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Expérience d'art-thérapie aux dominantes écriture et arts plastiques auprès de la personne à¢gée dépendante souffrant d'exclusion sociale

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par Marie NOà‹L
Université François Rabelais - faculté de médecine de Tours - Diplôme universitaire d'art- thérapie 2010
  

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3) La prise en charge s'est déroulée sur 6 séances.

Durant le stage, plusieurs règles méthodologiques ont été définies afin d'être le plus rigoureux et objectif possible avec chaque patient dans la prise en charge. Tout d'abord, concernant les séances, celles-ci débutent au moment où l'art-thérapeute stagiaire et le patient décident ensemble que le travail va commencer, appelé << temps de séance ». Toutefois, il sera également relevé dans les outils d'observation le temps de la rencontre et de l'accompagnement du patient jusqu'au lieu désigné pour le travail de séance, qu'on appellera << pré-séance », ainsi que le temps où l'art-thérapeute stagiaire raccompagne le patient dans sa chambre ou dans le lieu où elle doit se trouver selon l'heure présente, qu'on nommera << post-séance ». Une séance est également susceptible de ne pas impliquer une production artistique (qu'elle soit achevée ou non) ; elle peut, par exemple, être un temps où le patient a juste envie de discuter avec le professionnel, dans ce cas, on qualifiera la séance d' << entretien privilégié ». Concernant les outils d'observation employés, chaque prise en charge répond à l'utilisation de la fiche d'observation (cf. annexe 3), ainsi que des observations, remarques et discussions avec le personnel de l'établissement sur le patient. La collaboration des autres intervenants est très importante dans la prise en charge, car elle permet d'inscrire le patient dans une dynamique relationnelle nouvelle ou retrouvée (<< Qu'avez-vous fait ce matin avec l'art-thérapeute ? » ou << Vous pourriez me montrer ce que vous avez fait pendant vos ateliers ? »), valorisant ainsi le patient et stimulant ses aptitudes d'expression, de communication et de relation.

Revenons maintenant à Mme A. Le lendemain, à l'heure convenue, l'art-thérapeute stagiaire est revenue la voir dans sa chambre. Elle était assise sur son fauteuil roulant, et tenait dans les mains le bout de papier que l'étudiante lui avait donné la veille. << Ah bonjour ! C'est vous qui deviez me voir ce matin ? » a demandé la patiente en souriant. Après acquiescement, l'art-thérapeute stagiaire l'a interrogée sur ses souvenirs de l'entretien passé hier matin ensemble, mais après quelques secondes de silence, Mme A. lui a répondu négativement. Quand l'étudiante lui a de nouveau expliqué le projet qu'elles allaient mettre en place, Mme A. lui a à présent assuré s'en rappeler. Elle semblait curieuse de voir comment le

travail allait être abordé.

L'art-thérapeute stagiaire avait apporté un pot contenant plusieurs crayons, stylos et marqueurs, un bloc-notes de petite taille, et deux autres de grande taille aux feuilles détachables. L'un des grands bloc-notes comportait déjà des inscriptions, des dessins, des peintures et des ornements décoratifs variés ; il était là pour servir de modèle au travail en cours. L'étudiante a demandé à Mme A de regarder et feuilleter l'exemple pour qu'elle puisse avoir un aperçu de ce qui est possible de faire dans ce travail, ce à quoi elle a acquiescé, mais elle n'a pas cherché à le prendre et le consulter par elle-même. L'étudiante lui a donc montré, page après page, les thèmes qui pouvaient être abordés, les styles d'écriture que l'on pouvait employer, et, éventuellement, des illustrations en lien avec le thème choisi. Mme A. était intéressée, mais répétait plusieurs fois à l'art-thérapeute stagiaire que ce travail allait être trop difficile pour elle. Il a donc été très important de la rassurer au plus vite sur la façon de procéder : Premièrement, l'objectif du travail n'est pas de produire une oeuvre identique à l'exemple, deuxièmement, le travail se fait étape par étape, et troisièmement on prend le temps nécessaire.

Il est important pour les patients atteints de ce type de pathologie de ne pas provoquer de propos ou situations frustrants et angoissants ; les troubles cognitifs de la personne entraînent souvent une incompréhension ressentie comme une angoisse ou une agression (qu'elle soit physique ou verbale).

<< L'important est de faire quelque chose qui vous plaise, je vous garantis que ce ne sera pas difficile. Mais il faudra mettre du sien ! », a dit l'art-thérapeute stagiaire pour relaxer et amuser Mme A, à qui le visage se fermait au fur et à mesure de la découverte des pages du modèle d'exemple. Mme A a souri aux propos de l'étudiante, puis a demandé des nouvelles d'une des animatrices qui était actuellement absente. Mme A aimait beaucoup l'animatrice, et demandait régulièrement au personnel soignant des informations sur sa santé et son retour, même si elle ne participait plus aux activités d'animation. Mme A se met à poser plusieurs questions sur la vie de l'art-thérapeute stagiaire, son lieu d'habitation, le moyen de transport qu'elle utilise pour venir ici... et plusieurs fois pendant la séance car la maladie a fait que sa mémoire à court terme n'opère efficacement que sur une durée de 15 secondes environ. Les relances sont donc fréquentes, car Mme A me demande de confirmer si je suis bien là pour discuter de tout et de rien avec elle.

Mais l'art-thérapeute stagiaire est confrontée à un problème d'espace libre pour poser et utiliser aisément le matériel. Les chambres individuelles, comme celles de Mme A, ne sont pas très grandes, et la seule table dont elle dispose accueille le poste de télévision, des plantes et beaucoup de magazines et autres papiers. Mme A est une personne très ordonnée qui ne supporte pas qu'on saisisse et déplace ses affaires. Quand l'art-thérapeute stagiaire lui a demandé si elle pouvait, le temps de la séance, transférer les papiers sur le lit, Mme A a grimacé et s'est tournée vers le tiroir de son meuble de chevet, qui était entrouvert, pour le fermer. Il fallait donc s'adapter, et l'art-thérapeute stagiaire a proposé à la patiente, au vu de l'impossibilité de faire un travail d'écriture dans ces conditions, de faire un travail de dictée : Mme A parlerait des choses qu'elle apprécie, et l'art-thérapeute stagiaire prendrait ses paroles en note ; afin que, lors de la prochaine séance, elle puisse trouver un arrangement matériel qui permettrait la mise en place du travail d'écriture. << Si vous voulez », a été la réponse de Mme A. L'art-thérapeute stagiaire a pris le petit bloc-notes ainsi qu'un stylo, et notait, toujours sous de nombreuses relances, les paroles de Mme A. Elle a principalement parlé du piano et de la musique classique qu'elle appréciait beaucoup. Au bout de 30 minutes de séance, Mme A ne parlait presque plus, et s'est même couchée sur son lit en évitant le regard de l'étudiante, sans rien dire. L'art-thérapeute stagiaire a donc demandé s'il était bon de s'arrêter là pour aujourd'hui, et à cela Mme A a acquiescé un peu sèchement, en précisant que c'était fatiguant de lui << poser autant de questions ». L'étudiante lui a alors demandé si elle souhaitait

continuer l'expérience, et de se donner rendez-vous pour le mercredi suivant. << Si vous voulez. » était son unique réponse. L'art-thérapeute stagiaire a alors réécrit la date et l'horaire sur un bout de papier, et l'a posé sur la table. Toutes deux se sont saluées en se serrant la main, puis l'étudiante a quitté la chambre de Mme A avec son matériel.

La semaine suivante, lors de la deuxième séance, Mme A était assise dans son fauteuil roulant, face à la porte. Quand l'art-thérapeute stagiaire est entrée dans la pièce pour venir la saluer, Mme A lui a sorti un chaleureux << Ah ! Bonjour ! » tout en lui serrant la main. À la question << Comment allez-vous ? » posée par l'étudiante, Mme A répondait désormais << Oui, ça va, et vous-même ? », sur un ton réservé mais détendu. La porte de la chambre était aussitôt refermée par l'étudiante, afin de ne pas stresser Mme A, ni de se laisser distraire par les aventures du couloir. Mme A cependant ne se souvenait ni du nom de la stagiaire, ni de ce qu'elles avaient fait lors de la première séance. Après un bref rappel, un << ah oui c'est vrai » est sorti de la bouche de Mme A, puis elle demandait ce qu'elles allaient faire aujourd'hui, en précisant qu'elle était fatiguée. << Aujourd'hui, vous allez réécrire les notes que j'ai prise hier au brouillon sur vos préférences et vos passions dans la vie. ». Comme elle semblait surprise de la consigne, l'art-thérapeute stagiaire lui a montré lesdites notes. << Ah ? J'avais dit ça ? Je ne me souviens plus. » L'étudiante lui a ensuite présenté le papier sur lequel elle allait réécrire les notes, et quatre stylos de forme et couleur différentes, priant Mme A de choisir l'un d'entre eux. La stagiaire avait pu utiliser comme support la table adaptable de Mme A, mais cela ne laissait pas beaucoup de place, et elles devaient se mettre côte à côte. Mme A a regardé les stylos pendant une bonne minute, puis a choisi celui à l'encre noire. Toutefois, elle ne souhaitait pas écrire, elle voulait voir faire l'art-thérapeute stagiaire. Celle-ci n'a pas insisté, et a recopié une partie des notes sur le papier, en indiquant que la tâche était simple, qu'il n'y avait pas de mauvais ou bon travail dans ce projet. Le but était que cela plaise à Mme A, mais à condition de faire des efforts pratiques. << C'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de place ici », répétait la patiente. Alors, l'art-thérapeute stagiaire a suggéré, pour la prochaine séance, de changer de lieu pour travailler. La cafétéria de l'établissement, était toujours inoccupée le matin, ce qui était une aubaine pour Mme A, qui ne souhaitait pas voir les autres, mais aussi pour le gain considérable d'espace de travail. À ces conditions, Mme A était d'accord, et a enchaîné sur le fait qu'il n'était pas utile de continuer le travail de cette façon aujourd'hui. La séance a donc pris fin prématurément (environ 20 min), mais Mme A semblait relativement intéressée de changer de lieu. Comme d'habitude, l'art-thérapeute stagiaire a noté sur un petit bout de papier la date et l'heure (toujours le mercredi à 10h30), et Mme A le posait sur la table à côté du poste de télévision.

Lors de la troisième séance, le mercredi suivant, Mme A était très éveillée et a accueilli l'art-thérapeute stagiaire avec chaleur. << Alors, où va-t-on ? », lui a-t-elle demandé. Elle ne se souvenait toujours pas du nom de l'étudiante, ni de ce qu'elles allaient faire, mais elle savait qu'elle allait se rendre quelque part hors de sa chambre.

<< Nous allons nous rendre à la cafétéria, nous aurons de la place pour travailler, et le matin, la cafétéria n'accueille pas de clients, il n'y aura que nous, on sera tranquille. »

<< D'accord. Très bien. », a répondu Mme A. << Mais peut-on noter un mot dans ma chambre pour dire que je suis absente ? »

L'art-thérapeute stagiaire a donc sorti un bout de papier et un crayon, puis les a tendus vers la patiente, tout en l'encourageant à écrire le mot d'absence. Après une hésitation de quelques secondes, Mme A a saisi le crayon et écrit << Je suis à la cafétéria. ». Elle l'a ensuite posé sur la table, puis l'étudiante et elle-même ont quitté la chambre. Mme A lui a prié de bien fermer la porte.

La chambre de Mme A est au troisième étage, et la cafétéria deux étages en dessous ;

il a donc fallu emprunter l'ascenseur. Celui-ci dispose d'un miroir sur un côté, et quand Mme A a pénétré dans l'appareil, le miroir captait toute son attention. << Oh, regardez la tête que j'ai... vous trouvez que je suis bien coiffée ? ». Mme A est toujours soucieuse de son apparence. Une fois descendues au premier étage et après avoir quitté l'ascenseur, Mme A a observé nerveusement le couloir dans lequel elle se trouvait. << Je ne passe pas souvent par ici. » L'art-thérapeute stagiaire lui a expliqué que certaines activités ont lieu dans la grande salle de séjour derrière la porte qui fait face à l'ascenseur. À cela Mme A a haussé les épaules et est restée silencieuse. Arrivées devant la porte de la cafétéria, elle a émis la surprise de ne voir personne. L'art-thérapeute stagiaire lui a expliqué à nouveau le fait que le local est toujours libre le matin. << Ah oui, c'est vrai », s'est mise à dire Mme A. La cafétéria est très ouverte sur l'extérieur (4 baies vitrées), et colorée, contrastant avec les teintes plus moroses des couloirs.

Mme A et l'art-thérapeute stagiaire se sont installées sur une table ronde non loin de la porte d'entrée du local, qui a pris soin d'être fermée. Le matériel était déjà posé sur la table. << Mme A, je vais vous rappeler ce qu'on a fait précédemment ensemble, et ce que l'on doit faire aujourd'hui . » L'objectif de la séance était de réaliser un texte sur le thème du piano, qui est une des passions de Mme A, et éventuellement, à sa convenance, de décorer le texte avec différentes matières (crayons et feutres de couleur, tissus, plumes, papiers à motif, peinture...). Toutefois, l'objectif intermédiaire était de faire parvenir Mme A à réaliser l'intégralité, sinon une majeure partie du travail. L'art-thérapeute stagiaire a prié Mme A de choisir un crayon et un support en papier pour écrire le texte qui avait été noté deux séances plus tôt. La patiente, au début, a manifesté son désir de voir faire plutôt l'art-thérapeute, mais après quelques encouragements, elle a fini par choisir un stylo italique à encre noire, et un papier épais blanc. Cette fois, les rôles se sont inversés : L'art-thérapeute stagiaire a dicté le texte que Mme A inscrivait sur la feuille. Quand cela s'est terminé, il restait une place très importante sur la feuille (Mme A avait choisi d'écrire en haut-milieu de la feuille). Sur la proposition de l'étudiante, Mme A était d'accord pour illustrer son texte. Que choisir ? Mme A semblait perdue devant la diversité du matériel qui lui faisait face. L'art-thérapeute stagiaire a dû faire une sélection par élimination : ce que Mme A ne voulait pas utiliser était enlevé de la table, afin d'avoir une vision plus claire et épurée du matériel. Elle a finalement opté pour des plumes noires et blanches, pour représenter le clavier d'un piano (touches noires et blanches). Tout au long de la séance, Mme A refusait d'abord de faire les choses elle-même, mais au fur et à mesure que la production prenait forme, ses demandes étaient de moins en moins fréquentes. Néanmoins, elle a demandé de l'aide à l'art-thérapeute stagiaire pour coller les plumes sur le papier. Ensuite, Mme A a pris un morceau de broderie dorée et a demandé à ce qu'on le colle au-dessus des plumes (évoquant la couverture qui protège de la poussière que l'on pose habituellement sur un piano, et que l'on aurait retroussée).

Mme A a regardé sa production silencieusement pendant quelques secondes, puis a énoncé, en tapotant sur les plumes blanches, les sept notes de la gamme classique (do - ré - mi - fa - sol - la - si). Elle s'est mise à sourire puis a regardé l'art-thérapeute stagiaire en lui disant que << c'était joli ». L'étudiante lui a alors demandé si elle souhaitait ajouter autre chose sur sa production, mais Mme A a évoqué sa fatigue grandissante, et le fait que la production était très bien comme ça. Par contre, elle n'a pas souhaité emmener la production dans sa chambre, elle préférait le laisser << à l'abri » dans la cafétéria. L'art-thérapeute stagiaire a donc rangé la production dans un placard du local, puis a raccompagné Mme A jusqu'à sa chambre. En chemin, elles avaient croisé deux aides-soignantes qui avaient interrogé Mme A sur l'activité. Mme A leur a répondu que c'était bien, et les aides-soignantes l'ont encouragé à continuer le travail qu'elle faisait avec l'art-thérapeute stagiaire. Une fois arrivées dans la chambre, Mme A a remercié l'art-thérapeute, et a proposé d'elle-même le rendez-vous au mercredi suivant.

La quatrième séance s'est révélée être un entretien privilégié. Quand l'art-thérapeute stagiaire est venue chercher Mme A pour l'emmener à la cafétéria, la patiente lui a avoué ne pas aller bien, mais ne donnait pas de détails sur la raison de son mal-être. Ce n'est qu'une fois installée à la cafétéria qu'elle s'est confiée à l'étudiante : << Vous savez, je suis embêtée. Je crois que j'ai fait dans ma couche, et on a refusé de m'en donner une autre. » À cela l'artthérapeute stagiaire lui a demandé si cette gêne était trop importante pour elle pour commencer l'atelier, mais Mme A a rétorqué qu'elle voulait rester là, mais qu'elle ne se sentait pas le coeur à faire quoi que ce soit aujourd'hui. L'étudiante a donc proposé de mettre une ambiance musicale pour que Mme A puisse se changer les idées. Quand elle a proposé d'écouter un CD de Chopin, Mme A a vivement acquiescé, en précisant qu'il s'agissait de son compositeur favori.

L'atmosphère s'est ensuite beaucoup plus détendue, et Mme A, qui d'habitude parle peu, et reste beaucoup dans les répétitions verbales, s'est mise à discuter de l'établissement, du personnel, et de son quotidien. << Vous savez, mademoiselle, il y a des filles qui prennent le temps de parler avec vous, et d'autres qui n'en ont rien à faire, qui ne sourient jamais. Mais je sais que leur travail n'est pas facile, alors je ne les embête pas quand j'ai besoin de quelque chose. » Puis elle est arrivée au fait qu'elle s'ennuyait beaucoup la journée, et qu'elle sentait sa fin approcher. << Moi, ce que je trouve dommage », a dit l'art-thérapeute stagiaire, << c'est qu'une personne qui aime le piano, la musique, les fleurs, les enfants, et tant d'autres choses, ne partage pas ses goûts avec d'autres résidents au travers des activités qu'il y a en semaine dans l'établissement ». Mme A a eu une réaction de surprise à la suite de ces mots, et après un petit silence, elle lui a demandé de s'expliquer. L'art-thérapeute stagiaire a pris pour exemple l'atelier floral (activité mensuelle de confection d'un bouquet de fleurs fraîches et/ou séchées, réalisée dans un groupe de dix personnes) où elle avait auparavant l'habitude de s'y rendre, et d'y prendre beaucoup de plaisir. Elle offrait d'ailleurs, de temps en temps, son bouquet à une résidente de son étage qui n'avait pu s'y rendre. En parlant de cela, Mme A a souri, et a reconnu qu'elle appréciait en effet beaucoup cette activité. La discussion a ensuite tourné sur l'ensemble des activités de l'établissement, sur les spectacles à venir, et des légers souvenirs, tous bons, rejaillissaient de la mémoire de Mme A. Au bout de 35 minutes de séances, Mme A a demandé à rentrer dans sa chambre. L'art-thérapeute stagiaire a proposé, pour la prochaine fois, de réitérer le travail fait sur le thème du piano, mais avec le thème des fleurs. Mme A était d'accord. Rendez-vous donc huit jours plus tard.

Entretemps l'art-thérapeute stagiaire a fait part de son travail aux animatrices, ainsi qu'au personnel du troisième étage. L'équipe a quant à elle relaté à l'étudiante leur investissement dans le projet, et ont remarqué que Mme A allait de mieux en mieux (elle ne manifestait plus d'idées noires, et était devenue moins nerveuse pendant ses déambulations). Tout le monde l'encourageait régulièrement pour qu'elle s'investisse à l'extérieur de sa chambre.

D'ailleurs, le matin où devait avoir lieu l'atelier d'art-thérapie, Mme A s'était rendue, après plusieurs mois d'absence, chez la coiffeuse de l'établissement. Il y a une part fautive de l'art-thérapeute stagiaire car elle avait oublié de laisser à Mme A une note informative du rendez-vous. L'étudiante est allée à la rencontre de Mme A dans le salon de coiffure. La coiffeuse venait de terminer la coiffure de Mme A à l'instant. Après l'avoir complimentée sur son allure, l'art-thérapeute stagiaire a demandé à la patiente si elle souhaitait venir à l'atelier, dans la cafétéria. << Oui oui, mais pas longtemps, je suis un peu fatiguée. »

Sur la route menant à la cafétéria, Mme A demandait à nouveau des nouvelles de l'animatrice, qui était de retour depuis près de deux semaines. << On pourra aller la voir après l'atelier, si ça vous dit, Mme A. », a proposé l'art-thérapeute. La patiente était d'accord.

Mme A s'est souvenue avoir écouté de la musique classique la dernière fois, mais a avoué ne pas savoir ce qu'il était prévu de faire cette fois-ci. L'art-thérapeute stagiaire a donc expliqué l'objectif de la séance. La méthode de travail était la même que pour la troisième séance : Mme A choisit un crayon et un support, écrit un texte en rapport avec les fleurs, puis illustre son texte. Cependant, Mme A n'arrivait pas à écrire ; il a fallu d'abord trouver ensemble des mots-clé sur le thème des fleurs, puis faire des phrases utilisant ces mots-clés avec ses souvenirs et ses goûts. L'art-thérapeute stagiaire notait le « brouillon >>, puis, quand Mme A a jugé qu'il y avait assez d'informations, elle a recopié au propre les notes sur un papier épais (comme celui utilisé en troisième séance). Le texte était d'un taille similaire à celui réalisé sur le piano, il y avait donc une place considérable pour décorer le texte. Parmi différentes propositions d'illustration envisagées par l'art-thérapeute stagiaire, Mme A a opté pour le dessin et le transfert d'images*. Elle avait à sa disposition plusieurs papiers de transfert comportant des images de rose, qui soit dit en passant est sa fleur préférée. Elle demandait des conseils à l'art-thérapeute stagiaire pour les placer sur la feuille, qui devenaient de moins en moins fréquents au fil du déroulement de la séance. La technique de transfert n'est pas simple car elle exige une grande précision et une force de pression considérable dans la durée pour que l'image soit transférée correctement. Mais Mme A s'est appliquée silencieusement, l'art-thérapeute stagiaire intervenait juste pour soulever délicatement le papier de transfert afin de voir s'il pouvait être enlevé complètement sans que l'image ne soit endommagée. Trois roses ont été ainsi appliquées sur certains coins de la feuille, mais tout le centre et le bas du support étaient encore vides. Pour le dessin, la méthode a été bien différente. Mme A voulait avoir un dessin, mais il était hors de question qu'elle le fasse. « Je n'ai jamais dessiné, je ne sais pas faire. >> L'étudiante a tenté de l'encourager à se donner un essai sur une feuille de brouillon, mais elle n'y a clairement pas tenu. L'art-thérapeute stagiaire a donc proposé de dessiner, à condition que Mme A lui indique le plus de détails possible sur le dessin. En bref, Mme A émettait les idées, et l'étudiante les mettait en forme. Ici aussi, Mme A ne donnait au départ que de très vagues idées, mais l'art-thérapeute stagiaire n'avait de cesse de lui demander davantage de précisions, si bien qu'au final, Mme A devenait très pointilleuse sur l'orientation de la tige des fleurs, de leur grandeur, la couleur, la présence d'un cours d'eau, d'herbe, de soleil. La production s'est achevée dès que Mme A l'a jugée comme telle. « C'est très bien comme ça. >>

L'étudiante en a profité pour lui expliquer le lien que l'on pouvait faire par rapport aux activités manuelles en groupe. « Vous voyez, c'est aussi de cette façon que le travail en groupe peut être intéressant : Certains ont les idées, d'autres ont les mains pour les concrétiser. Les rôles sont aussi importants l'un que l'autre. Mme A est restée silencieuse à cette remarque, mais a néanmoins souri. L'art-thérapeute stagiaire a demandé à la patiente si elle était intéressée de réaliser la prochaine séance en groupe, et Mme A a répondu qu'elle n'était pas contre, puis a ajouté que cela pouvait être très intéressant.

Mme A et l'art-thérapeute stagiaire sont ensuite allées voir Carine, l'animatrice, comme il était prévu. Mme A a tenu à lui montrer la production, et a reçu ses compliments à ce sujet. « Je vais le garder dans ma chambre, je pourrais le montrer à tout le monde, comme ça. >> Et Mme A ne s'en est pas privée. Pendant le chemin du retour vers la chambre, plusieurs membres du personnel l'ont croisé et ont pu brièvement discuter de l'oeuvre L'unanimité des retours positifs ont ému Mme A qui, une fois arrivée dans la chambre, a chaudement remercié l'art-thérapeute stagiaire, avant de ranger la production dans le tiroir de son meuble de chevet. « Comme ça, je saurai où je l'ai mis pour le montrer à ma famille lorsqu'ils me rendront visite. >> L'étudiante a refait un petit mot pour que Mme A se souvienne du rendez-vous la semaine suivante, mais qui pour des raisons d'emploi du temps de la stagiaire art-thérapeute se déroulerait à 14h30.

Arrive donc la sixième, et dernière séance d'art-thérapie avec Mme A. Cette dernière ne se souvenait plus que la séance avait lieu aujourd'hui, elle avait de plus perdu le papier qui indiquait le rendez-vous. Toutefois elle était motivée et manifestait de la curiosité pour le travail que l'on allait faire en groupe. L'art-thérapeute stagiaire avait appris, avant d'aller la chercher, que Mme A avait participé à l'atelier << musique >> du vendredi passé, et que cela s'était très bien passé. L'animatrice, le personnel et certains résidents étaient heureux de la voir à cette activité ; la fin de la prise en charge s'annonçait de plus en plus rapidement, grâce à l'investissement du personnel dans la démarche de réinsertion sociale de Mme A.

Mme A était la dernière à arriver dans la cafétéria pour le travail de groupe, et cela l'a surprise. Néanmoins elle a poliment salué les cinq autres personnes (deux hommes et trois femmes) avant de s'installer à côté de l'art-thérapeute stagiaire. Le groupe était organisé en cercle, autour de deux tables rondes mises côte à côte. Le travail de cette séance consistait en une activité de modelage d'une fleur avec de l'argile auto-durcissante. Il était très intéressant de voir comment cette activité allait s'organiser, car aucun des résidents, y compris Mme A, n'avait fait de modelage dans leur vie. C'était donc une initiation pour tous, et la communication allait certainement tourner sur une thématique d'entraide et de conseil. C'était d'ailleurs l'une des modalités de la consigne : << N'hésitez pas à vous aider les uns les autres, le principal est de se faire plaisir et de le partager ensemble. >>

Le travail s'est donc effectué de la manière suivante : l'art-thérapeute stagiaire a donné à chacun un gros morceau d'argile et des accessoires de modelage divers. On procédait étape par étape (<< d'abord on va former une boule avec ses mains et en la faisant rouler sur la table en petits cercles >>, << ensuite on va tracer à l'outil en pointe les marques des pétales.... >>), l'artthérapeute stagiaire montrant l'exemple à chaque fois qu'une nouvelle étape du modelage était atteinte. Mme A était un peu nerveuse et travaillait en silence, mais elle regardait attentivement faire les autres, et complimentait de temps en temps l'avancement de l'un ou de l'autre. L'un des résidents s'est intéressé au travail de Mme A, qui n'arrivait pas à transformer le morceau d'argile en boule, et lui a montré sa façon de faire. Mme A s'est aussitôt exécutée et est parvenue à faire la boule. << Il en sait des choses, le monsieur >> a-t-elle dit sur un ton épaté. Cela a fait rire le groupe et Mme A semblait plus détendue qu'au départ. L'artthérapeute stagiaire faisait aussi sa propre fleur, mais aidait de temps en temps quand les résidents en faisait la demande. Au bout de 50 minutes de séance, une << pause-café >> s'est imposée, et chacun s'est mis à discuter autour d'une friandise et d'une boisson. Mme A restait un peu en retrait mais écoutait attentivement les dires de ses voisins et voisines. Les résidents étaient tous un peu timides au départ, mais ce petit moment de détente a permis à chacun de faire un peu connaissance, et de débattre sur des sujets d'actualité dans la bonne humeur. La séance a ensuite repris. Tout le monde n'avançait pas à la même vitesse, mais l'art-thérapeute stagiaire s'arrangeait toujours pour que tout le monde puisse progresser ensemble, et ne laisser personne à l'écart. On écartait, aplatissait les pétales, on y gravait des motifs, et quand ça ne plaisait pas, on recommençait. La méthode n'avait rien de simple, mais comme tout le monde s'entraidait, ceux qui recommençaient leur fleur possédaient déjà une fluidité honorable des gestes, et rattrapaient assez vite le reste du groupe. La séance a presque durée 2h30, et nous ne cacherons pas que le groupe était assez fatigué, mais content de leurs résultats. Mme A semblait déçu de l'allure de sa fleur, mais une autre dame lui assurait au contraire que sa fleur était très bien réussie, ce qui mettait en valeur Mme A, qui a particulièrement apprécié le compliment. Quand la séance s'est terminée, les fleurs devaient rester dans la cafétéria pour sécher. Chacun est reparti dans sa chambre ou dans la salle de séjour, et l'art-thérapeute stagiaire raccompagnait Mme A dans ses appartements. Elle profitait de cette occasion pour demander à Mme A son opinion sur l'activité qu'elle venait de passer, et sa réponse a été tout à fait charmante : << Oh oui, c'était bien. On devrait faire ça tous ensemble plus souvent. >> Alors l'art-thérapeute stagiaire a enchaîné sur le fait qu'une flopée d'activités n'attendait qu'elle pour

retrouver à nouveau ces moments agréables. « Eh bien j'irai. >> L'objectif thérapeutique était atteint : Mme A venait de manifester très clairement son envie de se retrouver et de participer aux activités collectives de l'établissement.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault