations adressées au comité ad hoc de la
Commiission de droit international pour la création d'une cour criminelle internationale.

gouvernement de Kigali dirigé par les Tutsis, certaines enquêtes et la tenue de certains procès au TPIR démontrent une violation aux devoirs de la justice et de la morale. Cette volonté de lutte contre l'impunité des Hutus « à tout prix », actuellement mise en place par le TPIR sous l'influence de considérations politiques (liberté d'action du procureur entravée, l'empêchant souvent de mener à bien ses actions pour une justice impartiale) entraîne des violations graves du droit des accusés. Et ce, malgré une mappemonde protectrice reconnue par l'ensemble de la communauté internationale et une réglementati on interne soucieuse de garanties pour les droits des accusés.

Certes le Tribunal Pénal International pour le Rwanda dispose d'un arsenal législatif lui permettant d'agir dans le respect d'une justice équitable et impartiale. Son action l'accentue, notamment dans les grands jugements qu'il a rendus depuis sa création. Mais le principe universellement reconnu de séparation des fonctions impose à ce Tribunal Pénal International pour le Rwanda de pouvoir agir sans influence extérieure. Le dernier exemple en date, l'arrestation de l'avocat Peter Erlinder, doit éveiller une prise de conscience internationale quant à la dérive présente au sein du TPIR, mettant en péril l'état de droit. l'État de droit sous--entend que chacun soit soumis au respect du droit, du simple individu jusqu'à la puissance publique, dans le respect de la hiérarchie des normes, de la séparations des pouvoirs et des droits fondamentaux. Or du fait de cette non séparation des pouvoirs entre le pouvoir juridique et politique, des violations des droits des accusés sont visibles au sein du TPIR. Ceci conduit inévitablement à douter de la probité de cette instance, ne pouvant alors porter les fruits d'une réconciliation des peuples.

M ais une instance internationale de cette envergure ne peut pas agir sans aucune influence politique. Cependant la vision de l'éthique politique qu'elle doit prendre en compte ne doit pas être réduite aux relations internationales, aux seuls rapports de force, mais bien une vision politique soucieuse de privilégier la dimension universelle de l'humanité et la nécessaire mise en commun des richesses. Ceci permet de saisir les propos suivant: « Au total, l'effectivité des droits économiques, sociaux et culturels suppose une mise en commun des ressources, car il n'y a ni riches, ni pauvres, encore moins un Nord, et un Sud. La véritable urgence consiste à mettre en commun les richesses existantes. Et c'est bien là, la dimension éthique de l'approche des droits de l'Homme qui doit régir la coopération internationale. Pour y parvenir, il faut redonner du sens aux

institutions existantes, qu'il s'agisse des États actuels, des organisations internationales existantes, ou encore des institutions ».114

Ainsi la lutte contre l'impunité peut être exercée tout en préservant les droits des accusés, dès lors qu'elle n'est pas essentiellement guidée par des intérêts politiques divers. Il s'agit bien pour le tribunal de juger de la culpabilité ou non d'un individu, en agissant à la lumière d'une impartialité objective, garantissant l'exercice d'une justice saine et équitable. Et nul doute alors que la satisfaction des victimes et du peuple Rwandais pourra être quelque peu atteinte: connaître l'histoire de son drame, prémice d'une réconciliation des peuples profonde et assurée.

M alheureusement, les faits actuels du Rwanda corroborent l'idée de ce mémoire, à savoir que la lutte contre l'impunité telle que menée par le TPIR et ses conséquences notamment sur le plan des droits des accusés, n'ont pas permis d'aboutir à une réconciliation sereine des peuples. En effet , le 26 Août 2010 un rapport de l'ONU détaille une décennie (1993--2003) de crimes contre l'humanité commis en République démocratique du Congo. Elle met en cause Kigali pour des faits qui, selon les auteurs du rapport, pourraient être qualifiés de «génocide» à l'encontre des Hutus.115Ceci devrait enfin interrompre le doux chant de sirène qui couvre la réalité de l'exercice d'une justice dépendante et partiale au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. D'ailleurs le grondement face à constat était relayé de façon plus vigoureuse depuis quelques années dans les couloirs de la Défense.

Ainsi quelques recommandations pourraient être soulevées:


· Développer l'idée d'une police internationale habilitée à l'arrestation des criminels recherchés. Evitant ainsi d'être soumis aux manoeuvres politiques d'État abritant/entravant l'arrestation des criminels recherchés. Ceci

1 1 4 « L'Éthique de la coopération internationale et l'effectivité des droits humains », Actes du colloque international et inter--institutionnel, Université de Bergame, 12--14 mai, 2005, p 200

1 1 5 Annexe 8, Le Rwanda pointé du doigt pour les massacres en République Démocratique du Congo, le 26 Aout 2010.

permettrait ainsi un gain de temps dans la recherche de ces criminels, puisqu'une institution serait habilitée à cette mission.

· Appréhender les présumés responsables de violations graves du droit international humanitaire commises par les Tutsis envers les Hutus, lors du génocide rwandais de 1994 et entrant dans la compétence rationae temporis du TPI R.

· Prendre en considération les différents rapports et enquêtes concernant l'assassinat du président Habyarimana en avril 1994 et enclencher une procédure judiciaire.

· Renforcer le devoir de coopération et d'assistance internationales des États dans la conduite des affaires au sein du TPIR.

· Revoir profondément la question du partage des activités entre les juridictions rwandaises et le TPIR. S'assurer que les affaires transmises seront jugées par des institutions judiciaires rwandaises, respectant les principes d'une justice impartiale et indépendante, respectueuse des droits fondamentaux.

· Privilégier le développement de la compétence universelle des États dans l'optique de la stratégie d'achèvement du TPIR.

· Intégrer la Cour Pénale Internationale dans la stratégie d'achèvement du TPIR.

Annexe 1: Organigramme du TPIR
p.

Annexe 2, Résolution 955 portant création du Tribunal Pénal International
pour le Rwanda.

p. 1 3

S/RES/955 (1994)

8 novembre 1994

RÉSOLUTION 955 (1994)

Adoptée par le Conseil de sécurité à sa 3453e séance,
le 8 novembre 1994

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant toutes ses résolutions antérieures sur la situation au Rwanda,

Ayant examiné les rapports que le Secrétaire général lui a présentés conformément au paragraphe 3 de sa résolution 935 (1994) du 1er juillet 1994 (S/1994/879 et S/1994/906), et ayant pris acte des rapports du Rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies

(S/ 1 9 94/ 1 1 5 7, annexe I et annexe II),

Saluant le travail accompli par la Commission d'experts créée en vertu de sa résolution 935 (1994), en particulier son rapport préliminaire sur les violations du droit international humanitaire au Rwanda que le Secrétaire général lui a transmis dans sa lettre du 1er octobre 1994 (S/1994/1125),

S e déclarant de nouveau gravement alarmé par les informations selon lesquelles des actes de génocide et d'autres violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international humanitaire ont été commises au Rwanda,

Constatant que cette situation continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales,

Résolu à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les personnes qui en sont responsables soient traduites en justice,

Convaincu que, dans les circonstances particulières qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix,

Estimant que la création d'un tribunal international pour juger les personnes présumées responsables de tels actes ou violations contribuera à les faire cesser et à en réparer dûment les effets,

Soulignant qu'une coopération internationale est nécessaire pour renforcer les tribunaux et l'appareil judiciaire rwandais, notamment en raison du grand nombre de suspects qui seront déférés devant ces tribunaux,

Considérant que la Commission d'experts créée en vertu de la résolution 935 (1994) devrait continuer à rassembler de toute urgence des informations tendant à prouver que des violations graves du droit international humanitaire ont été commises sur le territoire du Rwanda, et qu'elle devrait présenter son rapport final au Secrétaire général le 30 novembre 1994 au plus tard,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1 . Décide par la présente résolution, comme suite à la demande qu'il a reçue du Gouvernement rwandais (S/1994/1115), de créer un tribunal international chargé uniquement de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994, et d'adopter à cette fin le Statut du Tribunal criminel international pour le Rwanda annexé à la présente résolution;

2 . Décide que tous les États apporteront leur pleine coopération au Tribunal international et à ses organes, conformément à la présente résolution et au Statut du Tribunal international, et qu'ils prendront toutes mesures nécessaires en vertu de leur droit interne pour mettre en application les dispositions de la présente résolution et du Statut, y compris l'obligation faite aux États de donner suite aux demandes d'assistance ou aux ordonnances émanant d'une Chambre de première instance, conformément à l'article 28 du Statut, et prie les États de tenir le Secrétaire général informé des mesures qu'ils prendront;

3 . Considère qu'une notification devrait être adressée au Gouvernement rwandais avant que des décisions ne soient prises en vertu des articles 26 et 27 du Statut;

4 . Prie instamment les États ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales d'apporter au Tribunal international des contributions sous forme de ressources financières, d'équipements et de services, y compris des services d'experts;

5 . Prie le Secrétaire général de mettre en oeuvre d'urgence la présente résolution et de prendre en particulier des dispositions pratiques pour que le Tribunal international puisse fonctionner effectivement le plus tôt possible, notamment de lui soumettre des recommandations quant aux lieux où le siège du Tribunal international pourrait être établi, et de lui présenter des rapports périodiques;

6. Décide qu'il choisira le siège du Tribunal international en fonction de critères de justice et d'équité ainsi que d'économie et d'efficacité administrative, notamment des possibilités d'accès aux témoins, sous réserve que l'Organisation des Nations Unies et l' État où le Tribunal aura son siège concluent des arrangements appropriés qui soient acceptables pour le Conseil de sécurité, étant entendu que le Tribunal international pourra se réunir ailleurs quand il le jugera nécessaire pour l'exercice efficace de ses fonctions; et décide d'établir un bureau au Rwanda et d'y conduire des procédures, si

cela est possible et approprié, sous réserve de la conclusion d'arrangements adéquats analogues;

7 . Décide d'envisager d'augmenter le nombre de juges et de chambres de première instance du Tribunal international si cela s'avère nécessaire;

8 . Décide de rester activement saisi de la question.

Annexe 3 : Articles Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

p. 1 3, 14, 17, 22, 29, 62, 55, 57, 65, 67, 73.

Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Créé par le Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le Tribunal criminel international chargé de juger les personnes présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (ci--après dénommé "Tribunal international pour le Rwanda") exercera ses fonctions conformément aux dispositions du présent statut.

Article 3 : Crimes contre l'humanité

Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes responsables des crimes suivants lorsqu'ils ont été commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelle qu'elle soit, en raison de son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse :

a) Assassinat;

b) Extermination;

c) Réduction en esclavage;

d) Expulsion;

e) Emprisonnement;

f) Torture;

g) Viol;

h) Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses;

i) Autres actes inhumains.

Article 4 : Violations de l'Article 3 commun aux Conventions de Genève
et du Protocole additionnel II

Le Tribunal international pour le Rwanda est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des violations graves de l'Article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerre, et du Protocole additionnel II auxdites Conventions du 8 juin 1977. Ces violations comprennent, sans s'y limiter:

a) Les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien--être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles;

b) Les punitions collectives;

c) La prise d'otages;

d) Les actes de terrorisme;

e) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur;

f) Le pillage;

g) Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires reconnues comme indispensables par les peuples civilisés;

h) La menace de commettre les actes précités.

Article 6
Responsabilité pénale individuelle

1 . Quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 4du présent statut est individuellement responsable dudit crime.

2 . La qualité officielle d'un accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas un motif de diminution de la peine.

3 . Le fait que l'un quelconque des actes visés aux articles 2 à 4 du présent statut a été commis par un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s'il savait ou avait des raisons de savoir que le subordonné s'apprêtait à commettre cet acte ou l'avait fait et que le supérieur n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que ledit acte ne soit commis ou en punir les auteurs.

4. Le fait qu'un accusé a agi en exécution d'un ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le Tribunal international pour le Rwanda l'estime conforme à la justice.

Article 12
Qualifications et élection des juges

1 . Les juges doivent être des personnes de haute moralité, impartialité et intégrité possédant les qualifications requises, dans leurs pays respectifs, pour être nommés aux plus hautes fonctions judiciaires. Il est dûment tenu compte, dans la composition globale des Chambres, de l'expérience des juges en matière de droit pénal et de droit international, notamment de droit international humanitaire et des droits de l'homme.

2 . Les juges siégeant à la Chambre d'appel du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex--Yougoslavie depuis 1991 (ci--après dénommé "le Tribunal international pour l'ex--Yougoslavie") siègent également à la Chambre d'appel du Tribunal international pour le Rwanda.

3 . Les juges des Chambres de première instance du Tribunal international pour le Rwanda sont élus par l'Assemblée générale sur une liste présentée par le Conseil de sécurité, selon les modalités ci--après

a) Le Secrétaire général invite les États Membres de l'Organisation des Nations Unies et les États non membres ayant une mission d'observation permanente au Siège de l'Organisation à présenter des candidatures;

b) Dans un délai de 30 jours à compter de la date de l'invitation du Secrétaire général, chaque État peut présenter la candidature d'au maximum deux personnes réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci--dessus et n'ayant pas la même nationalité et dont aucune n'a la même nationalité que l'un quelconque des juges de la Chambre d'appel;

c) Le Secrétaire général transmet les candidatures au Conseil de sécurité. Sur la base de ces candidatures, le Conseil dresse une liste de 12 candidats au minimum et 18 candidats au maximum en tenant dûment compte de la nécessité d'assurer au Tribunal international pour le Rwanda une représentation adéquate des principaux systèmes juridiques du monde;

d) Le Président du Conseil de sécurité transmet la liste de candidats au Président de l'Assemblée générale. L'Assemblée élit sur cette liste les six juges des Chambres de première instance. Sont élus les candidats qui ont obtenu la majorité absolue des voix des États Membres de l'Organisation des Nations Unies et des États non membres ayant une mission d'observation permanente au Siège de l'Organisation. Si deux candidats de la même nationalité obtiennent la majorité requise, est élu celui sur lequel se sont portées le plus grand nombre de voix.

4. Si un siège à l'une des Chambres de première instance devient vacant, le Secrétaire général, après avoir consulté les Présidents du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale, nomme une personne réunissant les conditions indiquées au paragraphe 1 ci--dessus pour siéger jusqu'à l'expiration du mandat de son prédécesseur.

5 . Les juges des Chambres de première instance sont élus pour un mandat de quatre ans. Leurs conditions d'emploi sont celles des juges du Tribunal international pour l'ex--Yougoslavie. Ils sont rééligibles.

Article 14
Règlement du Tribunal

Les juges du Tribunal international pour le Rwanda adopteront, aux fins de la procédure du Tribunal international pour le Rwanda, le règlement du Tribunal international pour l'ex-- Yougoslavie régissant la mise en accusation, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la protection des victimes et des témoins et d'autres questions appropriées, en y apportant les modifications qu'ils jugeront nécessaires.

Article 15 : Le Procureur

1 . Le Procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de l'exercice de la poursuite

contre les personnes présumées responsables de violations grave du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

2 . Le Procureur, qui est un organe distinct au sein du Tribunal international pour le Rwanda, agit en toute indépendance. Il ne sollicite ni ne reçoit d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune autre source.

3 . Le Procureur du Tribunal international pour l'ex--Yougoslavie exerce également les

fonctions de procureur du Tribunal international pour le Rwanda. Il dispose, pour le seconder devant le Tribunal international pour le Rwanda, de personnel supplémentaire, dont un Procureur adjoint supplémentaire. Ce personnel est nommé par le Secrétaire général sur recommandation du Procureur.

Article 17
Information et établissement de l'acte d'accusation

1 . Le Procureur ouvre une information d'office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l'Organisation des Nations Unies, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s'il y a lieu de poursuivre.

2 . Le Procureur est habilité à interroger les suspects, les victimes et les témoins, à réunir des preuves et à procéder sur place à des mesures d'instruction. Dans l'exécution de ces tâches, le Procureur peut, selon que de besoin, solliciter le concours des autorités de l'État concerné.

3 . Tout suspect interrogé a le droit d'être assisté d'un conseil de son choix, y compris celui de se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, s'il n'a pas les moyens de le rémunérer et de bénéficier, si nécessaire, de services de traduction dans une langue qu'il parle et comprend et à partir de cette langue.

4. S'il décide qu'au vu des présomptions, il y a lieu d'engager des poursuites, le Procureur établit un acte d'accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l'accusé en vertu du statut. L'acte d'accusation est transmis à un juge de la Chambre de première instance.

Article 19
Ouverture et conduite du procès

1 . La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément au règlement de procédure et de preuve, les droits de l'accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.

2 . Toute personne contre laquelle un acte d'accusation a été confirmé est, conformément à une ordonnance ou un mandat d'arrêt décerné par le Tribunal international pour le Rwanda, placée en état d'arrestation, immédiatement informée des chefs d'accusation portés contre elle et déférée au Tribunal international pour le Rwanda.

3 . La Chambre de première instance donne lecture de l'acte d'accusation, s'assure que les droits de l'accusé sont respectés, confirme que l'accusé a compris le contenu de l'acte d'accusation et l'invite à faire valoir ses moyens de défense. La Chambre de première instance fixe alors la date du procès.

4. Les audiences sont publiques à moins que la Chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à son règlement de procédure et de preuve.

Article 20

Les droits de l'accusé

1 . Tous sont égaux devant le Tribunal international pour le Rwanda.

2 . Toute personne contre laquelle des accusations sont portées a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement, sous réserve des dispositions de l'article 21 du statut.

3 . Toute personne accusée est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie conformément aux dispositions du présent statut.

4. Toute personne contre laquelle une accusation est portée en vertu du présent statut a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

a) À être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle;

b) À disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix;

c) À être jugée sans retard excessif;

d) À être présente au procès et à se défendre elle--même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix; si elle n'a pas de défenseur, à être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer;

e) À interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;

f) À se faire assister gratuitement d'un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience;

g) À ne pas être forcée de témoigner contre elle--même ou de s'avouer coupable. Article 24

Appel

1 . La Chambre d'appel connaît des recours introduits soit par les personnes condamnées par les Chambres de première instance, soit par le Procureur, pour les motifs suivants :

a) Erreur sur un point de droit qui invalide la décision; ou

b) Erreur de fait qui a entraîné un déni de justice.

2 . La Chambre d'appel peut confirmer, annuler ou réviser les décisions des Chambres de première instance.

Article 25
Révision

S'il est découvert un fait nouveau qui n'était pas connu au moment du procès en première instance ou en appel et qui aurait pu être un élément décisif de la décision, le condamné ou le Procureur peut saisir le Tribunal international pour le Rwanda d'une demande en révision de la sentence.

Article 28
Coopération et entraide judiciaire

1 . Les États collaborent avec le Tribunal international pour le Rwanda à la recherche et au jugement des personnes accusées d'avoir commis des violations graves du droit international humanitaire.

2 . Les États répondent sans retard à toute demande d'assistance ou à toute ordonnance émanant d'une Chambre de première instance et concernant, sans s'y limiter:

a) L'identification et la recherche des personnes;

b) La réunion des témoignages et la production des preuves;

c) L'expédition des documents;

d) L'arrestation ou la détention des personnes;

e) Le transfert ou la traduction de l'accusé devant le Tribunal International pour le Rwanda.

Annexe 4: Extrait du Règlement de procédure et de preuve du TPIR
p. 39-55-61

Chapitre V
MISE EN ACCUSATION
Section 1: Les actes d'accusation
Article 47: Présentation de l'acte d'accusation par le Procureur

A) Un acte d'accusation, soumis conformément à la procédure ci--après, est examiné par un juge désigné à cet effet conformément à l'Article 28.

B) Si lors de l'enquête, le Procureur est convaincu qu'il existe des éléments de preuve suffisants qui fournissent des motifs raisonnables de croire qu'un suspect a commis un crime relevant de la compétence du Tribunal, le Procureur prépare et envoie au Greffier un acte d'accusation avec les pièces justificatives, pour qu'il soit confirmé par un juge.

C) L'acte d'accusation indique le nom du suspect et les renseignements personnels le concernant, ainsi qu'un exposé concis des faits de l'affaire et du crime dont le suspect est accusé.

D) Le Greffier transmet l'acte d'accusation et les pièces jointes au juge désigné, lequel informe le Procureur de la date prévue pour l'examen de l'acte d'accusation.

E) Le juge chargé de l'examen vérifie chaque chef d'accusation et tout élément que le Procureur présenterait à l'appui de celui--ci, afin de décider, en application de la norme énoncée à l'Article 18 1) du Statut, si un procès peut être intenté contre le suspect.

F) Le juge chargé de l'examen peut:

i) Demander au Procureur de présenter des éléments supplémentaires à l'appui de l'un ou de tous les chefs d'accusation, ou de prendre toute autre mesure appropriée;

ii) Confirmer chaque chef d'accusation;

iii) Rejeter chaque chef d'accusation, ou

iv) Surseoir à l'examen afin de permettre au Procureur de modifier l'acte d'accusation.

G) L'acte d'accusation tel que confirmé par le juge est conservé par le Greffier qui prépare des copies certifiées conformes revêtues du sceau du Tribunal. Si l'accusé ne comprend aucune des langues officielles du Tribunal et si le Greffier sait quelle langue l'accusé comprend, l'acte d'accusation est également traduit dans cette langue et une copie de la traduction est jointe à toute copie certifiée conforme de l'acte d'accusation.

H) Une fois confirmé l'un quelconque ou tous les chefs de l'acte d'accusation:

i) Le juge peut délivrer un mandat d'arrêt, conformément au paragraphe A) de l'Article 55, et toute ordonnance prévue à l'Article 18 du Statut;

ii) Le suspect acquiert le statut d'un accusé.

I) Le rejet d'un chef d'accusation dans un acte d'accusation n'empêche pas le

Procureur de soumettre ultérieurement un nouvel acte d'accusation modifié sur la base des faits ayant fondé le chef d'accusation rejeté, si le nouvel acte d'accusation est appuyé par des éléments de preuve supplémentaires.

Section 2: Les ordonnances et les mandats
Article 64: Détention provisoire

Après son transfert au Tribunal, l'accusé est détenu dans les locaux mis à disposition par le pays hôte ou par un autre pays. Le Président peut, à la requête d'une des parties, demander de revoir les conditions de détention de l'accusé.

Source : http://69.94.11.53/FRENCH/index.htm

Annexe 5 : L'enquête du juge Bruguière n'est pas un vulgaire « pétard
mouillé ».

P. 44

L'ENQUÊTE DU JUGE BRUGUIÈRE N'EST PAS UN VULGAIRE "PÉTARD MOUILLÉ"

En mai 2009 le colonel (cr) Luc Marchal, ancien adjoint du général Dallaire chef des soldats de l'ONU (MINUAR) présents au Rwanda en 1994, fait le point sur la procédure du juge français Bruguière qui met en cause Paul Kagamé et son entourage dans la réalisation de l'attentat qui couta la vie en avril 1994 au président rwandais Habyarimana, au président en exercice du Burundi et aux membres de l'équipage français qui pilotaient l'avion présidentiel.

Rappel des faits

L ' enquête du juge français fut initiée en 1998 suite à une plainte contre X déposée initialement par la fille d'un des membres de l'équipage du Falcon présidentiel, plainte à laquelle se sont joints ensuite d'autres membres des familles. Fin novembre 2006, le juge Bruguière, Premier vice--président du Tribunal de grande instance de Paris en charge de la coordination antiterroriste, rend une ordonnance par laquelle il demande que neuf mandats d'arrêt internationaux soient décernés à l'encontre de proches collaborateurs de Paul Kagame. En ce qui concerne le président en exercice du Rwanda, couvert par son immunité de chef d'Etat, le juge se tourne vers le Secrétaire Général de l'ONU et préconise que le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), compétent en la matière, prenne le relais des poursuites.

L 'instruction couvre donc une période de huit ans. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle fut menée

en dehors de toute précipitation. Les autorités gouvernementales rwandaises se rendirent parfaitement compte de la portée réelle de la procédure en cours et réagirent bien avant que l'ordonnance ne soit rendue. En 2005 elles menacèrent à différentes reprises la France de poursuites judiciaires pour complicité de génocide. Effectivement des plaintes furent déposées en ce sens à Paris, par des rescapés rwandais, contre l'armée française. Ensuite, en avril 2006, une commission (dite Mucyo du nom de son président) fut mise sur pied pour enquêter sur "le rôle de la France avant, pendant et après le génocide".

Longue de près de 70 pages, l'ordonnance signée par le juge Bruguière est plutôt inhabituelle en ce sens qu'il n'était pas tenu de motiver l'émission de mandats d'arrêt internationaux. Mais ce moment essentiel dans l'instruction du dossier lui permet de faire une synthèse des investigations conduites avec la division nationale antiterroriste (DNAT). Sa conclusion est catégorique: l'implication de Paul Kagame dans l'attentat du 6 avril 1994 est directe.

Les réactions de Kigali vont en sens divers, qualifiant l'ordonnance d'allégations

totalement infondées, basée sur des ragots et des rumeurs et reprochant à la justice française d'être plus motivée politiquement que judiciairement dans cette affaire. D'autres réactions frisent le surréalisme, certains officiels affirmant que le président Habyarimana et le général Nsabimana, le chef d'état--major des forces armées rwandaises, étaient des cibles légitimes dans le cadre d'un conflit armé. Oubliant sans doute que le Front patriotique rwandais (FPR) avait signé des accords de paix et que le président du Burundi et d'autres officiels des deux pays se trouvaient à bord du Falcon 50. Plus concrètement le Rwanda rompt également ses relations diplomatiques avec la France et en mars 2007 deux généraux rwandais, inculpés par le juge Bruguière, déposent plainte contre lui devant la justice belge, de même que contre l'Etat belge.

Rappelons encore dans ce contexte deux éléments majeurs. Le premier est que, fin 2006, le Juge Møse, président à l'époque du TPIR et président de la Chambre compétente dans le procès dit "Militaires I", verse dans son intégralité l'ordonnance du juge Bruguière comme pièce au dossier des quatre officiers rwandais inculpés dans ce procès. Le second élément est l'aboutissement, en février 2008, de l'enquête menée par le juge espagnol Fernando Andreu Merelles. Cette enquête, initiée suite aux assassinats de neuf ressortissants espagnols perpétrés au Rwanda entre 1994 et 2000, se clôture par la délivrance de 40 mandats d'arrêt internationaux à l'encontre d'officiers de l'Armée patriotique rwandaise (APR). Dans un arrêt circonstancié de 181 pages, le juge estime que les personnes visées ont commis des actes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et terrorisme sur ordre du président Kagame. Ce dernier bénéficie de l'immunité que lui confère sa fonction et n'est donc pas l'objet d'un mandat d'arrêt. Dans ses conclusions, le juge accuse le FPR d'avoir mis en place une véritable méthode criminelle. Il estime que depuis sa prise du pouvoir à Kigali, en juillet 1994, le parti a créé un véritable règne de la terreur, non seulement par l'organisation même de son régime dictatorial, mais surtout par la mise en place de structures parallèles responsables de crimes odieux commis contre la population civile, tant nationale qu'étrangère. Le point culminant de cette politique, poursuit--il, est l'invasion du Congo qui, sous couvert de motif sécuritaire, devait permettre, entre autres, la réalisation du pillage de ressources naturelles précieuses, de façon à se maintenir au pouvoir et exercer une domination géostratégique sur la région. Le juge relève par ailleurs que les crimes commis en 1994 sont du ressort du TPIR et plus spécifiquement de son procureur, le Gambien Assan Bubacar Jallow, responsable des poursuites.

Une enquête contestée qui se réduirait à une peau de chagrin

D ans un article paru dans le quotidien "Le Soir"du 6 avril dernier et qui n'est pas le premier du genre, la journaliste belge Colette Braeckman (CB) tente de démontrer que le "dossier Bruguière" se dégonfle comme une vulgaire baudruche. Que reproche--t--elle concrètem ent au juge français et à son enquête?

Pré cis ons avant tout que le seul document porté à la connaissance du commun des mortels est l'ordonnance datée du 17 novembre 2006. Le dossier répressif proprement dit n'est accessible qu'aux ayants droit. C'est--à--dire, au stade actuel, à Madame Rose Kabuye (entendue par la justice française) et ses avocats. Dès lors nous nous demandons en vertu de quelle compétence Madame Braeckman aurait eu accès au dossier du juge Bruguière pour pouvoir le commenter en connaissance de cause?

S oyons clair. Nous n'avons pas la prétention de croire que nous détenons "la Vérité". Nous entendons cependant que si nous sommes dans l'erreur on nous le démontre avec des éléments objectifs et non par des affirmations gratuites, des demi--vérités, des amalgames et autres subterfuges en vue d'éluder le débat de fond. Dans un dossier aussi émotionnel que celui du Rwanda et du Congo (en près de vingt années la région des Grands Lacs a été transformée en un immense charnier de plusieurs millions de victimes), le citoyen est en droit d'être informé avec la plus grande rigueur. Que le dossier du juge Bruguière, à l'instar de n'importe quelle oeuvre humaine, comporte le cas échéant certaines imperfections ou lacunes est dans l'ordre des choses. Mais, de là à réduire un travail d'investigation de huit années à un vulgaire pétard mouillé, voire à mettre en cause la probité du juge et de ses collaborateurs, il y a une marge à ne pas franchir. En la franchissant, ce que nous estimons être le cas, on perd toute objectivité et toute crédibilité.

Troi s éléments significatifs sont invoqués, parmi d'autres, dans l'article de CB pour justifier la piètre appréciation qui est la sienne quant à la consistance du dossier?

· Les principaux témoins à charge se sont rétractés.

· Un interprète et traducteur rwandais, Fabien Singaye, qui assistait le juge Bruguière et ses enquêteurs dans les interrogatoires de témoins était tout sauf neutre.

· L'autorisation faite à Madame Kabuye de regagner le Rwanda et d'y poursuivre ses activités officielles, même si le mandat d'arrêt la concernant n'est pas formellement levé, est symptomatique de la légèreté des charges retenues contre elle.

Qu'en est-il de ces différentes assertions?

Quant à la rétractation des principaux témoins à charge

D eux témoins à charge se sont rétractés: Abdul Ruzibiza et Emmanuel Ruzigana. Il s'agit, en effet, de deux témoins importants mais qui sont loin d'être les seuls à avoir témoigné à propos des mêmes choses.

Prenons le cas d'Abdul Ruzibiza, le plus connu. Son livre "Rwanda l'histoire secrète", paru aux éditions du Panama en 2005, a jeté un fameux pavé dans la mare lors de sa parution. En synthèse, ce livre met en évidence la responsabilité directe de Paul Kagame dans l'attentat du 6 avril 1994 et dans l'ampleur des massacres perpétrés au Rwanda ainsi qu'au Congo--Zaïre. Pareilles accusations n'avaient cependant à l'époque rien d'un scoop. Elles avaient déjà été exprimées à l'encontre de l'homme fort de Kigali bien avant celles de Ruzibiza ou de Ruzigana. Notamment par Jean--Pierre Mugabe, Aloys Ruyenzi et Déogratias Mushayidi, pour ne citer que ceux--là.

Il est vrai que dans l'article du journal Le Soir du 6 avril dernier, CB précise qu'elle avait rencontré à l'époque Ruzibiza et qu'elle l'avait jugé peu crédible. Etonnant quand on sait que le livre de Ruzibiza a été préfacé par deux experts reconnus de la région des Grands Lacs: Claudine Vidal, directrice de recherches émérite au CNRS et André Guichaoua, professeur de sociologie à l'université de Paris 1. Ce n'est quand même pas rien!

C e n'est pas parce que Ruzibiza s'est rétracté que forcément les 494 pages de son livre

ne sont qu'un salmigondis d'inventions, de mensonges et d'élucubrations diverses. C'est d'autant moins le cas que pour avoir vécu certaines des circonstances décrites dans le livre, nous pouvons attester que les détails fournis les concernant sont tout à fait corrects. Quoi qu'il en soit, il nous semble un peu court de déclarer que Ruzibiza n'est qu'un affabulateur et que par conséquent le dossier du juge Bruguière se dégonfle en même temps que son principal témoin.

Il est peut--être utile de rappeler à Madame Braeckman que l'intéressé a aussi été témoigner au TPIR et que son témoignage, qui reprenait les principaux thèmes de son livre, a été fait sous serment. Dans ces conditions, il est étonnant que le procureur du TPIR n'ait pas jugé utile de rappeler ce témoin pour parjure, alors qu'il a autorité pour le faire et qu'il a déjà fait usage de cette prérogative par le passé.

Sur le plan journalistique la démarche aurait été tout autre si, au lieu de prendre la rétractation de Ruzibiza au premier degré, une enquête sérieuse avait été menée pour essayer de déterminer les véritables raisons pour lesquelles l'intéressé est revenu sur ses affirmations. N'est--ce pas cela en réalité le travail du journaliste ?

En conclusion de ce premier point, nous disons que si Ruzibiza avait été le seul à accuser nommément Paul Kagame pour son implication directe dans la tragédie rwandaise, il faudrait, en effet, remettre en question la matérialité de ses affirmations. Etant donné que ce n'est pas le cas et que bien d'autres témoins directs disent en substance la même chose, il serait dès lors plus opportun de rechercher les véritables raisons pour lesquelles Ruzibiza et Ruzigana sont revenus sur leurs dires. Pareille démarche permettrait, sans aucun doute, d'appréhender de façon beaucoup plus exacte l'enjeu réel de cette volte--face.

Quant au rôle controversé de Fabien Singaye

S elon CB "des documents inédits découverts en Suisse - et dont nous avons pu prendre connaissance en exclusivité - établissent que le traducteur rwandais qui assista Bruguière dans l'interrogatoire de ses témoins était tout sauf neutre (...) rien d'étonnant à ce que des témoins comme Emmanuel Ruzindana (qui ne parle pas le français) aient déclaré par la suite n'avoir rien reconnu des propos qu'ils avaient réellement tenus ...".

D e grâce restons sérieux. Peut--on imaginer un seul instant que le juge Bruguière, avec le pedigree qui est le sien, se soit laissé intoxiquer comme un vulgaire débutant? Si les documents inédits évoqués par Madame Braeckman sont de même nature que le soi-- dis ant "témoin capital de l'assassinat de Habyarimana" (Le Soir du 6 mai 2006), le seul à affirmer que ce sont trois missiles sol--air qui ont été tirés sur l'avion présidentiel, cela ne mérite en aucun cas le détour. Aller dénicher pareil témoin, il fallait le faire. C'est vraiment très fort! Alors que tout qui se trouvait à Kigali le soir du 6 avril 1994 vous confirmera que ce sont bien deux missiles et non trois qui ont pris le Falcon présidentiel pour cible. Consacrer un article d'une page, à semblable témoignage farfelu, constituait déjà à l'époque une manière de jeter le doute sur le sérieux de l'enquête du juge qui ne mentionne que deux missiles.

Le fait que Fabien Singaye soit le beau--fils de Félicien Kabuga, accusé d'être l'un des financiers du génocide, constitue--t--il vraiment l'argument irréfutable de sa compromission? Tant que l'on y est, pourquoi ne pas affirmer tout simplement que le juge Bruguière s'est entouré de génocidaires pour l'assister dans son travail? Pareille

association entre Kabuga et son beau--fils ne trompe guère de monde. L'amalgame est une technique éculée dont le but est surtout de camoufler l'indigence de l'argumentation. Si les documents inédits évoqués sont à ce point probants, pourquoi ne pas être plus précis quant à leur contenu? Ceci éviterait à tout le moins de se cantonner dans le vague et le sous--entendu, si pas la diffamation.

En conclusion de ce second point soulignons que celui qui est accusé, par Madame Braeckman, d'être un interprète "engagé" a été requis pour la transcription des bandes d'enregistrement de la tour de contrôle de Kigali et pour l'audition de deux témoins. Fabien Singaye n'a été impliqué, ni de près ni de loin, dans le témoignage de Ruzibiza ou de Ruzigana. Pas plus, du reste, que dans celui de Emmanuel Ruzindana dont le nom n'apparaît même pas dans l'ordonnance du juge Bruguière!

Quant au régime de faveur dont bénéficie Madame Rose Kabuye

N ous avons tout récemment connu en Belgique une crise gouvernementale provoquée par une simple "suspicion" d'ingérence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, à moins que ce ne soit l'inverse. De quelle façon nos amis français perçoivent--ils la notion de "séparation des pouvoirs" ? En tout cas, à suivre les déclarations engagées et les salamalecs répétés de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, à propos de l'affaire Kabuye, nous avons le sentiment (que beaucoup partagent) que le bouillant Monsieur K. a pris de sérieuses latitudes par rapport à ce principe de séparation des pouvoirs. Bizarrement, son ingérence flagrante est loin d'avoir suscité de la part des parlementaires français la même réaction que celle que nous avons connue en Belgique.

Parler d'un "énorme malentendu", en évoquant l'inculpation de Madame Kabuye, a quelque chose de provoquant à l'égard du pouvoir judiciaire. C'est aussi plus que choquant pour les proches des victimes de l'attentat du 6 avril 1994. Même si tout inculpé reste, jusqu'à preuve du contraire, présumé innocent des faits qui lui sont reprochés.

Le souci du président de la République française et de son ministre des Affaires étrangères de normaliser les relations tumultueuses de la France avec le Rwanda est louable en soi. Néanmoins nous restons convaincu que tout n'est pas justifiable au nom de la realpolitik et ce, d'autant moins qu'une normalisation des relations équivaudrait, de facto, au renvoi dans les oubliettes de l'histoire de plusieurs millions de victimes immolées sur l'autel du pouvoir absolu. Non, il y a des limites qui ne peuvent être franchies.

Tout aussi interpellant est cette exhortation lancée par le président Sarkozy, au début de cette année, à mettre en oeuvre une nouvelle gestion des ressources et de l'espace géographique des provinces orientales de la République Démocratique du Congo. Se prendrait--il pour le Bismarck des Grands Lacs? Aurait--il vraiment oublié ce que les Français chantaient jadis la main sur le coeur et le trémolo dans la voix: ils n'auront pas l'Alsace et la Lorraine...? En vertu de quels critères voudrait--il faire accepter par les Congolais ce que les Français ont combattu à l'époque au prix de lourds sacrifices? A quoi est--il donc prêt pour dérouler le tapis rouge devant les pieds du nouveau Mwami du Rwanda ? En tout cas, ce dernier doit en ricaner à se démettre les mâchoires!

Aussi, étant donné ce qui précède, invoquer, comme le fait CB, le régime de faveur de
Madame Kabuye pour tenter de démontrer que le dossier Bruguière ne serait qu'une

calebass e vide, c'est vraiment prendre les lecteurs pour des imbéciles. Conclusion

Si autant d'années après l'attentat du 6 avril 1994 les choses n'ont toujours pas repris un cours normal. Si autant d'années après cet acte terroriste tant de livres et de documents sont toujours rédigés sur ses conséquences, c'est qu'objectivement les choses ne sont toujours pas claires. Elles le sont d'autant moins que certains s'évertuent, envers et contre tout, à vouloir imposer "leur vision" unilatérale de l'histoire, vision qui ne résiste, mais alors plus du tout, à l'analyse historique. Force nous est aussi de constater que ces tenants de la pensée unique exercent urbi et orbi une véritable dictature intellectuelle en récupérant avec cynisme les concepts de "révisionnisme" et de "négationnisme" dont ils accablent tout qui ose contester un tant soit peu leur version de l'histoire.

Que la presse se contente d'exercer le noble rôle qui est le sien: informer le public en toute objectivité. Qu'elle évite, pour d'obscures raisons qui lui sont propres, de vouloir se substituer à la justice. Cette dernière est parfaitement en mesure d'assumer ses propres responsabilités.

Prétendre que l'enquête du juge Bruguière est sur le point d'imploser par manque de consistance, c'est faire peu de cas d'une autre enquête qui l'a précédée et dont la conclusion va dans le même sens. En 1997, Michael Hourigan, chef d'une équipe d'enquêteurs du TPIR travaillant à Kigali, avait constitué un dossier dont les éléments mettaient l'actuel régime de Kigali en cause dans l'assassinat des présidents Habyarimana et Ntaryamira. Cette enquête a bien été menée à charge et à décharge, puisqu'elle visait initialement à établir l'implication des extrémistes hutus dans cet attentat, mais que les éléments recueillis pointèrent, en réalité, la responsabilité directe du Front patriotique. Nous savons ce qu'il est advenu du "dossier Hourigan": rangé de façon péremptoire au fond d'un tiroir par la procureur du TPIR de l'époque, la canadienne Louise Arbour. Quant à Michael Hourigan il fut sommé d'arrêter, sine die, ses investigations et de détruire tous les documents s'y rapportant.

Aussi, ce n'est pas la tentative de dénigrement de l'enquête du juge Bruguière de la part d 'une certaine presse qui nous fera changer d'avis sur la nécessité que la procédure judiciaire suive son cours normal et débouche sur un procès. Seul le procès permettra un véritable débat par la confrontation des arguments. Un procès, c'est aussi l'espoir qu'ap rès autant d'années d'obscurantisme, toute la clarté soit enfin faite sur l'attentat du 6 avril 1994.

Luc Marchal

Source : http://www.france-- turquoise.fr/luc--marchal.html

Annexe 6 : Dénonciation de la politisation des juridictions Gacaca par la violation
des droits de la défense au Rwanda.

p.48

RIPRODHOR Réseau International pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme au Rwanda Association Loi 1901

COMPTE :RIP 2000410100713863 N03815 IBAN 3324001100713863339N03815 PARIS

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DENONCIATION DE LA POLITISATION DES JURIDICTIONS GACACA PAR LA VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE AU RWANDA

LE RIPRODHOR est indigné par la manière d'opérer des juridictions Gacaca au Rwanda qui rendent une justice très partiale et discriminante. Alors que dans le contexte rwandais ces juridictions devraient servir de base pour la réconciliation nationale, elles sont inféodées au service du parti-- Etat qui les manipule.

D epuis leur instauration, ces juridictions dites populaires ont plus servi la politique délibérée du FPR de laisser croupir des leaders hutu innocents dans des prisons et de leur faire payer les dégâts matériels causés par les interahamwe pendant le génocide de 1994. Bon nombre de juges qui siègent dans ces juridictions ne sont pas indépendants, car ils reçoivent des ordres et des directives des décideurs politiques du FPR quand ils poursuivent les accusés : les condamnations ou acquittement sont accordés en fonction de l'intérêt que le prévenu représente pour le FPR.

C es juridictions qui ne respectent ni la présomption d'innocence, ni le droit de défense, ni le droit à un procès équitable disposent d'un pouvoir énorme, jusqu'à prononcer la peine à perpétuité avec isolation, une sorte de «mort sociale»en lieu et place de la peine capitale sensée abolie sur papier mais qui existe dans la pratique.

D ans la plupart des cas, les procédures contradictoires pendant le procès ne sont pas respectées, et l'autorité de la chose jugée n'est pas prise en considération. Des personnes qui ont été acquittées par les juridictions de droit commun et ayant épuisé toutes les voies de recours se voient condamnées de nouveau par les juridictions gacaca souvent pour les mêmes faits.

Des irrégularités ont été constatées dans plusieurs districts du pays où, plusieurs innocents ont été condamnés sur base de fausses accusations de divisionnisme et de propagation de l'idéologie génocidaire par des juges complices de la politique de discrimination ethnique du parti--Etat.

D e toutes ces irrégularités, les plus préoccupantes parce que hautement politisées concernent l'instrumentalisation des génocidaires de grand renom désormais reconvertis en délateurs professionnels contre toute personne dans le mire du pouvoir.

D ans l'ex -Préfecture de Cyangugu, le cas qui nous préoccupe actuellement est l'affaire de Sinzabakwira Straton, ex Bourgmestre de la Commune Karengera. Ce Monsieur plaide coupable en connaissance de cause car il a été le boucher de KARENGERA--NYAKABUYE.

C on damné complaisamment à 20 ans d'emprisonnement, il a réussi à se racheter en faisant inculper dans son procès des personnalités innocentes comme Habimana Théoneste, Nzabaza Tharcisse et Ndikumana Benjamin, qui se sont vaillamment opposées à son entreprise génocidaire à Karengera.

Pour se décharger de ses responsabilités, l'ex Bourgmestre Sinzabakwira Straton a accusé les magistrats Théoneste Habimana et Ndikumana Benjamin de l'avoir découragé lorsqu'il voulait stopper les milices Interahamwe qui se dirigeaient vers la Commune pour y massacrer les Tutsi, alors que c'est lui--même qui était à la tête de ces milices. Ils lui auraient conseillé de laisser faire les Interahamwe. Conduisant cette attaque à partir de la paroisse de Mwezi sur le bureau communal où s'étaient réfugiés les Tutsi, le Bourgmestre se serait arrêté près du Bar chez Denys où se trouvaient le Juge Président et l'IPJ, pour les consulter sur ce qu'il devait faire de ces Tutsi. Ils lui auraient conseillé de laisser faire les Interahamwe.

C eci est totalement faux si l'on se rappelle que les Tribunaux comme tous les autres services publics avaient été contraints à suspendre leurs activités et que la consultation d'un avis d'un juge doit se faire sur son lieu de travail et sanctionné par une ordonnance. Sinzabakwira et ceux qui l'aident à fabriquer ces fausses accusations voudraient faire croire qu'ils ont tué des Tutsi dans le cadre d'exécution d'un jugement rendu par le Tribunal de Canton de Mwezi. A--t--on connaissance des compétences d'un juge de canton pour lancer ces absurdités ?

Nulle part au monde, on a vu la raison du droit primer sur la volonté répressive d'un exécutif génocidaire. Le modus operandi des juges de canton en matière de collaboration avec les bourgmestres des communes est rigoureusement structuré pour ne permettre aucune amalgame sur l'étendue du pouvoir dévolu à chacun.

Quand le bourreau de Karengera, Sinzabakwira Straton, est incité à s'improviser en inquisiteur du régime, comme il l'a démontré par ses mensonges dans l'enquête de Mucyo sur l'implication des militaires français dans le génocide rwandais, il croit réaliser son intention de se dédouaner de ses horribles forfaits. D'où la volonté véhémente d'inculper « les ennemis » du régime, même s'ils se sont opposés, au risque de leurs vies, aux actes de génocide et à la violence politique qu'il entreprenait pour endeuiller la Commune de Karengera et les Communes environnantes.

Les Tribunaux Cacaca sont tellement politisés et instrumentalisés qu'ils acquittent ou condamnent les prévenus au gré du dictat du FPR pour s'assurer l'hégémonie du pouvoir. Plusieurs personnes acquittées par ces mêmes gacaca sont maintenues arbitrairement en prison si l'Association gouvernementale dite IBUKA n'autorise pas la libération.

Le dernier jugement rendu par la juridiction d'appel Gacaca de Gihundwe le 13 janvier 2010 est flagrant.

E n date du 25 septembre 2009, il a été statué par la juridiction Gacaca de Gihundwe un non lieu sur les délations que l'ancien Bourgmestre de Karengera a montées contre Habimana Théoneste , NZABAZA Tharcisse et Ndikumana Benjamin. La population, certains prisonniers dont Cosme alias Ntare et les rescapés ont donné assez de preuves à décharge. Aucune victime n'a interjeté appel contre ces 3 accusés.

Au mois de novembre 2009, la juridiction d'appel gacaca de GASHONGA a confirmé l'acquittement des 3 coaccusés par NSINZABAKWIRA Straton. Il a été mis en place une nouvelle juridiction d'appel de Gihundwe qui a siégé à partir du 4 janvier 10.

Sur pression des militaires dont l'officier supérieur de Police Nationale RUGWIZANGOGA Révérien qui participaient à l'audience comme partie civile dans ces dits jugements non contradictoires, les témoins à décharge furent intimidés, téléguidés dans leur témoignage ou arrêtés s'ils ne « coopéraient pas ».

On ne peut pas passer sous silence, la manipulation du prêtre catholique Ubald qui a pris en charge les frais de scolarité des enfants de SINZABAKWIRA Straton pour obtenir de lui les délations en vue de faire condamner les innocents.

Les décisions rendues le 13 janvier ne sont que politiques et non juridiques. HABIMANA Théoneste qui n'était ni assigné, ni représenté au procès est condamné à perpétuité. Nzabaza Tharcisse policier communal qui avait toujours refusé de calomnier Théoneste HABIMANA s'est vu attribuer la peine de 19 ans d'emprisonnement.

Le prisonnier Côme alias NTARE dont la peine avait été réduite parce qu'il avait plaidé coupable, a été condamné à une peine beaucoup plus lourde pour avoir témoigné en faveur de HABIMANA Théoneste et pour avoir dénoncé publiquement le plan monté en prison par l'Association Ibuka et SINZABAKWIRA Straton pour faire inculper les innocents.

La commission nationale sur le génocide avait dépêché ses agents à Gihundwe le lundi 11 janvier 10 pour donner les ordres à cette juridiction sur les manières de faire la délibération. D'où la manipulation pour faire épingler ceux dont le régime veut se débarrasser.

Il est de notoriété publique que Monsieur HABIMANA Théoneste a été gravement menacé par les interahamwe avant et pendant le génocide.

Le Bourgmestre SINZABAKWIRA Straton l'avait assigné en résidence surveillée à Karengera en l'accusait d'héberger « les inyenzi ». Ceci du fait qu'il avait hébérgé NYILIMBIBI Alphonse alors président de la LIPRODHOR persécuté par les miliciens. Mr HABIMANA Theoneste a été toujours accusé d'Icyitso(complice) par le gouvernement du MRND de par ses prises de position en matière de défense des droits humains depuis 1991 comme les autres cofondateurs de la Ligue Rwandaise des Droits Humains (Liprodhor).

Après le départ en exil de SINZABAKWIRA Straton au Zaire fin juin 1994 HABIMANA Théoneste a pu sortir de son isolement dans le secteur KARENGERA pour aider au rétablissement de l'ordre dans la commune Karengera, sous la supervision du Comité de Sécurité mis en place par le Colonel Bavugamenshi Innocent et le Major CYIZA Augustin pour l'instant porté disparu. A cet effet, sa contribution permit d'arrêter des interahamwe qui écumaient encore la Commune, de mettre fin aux massacres et aux pillages et de restaurer la paix. Les profondes enquêtes ont été faites à sa personne par les militaires et services de sécurité du FPR, les services du gouvernement, les organisations des droits de l'homme tant nationales qu'internationales et avaient levé leur doute quant à son éventuelle participation aux actes criminelles en 1994. Ce qui lui avait permis de continuer sa carrière de juge et d'activiste des droits humains.

Après la prise du pouvoir par le FPR, il n'a pas baissé les bras. Il a poursuivi son engagement en défendant les victimes des violations des droits humains perpétrées par le régime du FPR. Il s'est directement joint à ses collègues membres de la LIPRODHOR rescapés des massacres pour relancer les activités de la ligue. Il fut élu par ses collègues, membre conseil d'administration, où de 1995 à 2001, il présidait la commission économique et sociale depuis 1995 à 2001.

Suite à l'aggravation des menaces du gouvernement sur les membres de la LIPRODHOR, Monsieur HABIMANA Théoneste, a fondé le Réseau International pour la Promotion et la Défense des Droits humains au Rwanda, en France, où il faisait ses recherches à l'Université Lyon 3, pour relayer les activités de la LIPRODHOR, réduite au silence au Rwanda. Sa condamnation est une mesure politique de vengeance et de représailles qui n'a rien à faire avec verdict motivé par les préoccupations de justice.

Etant donné le caractère particulièrement injuste et partial de cette décision et plusieurs autres qui ne reflètent que des parodies de justice au Rwanda,le RIPRODHOR recommande :

1 ) Que les jugements rendus par les juridictions gacaca sur violation des procédures légales et des principes de droit qui fondent le procès équitable soient considérés comme nuls et non avenus.

2 ) Que le jugement rendu par la juridiction d'appel gacaca de Gihundwe le 13 janvier 2010 selon les injonctions de la commission nationale sur le génocide soit annulé car la garantie d'indépendance des juges et le droit de la défense ont été violés. Car on ne peut pas être partie et juge en même temps.

3) Qu'il y ait une commission internationale indépendante pour faire une évaluation sur les violations et abus de droits commis par les juridictions gacaca.

4) Que les bailleurs des fonds qui financent le programme gacaca prennent conscience du fossé infranchissable que les Gacaca sont en train d'installer entre les ethnies rwandaises et soient prêts à en endosser la lourde responsabilité devant l'histoire. Il est temps de penser que les victimes d'abus d'autorité du FPR ont aussi droit à être protégés.

Fait à Paris le 20 Janvier 2010

Théobald RUTIHUNZA
Président du RIPRODHOR

Annexe 7 : Peter Erlinder, l'Homme qui agaçe Kigali
Le TPIR s'oppose à Kigali dans l'affaire Erlinder
p. 7 5

Peter Erlinder, l'homme qui agace Kigali

Peter Erlinder, professeur de droit et avocat au Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Malgré les pressions américaines, la justice rwandaise est restée ferme. Lundi 7 juin, le tribunal de Kigali a rejeté la demande de remise en liberté de l'Américain Peter Erlinder. Avocat de l'opposante Victoire Ingabire, il est accusé de négation du génocide et d'atteinte à la sécurité nationale.

Lorsque Peter Erlinder est arrivé au Rwanda, le mois dernier, il ne se doutait probablement pas du sort qui lui serait réservé. Habitué à défendre des accusés impopulaires, il était venu assister l'opposante Victoire Ingabire, accusée, entre autres, de négationnisme. Et il avait ignoré les conseils de ses collègues du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), qui lui recommandaient de ne pas se mêler à cette affaire.

Arrêté le 28 mai, celui qui préside l'Association des avocats de la défense du TPIR -- laquelle regroupe certains conseils des responsables présumés du génocide -- risque jusqu'à 25 ans de prison pour négation du génocide et atteinte à la sécurité nationale. En cause: certains des ses écrits et déclarations.

Irritations de Kigali

C e professeur de droit de l'université américaine William--Mitchell, dans le Minnesota, avait déjà sérieusement irrité Paul Kagamé en contribuant à monter une action en justice contre ce dernier devant un tribunal de l'Oklahoma, rappelle le New York Times. Il avait également fait part de sa conviction que le Front patriotique rwandais (FPR, ex--rébellion dirigée par l'actuel président Paul Kagamé) était responsable de l'attentat qui avait causé la mort de l'ancien président, Juvénal Habyarimana, à l'aube du génocide de 1994. Une allégation qui ne passe pas à Kigali: c'est cette même hypothèse, un temps suivie par le juge d'instruction français Jean--Louis Bruguière dans l'enquête sur l'attentat, qui avait provoqué la rupture diplomatique entre le Rwanda et la France pendant trois ans.

« Acte de justice»

Peter Erlinder est désormais au centre d'un bras de fer diplomatique entre le Rwanda et les États--Unis, alliés et bailleurs de fonds traditionnel de Kigali. Trois jours avant l'interpellation de l'avocat, l'administration américaine avait critiqué le gouvernement rwandais, responsable, selon elle, d'une « série d'actions inquiétantes [...] qui constituent des tentatives de restreindre la liberté d'expression » à l'approche de la présidentielle d'août prochain.

Le gouvernement nie pourtant tout caractère politique à ce dossier. Il s'agit d'un «acte de justice », a martelé la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. «Peut-- être que M. Erlinder pensait que sa nationalité, sa stature académique, son profil dans les médias le protégeraient », ajoute--t--elle dans un communiqué. «Ceux qui nient le génocide - qu'ils soient riches ou puissants - sont considérés par les Rwandais comme de grands criminels.»

Mystérieuse «tentative de suicide»

« Je réalise pour la première fois combien mes vagues écrits publiés en Amérique étaient graves et pouvaient correspondre à une négation du génocide », a déclaré Erlinder devant le tribunal de Kigali, vendredi.

D eux jours plus tôt, il avait été retrouvé affaibli dans sa cellule, conséquence d'une «tentative de suicide », selon la police rwandaise. Une version que ses proches -- avec qui il dit n'avoir pas pu communiquer depuis son arrestation -- contestent vivement.

Peter Erlinder a demandé une remise en liberté sous caution pour pouvoir retourner se soigner dans son pays, promettant de se plier à toutes ses obligations devant la justice rwandaise. «Je croyais que ce pays avait progressé démocratiquement. Mais si je suis détenu et poursuivi, mon procès confirmera ce qu'on en dit à l'étranger », avait--il déclaré, selon l'agence américaine Associated Press. Un couplet qui n'a visiblement pas convaincu le tribunal. Si son appel est à nouveau rejeté, il attendra son audience, prévue début juillet, au Rwanda, dans sa cellule de prison.

Source : http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20100608161032/diplomatie--rwanda-- gen o cide--procespeter--erlinder--l--homme--qui--agace--kigali.html

Le TPIR s'oppose à Kigali dans l'affaire Erlinder

Peter Erlinder, professeur de droit et avocat au Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) est intervenu dans la polémique au sujet de la détention de Peter Erlinder, demandant sa "libération immédiate". L'avocat américain, conseil de l'opposante Victoire Ingabire, est poursuivi pour négation du génocide.

« Le professeur Erlinder a droit à l'immunité.» C'est le message qu'a fait parvenir le Tribunal pénal international (TPIR) pour le Rwanda aux autorités rwandaises, mardi. Le TPIR, chargé de juger les responsables du génocide de 1994, prend ainsi la défense de l'avocat américain, poursuivi pour négationnisme et incarcéré à Kigali depuis le 28 mai. Kigali nie toute intervention politique.

Peter Erlinder conseille le major Aloys Ntabakuze, condamné à perpétuité en première instance en décembre 2008, et préside l'Association des avocats de la défense du TPIR.

Alors qu'Erlinder défend aussi l'opposante Victoire Ingabire, Kigali réfute toute intervention politique dans ces poursuites. L'interpellation de l'avocat américain a eu lieu quelques jours après une remarque de la diplomatie des États--Unis, s'inquiétant « des tentatives de restreindre la liberté d'expression » à l'approche de la présidentielle d'août prochain.

C e sont des écrits de Peter Erlinder aux États--Unis et certaines de ses déclarations qui ont été placés au centre de l'accusation rwandaise. Mais le TPIR estime que l'accusation «fait des références spécifiques à des mots et déclarations du professeur Erlinder» dans le cadre du procès Ntabakuze. Soulignant que l'avocat ne peut être poursuivi pour des propos tenus devant un tribunal, le TPIR demande donc l'application de l'immunité pour Erlinder.

Une action contre Paul Kagamé

Le TPIR n'a donc pas retenu les assurances données par le procureur général du Rwanda Martin Ngoga, d'après qui ces références étaient «une erreur» du juge «qui n'a rien à voir avec la substance du contenu des publications pour lesquelles Erlinder est poursuivi ». « Nous informerons prochainement le greffier du TPIR, pour une meilleure compréhension et pour éviter des conclusions hâtives », a--t--il ajouté.

Peter Erlinder, professeur de droit de l'université américaine William--Mitchell, dans le Minnesota, avait, selon le New York Times, contribué à monter une action en justice contre le président Paul Kagamé devant un tribunal de l'Oklahoma. D'après le quotidien américain, il avait également fait part de sa conviction que le Front patriotique rwandais (FPR, ex--rébellion dirigée par l'actuel président Paul Kagamé) était responsable de l'attentat qui avait causé la mort de l'ancien président, Juvénal Habyarimana, à l'aube du génocide de 1994.

Source : http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20100616121051/diplomatie-- rwanda--genocide--fprle--tpir--s--oppose--a--kigali--dans--l--affaire--erlinder.html

Annexe 8: Le Rwanda pointé du doigt pour les massacres en RDC.
p. 80

Le Rwanda pointé du doigt pour les massacres en RDC

La version non définitive d'un rapport de l'ONU obtenue par le Monde détaille une décennie de crimes contre l'humanité commis en République démocratique du Congo. Elle met en cause Kigali pour des faits qui, selon les auteurs du document, pourraient être qualifiés de «génocide». Ce pourrait être une première étape vers la fin de l'impunité. Le Haut--commissariat aux droits de l'homme de l'ONU (HCDH) s'apprête à publier un rapport sur les exactions commises en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003, révèle le Monde dans son édition de vendredi, qui s'est procuré une version provisoire du texte. Le document de 600 pages présente les conclusions d'une enquête inédite, qui évoque le mot «génocide» et met en cause la responsabilité du Rwanda. L'ampleur massive des crimes commis en RDC est connue de longue date. Depuis 1998, 5,4 millions de personnes auraient été tuées, victimes des multiples conflits dont le pays a été le théâtre, estime l'ONG International Rescue Committee. Exécutions, viols de masse, pillages sont le lot quotidien de ces populations, principalement dans l'est du pays, depuis presque vingt ans. Le rapport que s'est procuré le Monde se penche sur la pire décennie, entre 1993 et 2003, quand la République du Congo devient une victime collatérale du génocide qui se déroule chez son voisin rwandais. En 1994, l'Armée patriotique rwandaise (APR), menée par Paul Kagamé, reprend le pays. Craignant des représailles de la part des Tutsi, plus d'un million de Hutu fuient le Rwanda et se réfugient de l'autre côté de la frontière, au Zaïre (future RDC), où ils s'entassent dans de vastes camps de réfugiés. Ces camps sont alors la cible de raids menés par l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) de Laurent--Désiré Kabila, futur président du pays. Une rébellion, rappelle le rapport du HCDH, «dont les troupes, l'armement et la logistique étaient fournis par le Rwanda».

Kigali aurait tenté d'étouffer le rapport. Car le document que s'est fourni le Monde met très clairement en cause le Rwanda, et notamment son président Paul Kagamé, dans les exactions menées au Kivu, dans l'est de la RDC. Le rapport, fruit de plusieurs mois d'auditions menées sur place par les enquêteurs de l'ONU, fournit de nombreux exemples de «crimes contre l'humanité» et «crimes de guerre». Ainsi, en décembre 1996, quand des «éléments de l'AFDL/APR» ont «tué plusieurs centaines de réfugiés» dans le village de Mutiko. Ou quand les mêmes ont «tué près de 310 civils, dont un grand nombre de femmes et d'enfants» dans le village de Kinigi. Peut--on parler de génocide? Le HCDH ne tranche pas mais évoque la possibilité d'une telle qualification : «Les attaques systématiques et généralisées (contre des Hutu) révèlent plusieurs éléments accablants qui, s'ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de génocide». L'objectif du rapport est précisément de servir de base à d'éventuels procès. Dans cette optique, les noms des personnes impliquées ont été soigneusement consignés dans une base de données confidentielle. De quoi faire trembler beaucoup de monde, parfois haut placé. Le Monde révèle ainsi que depuis plusieurs semaines, Kigali met tout en ouvre pour étouffer ce rapport. Paul Kagamé aurait même menacé directement le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki--moon, d'arrêter la participation du Rwanda aux opérations de maintien de la paix de l'ONU s'il était publié.

Une menace prise au sérieux, le Rwanda étant notamment l'un des plus gros contributeurs de la mission établie au Darfour. Selon le Monde, Ban Ki--moon a déjà commencé à céder du terrain, en mettant en garde contre l'utilisation du mot «génocide» dans la version finale du rapport. Ce qui pourrait expliquer la colère inhabituelle de l'ONU à la publication de cette version provisoire, dont elle affirme que certains éléments sont «faux». La version définitive sera publiée «très rapidement», promet--on à New York. Reste à savoir si le terme «génocide» y figurera.

Source : http://www.lefigaro.fr/international/2010/08/26/01003--

2 0 1 0 0 8 2 6ARTFI G 0 0 6 0 1--le--rwanda--pointe--du--doigt--pour--les--massacres--en--rd-- congo.php

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· Agence Hirondelle de Presse basée à Arusha : http://fr.hirondellenews.com/

Remerciements

Je tiens à remercier l'ensemble des personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire et de cette expérience onusienne au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Je remercie Maître Philippe LAROCHELLE, maître de stage, pour son soutien, sa confiance et son aide pendant les trois mois de stage sous sa tutelle. Ainsi que pour le partage de sa vision de la justice internationale, notamment au sein du TPIR.

Je tiens à remercier tout particulièrement Melle Sophie MAURICE, «Associate Legal Officer» auprès des Chambres, sans qui cette expérience au sein de l'ONU n'aurait pas été aussi enrichissante humainement et professionnellement.

Je remercie également l'ensemble de l'Équipe de défense de M. Callixte Nzabonimana: Maître COURCELLE LABROUSSE (conseil principal), Maître Phillippe LAROCHELLE (co--conseil), Nathalie LEBLANC (assistante juridique), Fernand BATARD (Enquêteur), Célestin KAKANGO (enquêteur), Justin HABINEZA (enquêteur) et M. Callixte Nzabonimana (accusé), pour leur confiance et leur soutien.

Rem erciant également Érick SULLIVAN, co--stagiaire pour le travail d'équipe réalisé avec soin et respect, ainsi que pour sa présence dans cette aventure humaine.

Je remercie également Madame Claire COURTECUISSE, directrice du master II « Théorie et pratique des Droits de l'Homme », et Monsieur Damien SCALIA directeur de mémoire, pour leur contribution et leur soutien tout au long de l'année dans la réalisation de ce projet et de ce mémoire.

Et enfin, je remercie mes parents pour leur soutien financier et moral, ainsi que pour leur relecture de ce travail universitaire.

Table des matières

Introduction 9

I . Lutte contre l'impunité au sein du TPIR: un contraste dérangeant. 20

A. Une lutte contre l'impunité textuelle : la face émergée de l'iceberg. 20

1. Lutte contre l'impunité menée par le TPIR : une exemplarité en péril 20

2. Mariage difficile entre lutte contre l'impunité et l'objectif de réconciliation des peuples 29

B. La pratique du TPIR: la face immergée de l'iceberg. 35

1. Une justice à deux vitesses entachant l'effectivité de la mission du TPIR 35

2. Une proximité alarmante entre le TPIR et le pouvoir politique de Kigali 41

II. Une lutte contre l'impunité mettant en péril les droits des accusés. 50

A. Une volonté textuelle affirmée assurant la protection des droits fondamentaux

du droit des accusés. 50

1. Au niveau international: une mappemonde protectrice 50

2. Au niveau du TPIR : une liberté d'interprétation 55

B) Un constat de violations assombrissant ce principe d'équité du TPIR. 61

1. Garanties du procès équitable bafouées 61

2. Équilibre difficile entre désir de répression et garanties procédurales 69

Conclusion 77

An n exes 82






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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon